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Bienvenue à la 72
e réunion du Comité permanent des finances de la Chambre des communes. Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement et à la motion adoptée par le Comité le lundi 20 juin 2022, la réunion portera sur l'état actuel du fédéralisme fiscal au Canada.
Les délibérations se tiendront en mode hybride, conformément à l'ordre pris par la Chambre le 23 juin 2022. Certains députés siègent en personne et d'autres siègent à distance, au moyen de l'application Zoom.
Voici quelques consignes qui s'adressent autant aux témoins qu'aux députés.
Veuillez attendre que je vous nomme avant de prendre la parole. Si vous participez à la réunion par vidéoconférence, cliquez sur l'icône du microphone pour l'activer, et mettez‑le en sourdine quand vous avez terminé votre intervention.
Pour entendre les interprètes dans l'application Zoom, vous pouvez sélectionner le parquet, l'anglais ou le français au bas de votre écran. Si vous êtes dans la salle, utilisez l'oreillette et sélectionnez le canal de votre choix.
Je vous rappelle que toutes les interventions doivent être adressées à la présidence. Les députés dans la salle peuvent lever la main pour demander la parole. Dans Zoom, veuillez utiliser la fonction de main levée. Les greffiers et moi-même ferons de notre mieux pour respecter l'ordre d'intervention. Nous vous remercions à l'avance de faire preuve de patience et de compréhension à cet égard.
Je vais maintenant présenter les témoins mais, auparavant, je signale aux députés que les tests requis ont été effectués avant la réunion et que tout allait bien.
Nous accueillons aujourd'hui M. Daniel Béland, le directeur de l'Institut d'études canadiennes de l'Université McGill, ainsi que M. James McGill, un professeur retraité du département de sciences politiques du même établissement. Ils témoigneront à titre personnel.
M. Lee Soderstrom, un autre professeur retraité de l'Université McGill, témoignera aussi à titre personnel. Soyez le bienvenu.
Représentant le Bureau du directeur parlementaire du budget, nous recevons le directeur parlementaire du budget lui-même, M. Yves Giroux, qui est accompagné de M. Robert Behrend, un conseiller-analyste. Messieurs, soyez les bienvenus.
Messieurs les témoins, vous avez maintenant jusqu'à cinq minutes pour faire vos déclarations liminaires.
Nous allons écouter vos déclarations préliminaires dans l'ordre où je vous ai présentés. Monsieur Béland, à vous l'honneur.
[Français]
Je vous remercie de m'avoir invité à témoigner aujourd'hui sur la question de la situation du fédéralisme fiscal au Canada.
Le fédéralisme fiscal est un aspect fondamental de nos politiques publiques et de notre système fédéral, qui est sans contredit l'un des plus décentralisés sur la planète. La façon dont les grands transferts fédéraux fonctionnent et leur niveau de générosité sont toutefois des sources majeures de controverse partout au pays.
C'est particulièrement le cas du Transfert canadien en matière de santé, dont les provinces exigent la bonification immédiate, et du programme de péréquation, qui est contesté sur le plan politique, notamment par les gouvernements de certaines provinces qui ne reçoivent pas de paiements de péréquation en ce moment. Si les provinces s'entendent au sujet de la nécessité d'augmenter de manière importante le Transfert canadien en matière de santé, la péréquation divise davantage les premiers ministres provinciaux.
Malgré son caractère parfois controversé, la péréquation est nécessaire dans un pays où les inégalités économiques régionales sont considérables. C'est d'ailleurs pour cette raison que le paragraphe 36(2) de la Loi constitutionnelle de 1982 proclame ceci:
(2) Le Parlement et le gouvernement du Canada prennent l'engagement de principe de faire des paiements de péréquation propres à donner aux gouvernements provinciaux des revenus suffisants pour les mettre en mesure d'assurer les services publics à un niveau de qualité et de fiscalité sensiblement comparables.
Cet impératif demeure actuel et la péréquation est là pour de bon. Plus généralement, au-delà de la péréquation, les transferts fiscaux du gouvernement du Canada vers les provinces et les territoires demeurent l'un des fondements de notre système fédéral, qui ne pourrait fonctionner sans ces derniers. Ce rôle fiscal du gouvernement du Canada dans notre système fédéral rend en partie possible la décentralisation de nombreux services publics partout au pays. C'est le cas, notamment, du programme de péréquation. Sans celui-ci, nous aurions peut-être une fédération plus centralisée qu'elle ne l'est aujourd'hui, et je pense que c'est un élément important à souligner.
[Traduction]
Dans les années à venir, il sera impératif de prêter une attention constante à l'architecture du fédéralisme fiscal et d'adapter les transferts fédéraux au contexte économique et budgétaire changeant à l'échelle du pays. Le fédéralisme fiscal doit être revu de façon régulière, même si certains changements peuvent prêter à controverse. S'il n'est pas constamment adapté, le fédéralisme fiscal risque de basculer dans ce que Jacob Hacker, un politologue de l'Université Yale, appelle la politique du laisser-faire, une logique d'immobilisme qui peut à long terme nuire à l'efficacité des politiques publiques.
Pour éviter le laisser-faire en matière de fédéralisme fiscal, il faut rester à l'affût de tout ce qui peut contribuer à améliorer le système. J'ai corédigé le document Three Policy Pathways for Federal Health-Care Funding in Canada avec l'économiste Trevor Tombe, de l'Université de Calgary, qui a été publié il y a un an. Nous y expliquons qu'au lieu du statu quo, le Canada pourrait ajuster les transferts en santé en fonction des facteurs démographiques, et même envisager un nouveau modèle de régime fiscal.
Il est important à mon avis d'avoir une véritable réflexion au sujet de la réforme du système. Une réforme graduelle n'est pas forcément une mauvaise solution. C'est une approche prudente, mais il ne faut pas hésiter à sortir des sentiers battus pour avoir une vision plus large des options qui s'offrent à nous en dehors du statu quo.
Pour ce qui est de la péréquation, le gouvernement canadien devrait former un nouveau groupe d'experts, à l'image du Groupe d'experts sur la péréquation et la formule de financement des territoires en 2005‑2006. Sous la présidence de l'économiste albertain Al O'Brien, le groupe a déposé son rapport en mai 2006, et ses recommandations ont été mises en œuvre l'année suivante.
Naturellement, la situation a beaucoup changé depuis l'adoption du Programme de péréquation en 2007, qui a été modifié en 2009. Les conditions sont différentes, notamment pour ce qui a trait à la capacité fiscale des provinces, dont l'écart se rétrécit, surtout depuis 2014. Parce que le contexte a évolué, il faut revoir la formule de péréquation et, bien honnêtement, revoir le fédéralisme fiscal dans son ensemble.
À long terme, le gouvernement canadien devrait envisager de mettre sur pied un groupe d'experts permanent qui pourra le conseiller sur une base continue en matière de fédéralisme fiscal. C'est ce qu'ont fait d'autres pays à régime fédéral, dont l'Australie, où la Commonwealth Grants Commission, fondée en 1933, a pour rôle d'apaiser les tensions politiques suscitées par la péréquation et d'autres transferts fédéraux. Cela dit, il est clair que l'affectation des ressources fiscales demeurera toujours un sujet litigieux. Rien n'est plus politique que l'argent et sa répartition dans un système fédéral.
Peu importe qui aura le rôle de conseiller le gouvernement fédéral sur les réformes à apporter pour éviter le laisser-faire et adapter notre système de fédéralisme fiscal au contexte, l'essentiel sera d'avoir une vue d'ensemble plutôt que de considérer chaque transfert individuellement. Par exemple, il faudra tenir compte de l'interaction entre la péréquation et les transferts canadiens aux programmes sociaux et de santé. Avant d'apporter des changements à un transfert en particulier, il faudra examiner les répercussions sur les deux principaux transferts.
La réforme du fédéralisme fiscal…
[Traduction]
Il faudra aussi avoir un débat plus large sur la capacité fiscale, notre situation économique, le vieillissement de la population, les disparités régionales et d'autres facteurs qui sont déterminants pour la disponibilité des ressources fiscales et les capacités inégales des provinces et des territoires.
