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Je déclare la séance ouverte.
Bienvenue à la 95e réunion du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international.
La séance d'aujourd'hui se déroule en format hybride, conformément au Règlement; ainsi, les députés peuvent participer en personne dans la salle et à distance au moyen de l'application Zoom.
J'aimerais faire quelques commentaires à l'intention des députés et des témoins.
Avant de prendre la parole, veuillez attendre que je vous invite à le faire. Vous pouvez parler dans la langue officielle de votre choix.
Même si cette salle est munie d'un système audio performant, des effets Larsen peuvent survenir. La principale cause en est une oreillette placée trop près du microphone.
Je vous rappelle d'adresser tous les commentaires à la présidence.
Concernant la liste des intervenants, la greffière du Comité veillera à ce que nous répondions aux demandes des députés.
Conformément à la motion de régie interne adoptée par le Comité sur les tests de connexion des témoins, je vous informe que tous les témoins qui comparaissent virtuellement ont réussi les tests de connexion requis.
Conformément à l'article 108(2) du Règlement et à la motion adoptée par le Comité le mercredi 8 novembre 2023, le Comité poursuit son étude sur les capacités diplomatiques du Canada.
J'aimerais maintenant accueillir les témoins.
Mme Carvin, professeure à l'École d'affaires internationales Norman Paterson se joint à nous en personne aujourd'hui. Nous accueillons également parmi nous M. Juneau, professeur en affaires publiques et internationales à l'Université d'Ottawa.
M. Bonnafont, ambassadeur, devait comparaître virtuellement. Malheureusement, on m'a informé qu'il n'avait pas le bon type de casque d'écoute, donc les interprètes ne seront pas en mesure de fournir des services d'interprétation. Ils auraient indiqué à l'ambassadeur Bonnafont qu'il n'avait pas le bon casque d'écoute, mais nous allons tenter — si les membres du Comité le veulent bien — de planifier une autre date pour pouvoir bénéficier de son point de vue.
Nous sommes également ravis d'avoir ici, parmi nous, aujourd'hui Mme Farida Deif, directrice au Canada de Human Rights Watch.
Chaque témoin disposera de cinq minutes.
Allez‑y, madame la députée Chatel.
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Je vous remercie de votre intervention, madame Chatel.
Je suis tout à fait d'accord avec vous, comme c'est sûrement le cas de tout le monde. Nous avions tous très hâte d'entendre l'ambassadeur, mais les interprètes m'ont dit qu'ils ne pouvaient pas l'interpréter; nous avons envoyé des messages à l'ambassadeur pour essayer de remédier à la situation. S'il peut confirmer la marque de son casque d'écoute et que nous recevons une confirmation, nous aurons sans l'ombre d'un doute la chance de l'entendre aujourd'hui.
Pour ce qui est de l'autre question que vous avez soulevée, nous devrions peut‑être en parler durant la partie sur les travaux du Comité, qui est prévue pour la dernière demie‑heure de la séance d'aujourd'hui.
Est‑ce que cela vous convient? Oui, excellent.
Nous allons commencer par entendre les témoins.
Veuillez accepter nos excuses.
Madame Carvin, vous avez cinq minutes pour présenter votre exposé. Il en va de même pour les trois témoins que nous allons entendre aujourd'hui.
Si je tiens ce cellulaire en l'air, cela signifie que votre temps est presque écoulé. Cela s'applique autant aux exposés qu'aux réponses que vous donnerez aux députés, qui doivent respecter le temps imparti. Si vous me voyez lever ce cellulaire, veuillez terminer ce que vous aviez à dire en 10 à 20 secondes.
Madame Carvin, vous avez la parole. Vous avez cinq minutes pour présenter votre exposé liminaire.
Je vous signale que j'ai préparé un mémoire plus long, comme le ferait un vrai professionnel, mais je serai bien plus brève à l'oral pour respecter le délai de cinq minutes.
Je présume qu'il est assez bien connu que Lester B. Pearson a un jour décrit la politique étrangère comme « la politique intérieure avec un chapeau ». Pierre Elliot Trudeau l'a décrite comme « l'extension à l'étranger des politiques nationales ». Pourtant, il est rare de voir nos décideurs traiter la politique étrangère de cette façon.
Les affaires étrangères sont souvent reléguées au second plan. On y voit un luxe plutôt qu'un instrument de pouvoir étatique pour faire avancer nos intérêts domestiques et internationaux à l'étranger. La diplomatie est perçue comme une récompense pour l'amitié plutôt que comme un outil pour protéger nos intérêts et surmonter les différends lorsqu'il faut avoir des conversations difficiles.
Cette attitude est compréhensible. Nous vivons dans une région du monde qui est très sécuritaire comparativement à d'autres, où se trouvent bon nombre de nos amis et alliés. Nous avons la chance de ne pas avoir à nous soucier de notre sécurité.
Je ne pense pas que j'aie besoin de souligner que les circonstances changent vite. Les manchettes quotidiennes sur la guerre, l'ingérence étrangère, l'espionnage, les cyberattaques et la souffrance des réfugiés et des personnes déplacées à l'intérieur de leur pays dans le contexte d'un ordre international menacé suffisent à nous le rappeler.
Tout cela pour dire que nous avons longtemps été à l'abri de beaucoup des pires difficultés au monde, mais ce n'est plus le cas. Nous n'avons plus la liberté de faire fi du monde qui nous entoure. Pour résoudre ces problèmes, nous avons besoin d'un ministère des affaires étrangères qui peut naviguer dans ces eaux troubles.
À cette fin, je souhaite porter plusieurs points à l'attention du Comité.
D'abord, le point que je considère comme le plus important, les ressources humaines d'Affaires mondiales Canada sont, de toute évidence, en assez piètre état. Le processus de recrutement est archaïque, chaotique et mal adapté au XXIe siècle. Pour ne donner qu'un exemple, il semble qu'un pourcentage important du personnel soit composé de jeunes titulaires de maîtrises et de jeunes étudiants qui travaillent sous contrat pour 90 jours. Ces employés temporaires font toujours face à la perspective imminente de perdre leur emploi et cherchent constamment leur prochain emploi.
