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La séance est ouverte. Bienvenue à la 81
e réunion du Comité permanent des finances de la Chambre des communes.
Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement et à la motion adoptée le mercredi 12 janvier 2022, le Comité se réunit pour discuter de l'inflation dans l'économie canadienne actuelle.
La réunion d'aujourd'hui a lieu en format hybride conformément à l'ordre de la Chambre du 23 juin 2022. Certains membres participent ici en présentiel, et d'autres le font à distance avec l'application Zoom.
Je vais présenter quelques observations à l'intention des témoins et des membres du Comité.
Avant de parler, veuillez attendre que je vous donne la parole en mentionnant votre nom. Pour ceux qui participent par vidéoconférence, cliquez sur l'icône du microphone pour activer votre micro. Veuillez ensuite le mettre en sourdine lorsque vous ne parlez pas.
Pour l'interprétation, ceux qui participent avec Zoom peuvent choisir, au bas de l'écran, entre le plancher, le français et l'anglais. Ceux qui sont en présentiel peuvent utiliser les écouteurs et sélectionner le canal désiré.
Tous les commentaires doivent être adressés à la présidence. Si vous voulez prendre la parole, veuillez lever la main. Les membres qui participent sur Zoom sont priés d'utiliser la fonction « Lever la main ». Le greffier et moi-même allons gérer l'ordre des interventions le mieux possible. Nous vous remercions de votre patience et de votre compréhension à cet égard.
J'aimerais maintenant souhaiter la bienvenue à nos témoins.
Nous accueillons aujourd'hui, de BMO Marchés des capitaux, M. Michael Gregory, directeur général, économiste en chef délégué et chef du Service des études économiques aux États-Unis.
Du Mouvement Desjardins, nous accueillons M. Jimmy Jean, vice-président, économiste en chef et stratège.
De la Banque Nationale du Canada, nous accueillons M. Stéfane Marion, économiste en chef et stratège.
Je remercie les témoins de s'être joints à nous aujourd'hui.
Nous allons maintenant vous donner l'occasion de faire une déclaration préliminaire d'un maximum de cinq minutes. Nous commencerons par M. Gregory, de BMO Marchés des capitaux. Vous avez cinq minutes.
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Merci, monsieur le président.
L'inflation au Canada baisse après avoir atteint un sommet de 8,1 % en juin dernier, le taux le plus élevé depuis 1982. Les données publiées cette semaine indiquent que la variation annuelle de l'indice des prix à la consommation, l'IPC, s'est établie à 5,2 % en février, et nous prévoyons d'autres progrès. Cela est dû en partie aux effets de base. Dans la foulée de l'invasion de l'Ukraine par la Russie, le printemps dernier, les prix ont atteint leur plus forte hausse sur trois mois en 40 ans, avec un taux annualisé de 11,6 %. Cela ne se reproduira pas ce printemps. En effet, la plus récente tendance sur trois mois est inférieure à 2 % en taux annualisé.
Toutefois, ces derniers chiffres ont été appuyés par la baisse des prix de l'énergie. Les variations annuelles de l'inflation sous-jacente, ou de base, que nous les mesurions par l'IPC médian, par l'IPC trimestriel ou par l'IPC sans les aliments et l'énergie, sont toutes légèrement inférieures à 5 %. Soulignons que les dernières variations annualisées sur trois mois se situent autour de 3 %. Elles sont beaucoup plus près de l'objectif de 2 %, mais il nous faudra encore plus de progrès.
Fondamentalement, l'inflation se poursuit à un rythme supérieur à l'objectif. Elle s'est accélérée avant tout en raison d'un déséquilibre entre l'offre et la demande dans les économies nationale et mondiale.
Après l'éclosion de la pandémie, la demande pour les produits de base et pour les prix des produits de base a d'abord baissé, mais elle s'est enfin redressée, dans certains cas de façon très marquée. Cette tendance a été exacerbée par l'invasion de l'Ukraine par la Russie. Les conditions météorologiques extrêmes et les maladies ont eu des répercussions sur l'approvisionnement agricole mondial, ce qui n'a pas aidé.
La demande de biens a explosé, en partie parce que les restrictions imposées ont bloqué les services. Cette forte demande a nui aux chaînes d'approvisionnement mondiales qui étaient encore ébranlées par la pandémie, entraînant des pénuries et des arriérés de distribution, ce qui a provoqué une flambée des prix de nombreux biens.
Puis, avec la réouverture de l'économie canadienne, la demande de services a explosé. De nombreux fournisseurs de services ont fait face à une pénurie de main-d'œuvre, ce qui a fait grimper les prix de certains services. L'augmentation de la demande de travailleurs a exercé une pression à la hausse sur les salaires, alors que le taux de chômage était à son plus bas depuis un demi-siècle. Dans l'ensemble, la demande canadienne était si forte que les entreprises ont pu refiler à leurs clients la hausse de leurs coûts de main-d'œuvre et d'autres intrants.
Face à ces pressions inflationnistes croissantes, la Banque du Canada a commencé à resserrer sa politique monétaire il y a un an pour freiner la demande dans l'économie afin que l'offre puisse rattraper son retard, et elle y parvient.
Après huit hausses de taux consécutives et un resserrement cumulatif de 425 points de base, la Banque du Canada a marqué une pause au début du mois. La politique monétaire fonctionne, mais avec un décalage, et la banque est déterminée à ne pas affaiblir la demande plus que nécessaire afin de rétablir la stabilité des prix. Nous pensons que cette pause se poursuivra jusqu'à la fin de l'année.
Néanmoins, il est fort probable que l'économie canadienne ralentira sous le poids du resserrement monétaire, compte tenu du niveau presque record de l'endettement des ménages. Cependant, nous estimons que tout ralentissement sera léger, grâce aux 350 milliards de dollars d'économies excédentaires accumulées par les ménages, à la demande refoulée persistante, en particulier pour les services, et à la solidité du marché du travail. Quant à l'inflation, nous prévoyons que les changements annuels seront de l'ordre de 3 % d'ici à la fin de l'année, ce qui marque une baisse par rapport aux 5 % actuels, et qu'ils seront en voie d'atteindre les 2 % prévus.
