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Je vous souhaite la bienvenue à la 63
e réunion du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international.
La réunion d'aujourd'hui se déroule dans un format hybride, conformément à l'ordre de la Chambre du 23 juin 2022. Les membres du Comité assistent à la réunion en personne dans la salle ou à distance à l'aide de l'application Zoom.
J'aimerais maintenant formuler quelques commentaires à l'intention des membres du Comité et des témoins.
Veuillez attendre que je vous nomme avant de prendre la parole. Pour ceux qui participent par vidéoconférence, veuillez cliquer sur l'icône du microphone pour l'activer, et veuillez le mettre en sourdine lorsque vous ne parlez pas.
Pour les participants sur Zoom, le service d'interprétation est accessible au bas de votre écran. Vous avez le choix entre le parquet, l'anglais et le français. Pour les participants dans la salle, vous pouvez utiliser l'écouteur et sélectionner le canal désiré.
Je vous rappelle que tous les commentaires doivent être adressés à la présidence.
Conformément à l'article 81(4) du Règlement, le Comité poursuit l'examen du Budget principal des dépenses de 2023‑2024: crédits 1, 5, 10, 15, 20 et L30 sous la rubrique Ministère des Affaires étrangères, du Commerce et du Développement; crédit 1 sous la rubrique Centre de recherches pour le développement international; et crédit 1 sous la rubrique Commission mixte internationale, renvoyés au Comité le mercredi 15 février 2023.
Je suis maintenant heureux d'accueillir Mélanie Joly, ministre des Affaires étrangères.
Vous revenez d'un long voyage en Afrique, donc bienvenue. Vous êtes arrivée hier, je crois.
De plus, je souhaite la bienvenue aux fonctionnaires de votre ministère qui vous accompagnent aujourd'hui, soit Mme Cindy Termorshuizen, sous-ministre déléguée des Affaires étrangères; Mme Sandra McCardell, sous-ministre adjointe, Europe, Arctique, Moyen-Orient et Maghreb; et Mme Anick Ouellette, sous-ministre adjointe et dirigeante principale des finances.
Madame la ministre, vous aurez cinq minutes pour faire votre déclaration liminaire, après laquelle nous allons prendre les questions des membres.
Oui, monsieur Chong?
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Merci, monsieur le président. Je suis heureuse d'être des vôtres aujourd'hui.
D'emblée, je souhaite aborder la question qui préoccupe toutes les personnes présentes.
Monsieur Chong, Michael, ce qui s'est produit est absolument inacceptable. Je ne peux pas imaginer le choc et l'inquiétude que vous avez ressentis en apprenant que vos proches avaient été ciblés de la sorte. Personnellement, mais aussi à titre de ministre des Affaires étrangères, je prends la question extrêmement au sérieux.
Vous m'avez tous entendue dire, et je l'ai également dit directement à mon homologue chinois, qu'aucune forme d'ingérence politique ne sera tolérée, point barre, que ce soit dans notre démocratie ou nos affaires internes. Mes attentes sont claires: tous les agents étrangers au Canada doivent respecter la Convention de Vienne et, si ce n'est pas le cas, il y aura des conséquences.
À la lumière des faits confirmés par le SCRS, j'ai demandé à mon sous-ministre de convoquer l'ambassadeur de Chine. C'est ce qu'il fait à l'instant même. Nous allons l'aviser directement qu'aucune forme d'ingérence étrangère ne sera tolérée et que toutes les options, y compris l'expulsion de diplomates, sont envisagées alors que nous étudions les conséquences de ce comportement.
Évidemment, j'aurai plus à dire sur le sujet si vous me posez des questions, ce que vous ferez, j'en suis convaincue.
[Français]
J'aimerais aussi vous informer brièvement de la situation au Soudan. Comme vous l'avez mentionné, monsieur le président, je suis rentrée hier de cette région, où j'ai rencontré l'ambassadeur du Canada au Soudan, M. Philip Lupul, ainsi que le haut-commissaire du Canada auprès du Kenya et leurs équipes, y compris nos diplomates exceptionnels et les employés recrutés sur place. Encore plus important, j'ai rencontré des Canadiens qui ont été évacués grâce au travail rapide et au dévouement de notre équipe et de membres des Forces armées canadiennes et au soutien de nos alliés et partenaires, y compris de nombreux pays voisins.
Je continue de suivre la situation de très près. Mes collègues responsables de la Défense, de l'Immigration et du Développement international et moi-même, nous coordonnons présentement l'ensemble de la réponse du gouvernement.
Au-delà de la crise immédiate, nous croyons que le Canada peut et doit jouer son rôle dans l'acheminement de l'aide humanitaire en soutenant le peuple soudanais dans son désir d'un avenir démocratique et en œuvrant pour la paix et la stabilité à long terme dans la région.
[Traduction]
La semaine dernière marquait mes 18 mois en poste. Cette période a été chargée et pas uniquement pour moi, mais aussi pour des milliers d'employés d'Affaires mondiales à Ottawa et partout ailleurs dans le monde, qui travaillent extrêmement dur.
[Français]
Depuis des décennies, nous avons été confrontés à des conflits, à des catastrophes naturelles et à un paysage géopolitique en constante évolution. Aujourd'hui, nous confrontons des changements de plus en plus rapides et des défis de plus en plus complexes, qu'il s'agit de l'invasion illégale de l'Ukraine...
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Aujourd'hui, nous sommes confrontés à des changements de plus en plus rapides et à des défis de plus en plus complexes, qu'il s'agisse de l'invasion illégale de l'Ukraine, de la pandémie, des changements climatiques ou de toute une gamme d'autres défis. En tant que Canadiens, nous en ressentons les effets chez nous. Ce qui me donne beaucoup d'espoir, c'est que le Canada est bien placé pour relever ces défis avec succès et pour jouer un rôle clé dans la solution des problèmes.
[Traduction]
Le Canada et le monde vivent un moment charnière, mais je tiens à assurer aux Canadiens que nous nous montrons à la hauteur.
L'invasion brutale de l'Ukraine par la Russie le 24 février de l'an dernier a profondément changé le monde. Dans la foulée de cette attaque contre la liberté et la démocratie, nous avons été témoins des efforts courageux et héroïques des Ukrainiens dans leur lutte pour la liberté. Nous soutenons depuis longtemps une Ukraine démocratique et appuyons la lutte du peuple ukrainien pour protéger son pays depuis le premier jour, tout comme nous serons là pour fournir notre plein soutien après sa victoire.
Nous allons aussi continuer d'utiliser tous les moyens à notre disposition pour faire payer cette guerre à Poutine en imposant des coûts énormes au régime russe et à ses complices. Nous ne cesserons que lorsque les responsables des crimes de guerre et des crimes contre l'humanité qui sont perpétrés seront traduits en justice.
Certes, tenir tête au régime russe a permis au Canada de tisser des liens encore plus serrés avec ses alliés outre-Atlantique de l'OTAN, mais nous sommes aussi un pays du Pacifique. La région indo-pacifique est au cœur d'un tournant majeur à l'échelle du globe. Les décisions prises auront une incidence sur les Canadiens pendant des générations et les décennies à venir. C'est la région où la croissance économique est la plus rapide dans le monde, une région où le Canada a des liens forts et croissants. Nous allons agir dans l'intérêt supérieur des Canadiens. Nous renforçons également nos relations avec l'Inde, le Japon et la Corée du Sud, tous des États que j'ai visités ces derniers mois, de même qu'avec les membres de l'Association des Nations de l'Asie du Sud-Est.
[Français]
Enfin, notre gouvernement continuera de se concentrer sur les priorités des Canadiens, alors que nous naviguons dans les réalités complexes qui sont celles du monde d'aujourd'hui. Grâce à nos diplomates talentueux, nous verrons à ce que le Canada soit bien représenté à la table et que notre voix soit entendue de façon forte et claire. Nous nous engageons à garder l'intérêt national et à toujours le défendre. Bien entendu, l'intérêt des Canadiens est au cœur de chacune de nos décisions.
C'est ce qui conclut mon allocution. Je suis tout à fait disposée à répondre à vos questions en français et en anglais.
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Je savais que vous alliez me poser la question, car c'est une question valide.
Je réitère très brièvement que je ne peux qu'imaginer le choc, la douleur et l'inquiétude que vous avez vécus, mon cher Michael, parce que votre famille et vos proches étaient ciblés. Comme je l'ai dit, sur le plan personnel, et en tant que ministre des Affaires étrangères, je prends la question extrêmement au sérieux.
Vous m'avez déjà posé des questions sur l'ingérence étrangère. J'ai toujours dit, d'abord, que ce ne serait évidemment pas toléré et, ensuite, que nous allions veiller à ce que, s'il y avait la moindre violation de la Convention de Vienne, des mesures soient prises...
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Pourquoi ce diplomate est‑il toujours ici? L'article 9 de la Convention de Vienne est clair. L'article 9 stipule que le gouvernement peut déclarer un diplomate
persona non grata sans avoir à motiver sa décision. L'article est clair, donc pourquoi ce diplomate est‑il toujours ici? C'est un diplomate qui a plus de droits et d'immunités que les Canadiens autour de cette table et qui peut aller et venir, puis mener ses activités d'ingérence étrangère.
Il jouit de l'immunité diplomatique. Il ne peut pas être poursuivi au criminel. Nous nous souvenons tous de l'affaire de conduite avec facultés affaiblies où un diplomate russe a fauché un citoyen canadien, qui en est mort. L'ancien ministre Manley n'a pas été en mesure de faire quoi que ce soit.
Vous avez donné une accréditation diplomatique à quelqu'un qui utilise son immunité pour cibler non seulement ma famille et moi, mais aussi d'autres députés. Pourquoi, madame la ministre, permettez-vous encore que ce diplomate soit accrédité en sol canadien? Voilà la question, et vous n'y avez pas répondu.
