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FAAE Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent des affaires étrangères et du développement international


NUMÉRO 013 
l
1re SESSION 
l
44e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 31 mars 2022

[Enregistrement électronique]

(1545)

[Français]

    Chers collègues, bon après-midi.
    Bienvenue à la treizième réunion du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international.
    Conformément à la motion adoptée le 31 janvier 2022, le Comité se réunit dans le cadre de son étude sur la situation actuelle en Ukraine.

[Traduction]

    Mesdames et messieurs, nous attendons toujours notre deuxième témoin. On me dit qu'elle se connectera d'ici quelques minutes. Nous l'intégrerons à notre discussion en cours de route, pour respecter notre horaire.
    Comme toujours, des services d'interprétation sont disponibles en utilisant l'icône du globe terrestre au bas de votre écran. Pour les membres qui participent en personne, veuillez garder à l'esprit les directives du Bureau de régie interne concernant le port du masque et les protocoles de santé.

[Français]

    Veuillez également prendre note qu'il n'est pas permis de faire des captures d'écran ou de prendre des photos de votre écran. Avant de prendre la parole, attendez que je vous nomme et, lorsque vous avez la parole, veuillez parler lentement et clairement. Lorsque vous ne parlez pas, mettez votre micro en mode sourdine.
    J'aimerais vous rappeler que toutes les observations des députés et des témoins devront être adressées à la présidence.

[Traduction]

    Nous allons accueillir notre premier témoin. Comme je l'ai dit, notre deuxième témoin se joindra à nous dans quelques minutes.

[Français]

    Nous recevons M. Yann Breault, professeur adjoint au Collège militaire royal de Saint-Jean.
    Monsieur Breault, vous avez la parole. Vous disposez de cinq minutes pour faire votre allocution d'ouverture.
    Bonjour et merci à tous de votre attention. C'est avec plaisir que je m'adresse à vous.
    Le dernier mois a été difficile. Je me remets à peine des nuits d'insomnie passées à regarder se dérouler devant mes yeux le drame humanitaire qu'est la guerre en Ukraine. Une incertitude géopolitique immense plane sur nous. Je suis de ceux qui considèrent que ce drame va marquer l'avenir de la nation ukrainienne, mais aussi que cela déborde largement le cadre de l'Ukraine. Ce sera d'ailleurs peut-être l'un des premiers points que j'aimerais vous inviter à garder en tête. Quand nous étudions la situation, il nous vient en tête beaucoup d'images extrêmement troublantes. Nous avons des préoccupations et nous éprouvons de la sympathie pour les Ukrainiens et leur volonté de choisir librement leurs propres orientations géopolitiques, ce qui est tout à fait compréhensible.
    Nous sommes tous horrifiés de l'agression armée perpétrée par un régime qui, jusqu'à récemment, pouvait être considéré comme autoritaire, mais qui, depuis quelques semaines, prend toutes les formes de ce qu'il convient d'appeler une dictature. On observe un resserrement de la sphère informationnelle et la fermeture de toute une série de réseaux sociaux. Les deux derniers médias libres, l'Écho de Moscou et Novaïa Gazeta, ont fermé définitivement leurs portes la semaine dernière.
    Un drame se déroule en Ukraine et un autre menace l'avenir de la démocratie, même en Russie. Cependant, un drame plus grand encore se profile, soit le fossé géopolitique qui risque de se creuser à toute vitesse, et ce, pas seulement entre la Russie et l'Occident. Dans la situation actuelle, il faut sortir un peu de la bulle informationnelle dans laquelle nous nous trouvons, en tant que pays du G7, avec nos alliés le Japon et la Corée du Sud, qui sont solidaires d'une vague de sanctions économiques tout à fait inédites à l'égard de la Russie.
    Or, je suis de ceux qui s'inquiètent quant à la fracture de l'ordre international. Les sanctions adoptées à l'encontre de la Russie sont soutenues par nos partenaires des autres continents d'Amérique latine, d'Afrique, d'Asie, et surtout par cette grande Eurasie. Par contre, même si 140 États ont dénoncé l'agression russe lors de l'Assemblée générale des Nations unies — ce qui nous a bien sûr réjouis —, on compte un bon nombre d'États, et pas les moindres, qui se sont abstenus de voter ou ne se sont pas présentés. Parmi ces pays, vous savez sans doute qu'il y a la Chine, mais aussi l'Inde, l'Iran, le Pakistan et plusieurs autres. Cela me laisse croire que l'effet des sanctions économiques sur un pays qui est principalement un exportateur de ressources naturelles ne permettra malheureusement pas de circonscrire véritablement et à long terme la marge de manœuvre des Russes. C'est ce point de vue qui existe actuellement en Russie.
    Mon collègue Anatol Lieven a parlé d'une rivalité fraternelle existant entre les peuples russe et ukrainien, dont le discours et les constructions identitaires sont on ne peut plus antagonistes. Une certaine dynamique anime donc les relations russo-ukrainiennes. Toutefois, il existe une autre dynamique encore plus grande et qui explique l'incompatibilité et les difficultés auxquelles l'Occident doit faire face dans ses relations avec la Russie. Ces difficultés ne remontent pas à l'annexion de la Crimée en 2014, mais à une époque bien antérieure. Certains diront qu'elles remontent à la révolution orange, en Ukraine. On avait alors dénoncé en Russie l'ingérence étrangère occidentale dans les affaires intérieures de l'Ukraine.
    Selon moi, la dégradation des relations entre la Russie et le monde occidental a peut-être commencé l'année d'avant, l'année 2003 ayant marqué un tournant, alors que l'opposant russe Mikhaïl Khodorkovski, propriétaire de ce qui était la plus grosse entreprise pétrolière en Russie, Ioukos, a été emprisonné par le président russe Vladimir Poutine. C'est vraiment à partir de ce moment que, au nom d'une volonté de l'État de reprendre le contrôle sur ce que l'on appelle en Russie « les ressources stratégiques », qui incluent, bien sûr, les ressources naturelles comme l'hydrocarbure, a eu lieu une tentative de l'appareil politique de reprendre le contrôle de l'économie. C'est exactement le rapport de force inverse que nous avons en Occident. Il s'agit d'une espèce d'incompatibilité entre deux modes de gouvernance, celui qui est porté par la Russie, mais aussi par la Chine, l'Iran et plusieurs autres, qui veulent jouer selon des règles du jeu différentes.
    Ce qui se dessine dans ce théâtre-là, en Ukraine, est aussi la manière dont se reconfigurent les rapports de force entre des zones géoéconomiques qui sont de plus en plus éloignées les unes des autres.
    Je vous remercie beaucoup, professeur Breault.
    Notre deuxième témoin n'étant pas encore en ligne, je propose que nous entamions le premier tour de questions.
    Comme à l'habitude, je vous ferai signe quand il restera 30 secondes avant la fin de votre intervention.
(1550)

[Traduction]

    Chers collègues, nous allons commencer le premier tour avec M. Chong, pour six minutes.
    Allez‑y, monsieur Chong.
    Merci. Je crois que notre deuxième témoin vient d'apparaître.
    D'accord. Le moment est bien choisi.
    Si nous pouvions faire une vérification rapide du son, nous demanderons ensuite à Mme Dyczok de faire sa déclaration.
    Oui, nous vous entendons.
    Je vous remercie.
    J'ai eu un petit problème technique, mais je suis très heureuse d'être ici. Je suis désolée d'avoir raté le début, alors pourriez-vous me dire où nous en sommes?
    Oui, madame Dyczok. Merci beaucoup. C'est un plaisir de vous accueillir. Bienvenue à bord.
     Nous en sommes à l'étape où notre premier témoin a présenté sa déclaration liminaire. Nous allons vous donner la parole dans un instant.
    Je disais simplement que je signalerai à l'aide de cette feuille, au cours de notre discussion, lorsqu'il restera 30 secondes pour les témoignages ou les questions.
     Pour la suite, en ce qui concerne les difficultés techniques, si vous pouviez garder votre micro près de votre bouche lorsque vous parlez, puisque vous avez un micro portable, cela serait très utile pour nos services d'interprétation.
    Sans plus attendre, je vous donne la parole pour votre déclaration liminaire de cinq minutes, s'il vous plaît.
     Allez‑y.
    Merci beaucoup.
     Nous en sommes au 36e jour de l'agression militaire non provoquée de la Russie contre l'Ukraine. Ce sont les 36 jours les plus difficiles de ma vie, mais ce n'est rien par rapport aux 36 jours que les Ukrainiens ont dû affronter et à ces trois derniers jours.
     Ils ont fait un travail incroyable, mais ils ont besoin de plus d'aide. C'est un combat de David et Goliath. Les Ukrainiens m'ont impressionnée, ainsi que le monde entier, par leur façon de se défendre, mais ils ne peuvent pas gagner cette guerre seuls. Ce serait comme si les États-Unis attaquaient le Canada. Aussi courageux, bien équipés et puissants que soient les soldats canadiens, ils ne pourraient en aucun cas résister à l'assaut d'une force militaire supérieure.
     Le Canada a un rôle très important à jouer à cet égard, à la fois en tant qu'acteur indépendant et que membre d'une coalition. Comme vous le savez tous, le Canada et l'Ukraine entretiennent une relation spéciale qui remonte à 30 ans.
     En 1991, je travaillais comme journaliste en Ukraine, et je me souviens d'être présente en décembre, lorsque le représentant canadien de l'époque en Ukraine, le chargé d'affaires, l'honorable Nestor Gayowsky, est entré dans la salle et a lu le télégramme dans lequel le Canada annonçait qu'il reconnaissait le référendum de l'Ukraine et l'accueillait comme un pays indépendant. Je me suis sentie si fière à ce moment‑là, en tant que Canadienne d'origine ukrainienne, et j'aimerais vraiment ressentir cette fierté à nouveau.
     Au cours des 36 derniers jours et plus, nous avons vu que l'infrastructure institutionnelle internationale créée à la fin de la Deuxième Guerre mondiale ne fonctionne pas. Elle est incapable d'arrêter la guerre, et c'est le moment d'avoir de nouvelles idées.
     J'ai souvent pensé à notre ancien premier ministre, Lester B. Pearson, qui a eu l'idée des forces de maintien de la paix et a résolu la crise du Suez. C'est l'un des moments de l'histoire où nous devons trouver de nouvelles idées.
     Dans les différentes entrevues que j'ai accordées aux médias ces derniers temps, on me demande sans cesse ce que je pense du rôle du Canada et de ce qu'il fait, et c'est le sujet que j'aimerais aborder. J'aimerais reprendre les mots du président ukrainien Zelensky. Je pense que de nombreux membres du Comité étaient présents à la Chambre lorsqu'il s'y est adressé par Zoom. Il a remercié le Canada pour tout ce que nous faisons, mais il a dit que l'Ukraine avait besoin de plus d'aide.
    J'aimerais me concentrer sur cinq domaines dans lesquels je pense que le Canada fait bien, mais pourrait faire plus: la diplomatie, le militaire, l'économie, l'humanitaire et l'information.
     Je commencerai par la diplomatie. Dans l'ensemble, je le répète, je pense que le Canada a fait un très bon travail. Il a fait des déclarations en appui à l'Ukraine et contre la guerre par la Russie. Le Canada pourrait jouer un rôle plus important dans les pourparlers de paix, car la fin de cette guerre passe en partie par la négociation. Plusieurs dirigeants européens se sont rendus en Ukraine en signe de solidarité et les dirigeants canadiens pourraient faire de même. Ils sont allés jusqu'en Pologne, mais personne n'est encore allé en Ukraine, ce qui témoignerait d'un soutien ferme à l'Ukraine.
     En matière de relations diplomatiques, le Canada pourrait réduire ses relations diplomatiques avec la Russie. Il doit garder l'ambassade et les consulats ouverts — les canaux diplomatiques doivent rester ouverts — mais la taille de ses missions diplomatiques ne doit pas être la même qu'en temps de paix. Nous l'avons vu de la part de plusieurs pays européens qui ont réduit leurs effectifs et ont déclaré qu'on ne peut faire comme si de rien n'était. Ils disent: « Leur pays fait la guerre, par conséquent, tous ces diplomates et leurs familles ne sont pas les bienvenus dans notre pays ». Ça, c'est dans le domaine de la diplomatie.
     Dans le domaine militaire, même avant cette escalade, le Canada soutenait l'Ukraine par des formations et des livraisons d'armes, mais là encore, comme l'a dit le président ukrainien Zelensky, ils ont besoin de plus d'aide. Vous vous souviendrez que lorsqu'il s'est adressé à l'UE et au G7 la semaine dernière, il leur a demandé de donner 1 % de ce dont l'OTAN dispose, ce qui les aiderait vraiment. Je suis parfaitement consciente de la...
     Il me reste 30 secondes. Oh, mon Dieu, c'est passé si vite.
    En ce qui concerne les sanctions économiques, concentrez-vous sur le secteur de l'énergie.
     Dans le secteur humanitaire, s'il vous plaît, donnez des soins de santé aux réfugiés qui vont arriver.
     Sur le plan de l'information, faites attention au langage utilisé. Il y a eu une énorme amélioration, mais ce n'est pas « Ukraine », c'est « Ukraine », et ce n'est pas « la crise ukrainienne », c'est « la guerre de la Russie contre l'Ukraine ».
(1555)
     Les mots sont très importants, et les journalistes ukrainiens ne cessent de demander aux journalistes canadiens et aux politiciens canadiens d'utiliser la bonne terminologie.
     Je me suis creusé la tête pour trouver de nouvelles idées. Je pense qu'il est temps de former un groupe de travail composé de tous les cerveaux du Canada pour trouver de nouvelles idées sur la façon de mettre fin à cette guerre et aux guerres futures.
     Je vous remercie beaucoup de votre attention et je suis désolée d'avoir un peu dépassé le temps imparti.
    Merci beaucoup de votre présence et de votre témoignage.
    Nous allons passer directement à la première série de questions. Monsieur Chong a la parole pour six minutes.
    Merci, monsieur le président.
     On a évoqué les enjeux économiques. C'est l'un des cinq points que notre dernier témoin a soulevés et M. Breault y a également fait référence en ce qui concerne la situation géopolitique.
     J'aimerais poser deux séries de questions. La première porte sur la sécurité alimentaire et la deuxième sur les questions nucléaires.
    Selon certains, les engrais azotés synthétiques représentent environ la moitié de la production agricole mondiale. Des publications comme Nature ont laissé entendre que sans ces engrais, nous ne pourrions vraiment nourrir qu'environ trois milliards et demi de personnes sur la planète, au lieu des sept milliards que nous nourrissons actuellement. Je soulève cette question parce que la Russie est un grand exportateur d'engrais synthétiques fabriqués à partir de gaz naturel. La Russie représente environ un quart des exportations mondiales d'ammoniac et environ 15 % des exportations mondiales d'urée, qui sont tous deux des engrais azotés synthétiques.
     Certains disent qu'en conséquence, il pourrait y avoir de graves pénuries d'aliments dans six mois. En fait, l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture a émis une déclaration il y a plusieurs semaines, disant que les prix des aliments pourraient grimper de quelque 22 % au cours des prochains mois, en raison des pénuries d'azote.
     Dans le sud de l'Ontario, où je vis, les agriculteurs sont quelque peu paniqués par cette situation, car une grande partie des engrais azotés synthétiques utilisés en Ontario proviennent de Russie. Des sanctions pourraient viser ces engrais, ce qui entraînerait leur indisponibilité ou une réduction de leur application. En retour, cela entraînerait une baisse considérable du rendement des cultures dans les mois à venir.
     Nos témoins peuvent-ils commenter cette question?
    Je ne suis pas sûre de la marche à suivre pour prendre la parole. Devons-nous lever la main ou désactiver la sourdine nous-mêmes?
    Permettez-moi de suspendre un moment le temps de M. Chong.`
    L'utilisation du temps est essentiellement laissée à la discrétion des membres. Vous pouvez y répondre directement, et ils peuvent adresser leurs questions à l'un ou l'autre des témoins ou aux deux. C'est à leur discrétion.
    Conformément à la directive du président, si vous vous sentez à l'aise de répondre à la question et vous possédez les connaissances nécessaires pour le faire, j'aimerais entendre votre point de vue. Sinon, je suis heureux de passer à d'autres questions.
(1600)
    Je vous remercie.
    Je ne suis pas une experte en agriculture, mais vous soulevez un point très important. La discussion autour des sanctions fait intervenir la réciprocité. Les sanctions ont toujours un coût. Nous le savons tous.
     Il semble qu'un élément particulier ne puisse être le seul responsable des pénuries alimentaires. Les approvisionnements alimentaires sont complexes. Ce point particulier que vous avez mentionné est un sujet de préoccupation.
     L'autre problème est que l'Ukraine est un grand exportateur de produits alimentaires. La capacité de l'Ukraine à... Le printemps arrive et ils sont bombardés. Leur capacité à planter des cultures et, par conséquent, à fournir la nourriture qu'ils... Il faudrait que je cherche les statistiques...
    L'Ukraine représente environ 10 % des exportations mondiales de blé, 14 % des exportations de maïs et environ 17 % des exportations mondiales d'orge.