Pour conclure, je porte à votre attention la publication à venir d'un rapport du Réseau sur les politiques de fédéralisme fiscal intitulé The Road Ahead: Rethinking Fiscal Federalism for the 21st Century, qui offre une vue d'ensemble des trois principaux transferts et d'autres aspects du fédéralisme fiscal au Canada. Le rapport sera publié au cours du mois à venir grâce au soutien de l'Institut de recherche en politiques publiques et de la Canada West Foundation. Dès qu'il paraîtra, je vais vous faire parvenir une copie du rapport.
[Français]
Merci beaucoup de votre attention.
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Je voudrais aborder un aspect du fédéralisme fiscal qui soulève beaucoup de controverse ces temps‑ci, [
inaudible] système de santé.
Ces dernières années, beaucoup de premiers ministres des provinces ont reproché à Ottawa d'avoir réduit considérablement la contribution aux programmes provinciaux de santé. Selon les provinces, Ottawa assumerait actuellement 21 % des coûts des régimes provinciaux, et elles demandent que cette contribution augmente à 35 %. Comme je vais l'expliquer dans quelques instants, les provinces se trompent. La contribution du fédéral n'a pas diminué.
Le fédéral assume la même part des dépenses des provinces qu'au milieu des années 1970, c'est‑à‑dire 35 % environ. L'erreur des provinces vient du fait qu'elles tiennent compte seulement des versements annuels en espèces d'Ottawa. Elles font abstraction de la valeur considérable des transferts de points d'impôt par Ottawa depuis 1977.
Je connais bien les modifications apportées aux ententes de partage des coûts avec le fédéral. À compter de 1968 et pendant 40 ans par la suite, j'ai été économiste spécialisé dans le domaine de la santé à l'Université McGill. Durant la période des négociations sur la réforme des ententes de partage des coûts, en 1976, j'écrivais mon livre The Canadian Health System et je suivais la situation de très près.
Je ne mets pas en doute le bien-fondé d'une hausse du financement des soins de santé mais, à mon avis, les négociations entre le fédéral et les provinces concernant les sommes allouées et les modalités devront reposer sur des analyses rigoureuses et non sur les allégations fautives des provinces.
Les nouvelles dépenses exigeront probablement des injections de fonds supplémentaires des deux ordres de gouvernement, mais les provinces refusent de l'admettre. Selon elles, Ottawa doit payer la note.
Pour comprendre pourquoi les allégations des provinces sont erronées, il faut commencer par les modifications apportées aux ententes de partage des coûts en 1977. Avant, seuls les coûts liés aux services hospitaliers et médicaux étaient partagés avec le fédéral. Ainsi, en 1976, Ottawa payait 46 % des coûts des provinces pour ces deux services. Ces paiements équivalaient à 36 % des dépenses totales des provinces.
Qui plus est, avant 1977, le fédéral versait seulement des transferts en espèces. En 1977, Ottawa et les provinces se sont entendus sur une réduction de ces versements en espèces et le transfert de points d'impôt fédéraux aux provinces en contrepartie. Autrement dit, Ottawa a réduit ses taux d'imposition du revenu pour que les provinces puissent augmenter les leurs. Ainsi, depuis 1977, la contribution du fédéral aux coûts des provinces, si on fait bien les calculs, doit être considérée comme ayant deux volets, soit les versements en espèces et les recettes fiscales supplémentaires par suite du transfert de points d'impôt. L'erreur des provinces vient du fait qu'elles tiennent compte seulement du premier volet, les versements en espèces.
Selon les calculs que j'ai faits il y a de nombreuses années, les provinces font une erreur importante puisque ces points d'impôt leur rapportent énormément. En 2005, 2006 et 2007, les versements en espèces couvraient à eux seuls 22 % des dépenses des provinces en santé. Si on ajoute la valeur des points d'impôt, ce sont 34 % de ces dépenses qui ont été prises à charge par Ottawa. C'est à peu près l'équivalent de la part assumée en 1976.
David Naylor, un chercheur canadien réputé dans le domaine de la santé et ancien président de l'Université de Toronto, et deux de ses collègues sont arrivés au même constat en 2019. Au total, les transferts fédéraux équivalaient à 35 % des dépenses totales des provinces en santé. Là encore, c'est très proche des chiffres de 1976.
Donc, à l'inverse de ce que font valoir les provinces, Ottawa n'a pas réduit sa contribution aux dépenses en santé. Les provinces devraient cesser de prétendre le contraire. Même si une hausse du financement des soins de santé peut se justifier, les négociations nécessaires entre le fédéral et les provinces devront reposer sur une analyse rigoureuse et non sur les allégations erronées des provinces.
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Monsieur le président, membres du Comité, nous vous remercions de nous avoir invités à comparaître devant vous aujourd'hui. Nous sommes heureux d'être ici pour discuter de notre analyse liée à votre étude sur l'état actuel du fédéralisme fiscal au Canada. Je suis accompagné aujourd'hui de M. Robert Behrend, qui est conseiller-analyste à mon bureau.
La loi confère au directeur parlementaire du budget le mandat de fournir des analyses indépendantes et non partisanes afin d'aider les parlementaires à remplir leur rôle constitutionnel, qui consiste à demander des comptes au gouvernement. Conformément à ce mandat, mon bureau a publié des rapports sur les principaux transferts du gouvernement fédéral et la viabilité financière à long terme des différents ordres de gouvernement.
En septembre 2020, nous avons publié un rapport intitulé « Soutien fédéral: principaux transferts aux gouvernements provinciaux et territoriaux ». Ce rapport examine le soutien que le gouvernement fédéral a apporté aux gouvernements provinciaux et territoriaux entre 2008‑2009 et 2018‑2019 au moyen des principaux paiements de transfert.
[Traduction]
Plus récemment, en juillet 2022, nous avons publié notre Rapport sur la viabilité financière de 2022, qui fournit une évaluation de la viabilité financière à long terme du gouvernement fédéral, des administrations infranationales et des régimes de retraite généraux, y compris une analyse de nos projections à long terme pour les principaux transferts fédéraux aux autres administrations.
De plus, nos Perspectives économiques et financières - Octobre 2022 présentent nos projections actuelles pour le Transfert canadien en matière de santé, le Transfert canadien en matière de programmes sociaux et les programmes de péréquation.
M. Behrend et moi nous ferons maintenant un plaisir de répondre à vos questions sur notre analyse des principaux transferts du gouvernement fédéral ou sur tout autre aspect du travail du Bureau du directeur parlementaire du budget, le BDPB.
Merci.
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Merci, monsieur le président. Je remercie les témoins de participer à notre étude d'une très grande importance.
Je suis revenu au comité des finances très récemment et je n'étais donc pas présent au début de l'étude. Je dois faire un peu de rattrapage.
Mes questions seront assez élémentaires. La première portera sur les transferts de péréquation et le principe sous-jacent. Je crois que je vais commencer avec le directeur parlementaire du budget, mais si d'autres témoins veulent ajouter leur grain de sel, n'hésitez pas.
Le principe général veut que les transferts de péréquation doivent permettre aux provinces et aux territoires de fournir des services sociaux à des niveaux de qualité et de fiscalité sensiblement comparables.
Est‑ce que c'est plus ou moins exact?
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D'accord, mais ce n'est pas tout à fait de cela que je voulais parler. Il y a plusieurs années, mon plus jeune fils a reçu un diagnostic d'autisme assez grave. J'ai fait partie de ceux qui ont fait du lobbying auprès du gouvernement provincial pour une amélioration des services thérapeutiques en matière d'autisme et nous avons gagné notre bataille. Le Manitoba est maintenant une référence en la matière avec son programme d'analyse appliquée du comportement.
Mon expérience personnelle m'a amené à découvrir que dans certaines provinces, les services liés à l'autisme sont tout simplement inexistants. Nous avons des amis de la Nouvelle-Écosse qui ont des enfants autistes et qui ont dû se résoudre à déménager au Manitoba pour bénéficier de notre programme.
C'est ce qui m'intéresse. Il me semble que si des millions de dollars sont distribués aux différents gouvernements à l'échelle du pays, tous les citoyens du Canada devraient avoir droit à des services similaires. Je parle de la nature précise des services et des programmes, pas seulement des mesures dont vous avez parlé. J'aimerais savoir si quelqu'un d'entre vous a fait ce genre d'analyses et, sinon, y aurait‑il lieu de faire ces analyses?
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Nous allons donc attendre la mise à jour.