Pour le dire franchement, il est très curieux pour moi, lorsque je participe à des réunions avec Affaires mondiales, d'y rencontrer des gens inscrits au même moment dans mes propres cours. C'est arrivé à de multiples reprises.
Ce n'est pas ainsi qu'on bâtit ses effectifs. C'est pourquoi j'appuie fermement les recommandations 9 à 13 sur l'embauche et la formation du personnel d'Affaires mondiales Canada présentées dans le rapport du Sénat de décembre 2023 intitulé « Plus qu'une vocation », que vous n'êtes pas sans connaître.
Ensuite, honnêtement, il est franchement bizarre que le Canada, un pays du G7, n'ait pas de politique étrangère. Lorsqu'on pose des questions, la réponse est souvent décevante elle aussi. On nous dit qu'il est trop difficile, trop exigeant de créer une politique étrangère, que les circonstances changent trop vite et que ce n'est pas une priorité de signaler nos intentions à nos alliés, parce qu'ils peuvent simplement prendre le téléphone et nous appeler pour nous poser la question.
Notre politique pour l'Indo‑Pacifique est arrivée bien tard, notre politique de défense tarde encore à refaire surface et notre stratégie promise pour l'Afrique n'est plus qu'un cadre depuis l'an dernier.
C'est clair que nous peinons à rédiger des documents de politique étrangère. Je me demande si c'est simplement parce que nous en avons perdu l'habitude. D'autres pays vont publier des documents de manière assez périodique. Je pense qu'il y a bien des avantages à se doter d'une politique étrangère, qui nous force à faire des choix et à établir nos priorités. Oui, il est difficile d'établir nos priorités et cela demande de tenir des discussions difficiles, ou les positions peuvent changer à la lumière de nouveaux événements, mais la réponse à ces circonstances exige d'actualiser notre politique, et non d'éviter l'exercice en entier.
Je pense aussi que la politique étrangère constitue un outil de communication important. On en sous-estime toujours l'importance, surtout au ministère des Affaires étrangères. Les gens de ce ministère ne voient pas cette politique comme un outil de communication.
Je suis allée au Japon il y a une semaine et demie. Pour me préparer, j'ai lu son livre bleu sur la diplomatie, qui fait 400 pages. Avons‑nous besoin d'un livre de 400 pages sur les affaires étrangères? Absolument pas, mais je pense qu'un document stratégique clair, qui ferait état de nos intérêts non seulement à nos alliés, mais aussi aux Canadiens, serait sans conteste dans notre intérêt. Les autres points que je veux soulever aujourd'hui vont en témoigner et renforcer ce point.
De plus, je veux parler de la capacité d'Affaires mondiales à donner des conseils opportuns et utiles aux décideurs au cœur du gouvernement. Mon collègue Thomas Juneau parlera du renseignement à Affaires mondiales, et je pense que cela entre en ligne de compte.
Il est ardu de coordonner toutes ces choses, mais on entend à l'occasion des histoires de difficultés à donner des conseils. Le problème ne concerne pas qu'Affaires mondiales, mais il faut mieux former le personnel de ce ministère pour qu'il donne des conseils opportuns qui peuvent réellement aider à influencer une situation en évolution.
Par ailleurs, nous sommes en dérive. Le rapport du Sénat « Plus qu'une vocation » dont j'ai parlé laisse entendre qu'Affaires mondiales devrait être considéré comme « un organisme central [ qui ] a la responsabilité de coordonner l’approche du Canada relative aux dossiers de politique étrangère pour l’ensemble du gouvernement fédéral. » C'est la recommandation 28.
Je suis tout à fait en désaccord avec cette recommandation. Je pense que c'est une mauvaise idée. Je crains qu'au lieu de fournir une orientation qui découle d'une politique étrangère, Affaires mondiales ne soit à la dérive. C'est vrai que tout enjeu au gouvernement comporte une dimension internationale et que le ministère est aux commandes en matière d'affaires mondiales, mais c'est impossible pour Affaires mondiales d'être responsable de toutes ces questions.
Je vais manquer de temps pour présenter mes autres points. Vous pourrez me poser des questions là‑dessus plus tard, mais vous les verrez dans mon mémoire. Je pense que nous devons être conscients qu'Affaires mondiales doit s'en tenir à son mandat.
Une dernière chose: la capacité du Canada de tenir parole. Nos alliés s'interrogent. Ils voient notre politique pour l'Indo‑Pacifique et ils sont contents, mais avons‑nous les reins assez solides pour rester dans la région et rester engagés dans les relations que nous sommes en train de bâtir là‑bas?
Enfin, nous devons renforcer notre présence à l'étranger. Cet enjeu compte pour nos alliés, qui se soucient de nous. C'est bien plus facile de penser au Canada si l'on peut se rencontrer dans un lieu à proximité plutôt que trois pays plus loin. C'est bien plus simple.
Je pense que le ministère des Affaires mondiales a un problème de communication. Les Canadiens ont besoin de plus de transparence et d'une meilleure communication, surtout si le gouvernement s'apprête à réinvestir dans le ministère. Nous devons expliquer aux Canadiens pourquoi c'est dans leur intérêt de le faire.
Je vous remercie beaucoup de l'invitation à témoigner. Je suis prête à répondre à vos questions.
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Merci beaucoup. Je vous remercie de m'avoir invité à comparaître aujourd'hui.
Je vais me concentrer sur trois choses aujourd'hui. Premièrement, le ministère des Affaires étrangères dont nous aurons besoin à l'avenir devra travailler en symbiose avec le renseignement. Deuxièmement, ce n'est pas le cas à l'heure actuelle. Troisièmement, que pouvons-nous faire pour y arriver?
Premièrement, très rapidement, le ministère des Affaires étrangères dont nous aurons besoin à l'avenir devra travailler en symbiose avec le milieu du renseignement. Ce sera nécessaire pour faire face à bon nombre des menaces internationales actuelles. Pensez à l'ingérence étrangère dans les élections, à la répression transnationale, à l'espionnage économique, au terrorisme transnational, aux répercussions des changements climatiques sur la sécurité, et ainsi de suite. Concrètement, cela signifie qu'Affaires mondiales Canada doit travailler en étroite collaboration avec le SCRS, le CST, le MDN, le commandement du renseignement des Forces canadiennes et d'autres acteurs du domaine de la sécurité et du renseignement, ici et hors d'Ottawa, pour faire face aux diverses menaces.
