Je m'appelle Marty Morantz. Je suis vice-président du Comité, et je présiderai la réunion d'aujourd'hui, en collaboration avec mon collègue M. Bergeron, qui est également vice-président. Au cours de la réunion, nous assurerons la présidence à tour de rôle, afin que chacun de nous puisse mener ses tours de table respectifs.
Bienvenue à la 23e réunion du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international. Conformément à la motion adoptée le 15 juillet, le Comité se réunit pour étudier l'exportation des turbines russes Gazprom.
Comme toujours, des services d'interprétation sont offerts au moyen de l'icône en forme de globe terrestre qui se trouve au bas de votre écran.
Je voudrais profiter de cette occasion pour rappeler à tous les participants à la réunion qu'ils ne sont pas autorisés à faire des captures d'écran ou à prendre des photos de leur écran.
Veuillez attendre que je vous nomme avant de prendre la parole. Lorsque vous vous exprimez, veuillez parler lentement et clairement. Lorsque vous ne parlez pas, votre micro devrait être en sourdine. Je vous rappelle que les députés et les témoins doivent adresser toutes les observations par l'intermédiaire de la présidence.
J'aimerais maintenant souhaiter la bienvenue au premier groupe de témoins qui comparaîtra devant le Comité et les remercier d'avoir accepté de prendre le temps de nous faire part de leurs points de vue. Nous accueillons deux ministres, soit l'honorable Mélanie Joly, ministre des Affaires étrangères, et l'honorable Jonathan Wilkinson, ministre des Ressources naturelles.
Ministre Joly, veuillez faire votre déclaration préliminaire. Vous disposez de cinq minutes pour le faire.
:
Merci, monsieur Morantz.
C'est bon de voir chacun de vous. J'espère que vous passez un bon été.
Chers collègues, je suis bien sûr heureuse d'être parmi vous aujourd'hui avec mon collègue et ami, le ministre Wilkinson. Nous sommes ici pour discuter des importantes conséquences de la guerre de prédilection que Poutine mène en Ukraine, des rôles que le Canada peut jouer afin d'assurer la sécurité énergétique de l'Europe et, bien sûr, de la façon dont nous pouvons aider nos alliés à mettre en œuvre une transition verte.
[Français]
Hier, j'étais l'hôte de ma collègue, la ministre Baerbock, de l'Allemagne, et nous avons tenu des discussions importantes sur ces sujets.
Il y a déjà cinq mois, le président russe a ordonné à ses troupes d'envahir un pays souverain, l'Ukraine.
[Traduction]
Il s'agit d'une attaque contre la liberté, la démocratie et le droit des Ukrainiens de déterminer leur propre avenir. C'est un mépris flagrant du droit international et de la Charte des Nations unies, et une attaque contre les fondements de l'ordre international fondé sur des règles.
Nous avons travaillé avec nos alliés et partenaires afin d'imposer des coûts sévères au président Poutine et à son régime. Nous avons notamment imposé 1 600 sanctions à des personnes et à des entités qui soutiennent, financent et habilitent le régime de guerre du président Poutine. Au nombre de ces personnes et de ces entités, on retrouve le président Poutine lui-même, ses filles, des membres de son cabinet et ses oligarques, ainsi que des industries essentielles russes, notamment celles de la haute technologie, des produits chimiques, des produits de luxe et de la fabrication. Par conséquent, le Canada met en œuvre le régime de sanctions le plus strict du G7 en ce qui concerne l'Ukraine.
Des données probantes montrent que les sanctions internationales ont des répercussions importantes sur l'État russe. Une récente étude menée par l'Université Yale a permis de dresser le tableau d'une économie profondément paralysée. Les importations russes se sont largement effondrées. La Russie a du mal à se procurer des intrants essentiels, ce qui entraîne des pénuries généralisées. La production intérieure russe s'est complètement arrêtée, et le régime russe est incapable de remplacer les entreprises, les produits et les talents perdus. En raison du retrait des entreprises, la Russie a perdu des sociétés représentant près de 40 % de son PIB.
[Français]
Bien entendu, le Canada soutient sans équivoque la souveraineté et l'intégrité territoriale de l'Ukraine et il lui a fourni une aide importante afin que les Ukrainiens se défendent contre cette invasion russe.
Ce matin, nous avons annoncé la relance de l'opération Unifier. Nous avons également annoncé une aide militaire se chiffrant à 620 millions de dollars, une somme de près de un demi-milliard de dollars pour offrir un soutien humanitaire et des prêts de plus de 1,5 milliard de dollars pour soutenir l'économie ukrainienne.
[Traduction]
Nous avons également annoncé que nous allions investir 50 millions de dollars dans des initiatives de déminage et plus de 9 millions de dollars dans des initiatives de lutte contre la violence sexuelle.
[Français]
L'unité dont les alliés ont fait preuve dans leur soutien à l'Ukraine a grandement surpris le président Poutine. Les alliés ont isolé politiquement, économiquement et diplomatiquement la Russie. Que ce soit à l'Organisation des Nations unies, ou ONU, ou encore au G20, nous ne laissons pas le champ libre à la désinformation russe.
[Traduction]
Nous avons vu clair dans les mensonges et les prétextes que la Russie a utilisés pour justifier son invasion, et nous continuons aujourd'hui de voir clair dans son jeu. Le président Poutine s'efforce de rejeter la faute sur les autres, alors qu'il transforme la nourriture en arme. Il fait maintenant la même chose avec l'énergie.
Nous savons que le président Poutine cherche à déstabiliser davantage l'Europe et à semer la division au sein de l'alliance. À cette fin, la Russie utilise l'énergie comme une arme en interrompant l'acheminement de gaz vers l'Europe. Poutine espérait tirer parti du rôle que le Canada joue dans l'entretien des turbines de Nord Stream 1 pour y parvenir.
