Conformément à l'article 108(2) du Règlement et à la motion adoptée par le Comité le mercredi 8 novembre 2023, nous entreprenons aujourd'hui notre étude sur les capacités diplomatiques du Canada, aussi appelée l'étude sur l'avenir de la diplomatie.
J'aimerais faire quelques commentaires à l'intention des membres du Comité et de nos éminents témoins.
Veuillez s'il vous plaît attendre que je vous nomme avant de prendre la parole.
Si vous participez à la réunion avec la vidéoconférence, veuillez cliquer sur l'icône du microphone pour l'activer. Veuillez s'il vous plaît mettre votre micro en sourdine lorsque vous n'avez pas la parole. Si vous êtes dans la salle, votre micro sera contrôlé par l'agent des délibérations et de la vérification.
Vous pouvez vous exprimer dans la langue officielle de votre choix. Des services d'interprétation sont offerts. Vous avez le choix, au bas de votre écran, entre le son du parquet, l'anglais et le français. Si l'interprétation ne fonctionne pas, veuillez m'en aviser immédiatement.
La greffière m'informe que, conformément à la motion de régie interne du Comité relative aux tests de connexion des témoins, les deux témoins qui participent virtuellement à la réunion ont effectué les tests requis au préalable.
Je vais maintenant vous présenter nos invités.
Nous recevons d'abord le professeur Mark Kersten de l'Université de la vallée du Fraser et de la Fondation Wayamo, qui est ici avec nous.
Nous sommes très heureux d'accueillir deux autres témoins qui se joignent à nous de façon virtuelle. Nous recevons M. Chapnick, qui est professeur d'études de la défense au Collège des Forces canadiennes. Nous recevons également Mme Welsh, qui est professeure dans le domaine de la gouvernance et de la sécurité à l'Université McGill.
Chacun des témoins disposera de cinq minutes pour faire une déclaration préliminaire. Nous entendrons ensuite les questions des membres du Comité.
Monsieur Kersten, comme vous êtes ici en personne, nous allons vous entendre en premier. Vous disposez de cinq minutes. Allez‑y.
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Merci beaucoup, monsieur le président.
J'aimerais vous parler de l'engagement du Canada à l'égard d'un système fondé sur des règles qui se veut la devise même de la diplomatie: le droit international. De façon particulière, je vais me centrer sur l'approche du Canada relative aux poursuites dans les cas de crimes internationaux, de crimes de guerre, de crimes contre l'humanité, de génocide et de crimes d'agression.
Au cours des dernières années, le Canada a beaucoup fait pour appuyer les efforts en matière de reddition de comptes. Depuis 2022, le Canada a toujours appuyé les poursuites relatives aux crimes internationaux en Ukraine. De concert avec les Pays-Bas, le Canada a traîné la Syrie devant la Cour internationale de Justice pour des cas de torture. Cependant, de nombreuses personnes se demandent pourquoi il y a tant d'incohérences dans l'appui du Canada au droit international et dans les efforts de reddition de comptes.
J'aimerais explorer deux questions qui, à mon avis, sont instructives en ce qui a trait à la position du Canada en matière de poursuites pour crimes internationaux et à sa place dans le monde.
Premièrement, que ferait le Canada si un criminel de guerre russe ou syrien de niveau intermédiaire ou un membre du groupe Wagner entrait au Canada? En tant que signataire des Conventions de Genève, le Canada a l'obligation d'enquêter sur les crimes de guerre et d'intenter des poursuites par l'entremise de ses tribunaux.
Les partenaires diplomatiques du Canada s'attendent à ce qu'il poursuive les criminels de guerre et à ce qu'il ne devienne pas un refuge pour eux. Pourtant, trop souvent, le Canada ne fait rien ou tente d'expulser les présumés criminels de guerre au lieu de les poursuivre. Si le Canada expulse ces présumés criminels de guerre, rien ne garantit qu'ils seront tenus responsables de leurs actes dans le pays où ils seront déportés.
En 2016, le ministère de la Justice a publié un rapport selon lequel plus de 200 auteurs de crimes internationaux résidaient au Canada. Aucun d'entre eux n'a été poursuivi ici. Le Canada a les lois et les ressources pour le faire, mais il ne le fait pas. Contrairement à ses alliés, depuis le début des années 2010, le Canada a abandonné le recours à la compétence universelle.
Deuxièmement, que ferait le Canada si la Cour pénale internationale délivrait des mandats d'arrestation aux dirigeants principaux du Hamas et aux responsables des atrocités commises le 7 octobre? Il y a de fortes chances que cela se produise au cours des prochaines semaines et des prochains mois. Que dirait le Canada aux familles israéliennes qui ont demandé à la Cour pénale internationale d'enquêter sur les crimes du Hamas? Que dirait‑il aux Palestiniens?
À l'heure actuelle, la seule réponse conforme à la politique canadienne serait que le Canada s'oppose aux mandats de la CPI pour les dirigeants du Hamas parce qu'il croit que la Palestine n'est pas un État et que, par conséquent, la CPI ne joue aucun rôle en Israël ou en Palestine. En effet, le Canada s'est opposé à tous les efforts internationaux indépendants et impartiaux visant à enquêter sur les crimes internationaux commis en Israël et en Palestine et à intenter des poursuites en justice.
La question se pose: quelles sont les règles lorsque le Canada soutient les victimes et les survivants à certains endroits, parfois, et pas d'autres? Ceux qui se tournent vers le Canada — les victimes d'atrocités, les diplomates, le personnel des organisations internationales et d'autres intervenants avec lesquels je collabore presque quotidiennement — veulent du leadership, et pas seulement un système fondé sur des règles. Ils veulent que le système soit cohérent. Ils s'attendent à ce que le Canada joue un rôle de chef de file, mais ils se demandent pourquoi il ne veut pas assurer ce rôle ou n'est pas capable de le faire.