Deuxièmement, je crois que le ministère des Affaires étrangères dont nous aurons besoin à l'avenir, un ministère qui travaille en symbiose avec le milieu du renseignement, n'est pas le ministère que nous avons en ce moment. Je précise que la situation actuelle est bien meilleure qu'elle ne l'était il y a 10 ou 15 ans. Le renseignement s'intègre beaucoup mieux qu'avant aux ministères qui élaborent les politiques. Mme Carvin et moi en avons discuté dans le cadre de nos recherches, mais il reste encore beaucoup à faire.
Trop souvent, le monde de la diplomatie et le monde du renseignement parlent des langues différentes et ne travaillent pas ensemble de façon cohérente. Il doivent apprendre à communiquer l'information en temps opportun. Ils doivent coordonner les politiques et les opérations. Une partie du blâme revient au milieu du renseignement. Celui‑ci demeure trop insulaire et trop déconnecté des besoins du milieu politique. Une partie du blâme revient en revanche au monde diplomatique, parce que culturellement, la bureaucratie néglige trop le renseignement, même si, je le répète, les choses se sont améliorées dernièrement.
On peut dire que notre service diplomatique a une faible littératie en matière de renseignement. Cela signifie que même si certains diplomates ont une solide expérience de la façon dont le renseignement peut les aider dans leur travail, dans l'ensemble, nos diplomates comprennent moins bien le renseignement et la façon de l'intégrer à leur travail que les services diplomatiques de certains de nos principaux alliés.
Je tiens à souligner, en passant, que l'inverse est vrai et aussi problématique. Notre milieu du renseignement a une faible connaissance des politiques, mais ce n'est pas l'objet de la discussion d'aujourd'hui.
Cela a des conséquences. Nous en avons vu la pointe de l'iceberg dans les débats sur l'ingérence étrangère au cours des derniers mois, parce que l'information ne circule pas efficacement. Les différents organes du gouvernement ne se comprennent pas l'un l'autre, notamment. Concrètement, cela signifie que notre capacité à contrer l'ingérence étrangère ou d'autres menaces auxquelles nous faisons face demeurera inférieure à ce qu'elle pourrait être tant que nous n'améliorerons pas les relations entre les organes diplomatiques et le renseignement de nos autorités nationales.
Troisièmement, que pouvons-nous faire pour mieux intégrer nos fonctions diplomatiques et le renseignement?
Premièrement, et cela va un peu dans le sens de ce que dit Mme Carvin, nous devons revoir en profondeur notre architecture de sécurité nationale, qui est désuète. Cela pourrait nécessiter de réformer toute la façon dont nous fixons nos priorités en matière de renseignement, un processus sclérosé. Nous devrions aussi améliorer nos mécanismes de partage de l'information, puis examiner et adapter nos structures de gouvernance en conséquence, notamment celles qui devraient permettre une meilleure coordination et un meilleur échange d'information avec les autres ordres de gouvernement, le secteur privé et la société civile. Nous traversons une crise en matière de ressources humaines, comme l'a mentionné Mme Carvin, et il y a une véritable épidémie de surclassification, dont j'ai parlé récemment dans d'autres comités, qui demeure un obstacle majeur à une meilleure utilisation du renseignement, y compris à Affaires mondiales. Enfin, il faudrait revoir nos programmes de formation.
Deuxièmement, il faut plus de transparence et d'engagement, comme Mme Carvin l'a mentionné, avec le public, la société civile et le secteur privé. C'est essentiel pour insuffler de nouvelles idées afin de renforcer la fonction d'examen critique, qui fait défaut au ministère, et d'améliorer les mécanismes de reddition de comptes en mettant mieux en lumière les faiblesses.
Troisièmement, il y a la question des détachements et des échanges. Nos diplomates doivent passer plus de temps hors d'Affaires mondiales, dans le milieu du renseignement, et ailleurs, d'ailleurs. C'est la meilleure façon de bâtir une compréhension mutuelle et d'approfondir les liens institutionnels.
Quatrièmement, dans un monde idéal, nous devrions avoir un organisme de renseignement humain étranger, ce que nous n'avons pas. En réalité, il est peu probable qu'un tel organe soit créé, du moins dans un avenir rapproché. Tant que nous n'en aurons pas, nous devons utiliser les structures et les pouvoirs existants et les améliorer afin de recueillir et d'utiliser davantage et mieux le renseignement étranger par l'entremise du SCRS, du CST, du COMRENSFC et ainsi de suite. C'est un sujet sur lequel nous avons tous deux écrit ces derniers temps.
Dans un monde où de plus en plus d'incertitude plane dans nos relations avec les États-Unis, nous devrions nous efforcer de canadianiser davantage la collecte et l'analyse du renseignement étranger et de tenir davantage compte des intérêts propres au Canada.
Cinquièmement, dans la même veine, nous devons poursuivre nos efforts pour développer nos capacités diplomatiques en matière de renseignement — Affaires mondiales Canada et le SCRS devraient le faire en tandem, même si ce n'est pas toujours facile —, diversifier nos relations étrangères en matière de renseignement et mieux tirer parti de nos partenariats.
Enfin, et je terminerai là‑dessus, nous avons besoin d'un leadership soutenu aux niveaux politique et bureaucratique — ce qui fait actuellement défaut — afin de vraiment investir le temps nécessaire pour faire avancer ces réformes administratives.
Merci.
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Merci, monsieur le président, mesdames et messieurs, de m'avoir invitée à discuter des capacités diplomatiques du Canada en cette période très turbulente et imprévisible. Cette étude ne pourrait pas tomber plus à point.
Vous ne serez pas surpris d'apprendre que je vais me concentrer sur les droits de la personne, qui, à mon avis, devraient constituer l'épine dorsale morale de la diplomatie canadienne. Comme l'a dit le haut-commissaire des Nations unies aux droits de l'homme, les droits de la personne sont l'antidote à la politique dominante de distraction, de tromperie, d'indifférence et de répression.