Enfin, comme le président Biden est en visite à Ottawa aujourd'hui, il vaut la peine de mentionner comment se compare la lutte des États-Unis contre l'inflation. La variation annuelle de l'IPC américain était de 6 % en février, en baisse par rapport au sommet de 9,1 % qu'il avait atteint l'an dernier. L'inflation mesurée par l'indice de référence aux États-Unis était de 5,5 %, mais sa tendance sur trois mois s'avère plus tenace que celle du Canada et se situe encore autour de 5 %. Les différences de définition expliquent en partie cette situation, mais la demande au sud de la frontière s'avère plus résiliente face au resserrement de la Réserve fédérale. Par conséquent, hier, la Réserve fédérale américaine a relevé ses taux directeurs de 25 points de base, et nous prévoyons une nouvelle hausse des taux au printemps. Compte tenu du resserrement cumulatif de 500 points de base et des difficultés récentes du secteur bancaire, il est probable que l'économie américaine subira un léger ralentissement cette année, ce qui se reflétera sur les perspectives du Canada. Nous prévoyons également que l'inflation aux États-Unis atteindra environ 3 % d'ici à la fin de l'année, comme au Canada.
Voilà qui conclut mes observations. Merci. Je me ferai un plaisir d'en discuter davantage pendant la période de questions.
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Merci beaucoup. Je vous remercie à mon tour de cette invitation.
Je commencerai par l'économie mondiale. Le début de 2023 avait pour thème la résilience. Nous nous attendions assurément à un ralentissement de cadence, mais les données que nous avons reçues, particulièrement pour les mois de janvier et de février, nous montrent que ce ralentissement est moins prononcé que nous l'appréhendions. Nous remarquons même des signes d'amélioration depuis le début de la nouvelle année, notamment dans le secteur des services. Les marchés du travail nous ont fortement surpris par leur vigueur, particulièrement en janvier et en février. Cela a été le cas aux États‑Unis et au Canada. Cela étant dit, nous continuons de prévoir cette année un ralentissement et le début d'une récession.
Aux États‑Unis, le secteur de l'habitation a été très touché par les hausses de taux d'intérêt. Par exemple, par rapport au sommet, on constate une contraction de 58 % des nouvelles demandes en vue d'un achat. De plus, on commence à voir des signes de faiblesse dans la demande de travailleurs de la construction, particulièrement dans le domaine de la construction résidentielle. Cela indique qu'il risque d'y avoir bientôt des pertes d'emplois, qui s'ajouteront à celles que l'on recense actuellement dans les secteurs technologique et financier.
Évidemment, la turbulence actuelle dans le monde bancaire causera, à tout le moins, des dommages permanents. Certaines institutions financières américaines étaient déjà en train de resserrer assez considérablement les conditions de crédit. Cette tendance va vraisemblablement aller en s'amplifiant. Il y a peu de doute que ces dynamiques vont freiner l'investissement et la création d'emplois. Il est encore trop tôt pour déterminer l'ampleur de ce ralentissement, mais nous pouvons dire avec un peu plus de certitude que le ralentissement en douceur que la Réserve fédérale américaine espérait orchestrer relèverait de plus en plus de l'exploit.
Ici, au Canada, nous avons eu un peu moins de surprises positives. Ce n'est pas que nous n'en avons pas eu, mais le bilan a été plus nuancé. Si on exclut les circonstances favorables dans la création d'emplois, la croissance économique a surpris les économistes en stagnant au quatrième trimestre de 2022. L'inflation et le marché immobilier ont également évolué, généralement à la baisse. La consommation des ménages canadiens connaît des hauts et des bas. Par exemple, la province de l'Ontario a connu, au troisième trimestre de 2022, sa plus forte baisse de la consommation depuis 1992, si on exclut la pandémie.
Il reste que les indicateurs plus récents montrent un certain regain du côté canadien, influencé, entre autres, par les livraisons d'automobiles, au gré des améliorations aux chaînes d'approvisionnement. Toutefois, cet effet devrait être temporaire, et plusieurs enquêtes confirment que l'appétit d'achats importants des Canadiens est à un niveau particulièrement bas.
Au fur et à mesure que les emprunteurs hypothécaires renouvellent leur contrat à des taux d'intérêt plus élevés, la ponction additionnelle à leur revenu disponible va nécessiter qu'ils restreignent leur budget pour les dépenses et qu'ils puisent dans leurs épargnes, pour ceux qui jouissent d'une accumulation d'épargnes durant la pandémie, ce qui est loin d'être le cas de tous les ménages. D'autres désireront rembourser leurs dettes. Bref, la consommation discrétionnaire sera touchée.
Ce sera aussi le cas des revenus de certains ménages. Par exemple, ceux qui ont des emplois dans des secteurs vulnérables à la correction immobilière et aux taux d'intérêt pourraient vivre des difficultés financières. La remontée des insolvabilités qu'on observe en ce moment, tant du côté des ménages que des entreprises, sera aussi appelée à se poursuivre.
Les problèmes qui affectent les banques à l'extérieur du Canada pourraient être un facteur additionnel qui inciterait les institutions financières, y compris celles d'ici, à exercer une plus grande prudence, ce qui se refléterait évidemment dans la croissance du crédit, notamment le crédit aux entreprises, qui était assez résilient jusqu'à maintenant.
Selon les informations que nous avons à l'heure actuelle, même si la Banque du Canada a vraisemblablement complété son cycle de hausse des taux d'intérêt, elle risque de maintenir les taux à un niveau élevé jusqu'à la fin de l'année. Cela, combiné au resserrement quantitatif, que nous estimons plus sévère ici, au Canada, qu'aux États‑Unis, met en place les conditions pour que le Canada entre en récession au cours des prochains trimestres et pour que le taux de chômage amorce une remontée.
Nous nous attendons à ce que le taux de chômage canadien atteigne 6,9 % en fin d'année, et ce, alors qu'il était de 5 % en février. La pénurie de main-d'œuvre devrait permettre d'atténuer l'effet de la baisse de la demande agrégée sur l'emploi. C'est pourquoi nous nous attendons à ce que cette récession soit de faible ampleur, historiquement parlant. Cela dit, il faut reconnaître qu'actuellement, les événements financiers mondiaux mettent en lumière un équilibre des risques qui est orienté à la baisse.
Même si le système bancaire canadien repose sur des assises assez solides, la crise financière de 2008-2009 nous rappelle que le Canada n'est pas entièrement immunisé contre les répercussions économiques indirectes qui surviennent généralement dans ce genre d'épisode.
Quant à elle, l'inflation devrait continuer de se modérer. Selon nous, elle n'atteindra pas la cible de 2 % avant l'an prochain, particulièrement en raison de la persistance dans les composantes liées au logement, dans les aliments et dans certains services. Il reste que la fourchette de l'inflation en fin d'année, que nous prévoyons être de 2 % à 2,5 %, devrait donner à la Banque du Canada un niveau de confort suffisant pour qu'elle commencer à assouplir graduellement sa politique monétaire, ce qui inclut de mettre fin au resserrement quantitatif.