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Nous n'avons pas expulsé le moindre diplomate de la RPC.
Mme Mélanie Joly: Michael, s'il vous plaît, si je peux conclure...
M. Michael Chong: Nous sommes l'un des rares alliés démocratiques de l'OTAN...
Mme Mélanie Joly: Monsieur le président...
M. Michael Chong: ... à ne pas avoir expulsé le moindre diplomate de la RPC. Les Canadiens sont ciblés par plus de 100 de ses diplomates accrédités au pays.
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... parce que c'est très important. Vous êtes concerné, mais les intérêts du pays le sont également.
Tandis que nous évaluons ces intérêts, et je sais que la pression est forte pour que nous agissions vite, nous devons veiller également à protéger notre démocratie. C'est pour cette raison que nous allons agir à la lumière des faits présentés dans votre cas et dans celui de tout autre député qui pourrait être ciblé.
C'est pour cette raison que mon sous-ministre rencontre en ce moment même l'ambassadeur de Chine pour le convoquer. C'est aussi pourquoi nous évaluons diverses options, y compris l'expulsion de diplomates, car il est important d'en venir à une décision.
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Merci, monsieur le président.
Merci, madame Bendayan.
Bienvenue, madame la ministre.
Je viens d'une région du Pacifique. On peut dire sans se tromper que 40 % de la population de la vallée du bas Fraser viennent de pays du Pacifique, et plus particulièrement de la région indo-pacifique, soit la Chine, l'Inde, les Philippines et Taïwan, entre autres.
La Stratégie pour l'Indo-Pacifique comme telle est vitale et très importante. J'espérais que vous pourriez nous expliquer un peu la façon dont vous avez bâti cette stratégie, qui vous avez consulté et si l'ordre international fondé sur des règles, qu'il s'agisse du commerce, des droits de la personne ou de la sécurité à long terme aux frontières territoriales, a été pris en compte. Pourriez-vous nous en parler un peu?
Bien entendu, la question de la stratégie indopacifique est extrêmement importante. Pourquoi? Il s'agit du plus gros investissement d'Affaires mondiales Canada depuis des décennies. On reconnaît ainsi que nous sommes un pays du Pacifique et qu'étant donné que ce qui se passera dans la région indopacifique aura une incidence sur les Canadiens pendant des décennies, nous devons être présents, et nous devons nous assurer d'établir une stratégie à cet égard.
Nous avons investi 2,3 milliards de dollars dans 43 initiatives qui touchent 17 ministères, et notre objectif est de nous assurer que nous pourrons investir dans la sécurité. C'est notre priorité principale. La deuxième est le commerce. La troisième est tout ce qui est lié aux relations entre les peuples: l'immigration, l'aide humanitaire. La quatrième est liée au changement climatique et aux investissements dans l'infrastructure. Enfin, celle qui me tient le plus à cœur est l'empreinte diplomatique, c'est‑à‑dire la possibilité de disposer d'une expertise importante relativement à la région indopacifique, mais aussi de veiller à y accroître notre présence.
Nous mettons également l'accent sur le Japon et la Corée, car ils font partie de notre région, à savoir le Pacifique Nord. Nous investissons également dans les pays asiatiques. Nous voulons nous assurer de devenir un partenaire stratégique de l'Asie. Par ailleurs, nous veillons à entretenir de bonnes relations de travail avec l'Inde. J'ai visité l'Inde deux fois au cours des quatre derniers mois, car elle préside le G20.
Bien entendu, tout ce que nous faisons est également lié à la protection et à la promotion de nos intérêts nationaux et à la défense des droits de la personne, car cela fait partie de notre identité. Cela fait partie de notre ADN et de l'engagement permanent d'Affaires étrangères.
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Merci, madame la ministre.
En ce qui concerne notre meilleur ami au sud, les États-Unis, nous avons eu des relations un peu tendues, notamment sur le plan commercial, avec le gouvernement précédent.
Le président Biden était ici récemment. Pouvez-vous nous dire si nos relations se sont améliorées? Sont-elles plus solides? Comment pouvons-nous faire progresser ces relations? Surrey est également une ville frontalière des États-Unis. Nous commerçons avec la région du Pacifique, mais nous avons également de nombreux échanges avec les États-Unis.
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Je pense que la visite du président Biden et de son équipe a été une réussite. Nous avons pu travailler ensemble sur de nombreux avantages économiques liés à l'investissement dans la croissance économique, surtout en matière d'investissements verts et de développement de la chaîne d'approvisionnement pour l'énergie propre, l'infrastructure verte, les véhicules électriques et les batteries.
En même temps, j'ai la chance de me réunir environ tous les mois ou toutes les trois semaines avec mon homologue, Tony Blinken. Nos relations sont très bonnes. Je le considère comme un ami. Nous travaillons ensemble sur de nombreuses questions géopolitiques qui vont des relations avec la Chine et de la réalité à laquelle les Ukrainiens sont actuellement confrontés avec l'invasion illégale de la Russie à la protection de l'Arctique, en passant par la recherche d'une solution pacifique pour le Soudan et aux efforts pour qu'Haïti soit également au centre de nos préoccupations alors que la situation de ce pays se détériore.
En ce qui concerne les affaires étrangères, nous travaillons ensemble sur une série de questions géopolitiques. En parallèle, nous entretenons de bonnes relations bilatérales. L'un des points sur lesquels nous avons collaboré, avec mes autres collègues, était l'accord sur les pays tiers sûrs, car nous voulions protéger notre souveraineté tout en couvrant l'ensemble de la frontière.
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Merci, monsieur le président.
Madame la ministre, je vous remercie d'être des nôtres en compagnie de vos collaboratrices.
Je me permets d'exprimer le regret que nous éprouvons d'avoir si peu souvent l'occasion d'échanger avec vous, et ce, pour si peu de temps chaque fois. Cela m'apparaît un peu anormal étant donné que nous sommes le Comité des affaires étrangères.
Le Budget principal des dépenses indique que le Canada compte allouer une somme de plus de 10 millions de dollars à l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe, l'OSCE, organisation importante s'il en est une.
Si certaines organisations, comme le Conseil de l'Europe, ont exclu la Russie de leurs rangs à la suite de sa guerre d'agression contre l'Ukraine, on constate qu'elle demeure membre de l'OSCE. J'ai d'ailleurs eu l'occasion de m'exprimer en faveur de cette exclusion à l'Assemblée parlementaire du Conseil.
Comme la Russie est toujours membre de l'OSCE, aussi bien profiter de sa présence. Vous savez qu'elle fait partie des coprésidents du Groupe de Minsk, qui était chargé de trouver une solution au conflit dans le Haut‑Karabakh.
Or, dans un communiqué d'Affaires mondiales Canada daté du 25 avril dernier, vous avez de nouveau exhorté les autorités azéries à rouvrir le corridor de Lachin et demandé qu'il reste « ouvert et sans entrave pour permettre la libre circulation des personnes et des biens ». Par contre, comme votre appel de décembre, celui-ci est resté sans réponse.
Avez-vous eu l'occasion de contacter votre homologue azéri pour discuter de la question? Qu'attendez-vous de l'OSCE, plus particulièrement du Groupe de Minsk, pour enfin faire débloquer cette situation, qui est en train de virer en véritable crise humanitaire?
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Je vous remercie. C'est une très bonne question.
Je partage la préoccupation de la communauté arménienne d'ici concernant la fermeture du corridor de Lachin et ses conséquences sur le plan humanitaire.
D'ailleurs, il y a à peine un mois, j'en ai appelé à la Chambre des communes, il y a à peine un mois, pour que les parties au processus de cessez-le-feu, donc tant l'Arménie que l'Azerbaïdjan, respectent les conditions du cessez-le-feu, ce qui n'est pas le cas présentement.
Par ailleurs, vous avez mentionné que l'OSCE inclut la Russie. L'OSCE est une organisation en laquelle j'ai confiance et pour laquelle j'ai beaucoup de respect, mais le processus de Minsk connaît des difficultés présentement. Je ne peux pas être plus franche avec vous.
Par contre, d'autres initiatives ont cours afin de trouver une solution qui permettra d'amener une certaine paix au Haut‑Karabakh et de protéger la communauté arménienne concernée. C'est le processus de paix de l'Union européenne.
J'ai demandé à l'Union européenne que le Canada puisse participer à ce processus de paix. Nous sommes en train de négocier avec l'Union européenne et j'aurai plus de choses à dire sur cette question sous peu. Vous savez que la situation au Caucase qui concerne la communauté arménienne est particulièrement importante pour moi. J'y accorde donc beaucoup d'attention.
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D'accord. J'imagine que nous allons devoir nous satisfaire de cette réponse pour aujourd'hui.
Dans le Budget principal des dépenses, il est question d'une somme de plus de 4 milliards de dollars allouée aux programmes de développement, de paix et de sécurité. En novembre 2017, alors qu'il accueillait un important sommet international sur le maintien de la paix à Vancouver, le premier ministre s'était engagé à ce que le Canada fournisse une force d'intervention rapide de 200 soldats. Il n'y en a qu'une poignée, présentement.
Cette promesse a-t-elle été budgétée? Le Canada a-t-il toujours l'intention de la remplir? Si oui, dans combien de décennies?
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Votre question est très pertinente. Il est important que le Canada joue un rôle à l'international pour contribuer à assurer la stabilité mondiale dans une période où l'on craint que le conflit actuel s'internationalise. C'est cela, la grande question.
Voilà pourquoi il était important que j'aille au Kenya pour aborder la crise du Soudan. On sait que cette crise peut avoir plusieurs conséquences, donc celle de déstabiliser la région et d'engendrer des mouvements de migration qui vont affaiblir plusieurs pays et exercer sur eux beaucoup de pression.
