Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
En ce lundi 7 février 2022, soyez tous les bienvenus à la quatrième réunion du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international.
Je suis Marty Morantz, député de Charleswood—St. James—Assiniboia—Headingley et vice-président du Comité des affaires étrangères. J'en préside aujourd'hui la réunion, puisque le président en est empêché pour des motifs personnels.
Accueillons tout de suite nos témoins. Je suis désolé de votre attente.
Monsieur Grant, vous disposez de cinq minutes. Allez‑y, s'il vous plaît.
Je suis accompagné aujourd'hui de l'ambassadeur du Canada en Haïti, M. Sébastien Carrière, ainsi que de la directrice générale de la section de l'Amérique centrale et des Caraïbes d'Affaires mondiales Canada, Mme Sylvia Cesaratto.
La proximité géographique, une langue commune et la présence de plus de 165 000 membres de la diaspora haïtienne au Canada expliquent la forte relation que nous entretenons aujourd'hui avec Haïti. Depuis le tremblement de terre de 2010, le Canada a apporté 1,8 milliard de dollars canadiens en aide à Haïti, y compris l'aide humanitaire. Le Canada est le second donateur bilatéral, après les États‑Unis, en Haïti, avec un budget annuel d'aide au développement qui s'élevait à 89 millions de dollars canadiens en 2020‑2021. Cela fait d'Haïti le plus important bénéficiaire de l'aide canadienne dans les Amériques.
Aux Nations unies, le Canada préside le Groupe consultatif ad hoc sur Haïti du Conseil économique et social et est un membre actif du Core Group en Haïti, qui est composé des Nations unies, de l'Allemagne, du Brésil, du Canada, de l'Espagne, des États‑Unis, de la France, de l'Union européenne et de l'Organisation des États américains, l'OEA. Le Canada est également très actif dans le dossier haïtien au sein de l'OEA, comme en témoigne sa participation, en juin 2021, à la Mission de bons offices de l'OEA, qui s'est déroulée en Haïti.
Comme les membres du Comité le savent très certainement, la situation en Haïti est particulièrement complexe. Le pays fait face à des crises multidimensionnelles qui n'ont cessé de s'aggraver au cours des dernières années, et particulièrement au cours des derniers mois. Il est question ici de la juxtaposition de crises politiques, sécuritaires, humanitaires, sociales et économiques. L'État est considéré comme un État fragile, que l’International Crisis Group a placé sur sa liste des 10 pays en conflit à suivre de près en 2022. Il est donc primordial de garder notre attention sur ce pays.
[Traduction]
Monsieur le président, les événements des six à huit derniers mois ont aggravé la situation déjà fragile à Haïti. L'insécurité a augmenté en raison d'affrontements entre gangs et d'enlèvements à Port‑au‑Prince. L'assassinat du président Jovenel Moïse a aggravé la crise politique, de même que la collusion entre les gangs et les acteurs politiques. Le séisme qui a frappé le sud du pays, en août, le départ de 30 000 ressortissants haïtiens de certains pays de la région, une crise du combustible et du carburant et la corruption, tous ces facteurs pointent dans la direction des défis qu'Haïti doit désormais relever.
[Français]
Les Nations unies ont indiqué, la semaine dernière, que le contexte humanitaire actuel constituait l'une des périodes les plus difficiles de l'histoire d'Haïti. On estime maintenant que 4,9 millions de personnes, soit 43 % de la population, ont besoin d'assistance et vivent dans l'insécurité alimentaire. L'aggravation de la situation humanitaire a des répercussions directes sur les mouvements migratoires en provenance d'Haïti dans tous les pays de la région.
Notons que la présence des Nations unies sur le terrain, à l'extérieur des agences d'exécution, se résume désormais à une mission politique sans présence armée, à savoir le Bureau intégré des Nations unies en Haïti, ou BINUH, dont le mandat arrive à échéance en juillet prochain.
Son renouvellement sera discuté au cours des prochains mois à New York, au sein du Conseil de Sécurité des Nations unies.
[Traduction]
Aujourd'hui, monsieur le président, nous sommes le 7 février, date très importante à Haïti. Depuis 1997, c'est, dans la Constitution haïtienne, celle du début et de la fin des mandats présidentiels.
C'est aujourd'hui, en effet, que se serait terminé celui du président Moïse. Depuis son assassinat, en juillet dernier, on a tenté à plusieurs reprises de nouer un accord politique entre le gouvernement par intérim du premier ministre Ariel Henry, l'opposition et des groupes de la société civile en vue de l'organisation d'élections.
[Français]
Reconnaissant la gravité de la situation, la ministre des Affaires étrangères du Canada a présidé, le 21 janvier dernier, une conférence ministérielle internationale sur Haïti. En plus du premier ministre Henry, 27 ministres et représentants des pays partenaires et d'organisations internationales ont assisté à cette rencontre. Il a été question de l'importance d'un dialogue politique...
À cette conférence ministérielle, la ministre Joly a bien expliqué que les solutions à venir devaient provenir des Haïtiens et leur être destinées. Pendant cette réunion ministérielle, le Canada a annoncé neuf initiatives nouvelles à hauteur de 50 millions de dollars, et nous participerons également à une conférence des donateurs, le 16 février.
Le Canada a encouragé sans ambiguïté toutes les parties à trouver une sortie pacifique et politique à cette crise.
[Français]
Je vous remercie, monsieur le président.
Nous sommes maintenant à votre disposition pour répondre à vos questions.
Merci beaucoup, monsieur Grant. Quand je vous ai présenté, j'aurais dû préciser que vous étiez le sous-ministre adjoint des Amériques.
L'ambassadeur du Canada à Haïti, M. Sébastien Carrière, et la directrice générale, Amérique centrale et Caraïbes, Mme Sylvia Cesaratto assistent également à la réunion
Ils sont à la disposition du Comité, pour répondre à ses questions.
Sur ce, entamons le premier tour.
Monsieur Ziad, vous disposez de six minutes. Allez‑y, s'il vous plaît.
