:
Je déclare la séance ouverte.
Bienvenue à la 112e réunion du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international de la Chambre des communes.
Avant de commencer, je demande aux députés et aux témoins sur place de consulter les autocollants qui se trouvent sur leur table pour connaître les directives à suivre pour éviter les incidents liés à la rétroaction acoustique. N'utilisez que l'oreillette noire homologuée. Gardez votre oreillette éloignée de votre micro à tout moment. Lorsque vous n'utilisez pas votre oreillette, veuillez la placer face cachée sur l'autocollant placé sur la table à cet effet.
La réunion d'aujourd'hui se déroule dans un format hybride. Conformément à la motion de régie interne du Comité relative aux tests de connexion des témoins, j'informe le Comité que tous les témoins ont effectué les tests de connexion requis avant la réunion. Je tiens d'ailleurs à remercier la greffière pour son aide précieuse.
Conformément à l'article 108(2) du Règlement et à la motion adoptée par le Comité le lundi 29 janvier 2024, le Comité entreprend son étude de la nomination de Carolyn Bennett au poste d’ambassadrice du Canada auprès du Royaume du Danemark.
Madame Bennett, je vous souhaite la bienvenue. C'est un plaisir de vous revoir ici. Merci d'avoir rendu cela possible. Je crois savoir que vous avez un autre engagement aujourd'hui. Vous teniez absolument à quitter cette réunion avant 17 h 45, mais vous avez gracieusement accepté de rester jusqu'à 17 h 55. Ai‑je bien compris?
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Merci, monsieur le président.
[Traduction]
Je vous remercie de m'avoir invitée à me présenter devant le Comité. Je tiens d'abord à rappeler que nous sommes ici sur le territoire traditionnel et non cédé du peuple algonquin. Par ailleurs, j'aimerais souligner que se tient aujourd'hui la célébration du Jour de la Constitution au Danemark.
Je serai heureuse de répondre à toutes vos questions.
Comme vous l'avez fait observer, je suis accompagnée de M. Robert Sinclair, haut représentant pour l'Arctique et directeur général, Affaires de l'Arctique, de l'Eurasie et de l'Europe.
Je dois dire que j'ai été particulièrement honorée lorsque le m'a nommée au poste d'ambassadrice auprès du Royaume du Danemark en janvier, mais que j'ai dû faire preuve d'une grande humilité lorsque j'ai présenté mes états de service à Sa Majesté le Roi Frederik X à Copenhague le 24 mai.
Représenter le Canada à ce moment crucial de l'histoire est un grand défi, et je ferai tout ce qui est en mon pouvoir pour faire avancer les intérêts de la politique étrangère du Canada à l'égard du Royaume du Danemark. Je m'engage également à porter une attention particulière aux différents enjeux liés à l'Arctique.
Le Canada accorde une grande importance à son amitié de longue date et à sa coopération efficace avec le Royaume du Danemark, qui, comme vous le savez, comprend le Danemark, le Groenland et les îles Féroé. Aujourd'hui, plus de 196 000 Canadiens revendiquent des origines danoises. Par ailleurs, les Inuits du Canada et du Groenland ont également des liens culturels, historiques et linguistiques avec le Danemark, ainsi que des liens familiaux qui remontent à plusieurs générations.
Nous avons collaboré étroitement avec le Danemark et d'autres pays aux vues similaires pour soutenir la défense, le redressement et la reconstruction de l'Ukraine. Le Danemark a d'ailleurs rejoint la coalition internationale visant à faciliter le retour des enfants ukrainiens déportés par la Russie. Enfin, le Danemark a toujours été à nos côtés pour affronter différents défis mondiaux, notamment en mettant sur pied une politique de tarification du carbone, et en participant à la création du Centre d'excellence OTAN pour le changement climatique et la sécurité.
Cela fait deux ans que le Canada et le Royaume du Danemark ont signé l'accord frontalier qui règle le différend vieux de 50 ans concernant la souveraineté de la mer de Lincoln et de l'Île Hans, ou Tartupaluk, qui établit une frontière sur le plateau continental dans la mer du Labrador. Je sais qu'un travail important est réalisé pour concrétiser les promesses de cet accord, notamment en ce qui concerne la question de la mobilité des Inuits. La manière dont nous avons résolu ce différend témoigne de notre engagement commun en faveur de l'État de droit et de l'ordre international fondé sur des règles, ainsi que d'un engagement significatif avec les Inuits.