De plus, on ne veut pas que la situation devienne une répétition de ce qui se passe aussi en Europe. C'est pourquoi je voulais aller au Kenya. Bien sûr, je voulais d'abord rencontrer les Canadiens qui ont été évacués ainsi que nos diplomates, mais aussi permettre que le Canada participe aux négociations en Afrique en vue de trouver une solution au conflit.
J'ai donc eu des discussions...
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Merci beaucoup, monsieur le président.
Merci à toutes pour votre présence.
Je vous remercie de votre présence, madame la ministre. Je voudrais d'abord faire quelques commentaires, puis je vous poserai une série de questions.
Tout d'abord, je tiens à dire que je suis solidaire de notre collègue Michael Chong. Je trouve inacceptable que ce diplomate soit encore ici. Je suis très préoccupée quand je vous entends dire que vous évaluez la situation. Je crains que vous ne preniez pas la situation au sérieux.
Cela m'amène à mon deuxième commentaire. Nous avons rencontré, comme beaucoup de personnes autour de cette table, j'en suis sûre, des défenseurs des droits de la personne, des groupes religieux, des groupes confessionnels et des organisations de développement international. Nombre d'entre eux nous ont fait savoir que bien qu'ils vous aient contactée, dans certains cas à plusieurs reprises, votre service ne leur répond que rarement. Cela m'inquiète. Je crains qu'il s'agisse d'une tendance et que vous ne répondiez pas aux organisations. Je tiens à vous le signaler. Je sais que vous ne pourrez pas répondre à cette question maintenant.
Pour commencer, je vous poserai quelques questions sur les ventes d'armes du Canada. Vous avez dit à M. Sarai que la défense des droits de la personne faisait « partie de notre ADN ». J'ai rencontré aujourd'hui des représentants d'Amnistie international au Pérou. Ils m'ont parlé des difficultés que connaît le Pérou. Le Canada continue de vendre des armes au Pérou. Nous continuons de vendre des armes à l'Arabie saoudite. Nous continuons de vendre des armes à Israël. Nous continuons de vendre des armes à la Colombie. Vous m'aviez dit par le passé que ce ne serait pas le cas et que vous veilleriez à ce que nous respections les obligations du Traité sur le commerce des armes.
Selon moi, madame la ministre, à moins que votre définition de ce qu'est le Traité sur le commerce des armes soit très différente de la mienne, il semble que vous ne respectiez pas ce traité. Pouvez-vous nous expliquer pourquoi?
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On pourrait penser que ce n'est pas le cas, étant donné que nous continuons de vendre des armes à des pays dans lesquels des violations des droits de la personne sont clairement documentées.
J'étais également au Japon. Comme vous le savez, le G7 se tiendra prochainement à Hiroshima. Nous avons écouté les hibakusha, les survivants de la bombe atomique. Ils ont notamment souligné la nécessité d'avancer sur la voie du désarmement nucléaire. Comme vous le savez, d'autres pays de l'OTAN ont accepté d'assister en tant qu'observateurs à de nombreux pourparlers sur le désarmement nucléaire dans le cadre du Traité sur l'interdiction des armes nucléaires. À ce jour, le Canada refuse de le faire. Le Canada refuse de participer de quelque manière que ce soit aux discussions sur le Traité sur l'interdiction des armes nucléaires, ce qui est consternant, étant donné que je crois que les membres de votre gouvernement ont déclaré qu'ils étaient en faveur de ce projet avant d'être élus.
J'aimerais savoir si le gouvernement prévoit d'envoyer une délégation d'observation à New York cette année pour les réunions des États membres.
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Je comprends. Permettez‑moi de clarifier votre serment. C'est important.
Certaines parties de ce rapport ont été déclassifiées par David Vigneault. Il les a déclassifiées en vertu de la loi canadienne afin de prévenir les menaces qui pesaient sur moi et ma famille. La loi l'autorise à en déclassifier certaines parties, ce qu'il a fait.
Je ne vous demande pas de nous transmettre le rapport. Je demande simplement si le ministère peut faire savoir au Comité s'il a reçu ou non ce rapport. Il est intitulé « L'ingérence étrangère de la RPC au Canada: Une menace critique pour la sécurité nationale CSIS IA 2021, 2022‑2031 ».
J'aimerais savoir, madame la ministre, si vous vous engagez auprès du Comité à nous faire savoir si le ministère a reçu ce rapport.
Je considère que c'est un oui, monsieur le président.
J'ai une deuxième question très rapide. Le SCRS vient de publier son rapport de 2022. On y lit ce qui suit:
Pour un État, les activités d’ingérence visant les processus et les institutions démocratiques de tous les ordres de gouvernement au Canada peuvent être un moyen efficace d’atteindre ses objectifs stratégiques à très court, à moyen et à long terme. Des États étrangers – là encore directement ou par l’entremise d’intermédiaires – peuvent chercher à agir sur les processus d’investiture de candidats aux élections, à orienter le discours public ou à influencer les positions stratégiques d’élus par des moyens clandestins. L’objectif est de soutenir des enjeux ou des politiques qui sont favorables à l’État étranger ou de réprimer la dissidence.
Le rapport contient ensuite deux recommandations à l'intention de votre gouvernement:
Ces auteurs de menace doivent être tenus responsables de leurs activités clandestines. Le SCRS poursuivra ses enquêtes afin de cerner et de réduire les menaces que l’ingérence étrangère...
Ma question est simple: Pourquoi le gouvernement ne suit‑il pas les conseils du SCRS en demandant à ces acteurs de rendre compte de leurs activités clandestines, secrètes et coercitives?
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Tout d'abord, vous savez que le SCRS relève du . Je travaille évidemment avec eux sur cette question. Nous voulons tous protéger les Canadiens dans l'ensemble du pays et à l'étranger. Nous devons également nous assurer que nous agissons de manière réfléchie pour résoudre ce problème, parce qu'il nous concerne tous et qu'il touche notre démocratie.
Oui, je peux vous dire que des mesures seront prises. Tout d'abord, mon sous-ministre communiquera avec l'ambassadeur de Chine et le convoquera. J'ai également abordé la question directement avec mes homologues chinois. Je pense qu'il est important que je puisse le faire et que nous continuions de dialoguer.
Par ailleurs, je tiens à vous dire que nous continuerons de protéger notre démocratie. J'espère que nous pourrons tous travailler ensemble. Il ne s'agit pas d'une question partisane, mais d'un problème que tous les partis et tous les Canadiens veulent que nous puissions résoudre. Je vous remercie.
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Merci, monsieur le président.
Madame la ministre, je vous remercie d'être parmi nous aujourd'hui.
[Traduction]
Je sais que votre ministère et vous faites un travail important et formidable pour représenter les intérêts du Canada partout dans le monde et pour promouvoir notre approche, soit le respect d'un ordre international fondé sur des règles.
Nous avons beaucoup entendu parler aux nouvelles de ce qui est arrivé à un de nos collègues, et nous sommes tous choqués par cet affront aux droits d'un parlementaire.
Vous avez parlé un peu de nos relations avec la Chine.
Je veux vous donner un moment pour que vous puissiez nous parler un peu plus, si vous le souhaitez, des mesures que nous prenons pour protéger la démocratie, ainsi que des intérêts et des préoccupations économiques du Canada, car tout cela entre dans la balance. Nous défendons les droits de la personne et protégeons la démocratie, mais nous devons aussi avoir des échanges commerciaux avec le reste de la planète.
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Je vous remercie, monsieur Zuberi.
Deux aspects de votre question sont importants. Le premier est le suivant. Je pense que nous avons été clairs lorsque nous avons publié notre stratégie pour l'Indo-Pacifique en novembre dernier. À ce moment, j'ai eu des discussions avec nombre d'entre vous — y compris M. Chong — sur le fait que nous devions avoir une position claire et ferme concernant cette région, et concernant la Chine en particulier. À ce moment, nous avons dit être d'avis que la Chine devenait de plus en plus une puissance mondiale perturbatrice. Je l'ai dit et je vais continuer de le dire. J'étais vraiment ravie de voir que cela n'est pas devenu un enjeu partisan. Nous sommes tous d'accord, je crois, pour dire que c'était la bonne chose à faire. Dans la stratégie, nous avons aussi affecté plus de fonds à la lutte contre l'ingérence étrangère, qui seront versés au SCRS et à la GRC.
Dans la stratégie, en outre, il était clair que la question des Ouïghours était aussi extrêmement importante. Je sais, monsieur Zuberi, que vous travaillez dans ce dossier. Le gouvernement a appuyé votre motion pour répondre aux violations des droits de la personne commises contre les Ouïghours — que l'ONU qualifie de crime contre l'humanité — et aussi mentionné que nous allions collaborer pour faire venir des Ouïghours au Canada. Je suis ravie aussi de voir que cela n'a pas été un enjeu partisan et que tous ont appuyé votre motion. Pour revenir à M. Chong, le fait qu'il ait été ciblé par la République populaire de Chine est lié, en ce sens, à son travail dans le dossier des Ouïghours.
Je pense qu'il est important de reconnaître que, en tant que pays et en tant que Parlement, nous avons une position qui est importante et qui fait toujours partie de l'ADN du Canada. Cette position consiste à dénoncer les violations des droits de la personne, y compris en Chine, un acteur important sur la scène mondiale, et nous allons continuer de le faire.
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Merci, monsieur le président.
Dans le Budget principal des dépenses, on fait état de plus de 1 milliard de dollars de dépenses prévues pour soutenir la présence du Canada à l'étranger. À cet égard, je signale que nous prévoyons mettre sur pied une mission permanente auprès de l'Union africaine, à Addis‑Abeba, en Éthiopie, et de transformer le bureau de Kigali, au Rwanda, en un haut-commissariat.
J'ai eu l'occasion de poser la même question au . Je sais que le Comité doit recevoir des informations à cet égard, mais vous en savez peut-être davantage sur le projet de stratégie africaine, que le souhaitait déposer au Cabinet avant décembre 2022.