Dans notre scénario de base, cet assouplissement monétaire, auquel la Réserve fédérale américaine devrait également contribuer en 2024, et la composante qui commence à jeter les assises d'une reprise économique...
[Traduction]
Nous venons de dépasser un peu le temps alloué. Nous allons maintenant passer à la Banque Nationale du Canada avec M. Stéfane Marion. Avant que vous ne commenciez, monsieur Marion, j'aimerais demander à M. Michael Gregory d'augmenter un peu le volume de son micro.
Pour ce qui est du rythme de vos interventions, messieurs, je vous prie de ne pas parler aussi vite, parce que nous avons des interprètes qui essaient de vous suivre. Leur travail est difficile, alors je vous prie de parler clairement et à un rythme raisonnable.
Monsieur Marion, vous avez cinq minutes.
Vous devrez peut-être débrancher et rebrancher votre casque d'écoute.
Nous entendez-vous, monsieur Marion?
[Difficultés techniques]
Monsieur Marion, nous n'avons ici que quelques casques d'écoute approuvés pour le Parlement. Notre service technique va vous appeler.
Chers collègues et témoins, nous allons commencer notre première série de questions. Si M. Marion nous revient, nous nous interromprons pour écouter ses observations, puis nous passerons aux questions.
Nous allons commencer le premier tour. Nous avons d'abord le député conservateur Morantz, pour six minutes.
En observant ces événements, je crois qu'il est important de comprendre qu'ils découlent du contexte et des facteurs très particuliers de certaines banques. Le système bancaire américain comprend 7 000 banques. Leur gestion est très différente de celle de notre système, qui ne compte que sept grandes banques, sept institutions financières.
Bien évidemment, vu la hausse ultra rapide des taux d'intérêt et la gestion difficile de ces risques dans les bilans de certaines banques, la réglementation est insuffisante. De plus, comme nous l'avons découvert, la banque électronique fonctionne beaucoup plus rapidement que les longues listes d'attente. Je pense que tous ces facteurs se sont combinés pour produire la situation actuelle. Ensuite, l'érosion de la confiance crée des fragilités ailleurs.
Le système canadien s'est toujours montré résilient. Même en 2008‑2009, alors que les problèmes de crédit et les actifs toxiques étaient beaucoup plus complexes, notre système financier a fait preuve d'une forte résilience. Les effets négatifs se sont reportés sur notre économie, mais nos banques sont demeurées solides. En fait, la réglementation très stricte qui en a découlé les a renforcées par la suite.
Je ne crains pas qu'une telle situation ne se produise au Canada. Toutefois, ces événements vont certainement ralentir encore le crédit. Il ralentissait déjà aux États-Unis. Il va ralentir encore plus. Cela se produira peut-être aussi au Canada, car certaines institutions financières font preuve d'une certaine prudence, ce qui accroît la crainte d'une récession.
L'automne dernier, la revue The Economist a publié un article sur les risques qui menacent le secteur du logement. Les auteurs affirmaient que le Canada se situait au premier rang des risques liés au logement. Les Pays-Bas étaient au deuxième rang. Les États-Unis se trouvaient au septième rang, et l'Italie au dix-septième rang.
Selon les auteurs de cet article, tous ces facteurs présagent une dégringolade dans le secteur du logement. Ils ajoutent que cette fois‑ci, la situation ne se manifesterait pas principalement aux États-Unis, mais au Canada, aux Pays-Bas, en Australie et en Nouvelle-Zélande. Les économistes de la Banque Royale prévoient que le volume des ventes chutera de plus de 40 %, ce qui dépassera même la chute de 38 % observée en 2008‑2009. Cet article a été publié en octobre dernier.
Pouvez-vous nous dire si vous êtes d’accord avec ces prévisions et si elles se sont concrétisées, six mois plus tard?
Ma question s'adresse à n'importe lequel de nos témoins.
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Il ne fait aucun doute que le marché canadien du logement se redresse. Partout au pays, nous constatons des diminutions de plus de 10 % par rapport aux sommets atteints, mais j'y observe deux ou trois facteurs intéressants.
Premièrement, même si la vente de maisons ralentit, ce qui donne à penser que la demande demaisons a diminué à la suite de la hausse des taux d'intérêt, la disponibilité des maisons diminue de façon proportionnelle. Il n'y a pas beaucoup de ventes forcées. Très peu de propriétaires vivent au‑dessus de leurs moyens. Je pense donc que nous ne nous retrouverons pas dans la même situation qu'en 2008‑2009. Les institutions financières canadiennes prêtent avec beaucoup de prudence. La majorité des ménages canadiens sont aussi des emprunteurs très prudents, ce qui n'était pas le cas aux États-Unis, comme vous le savez, pendant la grande récession et la crise financière mondiale qui l'a précédée.
Je pense qu'en effet, le secteur se redresse. Cette situation freinera les activités économiques, mais je pense qu'il sera possible de gérer et de maîtriser la situation, alors je ne crains pas du tout qu'elle n'aggrave nos difficultés économiques.
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Comme je l'ai mentionné tout à l'heure, nous n'avons pas le même écosystème bancaire qu'aux États‑Unis. Nous avons une réglementation rigoureuse, qui a été renforcée après 2008 et 2009. Il ne faut pas oublier que, aux États‑Unis, il y a eu des mesures sous l'ancienne administration américaine pour alléger la réglementation. Cela fait aussi partie de l'équation. Nous n'avons pas une structure d'institutions financières qui se concentrent autant sur certains marchés, plus particulièrement sur le marché technologique en l'occurrence. L'aspect de la diversification des dépôts et de l'appariement, on ne les voit pas au Canada. À la base, c'est un problème d'appariement. Évidemment, derrière tout cela, c'est la capitalisation qui est importante.
Effectivement, au Canada, la dette est élevée dans l'industrie et dans le secteur de l'habitation, mais, en contrepartie, nous avons un système bancaire plus solide qu'ailleurs. Nous ne nous inquiétons pas de ce qui se passe et nous ne craignons pas que le même genre de scénario se reproduise au Canada. Cela ne veut pas dire qu'il n'y aura pas d'incidences économiques comme cela a été le cas en 2008 et en 2009. Nos banques avaient résisté, mais nous avions quand même ressenti les effets, surtout indirects, de ce qui s'était passé partout au monde.
Pour ce qui est de la solidité des banques canadiennes et des institutions financières en général, y compris le Mouvement des caisses Desjardins, nous ne nous inquiétons aucunement.