Nous savons que l'Europe fait face à une crise énergétique. Les Européens — notamment les Allemands — sont aux prises avec des pénuries qui touchent les ménages et les industries. La situation inquiète nos alliés, qui font actuellement des provisions pour l'hiver. Sachant que des turbines étaient en cours de réparation au Canada, le chancelier allemand a communiqué avec nous pour nous implorer directement de faire fi du bluff de Poutine.
Il a été très difficile pour tous les membres du gouvernement actuel de prendre cette décision, et elle n'a pas été prise à la légère ou sans essayer de trouver une solution de rechange. Le ministre Wilkinson et moi-même avons dialogué directement avec les Ukrainiens et les Allemands, et nous les avons encouragés à discuter de la situation entre eux.
La décision a été prise d'accorder un permis qui autorise l'entretien des turbines de Nord Stream 1 et leur retour en Allemagne. Grâce à ce permis, Siemens Canada peut effectuer les travaux d'entretien de six turbines particulières, comme prévu. La durée maximale du permis est de deux ans.
La question de l'entretien des turbines n'ayant plus à être négociée, Poutine ne peut plus se servir de cette excuse. Comme l'acheminement de gaz ralentit, le monde sait désormais avec certitude que ce ralentissement découle d'une décision qui a été prise uniquement par Poutine.
[Français]
La Russie a prouvé au monde qu'elle ne pouvait pas être un partenaire économique fiable. Les Européens ne veulent plus être dépendants relativement à la Russie. Ils savent également qu'ils doivent accélérer la transition verte. Le Canada, en bon allié, doit répondre présent.
Nous travaillons en étroite collaboration avec l'Allemagne et d'autres partenaires européens pour trouver des solutions à la crise énergétique qui sévit en Europe. Ce faisant, nous devons également maintenir nos cibles de réduction de gaz à effet de serre. Mon collègue Jonathan Wilkinson, ministre des Ressources naturelles, aura beaucoup plus à dire sur ces sujets.
En terminant, je tiens à réitérer une fois de plus le soutien indéfectible du Canada envers l'Ukraine. Nous continuons de fournir aux Ukrainiens ce dont ils ont besoin pour se défendre contre l'invasion russe.
Je donne maintenant la parole à mon collègue et ami Jonathan Wilkinson.
Merci à tous.
:
Merci beaucoup, monsieur le président.
Je vous remercie de me donner cette occasion de discuter de la tentative ratée de Poutine d'utiliser les moteurs à turbine pour diviser l'alliance qui s'oppose à son invasion injustifiable de l'Ukraine. Comme l'a souligné la ministre Joly, la question des turbines a entraîné une décision difficile et complexe.
Les faits sont bien établis. En juin, Siemens Canada s'est tourné vers Affaires mondiales Canada pour lui présenter une demande urgente de permis, qui permettrait à la société de poursuivre la prestation des services et l'entretien programmés des moteurs à turbine A65 russes dans ses installations de Montréal, les seules installations au monde capables de fournir ces services.
[Français]
L'Allemagne et l'Union européenne ont exprimé dans les termes les plus forts possible leur souhait de voir le Canada retourner les turbines.
[Traduction]
Ils ont compris que Poutine pourrait utiliser les turbines comme prétexte pour interrompre l'alimentation en gaz vers l'Europe, et que la responsabilité en incomberait au Canada et à l'Europe occidentale. Les pays européens ont indiqué très clairement que, si les turbines n'étaient pas restituées, il deviendrait beaucoup plus difficile pour eux de maintenir leur appui pour l'Ukraine, ce qui menaçait de diviser l'alliance. L'Ukraine, en revanche, a demandé avec insistance au Canada de ne pas retourner les turbines, étant donné qu'elle craignait que cela ne signale à Poutine et au monde entier un affaiblissement de la détermination de l'Occident à maintenir les sanctions économiques contre la Russie.
Le piège que Poutine tentait de tendre en transformant le gazoduc Nord Stream en arme était évident, soit les turbines ne sont pas restituées de sorte que le Canada et l'Occident sont susceptibles d'être blâmés pour avoir réduit l'alimentation en gaz vers l'Europe et avoir risqué de diviser l'alliance, soit le Canada restitue les turbines et risque de donner l'impression que la détermination de l'alliance concernant les sanctions est affaiblie.
Permettez-moi aujourd'hui de dire clairement et sans détour au Comité que le Canada n'aidera jamais Poutine à diviser l'alliance qui appuie l'Ukraine. Nos alliés et nous restons unis dans notre soutien indéfectible au peuple ukrainien, et nous n'affaiblirons pas notre détermination à imposer des sanctions punitives au régime russe.
[Français]
Pendant l'examen de cette situation, je me suis entretenu à plusieurs reprises avec mes homologues de l'Ukraine, de l'Allemagne et de l'Union européenne. Nos conversations ont notamment porté sur l'examen de solutions de rechange potentielles pour l'acheminement du gaz vers l'Europe.
[Traduction]
En définitive, le gouvernement a pris la décision d'autoriser l'entreprise à renvoyer les turbines à l'Allemagne. Permettez-moi de souligner pourquoi.
Premièrement, le fait de retourner la turbine a éliminé le prétexte que Poutine utilisait pour tenir l'Europe en otage en matière d'approvisionnement en gaz. Il y a à peine quelques jours, le chancelier allemand a déclaré ce qui suit: grâce au Canada « nous avons pu déceler le bluff de Poutine… Comme les turbines sont prêtes à être livrées, il revient maintenant à la Russie de respecter ses obligations contractuelles ». Il a ajouté que la décision de livrer les turbines « est un signe d'appui concret pour l'Allemagne et pour l'Europe et de maintien de la solidarité entre alliés proches afin de soutenir l'Ukraine à long terme ».