Où en est-on à ce chapitre? Peut-être, par la bande, pourrez-vous nous parler des missions de paix?
Vous avez soulevé différentes questions.
Premièrement, nous avons plus d'argent, en effet, pour soutenir la présence du Canada dans le monde. C'est une bonne nouvelle. En juin dernier, j'ai annoncé l'ouverture de six nouvelles ambassades à l'étranger, et, dans le cadre de la Stratégie du Canada pour l'Indo‑Pacifique, nous prévoyons ouvrir une ambassade de plus. Il y aura donc sept nouvelles ambassades. Dans l'Union africaine, comme vous l'avez dit, l'ambassade sera à Kigali, au Rwanda. Nous en ouvrirons aussi en Slovaquie, en Estonie, en Lithuanie, en Arménie, votre sujet préféré, et le mien aussi, et dans les îles Fidji.
Le but de cette initiative est d'assurer la présence de nos diplomates pour qu'ils soient tout yeux, tout oreilles sur le terrain. Ils seront en mesure de savoir ce qui s'y passe et d'informer, bien entendu, le gouvernement canadien et les membres de votre Comité.
En ce qui concerne l'Union africaine, j'aurai l'occasion d'annoncer sous peu la nomination d'un représentant permanent. Les choses se passent bien. Nous allons travailler pour qu'il puisse être en contact avec l'ambassade et être positionné au sein de l'ambassade à Addis‑Abeba en Éthiopie.
Pour ce qui est de Kigali au Rwanda, j'aurai l'occasion d'annoncer sous peu la nomination d'un ambassadeur, qui sera basé au Rwanda. Il exercera aussi ses fonctions au Burundi. Cela permettra d'alléger les tâches de notre ambassadeur, de notre haut commissaire au Kenya. Nous allons aussi faire en sorte que notre nouveau haut commissaire au Rwanda puisse obtenir son agrément. Bien entendu, cela fait partie de notre vision de la chose, c'est-à-dire de jouer un rôle plus important en Afrique.
Comme je le disais tantôt, j'arrive tout juste du Kenya, où j'ai eu de bonnes conversations avec mes homologues, et...
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Je vous remercie, monsieur le président.
Je vous remercie encore une fois, madame la ministre, d'être avec nous.
Madame la ministre, vous savez sans doute que j'ai présenté une motion au Comité pour procéder à une étude exhaustive sur les mesures que le Canada devrait prendre pour favoriser la paix et le respect des droits de la personne et le droit international en Israël et en Palestine. Nous convenons tous, je crois, qu'il est devenu très clair à la suite des récents événements que la politique étrangère du Canada au Moyen-Orient ne fonctionne pas et nécessite un examen sérieux.
Le gouvernement appuiera‑t‑il cette étude?
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Nous allons appuyer, bien entendu, toute étude sur la situation au Moyen-Orient, et j'ai hâte d'entendre les témoignages de chacun sur cette question. Je vous remercie, madame McPherson, d'avoir pris les devants à ce sujet.
Au sujet de notre engagement à l'égard d'une paix durable, le Canada a toujours été en faveur d'une solution à deux États, mais cette solution doit inclure, en même temps, le respect de la primauté du droit.
Vous avez vu mes commentaires au sujet de la réforme judiciaire en cours en Israël. Je suis très préoccupée, et j'ai fait part de mes préoccupations à mon homologue en Israël. J'ai aussi discuté avec mon homologue au sein de l'Autorité palestinienne, et nous devons nous assurer que l'engagement d'Israël à l'égard de la primauté du droit est respecté.
Je pense aussi que beaucoup de membres de la communauté juive au Canada ont des inquiétudes au sujet de ce qui se passe. Je les ai rencontrés. J'ai aussi rencontré la communauté musulmane pour tenter de trouver une façon pour en venir un jour, espérons‑le, à établir la paix, afin que ces deux États vivent côte à côte en paix et en sécurité.
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Je vous remercie, monsieur Hoback.
Je dirai tout d'abord qu'il est clair que nous avons investi plus que jamais auparavant dans les Forces armées canadiennes...
M. Randy Hoback: Mais cela n'atteint pas les 2 %...
L'hon. Mélanie Joly: ..., mais que nous devons faire plus. Je pense que le gouvernement le reconnaît clairement, et c'est pourquoi ma collègue, la , procède à un examen de la politique de défense très important. Je vais appuyer ses efforts dans ce dossier.
J'ai eu aussi de nombreuses discussions avec Jens Stoltenberg, le secrétaire général de l'OTAN, qui était au Canada l'été dernier et, avec mes amis et homologues ukrainiens, nous nous sommes tous rendus dans l'Arctique. Nous aidons beaucoup l'Ukraine à l'heure actuelle, et nous sommes le pays qui, par habitant, lui fournit le plus d'aide. Je pense que nous pouvons tous être fiers du travail que nous accomplissons.
Par ailleurs, même si nous investissons beaucoup en Europe, je crois qu'il est important de veiller aussi à le faire dans la région indo-pacifique. C'est pourquoi, dans notre stratégie pour cette région, nous nous sommes engagés à investir 500 millions de dollars de plus dans la défense, notamment pour nous doter d'une autre frégate. Actuellement, nous sommes le pays qui, après les États-Unis et la France, a le plus de frégates dans cette région.
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Merci, monsieur le président.
Soyez la bienvenue, madame la ministre.
Je partagerais mon temps avec la secrétaire parlementaire Bendayan.
L'Arctique est évidemment de la plus haute importance — la magnifique région du Nord du Canada. Il est important pour de nombreuses raisons — sur le plan militaire, économique et de la sécurité. Un accord a été signé concernant l'île Hans. Pourriez-vous nous en parler et nous expliquer comment cet accord s'inscrit dans notre stratégie pour l'Arctique?
Merci, madame la ministre.
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Je plaisante. Je voudrais remercier mes merveilleux collègues diplomates, qui ont travaillé en ce sens pendant tant d'années.
Entre-temps, je dois ajouter que j'ai dialogué particulièrement avec cinq pays nordiques. Ma collègue norvégienne était ici il y a un mois et demi, afin de discuter avec les États-Unis, qui présentaient leur stratégie actualisée pour l'Arctique.
Par ailleurs, pour revenir à la question de M. Hoback concernant, entre autres, le Japon, la Corée, nous savons que nous avons l'OTAN à l'est et le NORAD pour le Grand Nord. Cependant, nous devons nous assurer que nous protégeons la porte ouest de l'Arctique. C'est pourquoi nos relations avec le Japon et la Corée sont extrêmement importantes, et c'est pourquoi je consacre beaucoup d'énergie à ces relations. Je me rendrai en Corée du Sud et au Japon dans les prochains jours.
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Je ne vous ai pas entendu nous demander si nous souhaitions prolonger les séries de questions. Cela ne me dérange pas du tout, mais je pense que, pour le...
Une voix: Le Comité...
M. Sameer Zuberi: Pardon, mais j'ai la parole, ce qui n'est pas votre cas. Lorsque le président vous nommera, vous aurez la parole.
Monsieur le président, je pense que vous devriez nous poser une question. Ainsi, nous pourrions décider de prolonger ou non les séries de questions. Je ne vois aucun inconvénient à le faire, mais c'est à vous de poser la question et non à un membre quelconque du Comité — ou même, avec tout le respect que je lui dois, au vice-président du Comité.
Les membres du Comité souhaitent-ils voter par consentement unanime en faveur des cinq votes différents auxquels nous devons procéder?
AFFAIRES ÉTRANGÈRES, COMMERCE ET DÉVELOPPEMENT
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Crédit 1—Dépenses de fonctionnement..........1 960 768 061 $
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Crédit 5—Dépenses en capital..........197 425 761 $
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Crédit 10—Subventions et contributions..........4 946 749 600 $
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Crédit 15—Paiements au titre des programmes de pension, d'assurance et de sécurité sociale..........102 536 000 $
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Crédit 20—Conformément au paragraphe 12(2) de la Loi d'aide au développement international (institutions financières), Paiements..........1 $
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Crédit L30—Conformément à la Loi sur l'aide financière internationale, Prêts..........201 000 000 $
(Les crédits 1, 5, 10, 15, 20 et L30 sont adoptés avec dissidence.)
CENTRE DE RECHERCHES POUR LE DÉVELOPPEMENT INTERNATIONAL
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Crédit 1—Paiements au Centre..........152 798 272 $
(Le crédit 1 est adopté avec dissidence.)
COMMISSION MIXTE INTERNATIONALE (SECTION CANADIENNE)
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Crédit 1—Dépenses du programme..........8 659 481 $
(Le crédit 1 est adopté avec dissidence.)
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Bienvenue à tous. Nous reprenons aujourd'hui la deuxième heure d'audiences du Comité.
Conformément à l'article 108(2) du Règlement, le Comité tient une séance d'information avec le procureur de la Cour pénale internationale.
J'ai le grand plaisir et l'insigne honneur d'accueillir aujourd'hui au sein du Comité M. Karim Khan, procureur de la Cour pénale internationale.
Nous accueillons également M. Irwin Cotler, ancien ministre de la Justice et procureur général, ainsi que fondateur et président international du Centre Raoul Wallenberg pour les droits de la personne.
En outre, nous recevons M. Allan Rock, ancien ministre de la Justice et procureur général, ainsi qu'ancien ambassadeur du Canada aux Nations unies.
Monsieur le procureur, vous disposerez de cinq minutes pour faire votre déclaration préliminaire, après quoi nous donnerons la parole aux députés, qui auront l'occasion de vous poser des questions. Lorsque vous vous rapprocherez de la limite de votre temps de parole, que ce soit au cours de votre déclaration préliminaire ou lorsque vous répondrez aux questions de l'un des députés, je brandirai ce signe, qui vous indiquera que nous vous serions reconnaissants de conclure aussi rapidement que possible.