Il n'est pas trop tard. Je crois que le Canada peut être un chef de file, et j'aimerais formuler quelques recommandations en ce sens.
Premièrement, il faut créer un poste diplomatique d'ambassadeur de la justice internationale pour aider à coordonner les efforts de reddition de comptes ici et à l'étranger.
Deuxièmement, il faut investir pour obliger les auteurs d'atrocités qui vivent parmi nous, dans nos collectivités, à rendre des comptes devant les tribunaux relevant de la compétence universelle ou travailler avec les pays de destination des personnes déportées pour veiller à ce qu'elles y soient tenues responsables.
Troisièmement, il faut appuyer la CPI dans toutes les situations qui relèvent de sa compétence. Pour ce faire, le Canada n'a pas besoin de reconnaître que la Palestine est un État. La Belgique et la Suisse, deux de nos proches alliés, ont reconnu que la CPI avait un rôle à jouer à cet égard, et ni l'une ni l'autre ne reconnaît actuellement la Palestine en tant qu'État.
Quatrièmement, il faut étudier la possibilité de créer un tribunal hybride supplémentaire pour Israël et la Palestine, composé de procureurs et de juges internationaux, ainsi que de membres du personnel israélien et palestinien.
Cinquièmement, il faut diriger les efforts internationaux pour retrouver et, dans la mesure du possible, saisir les biens des auteurs de crimes internationaux: les crimes organisés transnationaux comme la traite de personnes, le blanchiment d'argent et la corruption à grande échelle. Ces crimes sont liés et devraient faire l'objet d'enquêtes et de poursuites.
Enfin, il faut appuyer les efforts visant à modifier le Statut de Rome de la Cour pénale internationale afin que le tribunal puisse intenter des poursuites dans les cas de crimes d'agression, notamment dans le cadre de la situation en Ukraine, qui nous est chère.
Merci beaucoup. J'ai hâte d'entendre vos questions et vos commentaires.
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Merci beaucoup, monsieur le président, de m'avoir invité à témoigner devant vous.
Je remercie également les députés pour les services qu'ils rendent aux Canadiens. Vous faites un travail noble, et je salue votre courage. Je salue aussi votre résilience en ces temps difficiles et votre engagement à l'égard de notre pays.
Vous m'avez demandé de parler de la capacité diplomatique du Canada: avons-nous, en tant que pays, le personnel et le soutien nécessaires pour promouvoir et défendre nos intérêts nationaux au pays et partout dans le monde?
La réponse objective à une partie de cette question se trouve dans les statistiques que les gens d'Affaires mondiales Canada peuvent fournir au Comité. Je leur laisse le soin de le faire. Je vais plutôt parler de deux autres questions plus subjectives associées à la capacité, et j'espère que vous en tiendrez compte au cours de vos délibérations. L'une est l'ambition nationale sur la scène mondiale, et l'autre est la valeur de l'agilité diplomatique.
La question au sujet de la capacité d'Affaires mondiales Canada à — et je cite le Comité — « collaborer efficacement avec les alliés et partenaires du Canada et à se démarquer au sein des organismes multilatéraux » suggère une certaine ambition en matière de politique étrangère qui ne mise pas nécessairement sur les intérêts nationaux.
Le Canada ne représente qu'un peu moins de la moitié de 1 % de la population mondiale, et nous misons sur le commerce international pour faire croître notre économie. Que ce soit sur le plan de la population, du pouvoir économique indépendant ou de la force militaire, nous n'avons pas la capacité d'imposer notre volonté à d'autres, et les efforts en ce sens risqueraient de nuire aux relations que nous devons entretenir pour maximiser notre sécurité et notre prospérité.
Nous devons défendre et préserver le plus possible l'ordre international actuel tout en gardant en tête que la politique étrangère n'est pas un exercice visant à valoriser les Canadiens. Bien que ce ne soit pas toujours le cas, il est souvent dans notre intérêt de laisser les autres joueurs internationaux être sous les projecteurs.
Une telle approche pragmatique à l'égard de la défense des intérêts nationaux requiert des diplomates d'expérience bien formés et multilingues qui sont prêts à faire le travail fastidieux permettant de maintenir l'ordre mondial. Nous devons assurer certains postes que personne d'autre ne veut prendre au sein des organisations internationales. Nous devons participer activement aux rencontres qui ne sont agréables pour personne. Nous devons nous acquitter de nos dettes à temps et en totalité, sans égard à ce que font les autres. Nous devons veiller à ce que les états alliés demeurent engagés à trouver des solutions multilatérales à des problèmes mondiaux. Je crois que la capacité existe en ce sens. Ce qui m'inquiète, plutôt, c'est qu'elle est parfois négligée au profit d'efforts non nécessaires déployés dans le but de diriger.
De façon similaire, je me préoccupe moins de la capacité du Canada de — et je cite encore une fois le Comité — « voir venir les changements et les crises géopolitiques de même que les occasions qui en découlent » que je me préoccupe de la capacité de nos agents du service extérieur de s'adapter pour répondre aux perturbations mondiales hors de notre contrôle. Aucune mesure de planification ne pourra empêcher des forces externes puissantes de forger et de remodeler l'environnement international au sein duquel nous devons fonctionner. Nous devons donc privilégier l'adaptabilité, la souplesse et l'établissement de relations, et ce de façon modeste, avec humilité.
En résumé, nous devons nous centrer sur notre capacité de bien faire de petites choses, plutôt que de tenter d'être excellents à tout prix.
Merci.
Merci de l'invitation à venir échanger avec les membres du Comité sur l'état actuel de la capacité diplomatique du Canada et sur son avenir dans un monde de plus en plus instable.
[Traduction]
J'aimerais commencer par dire que j'approuve avec le premier paragraphe du rapport de l'initiative L'avenir de la diplomatie, qui laisse entendre que le Canada doit investir davantage dans ses services et activités diplomatiques, compte tenu du contexte mondial actuel, et que nous ne pouvons pas continuer à nous reposer sur nos lauriers.