Il est clair que la situation profondément troublante dont nous sommes témoins dans le monde est alimentée par l'impunité pour diverses violations des droits de la personne, par l'application inégale du droit international et par la perception que certains gouvernements peuvent commettre des crimes graves et s'en tirer impunément.
Cela dit, je me concentrerai aujourd'hui sur les efforts déployés par le Canada pour faire progresser la justice et la responsabilisation à l'égard des crimes internationaux graves et sur la norme des deux poids, deux mesures de plus en plus flagrante qui mine la crédibilité du Canada et a de profondes répercussions sur les Canadiens et les gens du monde entier.
Comme vous le savez, le Canada a joué un rôle clé dans la création du cadre international actuel pour la prévention des atrocités de masse. Il est également un chef de file en matière de responsabilité internationale, il a joué un rôle central dans l'établissement de la Cour pénale internationale et, plus récemment, dans les efforts visant à lutter contre les crimes graves en Syrie, au Myanmar et en Ukraine.
La position du gouvernement canadien à l'égard de la crise actuelle à Gaza l'éloigne considérablement de la longue tradition d'action du Canada. Depuis le début de ce conflit, le gouvernement évite de condamner des crimes de guerre précis à Gaza. Au lieu de cela, il répète de manière générale que toutes les parties doivent respecter le droit international, tandis qu'il a condamné la Russie, à juste titre, pour ses frappes aériennes aveugles contre des hôpitaux et des écoles en Ukraine. Israël a mené de multiples attaques semblables sans trop être condamné pour ses actes par Ottawa.
La communauté internationale a condamné à juste titre le refus du président Bachar al‑Assad de fournir de la nourriture et de l'eau aux civils à Alep, tandis que le Canada n'a pas condamné le recours par Israël à la famine comme arme de guerre à Gaza.
De même, le Canada a longtemps été un chef de file mondial de l'interdiction d'explosifs comme les mines terrestres et les munitions à dispersion, il a endossé une nouvelle déclaration politique sur les armes explosives, tandis que le gouvernement a directement nui aux efforts en ce sens, dans ce cas‑ci, en restant silencieux sur l'utilisation récente par Israël de phosphore blanc dans des zones peuplées de Gaza et du Liban.
La réponse problématique du gouvernement à la récente décision de la Cour internationale de Justice sur Israël mine davantage son soi-disant engagement à l'égard d'un ordre mondial fondé sur des règles et met en lumière les deux poids, deux mesures qui prévalent lorsqu'il s'agit d'Israël. Cela peut indiquer qu'Israël n'a pas besoin de se conformer à l'ordre mondial et envoie un message dangereux aux autres États qui comparaissent devant les instances internationales.
Lorsque la diplomatie canadienne dévie du droit international, cela a des conséquences néfastes pour le Canada bien au‑delà de Gaza. Les déclarations des représentants canadiens sur les atrocités commises n'importe où dans le monde sonneront creux, et il deviendra plus difficile de tenir les agresseurs responsables de leurs actes et de les dissuader de commettre d'autres crimes internationaux. Les pressions exercées par le Canada sur les parties belligérantes pour qu'elles respectent les lois en situation de guerre et de conflit auront sans doute moins de poids.
Cette norme dangereuse des deux poids, deux mesures s'étend malheureusement aux affaires consulaires. J'ai comparu devant le Comité pour mettre en lumière la situation désastreuse dans laquelle sont projetés les hommes, les femmes et les enfants canadiens détenus arbitrairement dans le Nord-Est de la Syrie parce qu'ils sont soupçonnés d'avoir des liens avec Daech. Human Rights Watch, de concert avec divers experts de l'ONU, dont le secrétaire général de l'ONU, a demandé à maintes reprises au Canada de rapatrier ses citoyens pour les réadapter, les réintégrer dans la société et les poursuivre en justice, au besoin. Quelques femmes et enfants canadiens ont certes été rapatriés à la suite d'une affaire judiciaire, mais bon nombre d'entre eux demeurent détenus illégalement, en plus de tous les hommes canadiens. À ce jour, aucun des Canadiens détenus depuis près de sept ans n'a reçu d'aide consulaire. Ainsi, le Canada fait fi non seulement de ses obligations juridiques internationales, mais aussi de ses propres recommandations d'intervenir lorsque ses citoyens à l'étranger sont exposés à de graves abus allant jusqu'au risque de mort, en passant par la torture et les traitements inhumains et dégradants.
En janvier 2021, Affaires mondiales a adopté un cadre de politique consulaire propre à ce groupe de citoyens qui rend presque impossible pour eux de rentrer chez eux. Parmi les critères d'admissibilité au rapatriement, il y a un changement dans l'état de santé, mais le gouvernement sait très bien qu'il y a peu de chances, voire aucune, que ces détenus aient accès à des soins médicaux sans l'aide du Canada.
Enfin, j'aimerais vous rappeler qu'en juin 2021, le Comité permanent des affaires étrangères et du développement international a formulé des recommandations concrètes sur la prestation d'une aide consulaire à ce groupe de détenus canadiens. Malheureusement, tout cela est tombé dans l'oreille d'un sourd. Affaires mondiales n'a fourni aucune aide consulaire aux détenus et n'a pratiquement rien fait pour soutenir leurs familles ici, au Canada, dont certains ne font que demander une preuve que leurs proches sont toujours en vie.
Merci beaucoup.
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Monsieur, rien ne rend un universitaire plus heureux que d'entendre quelqu'un citer son article. Je vous en remercie du fond du cœur.
Je pense que le Canada a en fait pas mal de capacités, puis il y en a sur lesquelles nous devrons prendre des décisions.
Le Canada a de très bonnes capacités dans l'Arctique, par exemple. Nous avons de bons renseignements dans l'Arctique. Cette zone est de plus en plus considérée comme une zone de conflit potentielle — et je ne suis pas en train de dire que je suis d'accord avec cette idée. C'est quelque chose qui inquiète particulièrement nos alliés européens et qui sera certainement un point de mire de l'OTAN à l'avenir. Nous avons de grandes capacités là.
De même, on me dit que nous avons de très bonnes capacités en ce qui concerne la Russie. Évidemment, cette question est très d'actualité, et nos alliés s'en préoccupent aussi.
Ce sont des capacités de pointe.