Chers collègues, avant de passer la parole à M. Savard-Tremblay du Bloc, nous allons essayer une fois de plus d'entendre M. Marion. Il a fermé son écran, et...
Il n'est pas présent pour le moment. Bon, alors nous n'essaierons pas d'entendre M. Marion. Je suppose qu'un malheur ne survient jamais seul.
M. Marion pourra envoyer ses observations préliminaires aux membres du Comité et aux analystes en vue de notre rapport. Les membres du Comité pourront aussi lui envoyer leurs questions, s'ils le souhaitent, et obtenir ses réponses par écrit. Ils pourront les remettre aux analystes pour le rapport.
Madame Chatel, c'est à ce sujet? Allez‑y.
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Ce qui rend la situation délicate, en ce moment, c'est que le taux d'inflation est encore très élevé. Il va dans le bon sens maintenant, mais il demeure beaucoup plus élevé que ce qu'on souhaite. Il faut donc être très prudent dans le choix des politiques pour éviter de mettre la Banque du Canada dans une position très difficile.
En ce qui a trait aux mesures de soutien pour les ménages les plus vulnérables, ce qui a été fait, particulièrement en 2022, était la chose à faire. Les provinces ont emboîté le pas au fédéral, d'ailleurs. C'était important pour les gens qui ont le plus de difficulté à mettre de la nourriture sur la table et à payer leur loyer. Étant donné que c'est un contexte indépendant de la volonté de la population, il est important que le gouvernement lui redonne, en quelque sorte, le fruit de l'inflation. On sait que cela a gonflé particulièrement le PIB nominal, par exemple. Alors, l'idée de redonner cela aux gens pour leur permettre de respirer était une bonne chose.
Or il y a une raison pour laquelle ces mesures étaient ponctuelles: elles coûtent cher et cela se reflète sur le solde budgétaire. Celui-ci devrait être beaucoup moins favorisé sur le plan des revenus au cours de la prochaine année, étant donné la récession que nous anticipons et la baisse de l'inflation. Il faut jouer de prudence de ce côté-là. Nous n'encourageons pas le gouvernement à faire une habitude de ce genre de mesures. Elles doivent rester ponctuelles, pour assurer une certaine crédibilité.
Cela étant dit, pour ce qui est de toutes les mesures visant à répondre à la question urgente de la pénurie de logements, avec la forte immigration et le rehaussement des cibles, nous estimons qu'il faudrait une augmentation de 50 % des mises en chantier, par rapport à notre scénario de base, pour empêcher que cette immigration finisse par avoir un impact négatif sur l'abordabilité. Or on est très loin du compte, en ce moment. En fait, ce que nous prévoyons dans notre scénario de base, c'est un recul des mises en chantier, qui est d'ailleurs déjà assez avancé. Il est donc urgent d'adopter des politiques pour finalement faire bouger les choses en matière de création de logements, particulièrement de logements abordables.
Par ailleurs, il est aussi important de réagir à l'Inflation Reduction Act of 2022 des États‑Unis. Ce sera d'une importance majeure, parce que celle-ci est comme un aimant qui va attirer les investissements dans tout ce qui est lié à la transition climatique. Or nous avons des intérêts à protéger à cet égard. Nous avons des filières en développement qui ont un grand potentiel, mais dont l'avenir pourrait être incertain à cause de l'Inflation Reduction Act. Ce sont des choses à faire valoir dans une perspective à long terme.
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Merci beaucoup, monsieur le président.
Monsieur Gregory, j'aimerais revenir sur votre commentaire de tout à l'heure. Vous avez dit que la plupart des Canadiens titulaires de prêts hypothécaires n'ont pas eu de peine à faire leurs versements. J'aimerais comparer cette affirmation à des rapports que certaines des grandes banques ont publiés récemment au sujet de leur portefeuille de prêts hypothécaires.
Nous savons que les prêts à taux variable représentent un pourcentage important des prêts hypothécaires détenus au Canada. Environ les trois quarts d'entre eux exigent des paiements mensuels fixes. La majorité d'entre eux ont maintenant atteint le point critique où aucune part du paiement mensuel n'est versée dans le principal; tout va aux intérêts. En fait, dans certains cas, l'amortissement est négatif, ce qui en prolonge la période en ajoutant au capital le montant des intérêts qui ne sont pas couverts par le paiement mensuel.
J’y vois là un grave facteur de stress dans le système hypothécaire. Il ne s’est pas encore manifesté, parce que les modalités de paiement mensuel ne changent qu’à la fin de la durée du prêt, si elle s'étend sur cinq ans. Cela me préoccupe beaucoup. J'ai quelques questions à ce sujet.
Premièrement, je voudrais vous demander si vous êtes sûr que les banques canadiennes agissent conformément à leur autorité réglementaire en se livrant à cette pratique d'amortissement négatif. Dans quelle mesure cette solution est-elle novatrice pour les banques? Pas plus tard que l'an dernier, très peu de ces prêts hypothécaires avaient atteint leur point critique. S'agit‑il d'une pratique établie qui s'accroît à cause des conditions économiques actuelles?
Deuxièmement, pensez-vous qu’il faudrait établir de nouvelles politiques ou prendre des mesures dans le secteur bancaire? Pensez-vous que certaines mesures de politique publique contribueraient à contrer cette préoccupation croissante sur le marché hypothécaire canadien?
Enfin, je serais curieux de savoir comment vous analysez la situation de ces cinq prochaines années et ce que prévoient les banques. S’attendent-elles à ce que ces propriétaires se trouvent en défaut de paiement lorsqu’elles renouvelleront leur prêt hypothécaire à taux variable? Que devrions-nous changer d'ici là pour que les banques ne se contentent pas de retarder les défauts de paiement en se livrant à cette pratique plutôt que de les arrêter complètement?
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J'ai quelques observations à faire à ce sujet.
Tout d'abord, pour ce qui est de ma première référence au fait que les ménages ne sont pas poussés au‑delà de leur capacité, c'était en comparaison avec, disons, les ménages américains pendant la crise financière mondiale liée à la grande récession que nous avons connue.
Il ne fait aucun doute qu'à mesure que ces prêts hypothécaires seront renouvelés, d'autres obstacles pourraient s'ajouter dans l'économie. En fait, c'est probablement l'une des principales raisons pour lesquelles la Banque du Canada a suspendu ses hausses de taux, sachant qu'il y aura une période au cours de laquelle de nombreux ménages canadiens devront faire face à des paiements d'intérêts hypothécaires plus élevés, à mesure que leurs hypothèques seront renouvelées ou que leurs taux seront réinitialisés. Ils devront s'ajuster en conséquence pour ce qui est de leurs habitudes de dépenses.