Les Canadiens vivent dans un système international qui est aujourd'hui moins accueillant à l'égard de nos intérêts et de nos valeurs qu'à tout autre moment depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. Nous devons adopter une approche plus stratégique en ce qui a trait à notre engagement mondial et chercher à accroître notre influence, surtout par l'entremise de la diplomatie.
Cette influence ne se traduit pas seulement par des armes et des bombes, mais aussi par une compréhension approfondie des forces à l'œuvre. Pour ce faire, il faut assurer une présence partout dans le monde. À titre d'exemple, avant l'invasion de l'Ukraine, en février 2022, la Russie a augmenté considérablement sa présence sur le terrain en Amérique latine, surtout au Mexique, en reconnaissance de l'importance des idées politiques et des alliés gagnants. Une diplomatie efficace est essentielle pour comprendre comment les idées qui remettent en question nos intérêts et nos valeurs prennent racine et comment elles peuvent être réfutées.
Le récent document d'information publié par le secrétaire général des Nations unies au cours de l'été, intitulé A New Agenda for Peace, brosse non seulement un sombre tableau des défis intersectionnels auxquels notre monde fait face, mais dépeint aussi le système des Nations unies d'une façon très différente de ce qu'il était dans un passé récent. L'organisation assure davantage un rôle de soutien à l'arrière-plan, et est prête à intervenir si les gouvernements nationaux arrivent à trouver un terrain d'entente. Seule la diplomatie peut nous permettre de trouver un terrain d'entente.
En examinant les priorités établies jusqu'à maintenant par Affaires mondiales Canada et ses diverses initiatives, un certain nombre d'observations me viennent en tête. Je pourrais vous en parler plus longuement aujourd'hui, mais je vais me limiter à trois, en guise de conclusion.
Oui, nous devons accroître notre présence dans des pays clés, mais cela va au‑delà du G20. Nous devons également être beaucoup plus engagés dans les Amériques, où l'empreinte du Canada est beaucoup trop faible compte tenu de son importance stratégique non seulement pour nous, mais aussi pour les États-Unis, ainsi qu'en Afrique et en Asie centrale. Cependant, nous devons aussi être beaucoup plus novateurs avec nos alliés démocratiques libéraux.
Premièrement, nous devons assurer une présence accrue aux tables multilatérales de haut niveau. Je note un fait inquiétant: bien que nous soyons un contributeur important au système de l'ONU, notre présence diplomatique est parmi les plus faibles des pays du G7. Nous devons également élargir la diplomatie au‑delà des institutions multilatérales traditionnelles, qui ne sont peut-être pas la tribune par laquelle les principaux progrès sont réalisés. Je pourrai vous donner un exemple de diplomatie post-pandémique pendant la période de questions et réponses, si cela intéresse les membres du Comité.
Deuxièmement, et le témoin précédent y a fait allusion, la capacité diplomatique du Canada doit comprendre un système beaucoup plus robuste et à la fine pointe de la technologie pour l'établissement des prévisions et la planification de scénarios, un exercice qui doit comprendre la façon dont les menaces contre les États et les personnes qui les composent pourraient se déployer et dont elles se recoupent. Il est évident pour bon nombre des intervenants du milieu universitaire et de la recherche qu'Affaires mondiales Canada a perdu cet avantage en matière de planification des politiques et que le ministre doit mieux évaluer les tendances à long terme et leurs répercussions possibles. Il pourrait aussi se tourner vers d'autres pays dont les gouvernements sont des bailleurs de fonds clés de la recherche. Je pense notamment au Bureau des Affaires étrangères, du Commonwealth et du Développement du Royaume-Uni.
Troisièmement, il y a une discussion continue sur la nécessité pour Affaires mondiales Canada et les diplomates canadiens de s'engager plus stratégiquement dans la communication. Je crois aussi que c'est nécessaire. Il faut toutefois aller au‑delà des relations publiques et se centrer sur des mesures concrètes. Par-dessus tout, si Affaires mondiales Canada et le gouvernement fédéral souhaitent maintenir l'appui des Canadiens à l'égard d'une nouvelle orientation en matière de politique étrangère, ils doivent parler honnêtement, ouvertement et fréquemment des changements spectaculaires qui se sont opérés dans l'environnement international et, en particulier, des menaces à notre prospérité, à notre sécurité et à nos valeurs politiques. Ce n'est pas le cas à l'heure actuelle. Dans le même ordre d'idées, je crois qu'il faut porter une attention particulière à la recommandation voulant que la diplomatie du Canada soit ouverte et connectée.
C'est le cas à bien des égards, mais en ce qui concerne les commentaires sur les communautés de la diaspora, je pense que nos dirigeants politiques et la fonction publique ont adopté une approche dépassée. Le principal défi du Canada à l'avenir sera de veiller à ce que notre diversité nous permette toujours d'avoir un intérêt national cohérent que nous pouvons définir et promouvoir, ce qui pourrait aller à l'encontre de ce que certaines communautés de la diaspora souhaitent.
Enfin, l'initiative L'avenir de la diplomatie demande une approche pangouvernementale pour s'attaquer aux crises et défendre les intérêts canadiens. Cela laisse entendre qu'Affaires mondiales Canada devrait assurer un rôle de premier plan en ce sens. Cependant, avec le plus grand respect pour le ministère, je me demande si les autres acteurs du gouvernement fédéral comptent encore sur Affaires mondiales Canada pour établir l'orientation générale de l'engagement du Canada à l'étranger et dans le monde, étant donné que le Canada n'a pas mis à jour sa stratégie en matière de politique étrangère depuis près de deux décennies.
Je vous remercie de m'avoir écoutée.
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Merci, monsieur le président.
Bienvenue à nouveau parmi nous, monsieur Kersten. Merci aussi à vous, monsieur Chapnick et madame Welsh.