Monsieur Grant, commençons au point où vous avez conclu votre déclaration.
La ministre Joly a affirmé que toute décision concernant Haïti doit provenir des Haïtiens et leur être destinée. Le 17 juillet 2021, le Core Group — les ambassadeurs de l'Allemagne, du Brésil, de l'Espagne, des États-Unis, de la France, de l'Union européenne et le représentant spécial des Nations unies pour Haïti — a manifesté leur appui au premier ministre d'Haïti par intérim Ariel Henry. Le Canada et le Core Group avaient auparavant reconnu comme premier ministre par intérim Claude Joseph.
Croyez-vous que la déclaration de la ministre Joly conduit le Canada à appuyer un autre premier ministre par intérim que nos alliés? Leurs positions semblent différer sur cette question particulière, et je voudrais vous entendre.
Je voudrais également savoir de M. Carrière ce qui, exactement, a conduit à la position du Canada à cet égard.
En fait, ce serait une excellente idée, pour monsieur l'ambassadeur, de répondre après mes observations.
Je serai bref.
Avant tout, comme je l'ai dit, le Canada est d'avis que, désormais, l'avenir d'Haïti doit être décidé par les Haïtiens. Nous avons encouragé le premier ministre par intérim, M. Henry, ainsi que les acteurs de la société civile et l'opposition, à s'entendre sur la voie à suivre.
Mais ils divergent d'opinion. M. Henry voudrait très rapidement des élections, tandis que certains des principaux groupes de la société civile ont dit préférer une période de transition de deux années. Mais c'est à eux tous d'en décider.
L'assassinat tragique, l'été dernier, du président Moïse a précipité Haïti dans une crise politique. Un peu avant son assassinat, il avait laissé entendre que M. Henry serait nommé premier ministre. Au lendemain de l'assassinat, nous avons bien sûr manifesté notre appui indéfectible à Haïti et aux Haïtiens. Quand le premier ministre sortant M. Joseph et M. Henry se sont entendus sur une transition, le Canada et ses partenaires internationaux ont réitéré leur appui à Haïti, aux Haïtiens et au gouvernement par intérim.
Encore une fois, la sortie de cette crise vers la stabilité politique passe par une entente entre toutes les parties et l'organisation d'élections pour restaurer l'ordre constitutionnel.
Monsieur l'ambassadeur, si vous voulez compléter mes observations.
Je voudrais seulement ajouter que le moment est particulièrement bien choisi pour votre réunion, parce que le 7 février est la date où débutent et se terminent les mandats présidentiels. Ariel Henry a été nommé par le président Moïse, et son mandat allait se terminer aujourd'hui. Voici maintenant que tous s'accusent mutuellement d'illégitimité. Ça ne donne rien, alors que nous essaierons de nous focaliser tous sur la recherche de solutions pour l'avenir.
Comme l'ancienne gouverneure générale du Canada avait réclamé une enquête sur l'assassinat du président, ça signifie que, pour appuyer cette initiative, il faudra financer en partie l'enquête.
Pourriez-vous faire le point sur cet aspect? Le Canada débloquera‑t‑il de l'argent à cette fin? Quelle est la position actuelle du gouvernement sur cette question?
Merci beaucoup. Comme vous le savez, le Canada a fermement appuyé Haïti au fil des ans, y compris dans le secteur de la sécurité.
Jusqu'ici, il n'a reçu du gouvernement haïtien aucune demande précise d'aide financière pour cette enquête ou pour le volet judiciaire. Nous nous tenons prêts à lui fournir toute l'aide judiciaire qu'il demandera.
Nous savons que le gouvernement d'Haïti s'est adressé à d'autres gouvernements, notamment ceux des États-Unis et de la Jamaïque, dont, je crois, il a reçu ce genre d'aide.
Alors que nous examinons avec nos partenaires les besoins à venir d'Haïti, il est certain que nous examinons les moyens par lesquels la communauté internationale peut aider à renforcer le secteur judiciaire, mais, en ce qui concerne les détails de l'enquête, aucune demande officielle n'a été faite au gouvernement du Canada.
Je me contenterai d'ajouter que M. Grant a raison. Quelques suspects ont été arrêtés en Jamaïque, puis déportés aux États-Unis, faute de traité d'extradition entre la Jamaïque et Haïti. Haïti s'efforce également d'obtenir l'extradition d'un suspect réfugié en Turquie. Un autre a été arrêté en République dominicaine voisine. Les issues semblent donc de moins en moins nombreuses, et la plupart de ces affaires seront vraisemblablement jugées aux États-Unis.
Si notre gouvernement appuie toute initiative impulsée par Haïti et qu'aucune demande officielle n'ait été reçue du gouvernement haïtien pour que le Canada participe à une telle enquête, sur quoi se fonde l'ancienne gouverneure générale pour demander au Canada de s'engager dans cette voie? Chacun est fondé à demander qu'on l'éclaire sur ces événements. Qu'en pensez-vous?
J'ai été nommé cet automne et je suis arrivé en poste le 5 octobre. C'est la troisième fois que je travaille au dossier d'Haïti. Les deux fois précédentes, c'était pour l'administration centrale, à Ottawa. Dans la foulée du tremblement de terre du 12 janvier 2010, j'avais travaillé pour la cellule de crise qui avait été mise sur pied en réponse au tremblement de terre pendant plusieurs mois, alors que j'étais responsable des relations intergouvernementales. Ensuite, j'ai agi à titre de directeur adjoint des relations avec Haïti de 2013 à 2015.
Je comprends donc que vous êtes arrivé en poste après l'assassinat du président Jovenel Moïse. Depuis lors, comme M. Grant vient de le dire, la situation est très critique. C'est une crise multidimensionnelle. On parle d'enlèvements et de corruption, et les politiciens parlent beaucoup d'accords qui circulent dans le pays.
Depuis que vous êtes là, j'imagine que vous vous êtes promené et que vous avez rencontré des gens. Quelle est votre lecture de cette crise multidimensionnelle en Haïti?