Dans le rapport, vous indiquez que le ralentissement de la croissance de l'économie va exercer des pressions à la hausse sur certains programmes gouvernementaux comme ceux qui sont liés aux soins de santé, la Sécurité de la vieillesse et les prestations des régimes de retraite. Vous ajoutez que la politique budgétaire devra probablement être revue pour éviter une accumulation non viable de la dette publique et que, au moment de la publication du rapport, le gouvernement pouvait augmenter les dépenses ou réduire les impôts de 45 milliards de dollars.
Compte tenu des changements… Je sais que vous avez déjà répondu à la question, mais je suis quand même curieux. Les hausses des taux d'intérêt par la Banque du Canada visent surtout à réduire la croissance économique pour faire baisser la demande. Si cet objectif est atteint, il devrait y avoir des pressions à la hausse sur ces programmes.
Êtes-vous d'accord avec cette analyse?
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Merci, monsieur le président.
Je remercie les témoins de leur présence.
Je vais m'adresser à M. Soderstrom. Vous avez soulevé des points très intéressants. De toute évidence, vous étudiez cette question depuis beaucoup plus longtemps que moi.
J'aimerais savoir quel effet de la péréquation devrait contribuer à la régionalisation. Dans des provinces comme l'Alberta, le PIB par habitant équivaut à 185 % par rapport à celui de la province d'où je viens, l'Île-du-Prince-Édouard, et le revenu personnel y est 160 % plus élevé.
Vous avez évoqué les allégations inexactes des provinces et le partage des coûts avec les provinces. Vous avez parlé des points d'impôt.
Pouvez-vous nous en dire davantage au sujet des points d'impôt et de leur efficacité dans la formule de péréquation?
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Volontiers. Merci beaucoup de poser cette question.
En Australie, la Commonwealth Grants Commission existe depuis 1933. Bien entendu, sa mission a évolué au fil du temps. C'est une instance qui regroupe un président et au moins deux autres commissaires, et dont le rôle consiste à examiner le fédéralisme fiscal australien, et notamment la formule de partage de la taxe sur les produits et services, la TPS. L'Australie a un régime de partage fiscal plutôt intéressant dont le Canada pourrait certainement s'inspirer. En fait, la TPS est partagée entre les territoires et les six États australiens.
Les membres de la Commonwealth Grants Commission examinent les finances publiques des provinces et des territoires, ainsi que l'évolution de la conjoncture économique. La commission soumet un rapport au Parlement australien dans lequel elle donne ses recommandations sur les paiements de péréquation et les transferts fiscaux. Les commissaires n'ont évidemment aucun pouvoir décisionnel. L'adoption ou le rejet des recommandations sont décidés par vote au Parlement.
À mon avis, l'avantage de ce système par rapport à la péréquation est qu'il suscite moins de tensions politiques étant donné que la commission est indépendante. C'est un organisme totalement indépendant du pouvoir politique. Elle n'est pas constituée de fonctionnaires qui obéissent aux instances politiques au sein du gouvernement. Les personnes chargées de faire des recommandations n'ont aucun lien avec le gouvernement.
Avec André Lecours et d'autres, j'ai écrit un article sur la manière dont le Canada pourrait tirer profit de ce modèle. C'est un modèle dont nous pourrions nous inspirer, sans le copier, pour obtenir exactement les mêmes résultats. Je crois qu'il serait très avantageux d'avoir un organisme permanent en matière de péréquation. Nous pourrions aussi examiner le TCS et le TCPS, essayer de comprendre les interactions.
Le fonctionnement du programme canadien de péréquation n'a pas changé depuis sa création en 1957. Encore aujourd'hui, il repose uniquement sur le calcul de la capacité fiscale des provinces. En Australie et dans d'autres pays à régime fédéral, la formule tient compte aussi des besoins en dépenses en fonction de facteurs comme le vieillissement de la population, la présence autochtone sur le territoire ou le nombre d'immigrants. Les besoins en dépenses sont pris en compte en plus de la capacité fiscale. Le régime australien de péréquation est encore plus complexe que le régime canadien.
Chose certaine, nous devrions envisager une réforme au chapitre de la gouvernance du régime de péréquation. C'est un enjeu politique extrêmement épineux actuellement et un organisme indépendant serait certainement utile. C'est un dossier qui sera toujours litigieux parce que, comme je l'ai dit, il est question d'argent et les conflits politiques entre les régions du pays…
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Merci, monsieur le président.
Je remercie les témoins de leur présence et de leurs présentations très intéressantes.
Mes questions s'adresseront à M. Giroux ou à M. Behrend.
Avant de poser mes questions, j'aimerais rappeler le but de cette étude sur le fédéralisme fiscal, qui est une initiative de notre collègue néo-démocrate M. Daniel Blaikie. Ce dernier voulait porter les propositions de Seth Klein, que nous avons reçu lors de notre première rencontre de l'automne et dont l'idée de base était d'intégrer des mesures de transition verte dans le fédéralisme fiscal.
Pour la rencontre d'aujourd'hui, j'aimerais revenir aux bases du concept de fédéralisme fiscal.
Monsieur Giroux ou monsieur Behrend, je vous prends peut-être de court, mais êtes-vous en mesure de nous expliquer ce qu'est le fédéralisme fiscal, selon vous?
Selon ma compréhension, en vertu de la Constitution, qui a séparé les champs de compétence, chaque ordre de gouvernement a ses propres rôles à jouer et, idéalement, les recettes devraient correspondre au niveau de dépenses nécessaire dans chacun de ces champs de compétence.
Si je comprends bien, dans le fédéralisme fiscal, il peut y avoir des programmes. Depuis le début de la rencontre, nous parlons des trois programmes de transferts fédéraux: le Transfert canadien en matière de santé, le Transfert canadien en matière de programmes sociaux et le programme de péréquation. Cela permet aux autres administrations, les administrations infrafédérales, si je puis dire, d'offrir les services qu'elles ont à offrir et, possiblement, d'effectuer une certaine redistribution des ressources au sein de la fédération.
J'aimerais entendre vos commentaires là-dessus.
Je vais exclure ici les régimes de pension, parce qu'ils sont viables à long terme. C'est la conclusion à laquelle nous sommes arrivés, comme nous nous y attendions.
Les grandes conclusions du rapport sur la viabilité financière indiquent que l'ensemble du secteur gouvernemental est viable à long terme. Nous entendons par là une période de 75 ans, selon l'état des politiques actuelles. Autrement dit, si on appliquait le pilote automatique aux politiques actuelles pendant 75 ans, il n'y aurait pas d'augmentation perpétuelle de l'endettement.
Cela dit, la situation est meilleure au fédéral que dans l'ensemble des provinces. La situation du fédéral, lorsque nous l'avons évaluée en juillet, était viable à long terme. Celle des provinces et des territoires, pris dans leur ensemble, ne l'est pas. Ce qui explique cet écart, c'est que la majorité des dépenses fédérales sont contraintes par la croissance du PIB. On parle ici des transferts aux administrations provinciales et aux individus. En revanche, les dépenses principales des provinces sont à la hausse, surtout en raison du vieillissement de la population. En effet, les personnes âgées ou très âgées demandent beaucoup plus de soins de santé que les personnes de moins de 65 ans ou de moins de 50 ans. C'est ce qui explique la disparité.
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Merci beaucoup de cette réponse.
C'est une constatation qui semble revenir dans la plupart de vos rapports sur la viabilité financière. En effet, dans chacun de vos rapports, vos projections à très long terme indiquent que le fédéral s'en tirera bien et sera en mesure de faire des surplus, voire de réduire sa dette, alors que les provinces pourraient faire face, à long terme, à des déficits qui s'accumuleraient, ce qui ferait augmenter la dette. Toutefois, la situation qui est décrite dans le dernier rapport, même si elle est plus favorable pour le fédéral que pour les provinces, est moins mauvaise qu'elle ne l'était lors des rapports précédents dans le cas des provinces.
Savez-vous ce qui pourrait expliquer cela?
Lorsque nous interrogeons les gens du gouvernement sur les transferts en santé, ils nous disent que, de toute façon, ils vont les augmenter de 10 % cette année, étant donné que la formule de transfert tient compte de l'inflation.
Avez-vous des commentaires à faire sur cette augmentation de 10 %? Avez-vous déterminé si, en tenant compte de l'inflation, ces transferts seront plus généreux que ceux des années précédentes?
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Merci, monsieur le président.