Compte tenu de la nouvelle dynamique qui se présente sur la scène mondiale depuis au moins une décennie ou deux, le Canada ne semble pas être aussi actif qu'il peut l'être ou ne semble pas répondre aux attentes quant à son rôle sur l'échiquier mondial.
Voilà un constat qui peut surprendre les Canadiens, mais pas le reste de la communauté internationale. Je pense que nous avons de grandes attentes par rapport à notre rôle, aux mesures que nous pouvons prendre ou à la possibilité d'occuper une place plus importante, mais pour une raison ou une autre, nous n'avons pas réussi à concrétiser ces attentes au moyen d'une politique et d'une stratégie — et c'est peut-être aussi une question de personnalité — pour pouvoir être aussi efficaces que prévu.
Si nous devions faire un survol ou une comparaison entre le passé et le présent, quel serait, d'après vous, le rôle actuel du Canada à l'échelle internationale, et en quoi consisterait son approche en matière de diplomatie?
J'aimerais vous entendre tous les trois à ce sujet, et je vais commencer par M. Chapnick.
Monsieur le président, je pense que si nous voulons faire une comparaison historique, nous devons tenir compte du contexte. Dans le passé, lorsque la réputation du Canada était à son paroxysme, le monde était infiniment plus petit. Il était donc beaucoup plus facile de se démarquer, surtout dans les années 1940 et 1950, alors que notre réputation était à son apogée. L'Europe était en train de se reconstruire; l'Allemagne était un pays vaincu, et nous assistions à l'émergence de la guerre froide. Après la Seconde Guerre mondiale, le Canada était l'un des quatre pays les plus puissants du monde pendant une très courte période.
Nous avons exercé notre influence, je dirais, avec humilité. Le Canada n'a pas cherché des occasions de prendre les devants. Nous avons simplement accepté celles qui se présentaient. Nos dirigeants n'ont pas vanté aux Canadiens l'importance de notre pays. Nous avons laissé nos actions parler d'elles-mêmes, sans pour autant refuser le mérite qu'on nous accordait. Cela ne se produisait pas très souvent avant le milieu des années 1950, ce qui signifie que le travail que nous avions accompli jusque‑là n'avait pas nécessairement été reconnu. Comme je l'ai laissé entendre dans ma déclaration préliminaire, il a fallu faire un travail fastidieux pour assurer le bon fonctionnement d'un nouveau système international en matière d'économie, de politique et de sécurité en y participant activement, sans chercher à s'en attribuer tout le mérite.
La tâche est-elle plus difficile de nos jours? Absolument. La réputation du Canada est-elle différente aujourd'hui? Eh bien, nous sommes en concurrence avec 192 autres membres de l'ONU, au lieu de 50 au début. Ce n'est donc pas étonnant.
Je pense que la plus grande différence, c'est que les gouvernements successifs, toutes allégeances politiques confondues, créent chez les Canadiens des attentes qui ne sont pas nécessairement réalistes et qui ne reflètent pas forcément l'excellent travail que font nos diplomates en coulisses.
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Je vous remercie beaucoup de cette question.
Bien entendu, je suis d'accord pour dire que le Canada ne peut pas tout faire, mais lorsqu'il entrevoit des possibilités de favoriser la reddition de comptes et de collaborer avec ses partenaires diplomatiques pour instaurer un certain degré de justice et de reddition de comptes, je pense qu'il devrait en saisir l'occasion.
Je crois fermement que notre crédibilité en la matière s'en trouvera améliorée si nous montrons l'exemple chez nous. Comme je l'ai mentionné, si nous obligeons les auteurs présumés de crimes internationaux qui résident au Canada, dans nos collectivités, à rendre des comptes devant nos tribunaux — chose que nous avons le pouvoir de faire —, nous gagnerons en crédibilité à l'étranger. Les gens constateront que nous sommes prêts à joindre le geste à la parole.
Encore une fois, je tiens à répéter que le Canada a fait des choses positives. Il contribue aux efforts visant à créer un tribunal international de lutte contre la corruption. Il a présenté des documents justificatifs à la Cour internationale de justice dans l'affaire du génocide des Rohingyas au Myanmar.
Je dirais encore une fois qu'il faut saisir les occasions lorsqu'elles se présentent. Fait tout aussi important, lorsque le Canada estime qu'il ne peut pas agir en ce sens, il devrait à tout le moins éviter de faire entrave à la justice et à la reddition de comptes.
J'abonde dans le même sens que M. Chapnick.
Compte tenu de la conjoncture canadienne et du contexte dans lequel se trouvent les Canadiens, il est essentiel que nous ne fassions pas de notre politique étrangère un simple prolongement de la politique intérieure. La situation est beaucoup trop grave. Si nous cherchons sans cesse à faire les manchettes ou à montrer que nous sommes des meneurs, nous risquons de détourner notre attention des domaines où nous pouvons vraiment exercer une influence.
Bien souvent, notre influence sera invisible. Je vais vous donner un exemple. Lors de la réunion de l'OTAN, tenue l'été dernier, une question très épineuse figurait à l'ordre du jour, à savoir l'adhésion de l'Ukraine à l'OTAN. Il était clair que l'Ukraine n'allait pas obtenir la réponse qu'elle souhaitait. Le Canada et ses alliés ont participé à une réunion très difficile, et nos fonctionnaires et d'autres ont travaillé très fort pour élaborer un libellé concernant les garanties de sécurité pour l'Ukraine. Ce n'était peut-être pas la solution idéale pour Kiev, mais c'était une contribution très importante.
Je suis très...
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Merci, monsieur le président.
Je remercie les témoins de leur présence aujourd'hui, de leurs témoignages et de leur expertise.
En 2022, la s'est engagée à transformer Affaires mondiales Canada pour mieux servir les Canadiens dans un monde de plus en plus marqué par l'incertitude. C'est certainement ce que nous observons partout dans le monde. Nous devons surmonter de plus en plus de crises en matière de sécurité et relever un nombre accru de défis toujours plus complexes.