[Français]

    Monsieur Breault, voulez-vous faire un commentaire à ce sujet?

[Traduction]

    C'est effectivement l'un des principaux domaines sur lesquels la Russie table dans le jeu de pouvoir du processus de négociation. Je pense qu'ils envisagent une longue confrontation. Elle ne va pas être résolue dans les semaines ou les mois à venir. Bien sûr, nous devrons nous attendre à des prix beaucoup plus élevés. Cela entraînera une terrible insécurité alimentaire dans l'hémisphère sud.
     Nous ne savons pas encore comment cela va se passer exactement, mais c'est un élément que les Russes prennent certainement en compte et cela leur donne le sentiment qu'ils exerceront encore beaucoup d'influence sur l'Occident dans les mois et les années à venir. Nous sous-estimons les coûts de cette confrontation et ils pensent que nous en verrons le prix réel dans les mois à venir et que l'opinion publique, massivement favorable à la cause juste et noble des Ukrainiens, sera remise en question à un moment donné.
     Je ne vais pas entrer dans les détails à propos des engrais, mais c'est en effet... N'oubliez pas que la Russie — l'URSS — était un importateur de blé. Ce pays n'était pas en mesure de nourrir sa propre population. Aujourd'hui, la Russie est le premier exportateur de blé. Je pense aussi à la situation au Belarus. Si je ne me trompe pas, le Belarus est le deuxième exportateur de potassium. Le fait que les sanctions visent aussi le Belarus est donc un élément qu'il faudra absolument examiner.
    Merci.
     Je vais garder ma question sur le nucléaire pour un tour ultérieur, peut-être. Je noterai simplement que la Russie et le Bélarus, comme vous l'avez souligné, monsieur Breault, représentent 40 % de toutes les exportations mondiales de potasse, l'un des trois engrais essentiels pour la production végétale. La Russie représente 16 % des exportations mondiales de blé, comme vous l'avez aussi souligné.
    Merci, monsieur le président.
    Merci beaucoup, monsieur Chong.
    Nous allons passer directement à M. Sarai, pour six minutes.
    Merci, monsieur le président, et merci aux deux professeurs.
     Ma première question s'adresse à M. Breault. Vous avez vous-même été très choqué par la rapidité et la résistance des forces ukrainiennes. Je pense que dans une entrevue du 24 mars, vous l'avez reconnu, et je pense que nous avons tous été plutôt impressionnés par la résistance de l'Ukraine.
    À votre avis, pouvez-vous nous dire pourquoi et comment les forces armées ukrainiennes ont été capables d'opposer une résistance aussi forte?
    Comme je travaille ici au Collège militaire royal de Saint-Jean, j'ai été en contact avec certains de nos officiers, qui ont formé plusieurs milliers d'Ukrainiens au cours de la dernière année. J'aimerais pouvoir dire que nous leur avons donné une formation utile.
     Je voudrais aussi souligner le fait que les militaires russes, les hommes qui sont restés là pendant deux mois, gelés, à la frontière du Bélarus, pensant qu'ils participaient à un exercice militaire, ont été informés au tout dernier moment qu'ils devaient accomplir cette opération militaire, comme ils l'appellent en Russie. Je pense qu'il y a beaucoup de preuves du mauvais moral des troupes.
     Ils n'étaient pas en colère contre les Ukrainiens. Ils ne comprenaient pas exactement ce qu'ils faisaient là. Ils ont probablement été extrêmement surpris par le manque d'enthousiasme des Ukrainiens. On leur avait dit qu'ils étaient là pour déloger un mauvais gouvernement nazi pro-occidental et ils s'attendaient à ce qu'une partie de la population salue leur arrivée, ce qui n'a pas été le cas.
    Je pense que pour les années à venir, pour les analystes militaires, en ce qui concerne l'échec logistique et le problème de communication... L'appui de la population à leurs combattants sur le terrain a été plus grand que prévu et la motivation des Russes, plus faible que prévu.
     Je faisais partie de ceux qui prédisaient une victoire en trois jours et le départ de Zelenski de Kiev. Il s'est avéré que j'avais tout faux. Il n'en reste pas moins qu'une analyse plus approfondie sera nécessaire pour expliquer cette surprise militaire dont nous sommes témoins sur le terrain. Même si je suis de tout coeur avec la bataille que livrent les Ukrainiens, je crains terriblement ce qui va suivre, car si les forces russes conventionnelles ne peuvent pas faire face à M. Zelenski, elles sont dans une très mauvaise posture.
     Leurs alliés — la Chine, l'Inde, l'Iran et d'autres — soutiennent la Russie parce qu'ils pensaient qu'elle donnerait une leçon d'humilité à l'Occident en révélant les limites de sa sphère d'influence. Comme ils n'y parviennent pas, ils sont tentés de s'engager plus avant dans la voie de la désescalade et le seul terrain de jeu où l'on trouve un équilibre stratégique est le nucléaire et la perspective d'une véritable guerre nucléaire. C'est le seul type de confrontation dans lequel la Russie peut espérer trouver un certain équilibre et renégocier un rapport de force avec l'Occident.
     Ce que je vois maintenant dans la stratégie menée par les Russes depuis quelques semaines, c'est l'intensité accrue de l'horreur, des violations des droits de la personne et ainsi de suite. Nous pensons qu'il est suffisamment fou pour envisager d'utiliser une arme nucléaire. Une arme nucléaire est une arme de dissuasion, mais elle n'a d'effet dissuasif que si vous pensez que le type qui contrôle le bouton est assez fou pour l'utiliser. Lorsque Boris Eltsine nous menaçait d'une arme nucléaire en 1999 parce qu'il n'était pas d'accord avec l'agression illégale de l'OTAN contre un pays appelé Yougoslavie, tout le monde s'est moqué de lui. « Allons, Boris », disaient-ils, « tu ne vas pas vraiment envisager d'utiliser ce type d'armes ».
    Maintenant, le personnage que Poutine est en train de se créer est en train de montrer qu'il est assez fou, donc il pourrait éventuellement penser qu'il perd. Il a lancé un missile Kinzhal. C'est un nouveau type d'arme hypersonique qui voyage 15 fois la vitesse du son. Il l'a utilisé pour bombarder la ville de Loutsk, où des militaires étrangers s'entraînent et roulent... Bien sûr, il n'y avait pas d'ogives nucléaires sur ce missile, mais il pourrait servir à transporter des armes nucléaires.
     Dans les médias russes, on les voit parler de différents types d'armes nucléaires à faible rendement — des armes tactiques, stratégiques, etc. Cela fait partie du langage que nous utilisons. C'est l'orientation. La Russie n'a plus d'autre choix que de s'engager dans cette voie, car c'est le seul moyen pour elle de réaliser son objectif, soit de remettre en cause le contexte unipolaire.
(1605)
    Je pourrais peut-être vous poser brièvement une autre question. Vos commentaires m'ont beaucoup intéressé.
    Selon vous, le mouvement actuel de la Russie, tant au sens figuré qu'au sens propre, est un recul, ou est‑ce un jeu que les Russes utilisent pour négocier ou siphonner militairement une partie de l'Ukraine contre l'autre?
    La première partie de la bataille a été un désastre total, c'est donc un recul stratégique, mais la bataille dans laquelle ils s'engagent n'est pas nouvelle. Ils s'y sont engagés publiquement depuis de nombreuses années: souvenez-vous du discours de Munich en 2007, mais cela remonte à la doctrine Primakov en 1996, selon laquelle ils avaient l'intention de défier le monde unipolaire.
     Cela ne va pas s'arrêter de sitôt, même si nous parvenons à un accord de cessez‑le‑feu temporaire qui soulagerait quelque peu les civils en Ukraine.
    Merci.

[Français]

    Je vous remercie beaucoup, monsieur Sarai et madame Dyczok.
    Monsieur Bergeron, vous avez la parole pour six minutes.
    Je vous remercie, monsieur le président.
    Je remercie nos deux témoins de leurs commentaires.
    Monsieur Breault, j'ai été un peu surpris de vous entendre nous dire, nous qui entretenons l'espoir d'une résolution rapide de ce conflit, que celui-ci serait vraisemblablement plus long que ce à quoi nous nous attendions, et ce, en dépit de votre analyse assez juste de ce qui s'est passé sur le terrain depuis le début de l'invasion.
    Certains, ces jours-ci, laissent entendre que l'on n'informerait pas adéquatement le président Poutine de ce qui se passe réellement sur le terrain.
    Que pensez-vous de cette affirmation?
(1610)
    C'est parfaitement plausible. Il y a plusieurs années, on a appris que le président Poutine n'était même pas sur les réseaux sociaux. Chaque matin, il reçoit un cahier d'information contenant des notes préparées par le service de renseignement. Depuis le début de la pandémie de COVID‑19, on sent qu'il est plus isolé. J'ai vu des rapports disant qu'il serait dans un bunker antiatomique, à Oufa, et qu'il dirigeait le conflit en ligne. Physiquement, il est donc de plus en plus inaccessible.
    Il me semble tout à fait plausible que ses généraux lui dressent un portrait de la situation qui n'est pas conforme à la réalité. Cependant, je ne suis pas dans le secret des dieux. Sur un plan épistémologique, ce n'est pas parce que quelqu'un a un titre de docteur et qu'il est professeur qu'il est dans le secret des dieux et qu'il connaît ce qui se passe dans la boîte noire du Kremlin. Mes propos sont à prendre avec des pincettes.
    Cela étant dit, il y a quand même des signes éloquents. La cinquième section du Service fédéral de sécurité, connu sous le sigle FSB, se consacrait depuis 2008 à l'examen de la situation intérieure en Ukraine, et celui qui la dirigeait, un certain Sergei Beseda, est actuellement assigné à résidence. Il est probable que le président Poutine est extrêmement irrité. De plus, sept généraux ont été tués au combat, sur un total de trente. C'est presque le quart des généraux. Il n'est donc pas content de ce qui se passe et il cherche autour de lui des responsables. Personnellement, je doute que cela affecte sa détermination à infliger à l'Occident la leçon d'humilité qu'il rêve de lui infliger.
    J'aimerais aussi croire que nous assisterons à une révolution de palais, c'est-à-dire que les oligarques vont s'organiser entre eux pour faire sauter celui qui leur fait perdre actuellement des milliards de dollars. Il y a du mécontentement chez les militaires, notamment au sein de la garde d'élite, la Rosgvardia, qui assure la sécurité du président et qui aurait été utilisée dans les combats. Beaucoup sont revenus dans un cercueil. Il y a donc de l'énervement chez le président Poutine, et il y a très certainement des problèmes en matière de communication.
    Voilà pourquoi je suis déchiré entre la joie de voir les Ukrainiens mener une résistance aussi héroïque et mon inquiétude sur ce qu'il en sera de la deuxième phase d'une confrontation qui déborde largement le théâtre de l'Ukraine.
    J'aurais le goût de vous demander qui est en train de recevoir actuellement une leçon d'humilité, mais je n'irai pas dans cette direction.
    J'aimerais vous poser une question sur un autre aspect qui m'intéresse particulièrement.
    Ne croyez-vous pas que, en donnant à penser d'emblée au président Poutine que, quoi qu'il arrive, nous n'interviendrons à aucun moment, cela devienne justement un sauf-conduit qui l'amène à croire qu'il peut faire à peu près ce qu'il veut?
    Je suis absolument d'accord là-dessus.
    D'ailleurs, c'est ce que le président Poutine a compris. On a même vu, au Congrès américain, un général expliquer que deux navires russes s'étaient éloignés des ports de la mer Noire juste avant le début d'un combat. L'histoire pourra peut-être le reprocher au président Biden. D'emblée, avant même que l'intervention commence, on avait déjà dit aux Russes qu'il n'était pas question d'envoyer des militaires sur le terrain. On a donc accepté, de facto, une espèce de partage des sphères d'influence, situation dans laquelle on concède le fait que le cœur de l'État russe se trouve en Ukraine, à Kiev — n'en déplaise à tous mes amis nationalistes ukrainiens, qui détestent, à juste titre, cette notion —. C'est pourtant de cette façon que l'on comprend les choses en Russie, où l'on refuse l'idée que le cœur de la civilisation slavo-orthodoxe puisse un jour se retrouver dans l'orbite américaine.
    Cela est évident depuis le sommet de Bucarest, en 2008. En effet, les Français et les Allemands disaient qu'il n'était pas question d'élargir l'alliance de l'Organisation du Traité de l'Atlantique Nord, ou OTAN, à l'Ukraine, et les Américains insistaient pour que soit adoptée une résolution promettant qu'un jour la Géorgie et l'Ukraine feraient partie de l'OTAN. Cette ligne rouge, dont le président Poutine a beaucoup parlé récemment, on la mentionnait déjà en 2008.
    Le fait de penser que la Russie allait rester les bras croisés est incompréhensible. La Russie représente 3 % du produit intérieur brut, ou PIB, de la planète. Comment peut-on espérer qu'il y ait un dialogue d'égal à égal avec une puissance étrangère pauvre, un pays qui est essentiellement un exportateur de ressources naturelles?
    Les Russes possèdent un grand nombre d'ogives nucléaires. Les chiffres varient selon les sources, mais ils en possèdent environ 6 000, dont 1 500 sont en déploiement. Ils ont investi énormément au cours des 15 dernières années pour mettre au point des technologies hypersoniques qui sont capables de faire fi des éléments du bouclier antimissile que nous avons déployé à leurs portes, en Pologne et en Roumanie, comme vous le savez. Ils se préparent donc à cette confrontation depuis longtemps. Ils estiment être en mesure de nous donner une leçon d'humilité, et c'est réciproque. C'est comme lorsque deux gars aux gros bras se rencontrent dans un bar et que chacun pense être plus fort que l'autre. Cela risque de se terminer par une rude bataille.
(1615)
    N'est-ce pas justement cet engagement à ne jamais rien faire qui risque de faire en sorte que le conflit se prolonge?
    Je ne sais pas qui sera responsable de la poursuite du conflit. Pour le bien des civils ukrainiens, nous aimerions qu'il y ait une entente. Pour qu'il y en ait une, il faudrait qu'il y ait une reconnaissance de la souveraineté russe sur la péninsule de Crimée et une reconnaissance de l'indépendance des territoires sécessionnistes. Cependant, comment peut-on négocier avec un criminel de guerre? C'est tout à fait inacceptable.
    La seule solution que nous avons, c'est d'espérer un changement de régime à Moscou. M. Biden l'a dit de façon explicite à Varsovie. Quand il a appelé à un changement de régime en Russie, il est venu donner au président Poutine les outils qu'il lui fallait pour mobiliser l'opinion publique de son pays afin de démontrer qu'il s'agit non seulement de dénazifier l'Ukraine, mais aussi de sécuriser, à la périphérie du pays, une sphère d'influence sur laquelle la Russie aura la main haute. Le problème, c'est que l'Occident n'est pas prêt à accepter cela.
    Je vous remercie beaucoup, monsieur Bergeron et professeur Breault.