Je souhaite la bienvenue aux témoins, et merci pour vos éclairages.
Je vais poser une première question à M. Béland.
Je précise que je remplace mon collègue, Daniel Blaikie, comme il a été mentionné précédemment. Il vient de lire le livre que vous avez corédigé, Fiscal Federalism and Equalization Policy in Canada, qui présente selon lui un point de vue intéressant sur le fédéralisme fiscal actuel au Canada. Il vient aussi de terminer A Good War, de Seth Klein, dont il a déjà été question devant le Comité.
Dans ce livre, Seth Klein propose notamment d'intégrer un transfert lié au climat au modèle de paiements de péréquation. Selon M. Klein, le gouvernement pourrait envisager ce transfert comme outil supplémentaire de lutte contre les changements climatiques. À titre d'expert en matière de fédéralisme fiscal, pouvez-vous nous donner votre avis sur l'intérêt pour le gouvernement d'adopter un tel outil? Selon vous, quelles considérations devraient intervenir dans les discussions des gouvernements à ce sujet? Y a‑t‑il des pièges associés à un éventuel transfert lié au climat dont il faudra tenir compte?
Merci.
Je n'ai pas vraiment étudié cette proposition, mais elle devrait faire partie du mandat du groupe d'experts sur la péréquation qui, je l'espère, sera créé bientôt. Comme je l'ai dit, il faut examiner le régime de péréquation, pour toutes sortes de raisons. Je pense que les changements climatiques font partie des facteurs à prendre en compte pour ce qui concerne la péréquation et les ressources naturelles, et surtout celles qui ne sont pas renouvelables.
Cela dit, comme le sujet risque de susciter des joutes politiques assez épiques, le mieux serait sans doute de confier l'analyse à un groupe d'experts indépendants. Là encore, il ne faut rien laisser au hasard. Même si une idée semble bonne en théorie, la mise en œuvre peut tout faire dérailler.
Bref, il faut examiner cette proposition, mais il faut s'attendre à un débat assez houleux puisque des provinces pourraient être avantagées par rapport à d'autres et les tensions au sujet de la péréquation risquent d'être plus fortes que maintenant.
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C'est effectivement à considérer.
Je vais passer à un autre sujet, mais toujours avec vous, monsieur Béland.
Dans votre déclaration préliminaire, vous avez donné quelques pistes pour moderniser le Transfert canadien en matière de santé. Je représente la circonscription de North Island—Powell River, qui occupe un territoire assez vaste où vivent beaucoup de collectivités rurales. Nous traversons une période très difficile pour ce qui a trait aux soins d'urgence. La salle des urgences a été fermée pas moins de 28 soirs pendant un mois. C'est très inquiétant pour les personnes qui ont des problèmes de santé, vous vous en doutez bien.
J'aimerais entendre vos réflexions au sujet de la modernisation du TCS. Est‑ce que cette modernisation est nécessaire selon vous pour remédier à certains des problèmes actuels?
Avez-vous des pistes de réflexion à nous proposer pour que davantage de collectivités rurales et éloignées aient accès à un soutien nécessaire pour passer au travers des périodes de transition très difficiles?
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Une des mesures qui pourraient être prises pour remédier à ce problème de manière globale serait d'intégrer des facteurs démographiques dans la formule de calcul du Transfert canadien en matière de santé. C'est une question que nous abordons dans le document que j'ai écrit avec Trevor Tombe et qui a été publié en ligne par l'École de politiques publiques de l'Université de Calgary.
Cela permettrait de régler une partie des problèmes qui touchent certaines régions du pays où la population très vieillissante est une source de coûts supplémentaires. Il existe différents moyens… Le montant par habitant des paiements du TCS pourrait être majoré en fonction des facteurs démographiques et socioéconomiques. C'est une avenue qui pourrait être explorée.
Je crois aussi qu'il faut commencer à envisager d'autres mesures que le TCS. Le TCS a été créé seulement en 2003, mais nous en parlons comme s'il avait toujours existé. Le cadre canadien de financement de la santé a beaucoup changé depuis les années 1970. Une réforme majeure a été opérée en 1977, elle a été suivie par d'autres modifications en 1995 et par la suite.
Il faudra déterminer s'il existe d'autres outils que le TCS, considérer d'autres options comme les points d'impôt, dont j'ai parlé tout à l'heure. Un modèle de partage des revenus pourrait aussi s'avérer intéressant, par exemple en instaurant une taxe fédérale dont les revenus seraient redistribués directement aux provinces, comme la TPS en Australie.
Nous examinons ces avenues dans notre document. J'espère vraiment que vous le lirez et que vous nous reviendrez avec vos commentaires. Toutes ces idées y sont abordées.
Il faut en parler, mais il faut surtout ouvrir le débat sur autre chose que le TCS et les augmentations annuelles. Il existe tout un éventail de moyens d'améliorer le financement.
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Merci beaucoup, monsieur le président.
Je remarque votre gestion assez libérale du temps. Je vais tâcher de m'en tenir au temps qui m'est alloué, mais votre générosité nous fait chaud au cœur.
Monsieur Giroux, rebienvenue. Chaque fois que nous tournons le dos, vous nous revenez avec un nouveau rapport à étudier. Je crois que c'est une bonne chose.
Nous entendons beaucoup parler du bureau du budget du Congrès américain. Je serais curieux de savoir comment vos deux bureaux se comparent du point de vue de la taille.
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À mon avis, cette amélioration sera de courte durée étant donné que le vieillissement de la population fera pression avant tout sur les finances des provinces. Comme je l'ai expliqué à quelques reprises devant d'autres groupes, le vieillissement de la population aura des répercussions différentes pour les provinces et le fédéral.
Pour les provinces, les soins de santé représenteront la principale source de dépenses associées au vieillissement de la population. Il suffit de regarder la courbe des dépenses en santé selon la cohorte d'âges pour voir que dès qu'une personne atteint 65 ou 70 ans, les dépenses moyennes annuelles connaissent une hausse très marquée. La hausse est vertigineuse à compter de 85 ou 90 ans, un âge que beaucoup de personnes atteignent. Les dépenses sont très élevées durant la première année de vie pour tout le monde, et elles sont aussi très élevées durant les dernières années de vie.
Pour le gouvernement fédéral, le vieillissement de la population se répercutera sur la Sécurité de la vieillesse et le Supplément de revenu garanti, mais ces coûts sont indexés sur l'Indice des prix à la consommation, l'IPC — l'inflation —, si bien que la hausse est beaucoup plus limitée que celle des dépenses en santé. Les autres gros postes de dépenses du gouvernement fédéral sont les transferts aux provinces et aux territoires, et ils sont tributaires en grande partie de la croissance du PIB.
Sur le plan structurel, les dépenses du fédéral sont limitées. À l'opposé, les dépenses des provinces atteignent des sommets inégalés en raison des coûts des soins de santé. C'est ce qui explique les différences entre le fédéral et les provinces pour ce qui est de la viabilité.
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Merci beaucoup, monsieur le président.
Monsieur Giroux, il est bon de vous voir encore une fois ici, au Comité permanent des finances. Vous avez comparu devant notre comité la semaine dernière également, je crois, ainsi que devant le Comité permanent des opérations gouvernementales et des prévisions budgétaires, où je remplaçais quelqu'un. J'ai donc l'impression de vous voir presque tous les jours. M. Chambers souhaite voir votre bureau s'agrandir, alors, le cas échéant, nous pourrions bien vous voir chaque semaine.
Nous avons entendu les provinces dire que la contribution du gouvernement fédéral pour les soins de santé équivalait à seulement 22 % des coûts. Je crois comprendre que ce chiffre ne tient pas compte des accords de financement bilatéraux, comme ceux conclus pour le financement des soins en santé mentale et des soins à domicile, ou du transfert de points d'impôt aux provinces.
Votre analyse des dépenses du gouvernement fédéral en matière de soins de santé indique-t-elle également un taux de 22 %?
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Je vous remercie de la question, monsieur Baker. C'est bien malgré moi que je vous vois aussi souvent; cela dépend des invitations que je reçois, mais je les accepte toujours avec plaisir.