Deuxièmement, l'intention de nos sanctions est et a été de punir Poutine — non pas de mettre en péril la stabilité économique de l'Europe et d'affaiblir éventuellement l'alliance. Ces sanctions n'ont jamais eu pour but de punir nos alliés en Europe.
Et finalement, pour éliminer tout doute sur la détermination du Canada à l'égard des sanctions, le Canada a mis la barre encore plus haut et a imposé des sanctions supplémentaires à la Russie, parallèlement à la décision concernant les turbines. La réaction du Canada a été appuyée publiquement par les États-Unis, l'Allemagne et l'Union européenne.
[Français]
Comme nous le savons tous, le gouvernement ukrainien n'était pas d'accord quant à notre décision. J'ai certainement discuté de ces questions directement avec le ministre Galushenko avant qu'une décision soit prise.
[Traduction]
Toutefois, en fin de compte, notre décision a permis d'éviter le piège de Poutine. Nous avons renforcé l'alliance, en soutenant l'Ukraine au lieu de l'affaiblir, et nous avons envoyé un signal clair au monde entier indiquant que nous renforçons notre détermination en matière de sanctions contre le régime de Poutine.
Il est important de noter aussi que le fait que Poutine a transformé l'alimentation énergétique en arme est précisément la raison pour laquelle l'Union européenne s'efforce de remplacer le gaz russe par d'autres sources d'énergie, de conserver l'énergie et d'accélérer la transition énergétique vers des énergies renouvelables et l'hydrogène. L'époque où l'Europe dépendait du pétrole et du gaz russes à faible coût est révolue — et les pays de l'Union européenne se tourneront vers le Canada et d'autres pays amis pour les aider à s'approvisionner en énergie. À cet égard, le Canada a indiqué qu'il allait augmenter ses exportations de pétrole et de gaz de 300 000 barils et d'équivalents en barils d'ici la fin de l'année.
[Français]
Le Canada discute activement avec l'Union européenne et l'Allemagne en ce qui a trait au potentiel d'exportation d'hydrogène, de gaz naturel liquéfié, ou GNL, et de minéraux critiques.
[Traduction]
La décision prise par le Canada au sujet des turbines indique que nous sommes déterminés à appuyer activement l'Ukraine, à travailler pour maintenir et renforcer l'unité de l'alliance contre la Russie et à aider nos alliés à satisfaire à leurs besoins énergétiques à court et à moyen terme.
Je vous remercie de m'avoir invité à me joindre à vous aujourd'hui, et je me réjouis de la discussion à venir.
:
Merci, monsieur le président.
Ministre Joly, je pense que l'une des difficultés que nous rencontrons maintenant, c'est que l'Union européenne, en collaboration avec l'alliance de l'OTAN, fournit des milliards de dollars en espèces, en armes et en munitions à l'Ukraine pour lui permettre de se défendre. En même temps, elle verse des centaines de milliards de dollars à la Russie, qui les utilise à son tour pour financer son effort de guerre. En retournant cette turbine, le Canada devient complice d'une situation où en aidant l'Union européenne, nous finançons essentiellement les deux camps de cette guerre. Le Canada ne devrait jamais, au grand jamais, se trouver dans une telle position.
Les points de discussion que je vous ai entendu évoquer, vous et le ministre Wilkinson, au cours de ces deux ou trois derniers jours sont que, maintenant, nous prenons le bluff de Poutine au sérieux. Mais ce n'est pas ce que vous avez soutenu au début du mois de juillet lorsque vous avez pris cette décision. Il n'était pas question de bluffer ou de jouer un jeu avec M. Poutine. Non, ce que vous avez dit, c'est que le retour de la turbine était essentiel pour l'économie allemande et pour les citoyens de l'Allemagne, car le pays est grandement tributaire de l'énergie russe à l'heure actuelle. C'est ce que vous avez affirmé. Vous n'avez pas dit au peuple canadien que vous l'aviez fait pour dénoncer la tromperie de qui que ce soit, jusqu'à hier, je crois, lorsque j'ai lu vos observations dans le Globe and Mail.
Il n'est donc pas du tout juste de dire que cela visait à dénoncer la tromperie de M. Poutine. En fait, à mon avis, il est difficile de croire que les discussions que vous avez eues avec les Allemands au début du mois de juillet ou du mois de juin, quel que soit le moment où vous vous êtes rencontrés, avaient pour but de dénoncer la tromperie de M. Poutine. Elles visaient à encourager l'approvisionnement national. Le Congrès des Ukrainiens Canadiens a également déclaré que votre raisonnement n'avait pas de sens. Nous entendrons ses membres plus tard. Nous savons depuis des années que M. Poutine utilise l'énergie comme un instrument de politique étrangère pour punir ses ennemis. Il était tout à fait possible de prédire que la Russie continuerait d'utiliser l'énergie comme une arme après que le Canada a essentiellement cédé au chantage russe.
Le fait est que c'était une décision déplorable qui met le Canada dans une situation déplorable. La décision n'a pas aidé l'Allemagne, et elle a fait paraître le Canada faible aux yeux des Russes. N'est‑ce pas le cas, monsieur le ministre?
:
Cela fait maintenant près de six mois que la guerre brutale lancée par la Russie contre l'Ukraine a commencé. Je tiens d'abord à réitérer l'appui indéfectible de notre gouvernement au peuple ukrainien dans sa lutte pour la liberté et à souligner l'importance du travail de ce comité, non seulement pour notre étude sur l'Ukraine, mais aussi, bien sûr, pour la présente étude.