[Traduction]

    Madame McPherson, vous avez la parole pour six minutes, je vous en prie.
     J'aimerais remercier les témoins de leur témoignage. Ils étaient très intéressants.
    Je vais revenir un peu sur la question nucléaire pour commencer. Il est évidemment extrêmement terrifiant de penser que Poutine a le contrôle d'armes nucléaires et qu'il pourrait se sentir suffisamment acculé pour les utiliser.
     Plus tôt dans la journée, nous avons parlé à des députés du parlement ukrainien. L'une des questions que nous leur avons posées était de savoir s'ils avaient l'impression que les troupes russes se retiraient de Kiev parce que cette ville pouvait être une cible. J'aimerais connaître votre point de vue à ce sujet.
     Ils ont aussi soulevé le point suivant: en fait, l'armée russe n'a pas besoin d'utiliser une arme. Elle peut simplement continuer à attaquer les installations nucléaires en Ukraine. J'aimerais connaître aussi votre point de vue sur ce point.
     Enfin, sur la question nucléaire — et j'ai beaucoup travaillé dans le domaine du désarmement — l'une de mes grandes inquiétudes est de savoir comment le fait d'être pris en otage par une puissance nucléaire envoie un message aux autres États voyous qui ont accès aux armes nucléaires et combien cela est dangereux. Pourriez-vous tous deux commenter ce point?
     J'ai ensuite d'autres questions sur les problèmes humanitaires et les sanctions.
    Je vais me lancer en premier. Je ne suis pas une experte militaire, mais, sur la question nucléaire, nous nous concentrons tous sur Poutine, et je pense que les experts militaires et nucléaires savent que ce n'est pas une décision qu'une personne prend et peut exécuter indépendamment de ce qui se passe autour d'elle.
     Je pense que nous devons porter attention à ce qui se passe dans le cercle restreint de Poutine. Je suis tout à fait d'accord avec mon collègue pour dire que nous ne disposons pas de renseignements complets, car Poutine se cache. Cependant, nous disposons d'informations sur le mécontentement de son ministre de la défense et de plusieurs autres personnes. Nous ne devrions pas nous concentrer sur la question de savoir si Poutine est assez fou pour utiliser l'arme nucléaire, car il ne peut le faire tout seul. Je pense que c'est un point important à garder à l'esprit. Un processus doit suivre son cours, et d'autres personnes doivent y donner leur accord.
    Les installations nucléaires... Je pense que tout le monde a lu que les soldats russes creusaient autour de Tchernobyl; ils creusaient des tranchées et ils ont commencé à tomber malades, puis à battre en retraite. J'ai l'impression qu'ils ne savent pas vraiment ce qu'ils font. Ils n'ont pas de stratégie claire. Cela rend la situation à la fois effrayante et... parce que des erreurs peuvent se produire.
    Nous avons vu l'incendie à Zaporijia, où la centrale nucléaire était en feu et où les pompiers ukrainiens n'ont pas été autorisés à entrer pour l'éteindre. Je ne peux pas imaginer que quelque chose comme cela soit à l'ordre du jour, parce que si une centrale nucléaire explose, la Russie sera touchée beaucoup plus que le Canada ou les États-Unis. Je ne peux pas imaginer qu'ils le fassent délibérément.
    Toutefois, ils peuvent le faire par accident.
    Nous avons déjà vu le cas de Zaporijia. Regardez attentivement ce qui se passe autour de Tchernobyl et de ces autres centrales nucléaires. J'ai l'impression qu'ils essaient de priver l'Ukraine d'énergie plutôt que de provoquer des explosions nucléaires, car l'Ukraine tire une part importante de son énergie des centrales nucléaires. Elles ont été ciblées pour ces raisons.
    Merci.
    Monsieur Breault, aviez-vous quelque chose à ajouter à ce sujet?
(1620)
    Je pense que l'existence de l'énergie nucléaire est une chose, une arme nucléaire est une tout autre chose. Il était dangereux de sécuriser la région autour de Tchernobyl et cela a révélé à nouveau le manque de respect qu'ils ont pour les considérations humaines, en envoyant leurs enfants creuser là‑bas. Mme Dyczok a eu raison de le rappeler. Cependant, que va‑t‑il se passer ensuite? Comment voulez-vous que les militaires ukrainiens reprennent le contrôle de la centrale de Tchernobyl sans utiliser des armes qui pourraient rendre la situation encore plus dangereuse?
     C'est extrêmement effrayant et c'est précisément l'objectif que les Russes poursuivent de cette façon. Ils ont besoin que nous paniquions et certains d'entre nous paniquaient lorsqu'il y avait 150 garnisons militaires autour des frontières et que j'étais là pour dire aux médias, ne vous inquiétez pas, cela fait partie d'un processus de négociation, ils utilisent l'intimidation pour avoir un certain poids. De façon inattendue pour moi, ils ont été assez fous pour s'installer malgré tous les coûts, à la fois économiques et militaires.
     Alors maintenant, je panique — j'en suis désolé — à propos de l'utilisation d'armes nucléaires, parce que s'ils ont été assez fous pour le faire, ils pourraient effectivement aller de l'avant, et nous devons le garder à l'esprit.
    Je suis désolée de vous interrompre, mais mon temps file très rapidement. Je veux vous poser une dernière question avant de manquer de temps.
    Entre autres choses, nous savons qu'il y a eu des mouvements par rapport aux systèmes multilatéraux en place et pour voir s'il y a des moyens d'obliger Poutine à rendre des comptes, donc d'examiner le G20 et le Conseil de l'Arctique et d'autres endroits où nous pouvons isoler la Russie en ce moment.
    Je sais que vous n'avez que 30 secondes, mais peut-être que chacun de vous pourrait me donner un très court résumé de la façon dont vous envisagez d'utiliser ces institutions multilatérales pour isoler Poutine davantage.
    Absolument, ces mesures doivent être prises. On peut se demander à quel point elles seront efficaces, mais on peut certainement prouver que l'exclusion du G7 a eu un impact. Cela coupe l'accès, et je pense que cela doit se produire dans tous les domaines. Il doit être clair que si vous vous comportez de la sorte, vous n'êtes pas un membre de la communauté internationale. Des discussions sont en cours au sein de l'UE pour les exclure d'un grand nombre de ces comités, et cela doit continuer. Je pense que cela envoie un message fort, principalement à l'entourage de Poutine, car je ne pense pas que Poutine s'en préoccupe vraiment. Il s'agit des personnes qui l'entourent et qui ne veulent pas être des parias internationaux, même si c'est ce qu'il est en train de faire d'eux.
    Monsieur Breault, donnez une réponse très brève, si vous voulez ajouter quelque chose.
    La Russie ne sera pas expulsée du G20. Trop d'États soutiennent encore la Russie à ce stade.
     La Chine est allée jusqu'à accréditer la thèse selon laquelle il y avait des laboratoires biologiques parrainés par la CIA en Ukraine. Lorsque la question a été soulevée au Conseil de sécurité des Nations unies, la Chine a déclaré qu'il devrait y avoir une enquête à ce sujet par l'entremise d'un mécanisme multilatéral.
     Nous pourrions nous réjouir d'exclure la Russie des institutions multilatérales, mais cela ne changera rien au portrait global que nous avons actuellement, malheureusement.
    Je vous remercie.
     Merci beaucoup, madame McPherson.
     Chers collègues, nous sommes au début du deuxième tour. Je propose que nous compressions notre temps, car un deuxième groupe nous attend. Avec votre indulgence, nous avons aussi quelques questions d'ordre administratif à régler qui ne prendront probablement pas plus de cinq minutes à la fin.
    Si vous êtes d'accord, nous réduirons le temps de parole au deuxième tour à trois minutes pour les libéraux et les conservateurs et à deux minutes pour les bloquistes et les néo-démocrates afin de donner à tout le monde la chance d'intervenir et de poser des questions à ce groupe...
    Ne serait‑ce pas quatre et deux, pour que la proportion soit égale?
    Cela nous amènerait à dépasser l'horaire. Nous devrions faire un compromis avec le deuxième groupe de témoins, monsieur Genuis. Je pense qu'il y a là aussi un témoignage intéressant.
    Essayons. Nous dépassons inévitablement un peu ces limites de toute façon.
    Allez‑y, pour trois minutes. La parole est à vous.
    Merci. Je serai bref, alors.
     Je voudrais poser une question sur la possibilité d'un changement politique en Russie. Dans ce contexte, quel est le processus propre au lancement d'une arme nucléaire par la Russie? Quelles parties de la chaîne de commandement y participent?
     La Russie a une longue histoire de révolutions de palais. Je veux simplement comprendre les scénarios possibles et les répercussions pour les armes nucléaires.
    Je vais laisser la question de la chaîne de commandement à ma collègue. Je peux répondre à la question sur les révolutions de palais.
    Comme historienne... nous avons vu Khrouchtchev se retirer pacifiquement du pouvoir. Je pense que ce serait le meilleur scénario possible.
     Le mécanisme pour l'évincer est soit un assassinat, soit une révolution de palais. Je pense que cette dernière possibilité est la plus probable. Nous ne la verrons pas arriver avant qu'elle se produise, parce que les gens qui préparent ce coup...
     Encore une fois, comme historienne... il y a eu des tentatives de destitution d'Hitler. Elles ont échoué et nous ne l'avons appris qu'après coup. Il se pourrait bien qu'il se passe quelque chose que nous ne voyons pas.
(1625)
    Vous diriez que nous ne pouvons attribuer aucune probabilité à cette éventualité. Nous n'avons pas...
    Je pense que la probabilité existe, absolument.
    Je comprends de votre réponse que nous ne pouvons pas commencer à faire des conjectures sur cette probabilité.
    Nous ne pourrons pas la voir parce qu'il s'agit d'un régime politique fermé. Si ses adversaires complotent, ils se cachent de lui et de nous.
    D'accord.
     Puis‑je entendre parler de la chaîne de commandement nucléaire? Je veux essayer de poser une autre question par la suite.
    Je partage l'avis de Mme Dyczok. Presque tout est possible.
     En ce qui concerne la chaîne de commandement, si vous voulez employer une arme nucléaire, vous avez besoin de l'approbation de trois personnes: M. Poutine, M. Gerasimov et M. Shoigu, le ministre de la Défense. Voilà pourquoi M. Poutine les a appelés plus tôt. Au tout début, il a tenu une réunion spéciale avec M. Gerasimov et M. Shoigu et leur a essentiellement demandé de mettre le commandement stratégique nucléaire en état d'alerte.
     Nous ne savions pas à ce moment‑là si cela signifiait que la base de lancement mobile serait placée sur les rails. Il n'y a pas eu d'observation d'un quelconque mouvement, juste l'ajout de personnel dans les environs, donc, nous ne savons pas...
    Il a besoin de trois personnes et il contrôle ces deux personnes, donc...
    Merci. Il me reste 30 secondes.
     Que fait la Chine? Quel est l'objectif de la Chine? Que pouvons-nous faire pour contrer le rôle de la Chine dans cette situation?
    La Chine attend simplement de voir comment elle pourra en profiter. Elle ne va pas appuyer la Russie ou s'y opposer. Elle veut que la Russie s'affaiblisse, puis elle prendra sa place sur l'échiquier international... C'est ce que la Chine attend.
    Pourquoi la Chine veut-elle que la Russie s'affaiblisse?
    Parce qu'elle pourra alors prendre la place de la Russie et jouer un rôle plus important.
    C'est pour avoir accès à des ressources naturelles à meilleur prix. La Chine est assurément la gagnante dans cette confrontation.
     La Russie jouit maintenant de cette amitié éternelle, comme ils l'ont appelée au début des Jeux olympiques. Tout bouge, mais la Chine se range du côté de la Russie dans cette bataille contre l'unilatéralisme américain et l'appel à un monde multipolaire, donc cette amitié éternelle pourrait...
     Je ne pense pas que la Russie soit très à l'aise avec la relation asymétrique qu'elle entretient avec la Chine sur le long terme, mais en même temps, la Chine rit parce que c'est ce qui est en jeu.
     Si l'Occident essaie de s'en prendre à la Russie et à la Chine en même temps, nous avons un problème. Nous n'avons pas les ressources économiques et militaires pour nous en prendre à ces deux superpuissances en même temps. Nixon...
    Merci beaucoup, monsieur Brault. Nous allons devoir en rester là.
     Merci, monsieur Genuis.
    Docteure Fry, vous avez trois minutes.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
     Je vais aller droit au but, car j'ai deux ou trois points à soulever.
    Comme tout le monde le sait, c'est une situation sans issue. Vous avez parlé de la bataille de bar et les types qui se tiennent derrière la Russie sont l'Iran, peut-être l'Inde, la Corée du Nord et la Chine. Ce sont les types avec les gros calibres. Nous nous présentons à cette bagarre de bar avec des couteaux. Nous n'avons qu'un seul type armé et ce sont les États-Unis d'Amérique.
     Au début, lorsque l'accord de Budapest a été proposé, il a retiré l'énergie nucléaire au Kazakhstan, à l'Ukraine et à beaucoup d'autres personnes, alors...
    Au Bélarus.
    ... nous n'avons pas de grandes et nouvelles puissances nucléaires en Europe.
     La deuxième chose que nous devons examiner n'est pas de savoir s'il peut enfoncer le bouton ou pas. Il se peut très bien que les autres types qui se tiennent derrière lui aient aussi une dent contre l'Occident et les États-Unis et qu'ils veuillent tous prouver quelque chose. Pour l'instant, nous entendons dire que personne ne veut le pousser au cas où il le ferait, donc nous sommes dans une impasse. Personne ne veut le pousser, mais il a besoin d'être poussé un peu plus loin. Les sanctions économiques, à moins que nous ne sortions complètement les Russes de SWIFT, ne vont pas fonctionner.
    Qu'avons-nous dans notre arsenal?
     Je suis préoccupée par la guerre nucléaire. Je pense que la dernière fois que nous en avons été aussi près, c'était pendant la Baie des Cochons. Sans la volonté politique de M. Kennedy et de M. Khrouchtchev à l'époque, il y aurait eu une guerre nucléaire.
     Nous savons que nous en sommes très près. Il faut en tenir compte, mais cela ne doit pas nous empêcher de faire quoi que ce soit. Quelles sont les mesures que nous, en tant qu'Occidentaux, en tant qu'« alliés », pouvons prendre?
     Vous avez tout à fait raison. C'est une impasse. Au bout du compte, à long terme, il se peut très bien que M. Poutine n'appuie pas sur le bouton et que tout ce qu'il veut vraiment, c'est conserver le Donbass, Luhansk et la Crimée et s'emparer de la Transnistrie, etc. Il ne cherche peut-être qu'à faire cela, mais il place de gros canons devant lui pour y parvenir.
(1630)
    Je suis d'accord avec vous. Il s'agit d'une impasse et les outils dont nous disposons en tant que membres de la communauté internationale sont inadéquats. C'est ce que je voulais dire.
     C'est le moment de trouver de nouvelles idées. Je me creuse les méninges et je pense que nous devons tous le faire.
     Je ne sais pas si nous nous présentons avec des couteaux, car une partie importante de ce qui se passe ici est une guerre de l'information et je pense que nous ne devrions pas la négliger.
     Il y a beaucoup de conjectures, que vous venez de mentionner, sur ce que Poutine veut. Il a été très clair sur ce qu'il veut et il l'a répété encore et encore. Il y a ce long article qu'il a écrit sur le fait que l'Ukraine n'est pas une nation, que l'Ukraine fait vraiment partie de la Russie. Dans ses déclarations précédentes, dans son esprit, l'Ukraine fait partie de la Russie et il essaie d'asseoir son contrôle sur l'Ukraine et de parvenir à une hégémonie régionale. Il ne s'agit pas de la Crimée ou du Donbass, il s'agit de rétablir la grandeur de la Russie. Si vous prenez ses déclarations, il s'agit de restaurer la gloire russe et la façon dont il présente la chose...
    Je suis désolée, je suis en train de manquer de temps.
    En effet, votre temps est écoulé, docteure Fry. Je vous remercie beaucoup.
    Je n'ai pas eu la chance de [inaudible]. C'était trois minutes très courtes, monsieur le président. Je ne vais pas vous supplier, mais j'aurais aimé entendre M. Breault sur ce sujet, mais que voulez-vous.
    Monsieur Breault, si vous avez quelque chose à ajouter en 20 secondes, je vous laisserai faire, puis nous devrons passer à M. Bergeron en raison des contraintes de temps. Notre horaire est très serré cet après-midi.
    J'ai le mauvais rôle ici, parce que la question n'est pas de savoir si nous avons raison ou tort d'essayer de nous opposer au dictateur. Il s'agit de savoir si nous en avons les moyens. La réponse est que nous ne les avons pas.
     Ce qui prend fin, c'est ce contexte unipolaire où nous pensions que l'OTAN pouvait jouer un rôle dans le monde entier. La Russie et la Chine vont plutôt imposer un retour en arrière. Le fait est qu'elles auront leur propre sphère d'influence, comme elles l'ont fait lorsqu'elles se sont engagées en 1968 à Prague, en 1956 en Tchécoslovaquie, et lorsqu'elles étaient en Afghanistan. Tout cela était terrible, mais à l'époque, nous reconnaissions leur force et nous disions: « C'est dans leur cour ».
     Je pense que c'est...
    Merci beaucoup. Nous allons devoir en rester là, car le temps file à toute allure cet après-midi.