Je pense que « multidimensionnelle » est en effet le terme approprié pour cette crise. La sécurité est un aspect extrêmement inquiétant. On parle de 1000 enlèvements, l'an dernier, mais la plupart des experts pensent qu'il y en a eu beaucoup plus. De nombreux enlèvements ne sont pas rapportés. Les choses se règlent directement, en deux ou trois jours, entre les familles et les criminels impliqués.
La question entourant Martissant a fait couler beaucoup d'encre. Ce quartier est situé au sud‑ouest de la capitale. La route nationale qui donne accès à tout le Sud du pays est bloquée par les gangs. Il est donc impossible de passer. Quand il y a eu un tremblement de terre dans la région du Sud, en août dernier, ce blocage a rendu l'acheminement de l'aide humanitaire extrêmement difficile.
Pour ce qui est de la crise politique, nous sommes aujourd'hui le 7 février, et il y a effectivement une compétition entre les accords. De l'extérieur, on a l'impression que c'est en quelque sorte l'accord d'Ariel Henry contre celui qu'on appelle « l'accord de Montana ». Beaucoup d'encre a coulé à ce sujet, notamment dans des revues et des journaux américains prestigieux comme le Miami Herald, The New York Times et le Foreign Affairs.
Cependant, d'autres groupes sont impliqués. Il y a d'autres accords et d'autres acteurs politiques également. Le Sénat haïtien compte 30 membres, dont 10 qui sont encore en poste. Ce sont les 10 qui restent. Pour ce qui est des 20 autres, on sait qu'il n'y a pas eu d'élection au Sénat depuis cinq ans. Le président du Sénat, Joseph Lambert, est impliqué également dans la crise, ainsi que les neuf sénateurs restants.
Bref, il y a une multitude d'accords politiques et une multitude d'acteurs politiques qui négocient. Il y a une joute politique, et c'est normal, pour déterminer qui se positionne, comment et pourquoi.
Comme vous le savez, et comme l'a d'ailleurs précisé M. Grant, le 21 janvier dernier, le Canada, avec la ministre Joly, a fait preuve de leadership en réunissant 19 ministres des Affaires étrangères et d'autres organisations internationales pour démontrer sa solidarité envers Haïti. Nous avons annoncé une contribution de 50 millions de dollars.
Cela dit, la ministre Joly a clairement indiqué dans son discours qu'elle souhaitait voir une solution haïtienne, par et pour les Haïtiens. Or, vous l'avez dit, le 7 février est une date importante en Haïti. On se demande comment on pourrait en arriver à un ou à des accords.
En outre, des élections sont-elles possibles en Haïti dans un tel contexte?
Nous estimons que, dans la situation actuelle, notamment pour des raisons de sécurité, il serait extrêmement difficile de tenir des élections en Haïti.
Pour ce qui est de savoir si des élections devraient avoir lieu d'ici la fin de l'année ou dans deux ans, il s'agit là de questions de politique intérieure sur lesquelles je ne veux pas me prononcer. Il me semble néanmoins assez évident qu'on ne peut pas tenir d'élection à court terme. La ministre l'a également affirmé.
L'important est d'éviter d'appliquer une solution qui vient de l'extérieur pour régler ce problème. Pour notre part, nous croyons que la solution réside dans une entente entre les parties prenantes, qu'il s'agisse d'entités politiques, de la société civile ou d'acteurs économiques.
En terminant, monsieur l'ambassadeur, pouvez-vous nous dire très brièvement quels sont ces accords?
Nous avons entendu parler de celui qu'on appelle « l'accord de Montana » et de celui qu'on surnomme « l'accord du 11 septembre », mais y en a-t-il d'autres?
Les trois principaux sont l'accord du 11 septembre, soit celui du premier ministre Ariel Henry; il y a l'accord de Montana, qui, comme je l'ai mentionné déjà, a fait couler beaucoup d'encre aux États‑Unis; et il y a l'accord PEN, une initiative du président du Sénat, Joseph Lambert, et de quelques autres acteurs politiques, notamment le sénateur Youri Latortue.
Il y a eu une entente entre les gens de l'accord PEN et ceux de l'accord de Montana. Ils m'ont dit que ce n'était pas un accord, mais bien une entente. Je cherche encore à comprendre.
Je tiens à remercier tous les témoins d'être des nôtres aujourd'hui et de s'être libérés pour échanger avec nous sur la situation qui a cours en Haïti et qui préoccupe l'ensemble des membres du Comité. Nous en avons fait une priorité dans l'ordre du jour des travaux de ce Comité.
Je tiens également à vous dire que je suis désolé que nous n'ayons pas pu commencer plus tôt, car nous étions aux prises avec des questions d'intendance. Je vous remercie de votre patience.
Si vous me le permettez, monsieur le président, j'aimerais revenir tout de suite à la question de la sécurité en Haïti.
Au nombre de toutes les calamités qui se sont abattues et qui continuent de s'abattre sur ce malheureux pays, il y a actuellement quelque 95 gangs armés qui font, en réalité, la loi sur une bonne partie du territoire et qui isolent la capitale d'une bonne partie du pays. Cela a été reconnu par le Canada et lors de la conférence organisée par la ministre, puisque des 50 millions de dollars qui seront octroyés à Haïti, selon ce que je comprends, un peu plus de 12 millions de dollars serviront à accroître la capacité de la Police nationale d'Haïti, ou PNH, au moyen d'une formation essentielle et d'une efficacité accrue.
Ma question est fort simple. Dans ma vie antérieure, lorsque j'étais député fédéral à la fin des années 1990 et qu'Haïti se livrait à la création de sa police nationale, le Canada a envoyé les Forces armées canadiennes et des policiers pour procéder à la stabilisation du pays et à la formation de la Police nationale d'Haïti. J'ai eu l'occasion de me rendre en Haïti, à ce moment-là, pour voir le travail de nos policiers et celui de cette police nationale haïtienne naissante. Quelques décennies plus tard, nous en sommes là où nous en sommes.