Nous avons également notre propre expertise dans le secteur de la technologie, ce qui est fantastique. Nous sommes vraiment des chefs de file en matière d'intelligence artificielle. Nous innovons dans de nombreux domaines d'intérêt futurs. Nous l'avons constaté par les diverses tentatives de voler cette information et d'accéder à notre propriété intellectuelle. Je pense que ce sont des domaines dont nous pourrions tirer parti, mais nous devrons prendre des décisions pour cela.
M. Juneau et moi-même avons discuté avec nos alliés. Ils nous disent souvent que lorsque le Canada participe à des réunions, il ne dit rien. Il ne donne pas son avis. Parfois, il soumet de nouveaux éléments à la discussion. Nous avons toutes sortes de bonnes choses à apporter au repas-partage, mais nous n'arrivons pas à prendre de décisions.
Certains de nos plus proches alliés nous ont dit qu'ils attendent que nous leur disions ce que nous pouvons apporter. Ce n'est pas qu'ils nous demandent des choses et que nous leur refusons, ils nous demandent simplement ce que nous allons apporter, et nous semblons rester là à nous consulter sans pouvoir fournir de réponse.
J'attends que les gens d'Affaires mondiales et du ministère de la Défense nationale nous disent, à nous et à nos alliés, ce qu'ils peuvent apporter.
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Merci, monsieur le président.
Je sais que M. Bonnafont n'a pas le bon casque d'écoute. Toutefois, je vais lui poser quelques questions; peut-être certains témoins pourront-ils, par la suite, répondre à mes questions.
Monsieur Bonnafont, je sais que vous ne pourrez pas répondre verbalement au Comité, aujourd'hui, mais je vais vous lire quand même mes questions, parce que j'aimerais beaucoup en apprendre davantage sur votre expérience. Vous pourrez ensuite transmettre vos réponses par écrit au Comité.
Monsieur Bonnafont, vous êtes diplomate de carrière depuis 1986. Vous avez été en poste à New Delhi, au Koweït, à New York. Vous avez été le porte-parole de la présidence de la République avant de devenir ambassadeur en Inde et en Espagne. Vous êtes directeur pour l'Afrique du Nord et le Proche-Orient et conseiller du premier ministre.
Or, vous avez fait une chose qui a suscité l'intérêt de ce comité: en mars 2023, les états généraux de la diplomatie, qui ont eu lieu et que vous avez d'ailleurs dirigés, ont abouti à un rapport de 298 pages.
Je vous pose les questions suivantes.
Premièrement, pouvez-vous nous donner un aperçu de cet examen de la diplomatie et de ses objectifs, en particulier en ce qui concerne l'adaptation et l'actualisation du travail et des capacités diplomatiques?
Deuxièmement, de quelle manière le rapport a-t-il cherché à améliorer l'efficacité et l'efficience des efforts diplomatiques de la France dans le traitement des questions et des crises mondiales complexes? L'un des facteurs qui m'intéressent plus particulièrement est la façon dont la crise climatique que nous vivons va affecter la géopolitique et les réfugiés qu'on appelle communément les « réfugiés climatiques ». Il y a donc beaucoup de répercussions à ce chapitre en raison des changements climatiques.
Je vois que vous prenez des notes, mais nous allons vous envoyer toutes ces questions par écrit.
Troisièmement, compte tenu de votre participation aux états généraux de la diplomatie en France, selon vous, quelles leçons le Canada pourrait-il tirer de cette expérience, alors qu'il envisage l'avenir de ses propres capacités et services diplomatiques?
Quatrièmement, dans le cadre de ces états généraux, pouvez-vous évoquer les principales leçons tirées ou les meilleures pratiques identifiées qui pourraient être utiles pour d'autres pays, y compris, évidemment, le Canada, pour façonner l'avenir de la diplomatie?
Enfin, cinquièmement, compte tenu de la nature dynamique des relations internationales, comment envisagez-vous l'évolution du rôle des services diplomatiques en réponse aux nouveaux défis et aux possibilités à l'échelle mondiale?
Ce sont donc les questions que je vous adresse, monsieur Bonnafont.
Encore une fois, je vous souhaite la bienvenue au Comité, même si, malheureusement, nous éprouvons des problèmes techniques en raison des normes liées aux casques d'écoute.
Je me tourne maintenant vers Mme Carvin et M. Juneau.
Vous avez pu voir mon intérêt pour les changements climatiques et les changements géopolitiques.
Je vous invite également à répondre à mes questions.
Je suis vraiment désolée.
[Français]
Je parle le français d'Oshawa, qui n'est pas du vrai français.
[Traduction]
Étant donné mon fort accent, je vais répondre en anglais.
En ce qui concerne ces enjeux, je pense que nous ne pouvons pas fonctionner sans améliorer les capacités fondamentales de l'organisation. Peu importe le problème.
Monsieur Juneau et moi étudions tous les deux la sécurité nationale. C'est là que se trouvent nos intérêts. Fondamentalement, il est évident que le climat aura une grande incidence sur la sécurité nationale et les changements géopolitiques, mais nous ne pouvons rien faire à ce sujet si nous ne nous penchons pas sur les compétences de base de l'organisation. C'est ce qui m'inquiète.
En ce qui concerne ce que M. Chong a dit plus tôt, je crains que nous assistions à ces forums internationaux sans apporter nos meilleures idées à la table. Où est notre voix? Nous avons fait preuve de leadership dans certains domaines, mais encore une fois, je crains que ce leadership ne soit pas pérenne. Je crains que l'accent soit mis sur ce qui fait les manchettes et ce que nous pouvons faire à partir de là. Je crois qu'il y a beaucoup de travail derrière ce qui fait les manchettes, mais que ce travail n'est pas utile s'il est toujours juste derrière les manchettes. Cela renvoie en quelque sorte à l'aspect de la transparence et des communications liées aux affaires étrangères qui, à mon avis, fait également défaut.
Je dirais que nous devons assurer une meilleure orientation, une meilleure formation et une meilleure capacité. Il est difficile d'être en désaccord avec l'une ou l'autre de vos questions. Je ne suis pas sûre d'avoir de grandes précisions à apporter.