[Français]

    Monsieur Bergeron, vous avez la parole pour deux minutes.
    Je vous remercie, monsieur le président.
    J'aurai peut-être l'occasion d'offrir à M. Breault la possibilité de compléter sa réponse.
    Nous recevons ces jours-ci des parlementaires ukrainiennes. Elles nous disent que les négociations de paix, à leur avis, ne sont que de la poudre aux yeux et que la Russie n'a aucune intention de conclure quoi que ce soit avec l'Ukraine. Selon elles, la Russie prétend vouloir effectuer un retrait stratégique pour se concentrer sur le Donbass, mais ce n'est encore là que de la poudre aux yeux, de la dérobade, de la ruse. Elles affirment que l'objectif est toujours de s'emparer de Kiev.
    Qu'en pensez-vous?
    Je suis d'avis que les discussions en cours sont vouées à l'échec, parce que les Ukrainiens ne sont pas non plus prêts à faire quelque concession que ce soit. Pour la survie des civils en Ukraine, j'aurais aimé entendre les Ukrainiens accepter l'idée de la neutralité et affirmer que l'idée de devenir membre de l'OTAN n'est pas acceptable. On pourrait comprendre cela.
    Pourquoi ne pas laisser tomber le Donbass, qui est si prorusse? Pourquoi ne pas reconnaître la souveraineté russe et se concentrer sur ce qui serait quand même une grande Ukraine, qui pourrait aspirer à l'intégration dans l'espace économique européen?
    Pourquoi ne règle-t-on pas le problème lié à la corruption et au manque de transparence? Je suis désolé, mais l'Ukraine n'est pas une démocratie. On a fermé les journaux d'opposition et je vous rappelle que, quelques mois avant que M. Zelenski frappe à nouveau à la porte de l'OTAN, les liens étaient rompus entre le Fonds monétaire international et l'Ukraine, parce que cette dernière n'était pas suffisamment transparente.
    J'espère donc que les Ukrainiens feront un grand ménage dans leur gouvernement. Je pense qu'ils auraient dû, pour sauver des vies humaines, accepter de faire quelques concessions. Nous les avons encouragés en leur fournissant des armes. Or, d'une certaine façon, ils sont les victimes de notre effort qui consiste à circonscrire la marge de manœuvre du président Poutine sur la scène internationale. Cela me brise le cœur.
(1635)
    Est-ce uniquement aux Ukrainiens de faire des concessions?
    Je trouve épouvantable de devoir répondre par l'affirmative, monsieur Bergeron.
    Cela devra être le cas si l'on veut que cette situation se règle, à moins que l'on trouve une autre solution ou qu'il y ait une révolution de palais. J'aimerais bien croire à une telle révolution, mais je n'y crois pas.
    Pour sauver des vies humaines, il faudrait peut-être expliquer aux Ukrainiens qu'ils auraient intérêt à considérer les options qui sont présentées. On les entend dire parfois qu'ils rêvent même d'aller jusqu'au bout.
    Mes propos sont à contre-courant et je suis embarrassé de les tenir, parce qu'ils vont à l'encontre de ce que je souhaite au plus profond de mon âme.
    Je vous remercie, monsieur Bergeron et professeur Breault.

[Traduction]

     Nous avons Mme McPherson, s'il vous plaît, pour deux minutes.
    Merci, monsieur le président.
    J'entends la douleur de ce que vous dites à propos de la négociation avec les Russes alors qu'ils commettent des crimes de guerre et des crimes contre l'humanité. Je l'entends bien.
     Je veux parler de certaines autres choses que les Canadiens peuvent faire, car comme nous le savons tous, le Canada n'a pas la capacité de faire certaines choses. Nous ne le pouvons tout simplement pas, mais ce que nous pouvons faire, c'est aider les gens à venir d'Ukraine, apporter de l'aide humanitaire et fournir tous les services et tout le matériel que nous pouvons pour aider les Ukrainiens à se défendre.
     Je voudrais parler un peu d'immigration et de l'accueil d'Ukrainiens. Tous les députés de l'opposition ont demandé que les Ukrainiens puissent voyager sans visa. Cela aiderait‑il? Je vais poser cette question à Mme Dyczok. Je vais également poser une question sur la façon dont nous aidons les Ukrainiens lorsqu'ils sont ici. Par exemple, j'étais en Pologne il y a quelques semaines et la Pologne est en mesure d'offrir un soutien limité en matière de soins de santé aux Ukrainiens lorsqu'ils se trouvent dans ce pays. Le Canada ne fournit pas ce soutien en matière de soins de santé.
     Pourriez-vous nous en parler un peu, s'il vous plaît?
    Pour mon co‑expert, l'Ukraine a offert la neutralité lors de la dernière série de pourparlers de paix, et cela a été rejeté. Il ne s'agit pas de dire qu'elle n'était pas prête à le faire; elle l'a fait.
     Pour ce qui est de la question humanitaire, je crois que le Canada devrait contempler la situation en fonction de stratégies à court terme, à moyen terme et à long terme, car à l'heure actuelle, les gens fuient parce qu'ils sont attaqués. Certaines personnes cherchent simplement un endroit où se mettre à l'abri jusqu'à ce que tout soit terminé. D'autres voudront peut-être rester plus longtemps. À mon sens, nous devons garder à l'esprit que différentes demandes viendront des personnes qui fuient.
     Je pense que les soins de santé doivent absolument faire partie du tout. Ces personnes fuient la guerre, et elles peuvent être blessées. Elles sont probablement traumatisées. Si elles ont des problèmes de santé, les soins doivent faire partie du tout.
     Le financement est toujours la question délicate. Les personnes qui fuient la guerre... Notre université a déjà mis en place des programmes. C'est le cas partout. Je pense que le gouvernement canadien fait un très bon travail; cependant, certaines des agences qui travaillent avec le gouvernement canadien, comme la Croix‑Rouge, dépensent leur argent en matériel promotionnel plutôt que de le donner aux Ukrainiens dans le besoin, c'est donc quelque chose. Un de mes amis vient de recevoir un colis de la Croix‑Rouge. Il a fait un don de 500 $, et ils lui ont envoyé ce gros paquet, comprenant un stylo avec son nom dessus. Il a dit: « J'ai donné de l'argent pour aider les Ukrainiens, pas pour recevoir un stylo personnalisé, merci beaucoup. »
    Nous allons devoir en rester là. Merci beaucoup, madame.
     Monsieur Aboultaif, vous avez la parole pour trois minutes.
    En raison du manque de temps, j'ai une petite question à poser à l'un ou l'autre d'entre vous.
     Selon vous, est‑ce une question de leadership ou une question d'empire, en ce qui concerne la Russie?
    Poutine a des ambitions impériales, sans aucun doute, et il veut étendre son influence, je pense que c'est très clair.
     La question que personne ne pose, et qui, je crois, doit vraiment être mise sur la table, concerne ce problème. Nous parlons de la Russie comme d'un monolithe, mais il s'agit de la Fédération de Russie, et il y a beaucoup de non-Russes dans la Fédération de Russie. Si vous regardez où se trouve l'énergie, ce n'est pas dans la partie européenne de la Russie, c'est dans les parties non européennes de la Russie, donc je pense que l'une des conséquences négatives possibles pour Poutine pourrait être le mécontentement dans les républiques. Nous avons vu la Tchétchénie écrasée, mais il y a la Yakoutie et toutes les autres entités de Sibérie... Ce sont des choses que nous devrions également surveiller, ce qui se passe en Russie, et pas seulement ce que Poutine dit...
(1640)
    J'aimerais poser une question à M. Breault.
     Je regarde l'avenir et l'avenir nous dit que peu importe comment cela se termine — en fin de compte, nous sommes dans le cours de circonstances malheureuses de l'histoire — ce ne sera pas le dernier chapitre de ce conflit.
     Pourriez-vous nous faire part de vos observations à ce sujet, monsieur Breault?
    Après la Deuxième Guerre mondiale, l'économie américaine représentait environ 50 % de l'économie mondiale. Nous vivons dans un système financier mondial qui repose sur le dollar, et cela est en train de changer. L'Asie avance. L'économie américaine ne représente plus que 22 % de l'économie mondiale. Il faudra donc, à un moment donné, négocier un nouvel accord entre les puissances mondiales.
     Voilà comment j'explique cela à mes étudiants: les plaques tectoniques sont en mouvement, et la question est de savoir si elles vont glisser en douceur ou si elles vont se heurter à un moment donné et provoquer un tremblement de terre. Je vois ce dont nous sommes témoins en Ukraine comme le premier grand tremblement de terre que nous avons dans ces mouvements tectoniques, et c'est inévitable. Les États‑Unis ne seront pas la seule superpuissance mondiale au cours du prochain siècle. Comment allons-nous faire la transition vers un monde multipolaire, où l'Inde sera là, où la Chine sera là avec la Russie? C'est là la question fondamentale. La crise ukrainienne n'est qu'une des nombreuses nouvelles crises qui vont se succéder. Surveillez Taïwan dans les mois à venir...
    Devons-nous espérer que ce sera le dernier chapitre avant que cela ne s'intensifie et ne s'étende davantage?
    Répondez très brièvement, s'il vous plaît.
    C'est possible.
    Merci.
    Merci. Merci beaucoup, monsieur Aboultaif.
     Monsieur Oliphant, trois minutes, s'il vous plaît.
    Je vais essayer d'être rapide. Je veux dîner avec vous deux parce que j'ai besoin de deux heures avec vous.
     Monsieur Breault, l'un de vos domaines est la guerre froide et la réémergence d'une guerre froide. Quelles sont vos réflexions...? Nous avons un problème à court terme. Pour ce qui est du moyen et du long terme, le côté positif est que les forces alliées, l'OTAN et les autres organisations semblables, sont très fortes. Nous n'avons jamais été aussi unis qu'en ce moment. Toutefois, M. Poutine jouit toujours d'une très grande popularité en Russie et dans la fédération. Que pensez-vous d'une guerre froide à moyen et à long terme?
     Je vais vous donner une réponse déprimante. Je pense qu'un nouveau rideau de fer est déjà en train de se déployer dans la région, et Poutine n'en a cure. Depuis son retour en 2012, vous avez pu constater le retour d'une position idéologique très conservatrice, selon laquelle l'occident dégénéré et sodomite contamine l'âme de la grande civilisation orthodoxe slave. Cela semble terrible, mais il suffit d'écouter le patriarche Kirill justifier cette guerre, car nous luttons essentiellement contre la propagation des idées LGBTQ+.
    C'est exact.
    Cela va assez vite. Pendant un long moment, les Russes et la Russie voyaient d'un bon œil l'intégration du monde civilisé dans une maison commune, pour reprendre les termes de Gorbatchev, mais plus maintenant.
    Allons dîner ensemble pour parler davantage de cela. Je pense que c'est un sujet sur lequel notre comité doit faire un suivi.
    Puis‑je intervenir à ce sujet?
    J'en ai une autre pour vous, parce que j'ai lu aujourd'hui un blogue très intéressant écrit par une ancienne journaliste de la BBC, maintenant indépendante, Farida Rustamova, qui a fait un certain travail intéressant sur la popularité de Poutine.
    Au cours des premières semaines, la campagne de désinformation n'avait pas été lancée par la Russie comme elle l'a été plus tard, et son article est très intéressant, car elle parle de la ténacité de Poutine et de la façon dont les sanctions occidentales créent le problème d'encourager l'unité entre ces oligarques, et non la désunion.
     Avez-vous des idées à ce sujet?
    Absolument. C'est une bonne question.
     Il est vraiment difficile d'avoir une idée précise de la popularité de Poutine, car il s'agit d'une société non démocratique. Cela dit, il y a des sondages d'opinion. Dans les premiers, lorsque la guerre s'est intensifiée, à partir de février, sa popularité était assez faible avant cela. Elle est passée de 50 % à 70 %. Dans le dernier sondage d'opinion publié, par le Levada-Center, sa popularité est passée à 85 %.
(1645)
    Elle est passée à 83 %, oui.
    C'est assez inquiétant. Encore une fois, il faut prendre cela avec un grain de sel, mais je pense que c'est un indicateur.
     Comme nous le savons tous, il a coupé toute information provenant de l'extérieur de la Russie, donc il contrôle complètement le récit. Il est très fort pour alimenter les tropes — l'Occident essaie de nous humilier, etc. — et cela éveille chez les Russes le sentiment de perte post-impérial. Nous avons vu cela en Grande‑Bretagne, et nous l'avons vu dans d'autres pays impériaux. Lorsque l'on perd l'empire, on perd le statut, et il exploite cela.
    Nous ne voulons pas...
    Malheureusement, M. Oliphant, je m'excuse. Pour des considérations de temps — je déteste faire cela —, nous devrons nous arrêter ici, hélas.
     Chers collègues, en notre nom à tous, je tiens à remercier nos deux experts d'avoir été des nôtres cet après-midi.