J'aimerais remercier les ministres de leur présence au Comité.
Chers ministres, vous conviendrez que le Canada a joué un rôle de premier plan en ralliant nos alliés du monde entier pour imposer l'un des régimes de sanctions les plus robustes jamais imposés à la Russie. Je crois que nous devons continuer à renforcer ces sanctions, comme nous l'avons fait pas plus tard que cette semaine, mardi, et continuer à jouer ce rôle de chef de file.
Bien sûr, cela complique encore plus notre discussion aujourd'hui des décisions prises il y a quelques semaines d'envoyer la turbine Siemens de Montréal en Allemagne à la demande de cette dernière. Essentiellement, nos sanctions ne sont aussi fortes que notre unité et notre solidarité entre alliés.
Quels échos vous parvenaient à l'époque? Selon ce que j'ai lu, l'Allemagne a pris cette décision difficile parce que si elle n'obtenait pas la turbine, elle n'aurait pas de gaz et, selon les mots de la ministre des Affaires étrangères de l'Allemagne, « nous ne pourrons plus soutenir l'Ukraine, car nous serons pris par des soulèvements populaires ».
Je pense que cela montre clairement, pour moi et pour les Canadiens qui nous écoutent, à quel point cette décision était importante pour maintenir la solidarité des alliés contre la Russie et un régime de sanctions fort.
Je crois comprendre, monsieur le ministre Wilkinson, que vous discutiez régulièrement de ce dossier avec la ministre des Affaires étrangères de l'Allemagne à l'époque, alors je commencerai par vous adresser ma question.
Les renseignements que vous receviez de l'Allemagne à l'époque étaient-ils préoccupants au point de mettre en péril la solidarité et l'unité du groupe d'alliés pour lesquelles nous avions travaillé si fort?
:
Je vous remercie, monsieur le président.
Tout d'abord, j'aimerais réitérer le fait que, comme je l'ai dit lors de la séance du Comité qui a donné lieu à la présente audience, je demeure convaincu que la décision qui a été prise par le gouvernement du Canada n'a pas été facile à prendre. Je pense qu'il serait trop facile de simplement blâmer le gouvernement du Canada pour cette décision, bien qu'elle puisse nous apparaître — et c'est le cas pour le Bloc québécois — dommage et potentiellement dommageable. J'imagine que le gouvernement du Canada était dans une position extrêmement difficile, et c'est ce que les ministres nous ont expliqué. La décision a été extrêmement difficile à prendre, je n'en disconviens pas.
Je remercie d'ailleurs les ministres de se prêter à l'exercice aujourd'hui et de répondre à nos questions.
Je trouve extrêmement malheureux que le Canada se soit retrouvé dans une situation comme celle-là. Je suis conscient du fait que, la seule personne qui devait littéralement se bidonner à voir la situation, c'est Vladimir Poutine, au Kremlin. Évidemment, tout le monde reconnaît qu'il aurait été préférable que nous ne nous retrouvions pas dans une situation semblable.
Cela dit, c'est la situation dans laquelle nous nous sommes retrouvés. Je ne veux pas paraître paranoïaque, mais il m'apparaît important de signaler d'entrée de jeu que cet exercice auquel nous nous prêtons aujourd'hui sera certainement suivi de près par la Russie.
Il serait extrêmement dommage que nous affichions publiquement nos désaccords, que ce soit entre partis politiques à la Chambre des communes ou entre alliés, puisque, ce qui demeure impératif, face à la Russie, c'est l'unité. Dans cette perspective, l'un des souhaits que nous avions exprimés lorsque le gouvernement du Canada a fait l'annonce de cette autorisation d'exporter la turbine vers l'Europe, c'est que le Canada et l'Allemagne durcissent les sanctions à l'égard de la Russie et augmentent l'aide accordée à l'Ukraine.
Cette proposition est-elle sérieusement considérée du côté canadien?
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Je vous remercie de la question, monsieur Bergeron.
Il est évident que notre objectif est encore et toujours de renforcer notre régime de sanctions. Comme vous l'avez vu cette semaine, nous avons encore annoncé de nouvelles sanctions, soit plus de 40, à l'égard d'individus qui sont liés aux crimes atroces commis à Boutcha.
Nous annoncerons d'autres sanctions sous peu. Comme c'est le cas depuis le début de l'invasion, nous allons continuer d'annoncer des sanctions chaque semaine ou toutes les deux semaines. Nous en sommes maintenant à 1 600 sanctions.
Nous sommes toujours très désireux de collaborer avec les partis de l'opposition. J'ai eu une conversation avec vous ce matin, ainsi qu'avec Mme McPherson et M. Chong, afin de voir de quelle manière nous pouvons travailler ensemble pour renforcer ce système de sanctions puisque, en effet, comme vous l'avez dit, il s'agit d'une préoccupation qui nous unit.
Nous devons démontrer énormément d'unité sur cette question parce que la Russie suit de très près tout ce qui concerne l'Ukraine, particulièrement lorsque cela se passe au Canada.
:
Merci, monsieur le président.
Merci beaucoup aux deux ministres d'être présents et d'avoir répondu à certaines de mes questions avant la réunion. J'apprécie le temps que vous nous accordez.
Comme mon collègue du Bloc, je comprends que cette décision a dû être très difficile pour vous.
Je voudrais commencer par poser quelques questions sur les turbines et le régime de sanctions en général.