Je veux commencer par remercier tous ceux qui travaillent à Affaires mondiales Canada. Leur dévouement et leur engagement sont vraiment impressionnants, et je pense que tous les Canadiens leur doivent une fière chandelle.
J'aimerais m'attarder sur les services consulaires parce qu'aucun d'entre vous n'en a parlé. Il ne s'agit pas seulement de cas comme celui des deux Michael, que tout le monde connaît. Nous avons récemment vu des centaines de Canadiens être évacués d'Israël et de Gaza, mais il y a aussi des cas moins connus qui ne font jamais les manchettes.
Je me demande, madame Welsh, si vous pouvez répondre en premier, et les autres voudront peut-être intervenir par la suite. Où en sommes-nous en ce qui concerne les services consulaires, et comment pouvons-nous améliorer ce que nous faisons à cet égard?
Pour être tout à fait franche, je ne connais pas bien ce volet d'Affaires mondiales. Je pense que vous avez entièrement raison de commencer par saluer le travail de ceux qui sont sur le terrain.
Je vous dirai que, dans les années 1990 et 2000, on avait tendance à considérer les crises comme des événements qui se produisaient de façon périodique. Une crise surgissait, puis tout pouvait revenir à la normale. Or, l'histoire récente montre que nous nous trouvons maintenant dans une situation de turbulence permanente. Il faut donc qu'il y ait une capacité à Affaires mondiales...
J'ai trouvé très intéressant que, dans le rapport, on parle de la création, au sein d'Affaires mondiales, d'un groupe de travail permanent sur les crises géopolitiques qui pourrait réunir non seulement des gens du gouvernement, mais aussi des membres du personnel local dans des situations de crise particulières pour régler rapidement et efficacement les situations dont vous parlez. Il faudra alors déployer notre personnel sur le terrain pour protéger les Canadiens. À mon avis, c'est ainsi que nous devons repenser ces capacités.
Notre présence est très importante pour que nous puissions prévoir certaines des crises qui pourraient survenir. Il ne faut pas oublier qu'une présence diplomatique ne sert pas seulement à intervenir en cas de crise, mais aussi à faire de la prévention. Ainsi, face à une nouvelle crise, vous aurez les connaissances nécessaires pour protéger les Canadiens de façon beaucoup plus efficace.
J'espère que cela répond en partie à votre question.
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Je dois avouer que Mme Welsh en sait plus que moi à ce sujet. Si elle dit qu'elle n'en sait pas grand-chose, cela signifie que je n'en sais pas plus.
Je pense toutefois que je peux faire un parallèle entre la situation actuelle des affaires consulaires et celle des Forces armées canadiennes lorsqu'elles sont déployées à l'intérieur du pays. Je m'explique. Il fut un temps où les Forces armées canadiennes étaient appelées à effectuer une mission au pays seulement à l'occasion et, le cas échéant, elles trouvaient des solutions au fur et à mesure. Elles allaient sur le terrain et faisaient ce qui s'imposait, mais leurs processus n'étaient pas officialisés. Il y avait beaucoup d'improvisation, et on espérait ne pas avoir à faire cela très souvent.
De façon similaire, le service consulaire n'était pas sollicité aussi souvent qu'il l'est maintenant, et ce sera sans doute le cas dans le contexte actuel. Autrement dit, il est peut-être temps d'adopter une approche plus structurée et plus efficace pour intervenir dans des situations d'urgence qui sont de plus en plus fréquentes, à tel point qu'elles s'inscrivent dans le cadre normal des activités.
Je pense que nous sommes dans une situation semblable à celle des Forces armées canadiennes, en ce sens qu'une fonction jusqu'ici secondaire commence à dominer le reste.
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En effet. Comme d'autres Canadiens, j'ai vu le travail remarquable qui a été accompli en Ukraine pour rapatrier des Canadiens, et cela s'est fait ailleurs aussi, notamment en Afghanistan après le retrait et au Soudan. Je pense que c'est un travail remarquable et incroyable.
La seule chose que j'ajouterai, sans prétendre être un expert des services consulaires, c'est qu'on a parfois tendance à laisser croire qu'une fois cette étape franchie, on peut tourner la page et regarder vers l'avenir. Cependant, il ne faut pas oublier que des gens sont aussi laissés pour compte dans ces crises.
Je conviens que nous nous trouvons dans une période de crises quasi perpétuelles, mais nous sommes parfois portés à passer d'une crise à l'autre et à oublier les crises précédentes. Pourtant, les gens touchés par des crises antérieures continuent de souffrir. Nous pouvons — et, selon moi, nous devons — en faire plus pour eux.
Merci.
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Merci, monsieur le président.
Je remercie les témoins d'être des nôtres et d'éclairer notre réflexion sur l'avenir de la diplomatie canadienne.
Il ne fait aucun doute que le Canada a perdu énormément d'influence au cours des dernières décennies. On a pu en prendre la mesure avec ses deux tentatives infructueuses d'être élu au Conseil de sécurité des Nations unies, d'abord sous le gouvernement de Stephen Harper, puis sous le gouvernement de l'actuel .
J'entends la recommandation de Mme Welsh de recentrer nos efforts sur certaines régions du monde. J'entends également le message selon lequel il faut miser sur nos forces. Or, le Canada n'est pas, loin de là, une grande puissance militaire, et il n'est plus une puissance de grande influence sur le plan politique. Il n'est pas non plus une grande puissance sur le plan économique. Cependant, il parvient à se distinguer dans certains domaines.
En 2022, Daniel Livermore, qui a passé trois décennies en tant que fonctionnaire aux relations internationales, s'inquiétait du fait qu'Affaires mondiales Canada semble ignorer les affaires culturelles internationales. En effet, dans le plan du ministre sur l'avenir de la diplomatie, l'aspect culturel n'est énoncé qu'une seule fois sur quarante pages. Je me permets de citer cette seule fois:
Le ministère devrait continuer à maximiser l'utilisation du « pouvoir de convaincre » et de la diplomatie publique à l'étranger, notamment en appuyant la diplomatie scientifique, la diplomatie sportive, la diplomatie universitaire et la diplomatie culturelle.