[Français]

    Professeur Breault et madame Dyczok, je vous remercie beaucoup d'avoir comparu devant le Comité et de nous avoir apporté votre témoignage.

[Traduction]

    Soyez prudents. Nous allons suspendre la séance pour permettre à notre deuxième groupe de témoins de se joindre à nous, puis nous reprendrons très bientôt. Je vous remercie.
(1645)

(1645)

[Français]

    Chers collègues, nous passons maintenant au deuxième groupe de témoins, à qui j'aimerais souhaiter la bienvenue.
    Nous accueillons donc Mme Magdalena Dembińska, qui est professeure titulaire au Département de science politique de l'Université de Montréal,

[Traduction]

et Timothy David Snyder, professeur d'histoire à la Yale University.
     Vous aurez chacun cinq minutes pour votre exposé, après quoi nous passerons aux questions des membres une fois de plus.
     Je vous ferai signe au moyen du carton jaune lorsqu'il ne vous restera plus que 30 secondes pour poser vos questions ou témoigner.

[Français]

    Professeure Dembińska, vous avez la parole pour cinq minutes.
    Je vous remercie de m'avoir invitée à comparaître devant le Comité.
    On ne s'attendait pas à ce que la guerre dure aussi longtemps. Malgré la supériorité militaire de la Russie, l'armée ukrainienne résiste. La situation sur le front stagne depuis un moment. Tout indique que le Kremlin a fait un autre calcul mal informé. Laissez-moi revenir un peu en arrière.
    En effet, en 2014, l'annexion de la Crimée et l'appui aux séparatistes dans le Donbass devaient dissuader Kiev de se tourner vers l'Occident et de signer les accords d'association avec l'Union européenne. Il n'en est rien. Les accords sont signés en 2015. Le soutien populaire à l'Union européenne monte et atteint près de 75 %. L'appui à l'adhésion à l'OTAN triple et atteint près de 60 %. Les guerres, celle dans le Donbass depuis 2014, suivie de celle d'aujourd'hui, brouillent en même temps les différences régionales. Des régions de l'est et du sud, traditionnellement russophones et russophiles, appuient l'Ukraine contre l'invasion de la Russie et les sentiments antirusses augmentent.
    Pour contrôler l'Ukraine, les accords de Minsk de 2014 et 2015 devaient permettre, selon l'interprétation du Kremlin, la réintégration du Donbass au sein de l'Ukraine comme territoire autonome au statut spécial, ce qui leur aurait donné, de facto, un droit de veto sur l'orientation géopolitique future de l'Ukraine. Devant le fiasco de ce scénario, profitant d'un affaiblissement perçu de l'Occident, M. Poutine, utilisant la pression militaire à la fin de 2021, espérait obtenir des garanties de l'OTAN concernant la fin de son élargissement et le retrait de ses troupes du flanc oriental. Il n'en est rien. L'invasion de l'Ukraine s'ensuit, la résistance et la détermination des Ukrainiens, là encore, surprennent le Kremlin. L'idée de M. Poutine de renverser le gouvernement à Kiev et d'établir une grande Russie a rencontré un véritable obstacle. Nous sommes maintenant dans une sorte d'impasse sur le terrain qui explique l'impasse dans les négociations, où les parties ne sont pas prêtes à faire des concessions.
    Moscou demande toujours la reconnaissance par Kiev de l'annexion de la Crimée et de l'indépendance des régions de Louhansk et de Donetsk. Moscou veut la démilitarisation de l'Ukraine et son statut de neutralité, y compris implicitement la non-adhésion à l'Union européenne aussi. Si l'Ukraine se dit prête à discuter de la neutralité, elle demande en échange des garanties de sécurité. Quant aux concessions sur l'intégralité territoriale, il est clair qu'elles seraient considérées comme illégitimes aux yeux de la population. M. Zelenski veut donc remettre aux années à venir toute négociation là-dessus. Tout arrangement futur devra être soumis à un référendum. En effet, toute entente conclue au-dessus de la tête des Ukrainiens n'a que peu de chance de tenir.
    Il va sans dire que, devant le drame humain qui se déroule sous nos yeux, un cessez-le-feu est nécessaire. Même s'il n'est pas dans l'intérêt de Moscou de pérenniser la guerre, qui lui a coûté quelque 25 milliards de dollars depuis le 24 février dernier, la Russie a tout intérêt de prolonger encore un peu les pourparlers, afin de gagner suffisamment de terrain pour pouvoir parler du succès de son opération.
    D'un côté, malgré les quelques percées de l'armée ukrainienne ces derniers jours, il est peu probable que celle-ci soit en mesure, à elle seule, de repousser l'armée russe de la totalité de son territoire. D'un autre côté, tout en s'assoyant à la table de négociation, la Russie intensifie l'ampleur et la brutalité des actions armées sur le terrain en espérant briser le moral du côté ukrainien et y faire émerger des divisions politiques menant éventuellement à la capitulation. L'attente d'un tel dénouement risque d'être trop longue et trop coûteuse. Un autre scénario, en fait, se dessine maintenant. C'est la partition de l'Ukraine, qui était déjà évoquée en 2014.
    Outre la Crimée, au minimum, il s'agit d'occuper, à l'est de l'Ukraine, la totalité du Donbass, au-delà des territoires contrôlés par les séparatistes prorusses des républiques autoproclamées, y compris notamment la ville et le port de Marioupol, qui subissent toujours une offensive brutale.
    Le plan semble toutefois plus ambitieux pour le moment. Dans le sud du pays, l'offensive augmente autour de Mykolaïv et autour d'Odessa. Dans la région de Kherson, les forces russes tentent de mettre en place une autre république populaire prorusse. Si la Russie réussit à avancer sur ces territoires de l'est et du sud, elle aura le contrôle du lien terrestre entre le Donbass et la Crimée et potentiellement aussi, par Odessa, avec la Transnistrie, république autoproclamée prorusse, située en Moldova. Moscou pourrait alors clamer un succès géopolitique, celui d'avoir coupé l'Ukraine de la mer Noire, sur laquelle la Russie dominera.
    Où s'arrêtera la Russie? Cela dépend essentiellement du temps qu'elle arrivera à gagner avant la signature d'un cessez-le-feu, d'où l'importance de toujours faire plus de pression, d'envoyer toujours plus d'aide à l'Ukraine et d'imposer des sanctions encore plus sévères pour affaiblir rapidement la capacité militaire de la Russie. Malheureusement, aucun scénario réaliste ne prévoit le retrait total de la Russie de l'Ukraine.
(1650)
    Je n'aime pas me prononcer et prédire l'avenir, mais à moins d'un revirement spectaculaire de la Russie, il y aura probablement, au cours des prochaines années ou décennies, un autre conflit gelé, un cessez-le-feu, une ligne de démarcation entre les belligérants. Cependant, il n'y aura pas de traité de paix, car ni Kiev ni la communauté internationale ne reconnaîtront une telle partition forcée de l'Ukraine.
    Pour sa part, la Russie a l'habitude d'utiliser des territoires dans les pays voisins pour faire avancer son programme géopolitique. Depuis plus de 30 ans, la Transnistrie ainsi que l'Ossétie du Sud et l'Abkhazie déstabilisent respectivement la Moldova et la Géorgie et représentent un obstacle à leurs aspirations occidentales. Une confrontation prolongée se prépare, un mur entre deux civilisations, selon M. Poutine.
    Je vous remercie de votre attention.
(1655)
    Je vous remercie beaucoup, professeure Dembińska.

[Traduction]