Encore une fois, je pense que j'ai un léger parti pris à la suite de mon récent voyage au Japon, car je remarque que les diplomates de ce pays, une fois embauchés, passent immédiatement deux ans à l'étranger dans le cadre de leur formation. Je ne pense pas que les diplomates canadiens feront une telle chose bientôt, mais cette mesure donne une visibilité incroyable. Non seulement je l'ai trouvée vraiment inspirante, mais elle m'a rendue triste, parce que j'ai découvert que, parmi toutes les personnes à qui j'ai parlé au sein du ministère des Affaires étrangères japonais, une seule avait choisi de venir au Canada...
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Merci, monsieur le président.
C'est vraiment dommage que nous ne puissions entendre l'ambassadeur Bonnafont. Comme ma collègue, j'avais l'intention de lui poser un certain nombre de questions.
Votre Excellence, je suis très heureux de vous voir. Je suis vraiment désolé que vous ne puissiez participer à cette séance en raison de problèmes techniques. Je vous remercie de votre patience. J'aimerais vous poser un certain nombre de questions, et je vous invite à nous répondre par écrit.
Premièrement, la France a connu son lot de péripéties diplomatiques récemment, notamment en Afrique. En effet, les derniers militaires français qui avaient été envoyés au Niger ont quitté ce pays, le 22 décembre au matin. Cette journée mettait fin à plus de 10 ans de lutte contre le djihad au Sahel. On a vu ce qui est arrivé également au Mali et au Burkina Faso. Que s'est-il passé pour que la France, qui était une puissance avec une empreinte positive en Afrique, se retrouve dans cette situation? Qu'est-ce qui a manqué, du côté de la diplomatie française, pour qu'on en arrive à une telle situation?
Deuxièmement, en 2023, les états généraux de la diplomatie, une consultation ouverte sur l'évolution de la diplomatie française que vous avez dirigée, ont abouti à un rapport de 298 pages. Dans la lettre de couverture du rapport, vous indiquez que celui-ci propose « deux séries de mesures, les unes pour conduire la modernisation de nos outils et de nos méthodes, les autres pour moderniser notre politique de ressources humaines ». Une recommandation indique une plus grande coopération avec les élus du Parlement, notamment en ce qui a trait à la diplomatie parlementaire. De quelle façon la France met-elle en valeur la diplomatie parlementaire pour augmenter son rayonnement?
Troisièmement, je crois que la plupart des États amis de l'Ukraine y ont déjà envoyé une délégation parlementaire, ce que le Canada n'a pas encore fait. Selon vous, quelle contribution les missions parlementaires dans des pays en guerre, comme l'Ukraine, peuvent-elles apporter?
Ma dernière question concerne une autre recommandation portant sur la nécessité d'investir dans la diplomatie culturelle, scientifique et économique. En quoi la diplomatie culturelle est-elle également un adjuvant au rayonnement de la France dans le monde?
Je suis très impatient d'entendre vos propos à cet égard, Votre Excellence. Encore une fois, je suis profondément désolé de la situation dans laquelle vous vous retrouvez aujourd'hui. Je vous remercie d'être des nôtres et de votre patience.
Monsieur le président, j'aimerais maintenant poser à M. Juneau une question que j'ai posée au sénateur Boehm, cette semaine.
Comme vous le savez peut-être, monsieur Juneau, le sénateur Boehm est le président du Comité sénatorial sur les Affaires étrangères et commerce international, qui a produit un rapport sur la diplomatie. Nous avons invité le sénateur ici pour discuter avec nous de ce rapport, dont voici une des recommandations:
Affaires mondiales Canada devrait promouvoir l’utilisation égale du français et de l’anglais au sein du Ministère, assurer le maintien de la formation en langues officielles pour les employés ayant le statut ab initio, et élargir les possibilités de formation en langues officielles offertes aux autres employés, y compris les employés canadiens et les employés recrutés sur place.
J'ai deux questions à vous poser à cet égard.
D'abord, nous avons eu vent de l'existence d'un passe-droit qui permettrait aux hauts fonctionnaires de se soustraire à l'obligation de bilinguisme. En avez-vous entendu parler? Est-ce quelque chose qui est susceptible de nuire au statut du français au sein d'Affaires mondiales Canada?
Ensuite, la plupart du temps, à Ottawa, le premier ministre, les ministres et les hauts fonctionnaires, lorsqu'ils prennent la parole ou participent à des conférences ou aux travaux de ce comité, le font presque exclusivement en anglais. Quel message cela envoie-t-il à la communauté diplomatique établie à Ottawa?
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Je vous remercie beaucoup de vos questions.
J'ai lu le rapport du comité du Sénat. En général, c'est un très bon rapport. Ce comité s'est penché sur des questions qui ne sont pas nécessairement sensationnalistes ou qui n'attirent pas beaucoup l'attention, mais qui sont essentielles. Par exemple, il s'est penché sur des questions liées à la « machinerie » — je reprends ici le mot qui a été utilisé — et à la capacité administrative. Il s'agit d'un excellent effort. J'espère que le Comité va continuer dans cette direction.
Comme je l'ai dit dans mon témoignage, c'est bien beau de mettre en place des objectifs stratégiques en matière de politique étrangère, de défense ou de sécurité nationale, mais, sans la « machinerie » en place, on ne sera pas capable de les mettre en œuvre. Il s'agissait donc d'une bonne contribution au débat.
Vous m'avez demandé si les fonctionnaires du ministère des Affaires étrangères, du Commerce et du Développement avaient un passe-droit. Je dois dire que je ne le sais pas. Comme je n'étudie pas les questions linguistiques dans la fonction publique, je ne suis pas en mesure de répondre à cette question.
J'ai travaillé au ministère de la Défense nationale pendant 10 ans, et je suis professeur depuis près de 10 ans. Selon mon expérience, Affaires mondiales Canada est un des ministères les plus bilingues. C'est loin d'être parfait, mais c'est mieux qu'à bien des endroits.
Cela dit, je ne peux pas répondre à la question que vous m'avez posée.
Merci à tous les témoins.
Je suis également désolée que nous ne puissions pas entendre Son Excellence.
Madame Carvin, j'ai été très intéressée par certaines des choses que vous avez dites au sujet de notre incapacité à mettre en place des politiques — je demande depuis très longtemps la mise en place d'une politique étrangère féministe — et par les répercussions de cette incapacité sur notre propre intérêt, nos relations et ce que nous essayons de bâtir.