L'Arctique représente un domaine de collaboration stratégique et particulièrement intéressant pour le Canada et le Royaume du Danemark. En octobre dernier, le Canada et le Groenland ont signé une lettre d'intention de coopération sur Pikialasorsuaq en marge de l'assemblée du cercle polaire arctique en Islande. Il s'agit d'une étape importante pour assurer une gestion responsable de l'une des régions les plus productives sur le plan biologique au nord du cercle arctique.
Comme le Canada, le Royaume du Danemark est fermement attaché à la valeur durable du Conseil de l'Arctique, d'autant plus qu'il s'apprête à en assumer la présidence en 2025.
En février, le Groenland a publié sa politique en matière d'affaires étrangères, de défense et de sécurité, intitulée « Rien pour nous, sans nous », et dont le chapitre 6 est directement axé sur le Canada, son voisin le plus proche.
[Français]
Le Canada et le Danemark sont de solides alliés de l'OTAN et ils participent activement aux opérations de l'alliance. La Force opérationnelle interarmées du Nord des Forces armées canadiennes collabore étroitement, dans l'Arctique, avec le commandement conjoint des forces armées danoises au Groenland.
Le Danemark est une nation commerçante prospère et un ardent défenseur de l'Accord économique et commercial global entre le Canada et l'Union européenne, qui a été ratifié en juin 2017. Le commerce bilatéral a augmenté de plus de 30 % depuis son entrée en vigueur. Canadian North et Air Greenland se sont associés pour proposer une nouvelle liaison saisonnière entre Iqaluit et Nuuk à partir de juin 2024. Le Danemark s'est fixé des objectifs qui sont parmi les plus ambitieux au monde en matière de changement climatique, ce qui crée des occasions commerciales pour les entreprises canadiennes pour ce qui est de la coopération multilatérale.
[Traduction]
Le Canada a beaucoup à gagner d'une relation renforcée avec le Royaume du Danemark. Mon rôle est de veiller à ce que ces avantages se concrétisent. Je continuerai à m'acquitter de cette tâche au mieux de mes capacités.
Merci. Thank you. Tak. Qujanak.
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Merci, monsieur le président.
Bienvenue, Votre Excellence.
Je pense que nous partageons beaucoup de choses avec le Danemark, et je me réjouis de votre nomination à ce poste. Comme vous le savez bien, le Danemark est l'un des membres fondateurs de l'OTAN, à l'instar du Canada. De plus, le Danemark fait partie de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe, l'OSCE, et il est tout aussi déterminé que le Canada à aider l'Ukraine à gagner cette guerre contre la Russie. C'est la première partie de mes observations, en guise de préambule à la question que je vais vous poser.
Deuxièmement, le Danemark a réussi, avec le Canada, à assurer la sécurité dans l'Arctique. Sachant que la Russie déploie d'immenses navires militaires dans l'Arctique, je pense que nous devons tous nous préoccuper de la sécurité dans l'Arctique. Avez-vous eu des discussions à ce sujet avec le Danemark? Y a‑t‑il un moyen pour le Canada et le Danemark de collaborer plus étroitement en ce qui concerne l'Ukraine et la sécurité dans l'Arctique?
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Absolument. Je pense que nous avons beaucoup appris au cours de la réunion que nous avons eue à Nuuk avec le major-général Søren Andersen sur le genre d'exercices que nous menons ensemble et sur le plan énoncé en détail dans le Cadre stratégique pour l'Arctique et le Nord.
Je pense que vous avez tout à fait raison, madame Fry. Depuis l'invasion illégale de l'Ukraine par la Russie, tous les pays nordiques se concentrent beaucoup sur ce que nous pouvons faire ensemble en matière de sécurité, en particulier dans l'Arctique. D'ailleurs, j'étais aux îles Féroé la semaine dernière, et je pense que tout le monde est inquiet, malgré l'aide que les États-Unis souhaitent apporter.