Il fut un temps où le Canada investissait des sommes importantes en diplomatie culturelle. Ce n'est plus le cas. Pourtant, sur le plan culturel, le Canada et le Québec rayonnent probablement bien au-delà de leur poids démographique et économique, entre autres, à l'échelle internationale.
Madame Welsh et professeur Chapnick, pourquoi, selon vous, le Canada a-t-il délaissé un peu la diplomatie culturelle ces dernières années, et quelle importance le Canada devrait-il y accorder pour retrouver un certain rayonnement sur la scène internationale?
[Traduction]
Je peux volontiers commencer la discussion. J'ai deux séries d'observations à faire en réponse à votre question.
Premièrement, je pense qu'il y a une tendance pernicieuse à croire que le contexte actuel favorise presque exclusivement le pouvoir de contraindre plutôt que le pouvoir de convaincre, et je ne suis pas tout à fait d'accord là‑dessus. À mon avis, les ressources liées au pouvoir de convaincre, surtout dans les démocraties libérales, demeureront primordiales parce qu'un certain nombre de pays dans le monde d'aujourd'hui sont extrêmement inquiets de l'éventualité de devoir choisir un camp entre les grandes puissances dans un système international marqué par la division.
Par conséquent, nous devons comprendre, dans les moindres détails, comment et pourquoi les pays prennent position sur certaines questions comme l'invasion de l'Ukraine. D'ailleurs, l'ambivalence de nombreux pays du Sud par rapport à cette situation a surpris, à bien des égards, les diplomates et d'autres personnes du monde occidental. Pourtant, une compréhension plus approfondie, grâce au pouvoir de convaincre et à l'établissement de relations plus étroites, aurait pu fournir des renseignements qui auraient été utiles. Je pense que la culture peut aussi aider à contrer les idées qui sont véhiculées. Cela peut être une façon très intéressante de nouer des liens plus étroits.
Je dirai en terminant que je siège depuis un an à un comité d'experts sur les partenariats en matière de sciences et d'innovation du Canada au sein du Conseil des académies canadiennes. L'un des messages, c'est que les relations entre les scientifiques — et j'entends par là non seulement les sciences pures, mais aussi les sciences sociales — revêtent une importance cruciale justement à une époque où la concurrence géopolitique bat son plein. À preuve, les scientifiques américains et chinois travaillent toujours ensemble, et c'est précisément le genre de collaboration et de mobilisation que nous devons maintenir.
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Je vais répondre en anglais, parce que si je parle beaucoup en français, vous allez rire ou pleurer.
[Traduction]
Vous avez demandé pourquoi nous avons délaissé la diplomatie culturelle. Je crois que vous faites peut-être allusion en partie à l'annulation du programme Comprendre le Canada. Il s'agissait d'une série de programmes d'études canadiennes qui permettaient à des étudiants de partout dans le monde de venir étudier au Canada pendant une brève période — et dépenser de l'argent dans notre économie, devrais‑je ajouter — et qui donnaient aux universitaires canadiens l'occasion d'enseigner les études canadiennes à l'étranger.
Je pense que c'était un programme fantastique. Il comportait sans doute son lot de problèmes bureaucratiques, mais c'était, en principe, un excellent programme. Cela ne coûtait pas cher, mais dans un contexte où les gouvernements pratiquent l'austérité budgétaire, un tel programme présente deux défis.
Tout d'abord, il est très difficile d'en mesurer les résultats. En effet, il est bien difficile de prouver de façon tangible aux députés que ce programme d'échange a produit tel ou tel résultat dans l'intérêt national. Sur le plan diplomatique, nous n'avons presque aucun doute à ce sujet, mais il est très difficile de mettre tout cela sur papier. Le deuxième défi, c'est que la plupart des gens qui participent à ce programme sont des citoyens d'autres pays, qui ne peuvent pas voter ici et qui ne sont pas représentés dans une tribune comme celle‑ci. Ils ne peuvent donc pas dire aux députés et aux décideurs à quel point ces programmes sont précieux.
Je trouve vraiment dommage que ce programme ait été annulé. J'espère qu'il sera rétabli.
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Je vous remercie de ces questions.
Concernant la Cour pénale internationale, la position du Canada est simplement qu'il ne reconnaît pas que la Palestine soit un État. Ainsi, la CPI ne peut pas mener d'enquête au pays. Il est à noter que les députés ont à maintes reprises exprimé leur désir que le Canada enquête sur d'autres situations dans d'autres pays qui ne sont pas des États membres de la CPI, comme la Chine, pour les atrocités commises au Xinjiang, et l'Iran, pour les atrocités commises sur son territoire. Je pense que ces efforts sont les bienvenus.
Je pose encore la question suivante: si c'est la règle et si nous devrions appuyer les enquêtes et les poursuites sur ces situations, pourquoi ne pas le faire dans tous les cas? Pourquoi n'y donner notre appui qu'à l'occasion?
En ce qui a trait à la Cour internationale de Justice, le Canada a soumis l'été dernier un dossier contre des poursuites potentielles en lien avec les conséquences juridiques de l'occupation en Palestine. J'en ai une copie avec moi. Ce qui est préoccupant ici, c'est qu'en même temps qu'il déposait ce dossier, le Canada et les Pays‑Bas dénonçaient avec raison la Syrie devant la Cour internationale de Justice pour cause de torture. Cela soulève encore la même question: pourquoi est‑il acceptable que la CIJ entende une affaire sur la situation en Syrie, mais pas une en lien avec la Palestine?
Ce qui est peut‑être le plus troublant concernant la prise de position du Canada à la CIJ, c'est qu'elle revient à dire que le Canada croit que le droit international n'a aucun rôle à jouer dans le contexte de la paix entre les Israéliens et les Palestiniens.