Il y a une chose qui m'intrigue. J'écoutais quelqu'un me raconter l'histoire d'un général trois étoiles qui avait parlé de la nécessité du développement et de la diplomatie en tant que cadres clés de la défense et qui disait que ces cadres étaient en fait des pierres angulaires. Si nous faisions cela, alors... Je pense que le Comité a entendu David Beasley, du Programme alimentaire mondial, parler de payer une fois pour ce qui doit être fait maintenant ou de payer mille fois plus à une date ultérieure, compte tenu du coût du conflit et de tout le reste.
En ce qui concerne notre corps diplomatique, l'appareil gouvernemental et tous les éléments qui en font partie, quelles sont les conséquences pour le Canada de ne pas investir dans le développement et les droits de la personne, en plus peut-être de l'échec de la politique en matière de défense?
Je pense que cela nous nuit. Où? Nous le voyons aux Nations unies. Nous pourrions avoir toute une discussion sur notre position aux Nations unies et ce genre de choses, mais s'il s'agit d'un domaine où nous voulons faire preuve de leadership ou répondre à des États qui remettent en question notre engagement envers des organisations ou des normes internationales ou des choses du genre, alors que ces États ne nous voient pas payer pour ces choses, cela finit par nuire à notre capacité de susciter des conversations, de créer des relations, ce genre de choses.
J'ai été particulièrement déçue lorsque nous avons réduit notre stratégie pour l'Afrique à un cadre. Je pense que c'est une mauvaise chose.
C'était intéressant... Encore une fois, je suis désolée de revenir sans cesse sur mon voyage au Japon. C'était une expérience remarquable, je la recommande fortement.
Quelqu'un a dit que c'est un domaine où le Canada pourrait peut-être même faire preuve de leadership. Quelqu'un a laissé entendre qu'il pourrait y avoir un dialogue quadrilatéral en Afrique en ce qui concerne le développement, les droits de la personne et ce genre de choses. L'Australie, le Japon, le Canada et la Corée pourraient travailler ensemble pour offrir une solution de rechange à la Chine ou à d'autres États autoritaires qui gagnent du terrain.
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Merci, monsieur le président.
Je vais commencer par Mme Deif.
Vous avez évoqué des enjeux consulaires dans une région du monde dont nous ne parlons pas souvent au Comité et dans l'espace public.
Cela me ramène aux cas de quelques Canadiens, il y a plusieurs années. Je parle de cas comme ceux de Maher Arar, d'Abdullah Almalki, d'Ahmad Abou-Elmaati, de Muayyed Nureddin et d'Omar Khadr. Toutes ces personnes devaient composer avec des étiquettes extrêmement lourdes. Il y avait un nuage au‑dessus d'elles.
En même temps, je pense aux instruments relatifs aux droits de la personne, aux valeurs de la Charte et à la primauté du droit pour tous, même lorsque c'est difficile.
Vous avez soulevé la question des services consulaires dans le Nord-Est de la Syrie. J'aimerais connaître votre opinion. Vous avez fait une comparaison avec les services consulaires en général, mais j'aimerais faire une comparaison avec les services qui se sont retrouvés dans des situations analogues — avec des gens ayant des étiquettes lourdes, comme dans le Nord-Est de la Syrie.
Voyez-vous une distinction entre les services consulaires offerts à ces personnes et à d'autres qui ont des étiquettes lourdes, comme celles auxquelles font face aujourd'hui les gens du Nord-Est de la Syrie?
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Je vous remercie de la question.
Je pense que ce qui est clair, c'est qu'il y a très peu de volonté politique par rapport à certains dossiers consulaires. Essentiellement, le gouvernement veut simplement gérer le dossier et ne pas le régler. L’absence de volonté politique de la part du gouvernement pour rapatrier les Canadiens soupçonnés d’avoir des liens avec l’État islamique, en particulier les hommes, a eu des répercussions à tous les échelons d’Affaires mondiales.
Pour illustrer le point soulevé par Mme Carvin, il peut y avoir par exemple un agent consulaire très subalterne chargé du dossier très complexe de lutte contre le terrorisme, qui concerne des Canadiens qui se trouvent dans des conditions qui, selon les Nations unies, équivalent à de la torture et à des traitements inhumains et dégradants. Bien entendu, la situation exigerait un ensemble de compétences beaucoup plus complexe.
De manière générale, pour un dossier qui est délicat, on constate une réponse très lente d'Affaires mondiales, très peu de soutien consulaire et très peu de soutien aux membres de la famille.
Hier, j'ai parlé à une membre d'une famille qui vit à Ottawa et qui cherche désespérément à rencontrer son agent des services consulaires depuis des années. Ce délai s'explique simplement parce que le message transmis à Affaires mondiales et à l'équipe consulaire indique clairement qu'il ne s'agit pas d'une question hautement prioritaire et que le ne tient pas à rapatrier ces ressortissants canadiens.
Ces cas sont traités très différemment des autres cas, comme les cas d'évacuation. Les membres des familles qui ont des êtres chers détenus dans le Nord-Est de la Syrie depuis sept ans ont vu le gouvernement présenter une déclaration mondiale sur la détention arbitraire. Ils ont vu le gouvernement évacuer des centaines de ressortissants de nombreuses zones de guerre dans le monde, mais leurs familles sont laissées pour compte. Leurs êtres chers sont laissés derrière de façon très intentionnelle.
Je disais, monsieur Juneau, que je trouve cette situation absolument terrifiante. En effet, si le comité sénatorial a décidé de mettre en avant cette recommandation sur le français, c'est que tout ne va pas pour le mieux dans le meilleur des mondes à Affaires mondiales Canada. Si ce ministère est l'un des meilleurs exemples qui puissent exister, je n'ose même pas imaginer ce qui se passe dans les autres ministères.
Ma prochaine question s'adresse à Mme Deif.
La a déclaré que la politique étrangère du Canada serait guidée par deux principes: la souveraineté et la diplomatie pragmatique. Cela implique, selon elle, de travailler avec des pays aux « perspectives différentes » sans jamais compromettre les valeurs canadiennes ou les intérêts nationaux.