Ma question est la suivante: que pensons-nous pouvoir faire de plus, avec plus d'efficacité cette fois-ci, compte tenu de la situation qui existe aujourd'hui en Haïti?
Effectivement, vous l'avez mentionné, le Canada est très actif dans le secteur de la sécurité, et ce, depuis longtemps. Vous en savez plus que moi à cet égard, je crois. Il y a de cela plus de 10 ans, nous avons aidé Haïti à mettre sur pied l'Académie de la police nationale, ou APN. Lors de la récente conférence, comme vous l'avez mentionné, nous avons aussi annoncé l'octroi d'autres subventions à la Police nationale. Ce soutien accru est destiné en priorité au renforcement de la capacité de gestion de la police, incluant l'intégration de femmes au sein de la Police nationale.
Nous sommes également en train d'étudier comment nous pouvons continuer d'appuyer l'Académie de la police nationale, puisqu'il est essentiel de poursuivre la formation des policiers. Parallèlement, nous envoyons aussi des policiers de la GRC ou de la Sûreté du Québec, a priori parce qu'ils ont les affinités linguistiques pour transmettre leur expertise tant à la PNH qu'au sein de la mission des Nations Unies, qui relève du BINUH, le Bureau intégré des Nations Unies en Haïti.
Le Canada joue un rôle très important dans le renforcement de la sécurité. Comme nous avons aussi essayé de le faire lors de la rencontre du 21 janvier, nous essayons d'avoir une meilleure coordination avec les bailleurs de fonds pour renforcer cette sécurité. Nous travaillons donc avec les Nations unies dans le but de créer un fonds de sécurité auquel peuvent contribuer d'autres pays; ce fonds pourrait ensuite être utilisé par les Nations Unies pour mettre en œuvre une stratégie nationale de sécurité qui a été négociée avec le gouvernement d'Haïti.
Très brièvement, j'aimerais faire miennes les paroles de Daniel Foote, émissaire démissionnaire des États‑Unis en Haïti, qui a insisté sur le fait que les interventions politiques américaines en Haïti n'ont jamais fonctionné. Je pense qu'on reste dans le même esprit en disant que la solution doit venir des Haïtiennes et des Haïtiens eux-mêmes, et non de l'extérieur.
Sur le plan de la sécurité — j'y reviens —, ne doit-on pas, à la lumière de l'expérience que j'ai moi-même vécue, conclure que nos efforts ont été vains jusqu'à présent? Que peut-on faire de mieux pour y arriver, cette fois?
Si vous me le permettez, monsieur le président, je vais répondre à la question.
Bien entendu, nous sommes d'accord pour dire que ce sont les Haïtiens eux-mêmes qui doivent trouver la solution, et nous encourageons toutes les parties à trouver une solution.
En ce qui concerne la Police nationale d'Haïti, nous pensons qu'une coordination entre la mission des Nations unies et nos partenaires est nécessaire. C'est exactement ce que nous essayons de faire dans le cadre des nouveaux projets et en collaborant avec les Nations unies.
J'en profite pour remercier nos témoins d'être des nôtres et présenter mes excuses pour le début retardé de l'étude.
Bien sûr, les événements, à Haïti, sont extrêmement complexes, et vos connaissances et points de vue nous sont indispensables pour comprendre les difficultés qu'affronte le peuple haïtien.
Je voudrais suivre la piste de certaines des questions de mes collègues.
Relativement aux méthodes de travail du Core Group, M. Bergeron vient de citer l'envoyé spécial à Haïti, M. Foote, qui, dans sa lettre de démission, a écrit que nos amis haïtiens aspirent à décider de leur avenir sans être les marionnettes de puissances étrangères et sans que ces puissances aient des candidats préférés, explicitant ainsi son impression que, en fait, le Core Group avait dépassé les bornes.
D'après un certain nombre de sources indépendantes, nous avons appris qu'on avait l'impression d'une ingérence à Haïti. Bien sûr, nous devrions tous avoir foi dans l'idée que la solution, pour les Haïtiens, doit provenir d'eux-mêmes et que nous devons leur donner la possibilité de choisir leur avenir, leurs dirigeants et leur gouvernement.
Je veux seulement un peu mieux comprendre comment fonctionne le Core Group et la réponse, je suppose, à ces appels très clairs, formulés par de nombreuses sources, selon lesquelles il essaie encore de choisir des dirigeants au nom du peuple haïtien plutôt que de laisser faire ces processus démocratiques.
Merci beaucoup. Si c'est possible, monsieur l'ambassadeur pourra compléter ma réponse.
Sur le terrain et à Haïti, le Core Group joue vraiment un rôle parmi les ambassadeurs et les représentants.
Voyons d'abord les observations de M. Foote. Je pense qu'elles visaient surtout le gouvernement des États‑Unis est un peu le Core Group. Je dirai seulement — ça semble un peu rhétorique, mais je le pense depuis longtemps — que la seule issue pour les Haïtiens eux‑mêmes… Ni le Canada, ni le Core Group, ni personne d'autre ne peut simplement imposer ses vues au peuple haïtien; c'est à lui de décider.
Dans l'été où l'assassinat a eu lieu, il y avait visiblement beaucoup de confusion et de crises, et, quand le premier ministre Joseph, à l'époque, et la personne qui avait été nommée pour être premier ministre, M. Henry, se sont entendus sur cette solution, le Core Group a certainement affirmé que ça favorisait la stabilité. À l'époque, pour notre part, nous avons clairement exprimé l'opinion, que nous avons répétée, qu'il fallait une solution à long terme, obtenue avec l'apport de toutes les parties, et des élections.
La dernière réunion qu'a accueillie la ministre Joly a été marquante, parce qu'il y avait bien plus que seulement le Core Group de présent. Beaucoup de membres de la communauté internationale se sont exprimés assez énergiquement et ont directement dit au premier ministre Henry qu'il fallait une entente entre toutes les parties, et qu'il lui fallait s'adresser à la société civile et à l'opposition pour en conclure une. Nous avons donc été assez clairs.
Mais, peut-être, monsieur l'ambassadeur, pourriez-vous parler un peu du mode de fonctionnement du Core Group sur le terrain.