Nous avons déposé des couronnes à l'occasion de l'anniversaire de la libération du Danemark, et le Canada a joué un rôle très important à cet égard, de même que les États-Unis, le Royaume-Uni et la Pologne. Ayant connu l'occupation, le Danemark se concentre aujourd'hui sur l'Ukraine, sur la façon de lui venir en aide et sur la possibilité de faire tout le nécessaire pour vraiment soutenir l'Ukraine dans ses efforts de reconstruction.
Autre fait intéressant — cela vous intéressera sans doute, madame Fry —, lorsque j'étais à l'OMS en Europe, qui, là encore, figure parmi les organisations multilatérales ayant une présence à Copenhague, il a été question du financement canadien pour le soutien en matière de santé mentale en Ukraine. Il y a donc beaucoup de liens.
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Merci, monsieur le président.
J'espère que mon temps de parole sera aussi généreux que celui de Mme Fry.
Votre Excellence, je vous remercie infiniment d'être des nôtres et de nous accorder plus de temps que l'heure à laquelle vous aviez consenti au départ. Nous vous en sommes vraiment très reconnaissants.
Vous savez sans doute que le Comité des affaires étrangères et du développement international a mené, pendant quelques semaines, des audiences sur la diplomatie canadienne. Un des éléments qui a fréquemment été soulevé par les témoins, c'est qu'il faudrait limiter, jusqu'à un certain point, les nominations politiques.
Or il fut un temps où les premiers ministres récompensaient les loyaux services de gens en les nommant au Sénat. L'actuel a choisi de mettre un terme à cela. Toutefois, on a vu une nouvelle tendance se développer de la part du premier ministre, soit de nommer d'anciens députés ou ministres à des postes de diplomates. Il y a les cas de Bob Rae, qui a été nommé ambassadeur et représentant permanent auprès des Nations unies à New York, et de Stéphane Dion, qui est maintenant ambassadeur du Canada en France. Il y a eu aussi les cas de Marc Garneau, à qui on avait offert le poste d'ambassadeur en France, de David Lametti, à qui on avait offert le poste d'ambassadeur en Espagne, et on vous a offert le poste d'ambassadrice au Royaume du Danemark.
Vous succédez à M. Denis Robert, un diplomate de carrière. qui a été en fonction de 2020 à 2024. Il est entré au ministère des Affaires extérieures en 1989 et il a aussi été ambassadeur du Canada en Belgique de 2012 à 2016.
Vous n'êtes pas une diplomate de carrière. J'ai longtemps eu l'occasion de siéger avec vous, que ce soit dans ma première vie comme parlementaire ou dans ma deuxième vie comme parlementaire. J'ai beaucoup d'estime pour ce que vous avez réussi à faire durant votre longue et prolifique carrière, à la fois comme médecin de famille et comme parlementaire.
En plus d'avoir occupé des fonctions qui vous ont mise en contact avec les Premières Nations, qu'est-ce qui vous préparait tout particulièrement à occuper le poste d'ambassadrice du Canada auprès du Royaume du Danemark?
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Vous posez presque la même question que M. Hoback.
Je pense que c'est dû à une sagesse, à une compréhension des questions concernant l'Arctique et la collaboration entre les deux pays. Il est aussi très important pour le premier ministre de nommer des personnes comme Tom Clark ou John Horgan. On ne nomme pas nécessairement seulement des députés.
[Traduction]
Robert Sinclair sait comment la diversité de la fonction publique et du service extérieur s'est avérée très utile, je crois, au fil des ans, car cela favorise la présence de différents points de vue aux échelons les plus élevés, et — j'hésite à le dire — cela apporte un vent de fraîcheur. J'essaie de faire de mon mieux pour mettre à profit ce que j'ai appris, en particulier au sein du groupe spécial du Groenland. L'objectif là‑bas était de mobiliser les citoyens. On m'avait alors demandé d'expliquer ce que signifie une mobilisation véritable des peuples autochtones, et comme vous me l'avez déjà entendu dire, monsieur Bergeron, cela ne devrait pas faire peur. Je pense que le Canada a un rôle à jouer pour vraiment faire avancer la réconciliation ou, comme le dit Willie Littlechild, la « réconciliaction ». J'ai vraiment hâte à ce travail et, bien entendu, à la relation entre les Inuits et le Conseil circumpolaire inuit.