Ce qu'il ne faut pas oublier non plus, c'est que depuis de nombreuses années, les systèmes financiers d'octroi de prêts hypothécaires... Les organismes gouvernementaux les ont assurés selon le principe qu'il existait un test de résistance, assez onéreux dans certains cas. Il ne fait aucun doute que bon nombre de ces ménages devront maintenant payer des intérêts hypothécaires plus élevés.
En fait, ce scénario a déjà été répété: ont-ils les ressources financières nécessaires pour s'en sortir? Devront-ils faire des ajustements? Est‑ce que les Canadiens vont commencer à manger un peu moins à l'extérieur, ou à aller peut-être moins au théâtre, ou à faire toute autre activité? La réponse est oui. Encore une fois, c'est précisément le mécanisme qui est en jeu ici. Pour ce qui est de ralentir l'économie, de réduire la demande de façon générale, c'est ce qu'il faut faire.
Comme mon collègue M. Jean l'a mentionné, l'outil des taux d'intérêt fonctionne très efficacement pour ralentir l'économie canadienne dans ce contexte particulier.
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Merci beaucoup, monsieur le président.
D'abord, je remercie tous les témoins d'être avec nous.
Monsieur Jean, vous avez mentionné tout à l'heure l'Inflation Reduction Act des États‑Unis. J'ai bien aimé vos commentaires sur l'occasion opportune qui se présente au Canada d'investir dans la transition vers une économie propre. À mon avis, on ne peut pas risquer de manquer ce virage économique, étant donné l'importance de notre commerce avec les États‑Unis. C'est une grande occasion pour les entreprises canadiennes.
Vous avez vraiment éveillé ma curiosité en disant que nous ne pouvons pas imiter les États‑Unis et que nous devons plutôt reconnaître les forces du Canada et miser sur elles. À cet égard, vous avez mentionné les minéraux critiques et l'expertise de notre main-d'œuvre, qui est l'une des plus éduquées de tous les pays du G20.
Pourriez-vous nous en dire plus à ce sujet, monsieur Jean?
Au regard de la transition énergétique, nous avons des avantages relativement à notre production d'énergie. Prenons l'exemple de l'hydro-électricité au Québec, dont les coûts sont relativement bas. Cela nous confère déjà un avantage naturel qui nous donne un rôle d'acteur crédible en matière d'énergies propres. Toutefois, nous ne pouvons pas nous asseoir sur nos lauriers, car la diminution rapide des coûts de l'énergie solaire et de l'énergie éolienne fait qu'il sera de plus en plus difficile, pour le secteur hydro-électrique, de demeurer concurrentiel. Il faut augmenter très activement notre production d'énergie propre, notamment les énergies éolienne et solaire, non seulement au Québec, mais partout au Canada. C'est un exemple.
Il y a aussi toute une chaîne d'approvisionnement liée aux biens de production d'énergies solaire et éolienne qui va servir la transition énergétique et le développement du réseau électrique.
À ce même titre, les États‑Unis sont une société historiquement beaucoup plus productive, capable de générer des gains de productivité et des économies même sans aide gouvernementale. À cela, on ajoute une aide du gouvernement extrêmement musclée en matière de crédits d'impôt. Il sera très difficile pour le Canada d'y faire concurrence si le gouvernement ne répond pas, et si nous ne ciblons pas les secteurs où nous avons des avantages comparatifs.
L'un de ces avantages se trouve dans le domaine du recyclage des batteries électriques. La demande de batteries électriques va largement dépasser la capacité de production. Cela va créer une grande demande de batteries électriques recyclées, ce qui pourrait devenir un avantage pour le Canada s'il se met déjà en position de devenir une plateforme centrale en la matière. Ce serait peut-être une façon intelligente de répondre aux défis présentés par l'Inflation Reduction Act et, aussi, un moyen de s'inscrire dans les chaînes de valeur de l'Amérique du Nord qui seront générées.
Je pense que les annonces récentes de notre gouvernement au sujet des investissements importants de Volkswagen ici, au Canada, ainsi qu'à Bécancour pour ce qui est des batteries électriques, font que nous sommes effectivement sur la bonne voie.
Monsieur Jean, vous parliez tout à l'heure d'une possible récession. Cela inquiète évidemment beaucoup les Canadiens. Cependant, si nous mettons en place les bonnes politiques, le Canada se place sur la bonne voie pour être un leader dans l'économie de demain.
Pourriez-vous nous transporter un peu plus loin que 2023 et nous faire part de vos prédictions sur le plan économique? Allons-nous nous en sortir?
Nous parlions de résilience, tout à l'heure.
Nous estimons, comme je le mentionnais tout à l'heure, qu'il faudrait augmenter de 50 % les mises en chantier, et ce, immédiatement. Il faudrait entre 300 000 et 350 000 mises en chantier à rythme annualisé afin de pouvoir combler les besoins associés à la demande démographique.
Comme cela a été souligné tout à l'heure, nous avons un marché de l'habitation qui est très serré. Il n'y a donc pas d'excès de l'offre en ce moment. Au contraire, il y a une pénurie.
Partout, dans toutes les grandes villes, il y a un manque criant de logements. L'essor démographique dû à l'immigration et la formation de ménages liée à cela en rajoutent. La nécessité de construire plus de logements est donc non seulement présente, mais criante.
Au bout du compte, s'il n'y a pas suffisamment d'efforts effectués en ce sens, le problème de l'abordabilité, que nous ne verrions pas dans des économies un peu plus dynamiques à moyen terme, risque de perdurer, ce qui aura comme effet de diminuer notre pouvoir d'attraction des talents dont nous avons besoin. Il s'agit d'une question de coût de la vie, finalement.
C'est pour cela que, selon nous, il s'agit d'une préoccupation urgente, particulièrement en ce qui concerne les logements abordables. Je pense aussi que le moment est venu de réfléchir à notre attachement à la propriété. Il existe, dans le monde, plusieurs modèles où les gens sont locataires sans que cela vienne nécessairement entacher leur capacité d'épargner pour l'avenir. C'est évidemment culturel, mais il arrive un point où, dans le processus de maturation d'une société, il devient important de faire ces choix et où il faut vraiment aller au-delà des modèles traditionnels.
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Merci, monsieur le président.