Je suis désolée de vous interrompre, mais je dispose de peu de temps.
Pour les élections à venir, je me demande simplement ce que le Canada fait pour assurer… Comment collaborons-nous avec les Nations unies et l'Organisation des États américains? Comment nous assurons-nous que les préparatifs sont en place, que les élections peuvent se dérouler et que nous pouvons contribuer à porter au pouvoir, à Haïti, un gouvernement choisi démocratiquement par les Haïtiens?
Que ce soit à l'Organisation des États américains ou à l'ONU, ou bilatéralement, entre nous-mêmes et le gouvernement par intérim ou les divers groupes de la société civile ou l'opposition, nous comprenons que cette entente est désormais indispensable et que, sans elle, il n'y a aucune possibilité réelle d'élections.
Le débat, réel et honnête, porte, s'il y a accord, sur la célérité avec laquelle les élections peuvent survenir. Monsieur l'ambassadeur vient d'exprimer son opinion qu'il est peu probable que ça se fasse rapidement. Les conditions, sur le terrain, ne sont pas réunies. Le premier ministre Henry voudrait qu'elles aient lieu dans un an; une partie de la société civile estime que ce devrait être dans deux ans. Aux Haïtiens d'en décider.
Nous, les Canadiens, nous nous tenons prêts, pour, une fois la décision prise, aider à établir le processus, par l'entremise des Nations unies ou de l'Organisation des États américains, pour que les fonctionnaires électoraux haïtiens franchissent des élections sans encombre, grâce à une aide financière ou à nos connaissances.
Le Canada l'a fait dans le passé. Dans les Amériques, l'Organisation des États américains s'est acquis une solide réputation et une grande expérience en le faisant, et le Canada a appuyé ses missions financièrement et par l'envoi de personnel. Nous devrions donc considérer favorablement cette éventualité.
Je crois fermement que la promotion de la justice et l'examen de mesures comme la réforme de la police devraient constituer des éléments essentiels de notre travail de développement international, car la primauté du droit fait beaucoup pour que les gens puissent tirer parti des occasions par eux-mêmes. Si on ne s'occupe pas de la sécurité, il leur est beaucoup plus difficile de le faire, mais si on s'en occupe, cela a beaucoup d'effets connexes qui ouvrent la porte à l'investissement et à d'autres démarches.
Je veux examiner le fait qu'une part substantielle de nos fonds d'aide au développement concerne manifestement la sécurité et vise à aider la capacité de la police. Nous constatons que c'est le cas également chez nos alliés et nos partenaires.
Quelle est la nature de notre engagement concernant la police? Envisage‑t‑on de fournir de l'équipement, de la formation? Est‑il besoin d'accomplir une réforme plus vaste et plus profonde de l'ensemble de la police, comme cela a été le cas dans certains pays, où les agents de police sont essentiellement remplacés par de nouvelles recrues qui apportent un changement de culture plus vaste et plus profond?
Que faut‑il faire dans le genre de réforme qui permettra de réellement renforcer le droit à Haïti?
Puis‑je souligner que, comme M. Grant l'a fait remarquer, que nous avons à Haïti les plus importants programmes d'aide internationale dans les Amériques, dans le cadre desquels quelque 50 millions de dollars en aide bilatérale sont fournis annuellement. Nous offrons des programmes pour toutes les composantes de notre politique d'aide internationale féministe, dont celui de la gouvernance inclusive, bien entendu, dans le cadre duquel nous nous attaquons à l'insécurité, comme vous l'avez indiqué, et travaillons avec la Police nationale d'Haïti.
La situation est complexe, mais nous collaborons étroitement avec la direction de la police elle-même et avec les Nations unies, dont les spécialistes affectés sur le terrain peuvent déterminer où se trouvent les lacunes et les besoins. L'aide du Canada concerne le renforcement de la capacité et, principalement jusqu'à tout récemment, de l'académie afin de l'aider à recruter et à former de nouvelles recrues pour la remettre sur pied.
Nous entreprenons maintenant des programmes dans le domaine de la structure de direction de l'académie de police proprement dite afin de renforcer les capacités de la haute direction de l'établissement de la police afin qu'elle mette en œuvre son propre plan de sécurité nationale, mais en étroite coordination avec les Nations unies et d'autres partenaires sur le terrain.
Si j'ai bien compris votre réponse, vous parlez de programmes au titre desquels on offre de la formation supplémentaire au personnel existant plutôt que d'engager les réformes plus drastiques de la police dont j'ai parlé et qui ont été accomplies dans des pays comme la Georgie et l'Ukraine.
C'est exact. Nous espérons toutefois que grâce à l'établissement du fonds commun de sécurité par l'entremise des Nations unies, nous pourrons aller un peu plus loin avec les réformes dans le cadre du Programme des Nations unies pour le développement, qui est en train d'établir ce fonds.
Ici encore, il faut agir en coordination avec le gouvernement hôte, soit le gouvernement haïtien, pour la réforme des visas.
Oui. Bien entendu, on ne peut réformer la police sans l'accord du gouvernement hôte, mais j'aimerais connaître votre opinion sur ce qu'il faut faire à cet égard. Suffit‑il d'offrir de la formation supplémentaire aux acteurs existants ou est‑ce moins efficace que de procéder à une réforme plus vaste et plus profonde de la police?
Eh bien, je pense que la question comporte de nombreuses facettes et qu'il faut s'y attaquer de plusieurs angles.
Sachez qu'il n'y a pas suffisamment d'agents de police pour résoudre tous les problèmes auxquels ils doivent s'attaquer. L'académie contribuera à l'arrivée de nouvelles recrues. Nous savons que d'autres partenaires internationaux collaborent avec la Police nationale d'Haïti et les Nations unies pour établir des unités de filtrage au sein même de la police, par exemple.
Pardonnez-moi, mais je veux poser une autre question dans le temps qu'il me reste.
Il me semble que s'il existe des problèmes de culture fondamentaux au sein d'une force de police, l'ajout de recrues peut résoudre un problème, mais pas le problème de base.