J'aime beaucoup mon nouveau rôle et je suis heureuse d'être entourée de fonctionnaires de carrière qui sont vraiment fantastiques. Quand je songe à mon parcours, même lorsque je pratiquais la médecine, j'avais l'habitude de dire qu'on sait ce qu'on sait et ce qu'on ne sait pas, mais il faut aussi savoir à qui s'adresser et quand le faire pour obtenir de l'aide. Voilà l'approche que j'adopte dans le cadre de mes nouvelles fonctions.
:
Je vous remercie. En fait, 50 % des postes d'ambassadeur ou de chef de mission sont occupés par des femmes, et nous en sommes ravis.
Pour ce qui est de savoir ce que nous essayons de faire au Danemark, nous avons organisé quatre réunions sur l'Arctique. Nous avons d'ailleurs été satisfaits des discussions qui ont eu lieu lors de la réunion que nous avons tenue le mois dernier. Natan Obed était un des invités, tout comme Cynthia Wesley-Esquimaux, qui préside le Centre national pour la vérité et la réconciliation et qui est présidente de la réconciliation à l'Université Lakehead. Ces réunions ont été très, très bien accueillies.
Je pense que cela devient très important, car le Canada peut donner l'exemple et mettre particulièrement l'accent sur la relation avec les Inuits et sur leur mobilité. J'espère que les nouveaux vols qui partiront de Nuuk pour se rendre à Iqaluit, puis vers le nord du Québec, à Kuujjuaq, seront un exemple concret du principe selon lequel « rien de ce qui nous concerne ne doit se faire sans nous ». J'espère également que nous pourrons ainsi montrer que la réconciliation est un cheminement, et non une destination, et qu'elle ne doit inspirer aucune crainte. Ces relations nous permettent d'apprendre beaucoup de choses.
Je sais qu'à l'occasion de la réunion parlementaire sur l'Arctique, qui s'est déroulée récemment dans les pays nordiques, votre collègue était un peu préoccupée par la façon dont les choses étaient présentées en ce qui concerne les droits des Autochtones. Je pense qu'à titre de parlementaires, nous devons tous unir nos efforts et travailler à favoriser ce genre de réconciliation partout dans le monde, tout en reconnaissant que les peuples autochtones du Canada, et leur relation de nation à nation, seront d'une très grande importance à mesure que nous ferons entendre leurs voix.
Conformément à l'article 108(2) du Règlement et à la motion adoptée par le Comité le jeudi 16 février 2023, le Comité reprend son étude sur le Corps des Gardiens de la révolution islamique et la situation actuelle en Iran.
J'aimerais maintenant souhaiter la bienvenue à nos trois distingués témoins. Nous recevons, en personne, M. Noomane Raboudi, professeur à l'Université d'Ottawa. Nous accueillons, également en personne, M. Shahram Kholdi, de Kiaxar Inc., spécialiste du Moyen-Orient. Est aussi avec nous en mode virtuel, M. Behnam Taleblu, agrégé supérieur, de la Foundation for Defense of Democracies.
Encore une fois en raison des contraintes de temps, dès que nous aurons entendu les trois témoins, nous enchaînerons avec des séries de questions de cinq minutes — seulement cinq minutes — afin de pouvoir terminer vers 18 h 35.
Nous allons d'abord entendre M. Raboudi.
La parole est à vous. Vous avez cinq minutes.
:
Merci beaucoup, monsieur le président.
Je vous remercie de votre invitation.
Je veux commencer par une petite introduction, parce que, quand je m'exprime sur le Moyen‑Orient, c'est souvent — comme vous le savez très bien — sur des sujets de polémique, qui peuvent dégager une image qui n'est pas la mienne. Je tiens à préciser dès le départ que je n'ai absolument aucune sympathie pour le régime iranien et encore moins pour ce groupe violent qu'est le Corps des gardiens de la révolution islamique, ou CGRI. Cependant, je suis aussi tout à fait conscient que je vais probablement dire certaines choses qui iront à contre-courant. Bien évidemment, je ne le ferai pas pour des raisons idéologiques, mais plutôt dans l'intérêt du Canada et dans celui, puisque j'ai été invité en tant que professeur, de l'audience ici présente qui veut profiter de ma spécialité.
La première chose que je tiens à dire, c'est que cinq minutes ne sont pas suffisantes pour parler de tout; je vais donc tout simplement parler du problème que pose le fait d'inscrire le CGRI sur la liste des entités terroristes. À ce sujet, je vais être très clair: dans les circonstances actuelles, ce n'est pas une très bonne idée, et je vais vous explique pourquoi.