Ma question est fort simple: travailler avec des pays aux « perspectives différentes », notamment des pays qui violent ouvertement les droits de la personne, sans compromettre les valeurs canadiennes liées au respect de ces droits, n'est-il pas en quelque sorte comme tenter de résoudre la quadrature du cercle?
Comment réagissez-vous à cela?
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Merci beaucoup, madame Fry.
Tout d'abord, seriez-vous tous d'accord pour que je laisse partir nos témoins parce que vous n'avez plus de questions pour eux?
Sur ce, madame Carvin, monsieur Juneau et madame Deif, nous vous remercions énormément d'avoir témoigné devant nous. Vous nous avez donné beaucoup de matière à réflexion.
Monsieur l'ambassadeur, nous tenons également à vous remercier infiniment de vous être joint à nous. Veuillez accepter nos plus sincères excuses pour les problèmes techniques.
Nous vous en sommes tous reconnaissants. Merci.
Madame Fry, vous n'avez évidemment pas donné de préavis de 48 heures pour cette motion; cependant, j'aimerais que vous me disiez comment, selon vous, cette motion s'inscrit dans le cadre des capacités diplomatiques du Canada.
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D'abord, je suis d'accord avec M. Chong. Je crois que la règle pour les motions de fond s'applique ici.
Ensuite, quoique je sois très réceptif au contenu de la motion, je me pose deux questions.
Premièrement, est-ce qu'on ne met pas un peu la charrue avant les bœufs, dans la mesure où on en viendra ultimement à faire un rapport?
D'ailleurs, nous allons nous pencher, dans quelques instants, sur les instructions pour le rapport. Il y aura des recommandations. Cela pourra faire l'objet de recommandations adoptées par l'ensemble du Comité, ou, à tout le moins, d'une opinion dissidente ou complémentaire au rapport du Comité.
Deuxièmement, nous venons tout juste de mener une étude approfondie sur la question des droits reproductifs et sexuels des femmes. Je me demande quelle est la valeur ajoutée de la motion devant nous. Cependant, puisque celle-ci n'est pas recevable, je n'en débattrai pas plus longuement, mais je soumets, en préavis, mes questionnements, monsieur le président.
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J'aimerais que le président donne quelques précisions.
Je crois que la séance publique se poursuit. Nous ne sommes pas encore à huis clos. Nous sommes saisis d'une motion, que vous avez jugée recevable. Je pense que la motion doit être débattue maintenant.
Le président: Vous avez raison.
L'hon. Robert Oliphant: À moins que quelque chose ne nous en empêche, le débat se poursuivra tant que les députés auront des choses à dire sur le sujet.
Le président: Tout à fait.
L'hon. Robert Oliphant: Je suis désolé, c'est ce que je voulais dire. Puisque nous en débattons maintenant, j'aimerais que le Comité vote rapidement sur cette motion afin que nous puissions passer aux travaux du comité. Compte tenu de la pause de la semaine prochaine, il est d'autant plus important de discuter des travaux du Comité. Nous aurions donc intérêt à donner nos instructions aux analystes aujourd'hui afin qu'ils puissent rédiger ce rapport.
Il y a un certain nombre d'autres choses dont il faudra discuter durant la partie consacrée aux travaux du Comité. Pour l'instant, je me contenterai de dire que j'appuie la motion. Je n'ai pas besoin d'en dire plus.
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Pas du tout, monsieur le président. Je parle du contenu de la motion.
J'estime que cette motion est très clivante et qu'elle s'inscrit dans une tendance générale de la part du gouvernement à présenter à la Chambre et au sein des comités des mesures qui sèment la discorde afin de détourner l'attention de ses échecs.
Je ne pense pas que cette motion soit constructive dans le contexte de l'étude sur les capacités diplomatiques. Je tiens à souligner que cette motion a déjà été présentée sous une forme différente au sein du Comité, et le Comité a fait fausse route.
Le Comité va, encore une fois, s'égarer, parce que la motion ne fait visiblement pas consensus. Je trouve cela déplorable, car je considère que les députés et les Canadiens en général, peu importe leur allégeance politique, peuvent s'entendre lorsqu'il s'agit de l'aide du Canada à l'étranger.
Le Comité aurait dû s'inspirer de l'approche adoptée par le gouvernement lorsqu'il a lancé l'Initiative de Muskoka pour la santé maternelle, néonatale et infantile lors du G8, une initiative largement considérée comme une réussite, précisément parce que les ONG et le gouvernement ont mis de côté la partisanerie et, au‑delà de leurs divergences, sont parvenus à un consensus sur des questions d'intérêt commun.
J'ai récemment lu un article écrit par Elly Vandenberg, paru dans Options politiques en 2017. Elly Vandenberg enseigne à la Munk School of Global Affairs de l'Université de Toronto. Elle a travaillé pendant 25 ans à Vision mondiale Canada et elle a écrit quelque chose qui me semble particulièrement pertinent dans le contexte de la motion dont nous sommes saisis aujourd'hui. Elle a mis en évidence 10 leçons pratiques tirées du succès de l'Initiative de Muskoka. L'une de ces 10 leçons consiste à collaborer, peu importe les divergences d'opinions, et à se concentrer sur les points communs.
Ce n'est pas ce que fait cette motion; en fait, elle fait tout le contraire. Il s'agit d'une motion qui sème la discorde et que nous avons déjà traitée au sein du comité. Je ne crois pas qu'on s'appuie ici sur les leçons tirées de la réussite de l'Initiative de Muskoka, qui a réellement mobilisé non seulement les ONG et les organismes de développement international ici au Canada, mais aussi ceux à l'étranger. Elle a joué un rôle important en nous aidant à progresser vers les objectifs de développement du millénaire que nous avions du mal à atteindre, alors que nous en étions aux deux tiers du parcours en 2010.
Nous savons que depuis la pandémie, les pays les plus pauvres souffrent de manière disproportionnée. La Banque mondiale, si je ne me trompe pas, a souligné l'année dernière que des dizaines de millions de personnes étaient retombées sous le seuil de pauvreté extrême à la suite de la pandémie. Il est donc nécessaire de redoubler d'efforts pour atteindre les objectifs de développement durable et les objectifs de développement du millénaire.