Pourriez-vous traiter brièvement de certains des défis observés au chapitre de l'adoption internationale et de la réunification des familles qui quittent Haïti? J'ai échangé avec de nombreuses personnes qui ont des liens avec ces situations. Avez-vous quelque chose à dire sur le travail réalisé dans ce domaine?
Si le temps nous manque, auriez-vous l'obligeance de répondre par écrit?
Je remercie aussi grandement M. Grant ainsi que l'ambassadeur Carrière d'être parmi nous aujourd'hui. J'aimerais aussi saluer mon collègue Emmanuel Dubourg, député de Bourassa, qui siège au Comité aujourd'hui et qui représente une voix très forte pour la communauté canado-haïtienne au sein du gouvernement fédéral.
Il est clair que la relation entre le Canada et Haïti est extrêmement importante. Je suis très fière du soutien que le Canada continue d'apporter à ce pays. Ce soutien comprend évidemment les 50 millions de dollars additionnels en aide au développement annoncés il y a à peine deux semaines, mais aussi environ 90 millions de dollars versés chaque année, ce qui place le Canada au deuxième rang des donateurs les plus importants d'Haïti, après les États‑Unis.
Nous sommes tous d'accord pour dire que le Canada a un rôle important à jouer et qu'il doit en faire davantage. L'assassinat du président Moïse a choqué le monde entier, y compris l'importante diaspora haïtienne du Québec, qui compte environ 143 000 personnes. Nous savons aussi que la rencontre d'aujourd'hui a lieu à une date très particulière. En fait, c'est aujourd'hui que le mandat du président Moïse aurait pris fin, mais ce n'est pas le cas, puisque Ariel Henry est le président provisoire et qu'Haïti est aux prises avec une crise politique majeure. Il y a environ un mois, le président provisoire Henry a lui-même dû être sauvé d'une fusillade entre ses agents de sécurité et des membres de gangs qui a eu lieu lors d'une cérémonie officielle.
Nous disons tous ici que la solution va venir du peuple haïtien et c'est évidemment le cas, mais, au vu de la situation actuelle, j'aimerais entendre nos témoins sur les moyens dont le Canada pourrait au mieux soutenir le peuple haïtien. Les 50 millions de dollars en aide sont très importants, mais comment pouvons-nous nous assurer que cet argent arrivera rapidement sur le terrain afin d'avoir les meilleurs effets possible pour le peuple haïtien?
Je vais y répondre, mais M. Carrière ou Mme Cesaratto pourront ajouter quelque chose.
En effet, nous sommes le donateur le plus important après les États‑Unis, mais nous ne pouvons pas agir seuls. Nous devons travailler avec nos partenaires et les organisations internationales. À New York, le Canada est le président du Groupe consultatif ad hoc du Conseil économique et social sur Haïti, qui a tenté d'améliorer les façons de travailler des Nations unies et des donateurs internationaux d'Haïti. La seule solution est donc de travailler ensemble.
Je demanderais à Mme Cesaretto et à M. Carrière de compléter ma réponse.
Comme vous l'avez souligné, Haïti est extrêmement fragile. C'est un des pays les plus pauvres au monde, avec des indicateurs socioéconomiques parmi les plus faibles au monde et certainement dans les Amériques.
Nos programmes visent les gens les plus vulnérables et les plus touchés par la crise socioéconomique qui sévit en Haïti. Ce sont donc les citoyens d'Haïti qui en seront directement les bénéficiaires. Ces programmes reposent sur tous les piliers de notre engagement, et nos partenaires de mise en œuvre sont surtout des organismes non gouvernementaux canadiens et internationaux, comme les instances des Nations unies ou le Programme alimentaire mondial des Nations unies, ou PAM.
Effectivement, la solidarité du Canada avec le peuple haïtien est indéfectible. Vous l'avez bien décrite.
Je dirais aussi qu'au-delà de l'aide au développement, il existe dans ce pays ce que mes collègues appellent des « poches d'excellence », c'est-à-dire des projets économiques qui fonctionnent très bien sans aide internationale. Je pense à un homme qui s'appelle Pierre Léger, dans la région des Cayes, qui est le premier producteur mondial de vétiver, une huile essentielle qui sert de base à presque tous les parfums que vous connaissez...
C'est dommage, parce que c'était très intéressant d'entendre parler de cette excellence que l'on retrouve dans certains endroits.
Selon les données mêmes du gouvernement du Canada, à peine 1 % de la population haïtienne est pleinement vaccinée contre la COVID‑19. L'essentiel de la contribution du gouvernement passe par l'initiative COVAX, mais nous savons qu'il a fait des dons bilatéraux sur la base de critères que nous ne comprenons pas très bien. Puisque cela semble très arbitraire, nous avons demandé à ce que le gouvernement accorde la priorité à la Palestine, à Haïti et à Taïwan, pour toute une série de raisons. Je pense que celles concernant Haïti sont évidentes aux yeux de tous et toutes.
Comme je le disais, le gouvernement canadien a fait des dons bilatéraux sans que nous en comprenions très bien les critères, notamment à l'Égypte et à cette région, à la Jamaïque et à la Barbade, mais pas à Haïti.
Qu'est-ce qui explique que nous n'ayons pas encore aidé Haïti sur le plan de la vaccination, alors que le pays se démène de toutes les façons possibles pour essayer de s'en sortir?
Il me semble que ce serait une façon concrète de l'aider. Qu'en pensez-vous?
Effectivement, nous suivons de près l'évolution de la situation sanitaire liée à la COVID‑19 en Haïti.
Le Canada a déjà contribué à hauteur de 12 millions de dollars aux efforts de lutte contre la COVID‑19. Pour ce qui est des vaccins, je crois que nous regardons maintenant les autres pays auxquels nous pourrions faire des dons. Nous travaillons avec les Nations unies, nos partenaires et l'Organisation panaméricaine de la santé.