Premièrement, il faut appréhender ce débat en dehors de toutes les orientations idéologiques. L'actualité internationale des 30 dernières années nous a fourni la preuve incontestable de l'effet dévastateur de la construction des choix des politiques internationales et des politiques étrangères sur des conceptions idéologiques prédéterminées et déconnectées de la réalité du contexte international, particulièrement le contexte moyen-oriental, qui non seulement les a contredites, mais les a aussi défiées. Le groupe terroriste État islamique a été la conséquence directe de cette logique à éviter à tout prix.
Il faut donc apprendre à tirer les leçons de l'Histoire et éviter de reproduire les erreurs du passé. Le CGRI est certainement l'un des acteurs déstabilisateurs du Moyen‑Orient. Toutefois, il n'en est qu'un parmi d'autres, non moins dangereux. Une telle décision sélective nuira certainement à la position relativement neutre et modérée que le Canada cherche et, à mon avis, devrait préserver au Moyen‑Orient. Elle pourrait certainement l'empêcher de jouer un rôle de médiation dans les interminables conflits qui secouent cette région, particulièrement à la lumière de l'échec total des politiques américaines, dont le discrédit — selon l'avis de la plupart des spécialistes de cette région, y compris les spécialistes américains eux-mêmes — n'est plus à démontrer.
Il faut avoir le sens du risque. Il faut mesurer les dangers potentiels de la manipulation d'un sujet aussi dangereux pour trouver des avantages politiques. Nous savons très bien qu'il existe dans notre vie politique des tendances idéologiques qui cherchent à aligner les politiques étrangères canadiennes au Moyen‑Orient sur celles des États‑Unis. Il me semble que c'est un choix purement idéologique dépourvu de toute vision stratégique qui, en plus, comporte des dangers réels pour nos intérêts dans le monde et pour notre sécurité nationale.
En agissant ainsi, nous allons intervenir de manière à prendre parti dans des conflits identitaires déjà profondément ancrés, aggravés encore plus par des contentieux historiques, coloniaux, politiques, religieux, confessionnels et territoriaux quasi insolvables. Parce qu'ils sont d'une extrême complexité, il est difficilement possible de prendre une position équilibrée, équitable à égale distance de tous les antagonistes qui s'y affrontent.
En plus d'intervenir inutilement dans ces conflits, nous allons certainement aussi les inviter chez nous. Une telle invitation pourrait avoir des conséquences sérieuses pour notre paix sociale et notre sécurité interne. La terrible tragédie qui frappe Gaza actuellement est venue confirmer que la société canadienne est profondément et particulièrement divisée sur les problèmes du Moyen‑Orient. Les États adoptent souvent des définitions du terrorisme qui leur permettent de servir leur intérêt, d'imposer leur vision, de prendre des dispositions parfois impopulaires, voire liberticides, de délégitimer l'action de leurs ennemis et d'imposer des mesures qui dépendent des conjonctures qu'ils affrontent.
À titre d'exemple, le Service canadien du renseignement de sécurité définit le terrorisme comme étant la menace ou la perpétration d'actes de violence graves pour forcer le gouvernement canadien à agir d'une certaine façon...
:
Merci beaucoup, monsieur le président.
Honorables membres du Comité, je tiens à vous remercier de cette occasion que vous m'offrez et de votre travail acharné sur cet enjeu crucial au cours des deux dernières années.
Pour votre gouverne, j'ai joint à mon mémoire des liens vers plusieurs de mes documents d'analyse publiés en anglais sur le site Iran International. J'y traite des activités du Corps des Gardiens de la révolution islamique, ou CGRI. Aujourd'hui, je vais d'abord vous brosser un tableau du contexte historique avant de vous parler des récents développements et de conclure avec un résumé de la situation.
À partir des années 1960, les guérillas urbaines iraniennes chiites fanatiques ont fomenté et organisé plusieurs attaques terroristes couronnées de succès à l'encontre des représentants de l'État impérial d'Iran. Ces guérilleros ont été entraînés à la guerre urbaine et à l'assassinat par des organisations palestiniennes armées, avec l'appui financier de l'Égypte de Nasser, des régimes baasistes d'Irak et de Syrie et de Kadhafi en Libye. Ils ont également travaillé avec les services de sécurité de plusieurs États du bloc soviétique, dont l'Allemagne de l'Est communiste et la Chine maoïste.