En ce qui concerne le pourcentage des dépenses provinciales qui sont couvertes par les transferts fédéraux, nous arrivons à des chiffres qui se rapprochent plutôt de 32 %. Pour arriver à ce ratio, nous tenons compte des dépenses couvertes par la Loi canadienne sur la santé, par exemple les dépenses pour les hôpitaux, les médecins, ou encore les résidences et les centres de soins de longue durée pour les personnes âgées. Nous n'incluons pas les services que les provinces ont choisi de fournir, car cela pourrait fausser un peu les données ou accroître le dénominateur, ce qui donnerait un ratio un peu plus faible.
Alors, en tenant compte à la fois des transferts fédéraux et des dépenses couvertes par la Loi canadienne sur la santé, nous arrivons à des chiffres qui se situent plutôt autour de 32 ou 33 %.
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Merci, monsieur le président.
Je joins évidemment ma voix à celle de mes collègues pour saluer tout le travail que vous faites, monsieur Giroux.
Je vais y aller tout d'abord d'un petit commentaire. Nous reconnaissons évidemment que le domaine de la santé est un champ de compétence des provinces. Il revient donc aux provinces, qui se parlent entre elles, d'évaluer quelles sont les pratiques exemplaires et de les mettre en œuvre.
Le Bloc québécois a beaucoup de réticence à l'idée qu'Ottawa lie le financement de la santé ou le financement additionnel à des conditions. Lorsqu'on regarde ces pratiques dans d'autres secteurs, comme le transport et l'infrastructure, on constate que le processus s'étire sur plusieurs années et qu'on donne la priorité aux grands projets plutôt qu'aux petits projets de certaines municipalités.
Nous sommes d'accord avec les provinces à cet égard, c'est-à-dire que nous ne voulons pas lier le financement à des conditions imposées par papa Ottawa.
Vous avez parlé des calculs que vous avez effectués lors de la préparation du document intitulé « Soutien fédéral: principaux transferts aux gouvernements provinciaux et territoriaux », publié en septembre 2020. Comme suite à vos réponses précédentes, j'aimerais vous demander si vous pouvez nous donner des exemples de services qui sont offerts par les provinces et qui ne sont pas ciblés par la Loi canadienne sur la santé.
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Merci, monsieur le président.
Un des principes fondamentaux de la péréquation est celui de l'équité horizontale, selon lequel peu importe l'endroit où une personne vit au Canada, elle doit avoir accès à une qualité de vie de base ou uniforme. C'est ce que j'appelle le seuil de la dignité.
Monsieur Béland, je reviens à vous.
Dans votre essai sur les paramètres économiques de la péréquation, qui font partie intégrante du fédéralisme fiscal et de la politique de péréquation au Canada, vous expliquez ce principe et les pièges dans lesquels il est facile de tomber. Pouvez-vous nous aider à comprendre ce qui fonctionne ou, au contraire, ce qu'il faudrait éviter?
Merci.
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Parce qu'elle n'est pas assortie de conditions, je pense que la péréquation est un principe fondamental non seulement de notre régime fiscal, mais surtout du fédéralisme. Les provinces bénéficiaires de paiements de péréquation peuvent les utiliser à leur guise. Elles conservent leur autonomie. En même temps, les provinces qui ont une moins grande capacité fiscale peuvent offrir de meilleurs services à leurs résidants sans avoir à les imposer à des niveaux qui seraient vraiment disproportionnés par rapport aux services reçus. C'est pourquoi ce principe est enchâssé dans la Loi constitutionnelle de 1982, dont j'ai cité le paragraphe 36(2) dans ma déclaration préliminaire.
Pour revenir à votre question, qu'est‑ce qui fonctionne et qu'est‑ce qu'il faut éviter? D'entrée de jeu, je dirais que le régime de péréquation fonctionne en ce sens que… Il a beaucoup été question des soins de santé, mais nous pourrions aussi parler d'éducation. Nous n'avons pas de ministère de l'Éducation au contraire de beaucoup d'autres pays à régime fédéral comme les États-Unis. Le gouvernement fédéral intervient très peu dans le domaine de l'éducation, et notamment sur la question de l'enseignement secondaire gratuit. Jennifer Wallner, de l'Université d'Ottawa, a publié un livre à ce sujet. En dépit de l'absence de normes fédérales ou d'une intervention soutenue du fédéral dans les politiques en matière d'éducation, nous obtenons de très bons résultats aux tests internationaux, et il n'y a pas d'inégalités alarmantes entre les provinces sur le plan de l'offre en éducation. Nous pouvons donc parler de réussite.
Comme Jennifer Wallner le soutient dans son ouvrage, cette réussite est attribuable notamment à la péréquation. Certes, l'argent est redistribué de manière horizontale pour qu'il y ait une équité horizontale, mais, d'un autre côté, l'autonomie des provinces, même les plus pauvres, est préservée. Une revue de la formule pourrait s'avérer utile, comme je l'ai dit tout à l'heure, mais le régime de la péréquation lui-même peut aussi être amélioré. La logique de la péréquation doit être préservée si nous voulons assurer l'équité et la solidarité dans un système aussi hautement décentralisé que celui du Canada.
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Merci beaucoup, monsieur le président. Généreux comme vous l'êtes, si vous pouviez m'arrêter à 10 minutes, ce serait formidable.
Monsieur Soderstrom, j'espère que votre Internet tiendra le coup. Sinon, j'aurai une autre ligne de questions, et ça ira.
Vous avez mentionné que le gouvernement fédéral a transféré des points d'impôt. Je ne suis pas un consultant en gestion; je ne suis qu'un simple gars d'Orono, mais je crois que les taux d'imposition fédéraux ont considérablement changé, ce qui semble faire un assez gros trou dans votre théorie voulant que ces points d'impôt équivaillent à de l'argent supplémentaire pour les provinces.
Y a‑t‑il quelque chose qui m'échappe ici?
Je vous présente mes excuses, monsieur le président.
Je m'excuse auprès des interprètes. Je sais qu'ils font un travail incroyablement difficile.
Monsieur Béland, ce qui m'accroche dans votre théorie d'organisme indépendant est que le terme « indépendant » est en fait une façon de dire « non élu ».
Oui, la démocratie est désordonnée, et la politique est désordonnée. Je suis la voix de Northumberland—Peterborough Sud. Quand nous enlevons des représentants élus, ce qui, je l'accorde, est de la politique... Mais la politique n'est pas si mauvaise. La politique, c'est faire entendre la voix de Cramahe et d'autres petites villes à Ottawa.
Excusez-moi si je suis un peu sceptique à l'idée qu'un autre organisme bureaucratique qui prétend au moins être un expert puisse dire aux gens de l'Alberta ou de la Colombie-Britannique combien d'argent ils devraient ou ne devraient pas recevoir.
Pouvez-vous comprendre mon inquiétude? Est‑ce légitime?
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Oui, mais le fait est que les fonctionnaires jouent déjà un rôle important dans la mise au point des transferts fiscaux. Ils font beaucoup de travail. Puis, bien sûr, l'exécutif et la Chambre des communes jouent un rôle important à cet égard.
Ce que je propose, ce n'est pas que ces personnes prennent les décisions à la place des élus. Ils feront des recommandations que les élus et le Parlement pourront ensuite décider d'adopter ou de rejeter.
Il s'agit simplement d'obtenir des conseils qui sont meilleurs et plus détachés que ceux des fonctionnaires qui sont directement tributaires de l'élu — par exemple, les fonctionnaires qui travaillent au ministère des Finances.
Je crois que le fait que les conseils et les recommandations sur la péréquation proviennent d'un organisme extérieur et non du ministère des Finances, par exemple, serait probablement meilleur sur le plan de la perspective, et peut-être aussi de la qualité et de la nature détachée des conseils.
D'autres pays le font, et pas seulement l'Australie. Il ne s'agit pas d'une idée bizarre dont je suis le seul à parler. C'est une pratique assez courante dans le monde entier.
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Merci, monsieur le président.
Je trouve la conversation intéressante, assis ici, à écouter les différents partis discuter de la façon dont les services sont fournis d'une province à l'autre. M. Morantz a parlé de son fils, et même M. Chambers a parlé de transferts inconditionnels.
Je vais m'adresser à vous, monsieur Giroux, et vous demander votre opinion sur les transferts inconditionnels. Y a‑t‑il une ouverture, un message positif ou quelque chose que vous pourriez décrire comme étant plus bénéfique à votre avis lorsqu'on évalue où l'argent est allé et comment il est dépensé? S'agit‑il simplement de quelque chose qu'on jette au programme politique de l'un ou l'autre des partis aux commandes?