Justement, j'allais ajouter que nous avions aussi donné un montant de 50 millions de dollars à l'Organisation panaméricaine de la santé, qui a mis sur pied des programmes en Haïti, surtout pour faire de la sensibilisation auprès des gens qui sont réticents à se faire vacciner, ce qui est un grand problème.
Au début de la pandémie, nous avons aussi revu nos programmes actuels en y ajoutant 13 millions de dollars pour répondre directement aux besoins des bénéficiaires de nos projets sur le plan de l'équipement de protection individuelle.
Sachez que les questions sur la vaccination sont, pour moi, très importantes et constituent une priorité clé. Je voudrais faire remarquer que les promesses de vaccins ne sont pas les mêmes que les livraisons de vaccins, un fait que nous devrions garder à l'esprit.
J'ai pour nos invités d'aujourd'hui quelques questions sur la somme de 50 millions de dollars et sur la manière dont ces fonds seront dépensés. Ma première question concerne la sécurité alimentaire. Nous savons que 12 millions de dollars ont été accordés au Programme alimentaire mondial pour lutter contre les problèmes de sécurité alimentaire à Haïti. Je me demande si ce montant est jugé suffisant ou non, et s'il permettra ou non de s'attaquer à l'ampleur des problèmes observés. Pourriez-vous m'éclairer à ce sujet?
Je répondrai brièvement qu'Haïti est aux prises avec des défis extrêmement difficiles. En ce qui concerne l'aide du Canada, qu'elle soit annuelle ou fournie pour une année extraordinaire, nous cherchons à déterminer où elle peut avoir le plus d'incidence. Depuis nombre d'années, nous travaillons dans le domaine de la sécurité alimentaire et dans le secteur de la santé, mais il est évident que les défis persistent. Je ne pense pas que quiconque puisse affirmer que nous possédons toutes les réponses.
Monsieur Carrière, vous qui êtes sur le terrain, peut-être pouvez-vous donner quelques indications sur les domaines où on peut déployer le plus d'efforts et avoir le plus d'incidence?
En ce qui concerne précisément la sécurité alimentaire, pour répondre à la question du membre, le Programme alimentaire mondial offre un programme de cantines scolaires, ou school canteens en anglais, dans le cadre duquel il nourrit quotidiennement jusqu'à trois quarts de million d'enfants chaque jour.
Un volet de ce programme s'approvisionne à l'échelle locale auprès de fermiers et d'autres fournisseurs. Voilà qui est très intéressant.
Ma prochaine question pourrait s'adresser à vous, monsieur l'ambassadeur, pour que je puisse glaner d'autres renseignements.
Un autre montant de 17,48 millions de dollars a également été dédié aux droits en matière de santé sexuelle et reproductive des femmes et des adolescentes les plus vulnérables. J'aimerais beaucoup en savoir plus à propos de ce projet. Pourriez-vous également m'indiquer si ces fonds ont été versés et dépensés ou non? Si c'est le cas, quand l'ont-ils été? Dans le cas contraire, quand le seront-ils?
Comme je dispose d'une trentaine de secondes, je pense qu'une réponse écrite sur les détails du projet serait de mise.
Je dirai seulement que je visite des projets et que je peux voir par moi-même, sur le terrain, l'aide qui est offerte pour aider les Haïtiens — ou les Haïtiennes dans le cas présent — qui ont besoin...
En ce qui concerne la somme de 50 millions de dollars annoncée il y a deux semaines, certains des projets sont déjà en cours, alors que d'autres commencent à peine.
Le premier ministre par intérim Henry s'est engagé à tenir un référendum pour modifier la constitution du pays d'ici février 2022 et à organiser des élections présidentielles et législatives au début de 2022.
Le gouvernement du Canada croit‑il qu'Haïti est en mesure de tenir des élections présidentielles et législatives libres et équitables? Pourquoi et pourquoi pas?
Je pense que l'ambassadeur Carrière a indiqué plus tôt que la situation actuelle est telle qu'il serait très difficile pour Haïti de tenir des élections. Il faudrait d'abord que les divers partis s'entendent sur la manière de procéder. Les opinions divergent quant au moment où les élections générales devraient avoir lieu. C'est aux Haïtiens qu'il appartient d'en décider.
Quand ils auront déterminé comment ils souhaitent procéder, le Canada — comme les partenaires et les organisations internationaux, je pense —sera prêt à les aider.
Monsieur Carrière, peut-être pouvez-vous apporter des précisions sur le déroulement des choses en 2022.
Outre la situation relative à la sécurité, un vaste débat anime les politicologues et les constitutionnalistes du pays, qui se demandent s'il convient de tenir un référendum sur la réforme de la constitution si on n'est pas élu en ayant pour mandat de modifier la constitution. Comme c'est le cas pour toute question politique, chaque côté avance des arguments qui se contredisent les uns les autres.
Le premier ministre par intérim, Ariel Henry, prononce un discours cet après-midi à 15 h 30 pour s'adresser à la nation. Nous verrons s'il parle de référendum. Le sujet est moins revenu dans le débat public, ce qui indique peut-être que le président abandonne l'idée. Nous devons voir quelles sont les intentions et ce que la semaine apportera. Aujourd'hui, tout est très calme. Il y a habituellement une manifestation le 7 février, mais aujourd'hui, c'est extrêmement calme au‑dehors, comme lors d'un jour férié. Il ne se passe absolument rien, ce qui est une bonne chose.
Selon ce que je comprends, les négociations se poursuivront entre les divers tribunaux. Le groupe de Montana a publié la semaine dernière une lettre où il invite le premier ministre au dialogue. Ce dernier a fait savoir qu'il y répondrait demain. Nous verrons donc ce que cette démarche donne. Je suis certain que le premier ministre abordera également la question lorsqu'il s'adressera à la nation à 15 h 30 aujourd'hui.
Monsieur Carrière, les débats politiques pourraient s'étirer sur des mois ou se terminer plus tôt que prévu. Quoi qu'il advienne, de quoi avez-vous besoin sur le terrain? Existe‑t‑il une feuille de route à ce sujet?