    Monsieur Snyder, vous avez la parole pour un exposé de cinq minutes.
    Merci beaucoup. C'est un honneur d'être invité à témoigner.
     Après cette introduction extrêmement compétente, ce tour d'horizon, ce que je voudrais faire de mon temps, c'est simplement présenter quelques concepts qui, je pense, aident à comprendre la forme générale de ce qui se passe. Ensuite, je répondrai volontiers à vos questions.
     En tant qu'historien, je n'ai aucun doute que la période que nous vivons actuellement est un tournant dans l'histoire du monde, mais comme tous les tournants, nous ne pouvons pas vraiment être sûrs de la direction que prennent les choses. J'aurai quelque chose à dire à ce sujet vers la fin.
     Je crois que quatre grands concepts sont utiles pour comprendre ce qui se passe.
    Premièrement, l'adversaire auquel l'Ukraine est confrontée ici, l'ennemi auquel l'Ukraine est confrontée ici, peut être caractérisé comme une « oligarchie ». La Russie est un État qui se caractérise par des concentrations extrêmes de richesses. Le gouvernement de la Russie est en quelque sorte un clan oligarchique dominant, et la guerre de la Russie contre l'Ukraine un genre de fantasme des oligarques.
     Le deuxième concept, une deuxième catégorie et un deuxième terme politique classique qui aide à comprendre ce qui se passe, est celui de la « tyrannie ». M. Poutine est un tyran au sens classique du terme, tel que décrit dans les chapitres 8 et 9 de La République de Platon. Il est loin des conseillers utiles. Il est incapable d'écouter les conseils. Il est de plus en plus engagé dans ses propres conceptions, auxquelles il semble croire de plus en plus.
     Un troisième concept utile — qui a été soulevé, je crois, par le groupe de témoins précédent — est le concept d'« empire », et pas dans une sorte de sens vague ou métaphorique, mais dans le sens précis de l'histoire des empires européens en tant qu'entités qui ont nié que les autres pays soient des États et que les autres peuples sont des nations. Un aspect très précis de l'agression de la Russie envers l'Ukraine est l'affirmation constante que l'Ukraine n'est pas un État et que l'Ukraine n'est pas une nation. Cela rappelle 500 ans d'impérialisme européen. Cela rappelle aussi tout particulièrement le genre d'arguments avancés par Hitler et Staline en 1938 et 1939, pendant une période d'impérialisme européen au sein même de l'Europe.
     En plus de cela, je souligne — et je crois faire écho ici à ce que d'autres intervenants ont dit — que nous sommes maintenant dans une deuxième étape de la guerre, la première étape étant caractérisée par la croyance en cette vision impériale et par la conviction que l'Ukraine tomberait en deux ou trois jours. L'opération militaire, telle qu'elle a été conçue initialement, supposait qu'il n'y avait effectivement aucun État ou aucune nation qui résisterait, et qu'au troisième jour de l'invasion, Poutine serait déjà en train de négocier avec son propre régime fantoche et qu'il y aurait un défilé de la victoire.
     Comme cela ne s'est pas révélé être le cas, les militaires russes, ainsi que la garde nationale russe, les irréguliers tchétchènes et autres, doivent maintenant essayer de faire en sorte que le monde ressemble à l'idée que Poutine s'en fait. Il s'agit maintenant, dans un sens assez littéral, d'une guerre de destruction ou d'une guerre d'anéantissement, où la nation ukrainienne et l'État ukrainien doivent être détruits ou, à tout le moins, humiliés, afin que le monde ressemble à ce que Poutine a dit.
     Le quatrième terme utile pour moi est l'« irréalité ». Cette guerre est menée non seulement au nom de ces concepts classiques, qui sont mes concepts, mais aussi au nom des concepts de Poutine, qui sont des concepts comme la « dénazification ». En fait, Poutine mène une guerre d'agression au nom de la Deuxième Guerre mondiale. Il mène une guerre qui vise à détruire, au nom de la dénazification, un gouvernement et un État, dont le président est juif.
     Cette guerre se déroule, bien sûr, de façon très tangible et réelle, avec des milliers et des milliers de personnes qui meurent, mais elle se déroule aussi, d'une certaine manière, dans « l'irréalité ». C'est une guerre pour l'élimination des concepts. C'est une guerre pour nous démoraliser. C'est une guerre pour vider de leur sens les mots que nous utilisons pour régler le passé et penser à l'avenir.
     Mon dernier mot porte sur la démocratie. Nous parlons beaucoup de la démocratie, et nous atteignons maintenant un stade où la lutte contre la démocratie est devenue explicite et violente. Il y a eu beaucoup de mouvements antidémocratiques, et ils sont en train de gagner, mais il est assez rare qu'une guerre pour détruire la démocratie soit menée à une telle échelle, avec tant de destruction et si soudainement.
    Cette démocratie n'est pas parfaite; c'est une démocratie réaliste, mais elle possède les attributs fondamentaux de la primauté du droit, de la liberté d'expression et du pluralisme. Le fait qu'il s'agisse d'une démocratie de tous les jours et normale contribue à expliquer pourquoi les Ukrainiens se battent. Ils sont très conscients de ce que cela signifierait de perdre. Cela signifierait perdre leur existence politique, leur existence civique et leur existence nationale.
(1700)
     Je termine sur une note un peu différente peut-être. Je crois qu'une bonne idée de la conclusion de cette guerre est une bonne idée de ce qu'est la victoire. Gagner ne signifie pas nécessairement que les Ukrainiens chassent les Russes de leur territoire. Gagner signifie que les Ukrainiens réussissent suffisamment bien pour qu'une pression politique se fasse sentir au Kremlin.
     Je ne crois pas que la guerre se terminera tant que la pression politique ne se fera pas sentir au Kremlin, et je crois que c'est ce que nous devons viser.
    Monsieur Snyder, merci beaucoup pour votre exposé.
     Chers collègues, je suis mis au défi par l'heure cet après-midi. Je propose que nous fassions ce que nous avons fait au premier tour, c'est‑à‑dire comprimer légèrement nos tours de questions pour nous assurer que tout le monde ici a la possibilité de poser au moins une question à notre deuxième groupe de témoins. Je suis également conscient du fait que c'est jeudi soir et qu'au moins certains d'entre nous doivent rentrer dans leur circonscription ce soir; par conséquent, je ne suis donc pas très enclin à finir tard.
     Si mes collègues veulent bien que nous commencions par un tour de quatre minutes, je crois que cela nous accorde la souplesse nécessaire pour que tout le monde participe à la conversation. Si vous êtes d'accord, je vais donner la parole à M. Chong pour un premier tour de quatre minutes.
     Allez‑y, monsieur.
    Merci, monsieur le président.
     Mes deux questions s'adressent à M. Snyder. L'une porte sur le nucléaire, et l'autre sur la sécurité alimentaire. Je pose ces deux questions dans le contexte de votre vision historique de ces deux aspects.
     Les armes nucléaires tactiques constituent la catégorie d'armes nucléaires la moins réglementée et ne figurent pas dans les traités nucléaires stratégiques auxquels la Russie est partie. La Russie n'a pas exclu l'utilisation d'une bombe nucléaire tactique pour protéger ses troupes en retraite. Pouvez-vous nous parler de la doctrine nucléaire tactique russe et de la réponse, selon vous, que les États‑Unis et l'OTAN devraient avoir si la Russie utilise une arme nucléaire tactique ou encore une arme chimique ou biologique?
     Ma deuxième question concerne la sécurité alimentaire. On estime que les engrais azotés synthétiques contribuent à la moitié de la production agricole mondiale. En d'autres termes, sans cet engrais, fabriqué à partir de gaz naturel, nous ne pourrions nourrir qu'environ la moitié des habitants de la planète, au lieu des sept milliards de personnes qui vivent aujourd'hui sur la planète. La Russie représente environ un quart de toutes les exportations mondiales d'engrais à base d'ammoniac et un sixième environ de toutes les exportations d'engrais à base d'urée. Nombreux sont ceux qui sonnent l'alarme d'une pénurie alimentaire au cours des six prochains mois. D'un point de vue historique, pouvez-vous nous dire ce que d'éventuelles pénuries alimentaires pourraient signifier pour la stabilité géopolitique en Europe et dans le monde?
     Vous avez environ trois minutes et demie pour répondre à ces deux questions. Je vous remercie.
    Merci. Ces deux questions sont fort réjouissantes, et je vous félicite d'avoir rendu mes remarques encore plus sombres qu'elles ne l'étaient initialement.
     En ce qui concerne la première question, celle des armes nucléaires tactiques, du point de vue le plus large, je crois qu'il doit y avoir une réaction d'anticipation qui va au‑delà de l'Amérique du Nord et de l'Europe. Je pense que nous devrions être en mesure d'obtenir un consensus sur l'utilisation des armes biologiques, chimiques et nucléaires tactiques qui va au‑delà de l'Amérique du Nord. Je pense que cela devrait se faire au moins à l'échelle de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe, mais peut-être au‑delà des pays qui semblent être des alliés naturels dans cette affaire, parce que l'établissement de normes sur l'utilisation des armes nucléaires ne concerne pas seulement cette guerre. Ce serait ma première réaction.
     Ma deuxième réaction serait — je suis d'accord avec vous — qu'il doit y avoir une sorte de déclaration claire sur le type de dissuasion qui serait possible. J'avoue que ce scénario m'inquiète moins qu'il semble inquiéter d'autres. Je pense que M. Poutine a très bien réussi à présenter cette guerre dans le contexte des choses qu'il pourrait faire, par opposition aux choses qu'il serait capable de faire ou qu'il ferait, et je pense qu'il y a dans tout ça à un élément qui suppose que nous allons passer notre temps à imaginer des scénarios d'escalade.
     Mon post-scriptum serait — vous ne l'avez pas demandé directement, mais je vais juste ajouter ceci — qu'à mon avis, pragmatiquement, la meilleure façon de prévenir les scénarios d'escalade est d'essayer de garder la guerre aussi courte que possible, parce que ce ne sont pas tant les intentions que l'effet multiplicateur du temps qui rend ces choses plus probables. Si nous voyons la moindre occasion de raccourcir la guerre, c'est une raison de plus pour la saisir.
     Sur la nourriture, je suis d'accord avec vous. J'ai écrit un livre intitulé Black Earth, la terre noire, qui est une histoire de l'Holocauste et dans lequel j'essaye de réintroduire le facteur écologique, c'est‑à‑dire que la perception de pénuries à venir tend à rendre les inimitiés raciales et autres perçues beaucoup plus tangibles, plausibles et prépondérantes en politique. Je suis tout à fait d'accord avec cela.
    Le scénario à court terme, je dois dire, ne m'inquiète pas tellement. Je suis plus inquiet d'un scénario à long terme dans lequel la Russie contrôle tout l'accès à la mer Noire, et donc les approvisionnements alimentaires russes et ukrainiens sont ajoutés au gaz naturel comme choses que les dirigeants russes peuvent utiliser comme une arme. Je doute que cette guerre ait réellement commencé par une tentative de contrôle de la mer Noire. Je crois qu'elle a commencé comme une tentative de renverser le gouvernement ukrainien, d'installer un nouveau gouvernement et de créer une Russie élargie. Toutes les preuves le suggèrent. Cependant, au point où nous en sommes, ce qui m'inquiète, c'est un scénario dans lequel la mer Noire serait contrôlée par la Russie.
(1705)
    Monsieur Chong, merci beaucoup.
     Je lutte contre la course effrénée de la montre, comme nous pouvons tous le constater.
     Monsieur Oliphant, vous avez la parole, pour quatre minutes.
    Je crois que c'est Mme Bendayan.

[Français]

     Je vous remercie, monsieur le président.
    Je vous remercie également, monsieur Oliphant.
    Madame Dembińska et monsieur Snyder, je suis très heureuse que vous soyez parmi nous.
    Je tiens particulièrement à remercier Mme Dembińska, qui est professeure titulaire à l'Université de Montréal. Je suis très fière d'être la députée fédérale d'Outremont, où se situe l'Université de Montréal.
    Madame Dembińska, j'ai lu avec beaucoup d'attention et d'intérêt votre article du 27 février 2022 dans le quotidien La Presse. J'invite d'ailleurs tous mes collègues à lire cet article, qui s'intitule « La guerre, point culminant d'une série d'échecs pour M. Poutine », et qui a été publié au cours des premiers jours de cette guerre.
    Dans l'article, vous parlez de l'échec des plans A, B et C du président Poutine. Vous terminez en parlant de son plan B, dans le contexte de cette guerre. Bien sûr, je suis aussi d'avis que le plan du président Poutine était de prendre Kiev et d'y installer un gouvernement de marionnettes. Or, à l'heure actuelle, il semble que ce plan soit également un échec.
    Vous avez évoqué un éventuel plan E, soit la scission de l'Ukraine. Croyez-vous que ce plan va fonctionner?
    Je vous remercie beaucoup de la question.
    Bien entendu, je n'ai pas de boule de cristal, mais l'histoire nous le dira. Je pense que c'est possiblement le scénario le plus réaliste, même s'il est terriblement triste. C'est le plus réaliste en ce sens qu'il donne à M. Poutine la possibilité de dire qu'il a gagné, parce qu'il contrôle la mer Noire et qu'il peut donc séparer l'Ukraine de la mer Noire, des ports importants, des ressources naturelles, et ainsi de suite. Le professeur Snyder en a déjà parlé.
    Je pense que c'est effectivement le plan qu'il essaie de concrétiser. Pour ce faire, il doit faire avancer le front le plus rapidement possible. C'est ce qu'il semble faire. En effet, on constate depuis quelques jours qu'il y a une intensification de l'offensive à Marioupol, mais qu'il y a également, comme je l'ai mentionné déjà, des plans en vue d'installer une autre république prorusse dans la région de Kherson. On voit aussi que la région d'Odessa est sous pression. Il semble que ce territoire situé au sud de l'Ukraine soit celui qui subit présentement le plus de pression.
    Il est important pour M. Poutine d'agir avant de signer un cessez-le-feu. L'histoire nous montre en effet que, qu'il s'agisse des conflits en Moldova, en Géorgie ou ailleurs, lorsque survient un cessez-le-feu, la ligne de démarcation des belligérants se situe là où le front s'arrête. Cette ligne de démarcation est donc extrêmement importante pour M. Poutine.
    Croyez-vous que ce plan inclut Odessa?
    J'en suis certaine. Pour ce qui est de savoir si ce plan va se réaliser, je n'en suis pas certaine. Pour que M. Poutine puisse se tourner vers son électorat, s'il tient compte de ce dernier, pour dire qu'il a réussi et qu'il voulait libérer le Donbass...
(1710)
    Je vous remercie beaucoup, madame Bendayan et professeure Dembińska.
    Monsieur Bergeron, vous avez la parole pour quatre minutes.
    Je vous remercie beaucoup, monsieur le président.
    Je remercie nos témoins des commentaires très éclairants dont ils nous font part.
    Vous avez peut-être suivi les discussions qui se sont tenues avec le premier groupe de témoins et où il a été question de révolution de palais. J'aurais aimé vous interroger à ce sujet. Si vous avez des commentaires à formuler à ce propos, n'hésitez surtout pas à le faire.
    Vous avez entendu parler du fait que l'Occident, en disant qu'il n'interviendrait jamais dans ce conflit, a pour ainsi dire offert à M. Poutine un sauf-conduit lui permettant de faire à peu près ce qu'il veut.
    Encore une fois, vous pourrez répondre à ma question si vous le souhaitez. Est-ce que cela lui donne la possibilité d'employer des armes chimiques, bactériologiques ou même nucléaires?
    Enfin, madame Dembińska, compte tenu du scénario que vous avez évoqué et du fait que la Russie s'est assurée, dans la plupart des ex-républiques soviétiques, de créer un genre d'État fantoche à l'intérieur du territoire, que ce soit la Transnistrie, l'Ossétie du Sud ou le Donbass, croyez-vous que M. Poutine poursuivra avec la Moldova s'il réussit à concrétiser son idée de joindre le Donbass à Odessa?
    Je vais aussi donner l'occasion au professeur Snyder de répondre à la question, mais en ce qui concerne la Transnistrie, je dirais que c’est possible. Par contre, les Transnistriens se gardent de se prononcer là-dessus, contrairement à l'Ossétie du Sud et à l'Abkhazie, par exemple, qui ont tout de suite reconnu le Donbass, Louhansk et Donetsk comme des États indépendants et qui appuient la Russie dans l’invasion de l’Ukraine, car la Transnistrie a d’autres intérêts. Même si elle est tournée vers la Russie et qu’elle en dépend sur le plan du gaz, des finances et de la sécurité militaire, entre autres, elle transige avec l’Europe. Plus de 60 % des exportations de la Transnistrie vont en Europe. Il y a donc une certaine interdépendance.
    Pour le moment, la Transnistrie ne semble pas prête à intervenir avec sa propre armée pour appuyer l’offensive sur Odessa. Toutefois, rien n’est exclu, parce qu’en Transnistrie, il y a une base militaire russe qui, elle, est sous le commandement de Moscou. Les Moldaves peuvent donc certainement avoir des craintes à cet égard.
    Par contre, en ce moment, l’armée russe a beaucoup de retard et je ne pense pas qu’elle a la capacité de s’avancer aussi loin. Je pense que Marioupol est le point stratégique sur lequel Moscou va s’acharner. Éventuellement, si tout se prolonge, la Transnistrie sera aussi impliquée.
    Quant à une révolution de palais, je ne pense pas que l'on puisse compter là-dessus à court terme. C’est plutôt quelque chose qui pourrait arriver à moyen terme ou à long terme. Au Kremlin, tous les dirigeants proches de M. Poutine, comme les oligarques, dépendent de lui pour préserver leur richesse. Il s’est entouré de personnes qui croient, comme lui, en cette idée d'une grande Russie. Je doute donc fortement qu’il y ait un soulèvement populaire. Je pense que ce ne serait possible qu'à très long terme.
    Je vous remercie beaucoup, madame Dembińska et monsieur Bergeron.
    Madame McPherson, vous avez la parole pour quatre minutes.