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Je vous remercie, monsieur le président.
Je remercie également les témoins de comparaître.
Mes questions s'adressent à vous, madame Welsh. Je vous remercie de témoigner. C'est bon de vous revoir.
Je souligne que nous avons une politique de défense depuis 2004, qui est actuellement mise à jour. Cela dit, nous n'avons pas de politique de sécurité nationale depuis 2004. Comme vous l'avez mentionné, nous n'avons pas procédé à un examen exhaustif de notre politique étrangère depuis 2005. Je crois que vous aviez mené cette initiative à l'époque, sous le gouvernement de Paul Martin.
J'aimerais particulièrement connaître votre opinion sur la façon dont nous devrions mener l'examen de notre politique étrangère. Comme vous le savez, le gouvernement a mis un certain temps pour publier une stratégie pour l'Indo‑Pacifique. Si le gouvernement du Canada veut tabler sur cette stratégie, comment devrions‑nous diviser le reste du monde sur le plan géographique pour réaliser d'autres stratégies? Devrions‑nous avoir une stratégie pour l'Euro‑Atlantique et — je sais que ce terme n'est plus vraiment d'usage — peut‑être une stratégie pour les pays du Sud? Comment est‑ce que vous diviseriez le reste du monde géographiquement pour que nous ayons au moins un document écrit qui pourrait aider tout le monde à travailler?
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Je vous remercie beaucoup de cette question.
En effet, le Canada a joué un rôle absolument indispensable dans la création de la CPI. Le plus récent procureur adjoint de la CPI, James Stewart, est aussi canadien.
J'ai lancé l'idée de créer le poste d'ambassadeur de justice internationale, car nous avons tellement d'avocats internationaux et de gens engagés dans la poursuite des crimes internationaux.
En réponse à votre question, je pense que l'organe le plus approprié pour enquêter sur les crimes internationaux et intenter des poursuites dans le conflit au Moyen‑Orient, c'est la Cour pénale internationale. Toutefois, si on ne pense pas que ce soit possible au Canada, l'histoire ne devrait pas s'arrêter là. Ce n'est pas simplement parce que la CPI ne peut pas mener enquête que ceux qui ont commis des crimes de guerre et des crimes contre l'humanité devraient s'en tirer en toute impunité.
Il y a peut‑être d'autres options. Dans mes recommandations, que je vous soumettrai avec plaisir sous forme écrite ou étayée si elles pouvaient aider votre comité, je signale qu'il serait possible de créer un tribunal supplémentaire, une cour hybride, composée de personnel international et de personnel de la Palestine et d'Israël. Ce serait difficile, mais l'idée mérite d'être explorée, dans le but d'enquêter et d'intenter d'autres poursuites pour crimes internationaux.
Il est essentiel de se rappeler que dans les meilleures circonstances — ce qui n'arrive jamais —, la CPI peut mener des enquêtes et intenter des poursuites contre cinq, six ou sept personnes. Les responsables de crimes internationaux dans ce conflit sont plus nombreux que cela. Il serait pertinent d'envisager un effort exhaustif supplémentaire pour obtenir justice et obliger les responsables à rendre compte de leurs actes.
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Je pense que c'est le nombre d'allégations qui ont été faites.
La CPI n'est pas particulièrement bien financée. Je pense qu'elle reçoit l'équivalent d'une heure des dépenses militaires pour la guerre en Irak et moins que ce que reçoit une équipe de sport sur notre continent. Pourtant, elle a un grand champ de compétences et elle doit se prononcer sur tellement de situations différentes.
Je répète que dans les meilleures circonstances, la CPI peut poursuivre une poignée d'individus, mais je pense que la litanie de crimes de guerre, de crimes contre l'humanité et d'autres allégations exige l'intervention de plus que la CPI seulement. Il serait difficile d'établir une cour hybride, parce qu'il faudrait l'aval des Palestiniens et des Israéliens, mais je pense que cette idée vaut la peine qu'on l'étudie.
Le Canada s'y est pris de manière similaire pour l'Ukraine. Le Canada comprend que pour l'Ukraine, la Cour pénale internationale ne suffit pas. Il a appuyé des poursuites pour crimes de guerre dans le système national des Ukrainiens, ce qui est très important. Le Canada soutient aussi la création d'un tribunal supplémentaire pour enquêter sur ces crimes et intenter des poursuites, ou au moins il participe à sa création.
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Il est tellement dommage que nous manquions de temps. C'est tout à fait passionnant.
Monsieur Chapnick, certaines nominations diplomatiques peuvent parfois paraître surprenantes. On peut penser à Stéphane Dion, ambassadeur du Canada en Allemagne, en France et auprès de l'Union européenne, ou encore à Bob Rae, ambassadeur du Canada aux Nations unies. Ce sont des postes parfois laissés vacants pendant des mois, notamment en France et en Chine.
Dans un article publié en décembre 2022, The Future of Canadian Foreign Policy: Why Diplomacy Must Matter Again, vous décelez deux points critiques: les nominations partisanes et la nomination de sous-ministres manquant parfois de formation. Qu'attendriez-vous comme modifications éventuelles à ces nominations?
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Merci beaucoup de la question.
[Traduction]
Concernant les nominations partisanes, je comprends leur objectif. Parfois, dans l'histoire canadienne, le gouvernement du Canada a voulu se faire représenter sur un enjeu important par quelqu'un que le premier ministre écouterait directement.
Par exemple, quand le Canada a siégé au Conseil de sécurité des Nations Unies en 1989‑1990, le premier ministre Mulroney s'est dit que c'était des fonctions très importantes. Il voulait s'assurer que l'ambassadeur permanent du Canada puisse lui parler directement sans avoir à passer par le ministre des Affaires étrangères ou un autre intermédiaire de l'appareil gouvernemental. Il a nommé à ce poste Yves Fortier, qui était un ami personnel.