Cela dit, Monsieur Khan, nous vous souhaitons la bienvenue. Vous disposez de cinq minutes pour faire votre déclaration préliminaire.
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Monsieur le président, honorables députés, c'est vraiment un grand honneur et un grand privilège de pouvoir prononcer quelques paroles à votre intention. Je m'en voudrais de ne pas remercier deux grands Canadiens et formidables démocrates, que j'ai l'honneur d'avoir à ma gauche et à ma droite, les honorables Irwin Cotler et Allan Rock. Ce sont des défenseurs de la justice dans toutes les situations, et j'ai vraiment le privilège de pouvoir compter sur leur soutien.
Je donne ce soir mon exposé sur Elie Wiesel, à l'invitation des deux grands hommes. Je pense que c'est très approprié, car la CPI est une enfant du tribunal de Nuremberg. La CPI a été créée pour témoigner de l'inhumanité de l'homme envers son prochain, que ce soit un homme, une femme ou un enfant, et de la promesse que nous avons faite en disant « Plus jamais », qui aurait dû nous inciter à prendre de plus grandes mesures après l'Holocauste, reste un besoin urgent, car nous le constatons avec les Rohingyas, en RDC et en Ukraine. Nous le constatons dans de nombreuses régions du monde.
Nous avons beaucoup de chance, et je me sens très privilégié d'être ici au Canada, parce que le Canada a la réputation d'être l'un des plus fervents défenseurs du droit international. Le Canada ne se contente pas d'en parler, il passe à l'action.
Philippe Kirsch a été le premier président de la CPI. L'actuel vice-président de l’Assemblée des États Parties au Statut de Rome est un autre grand Canadien, Bob Rae. Je compte chaque jour sur son soutien pour la gestion et la vice-présidence de l'assemblée. Le dernier président de la CPI était Chile Eboe-Osuji, qui est à la fois canadien et nigérian. Mon conseiller spécial sur les génocides, le professeur Payam Akhavan, est lui aussi Canadien et coprésident du Centre Raoul Wallenberg pour les droits de la personne.
Je pense que chaque moment peut être considéré comme crucial, et ces moments sont cruciaux. Chaque moment, chaque génération, présente des défis différents et des possibilités différentes, et l'histoire décide si les générations du passé ont relevé les défis et dépassé les attentes ou si elles ont échoué. N'ont-elles pas réussi à se montrer à la hauteur des exigences du moment? Je pense qu'il s'agit d'une question cruciale aujourd'hui, alors que nous assistons à tant de conflits dans différentes parties du monde. Nous observons la brutalité de la violence sexuelle et sexiste, le crime de la persécution, la dislocation et la déportation des membres les plus vulnérables de notre population — les enfants — dans tant de situations différentes.
Je pense que la CPI a un rôle important à jouer à cet égard. Nous ne pouvons pas nous contenter d'être banals. Nous ne pouvons pas nous contenter d'être une cour épousant l'importance des valeurs normatives. Nous devons montrer l'incidence de la justice internationale là où elle est le plus nécessaire et au moment où elle l'est le plus.
Depuis que je suis devenu procureur, nous avons essayé avec beaucoup d'empressement de mettre l'accent sur la présence de la CPI sur le terrain. Nous avons un centre d'interrogation à Cox's Bazar, où je me trouvais le 24 février, lorsque la Fédération de Russie a envahi l'Ukraine. Nous avons conclu un accord avec le président Zelenskyy et les autorités ukrainiennes en vue d'ouvrir un bureau à Kiev. Malgré toutes les difficultés que nous rencontrons à Khartoum et à Tripoli, nous essayons d'avoir une présence sur le terrain, et j'ai conclu un accord afin d'avoir un bureau à Caracas.
On ne fait pas de la politique en étant proche des gens. C'est essentiel pour comprendre les exigences de la justice pénale et le fait que nous ne pouvons pas réussir, que nous ne pouvons pas prouver les cas au-delà du doute raisonnable, à moins de connaître les courants sous-jacents, l'histoire, la culture, la politique, les liens qui existent. Nous n'y parviendrons pas en parachutant d'importants représentants juridiques dans des hôtels pendant quelques semaines, puis en les rapatriant. Nous devons être avec les gens pour apprendre, étudier, puis collaborer. L'autre aspect est celui des partenariats. L'idée que la CPI est une cour de la plus haute importance est juridiquement erronée. Elle est fondée sur la complémentarité.
La révolution que nous sommes en train de vivre au bureau afin de transformer le système d'eDiscovery est, je crois, absolument nécessaire et n'a que trop tardé. On ne peut pas composer avec l'ère numérique avec des outils analogiques. La possibilité d'utiliser la transcription voix-texte, la traduction automatique et l'identification faciale nous donnera les moyens de traiter beaucoup plus d'informations. Cela nous permettra non seulement de monter des dossiers plus solides et d'enquêter sur les preuves à charge et à décharge de manière égale — comme nous sommes tenus de le faire —, mais aussi de servir de plaque tournante pour la transmission d'informations aux autorités nationales.
L'une des déclarations que j'ai faites avant l'Ukraine — et avant d'être élu —, c'est que je ne me soucie pas du tout du drapeau qui se trouve derrière un juge indépendant, que ce soit le drapeau du Canada ou celui de la CPI, que ce soit le drapeau de la Colombie ou celui de la République centrafricaine. Ce que les victimes et les sociétés ressentent en ce moment — alors que leur confiance dans les institutions internationales, qu'il s'agisse des Nations unies, de la CPI ou même des États membres, n'est pas ce que nous souhaiterions —, c'est le besoin de voir que des mesures sont prises et que leur vie compte. Lorsqu'ils sont exposés aux éléments, aux balles, aux machettes, aux bombes ou aux missiles, ils ont besoin de sentir que le droit leur offre un abri.
Je pense que si nous faisons cela, lorsque nous abandonnerons nos responsabilités actuelles et que nous passerons à autre chose, les générations et les dirigeants qui viendront après nous penseront peut-être que nous avons fait de notre mieux et que nous nous sommes montrés à la hauteur des besoins du moment actuel.
Je vous remercie beaucoup de votre attention.
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Vous comprendrez que, comme pour les forces de l'ordre au Canada, nous ne pouvons pas annoncer nos enquêtes à l'avance, par souci de discrétion. Nous devons également assurer la protection de nos témoins, et tout le reste.
Vous avez tout à fait raison; nous avons compétence sur la plupart des pays de la région du Sahel, ainsi qu'au Soudan et en Libye, lesquels ont été référés par le Conseil de sécurité. Nous allons utiliser les ressources dont nous disposons de manière aussi efficace que possible. Toutefois, je rappelle que depuis un certain nombre d'années, les demandes adressées à notre bureau sont très nombreuses, et que le fardeau de la preuve est très élevé, à juste titre d'ailleurs. Nous ne sommes pas un organisme chargé de documenter les violations des droits de la personne, et de simples soupçons ne suffisent pas à déclencher une enquête. Nous devons être aussi rigoureux dans nos démarches que si nous présentions un dossier au palais de justice, ici à Ottawa. Les standards de preuve que nous nous imposons sont très élevés, et cela a des implications en termes de ressources disponibles.
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Merci, monsieur le président.
Je reprendrai là où M. Chong s'est arrêté.
Je comprends très bien les raisons pour lesquelles vous avez déterminé que vous étiez habilité à intenter des poursuites contre le président Poutine. Je crois me rappeler que c'est le 17 mars 2023 que la chambre préliminaire de la CPI a délivré des mandats d'arrestation à l'encontre du président Poutine et de sa commissaire aux droits de l'enfant.
Monsieur Khan, comme vous le savez, l'Afrique du Sud, en tant que signataire du Statut de Rome de la CPI, est tenue de donner suite au mandat d'arrestation de la CPI à l'encontre du président Poutine. M. Poutine est censé se déplacer en Afrique du Sud en août prochain pour assister à un sommet. Néanmoins, le ministre sud-africain de la Justice, M. Ronald Lamola, a indiqué qu'il envisageait d'accorder l'immunité diplomatique d'usage au président Poutine.
Pouvez-vous nous donner une idée des options dont dispose la CPI dans ce cas? Y a‑t‑il un moyen d'exécuter le mandat d'arrestation pendant que le président Poutine se trouve en Afrique du Sud?
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Je vous remercie, monsieur Khan.
J'aimerais revenir à la question de l'Iran, mais sous un angle différent.
Monsieur Khan, en septembre, les avocats qui représentent les familles des victimes du vol PS752 ont émis une communication au titre de l'article 15 à votre bureau, je crois. Cette communication fournit des renseignements et des preuves sur les crimes commis lorsque des missiles iraniens ont abattu le vol 752 d'Ukraine International Airlines.
Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur l'état d'avancement de ce dossier et sur la manière dont vous envisagez les prochaines étapes?
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La question des prisonniers politiques en Iran est, bien entendu, une priorité dans le travail que nous menons au Centre Raoul Wallenberg. Quant à la compétence de la CPI, je pense que le procureur spécial a déjà répondu à cette question.
Je profite de l'occasion aujourd'hui pour rappeler que nous avons avec nous dans la salle Evgenia Kara-Murza, qui a déjà comparu devant le Comité. Depuis son dernier témoignage, comme vous le savez, son mari, Vladimir Kara-Murza, a été condamné à 25 ans de prison. Une partie de cette peine est liée au travail du procureur spécial, en ce sens que M. Kara-Murza a été accusé de trahison pour avoir critiqué l'agression criminelle de la Russie en Ukraine, ainsi que les crimes commis à l'étranger par la Russie.
Nous considérons que la situation des prisonniers politiques reflète le moment historique que nous vivons à l'heure actuelle. Nous assistons présentement à une résurgence de l'autoritarisme à l'échelle mondiale, au recul des démocraties, à des attaques contre les droits de la personne. Ainsi, un prisonnier politique ne représente pas seulement le miroir de cette situation, mais également le porte-flambeau de la lutte pour les droits de la personne et pour la justice internationale. Leur bien-être demeure donc au premier rang de nos priorités.