Quand nous parlons de logements abordables, il est important que nous sachions que, durant les 30 années précédant 1995, le Canada a construit, avec les provinces, entre 15 000 et 20 000 unités de logement abordable par année. Cependant, au cours des 30 dernières années, le gouvernement fédéral n'a presque rien construit.
Nous aurions besoin d'environ 500 000 unités de logement abordable. Si on en construit 15 000 à 20 000 par an pendant 30 ans, cela nous donnera à peu près 500 000 unités de logement abordable.
Étant donné que c'est le marché qui a été utilisé pour construire des logements au cours des 30 dernières années, je me demande s'il sera possible de s'attaquer à la pénurie de logements abordables avec seulement les solutions du marché.
Croyez-vous au contraire que nous avons besoin d'un programme d'investissement public pour construire des logements abordables en dehors du marché traditionnel?
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Je crois qu'il devra y avoir de plus en plus de partenariats entre les différents paliers de gouvernement et avec le secteur privé. Si nous nous attendons à ce que le secteur privé construise tout seul autant de logements, cela risque d'être difficile.
C'est sur le plan des arrangements de financement que nous constatons des difficultés, particulièrement au Québec. Selon nous, il y a des efforts à faire pour développer plus d'unités d'habitation en modèle coopératif, par exemple. C'est encore très rare. Ce modèle, qu'on voit très peu ici, mais qu'on voit ailleurs, offre tout de même des solutions plus abordables. Il faut davantage de logements pour les étudiants et les personnes âgées, mais également des modèles intergénérationnels, bref tout ce que la démographie actuelle demande.
Je pense que, au-delà de tout cela, on ne peut pas discuter de cela sans aborder la question de la main-d'œuvre. L'industrie de la construction est une industrie très intensive sur le plan de la main-d'œuvre. Environ 20 % des travailleurs de la construction sont âgés de 55 ans et plus. Il s'agit d'un domaine physiquement très exigeant.
En ce moment, il faut que nous nous demandions s'il y a vraiment une stratégie très claire pour nous assurer que les compétences des immigrants que nous accueillons sont arrimées aux besoins que nous avons, en particulier dans le domaine de la construction.
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C'est une excellente question.
Nous avons fait un test avec M. Marion. Nous avions des problèmes jusqu'au début de la réunion. Nous espérions pouvoir les corriger. Comme on peut le constater, ce n'est pas arrivé. Les interprètes nous ont dit qu'ils n'entendent pas suffisamment bien pour faire leur travail de façon sécuritaire et pour interpréter efficacement. Il a donc été décidé, comme le veut notre protocole, de ne pas entendre M. Marion.
Nous nous excusons des difficultés techniques. Cependant, nous faisons des tests à l'avance, monsieur Morantz, et nous avons fait notre possible avec le témoin. Parfois, c'est Internet; parfois, ce ne sont que les ordinateurs.
Je crois comprendre — et je vais simplement en informer les membres du Comité — qu'une mise à jour se faisait sur l'ordinateur de M. Marion. Juste avant la réunion, une mise à jour a commencé. Ce sont des choses qui arrivent. C'est déjà arrivé à certains des députés ici présents d'ailleurs.
Nous n'avons pas le plein contrôle de la technologie, qui nous laisse parfois tomber. Cependant, je dois dire — j'ai arrêté le chronomètre — que dans bon nombre des réunions que nous avons eues ici, dans tous les comités et à la Chambre des communes, grâce à l'utilisation d'Internet et à la technologie dont nous disposons, nous avons pu entendre des témoins extraordinaires de partout au pays et du monde entier. Lors de notre dernière réunion, nous avons eu des témoins de Paris, en France, et de Stockholm.
Voilà où nous en sommes, monsieur Morantz. Je vais revenir à M. Fast.
J'ai arrêté le chronomètre. Il vous reste donc encore plus de deux minutes.
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Monsieur Fast, madame Chatel et monsieur Morantz, je vous remercie.
Je pense que vous dites ce que pensent tous les députés ici. Nous aimerions beaucoup entendre M. Marion virtuellement, mais ce qui serait encore mieux, si nous en avons l'occasion et si l'emploi du temps de M. Marion le permet, ce serait de l'inviter à venir témoigner en personne lors d'une prochaine réunion sur l'inflation. C'est une possibilité, mais en attendant, nous allons lui donner la possibilité de répondre par écrit à bon nombre des questions qui ont été posées au cours de la réunion aujourd'hui.
Je pense que tous les députés ont réagi positivement. Comme je l'ai dit, nous voulons que tout se passe le mieux possible pour les témoins, les membres du Comité et tous les autres — les techniciens, les interprètes, le greffier et les analystes.
Monsieur Fast, vous en êtes à trois minutes. Il vous reste donc deux minutes de plus pour poser des questions. Je vous en prie.
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D'accord. C'est en fait le deuxième point que je voulais aborder au sujet des investissements d'entreprise.
Depuis de nombreuses années, nos investissements d'entreprise reposent largement des investissements dans le secteur des produits de base. Cette approche nous a bien servis pour générer de la croissance, mais nous constatons que les investissements dans les technologies de l'information et des communications ont été insuffisants.
Quand lapandémie a frappé, la réaction des Américains a été assez étonnante. Du jour au lendemain, les gens ont été obligés de travailler de la maison. Les entreprises ont dû investir massivement dans leurs capacités de télétravail et nous avons constaté une reprise de l'investissement dans les technologies de l'information et des communications. Cette reprise n'a pas été aussi forte ici au Canada.
De plus, en raison du vieillissement de la population, nous sommes évidemment dans une période où les entreprises doivent renforcer leur résilience face à ce changement démographique. L'automatisation est l'une des solutions. Au Canada, nous ne constatons pas le même dynamisme que chez nos voisins du Sud. C'est pourtant un facteur essentiel qui permettra aux entreprises canadiennes non seulement de survivre, mais de soutenir la concurrence parce que les entreprises américaines qui sont totalement automatisées et qui arrivent à produire plus à moindre coût, vont accaparer notre part du marché. Cette possibilité n'a pas suscité beaucoup d'intérêt au Canada et cela nous préoccupe.
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Il faut aussi tenir compte des effets passés. En ce qui concerne ce que vous avez dit au sujet des consommateurs, le Canada a connu une contraction de la demande intérieure au troisième trimestre.
Comme je l'ai mentionné, l'Ontario a enregistré sa plus forte baisse de la consommation réelle depuis 1992, si on exclut la période de la pandémie. Le ralentissement de l'activité économique a donc une incidence.