La ministre Joly a beau dire que nous avons imposé 1 600 sanctions, je pense que les Canadiens veulent surtout savoir si nos sanctions fonctionnent. Je dis cela parce que les sanctions importent peu — le nombre de sanctions ou les personnes sanctionnées importent peu — si le Canada peut choisir de déroger à ces sanctions ou si ces sanctions ne sont pas appliquées. Si le régime de sanctions ne fonctionne pas, le nombre de sanctions que nous imposons ou ce que nous sanctionnons importe peu si nous n'y donnons pas suite.
Nous voulons tous ici faire tout ce que nous pouvons pour le peuple ukrainien. C'est l'un de ces moments où j'ai vu des députés de tous les partis travailler si fort pour faire en sorte que les Ukrainiens comprennent que le Canada et les parlementaires canadiens veulent les soutenir.
Tout d'abord, madame la ministre Joly, ce qui me revient sans cesse à l'esprit, c'est que toute cette décision repose sur l'idée qu'il y a une quelconque confiance ou croyance que Poutine continuerait vraiment à fournir du gaz à l'Allemagne. Nous l'avons déjà vu militariser l'énergie, tout comme il l'a fait pour la nourriture. Quarante millions de personnes dans le monde risquent de mourir de faim à cause de Poutine.
Il ment. Nous savons que Poutine ment. Nous savons qu'il n'agira pas de bonne foi. Nous savons qu'il ne respectera pas les règles.
Pourquoi le forcer à abattre son jeu, comme vous le dites, alors qu'en réalité, il nous a déjà dit, à nous et au monde entier, ce qu'il comptait faire. Nous savions déjà qu'il s'agissait d'un bluff. Nous n'avons rien fait d'autre que d'affaiblir le régime de sanctions et la position du Canada à l'égard de l'Ukraine, et pourtant, nous n'avons pas aidé à acheminer du gaz vers l'Allemagne.
Ma question est très simple. Allez-vous annuler immédiatement la dérogation pour les autres turbines?
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Merci de votre question, monsieur Sarai.
Des représentants ukrainiens ont effectivement proposé une autre voie d'acheminement par des gazoducs passant par le territoire même de l'Ukraine. Nous avons examiné cette proposition du gouvernement ukrainien avec des experts techniques de l'Agence internationale de l'énergie. Nous en avons aussi discuté avec l'Union européenne et l'Allemagne. La question était complexe. Elle nécessitait l'examen de plusieurs points techniques.
L'essentiel est que les flux susceptibles d'arriver en Allemagne par les gazoducs venant de la Russie en passant par l'Ukraine seraient nettement inférieurs à ce que Nord Stream, fonctionnant à plein régime ou presque, peut acheminer et, en fait, nettement inférieurs à ce qui a été acheminé par Nord Stream en 2021.
En plus des limitations techniques, il y avait deux autres difficultés. La première était qu'il fallait croire que la Russie serait disposée à faire passer des flux de gaz supplémentaires importants par l'Ukraine, vu que la Russie a déjà réduit les flux passant par l'Ukraine et qu'elle a déclaré que, selon elle, la capacité technique du gazoduc ne représente qu'un tiers de ce que les Ukrainiens pensent, la probabilité que la Russie le fasse n'est pas élevée.
De plus, pour l'Allemagne et d'autres pays européens, soyons clairs: ils dépendent actuellement du gaz russe. L'idée de permettre essentiellement la fermeture de Nord Steam 1 et de dépendre entièrement de gazoducs qui traversent une zone actuellement en guerre comporterait des risques énormes pour leurs économies et leurs populations.
Donc oui, nous avons examiné la question, et au bout du compte, tout comme l'Agence internationale de l'énergie, nous avons estimé que l'option n'était pas viable.
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Merci, monsieur le président.
Je suis très content de vous voir, monsieur Morantz, ainsi que tous mes collègues.
Je trouve ironique de la part des conservateurs de soulever la question et de parler de division le jour même de l'annonce qu'a faite le Canada concernant le déploiement en Europe de 225 membres des Forces armées canadiennes. Ils iront prêter main-forte pour la formation de soldats ukrainiens engagés dans la lutte contre la guerre arbitraire, injustifiée et non provoquée de Poutine contre le peuple ukrainien. Nous resterons toujours aux côtés du peuple ukrainien. Jamais nous ne l'abandonnerons dans ce dur et long combat.
J'emploie le mot « long » à escient, parce que je voudrais parler… Le 16 juillet 2022, Josep Borrell a publié un message sur un blogue. Il est le haut représentant de l'Union européenne pour les affaires étrangères et la politique de sécurité. Dans sa publication, il parle de l'importance de la patience stratégique. Il entend par là la nécessité pour l'Europe de s'affranchir de sa dépendance énergétique à l'égard de la Russie, qu'il s'agisse de pétrole ou de gaz, et même de charbon dans une certaine mesure, et de se tourner progressivement vers d'autres fournisseurs, y compris certains pays d'Afrique et du Moyen-Orient, dont le Kazakhstan. Cette transition vers des énergies moins polluantes, naturellement, concerne l'approvisionnement énergétique de pays comme l'Italie et l'Allemagne, et le Canada est appelé à y jouer un rôle.
Tout d'abord, j'aimerais interroger le ministre Wilkinson sur la manière dont le Canada… Je ne veux pas dire « dont le Canada entend se positionner », parce qu'il le fait depuis des années, mais j'aimerais savoir comment le Canada aide l'Europe pour l'adoption du gaz naturel liquéfié, ou GNL, de même que pour sa transition vers des fournisseurs de tendance démocratique plus sûrs et vers des énergies vertes? J'aurai ensuite une question sur le même thème pour la ministre Joly.
:
Merci, monsieur Sorbara.