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Pour revenir à ma remarque initiale sur les économies régionales, par exemple, ou les industries et les secteurs, il est évident que les choses sont différentes d'un bout à l'autre de notre vaste pays. Nous avons parlé un peu de la démographie. Cela va changer d'une année à l'autre. Chaque province sera différente, et ainsi de suite.
Je me souviens de la croissance de l'Île‑du‑Prince-Édouard causée par les nombreuses personnes qui sont venues de l'Ontario. Quand on regarde ça, c'est formidable de les voir arriver en nombre, mais soyons honnêtes. La taxe à la consommation et nos organismes de santé — Santé Î.‑P.‑É. dans notre cas — sont surchargés. C'est en grande partie cette population plus âgée qui s'installe à l'Île‑du‑Prince-Édouard.
Ce que je demande, je suppose, c'est comment changer cette formule compliquée — parce qu'elle est compliquée — pour inclure les économies régionales ou les données démographiques ou autres?
Est‑ce que c'est possible?
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Merci, monsieur le président, de votre générosité aujourd'hui.
Merci à tous les témoins.
Mes questions s'adressent à M. Giroux.
L'énergie joue un grand rôle dans la stabilité fiscale du Canada. L'énergie contribue beaucoup aux recettes. Les provinces contribuent à la péréquation. Dans des provinces comme la mienne, en Alberta, nous percevons un montant important en redevances énergétiques. Le Canadian Energy Centre estime qu'entre 2000 et 2019, le secteur de l'énergie a fourni aux provinces une moyenne de 35 milliards de dollars en redevances.
À votre avis, quel serait l'impact global sur la péréquation si l'énergie n'était pas là pour fournir autant de recettes au gouvernement?
Jay Goldberg, de la Fédération canadienne des contribuables, a dit au Comité que les changements apportés à la formule de péréquation, comme la réduction à 50 % des recettes tirées des ressources, ont puni les provinces riches en ressources, comme l'Alberta, la Saskatchewan ou Terre-Neuve‑et‑Labrador, et ont dissuadé les autres provinces d'exploiter leurs ressources.
S'il n'y a pas de nouvelles activités d'exploitation des ressources dans les provinces dites pauvres, comment cela influe‑t‑il sur la durabilité de la péréquation et le modèle actuel de fédéralisme fiscal?
:
C'est une question délicate, car je sais qu'elle a fait l'objet de nombreuses délibérations au Groupe d'experts sur la péréquation en 2005-2006, comme y a fait allusion M. Béland.
Il est vrai qu'à partir du moment où l'on inclut certains genres de recettes dans la formule servant à déterminer le droit à la péréquation des provinces, cela a un effet dissuasif sur la croissance de l'assiette fiscale, car autrement, si elles augmentent ou laissent augmenter cette assiette fiscale, cela diminue leur droit à la péréquation.
Mais, à mon avis, lorsque les provinces décident de développer — ou non — certains secteurs, il y a des incitatifs dont elles devraient tenir compte qui sont plus larges que les revenus venant du gouvernement fédéral auxquels elles pourraient renoncer, comme des emplois pour leurs citoyens.
Cependant, il est vrai que l'inclusion de certains éléments dans la formule de péréquation peut produire des incitatifs pervers.
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Merci, monsieur le président.
[Traduction]
Monsieur Soderstrom, j'aimerais commencer par vous, si vous le permettez, brièvement.
Vous avez beaucoup parlé des points d'impôt. Je me demande si vous avez des données que vous pourriez fournir au Comité — si ce n'est pas aujourd'hui, peut-être par écrit — sur la réduction de l'impôt sur le revenu des particuliers et de l'impôt des sociétés en 1977, et sur l'augmentation de l'impôt des provinces, ainsi que sur la valeur monétaire de ces réductions annuellement — et aussi en dollars d'aujourd'hui —, afin que nous puissions évaluer dans quelle mesure ces points d'impôt ont entraîné un transfert de la capacité de financement du gouvernement fédéral aux provinces. Pourriez-vous nous communiquer cela par écrit?
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Permettez-moi d'intervenir. J'ai décroché deux ou trois diplômes universitaires et je ne chercherai pas à en obtenir un troisième ni un doctorat ou quoi que ce soit du genre, mais si vous pouvez faire part de cela au Comité par écrit, j'aimerais vraiment savoir quelle est la valeur monétaire des variations de l'impôt que le gouvernement fédéral a cédé aux provinces dans ces points d'impôt.
Je cherche simplement une quantification des points d'impôt dont vous avez parlé. Si vous pouviez envoyer cela au Comité, ce serait formidable.
Monsieur le président, j'aimerais passer à une autre question, si vous le permettez.
Monsieur Giroux, je reviens vers vous, si vous voulez bien.
Monsieur le président, combien de temps me reste‑t‑il?
:
Je ne suis pas sûr qu'il y a beaucoup de valeur pour le gouvernement fédéral lui-même. Il pourrait y en avoir, selon les orientations politiques que le gouvernement choisit d'adopter.
Je pense que la valeur serait surtout pour les citoyens. Ils auraient une meilleure idée de la façon dont l'argent de leurs impôts — en fin de compte, c'est leur argent, qu'il soit fourni par le gouvernement fédéral ou les provinces — est utilisé et de l'efficacité de son utilisation.
Je pense qu'il y aurait certains avantages pour les provinces et les territoires, aussi, en ce sens que s'ils voient que certains réussissent mieux à effectuer des chirurgies, par exemple, ils pourraient apprendre les uns des autres, en tenant compte des différences de milieu, d'environnement et de clientèle. Je pense que c'est ce qui pourrait être utile. Nous pourrions découvrir qu'il y a des domaines utiles dans lesquels dépenser ou investir, dans ce cas, auxquels nous n'avons pas pensé.
Pour revenir à notre échange précédent, je ne veux pas dire que c'est nécessairement au gouvernement fédéral qu'il incombe de recueillir cette information. Pour revenir à la remarque de M. Ste‑Marie, je ne sous-entends pas que c'est forcément au gouvernement fédéral de faire ce travail, mais il existe des organismes fédéraux qui recueillent des données, comme l'Institut canadien d'information sur la santé, connu sous le nom d'ICIS. Ils fournissent des renseignements précieux aux provinces et aux territoires, ainsi qu'aux Canadiens.
:
Merci, monsieur le président.
Dans le même ordre d'idées, je crois que tous les élus provinciaux devraient aller chercher des données leur permettant de vérifier l'efficacité du gouvernement fédéral à délivrer les passeports. Ils pourraient ensuite proposer leurs recommandations au fédéral et lui dire comment faire son travail.
Évidemment, c'est un commentaire que je fais. Comme le rappelait mon collègue, il y a quelque chose qui s'appelle la Constitution et qui établit des champs de compétence. Je pense que chaque ordre de gouvernement doit d'abord se concentrer à bien jouer le rôle qui lui est confié dans ses champs de compétence, avant de se mettre le nez dans les affaires de l'autre ordre de gouvernement.
Désolé. Je reviens maintenant à mes questions.
Monsieur Giroux, j'aimerais savoir s'il est possible de faire un lien entre votre étude de 2020 sur le soutien fédéral, où vous faites vos calculs relatifs aux paiements fédéraux au titre du Transfert canadien en matière de santé, et vos rapports sur la viabilité financière à plus long terme.
Si je comprends bien, le Transfert canadien en matière de santé a fait l'objet de renégociations, il y a quelques années, qui auront pour conséquence une diminution progressive de la proportion des dépenses en santé qui est soutenue par le gouvernement fédéral. Dans votre tableau, à la page 2, on voit que cela semble déjà plafonner pour l'année 2016‑2017, mais les données s'arrêtent à l'année 2018‑2019, étant donné que votre rapport date de 2020.
Êtes-vous en mesure de prévoir de quelle façon va varier ce pourcentage dans les années à venir, s'il n'y a pas de nouvelles politiques ni de nouvelles négociations?
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Merci beaucoup, monsieur le président.
Monsieur Béland, dans votre exposé sur les paramètres économiques de la péréquation, vous faites allusion au coût de la vie et à la façon dont il peut encourager ou décourager la migration. Je pense que tous les Canadiens, d'un bout à l'autre du pays, se sentent extrêmement à court d'argent en ce moment.