[Traduction]

    Merci beaucoup, et merci aux témoins d'aujourd'hui. Ce fut très instructif.
     Monsieur Snyder, vous avez parlé de l'effet multiplicateur du temps et de l'idée qu'en fin de compte, ce que nous essayons de faire, à court terme du moins, c'est de mettre fin à la perte de vies, à la violence contre le peuple ukrainien. Vous avez également parlé de l'idée de briser les Ukrainiens par la brutalité. Nous avons entendu parler de la violence sexiste. Nous avons entendu parler d'attaques horribles contre les enfants.
     Il me semble que la négociation est notre seule issue, dans une certaine mesure, et je me demande dans quelle mesure cela est possible. J'aimerais en savoir plus sur la façon dont le Canada peut avoir un rôle dans ce domaine et sur le rôle diplomatique qu'il pourrait avoir pour encourager d'autres pays à agir également.
     Nous avons vu ce qui s'est passé aux Nations unies. Nous avons vu des pays aberrants. Certains, bien sûr, sont faciles à expliquer; d'autres le sont moins. J'aimerais en savoir plus à ce sujet, sur la façon dont nous pouvons progresser à cet échelon.
(1715)
    Merci.
    En répondant à la question, je vais en profiter pour glisser un mot au sujet du scénario du coup d'État, parce que je crains que ce soit intimement lié. J'espère me tromper, mais je crois que la question des négociations n'est pas seulement liée au manque de bonne volonté. Des négociations dignes de ce nom pourront être engagées seulement quand Poutine sentira que sa position personnelle est menacée. Je ne suis pas tout à fait d'accord avec ma collègue sur ce point.
    Objectivement, sa position est menacée, mais il ne s'en rend pas compte. Des signes importants de dissidence commencent à poindre autour de l'élite de l'État russe. Je pourrai vous donner plus de détails si vous le voulez. Je ne suis pas certain que le régime Poutine sortira indemne d'un autre mois de pertes aussi importantes de vies humaines, de sanctions et d'opprobre international.
    La réalité est que ce type de régimes semblent inéluctables tant qu'ils tiennent mais, quand ils tombent, c'est leur chute qui semble inéluctable. Il est difficile de faire des prédictions, mais je crois que tôt ou tard, l'effet combiné des pertes militaires, de l'humiliation subie en Ukraine et des sanctions, s'il ne mène pas au coup d'État, pourrait faire sentir à Poutine qu'il est dans l'eau chaude.
    Je pense comme vous que des négociations sont nécessaires pour mettre fin à cette guerre le plus rapidement possible mais, pour en arriver là, il faut que les Ukrainiens continuent d'opposer une résistance nettement au‑delà des attentes sur le champ de bataille. Si les Ukrainiens continuent de s'en sortir beaucoup mieux que prévu pendant un autre mois, nous pourrons peut-être avoir gain de cause. Pour l'instant, des négociations sont nécessaires seulement pour armer les Ukrainiens et trouver des solutions créatives pour les aider à garder l'emprise sur leur territoire pour que Poutine sente la pression. Le président Zelenski est prêt à négocier. Depuis le deuxième jour de la guerre, il propose des moyens de faire cesser la guerre. C'est de Poutine qu'il faut s'inquiéter.
    Concernant les attentes précises à l'égard du Canada, je crois vraiment que les Ukrainiens ont besoin, beaucoup plus que ce que nous pouvons comprendre à distance, de pouvoir s'imaginer le futur. Je pense qu'ils se sentent beaucoup plus isolés et plus loin de nous que ce que nous pouvons imaginer. Ils essaient de garder la tête haute et de ne pas trop nous troubler devant l'horreur dans laquelle leur pays est plongé. Il n'est pas question de demander un plan Marshall au Canada mais, dans la mesure de nos moyens, nous pourrions promettre des mesures d'aide importantes pour que le peuple ukrainien puisse avoir une vision d'avenir, commencer à imaginer la vie après la guerre. C'est le genre d'aide que nous pouvons offrir, en plus de l'aide militaire. Les Ukrainiens arrêteront de se battre seulement s'ils comprennent comment se rapprocher davantage des pays occidentaux après la guerre. Il ne faut pas oublier que la paix sera possible seulement si les Ukrainiens sont convaincus qu'ils ont tout intérêt à arrêter de se battre, et ce sera peut-être plus difficile qu'on le pense.
    Pour assurer la paix, l'Occident doit offrir un espoir d'avenir meilleur au peuple ukrainien. Cela doit faire partie du marché.
    Merci beaucoup de cette réponse.
    Merci, madame McPherson.
    Je suis tout à fait d'accord.

[Français]

     Je vous remercie beaucoup, madame Dembińska.

[Traduction]

    Nous passons à la seconde série de questions pour nos témoins. Encore une fois, le temps passe beaucoup trop vite. Il est 17 h 20. Je propose d'y aller avec des tours de trois minutes et d'une minute et demie.
    Je sais que c'est beaucoup trop court pour approfondir un sujet, et que les interventions risquent d'être un peu plus longues. Je vais quand même essayer de compléter cette série de questions. Cela devrait nous mener jusqu'à 17 h 35 et, comme je l'ai annoncé au début, ce serait bien si nous pouvions régler quelques questions de régie interne avant la levée de la séance.
    Nous allons commencer avec M. Aboultaif, pour trois minutes. Nous vous écoutons.
    Merci, monsieur le président.
    Monsieur Snyder, le conflit sanglant auquel l'Ukraine est malheureusement mêlée est difficile à comprendre. La situation est très complexe et très compliquée et, bien entendu, l'issue est très difficile à prédire.
    Peu importe l'issue de cette guerre… Je suis convaincu qu'il n'y aura pas de gagnant mais, peu importe l'issue de cette guerre, avez-vous une idée de ce qui s'ensuivra? Savez-vous si cette guerre changera quelque chose dans les relations entre l'Occident, la Russie et, bien entendu, la Chine? Nous serons face à une nouvelle réalité…
(1720)
    Vos deux questions sont étroitement liées. Les conséquences sur l'avenir dépendront essentiellement de la manière dont nous envisageons les choses, dont nous réagissons et des objectifs que nous nous donnons maintenant.
    Vous avez peut-être raison quand vous dites que personne ne triomphera, mais je ne partage pas cet avis. Je pense que l'Ukraine peut gagner cette guerre. Je ne dirais pas qu'elle a la moitié des chances, mais ce n'est pas du tout impossible. C'est une possibilité, et nous devons la considérer. Si nous nous bornons à penser, en ce moment charnière de l'histoire mondiale, que la guerre va continuer ou que la Russie va triompher, nous oublions de réfléchir aux enjeux. Je suis d'accord avec vous quand vous dites que les enjeux seront déterminants pour notre avenir, et qu'ils seront très différents selon qui sortira vainqueur. Si c'est l'Ukraine, nous pourrons nous féliciter en nous disant que la démocratie a triomphé. Si l'Ukraine perd, nous devrons avoir un autre discours.
    J'en veux pour preuve… Pensez simplement à ce que serait le monde actuellement si l'Ukraine ne s'était pas battue et si le président Zelenski s'était enfui. Nous serions tous déprimés en pensant à l'avenir de la démocratie. Parce que les Ukrainiens se battent depuis cinq semaines, notre état d'esprit est tout à fait différent. À mon avis, plus ils auront de succès, plus nous serons confiants dans l'avenir de la démocratie.
    Quant aux enseignements que nous devons retenir pour l'avenir, je vous ramène aux concepts que j'ai évoqués en introduction. Nous vivons dans un monde où la tyrannie est possible, où l'oligarchie est généralement dangereuse. Nous vivons dans un monde où les visées impérialistes refont surface.
    J'ajouterai à cela qu'il faut tenir compte des enjeux climatiques. Ils ne sont pas directement en cause dans cette guerre mais, comme cela a déjà été mentionné, elle a beaucoup à voir avec les ressources naturelles. Nous pouvons y voir un prélude à ce qui nous attend au XXIe siècle. Si les oligarques des hydrocarbures restent aux commandes, nous assisterons à d'autres guerres du genre.
    Si Poutine décide de la marche du monde, les guerres alimentées par les changements climatiques se succéderont sans fin. Il est très symbolique que les calottes glaciaires s'effondrent dans l'Antarctique pendant que notre regard est fixé sur cette guerre. Poutine est un oligarque des hydrocarbures. Se débarrasser de ce genre de personnes, d'une manière très large, doit faire partie de nos plans pour nous assurer un avenir écologiquement durable. C'est vous dire à quel point l'enjeu est énorme.
    Merci beaucoup.
    M. Ehsassi maintenant, pour trois minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Monsieur Snyder, vous avez titillé notre curiosité. Vous nous avez parlé des brèches dans la forteresse du Kremlin, mais sans donner le détail. Jusqu'ici, nous avons eu droit à un portrait plutôt général et macroscopique, mais je vous serais reconnaissant si vous pouviez nous parler des signes qui selon vous permettent de penser que M. Poutine commence à sentir la soupe chaude, du moins, on l'espère.
    J'ai exposé mon argumentaire à ce sujet en 30 points dans un article que j'ai publié sur Substack. Je ne sais pas si vous connaissez Substack… C'est la deuxième fois aujourd'hui que je titille la curiosité des parlementaires.
    Voici quelques indices de clivage. Le premier clivage oppose Poutine à Poutine: le Poutine tactique contre le Poutine idéologique. Le Poutine idéologique a pris le dessus. Il semble avoir moins de contrôle sur ses élans politiques qu'avant.
    Le deuxième clivage, plus proche du terrain, est apparu entre Poutine et l'armée. La disparition du général Shoigu depuis plus de deux semaines n'annonce rien de bon. Le fait que l'annonce de la nouvelle doctrine russe, qui bien entendu est toujours à prendre avec des pincettes, a été confiée à des officiers de grade subalterne plutôt qu'à Shoigu ou à Gerasimov est un signe que quelque chose ne tourne pas rond.
    Le troisième niveau est celui du FSB, la police d'État secrète russe. Un dirigeant d'un de ses services, Sergei Beseda, serait apparemment assigné à résidence. C'est lui qui aurait divulgué l'information concernant l'Ukraine avant qu'elle soit attaquée. À mon avis, toutes les erreurs sont imputables à Poutine, mais il essaie d'en faire porter l'odieux aux généraux et au FSB.
    L'autre problème vient du fait que la décision a semble‑t‑il été prise par un très petit groupe. Il faut en comprendre que beaucoup de personnes qui ne font pas partie de cette garde rapprochée pourront prétendre qu'elles n'ont pas avalisé cette invasion, qu'elles n'ont pas participé aux discussions, qu'elles n'ont pas commis de crimes de guerre ni d'actes génocidaires, qu'elles n'ont rien à voir avec cette mauvaise décision.
    Une autre contentieux oppose le FSB, la police d'État, et les forces irrégulières tchétchènes qui combattent en Ukraine. Les tensions entre ces deux groupes sont historiques. Poutine se trouvera entre l'arbre et l'écorce s'il est obligé de prendre le camp des forces irrégulières tchétchènes plutôt que celui du FSB.
    Il pourrait aussi y avoir un clivage entre les soldats et les officiers. Il y a beaucoup de déserteurs. Apparemment, des soldats se retournent contre leurs officiers. On ne sait pas vraiment combien de généraux russes sont morts. C'est un mystère. J'aimerais donner tout le crédit aux Ukrainiens, mais je suis loin de penser qu'ils sont ceux qui ont tiré.
    Des clivages pourraient aussi… Apparemment, selon ce que rapportent des gens plus avertis, il y aurait beaucoup de tensions. Donnons un autre mois aux combattants ukrainiens pour montrer de quoi ils sont capables et nous verrons bien. Il est impossible de prévoir les lignes de fracture, mais je crois que des microfissures commencent à apparaître.
(1725)
    Merci beaucoup, et merci, monsieur Ehsassi.
    J'invoque le Règlement, monsieur le président. Pouvons-nous demander à M. Snyder de nous transmettre par écrit le lien à sa publication sur Substack?
    Oui, tout à fait, nous pouvons lui demander de nous le transmettre. C'est maintenant au compte rendu.
    Merci, monsieur Genuis.

[Français]

    Monsieur Bergeron, vous avez la parole pour une minute et demie.
    Je vous remercie beaucoup, monsieur le président.
    Madame Dembińska, je vous félicite d'abord pour les efforts que vous déployez pour tenter d'amener au pays des étudiantes ukrainiennes de l'Université nationale de Kharkiv. Si nous pouvons vous être utiles de quelque façon que ce soit, surtout n'hésitez pas à nous le dire. Je crois comprendre que des problèmes relatifs aux tests biométriques retardent indûment le processus. Nous avons déjà eu l'occasion de nous exprimer publiquement sur cette question.
    J'aimerais vous entendre sur la question qui a été laissée en suspens lors de mon premier tour de parole.
    On semble donner un sauf-conduit à M. Poutine en n'intervenant pas. Est-ce que cela pourrait lui permettre d'utiliser des armes biologiques, bactériologiques, voire nucléaires?
    Je vous remercie de la question.
    Puisque je ne suis pas une experte des questions militaires, il me sera difficile de répondre très précisément à votre question.
    Je suis assez certaine que M. Poutine n'a aucun intérêt à déployer ces armes. Toutefois, cela ne veut pas dire qu'il ne le fera pas. La menace de le faire, le fait qu'il puisse les déployer, sert à dissuader les Occidentaux d'intervenir dans la guerre en Ukraine autrement qu'en aidant les Ukrainiens sur place. Je pense que c'est une arme de dissuasion, parce que l'on croit qu'il est capable de le faire. Bien souvent, on dit que M. Poutine est irrationnel. Puisque certains croient qu'il est capable de le faire, il suffit à M. Poutine d'utiliser ce discours.
    Le fera-t-il? Je ne peux pas me prononcer là-dessus.
    Je vous remercie, monsieur Bergeron.