Nous savons aussi que la politique monétaire a des délais longs et variables. Cela veut donc dire que nous ne ressentons même pas encore l'effet maximal de la première hausse des taux d'intérêt, qui a été décrétée en mars 2022.
On le sentira davantage durant la deuxième moitié de l'année, à plus forte raison dans le cas des hausses de 75 à 100 points de base qui ont été décrétés plus tard.
Les effets du ralentissement continueront de se faire sentir. Je ne pense pas que la résilience du marché du travail ou la baisse de la consommation que nous avons observées nous renseignent sur quoi que ce soit d'utile en ce moment.
Au Québec, le paiement moyen sur un prêt hypothécaire pour l'achat d'une première propriété est passé de 1 350 $ à 2 550 $ en raison de la hausse des taux d'intérêt. Ce prix devient donc extrêmement prohibitif.
Certaines personnes exercent des métiers qui sont sensibles au ralentissement; elles vont en ressentir les effets, non seulement sur leurs paiements d'intérêts, mais sur leurs revenus et leurs perspectives d'emploi.
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Merci, messieurs Jean et Baker.
[Traduction]
Avant de passer au Bloc et à M. Savard-Tremblay, j'aurais une autre précision à apporter. Le réseau de BMO Marchés des capitaux éprouve un problème généralisé de pare-feu et tout le service est en panne. Je veux simplement vous mettre au courant.
Je veux aussi souligner l'excellent travail accompli par le greffier et son équipe pour inviter les témoins que nous leur avons proposés. Cela dit, quand nous avons invité ces témoins, nous leur avons donné le choix de comparaître virtuellement. Avec la permission des membres du Comité, je peux demander au greffier d'insister pour qu'ils viennent témoigner en personne. Nous allons faire tout notre possible pour les faire venir ici en personne.
Nous remercions les témoins qui ont comparu à distance aujourd'hui. Quand des problèmes techniques se produisent, nous voyons que les députés veulent vraiment entendre les témoignages pour les intégrer à notre rapport.
C'est ce que nous ferons à l'avenir. Nous allons insister pour que les témoins viennent en personne. Il n'y a rien de mieux que de les avoir sur place. Je pense que mes collègues sont d'accord avec moi.
D'accord. C'est excellent.
Nous passons maintenant au Bloc. Monsieur Savard-Tremblay, vous avez deux minutes et demie.
Allez‑y, je vous en prie.
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En fait, selon notre prévision de base et les dernières prévisions publiées, nous prévoyons une récession légère et passagère. Effectivement, ce qui se passe dans le domaine bancaire, particulièrement aux États‑Unis, et les ramifications sur l'économie amènent le risque que ce soit plutôt une récession de type modéré, c'est-à-dire une récession typique.
Pour répondre spécifiquement à votre question, au Québec, il y a une croissance négative de 0,2 %, donc une contraction de 0,2 %, de la croissance du PIB réel. Pour le Canada dans son ensemble, l'augmentation est de 0,6 %. Le Québec n'est donc pas moins exposé aux risques actuels. On a vu une forte correction pour ce qui est du marché immobilier, entre autres, en ce qui concerne les mises en chantier, et nous nous attendons à ce que cela se poursuive.
Les consommateurs font preuve d'énormément de prudence. On voit aussi que non seulement les intentions d'effectuer des achats importants sont à la baisse, mais elles sont à un niveau record de faiblesse. Le moral des ménages n'est donc pas au rendez-vous actuellement.
Ce qui tient vraiment l'économie au Québec, c'est le marché de l'emploi. C'est ce qui évite d'observer une catastrophe, pour le moment. Or, encore une fois, certains effets de retard finissent aussi par avoir une incidence sur la résilience du marché de l'emploi.
La bonne nouvelle, c'est qu'il y a une pénurie de main-d'œuvre. Plusieurs entreprises sont donc peut-être mieux positionnées pour retenir des travailleurs ou pour en profiter pour aller chercher du talent. Cela devrait mitiger l'augmentation du taux de chômage à laquelle nous nous attendons. C'est pourquoi nous nous attendons à ce que ce soit léger et passager, mais nous ne pensons pas que ce sera évitable, ni au Québec ni ailleurs.
Monsieur Jean, pour poursuivre dans la même veine, dans quelle mesure, selon vous, le Canada est‑il prêt à faire face à une récession?
Nous savons que les stabilisateurs automatiques peuvent être très utiles en cas de récession, surtout lorsque le taux de chômage commence à augmenter. Nous savons que le gouvernement a récemment porté un dur coup au régime d'assurance-emploi en mettant fin aux mesures temporaires liées à la pandémie en septembre dernier, sans les remplacer par une proposition de modernisation des régimes d'assurance-emploi. Nous entendons dire qu'une récession s'en vient. Nous savons que le régime d'assurance-emploi n'est pas prêt à y faire face. Nous ne savons pas du tout quand le gouvernement va le remplacer.
En ce qui concerne l'assurance-emploi ou d'autres mesures susceptibles, selon vous, d'atténuer les conséquences néfastes d'une récession, dans quelle mesure le Canada est‑il prêt à faire face à une récession? Quelles mesures le gouvernement fédéral devrait‑il mettre en place afin de préparer le pays à une récession?
Cette situation a ceci de bon, c'est qu'elle me permet de prendre la parole, ce qui en fait n'a jamais été un problème pour moi, en tant que politicien. Je vais seulement vous poser mes questions. Je suis désolé, encore une fois, de vous demander de bien vouloir y répondre par écrit et faire parvenir votre réponse au greffier du Comité. Répondez-moi simplement par un signe du pouce, si vous le voulez bien, monsieur Marion.
Très bien. Premièrement, je veux parler du lien entre la politique fiscale et monétaire et les taux d'intérêt, parce qu'il s'agit d'un continuum, à mon avis. Il existe de nombreux exemples historiques, mais je pense à ce qui s'est passé après la Première Guerre mondiale dans la République du Myanmar qui a été frappée par l'hyperinflation causée essentiellement par les politiques monétaires laxistes.
Ici, la Banque du Canada a mis en œuvre un programme historique d'assouplissement quantitatif et d'acquisition d'obligations dans le but de maintenir les taux d'intérêt à un bas niveau. Le gouvernement canadien a enregistré un déficit de plus de 500 milliards de dollars en deux ans. Il y a quelques mois, j'ai eu l'occasion d'interroger Tiff Macklem au Comité et il a confirmé que si les dépenses du gouvernement avaient été moins élevées, l'inflation aurait été moins forte.