Je me demande si les effets de l'inflation vous inquiètent. Y a‑t‑il des régions du pays qui, selon vous, risquent davantage de ressentir disproportionnellement les effets de l'inflation? Si oui, quel est le risque pour les provinces en ce qui concerne la migration pour des raisons fiscales?
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Oui, c'est un peu en dehors de mon domaine, vraiment, mais je pourrais dire que l'inflation fait plus mal aux personnes à faible revenu qu'aux personnes à revenu élevé. Évidemment, c'est vrai dans tout le pays. Je pense que nous devons nous attaquer à ce problème, mais je pense que le fédéralisme fiscal n'est probablement pas le meilleur outil pour cela. Les transferts aux personnes et aux familles sont probablement le meilleur moyen d'aborder ce problème.
Ici, je crois que le gouvernement fédéral a un rôle important à jouer, mais bien sûr, le fédéralisme fiscal soutient les provinces, qui peuvent aussi créer leurs propres programmes pour soutenir les personnes et les familles, en particulier celles à faible revenu qui luttent contre l'inflation.
Je pense qu'il y a un moyen direct de le faire par le truchement de mesures promulguées par le gouvernement fédéral. Aussi, bien sûr, si vous aidez les provinces d'un point de vue fiscal, elles peuvent adopter les mesures qu'elles jugent appropriées.
Je crois vraiment que les personnes à faible revenu sont particulièrement vulnérables à l'inflation. C'est une chose que nous devrions garder à l'esprit, non seulement lorsque nous parlons de fédéralisme fiscal, mais aussi lorsque nous parlons de programmes sociaux en général.
Je sais que beaucoup de provinces ont des défis à relever en ce qui concerne la question de la migration. Les familles sont souvent divisées. Dans certaines parties de ma circonscription, nous voyons beaucoup de gens aller travailler dans d'autres provinces.
Je comprends que ce n'est pas votre domaine, mais vous avez parlé des personnes à faible revenu qui vivent cette situation.
Pensez-vous que c'est également un facteur pour les provinces à faible revenu? Comment le fédéralisme fiscal aide‑t‑il à soutenir la stabilisation des collectivités? Est‑ce même quelque chose que nous pouvons examiner?
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Oui, les populations des provinces pauvres sont en moyenne plus vulnérables que les provinces riches, d'une certaine façon, quand on parle des effets négatifs de l'inflation, en un certain sens. On peut dire cela.
En ce qui concerne la migration, vous soulevez une question très importante. Je crois que la péréquation vise en partie, implicitement du moins, à aider les gens à rester là où ils vivent en leur offrant des services publics relativement bons pour un fardeau fiscal qui n'est pas excessif. En aidant les provinces plus pauvres à offrir des services décents à leurs habitants, on pourrait dire qu'il est probablement plus facile pour elles de garder leurs habitants. Les gens peuvent quitter leur province pour différentes raisons — en raison des possibilités d'emploi ailleurs et ainsi de suite, ou d'un manque de possibilités d'emploi chez eux —, mais nous ne voulons pas qu'ils quittent leur province parce que les services sociaux et de santé sont si mauvais qu'ils doivent déménager dans une autre partie du pays pour avoir accès à des services décents.
La péréquation fait partie des outils dont nous disposons pour éviter cela.
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Merci, monsieur le président.
Je me rends compte, après toute cette discussion sur les finances provinciales, que M. MacDonald devrait peut-être être un témoin pour nous faire part de son expérience dans la province de l'Île-du-Prince-Édouard, tant à l'Assemblée législative provinciale qu'en tant que ministre.
Monsieur Béland, j'aimerais revenir sur une conversation que vous avez eue avec mon collègue, M. Lawrence. Pour cette commission que vous envisagez comme modèle de gouvernance, avez-vous — et pardonnez mon ignorance — parlé de la façon dont vous pourriez la mettre en place? Le RPC est‑il une option comme modèle de gouvernance dans la façon dont il a été choisi? Est‑ce que c'est ce que vous pensez qui pourrait être viable?
Si vous pouviez nous fournir cela, ce serait utile. Je voulais simplement souligner que vous avez utilisé l'exemple de l'éducation comme un domaine dans lequel le gouvernement fédéral participe très peu, et pourtant, vous avez également souligné qu'en tant que pays, nos résultats aux tests et nos résultats en matière d'éducation par rapport à ceux de nos pairs sont assez élevés. La corrélation n'est pas la causalité, mais je pourrais au moins avancer que nous devrions explorer la possibilité que, si nous avons de bons résultats et de bonnes notes, c'est parce que notre gouvernement fédéral ne participe pas autant au domaine de l'éducation. Je vais m'arrêter là pour l'instant.
Monsieur Giroux, nous avons parlé un peu des points d'impôt et des transferts. Il n'y a vraiment qu'un seul contribuable. Nous avons tous ces accords de partage d'impôt maintenant avec les gouvernements provinciaux. Faut‑il vraiment parler du transfert des points d'impôt ou peut‑on simplement les attribuer en fonction des recettes générées par la province avec laquelle on a conclu un accord de partage d'impôt? Faut‑il vraiment se lancer dans ce transfert de points d'impôt? Cela semble assez compliqué. Ne pourriez-vous pas simplement dire, écoutez, il y a un contribuable qui paie tant d'impôts et tout cela va dans le même pot? Est‑ce que c'est une conversation qui devrait avoir lieu, ou est‑ce que le système que nous avons mis en place fonctionne bien?
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Encore une fois, nous revenons à la question de la responsabilité. Je pense que tout le monde dit maintenant qu'il devrait peut-être y avoir une sorte de mesure de la façon dont les provinces dépensent leur argent par rapport aux soins de santé et à certains de leurs programmes sociaux. Mesurer cela, évidemment, sera très compliqué.
En bref, dire que la formule utilisée pour les paiements de péréquation reste telle quelle, mais qu'en plus de cela, il y a d'autres... C'est peut-être une des choses dont parle M. Béland, s'il y a une autre façon encore de mesurer, comme nous le faisons dans le cas de tous les autres programmes de transfert du gouvernement fédéral au gouvernement provincial. Nous transférons de l'argent en permanence.
Serait‑il utile d'envisager une mesure supplémentaire à la péréquation actuelle? Si nous augmentons le budget des soins de santé de 10 ou 15 % — je crois que nous avons dit que nous le ferions de 10 % — y a‑t‑il un autre mécanisme que de tester la péréquation? Évidemment, de votre point de vue, il ne faut pas trop jouer avec ça.
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Merci, monsieur MacDonald.
Je regarde l'heure, mesdames et messieurs les députés. Il est d'usage au sein de ce comité que lorsque nous n'avons pas assez de temps pour un tour complet, nous partageons le temps de façon égale. Je vois environ 16 minutes, donc, quatre minutes environ par parti.
Nous allons commencer par les conservateurs.
Monsieur Morantz, allez‑y, s'il vous plaît.
Monsieur Giroux, plus tôt dans notre discussion, vous avez mentionné, et je crois bien avoir raison, que les transferts aux provinces, qu'il s'agisse de péréquation, de santé ou de services sociaux, sont essentiellement sans conditions. La province reçoit cet argent et elle peut le répartir comme elle le souhaite.
Récemment, il y a eu des échos dans les médias au sujet du transfert en matière de santé. J'ai remarqué que récemment, le ministre de la Santé, , a été cité comme ayant déclaré dans un article qu'Ottawa était prêt à s'engager à verser des fonds supplémentaires aux provinces et aux territoires pour les soins de santé, mais que ces nouveaux fonds seraient assortis de conditions, notamment — ce n'est donc pas une liste exclusive — l'élargissement de l'utilisation d'indicateurs de santé clés communs dans le cadre de l'élaboration d'un système de données sur la santé de calibre mondial pour le pays.
Cette déclaration semble incompatible avec ce que vous avez dit comprendre de la façon dont cela fonctionne. Je me demande si vous pouvez commenter ce point. Le gouvernement fédéral a‑t‑il le droit d'imposer des conditions aux provinces quant à la façon dont elles utilisent ces fonds?
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Non, non. Ce que nous pouvons faire, c'est utiliser une taxe existante — par exemple, une partie de la TPS ou de l'impôt sur le revenu des entreprises — et la répartir entre les provinces. Ce qui est important ici, bien sûr, c'est de revenir à l'idée que j'avais avancée avec Trevor Tombe.