Tout d'abord, je dois préciser que l'Europe fait actuellement des pieds et des mains pour remplacer le pétrole et le gaz russes. Elle s'est donné comme objectif d'avoir trouvé des solutions de rechange au pétrole d'ici à la fin de l'année. Dans l'idéal, l'Allemagne voudrait réussir ce pari autour de la fin de 2024, et elle est clairement sur la bonne voie.
Le Canada collabore avec l'Allemagne et l'Union européenne pour les aider à atteindre leurs objectifs, notamment en augmentant sa production de pétrole et de gaz. Nous collaborons en ce sens avec le secteur. Nous sommes sur la bonne voie pour atteindre une production de 300 000 barils supplémentaires par jour qui viendront accroître l'approvisionnement mondial.
Comme vous le savez sans doute, nous avons deux projets d'installations de GNL dans l'Ouest canadien, dont une en construction et une autre qui a été approuvée. La construction devrait débuter l'année prochaine. Ces installations contribueront à la hausse de l'offre dans le marché et, comme je l'ai dit, au remplacement du pétrole russe.
Nous examinons différents emplacements dans l'Est du pays qui pourraient nous permettre de tirer profit des possibilités offertes. Soyons clairs: la réalisation doit se faire dans les trois ou quatre prochaines années si nous voulons aider l'Europe à réussir sa transition.
Nous collaborons également avec l'Europe dans un autre secteur important pour cette transition, l'hydrogène. Des travaux de très grande envergure sont en cours à Terre-Neuve-et-Labrador, entre autres, en vue de la production d'hydrogène. Il est prévu que cette solution de rechange au gaz le détrône complètement comme source d'énergie et contribuera à l'atteinte de l'objectif de carboneutralité de l'Allemagne d'ici à 2045.
Le Canada collabore très étroitement avec l'Europe. Comme vous le savez, le chancelier allemand nous rendra visite à la fin du mois, et la présidente de l'Union européenne viendra à son tour un mois plus tard pour discuter avec nous de ce sujet.
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Merci de poser cette question, monsieur Sorbara.
Je pense que le gouvernement allemand a très bien compris que la dépendance au gaz bon marché a assez duré et que la conjoncture est très différente aujourd'hui, et aussi qu'il faudra de plus en plus compter sur la relocalisation dans les pays amis et la collaboration entre alliés en matière d'approvisionnement énergétique et en minéraux critiques. C'est ce qui explique que l'Allemagne est actuellement très ouverte à investir au Canada en respectant notre programme d'action sur les changements climatiques. Nos discussions portent sur le gaz naturel liquéfié, dont M. Wilkinson a déjà parlé, mais beaucoup également sur l'hydrogène, et en particulier sur le type d'hydrogène qui intéresse l'Allemagne, soit l'hydrogène vert.
En fait, l'Allemagne cherche des solutions pour assurer sa sécurité énergétique, mais elle veut aussi accélérer sa transition écologique.
En même temps, la volonté des pays européens de faire front commun sur la question du gaz russe est très évidente. Si un des leurs a des problèmes de capacité énergétique, il pourra compter sur l'aide des 26 autres pays membres.
Nous travaillons aussi avec les Américains pour trouver des solutions. Plus que jamais, la question de la sécurité énergétique est au premier plan de notre politique étrangère. J'ai d'ailleurs des discussions presque quotidiennes avec le ministre Wilkinson ces temps‑ci.
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Je vous remercie, monsieur le président.
Tout d'abord, j'aimerais signaler à mes collègues que le fait de s'interrompre et de chevaucher les temps de parole donne beaucoup de difficultés aux interprètes. Je prie donc mes collègues d'éviter de faire cela pour la suite de la séance.
Monsieur Wilkinson, lorsque vous avez répondu à ma question concernant les différents types de turbines qui pourraient fonctionner dans le gazoduc Nord Stream 1, vous avez terminé en parlant de l'unité.
Or, le général à la retraite Rick Hillier nous a avertis que cette décision risquait d'affaiblir le régime de sanctions occidentales, et même le front commun.
On voit même déjà la Hongrie affirmer que les sanctions sont contre-productives. Ce pays, qui risque de se voir récompensé par une augmentation des livraisons de gaz naturel, s'est également opposé au plan européen de réduction de la consommation de gaz.
D'une part, n'y a-t-il pas là une première brèche dans le front commun des nations occidentales?
D'autre part, j'aimerais que vous reveniez sur la proposition ukrainienne, qui aurait eu l'avantage d'assurer l'approvisionnement en gaz et en pétrole pour l'Ukraine tout en permettant, s'il y avait eu front commun de l'ensemble des pays européens, de forcer Vladimir Poutine à décider s'il continuait d'approvisionner l'Europe ou s'il lui coupait complètement les vivres.
:
Merci, monsieur le président.
Membres du Comité, je vous remercie de me donner l'occasion de m'adresser à vous en ce 162e jour de la guerre en Ukraine.
Chaque matin, depuis le 24 février, je vérifie mon téléphone et je remercie le ciel en silence qu'aucun de mes amis ou de ma famille n'ait été tué pendant la nuit. Après avoir vérifié mon téléphone, je me demande: « Que vais‑je faire aujourd'hui pour mettre fin à la guerre de la Russie contre l'Ukraine? » Aujourd'hui, ce que je fais, c'est témoigner devant vous.
Le 28 juillet, les médias sociaux russes ont publié une vidéo d'un soldat russe castrant un prisonnier de guerre ukrainien. Le jour suivant, les forces d'occupation russes à Olenivka ont assassiné plus de 50 prisonniers de guerre ukrainiens. Une semaine auparavant, les Russes ont bombardé le port d'Odessa d'où devaient être exportées des céréales, et la semaine d'avant, les Russes ont bombardé un centre commercial à Vinnytsia, et avant cela, Kremenchuk, Kharkiv et Mariupol. Des preuves de viols collectifs de civils — femmes, filles et garçons — ont été recueillies et documentées.