Le temps est toujours un facteur essentiel, et la situation est toujours exigeante, car les troubles n'ont rien de nouveau dans un pays comme Haïti, qui est secoué par des troubles depuis longtemps, en plus d'être touché par toutes sortes de catastrophes naturelles et de problèmes semblables. Le pays se trouve dans une situation générale désolante à tous les égards. Voilà qui pourrait accélérer la conversation et les réflexions sur le terrain pour pouvoir sortir de la crise au plus vite.
De quoi avez-vous besoin sur le terrain? Y a‑t‑il quelque chose que nous devons savoir avant le discours du premier ministre?
Je dirais qu'il y a beaucoup de lassitude au sein de la population à l'égard du processus politique. Certains amis haïtiens me disent même en privé: « Laissons-les tous partir et prenons nous-même les choses en main. » Voilà qui donne la mesure du raz‑le‑bol populaire.
Un réel sentiment d'insécurité règne. Chaque Haïtien que je connais connaît quelqu'un qui a été enlevé et pense qu'il sera le prochain, et ce n'est pas agréable de vivre avec une telle épée de Damoclès au‑dessus de la tête. Ce qu'il faut, c'est faire preuve de patience. Nous devons accepter que la politique haïtienne avance à son propre rythme. Nous ne devons pas laisser notre impatience d'étranger prendre le dessus; nous devons laisser les Haïtiens établir eux-mêmes leur feuille de route.
Les dates sont importantes. Le 7 février est une date importante qui peut être considérée comme un jalon en vue duquel on tente de négocier quelque chose à l'avance, mais demain est le 8 et c'est aussi une date propice à un accord politique. Le fait que la question ne se règle pas aujourd'hui importe moins à mes yeux que le fait que le dialogue continue.
Je vous remercie beaucoup, monsieur le président. Permettez-moi de remercier également tous les témoins de leurs explications très utiles.
Je pense que nous avons tous entendu jusqu'à présent que le Canada a été extrêmement actif à l'échelle bilatérale, ainsi que lors des délibérations multilatérales. Cela étant dit, compte tenu de notre rôle actif et de ce que M. Grant a qualifié de crises multidimentionnelles qui sévissent à Haïti, je me demande si M. Grant et M. Carrière pourraient nous informer sur ce que d'autres pays partenaires pourraient faire afin de résoudre cette question, puisqu'Haïti est aux prises avec de nombreux défis.
La première chose qui me vient à l'esprit, ce serait ce qu'il s'est passé il y a quelques semaines. Il y avait longtemps qu'Haïti n'avait pas accueilli une grande réunion internationale. Oui, il y a le Groupe central et certains organismes des Nations unies, mais cette réunion a rassemblé un nombre hors norme de partenaires. C'était très impressionnant à voir et important.
C'était d'abord et avant tout important pour les Haïtiens, qui ont vu que la communauté internationale se mobilise. La réunion de janvier était importante pour l'avenir, et Haïti et les Nations unies sont en train d'en organiser une autre sur l'aide humanitaire qu'il est nécessaire d'apporter.
Je pense que les pays doivent s'impliquer. Les contributions moyennes qu'Haïti a reçues ces dernières années sont loin de combler les besoins. Certains donateurs, dont le Canada, maintiennent encore un niveau élevé, mais plus de donateurs doivent apporter leur contribution.
Nous avons également constaté que les pays de la région jouent un rôle beaucoup plus actif, comme la réunion du 21 janvier l'a parfaitement illustré. Je pense que c'est une bonne chose. La République dominicaine, ainsi que la Communauté des Caraïbes et des membres individuels sont de bons exemples. Il serait utile que d'autres pays se manifestent.
Nous avons entendu à maintes reprises aujourd'hui qu'il importe que la solution vienne des Haïtiens. C'est un immense plaisir de compter M. Dubourg parmi nous aujourd'hui, puisqu'il est une source inépuisable de connaissance sur ce qu'il se passe à Haïti.
Pour être certains de faire une utilisation optimale des ressources dont nous disposons au pays et compte tenu de ce que nous entendons de la diaspora établie ici, au Canada, quels mécanismes sont à notre disposition?
Tout d'abord, Affaires mondiales, à titre de ministère des Affaires étrangères, est toujours disposé à entendre les Canadiens au sujet des priorités relatives à la politique étrangère, que ces avis lui arrivent des échelons officiels ou de la sphère politique. En fait, je pense que l'ambassadeur Carrière, à son poste à Port‑au‑Prince, se trouve probablement en première ligne de ces interactions.
Monsieur Carrière, vous voulez peut-être ajouter quelques observations.
En ce qui concerne la diaspora, j'ai grandi à Montréal, entouré d'Haïtiens. J'ai un oncle haïtien, un de mes meilleurs amis est haïtien, et j'ai même déjà eu un beau-père haïtien à un moment donné. Tout cela pour dire que la diaspora haïtienne n'est pas timide. Elle se fait entendre tout le temps, directement et indirectement, et il est bon de l'entendre.
L'impression qu'elle me laisse est la même que celle que me donne le Comité. Sans égard aux lignes de parti, on s'intéresse aux solutions haïtiennes et on souhaite les soutenir.
Je dois dire que la réunion qui s'est déroulée il y a quelques semaines était extraordinaire à voir. Il y avait une vingtaine de ministres étrangers issus de divers groupes, tous assis autour de la table et affirmant au peuple haïtien et à son gouvernement qu'ils étaient prêts à les aider une fois qu'ils auront décidé ce qu'ils veulent faire.
La communauté internationale est entièrement disposée à accompagner Haïti sur le chemin de retour vers la démocratie.
Merci à tous. Il est 12 h 58, ce qui nous amène à la fin de notre séance.
Monsieur l'ambassadeur Carrière, monsieur Grant et madame Cesaratto, nous vous remercions beaucoup. Les questions et les réponses ont été fort intéressantes. Je vous remercie tous d'avoir témoigné aujourd'hui.
Sur ce, si les membres du Comité ne souhaitent pas soulever d'autres questions, la séance est levée.