M. Fortier avait son numéro de cellulaire — à une époque où les cellulaires étaient rares. Par conséquent, lorsque le Canada tentait d'exercer son influence dans le dossier qui avait de l'importance pour le premier ministre personnellement, ce dernier avait un meilleur accès à lui qu'il n'en aurait eu autrement.
Les nominations partisanes de ce genre ne me posent aucun problème. Je ne crois pas qu'un premier ministre puisse suivre six, sept, huit ou neuf dossiers internationaux d'importance en même temps.
Ainsi, si le nombre de nominations partisanes excède les deux, trois ou quatre, tout ce que je perçois, c'est un corps diplomatique qui se désillusionne, parce que les meilleures nominations diplomatiques au pays ne leur sont pas accessibles. Cela mine le moral et l'idée, à laquelle je souscris, qu'en général, un diplomate expérimenté est bien mieux placé pour diriger une mission et promouvoir les intérêts canadiens qu'une personne qui a été nommée de façon partisane.
J'espère qu'un jour, un gouvernement d'une affiliation ou d'une autre déploiera tous les efforts possibles pour limiter ses nominations diplomatiques à une, deux ou trois nominations. La tendance récente ne va pas en ce sens, mais je garde espoir.
Concernant le dossier du sous‑ministre, je crois fermement que la gestion de fonctionnaires qui doivent voyager et qui souvent vivent en dehors du pays exige des compétences différentes que la gestion de gens qui passent leur carrière à Ottawa. La vie à l'étranger entraîne des difficultés avec l'époux ou l'épouse, si l'on en a un ou une, et ce genre de choses.
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Merci beaucoup, monsieur le président.
J'aimerais changer de sujet un peu. J'ai eu la chance d'être négociatrice de conventions fiscales pour le Canada pendant plus de 15 ans et de travailler par la suite à l'Organisation de coopération et de développement économiques, une organisation internationale.
Madame Welsh, en lisant le document de travail sur l'avenir de la diplomatie d'Affaires mondiales Canada, j'ai remarqué trois choses qui me semblent très importantes.
D'abord, certaines organisations fédérales ont, elles aussi, développé un réseau important à l'intérieur du système diplomatique. Comment faire pour qu'Affaires mondiales Canada puisse se servir de ces synergies qui sont développées par d'autres organisations fédérales?
De plus, comment peut-on s'assurer que les personnes en place sont capables de bien saisir les occasions pour que le Canada soit en bonne position dans l'économie mondiale numérique et verte de demain? Comment peut-on s'assurer qu'elles sont sensibles à ces questions et qu'elles travaillent en partenariat avec toutes les autres organisations fédérales?
Enfin, l'augmentation de la présence du Canada dans les forums multilatéraux est un élément clé, selon moi. On le voit, les compagnies multinationales ne connaissent plus de frontières. Il est donc important de vraiment mutualiser les efforts au sein des blocs économiques.
Que pensez-vous de ces trois points?
[Traduction]
Je suis désolé pour la professeure Welsh, car je lui vole à la fois la vedette et son temps.
Cela nous ramène à une question précédente que l'un des membres du Comité a posée.
Je ne pense pas qu'il soit temps de procéder à une révision de la politique étrangère. Je pense que les révisions de la politique étrangère ne sont nécessaires que lorsque différents services du ministère discutent entre eux, car les résultats de la révision sont souvent périmés au moment de leur publication.
Cependant, dans notre pays, lorsque les ministères ne communiquent pas entre eux, cela a des répercussions sur un élément de votre question, à savoir la sécurité nationale dans son ensemble. Il serait beaucoup plus utile de procéder à un examen de la politique de sécurité nationale qui ferait appel à Affaires mondiales Canada dans toutes sortes de domaines, de la sécurité de la recherche aux conflits en passant par tous les autres enjeux, et qui mobiliserait également tous les ministères qui recueillent des renseignements de sécurité partout au pays et tous les ministères qui s'occupent de questions de sécurité à l'heure actuelle. Je suis moins préoccupé par les résultats que par le processus, car le fait de pouvoir forcer ces ministères à échanger des informations en vue de créer un document dans un délai donné répondrait à bon nombre de vos besoins.
Oui, l'examen serait peut-être périmé au moment de sa publication, mais je pense que les relations qui auraient été nouées et la nouvelle compréhension qu'auraient les talents de la façon dont chacun travaille sur des dossiers communs seraient très utiles.
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Excusez-moi, je ne sais pas ce qui s'est passé.
[Traduction]
La réponse que j'allais vous donner, c'est qu'à mon avis le développement des compétences dans les domaines du changement climatique et de la technologie numérique qui ont été distingués dans le rapport montre la nécessité pour AMC d'être en mesure de diriger les initiatives, mais aussi de rassembler les gens. Je pense qu'à l'avenir, ces centres d'expertise devront être interministériels.
D'un point de vue éditorial, je dirais seulement que j'ai été étonnée de constater que les questions liées à la migration en particulier et à la stabilité n'ont pas été signalées autant que je m'y attendais. Je pensais qu'en plus du changement climatique et de la technologie numérique, la migration aurait pu être un domaine qui exigeait un soutien pangouvernemental.
En ce qui concerne votre question au sujet des entreprises canadiennes, je conclurai simplement en disant que je pense, comme les Canadiens le savent, que lorsque des entreprises exercent des activités à l'étranger, elles représentent parfois le Canada, et c'est ainsi qu'elles sont perçues. Je sais, par exemple, que dans certains des commentaires que j'ai fournis à propos de la politique étrangère féministe, dont l'élaboration est en cours, nous avons insisté sur ce point. Dans le cadre de l'évaluation de notre empreinte et de notre influence globales, nous devons tenir compte de la manière dont nos entreprises exercent leurs activités à l'échelle mondiale, car cela peut parfois nuire à la place que le Canada occupe dans le monde.