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Merci, monsieur le président.
Monsieur le procureur, je vous remercie infiniment d'être des nôtres aujourd'hui. Je suis très heureux d'avoir l'occasion, grâce à votre visite, de retrouver deux estimés collègues.
Si vous ne l'aviez pas fait, cher collègue, monsieur Cotler, j'aurais effectivement souligné la présence, dans notre distinguée assistance, de Mme Kara‑Murza, que je suis allé saluer tout à l'heure.
La Cour pénale internationale a reconnu qu'elle ne disposait pas de forces de police ou de répression qui lui sont propres et que, par conséquent, elle devait s'en remettre aux États membres, aux États qui sont parties au traité, pour exécuter les arrêts décrétés par la Cour.
Un représentant du gouvernement de la Hongrie aurait déclaré que ce pays ne pourrait pas arrêter le président Poutine sous prétexte que le Statut de Rome ne fait pas partie du cadre législatif hongrois.
Selon vous, s'agit-il d'une justification suffisante pour éviter de se soumettre aux arrêts de la Cour?
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Je n'ai pas l'habitude de prêter attention aux rumeurs. J'ai conscience que plusieurs rumeurs circulent au sujet de mon bureau et moi, ainsi que sur chaque personne présente dans cette salle. Nous savons tous à quel point il peut être dangereux de prêter foi aux rumeurs.
Depuis que j'ai été élu procureur, j'ai essayé de nouer des liens avec le continent africain. L'année dernière par exemple, j'ai été le premier procureur en 17 ans à être invité au sommet des chefs d'État de l'Union africaine. L'invitation a été renouvelée cette année. J'ai eu l'occasion de discuter avec le président Faki à Addis, avec Macky Sall et avec le président de la RDC, M. Tshisekedi.
Je pense que ce nouveau rapprochement et ce type de collaboration se fondent sur le respect et la complémentarité. Nous cherchons à appuyer les autorités nationales pour leur permettre de s'améliorer, mais nous ne sommes que là en dernier recours. Je pense qu'il est important de rappeler ce point.
En ce qui a trait aux discussions sur les pays du BRIC, je tiens à souligner qu'aucun pays ne forme un bloc monolithique. Même au Canada, il existe tout un éventail de points de vue; c'est d'ailleurs ce qui fait toute la richesse bien connue de la mosaïque canadienne. De même, il existe toute une panoplie d'opinions et de perspectives différentes en Afrique du Sud, au Royaume-Uni, en France ou au Canada.
En fin de compte, le pouvoir exécutif se doit de prendre certaines décisions, mais il doit également se conformer au droit international. À mon avis, d'après ce que j'entends... Nous verrons ce qui se passera avec les pays du BRIC. J'ai constaté des signes qui indiquent que ces pays sont bien conscients de leurs obligations internationales. Chaque pays qui s’est battu pour son indépendance et s’est battu contre l’apartheid a le droit de décider de son propre destin. Il vaut mieux parfois ne pas compliquer les choses et s’en tenir à l’essentiel.
Voilà pourquoi je pense que je n'en dirai pas plus sur le sujet.
Merci beaucoup à nos trois témoins d'être ici aujourd'hui. Je vous remercie pour tout le travail que vous faites pour que Vladimir Poutine soit tenu responsable des crimes qu'il a commis, lui et Mme Lvova-Belova.
Je tiens également à exprimer ma sympathie et mon admiration à Mme Kara-Murza devant l'horrible nouvelle que nous avons reçue: la condamnation de son mari à 25 ans de prison.
Je peux peut-être commencer par la question suivante: en 2021, la Cour pénale internationale a déterminé que sa compétence s'étendait au territoire palestinien occupé. Bien sûr, nous pensons qu'il s'agit d'un pas dans la bonne direction dans notre quête de justice et de responsabilité. Le Canada a refusé de reconnaître la compétence de la Cour pénale internationale sur la Palestine, bien que la plupart des Canadiens souhaitent qu'elle enquête sur la situation en Israël et en Palestine.
À l'Assemblée des États parties, l'année dernière, vous avez déclaré que vous prévoyiez un voyage en Palestine. Avez-vous des nouvelles à nous donner au sujet de ce voyage et avez-vous reçu le soutien d'États membres, comme le Canada, pour cette visite? Enfin, pensez-vous que la Cour pénale internationale est l'un des seuls tribunaux où les Palestiniens pourraient obtenir justice.
Je suppose que cela dépend aussi du financement dont dispose la Cour. On craint toujours que vous n'ayez pas suffisamment de ressources pour faire le travail que vous devez faire dans tous les pays du monde où il y a des conflits, où il y aurait lieu que vous enquêtiez ou où l'on a besoin des compétences de la Cour pénale internationale.
Des États comme le Canada ont fait d'importantes contributions volontaires à votre bureau depuis l'invasion de l'Ukraine, en 2022. J'aimerais savoir, si possible, quelle part de ce financement a été consacrée à la situation en Ukraine et quelle part a été allouée à d'autres enquêtes ou à la Cour, de manière plus générale, plutôt qu'au seul bureau du procureur.
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Le Statut de Rome prévoit que les activités de la Cour soient financées à même son budget ordinaire. Nous avons essayé d'y arriver pendant de nombreuses années. J'ai essayé, en vain, à Noël dernier et le Noël précédent. Je n'ai vraiment pas réussi à défendre ma cause et à obtenir les ressources que nous souhaitions. En fait, je n'ai pas obtenu un seul euro d'argent frais à l'Assemblée des États parties. J'ai obtenu un ajustement à l'inflation, mais pas d'argent frais. En fait, les nouveaux fonds demandés visaient tous à assurer une présence sur le terrain en Ukraine. J'ai donc été contraint, et même avant cela, en mars, d'utiliser une disposition qui n'avait pas été utilisée jusque là, l'article 117, qui permet à la Cour de recevoir des contributions volontaires.
Le Canada a été très généreux. Le gouvernement du Canada nous a donné 1,3 million d'euros. Je vous en remercie. Cet argent sera utilisé à ma discrétion. Il n'est pas réservé pour quoi que ce soit. Plus de la moitié servira à réformer le système de gestion des preuves auquel j'ai fait allusion plus tôt. Vous nous avez fourni sept employés en détachement, gracieuseté du gouvernement canadien, qui sont déployés un peu partout en Asie, en Afrique et aussi en Ukraine, pour nous aider à faire mieux.
La vérité est simple, la Cour manque de ressources. Je repense au discours inaugural Elie Wiesel prononcé en 2020 par la juge Abella, grande juge à la Cour suprême du Canada, dans lequel elle évoquait ses propres pertes attribuables à l'Holocauste, elle rappelait l'héroïsme de Raoul Wallenberg et d'Elie Wiesel, et l'obscénité dans laquelle l'humanité a été plongée presque chaque décennie depuis. Le budget dont j'ai hérité était de 49,5 millions d'euros pour 16 situations à examiner. Pour replacer les choses en contexte, le budget dont je disposais au cours de mon dernier mandat en tant que conseiller spécial et chef de l'équipe de l'ONU chargée d'enquêter sur Daech, ISIS, en Irak seulement, était de 30 millions d'euros. Nous sommes donc terriblement sous-financés.
Je pense qu'il y a deux choses. Si vous tous, législateurs parlementaires, comités budgétaires et responsables des trésors publics, pensez que la valeur de la justice internationale n'est qu'un écran de fumée, que ces nobles principes auxquels nous aspirons sont comme de lointains arcs‑en‑ciel au bout desquels nous espérons trouver de l'or, nous ne vengerons jamais ceux et celles dont nous avons vu les corps décharnés dans les chambres à gaz, en Yougoslavie ou ailleurs. Nous avons besoin de ressources adéquates. C'est une question de paix et de sécurité. C'est une question de leadership moral. Je pense que nous pourrions faire beaucoup mieux à ce chapitre.
J'espère que le Canada sera en première ligne encore cette année pour veiller à ce que la Cour soit dotée d'un budget adéquat. Chose certaine, cela représente beaucoup moins que la facture de 20 ou 30 billiards d'euros consacrés chaque année à l'armement militaire. Je pense qu'il est tout à fait évident que c'est de l'argent bien dépensé, d'autant plus que les dirigeants de la Cour essaient de s'assurer que son travail rejaillisse sur ceux qui en ont le plus besoin.
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Si je peux faire une petite rétrospective, avant le Venezuela, il y a un examen préliminaire qui a duré pendant 17 ans en Colombie. À la fin de l'année 2021, quelques mois après avoir été nommé procureur, je me suis rendu à Bogotá et j'ai signé un accord avec le président Duque, par lequel j'ai mis fin à l'examen préliminaire, sans pour autant abandonner la Colombie.
Il s'agissait d'un nouvel accord par lequel le gouvernement s'engageait à continuer de financer le Tribunal spécial pour la paix. Il a promis de respecter sa décision, d'apporter son soutien financier au Tribunal et de protéger les témoins. Cela m'a conféré une nouvelle posture, hors d'une enquête ou d'un examen préliminaire, pour essayer d'aider la Colombie dans le respect du principe de complémentarité dynamique.
De la Colombie, je me suis rendu directement au Venezuela. Bien sûr, je suis conscient que le Canada fait partie des pays qui ont porté la situation du Venezuela à l'attention de notre bureau, mais j'ai félicité le président Maduro. Il était farouchement contre... J'ai eu trois ou quatre rencontres avec lui en 48 heures lors de ce premier voyage, et il m'a dit en pleine face qu'il était injuste que j'ouvre une enquête au Venezuela alors que nous avions donné 17 ans à la Colombie. Je lui ai simplement dit que je pensais que c'était une erreur d'avoir donné 17 ans à la Colombie.