[Traduction]

    Madame McPherson, vous avez la parole pour une minute et demie.
    Je vais essayer d'être brève, monsieur le président. Je comprends que ce n'est pas facile pour vous.
    Je vais poursuivre sur la même lancée. Concernant la menace nucléaire, quel message reçoivent les États voyous quand ils voient Poutine utiliser avec succès cette menace comme moyen de dissuasion? Par ailleurs, quelles seront les conséquences sur les pourparlers à venir, pas plus tard que cet été, concernant le contrôle des armements ou l'interdiction de certaines armes?
    Je vais vous demander de répondre en premier, monsieur Snyder.
    C'est une excellente question. Je crois que depuis 2014, M. Poutine a fait plus de propagande autour des armes nucléaires qu'aucun autre leader avant lui.
    En 2004, comme nous le savons tous, l'Ukraine avait le troisième plus grand nombre d'armes nucléaires dans le monde et elle a accepté de s'en débarrasser. Depuis cette époque, l'Ukraine a subi au moins deux invasions, suivant la façon dont on les dénombre, du pays voisin à qui justement elle a redonné ses armes nucléaires en 1994. Je me suis trompé, c'est en 1994 qu'elle a accepté de rendre ses armes nucléaires.
    Concurremment à la propension de la Russie à parler d'armes nucléaires, c'est un autre facteur qui peut favoriser leur prolifération. Les petits pays seront plus tentés de s'armer pour résister aux grandes puissances.
    Si nous le laissons faire et si nous ne lui opposons pas une réponse cohérente, tous les pays pourraient être tentés de se dire qu'ils peuvent faire opposition à l'Occident non pas en utilisant des armes nucléaires, mais en prétendant qu'ils ont complètement perdu le contrôle et qu'ils songent à les utiliser. Les politiciens occidentaux auront alors une excuse pour ne rien faire. C'est un scénario extrêmement inquiétant sur le long terme.
(1730)
    Madame McPherson, merci beaucoup.
     Monsieur Genuis, allez‑y, s'il vous plaît, pour trois minutes.
    Merci beaucoup. Je suis heureux d'avoir l'occasion de poser quelques autres questions.
     Je me demande, monsieur Snyder, si vous voulez ajouter quelque chose en ce qui concerne ces fissures au sein du régime de Poutine et si vous voyez une possibilité d'attribuer des horizons temporels et des probabilités.
     Par ailleurs, je pose à nouveau une question semblable à celle que j'ai posée au groupe de témoins précédent, concernant la chaîne de commandement et les armes nucléaires. Quel est le risque qu'une arme nucléaire soit utilisée dans le cadre d'un coup d'État ou que la menace d'un cataclysme nucléaire soit utilisée contre d'autres factions internes?
     C'est beaucoup de supposition que je vous demande, mais...
     Je vais lier les deux questions et essayer de minimiser les suppositions en vous disant ce à quoi je pense que le scénario ressemblerait. Lorsque nous imaginons un coup d'État, nous l'imaginons comme au cinéma, tridimensionnel et très dramatique: l'armée prend d'assaut le Kremlin ou les services de sécurité prennent d'assaut la pièce. En fait, je ne crois pas que ça va ressembler à ça. Je crois que ça ressemblera à la fin de Staline.
     Je pense que ça va ressembler à Staline en 1951, 1952 et 1953. Personne ne s'est retourné contre lui. Les gens ont juste arrêté de faire ce qu'il disait de faire, ou ils ont fait ce qu'il disait quand c'était contraire à son propre intérêt. Je crois que c'est ce qui arrivera avec Poutine. C'est ce qui se passera, c'est que, soudainement, ce qu'il dit ne se transformera pas en actions. Il va s'en rendre compte et il va avoir peur, et c'est à ce moment‑là qu'il y aura des pourparlers de paix.
     Je suis moins préoccupé par les scénarios violents, car je ne pense pas que les institutions de l'État soient organisées de la sorte. Il n'y a pas vraiment d'institutions au sens où nous l'entendons habituellement. Il y a une personne et des gens qui sont intimidés par cette personne ou qui en dépendent. Le moment où ils sont ralentis par un facteur quelconque et où il cesse d'être le dirigeant suprême qu'il pense être est le moment où les choses commencent à tourner.
     C'est le mieux que je peux répondre.
     En ce qui concerne la chaîne de commandement, je vous recommande de vous adresser à quelqu'un qui est un expert technique de ce genre de questions, ce qui n'est pas mon cas.
    C'est vraiment fascinant.
     Sur le plan institutionnel, en ce qui concerne l'État russe, dans quelle mesure ressemble‑t‑il aux structures qui existent en Russie depuis des siècles? Quelles sont les similitudes ou les différences notables entre la Russie tsariste, la structure communiste et aujourd'hui?
    Honnêtement, la structure communiste ressemble à une gerbe abondante d'institutions comparativement à ce que nous avons aujourd'hui. Lorsque les Chinois essaient de comprendre la Russie, ils ont du mal, parce qu'en Chine, ils ont au moins un parti avec des organes de parti. En Russie, il n'y a pas vraiment d'institutions importantes. Le parti est le parti du président — Russie unie — et le parlement est le parlement du président. Le seul organe qui se réunit régulièrement est son conseil de sécurité, et le conseil de sécurité est essentiellement là pour recevoir les ordres de M. Poutine.
     Les Russes parlent de « verticale du pouvoir », ce qui est une meilleure description que notre façon de parler des institutions. Tout s'arrête lorsque les personnes situées un échelon plus bas sur la verticale ralentissent, cessent de faire ce que dit M. Poutine et lui donnent matière à réflexion.
    Merci beaucoup.
     Merci, monsieur Genuis. Je suis désolé.
     Notre dernière intervention de cet après-midi est celle de M. Sarai, pour trois minutes.
     Allez‑y, s'il vous plaît.
    Merci.
     Monsieur Snyder, tout cela a été extrêmement intéressant, avec tous les faits que vous nous avez donnés.
     Je voulais savoir si vous pouviez nous éclairer sur les négociations qui ont lieu en ce moment. Je crois savoir qu'il y a six questions. Quatre sont liées à la neutralité et à la sécurité dans la région, et deux sont territoriales. S'agit‑il d'une tactique de la Russie pour gagner du temps, ou est‑ce l'objectif que la Russie essaie d'atteindre depuis le début?
    Je vous induirais en erreur si je disais que moi ou quiconque dans le monde est sûr de la réponse à cette question. Mon sentiment personnel est que M. Poutine croit toujours que la grande victoire est à portée de main.
     Je pense qu'il se trompe, et il découvrira dans le mois qui vient qu'il se trompe, mais je crois que du point de vue russe, il s'agit toujours d'une distraction, car ils pensent que la grande victoire est à portée de main. Il pense toujours que la chute de l'État ukrainien est à portée de main et, à tout le moins, que quelque chose comme la mer Noire est à portée de main. Je crois qu'il se trompe. Je doute que l'armée ukrainienne permette que cela se produise, mais je crois qu'il le pense encore.
     Quant aux Ukrainiens, je ne crois pas non plus qu'ils soient particulièrement prêts à négocier à ce stade. À mon avis, ils tâtent le terrain à ce stade parce qu'ils croient qu'ils peuvent gagner plus que la configuration actuelle.
     En ce qui concerne les problèmes, je suis d'accord avec vous. Je pense que les questions n'ont jamais vraiment été le problème. Vous et moi, ainsi que deux ou trois autres personnes raisonnables, pourrions probablement arriver à un accord concernant le territoire, la neutralité et la sécurité, et mettre fin à cette guerre.
     Le problème est que M. Poutine n'a jamais vraiment mené une guerre contre l'OTAN. Il ne s'est jamais battu pour cela. Il menait une guerre pour détruire l'État ukrainien. C'est pourquoi je crois qu'il faut exercer davantage de pression sur lui, afin qu'il se sente vulnérable avant que nous n'entrions dans un territoire raisonnable où nous pourrions parler de neutralité, de territoire et de sécurité.
     Comme je l'ai dit, je ne pense pas que ces questions soient en elles-mêmes très difficiles. Zelenski, depuis le deuxième jour de la guerre, n'a cessé de dire que ces questions étaient à portée de main. Mais Poutine croit toujours qu'il peut gagner plus par la guerre que par le dialogue en ce moment.
(1735)
    Enfin, très rapidement, sur les sanctions, nous avons lu que certaines sanctions... Ils ont manifestement anticipé un degré de sanctions, et certains disent que Poutine lui-même n'entend pas parler des effets néfastes des sanctions. Pouvez-vous nous dire s'il y a du vrai dans cette affirmation? Par ailleurs, quelle est l'ampleur de l'effet des sanctions sur le régime lui-même?
    Il faudra un certain temps avant que M. Poutine comprenne l'effet des sanctions. Je peux dire que les Russes ont été surpris par l'ampleur des sanctions. Ils ne s'attendaient pas à un tel degré de sanctions. Ils pensaient que la guerre serait terminée si rapidement que nous n'aurions pas vraiment la possibilité de réagir. Je crois qu'ils ont également sous-estimé la rapidité avec laquelle les Nord-Américains et les Européens pouvaient s'unir sur ces questions.
     Cela a beaucoup nui à l'économie russe. Encore une fois, comme pour bien d'autres choses, je crois que dans un mois, ce sera plus important que maintenant.
     M. Poutine est très isolé de tout cela, il faudra donc un certain temps pour que cela l'atteigne personnellement. Comme pour tout le reste, il ne se soucie pas de l'effet des sanctions, jusqu'à ce que, par un vecteur quelconque, cela semble l'affaiblir personnellement. L'économie russe va sembler bien mal en point longtemps avant que cela ne devienne un facteur dont M. Poutine tient compte réellement.
     Ce n'est pas une raison pour ne pas imposer de sanctions. De mon point de vue, c'est une raison de sanctionner plus durement et davantage, et d'essayer d'aider les Européens à se passer le plus rapidement possible du gaz naturel russe et des hydrocarbures en général. Je pense que la seule façon de mettre fin à cette guerre est que M. Poutine ressente la pression.
     J'aimerais éviter le paradigme de la stagnation, dans lequel on dit: « Il n'y a plus rien à faire. Nous devons simplement stagner pendant un certain temps. » Je crois que nous devons donner aux Ukrainiens toute l'aide possible, afin que dans un mois nous puissions avoir une conversation sur la fin de cette guerre.
    Merci beaucoup, monsieur Sarai.
     Chers collègues, j'aimerais remercier collectivement nos deux témoins experts pour le temps qu'ils ont passé avec nous cet après-midi et pour leur témoignage perspicace et formidable.

[Français]

     Nous leur en sommes très reconnaissants.

[Traduction]

     Nous allons vous laisser vous déconnecter.
     Chers collègues, si je peux retenir les membres pendant quelques minutes...
    Monsieur le président.
    Oui, monsieur Oliphant.
    Si vous pouviez m'accorder cinq secondes... Si nous étions dans une réunion à l'ancienne, j'irais voir les témoins, leur serrer la main et les remercier, comme nous l'avons toujours fait.
     Monsieur Snyder, même si vous pensez parfois que vous ne faites qu'écrire à l'univers, vous avez été pour moi un guide formidable tout au long de ce conflit, depuis la très importante conférence que vous avez donnée sur l'histoire de l'Ukraine. Elle durait environ 17 heures, je crois. Je l'ai écouté en entier. Je suis un abonné. Je le recommande à l'ensemble de notre comité, car vous m'avez été d'une aide précieuse.
    Merci, monsieur Oliphant.
    Monsieur Oliphant, merci.
     Il y a d'autres personnes ici qui aimeraient beaucoup exprimer la même opinion. Pour des considérations de temps, je la transmets au nom de tous à M. Snyder et Mme Dembinska.
     Vous pouvez vous déconnecter.
     Je vais garder mes collègues encore quelques instants, j'espère que cela nous permettra de faire un peu de ménage.

[Français]

    Je vous remercie encore une fois et je vous souhaite une bonne soirée.

[Traduction]

    Chers collègues, il y a deux ou trois points à traiter. En ce qui concerne la réunion de jeudi prochain, les whips se sont mis d'accord pour annuler cette réunion en raison de la date du budget. C'est le premier point.
     Allez‑y, monsieur Chong.
     Je propose que la réunion de jeudi prochain soit annulée, et je propose que le Comité adopte le budget de 2 675 $ pour l'étude des droits de la personne dans les États répressifs.
    C'est très utile. Je ne sais pas si nous avons besoin de la première motion, mais elle est sur la table. Je vous remercie pour cela, ainsi que pour la deuxième motion.
    (Les motions sont adoptées.)
    Le président: J'ai besoin de deux autres. Puis‑je avoir une motion pour que nous rencontrions demain, de façon informelle, une délégation parlementaire ukrainienne?
    Je le propose.
    La deuxième motion est que nous rencontrions, le 7 avril, M. Filippo Grandi, Haut Commissaire des Nations unies pour les réfugiés.
    Je propose cette motion.
    Les deux motions sont sur la table. Y a‑t‑il de l'opposition?
     (Les motions sont adoptées.)
     Le président: Merci beaucoup.
     Le troisième et dernier point de mon côté est qu'il y a eu des consultations avec les vice-présidents en ce qui concerne notre travail de lundi.
(1740)
    Les deux options concernaient l'équité en matière de vaccins et le détroit de Taiwan. À la pluralité, je pense que la préférence était de commencer par l'équité en matière de vaccins. Cela ne veut pas dire que nous n'étudierons pas le détroit de Taiwan, mais cela se fera lors d'une réunion ultérieure.
     Je voulais simplement présenter cela à mes collègues pour que la greffière puisse commencer à inviter des témoins.

[Français]

    Monsieur Bergeron, vous avez la parole.
    J'aimerais simplement obtenir une clarification, monsieur le président.
    Je crois comprendre que l'on a autorisé la tenue d'une réunion du Comité le 7 avril, alors que l'on venait d'entendre que les whips avaient décidé d'annuler les rencontres de comité de cette journée.
    Est-ce bien le cas?
    La séance régulière de ce comité est annulée, mais la rencontre avec M. Grandi aura lieu.
    À quelle heure est prévue cette réunion?
    Cette réunion se tiendra à 9 heures.
    C'est une réunion informelle, qui n'est pas liée à l'horaire du Comité.
    D'accord.
    Je vous remercie beaucoup, chers collègues.

[Traduction]

     Soyez prudents et merci.
     La séance est levée.
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