En mars, après le retrait des Russes, des fosses communes de civils ont été découvertes à Bucha. J'ai visité Bucha en juin, et ce que j'ai vu, croyez-moi, je ne l'oublierai jamais.
Je pourrais continuer, mais il suffit de dire que nous avons tous été aux premières loges dans nos salons, à partir desquels nous avons été témoins de l'horreur de ce que la Russie fait en Ukraine.
Depuis le 24 février, la Russie a recueilli plus de 100 milliards d'euros de revenus des combustibles fossiles, et 60 % de ces revenus provenaient de l'Union européenne. C'est insoutenable. C'est le financement d'un génocide.
Aujourd'hui, je vous pose, membres du Comité, la même question que je me pose à moi-même: qu'allez-vous faire aujourd'hui pour mettre fin à la guerre de la Russie contre l'Ukraine?
Le Congrès des Ukrainiens Canadiens vous demande ce qui suit: que le gouvernement du Canada révoque le permis autorisant l'entretien continu des turbines qui permettent à la machine de guerre terroriste de la Russie de fonctionner, et rétablisse des sanctions complètes contre Gazprom.
Pourquoi proposons-nous cela? Parce qu'il est absolument clair que la Russie a inventé la débâcle du pipeline Nord Stream 1 pour mettre à l'épreuve la détermination de l'Allemagne, du Canada et de nos alliés en matière de sanctions. Nous avons échoué. L'Allemagne et le Canada n'ont pas compris en quoi consistait ce test. Il s'agit de sanctions, de l'union en matière de sanctions, pas seulement sur Nord Stream 1, mais sur le prix ultime, Nord Stream 2. Poutine n'a pas renoncé à cela.
Lorsque le chancelier Scholz dit avoir relevé un défi, il a relevé le mauvais défi. Néanmoins, il a reçu une réponse, et maintenant le choix est clair: il est temps de rétablir ces sanctions.
Comme vous le savez, le Congrès des Ukrainiens Canadiens s'est opposé et continue de s'opposer à la levée des sanctions contre Gazprom et, en fait, à la levée de toute sanction concernant la Russie et son génocide en Ukraine. La position du Congrès des Ukrainiens Canadiens est depuis longtemps que chercher à accommoder ou à apaiser la Russie ne fait que l'enhardir. Le régime russe ne répond qu'à la force. Nous le savons en raison des événements passés et de la guerre actuelle de la Russie contre l'Ukraine, et cela se confirmera également à l'avenir, à moins que nous ne mettions collectivement un terme à cette situation.
Monsieur Sorbara, ce cheminement ne peut être long, car trop d'Ukrainiens meurent chaque jour.
Je vous soumets que rien ne justifie le maintien de la dérogation, et rien ne justifiait celle‑ci lorsque la décision a été prise au départ.
Lorsque vous examinez le témoignage qui vous est présenté aujourd'hui, veuillez prendre en compte deux choses. Le gouvernement du Canada a‑t‑il fait tout ce qu'il pouvait pour éviter la levée de ces sanctions? A‑t‑il fait tout ce qui était possible avant de céder à ce que tout le monde sait être du chantage? Deuxièmement, est‑il toujours justifié de maintenir la dérogation?
Je crois qu'il y avait d'autres options que le Canada et l'Allemagne auraient pu adopter, mais il semble qu'ils aient choisi de ne pas le faire. Premièrement, nous avons déjà entendu parler des autres pipelines passant par l'Ukraine et la Pologne. Cela aurait été une bonne façon de mettre Poutine au pied du mur, mais le ministre Wilkinson a déclaré que ce n'était pas un choix viable. Ironiquement, est‑ce un meilleur choix que le débit de 20 % auquel Gazprom a maintenant réduit le pipeline?
Nous devrions également noter que ces pipelines traversant l'Ukraine sont les seuls éléments d'infrastructure que la Russie n'a pas encore bombardés. Demandez-vous: pourquoi?
D'autres fournisseurs d'énergie existent également sur le marché mondial. Nous n'avons rien entendu sur ce point et il semble que le chancelier Scholz ne voulait qu'une chose, le maintien d'un approvisionnement en gaz russe bon marché pendant deux autres années et par le biais d'un pipeline appartenant à Gazprom, et non d'un autre pipeline.
Quant au maintien de l'autorisation à la lumière de ce qui s'est passé depuis le 9 juillet, nous estimons que rien ne le justifie. Comme il était tout à fait prévisible, la Russie n'a pas rétabli le flux de gaz et exige maintenant de nouvelles concessions. D'abord, les papiers n'étaient pas en règle. Maintenant, les réparations sont défectueuses. Cette danse se poursuivra éternellement et, franchement, je suis très troublée par la facilité avec laquelle le gouvernement du Canada a accordé la dérogation pour la turbine. Cela enlève toute confiance que d'autres concessions ne seront pas accordées.
L'une des plus importantes leçons que l'histoire nous a enseignées est que l'apaisement des agresseurs et des dictateurs ne fonctionne pas. Il a l'effet inverse: il les enhardit. C'est l'apaisement qui nous a menés là où nous sommes, après que l'Occident a gardé le silence sur la Géorgie, la Tchétchénie, la Crimée et le Donbass, la Syrie, Salisbury et d'innombrables autres violations flagrantes du droit international par la Russie.