Cependant, parallèlement à l'enquête que nous avons ouverte — parce que je jugeais que c'était nécessaire, selon mon jugement indépendant —, nous avons créé un nouveau paradigme, puisqu'un protocole d'accord a été signé par lui dans le palais présidentiel. Cet accord prévoit que nous saisirons toutes les occasions d'essayer de soutenir le Venezuela, en collaboration avec d'autres acteurs, si le gouvernement vénézuélien est sincère et qu'il souhaite que les changements législatifs apportés aient des effets concrets en salle d'audience. Dans cette voie parallèle, comme je l'ai dit, l'idéal serait qu'il joigne ses efforts aux nôtres. L'État lui-même peut concevoir un mécanisme qui fonctionne, qui est efficace et indépendant, comme le Tribunal spécial pour la paix, mais dans le cas contraire, nous serons là en dernier recours, et nous comptons nous acquitter de notre mandat de manière indépendante.
Le Canada joue un rôle important partout où nous intervenons. Je pense que son soutien général au financement de notre bureau et à la primauté du droit est très important. Je pense que notre engagement général en Amérique latine est essentiel.
Dans quelques jours, le 12, je rendrai visite à l'Association des États des Caraïbes. C'est la première fois qu'un procureur y est invité. J'essaie de resserrer mes liens avec l'Amérique latine, parce qu'une chose est certaine: la distance physique entre l'Europe, La Haye et d'autres parties du monde — qu'il s'agisse des îles du Pacifique ou de l'Amérique latine — peut avoir pour effet de priver ces communautés de leurs droits ou de leur donner l'impression que cet organe judiciaire n'est pas pour elles.
Collectivement, le Canada peut aider à montrer que les lois internationales sont les lois de tout le monde. Elles nous appartiennent à tous.
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Merci, monsieur le président.
Je tiens à remercier M. Khan d'être ici. Je suis heureux que vous soyez épaulé de deux éminents Canadiens. J'espère que vous vous sentez soutenu et non pas seulement entouré, ce qui serait une bonne chose.
Dans mes allocutions, je cite probablement Elie Wiesel plus que tout autre auteur. Il a écrit: « Ils commettent la plus grande indignité que des êtres humains puissent s'infliger les uns aux autres: dire à des gens qui ont subi des souffrances et des pertes atroces que leurs souffrances et leurs pertes ne sont qu'illusions. » Je pense à l'Ukraine.
Le Canada a effectivement offert un soutien supplémentaire à la Cour, tout en respectant son indépendance. Il est absolument essentiel que lorsque la Cour reçoit du financement supplémentaire, ce soit vous qui décidiez à quoi servira l'argent. Ce n'est pas à nous d'en décider.
Vous savez cependant que le Canada se préoccupe beaucoup des violences sexuelles et sexistes dans les conflits. Je me demande si vous pouvez nous parler un peu des éléments de preuve que vous essayez de recueillir, étant donné que l'on sait que des crimes de guerre sont commis.
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Je peux vous dire qu'il n'y a jamais assez de Canadiens. Par conséquent, je ne me sens pas entouré, je me sens soutenu.
Ensuite, j'ai passé pas mal de temps, et j'ai des conseillers spéciaux fantastiques... Nous avons annoncé une nouvelle politique en décembre dernier, lors de l'Assemblée des États parties, sur la persécution fondée sur le sexe. Nous la présenterons le mois prochain au Centre Bellagio, ainsi qu'à l'occasion d'une table ronde de la société civile quelques semaines plus tard, fin mai-juin, afin de braquer les projecteurs sur la persécution fondée sur le sexe, parce que nous estimons qu'il n'y a pas un seul conflit dans le monde où il n'y a pas de persécution fondée sur le sexe. Il suffit de regarder en Afghanistan et de voir ce qui arrive aux femmes, aux filles et aux autres personnes dans ce pays.
En ce qui concerne les violences sexuelles et sexistes, nous sommes déjà en train de revoir la politique existante pour nous assurer qu'elle est adaptée à l'objectif visé, et nous espérons pouvoir l'annoncer en décembre prochain, lors de l'Assemblée des États parties à New York. Il en va de même de la politique relative aux crimes perpétrés contre des enfants ou les affectant.
Les enfants sont très souvent les personnes les plus invisibles de la population civile. Bien trop souvent, ils sont confondus avec la population civile générale ou, pire encore, ils sont associés aux crimes de violence sexuelle et sexiste. Tant que nous ne commencerons pas à voir clairement comment les enfants sont touchés et à catégoriser les préjudices qui leur sont infligés, ainsi que les conséquences générationnelles des séquelles qui en découlent, nous ne serons pas en mesure d'enquêter correctement ni de constituer des dossiers adéquats.
En ce qui concerne l'Ukraine, je pense que diverses sources publiques font état d'allégations d'un certain nombre de crimes perpétrés contre des enfants. Toutefois, je ne pense pas qu'il soit approprié pour moi d'en parler plus en détail à ce stade.
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Puis‑je ajouter une chose, si vous le voulez bien, monsieur Oliphant?
Les partenariats sont essentiels.
En plus de nombreuses autres nouvelles initiatives, par exemple, pour la première fois dans l'histoire de la Cour, nous avons joint une équipe d'enquête commune avec sept pays sous les auspices d'Eurojust. Nous avons également produit, avec le réseau génocide, au sein duquel le Canada joue un rôle important, un guide à l'intention des organisations de la société civile sur la façon de consigner les crimes sexuels et sexistes et les crimes perpétrés contre des enfants, afin de nous assurer de ne pas revivre les horreurs du passé, à savoir la surdocumentation comme au Myanmar, concernant les Rohingyas, ou toute la situation en Irak et en Syrie, qui a donné lieu au Code Murad.
Vraiment, nous essayons de collaborer avec de nombreux partenaires — les universités, la société civile et les autorités nationales également — et de construire collectivement un terrain d'entente où tout le monde a le sentiment d'être inclus, parce que c'est le cas. J'espère qu'en nous dotant d'une approche inclusive de la sorte, nous pourrons faire mieux que par le passé.
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Merci, monsieur le président.
L'Ukraine et certains de ses partenaires ont demandé la création d'un tribunal spécial chargé d'intenter des poursuites pour les crimes d'agression commis par les dirigeants russes contre l'Ukraine.
En décembre dernier, à l'Assemblée des États parties de la Cour pénale internationale, vous avez reconnu qu'il y avait, une « lacune » dans l'architecture institutionnelle liée aux crimes d'agression, mais vous avez néanmoins suggéré que cette lacune devrait pouvoir être comblée au moyen du Statut de Rome.
Qu'aviez-vous en tête lorsque vous avez fait cette déclaration?
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Je pense que tout le monde, depuis Nuremberg, a compris que le crime d'agression est un crime grave. Il intervient dans de nombreux conflits, mais pas tous. Le Rwanda a connu un conflit armé interne. En cent jours, il n'y a pas eu de crime d'agression. C'était des Rwandais qui s'attaquaient à d'autres Rwandais. Depuis l'Holocauste, il n'y a peut-être pas eu de tuerie aussi intense à part cet exemple. Ce n'était toutefois pas un crime d'agression. Cela n'aurait rien réglé. Dans ce cas, on n'a surtout pas su voir les signaux d'alerte précoces.
Je ferai avant tout une affirmation générale de mon point de vue de juriste. C'est une question d'équité. La loi que nous appliquons aux autres est la loi que nous devons respecter nous-mêmes. Cela jette le discrédit sur la loi, accroît la marginalisation et crée un fossé, une distance et une dissonance dans certaines parties du monde quand les gens constatent que l'application de la loi est sélective et sert avant tout de bâton, mais que ceux qui l'appliquent ne l'appliquent pas à eux-mêmes.
Le Statut de Rome prévoit le crime d'agression. Il a été établi à Kampala. Il s'applique activement. Nous avons un organe qui l'applique activement, mais il a fallu pour cela mettre certains mécanismes en place. Si la communauté internationale a évolué et se rend compte qu'il manque quelque chose et que la loi pourrait être améliorée, alors pour moi, la façon la plus logique et la plus équitable de rectifier le tir serait de modifier le Statut de Rome.
Cependant, je porte avant tout attention à la loi dont nous disposons actuellement. Je pense qu'il est presque regrettable que la loi dont nous disposons ne soit pas impuissante. Cette loi a suffi pour Milošević, Karadžić, Mladić, Jean Kambanda et Hissène Habré au Sénégal, pour qu'un individu après l'autre se présente devant la Cour et s'incline devant la justice.
Comme vous pouvez le voir, en ce qui concerne la situation en Ukraine et dans nos nouveaux mandats en Libye et ailleurs, nous essayons d'être moins passifs et d'accélérer le passage à l'action, d'être pertinents et d'être présents en première ligne. Je pense que le fait de trop mettre l'accent sur la loi que nous n'avons pas peut en venir à éclipser la loi que nous avons. Le défi devrait consister à rendre la loi dont nous disposons aussi efficace et percutante que possible. C'est ce qui devrait nous mobiliser.
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Merci, monsieur le président.
La discussion est très intéressante. Je vous remercie beaucoup pour toute cette information.
Je sais que bon nombre d'entre nous sont très préoccupés par la violence du conflit au Soudan. Nous craignons une guerre par procuration. Nous craignons que le conflit s'étende à l'extérieur des frontières de ce pays.
Dans les dernières années, nous avons vu la violence que des acteurs clés font subir à des civils, et nous avons observé les résultats de l'augmentation de la violence, et pourtant, monsieur, vous n'avez publié aucune déclaration jusqu'à maintenant condamnant la violence ou rappelant aux parties concernées que votre bureau a entrepris une enquête ouverte ou bien exprimant votre solidarité envers les victimes.
Pourquoi? Vous voudriez peut-être le faire maintenant.