Je crois que l'adresse URL de notre document est incluse dans le texte que j'ai envoyé au greffier. Vous pouvez y accéder, il se trouve déjà en ligne.
L'idée ici est que les provinces devront en fait être consultées sur tout changement du taux d'imposition. En réalité, cela deviendrait une taxe partagée, de sorte que le gouvernement fédéral ne pourrait pas soudainement baisser la taxe si elle doit être versée aux provinces.
Là encore, nous empruntons au gouvernement le mécanisme du Régime de pensions du Canada, selon lequel il faut que les deux tiers des provinces représentant les deux tiers de la population appuient un changement pour que celui‑ci ait lieu. Je pense que c'est une façon de protéger les provinces. S'il s'agit vraiment d'un système de partage de l'impôt, et que l'impôt est partagé, les provinces devraient avoir leur mot à dire en ce qui concerne l'augmentation ou la réduction du taux d'imposition.
C'est l'idée que nous avons avancée dans notre document pour l'école de politique de l'Université de Calgary. Il existe une autre version de ce document. Dès qu'elle sera publiée dans une revue universitaire, je l'enverrai à ce merveilleux comité.
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Merci. C'est un plaisir d'être ici, monsieur le président.
Je remercie les témoins.
J'ai écouté attentivement. Ce n'est pas mon comité habituel, mais je vais vous poser deux questions.
La première, monsieur Giroux, est que vous avez opiné un peu sur l'imposition de conditions aux transferts fédéraux. Je suis un avocat. La jurisprudence constitutionnelle nous apprend qu'il y a une compétence partagée dans le domaine de la santé, n'est‑ce pas? C'est un cas appelé RJR-MacDonald, où cela a été établi très clairement par la Cour suprême.
Nous savons aussi, évidemment, qu'il existe une législation fédérale: la Loi canadienne sur la santé. Cela a été mentionné à plusieurs reprises. Il est certainement du ressort du gouvernement fédéral de veiller à ce que les principes consacrés par la Loi canadienne sur la santé soient maintenus par les provinces, n'est‑ce pas, alors j'en conviens.
J'ai trouvé assez éclairant le fait que vous décriviez certains des éléments qui ont été présentés dans le domaine public par rapport à ce que vos calculs montrent. Je suis très sensible au fait que vous êtes, comme vous l'avez dit, responsable devant les 338 membres du Parlement et devant les sénateurs, etc. C'est important, mais vous avez dit, par opposition au chiffre de 22 % que nous avons entendu brandir, que c'est en fait plutôt 32 % à 33 %, ce que vous avez affirmé il y a environ 45 minutes, je crois.
Je vous dirai, à la suite de certaines des questions qui vous ont été posées par mon collègue M. MacDonald, que la part du lion des mesures de soutien de la COVID qui ont été mises en place — le chiffre que nous, les membres du gouvernement, utilisons fréquemment est 8 $ sur 10 — était constituée de fonds fédéraux destinés à soutenir les Canadiens pendant la COVID. Ces mesures étaient importantes, et bon nombre d'entre elles ont été mises en place pour éviter, comme vous l'avez dit, la calamité de la dépression et de la pauvreté massive, que j'ajouterais à cette liste, etc.
Cela dit, lorsque nous nous lançons dans cette discussion sur les transferts, en particulier en matière de santé, nous constatons que les largesses du gouvernement fédéral ont entraîné des déficits et des dettes du côté fédéral, alors que nous voyons des provinces qui ont des excédents, y compris ma province, l'Ontario.
Constatez-vous la même chose et avez-vous des suggestions sur la façon dont les paiements de péréquation peuvent être structurés pour corriger cette iniquité entre les excédents d'un ordre de gouvernement et les déficits d'un autre?
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Merci, monsieur le président.
J'ai quelques commentaires à formuler à la suite du dernier échange. On entend souvent dire, dans le discours du gouvernement fédéral, que c'est lui qui a mis en place des mesures pour soutenir l'économie durant la pandémie. Au Bloc québécois, c'est ce que nous demandions. Nous nous appuyions notamment sur vos rapports sur la viabilité financière, monsieur Giroux. Nous pouvions voir que la marge de manœuvre du fédéral était beaucoup plus grande que celle des provinces, selon les projections à long terme. C'était donc normal, selon nous, que ce soit lui qui mette en place de telles mesures.
Le gouvernement se pétait les bretelles en parlant des nouvelles dépenses qu'il engageait en lien avec la pandémie, notamment celles liées aux vaccins. Il disait que huit dollars sur dix provenaient du fédéral. En réponse à cela, je rappelais que, chaque année de façon récurrente, les provinces pouvaient fournir, selon le cas, jusqu'à huit dollars sur dix pour les dépenses ordinaires en santé, ou plutôt sept dollars sur dix selon vos données, monsieur Giroux. On peut donc voir cela comme un rééquilibrage des choses.
Bref, l'ordre de gouvernement qui avait une marge de manœuvre, c'était le fédéral.
Le discours qu'on entend actuellement, c'est que les provinces accumulent des surplus, alors que le fédéral s'est lourdement endetté pour passer au travers de la pandémie. En réponse à cela, je reviens encore une fois au rapport sur la viabilité financière. Malgré l'endettement massif, historique et record du gouvernement fédéral pour aider la population et l'économie à passer au travers de la pandémie, cela ne change pas profondément la donne, comme vous le disiez, monsieur Giroux. Cet endettement est plutôt de nature cyclique et conjoncturelle, et cela ne change rien sur le fond.
Après cette analyse, j'aimerais vous poser la question suivante, monsieur Giroux.
Présentement, nous parlons de fédéralisme fiscal. Vos rapports sur la viabilité financière et vos diverses analyses vous ont-ils permis de déterminer s'il y avait un déséquilibre fiscal entre les ordres de gouvernement?
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L'expression « déséquilibre fiscal » a donné lieu à d'acrimonieux débats au cours des années précédentes. Je vais probablement éviter de l'utiliser, pour ne pas ressusciter de vieux débats ou rouvrir de vieilles plaies.
Cela dit, lorsque j'ai publié mon premier rapport sur la viabilité financière après mon arrivée en poste, et de même lorsque j'ai publié le rapport subséquent, j'ai été étonné par le manque de discussions ou de débats générés par ce déséquilibre, que j'avais promis de ne pas nommer.
En ce qui concerne les ressources, il semble y avoir une flexibilité financière au fédéral, mais un manque de ressources, du moins à long terme, au niveau provincial. Je me serais attendu à ce que cela génère une discussion sur un transfert de ressources d'un ordre de gouvernement vers l'autre. Cependant, à ma grande surprise, ce débat n'a jamais eu lieu. Ensuite, nous nous sommes retrouvés en situation de pandémie, ce qui ne laissait pas vraiment de place pour ce genre de discussion. Nous étions tous préoccupés par autre chose.
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Merci, monsieur le président.
Je vais revenir à M. Béland. Je trouve notre conversation très intéressante.
J'aimerais revenir à la première question que j'ai posée. Dans la réponse que vous m'avez donnée, vous avez mentionné l'idée d'un transfert climatique et le fait qu'elle n'a pas vraiment fait l'objet d'un débat national. Vous avez décrit certaines des avenues qui, selon vous, seraient les meilleures pour faciliter cette conversation.
En réponse à d'autres questions, vous avez également mentionné certaines façons dont d'autres pays gèrent bien le fédéralisme fiscal — l'Australie et sa TPS, par exemple.
En gardant cela à l'esprit, connaissez-vous d'autres pays qui explorent l'idée du transfert climatique, ou avez-vous l'exemple d'un autre pays qui a une lentille climatique ou environnementale dans sa démarche de fédéralisme fiscal et de péréquation?
Au nom de tout le comité des finances, nous voulons remercier nos excellents témoins d'avoir comparu et d'avoir témoigné pour cette étude.
Nous remercions MM. Béland et Soderstrom. Bien sûr, je vais insister sur ce que bon nombre des députés ont dit ici: vous êtes toujours les bienvenus. Nous aimons vous avoir ici.
Monsieur le directeur parlementaire du budget, merci beaucoup. Oui, j'ai entendu les éloges que vous a adressés M. Morantz, à savoir que vous êtes le maître de tout et que vous savez tout. Je suis sûr que nous vous accueillerons à notre comité.
Merci beaucoup à tous.
La séance est levée.