Cela est d'autant plus important parce que lorsque l'inflation s'installe, les banques centrales n'ont pas vraiment beaucoup d'options pour maîtriser la situation. Elles peuvent augmenter les taux d'intérêt et essayer de vendre certaines des obligations qu'elles ont acquises — ce qu'elles appellent le resserrement quantitatif — dans le but de réduire la masse monétaire qu'elles ont accumulée grâce à leur programme d'assouplissement. Pourriez-vous nous dire, par écrit, si vous être d'accord avec cette analyse? C'était là ma première question.
Voici maintenant ma deuxième question. Lorsqu'il y a un écart entre les taux de financement à un jour américains et canadiens, quel en est l'impact sur le dollar canadien? Si j'ai bien compris, lorsque le taux de financement à un jour est plus élevé aux États-Unis, le rendement des obligations est plus élevé. Nous assisterons alors à une migration des capitaux vers le pays où le rendement est le meilleur, ce qui signifie que cela réduirait la demande pour le dollar canadien et, du coup, l'affaiblirait probablement.
Actuellement, il n'y a qu'un quart de point d'écart, mais je crains que si M. Powell décide de continuer à relever les taux d'intérêt aux États-Unis — et nous avons entendu dire que, comme la demande est un peu plus tenace là‑bas qu'ici, il n'a pas renoncé à cette idée et nous sommes actuellement en attente —, à partir de quel écart entre les deux taux de financement à un jour les capitaux migreraient-ils du dollar canadien vers le dollar américain? Voilà pour ma deuxième question.
Ma troisième question porte sur les saisies, parce que nous n'avons pas réussi à obtenir une réponse claire à ce sujet et qu'une tempête parfaite nous menace. Nous avons des amortissements négatifs. Je n'avais encore jamais entendu cette expression. Les gens font leurs paiements, mais le montant qu'ils doivent verser chaque mois ne cesse d'augmenter. Les prix des logements ont grimpé en flèche avant de chuter brutalement. Tout indique qu'une récession est imminente. Certains pensent qu'elle sera faible, mais un ralentissement économique semble inévitable. À votre avis, est‑ce que cela risque d'entraîner une hausse des saisies, si jamais un nombre croissant de Canadiens perdaient leur maison, et quelles en seraient les répercussions sur leurs finances personnelles?
Ai‑je épuisé mes cinq minutes?
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Je peux vous parler des taux d'intérêt canadiens par rapport aux taux américains.
Premièrement, ce n'est pas une situation inhabituelle ni surprenante, parce que les marchés sont bien positionnés pour cela. Le dollar canadien s'est affaibli, ce qui n'est pas directement attribuable à la différence de nos politiques respectives. Je le répète, ce n'est pas inhabituel. Cela se produit dans chaque cycle économique. À la fin du cycle, les taux d'intérêt sont plus élevés aux États-Unis qu'au Canada. Actuellement, le dollar canadien est faible, pendant que le dollar américain prend de la force en raison de l'aversion au risque. Nous avons vu cela durant la pandémie.
Deuxièmement, au Canada, le contexte de l'endettement des ménages est différent de celui qui prévaut aux États-Unis, comme nous l'avons déjà dit. Pour cette raison, la Banque du Canada ne peut pas... Chaque hausse de 25 points de base fait plus mal au Canada qu'aux États-Unis.
Ma troisième observation est la suivante. Concernant le resserrement quantitatif amorcé par la Banque du Canada, nos analyses démontrent que cette année, il est plus mordant au Canada qu'aux États-Unis pour des raisons techniques liées au plafond de la dette. Autrement dit, même si les taux sont constants, le resserrement quantitatif est un moyen utilisé par la Banque du Canada pour appliquer une politique monétaire restrictive. Cela n'a pas cessé.
Pour toutes ces raisons, le resserrement que nous observons actuellement au Canada est justifié, selon moi. La Banque du Canada n'a pas à s'inquiéter outre mesure du comportement du dollar dans l'immédiat.
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Au Canada, la reprise devrait être à 0,9 % au Canada et à 1,4 % aux États‑Unis. Cette année, au Canada, la reprise est à 0,6 %. Il y aura donc une augmentation de la reprise économique.
Ces chiffres permettent de constater que la situation n'est pas la même que celle qu'on a vécue par le passé, alors que les rebonds se situaient à 3 ou 4 %, voire plus. La raison pour laquelle c'est ainsi, c'est que les taux d'intérêt sont élevés. Dans le scénario actuel, l'environnement de taux d'intérêt n'est pas accommodant.
Étant donné que les banques centrales ont été échaudées par ce qu'elles ont vécu et qu'il va y avoir beaucoup de volatilité et d'incertitude par rapport à l'inflation, nous pensons que les taux d'intérêt vont converger vers le point de neutralité. Cela arrêtera de faire mal à l'économie, mais cela ne permettra pas de la stimuler. C'est la raison pour laquelle la reprise est quand même assez lente. L'inflation, qui est à la cible, ne converge pas en dessous de la cible, ce qui pourrait justifier des baisses de taux plus importantes. On ne voit pas cela dans notre scénario, pour les raisons qu'on a mentionnées tout à l'heure.
La bonne nouvelle pour le marché du travail, c'est qu'on connaît un plafonnement du taux de chômage à 6,9 %. À partir de là, on s'attend à voir une baisse graduelle du taux de chômage et une amélioration des revenus. Cela devrait permettre aux ménages de vivre un répit.
Lorsque l'inflation est plus faible, cela signifie que les taux réels vont finalement croître. On va finalement être dans une situation positive, après deux ans de taux réels négatifs. Cela va favoriser un essor sur le plan des dépenses et une augmentation de l'activité immobilière.
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Il y a des choses qui échappent à notre contrôle.
Monsieur Marion, merci beaucoup d'être resté avec nous pour écouter nos nombreuses questions et de nous faire parvenir vos observations.
Nous avons perdu M. Gregory à cause d'un problème de connexion Internet et de pare-feu à la banque. Le réseau Internet est en panne. Un malheur n'arrive jamais seul, dit‑on.
Nous vous remercions pour vos témoignages et votre participation à notre étude sur l'inflation dans l'économie canadienne actuelle.
Je tiens également à remercier notre greffier qui communique avec tout le monde, ainsi qu'avec les techniciens et les analystes. Je peux vous assurer qu'ils font un travail extraordinaire et ne ménagent aucun effort pour s'assurer que les témoins viennent témoigner en personne. Nous aimons avoir les témoins sur place. Aujourd'hui, certains ont comparu virtuellement, mais nous essaierons de les réinviter à l'une de nos prochaines réunions.
Merci beaucoup à tous.
La séance est levée.