Comme l'a récemment déclaré le secrétaire de l'OTAN, Jens Stoltenberg, si l'Ukraine perd, c'est un danger pour nous: cela rendra l'Europe encore plus vulnérable à l'agression russe. Donc, même si vous mettez de côté l'aspect moral de la question, vous devriez vous soucier de votre propre intérêt en matière de sécurité. Il a poursuivi en disant que nous devons payer. Nous devons payer pour le soutien, pour l'aide humanitaire et pour les conséquences des sanctions économiques, car l'alternative est de payer un prix beaucoup plus élevé par la suite.
Oui, nous payons un prix, mais le prix que nous payons en tant qu'Union européenne et OTAN est un prix que nous mesurons en argent. Le prix que paient les Ukrainiens se mesure en vies perdues chaque jour. Il est donc temps que le Canada et nos alliés prennent enfin le dessus dans leurs relations avec la Russie, qu'ils disent non au chantage et qu'ils cessent de répondre à leurs exigences.
Je vous remercie de m'avoir accordé ce temps.
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Je vous remercie, monsieur le président.
Tout d'abord, j'aimerais assurer les représentants du Congrès des Ukrainiens-Canadiens de notre soutien le plus total.
Le vote qui a eu lieu il y a quelques instants ne traduit aucunement le fait que nous ne souhaitons pas vous entendre plus longuement, bien au contraire. J'ai dit au greffier et au président que je trouvais qu'une demi-heure n'était pas suffisante pour avoir l'occasion d'échanger avec vous.
Cela dit, je ne crois pas que ce soit approprié d'apporter une motion à la dernière minute pour imposer des témoins aux membres du Comité. Je serais tout à fait en faveur, lorsque la discussion se fera entre nous quant aux prochains témoins, de vous convoquer de nouveau pour vous permettre de poursuivre la discussion avec nous, d'autant que les choses auront peut-être évolué entretemps.
Vous savez que l'Union européenne, dans toutes ses sanctions, a pris soin d'éviter que celles-ci visent d'une façon ou d'une autre l'approvisionnement en énergie provenant de la Russie. C'est une précaution — appelons cela ainsi — que le Canada n'a pas prise lorsqu'il a décidé de mettre en place son régime de sanctions, de telle sorte qu'il s'est retrouvé dans la situation que nous connaissons.
Considérant le fait que l'Union européenne a pris soin d'éviter d'inclure dans ses sanctions tous les aspects pouvant toucher l'approvisionnement en énergie provenant de la Russie, croyez-vous que cette précaution a pour effet de rendre caduques toutes les critiques selon lesquelles la décision du gouvernement du Canada a pour résultat de permettre l'approvisionnement de l'Europe en pétrole et en gaz provenant de la Russie, ce qui alimente par le fait même la machine de guerre russe?
J'aimerais remercier notre invitée du Congrès des Ukrainiens Canadiens, et la remercier du fond du cœur pour le travail qu'elle et toute l'organisation ont accompli au cours des derniers mois terribles, quand on voit ce qui se passe en Ukraine. Je sais que non seulement on attend de vous que vous soyez la voix des Canadiens d'origine ukrainienne, mais que vous devez également faire face à l'horrible fardeau de ce que nous voyons se produire en Ukraine. Votre courage est admirable, alors je vous remercie d'être ici et de faire entendre votre voix. Merci pour le travail que vous avez accompli jusqu'à maintenant.
J'ai hâte que vous reveniez vous exprimer devant le Comité. J'attends avec impatience cette occasion.
J'aimerais vous poser des questions sur le régime de sanctions lui-même. Oui, je pense que nous pouvons examiner ce qui s'est passé en ce qui concerne la dérogation et dire que, fondamentalement, nous avons maintenant mis en place un système dans lequel les Allemands ne sont pas mieux lotis du fait de l'affaiblissement de nos sanctions. Poutine a très clairement utilisé cet outil pour faire chanter nos alliés et nous. Il s'est avéré que cela a fonctionné. Pourquoi n'utiliserait‑il pas le même système en ce qui concerne la nourriture ou l'énergie dans d'autres pays? Il a, comme nous le savons, militarisé la nourriture au point que la vie de millions de personnes est en danger. Va‑t‑il utiliser cela pour s'attaquer à nos sanctions?
Cela m'inquiète énormément. Je me demande simplement si, de votre point de vue, c'est quelque chose que vous voyez, si vous vous inquiétez de créer un précédent en permettant à un homme comme Vladimir Poutine de faire chanter le Canada et de saper notre régime de sanctions.
Je suis sûre que vous regardiez lorsque les ministres témoignaient ici. J'ai signalé à la ministre Joly que je suis très préoccupée par la façon dont nos sanctions sont appliquées, et par le manque de transparence à leur sujet, afin que les parlementaires et les Canadiens puissent voir ce qui est saisi, quels sont ces biens. J'ai soulevé cette question à la Chambre à plusieurs reprises. Je l'ai posée dans le cadre de questions inscrites au Feuilleton. Voici un exemple parfait: nous avons appris hier que l'ASFC a pu arrêter une expédition d'armes à double usage vers la Russie, mais c'est la seule sur laquelle elle peut nous donner des renseignements. Elle ne peut divulguer de détails sur d'autres expéditions.
Nous savons également, grâce à l'article de John Ivison du 21 juillet, que les autorités italiennes ont saisi des drones à destination de la Russie envoyés par l'intermédiaire du Canada et que l'ASFC a manqué cet envoi.
Lorsque nous entendons le gouvernement parler des 1 600 sanctions qu'il a instituées, craignez-vous que ce régime de sanctions soit, en fait, un discours façade, qu'il nous dit que les sanctions sont en place, mais qu'il n'y a aucun moyen pour nous de vérifier, aucun moyen pour les Canadiens de savoir si elles fonctionnent, aucun moyen pour nous de mesurer l'efficacité de ce régime de sanctions?