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Je ne pense pas que la police au Canada parle sans cesse de la loi. Son travail consiste à mener des enquêtes, à arrêter des individus et à les amener devant les tribunaux, qui doivent décider de leur sort. En général, mon approche est différente de ma prédécesseure. Il y a beaucoup d'éléments qui entrent en ligne de compte; il faut faire preuve d'humilité et de pragmatisme, notamment. Je ne suis pas le Haut-Commissaire aux droits de l'homme, et je ne suis pas non plus un rapporteur spécial à Genève.
Une déclaration préventive peut entre autres démontrer l'impuissance du droit international. Si les gens ne sont pas à l'écoute, je vais passer mon temps à faire des déclarations tous les jours de la semaine sur différentes situations, et personne ne portera attention à ces déclarations. Je crois qu'en ce moment il faut montrer aux gens que le droit est appliqué. Pour ce faire, il faut faire notre travail. Il faut encaisser les critiques, car cela fait partie du jeu, mais, au bout du compte, tant que nous appliquons le droit fidèlement, nous allons montrer au fil du temps que le Bureau a changé — il est en train de constituer des preuves solides et il procède aussi rapidement que les ressources le lui permettent — et qu'il progresse.
Voilà mon approche en ce qui a trait aux déclarations préventives. Elle n'a rien à voir avec le Soudan. Je fais rapport deux fois par année au Conseil de sécurité, et je m'exprime très franchement. Dans mon dernier rapport à l'intention du Conseil de sécurité, j'ai fait savoir très clairement que la coopération s'est détériorée et que la prochaine période sera un test décisif pour déterminer si le Soudan coopère avec le Conseil de sécurité et si le Conseil de sécurité accepte d'être ignoré d'une manière si flagrante, avec les conséquences que cela entraîne.
Si le Soudan peut l'ignorer, alors pourquoi tous les autres pays ne pourraient-ils pas faire de même? Nous allons toutefois continuer à travailler du mieux que nous le pouvons.
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Merci, monsieur le président.
Je vous remercie tous les trois, messieurs, pour votre présence aujourd'hui.
Monsieur Khan, durant votre déclaration liminaire, vous avez dit que la primauté du droit est un refuge pour les victimes. Vos réponses à des questions le montrent clairement — certains des effets de l'absence d'universalité —, particulièrement vos réponses aux questions de mes collègues sur l'Iran.
Je n'ai pas été accablé, comme l'un de mes collègues le répète souvent en Chambre, d'une formation juridique, alors mes questions sont peut-être un peu naïves. J'ai une fille qui a une telle formation, alors ne pensez pas qu'il s'agit d'un manque de respect.
Il y a 123 États parties. Est‑ce que l'absence d'universalité a une incidence sur votre travail dans les États parties, compte tenu de leurs relations avec les États non parties? Est‑ce que cela nuit à votre travail?
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Je crois que cela n'a pas aidé. Richard Goldstone, le premier procureur en chef des tribunaux pour la Yougoslavie et le Rwanda, aimait bien dire que la politique est au centre et en marge du droit international, et si on ne comprend pas la politique, on ne sera pas en mesure de comprendre le droit. Les relations internationales dépendent de nombreux acteurs. Chaque État a des partenaires stratégiques et des nations qu'il préfère et entretient des relations bilatérales et multilatérales, et tout cela, bien sûr, a une influence, positive et négative, sur d'autres domaines du firmament international. En même temps, les États ont certaines responsabilités.
Ce que nous avons vu, et qui me donne de l'espoir, c'est que, lorsque le Pacte international relatif aux droits civils et politiques — ou la Déclaration internationale des droits de l'homme ou la Convention des Nations unies relative aux droits de l'enfant — a été signé en 1966, les États-Unis, la Chine et une grande partie des autres pays du monde ne l'ont pas signé, mais ils ont fini par le signer. Cependant, il peut arriver que des signataires ne procèdent pas à la mise en oeuvre.
C'est comme la phrase prononcée sur la lune, à savoir un petit pas pour l'homme, un grand pas pour l'humanité. La réalité est que nous devons avancer humblement à petits pas pour atteindre la destination souhaitée. Je pense que nous devons nous réjouir du fait que 123 États ont signé le traité, c'est‑à‑dire la majorité des pays du monde. Bien sûr, des États puissants, qu'il s'agisse des États-Unis d'Amérique, de la Russie, de la Chine, du Pakistan ou de l'Inde... C'est peut-être un projet générationnel, mais c'est un projet qui mérite qu'on y consacre des efforts afin de le concrétiser.
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Je ne me suis pas exprimé clairement. L'ensemble des 123 États parties ont l'obligation, conformément au droit des traités, de coopérer avec la Cour.
Le 24, j'étais à Cox's Bazar, et dès mon retour à La Haye, j'ai invité les États à accélérer l'ouverture d'une enquête en m'adressant des renvois. Cela a accéléré les choses. Plutôt que de suivre le processus normal, je pouvais agir plus rapidement. En l'espace de 48 heures — du jamais vu à la CPI — 39 pays m'ont adressé un renvoi, et maintenant, nous en comptons 43.
C'est un signe positif. Cependant, cela ne signifie pas que le reste des pays n'ont pas à se conformer. Cela signifie que le tiers des États étaient suffisamment galvanisés pour décider de m'adresser un renvoi afin de s'assurer que nous pourrions examiner ce qui se passait sur le territoire ukrainien.
Bonjour, messieurs, et bienvenue, monsieur Khan.
La semaine dernière, j'ai dirigé la délégation durant les réunions du Conseil de l'Europe à Strasbourg. M. Browder était présent, et l'épouse de Kara-Murza était également présente et a prononcé un discours lors de l'une des réunions des partis politiques européens à laquelle nous avons assisté. J'ai écouté son allocution très attentivement.
Le Conseil de l'Europe travaille à l'établissement d'un registre des dossiers servant à documenter les preuves et les allégations de dommage, de perte ou de blessure résultant des agressions de la Russie contre l'Ukraine. Le secrétaire général en a parlé, et les 46 États membres vont de l'avant.
Est‑ce que ce registre des dossiers sera distinct de quoi que ce soit que la CPI est en train de mettre en oeuvre, ou est‑ce qu'il y aura des chevauchements...? L'objectif ultime est bien sûr de tenir responsables la Russie et les agresseurs russes.
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En ce qui a trait au deuxième sujet, je dois dire encore une fois que je ne fais aucun commentaire sur les communications. Il existe un processus en ce qui concerne les communications, et je dois agir selon les différentes situations, mais aussi en fonction des champs de compétence. La preuve, bien entendu, a une grande importance. La principale chose à examiner, c'est la qualité de la preuve.
Pour ce qui est de la paix et de la justice, je crois que c'est un sujet très vaste. Il y a en effet un lien entre les deux. Ce sont les deux côtés d'une même médaille, et nous avons vu, dans de nombreux scénarios, que, si on pense qu'une paix durable est possible sans justice, on a tendance à observer une cessation des hostilités plutôt qu'une paix. Ce que nous devons faire, c'est nous assurer qu'il y ait davantage de justice. Il est possible d'y parvenir sans compromettre la paix, mais on peut certes l'écarter parce qu'elle dérange.
Nous devons nous rendre compte, en tant qu'êtres humains, qu'il ne s'agit pas de politique. Il s'agit de génocides, des crimes contre l'humanité et des crimes de guerre, alors, pour l'amour du bon Dieu, nous devons parler d'une seule voix. Nous envoyons dans l'espace des télescopes pour observer des galaxies lointaines, d'autres univers, mais nous devrions d'abord améliorer les choses sur la planète Terre et mettre fin à ce type de crimes. Nous n'y parvenons pas, et c'est pourquoi j'estime que nous devrions avoir honte. Nous devrions vraiment avoir honte à l'égard des survivants de l'Holocauste, des survivants du Cambodge — j'ai représenté ces victimes également — et des survivants des Balkans.
Le dernier livre de Nadia Murad s'intitule Pour que je sois la dernière, mais elle n'est pas la dernière. Nous en parlons à la légère. Nous en parlons comme s'il s'agissait d'une émission de télévision et nous pensons que la prochaine fois nous ferons mieux: nous n'avons pas réussi cette fois‑ci, alors nous allons tenter d'y parvenir la prochaine fois.
Je pense que nous devons nous sentir offusqués et honteux et que nous devons décider ce qu'il faut faire collectivement, les États, les individus et les institutions internationales, pour mettre enfin un terme à ce genre d'obscénités. Si nous ne le faisons pas maintenant, nous ne devrions pas imaginer ou assumer que des générations dans le futur seront en mesure de réparer nos erreurs d'aujourd'hui.
Nous disposons de moyens de destruction qui n'ont jamais existé auparavant dans l'histoire de l'humanité. Je pense qu'il s'agit là d'une autre raison qui explique pourquoi vous avez la grande responsabilité en tant que députés de vous assurer qu'on ne se contente pas de passer la balle à quelqu'un d'autre, car peut-être qu'il n'y aura personne à qui la passer.
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Je vous remercie beaucoup. Cela conclut la réunion.
Permettez-moi de vous dire, monsieur le procureur, au nom de tous les membres du Comité, que nous vous sommes très reconnaissants d'avoir pris le temps de comparaître devant nous. Votre engagement et votre énergie nous impressionnent au plus haut point. Je vous remercie d'avoir souligné les défis qui nous attendent et de nous avoir rappelé ce que nous sommes censés faire. Nous sommes également reconnaissants que vous ayez pu compter sur le soutien de deux éminents juristes canadiens et nous vous remercions beaucoup d'avoir pris le temps de vous adresser à nous.
Avant de mettre fin à la séance, je dois poser une question aux membres du Comité. Êtes-vous d'accord pour présenter votre liste de témoins en prévision de l'étude sur le régime de sanctions du Canada avant 17 heures le vendredi 12 mai 2023?
Un député: Oui.
Le président: C'est très bien.
La séance est levée.