Plus important encore, ce réseau s'est livré au trafic d'armes et de devises fortes et a collaboré à différentes insurrections armées, de l'Asie du Sud-Est jusqu'à l'Armée républicaine irlandaise au cours de cette période. Après la chute de la dynastie pahlavi en 1979, ce sont les membres de ces guérillas qui ont fondé le Corps des Gardiens de la révolution islamique.
Pour gagner du temps, je vais sauter quelques paragraphes de mon allocution.
J'ai étudié le droit en Iran. Je veux porter à votre attention le fait que le CGRI est une entité officiellement inscrite, aux termes de l'article 150 de la Constitution de la République islamique d'Iran. Il n'a de comptes à rendre à personne, sauf au chef suprême de la République islamique. Il est inattaquable pour le parlement soi-disant élu de la République islamique.
Dans les années 1980, le CGRI a joué un rôle essentiel dans la répression brutale des dissidents politiques iraniens. Il a fomenté plusieurs tentatives de coup d'État contre les monarchies du golfe Persique dans cette région. Au cours de la même période, l'occupation israélienne du Liban lui a fourni l'occasion d'établir le premier mandataire armé de l'Iran, et peut-être le plus important, avec le Hezbollah libanais.
Depuis les années 1990, le CGRI joue un rôle important dans l'économie de l'après-guerre en Iran. Il s'est transformé en un grand racket de construction, alors que le groupe Khatam al‑Anbiya Construction Headquarters et ses sociétés de génie-conseil ont obtenu des contrats de plusieurs milliards de dollars pour des projets de barrage, de pétrochimie et de transport. La force spéciale Al‑Qods du CGRI a joué un rôle clé dans la répression brutale et militaire des soulèvements récurrents du peuple iranien au cours des 15 dernières années, et notamment du mouvement Femme, Vie, Liberté à l'automne 2022.
Depuis 2015, le CGRI a établi un réseau criminel en collaboration avec les cartels de la drogue mexicains et sud-américains. Il est en outre très actif sur le Web clandestin, sur le marché des cryptomonnaies et dans le cadre d'autres opérations internationales de blanchiment d'argent qui utilisent diverses sociétés-écrans, de la région du Golfe et de l'Asie du Sud-Est jusqu'à l'Amérique latine, en passant par les États-Unis et le Canada.
Depuis 2022, le complexe militaro-industriel du CGRI a fourni à la machine de guerre russe des dizaines de milliers de projectiles de divers types à la fine pointe de la technologie, sans compter d'autres projectiles moins perfectionnés.
Je vais encore sauter quelques paragraphes.
Le CGRI a grandement contribué à l'instabilité qui règne actuellement au Moyen-Orient en soutenant les rebelles houthis du Yémen suivant le modèle du Hezbollah. Je ne saurais trop insister sur la participation du CGRI à des activités criminelles internationales et sur la menace qu'il représente pour tous les Canadiens, et en particulier pour les Irano-Canadiens.
Je me dois aussi de souligner la participation directe ou indirecte du CGRI au recrutement du Hezbollah au Liban, des Hells Angels canadiens et d'autres réseaux de gangsters transnationaux pour fomenter des attaques contre des centres religieux et culturels juifs ainsi que contre des dissidents iraniens dans le monde entier.
Je dois ajouter ici que le CGRI est également impliqué dans des crimes contre l'humanité au détriment d'un demi-million de civils syriens, qui ont été pour ainsi dire massacrés, et dans le déplacement d'environ deux millions de Syriens de concert avec le Hezbollah pendant la guerre civile menée pour défendre le régime baasiste de Bachar el‑Assad.
Certains ont fait valoir que l'inscription du CGRI sur la liste des entités terroristes risque d'entraîner toute une gamme de problèmes juridiques et politiques. Même Josep Borrell, haut représentant sortant de l'Union européenne pour les affaires étrangères, l'a affirmé: sans preuve judiciaire valide, on ne peut pas risquer d'inscrire le CGRI sur la liste des organisations terroristes. Je ne suis pas d'accord. Des informations historiques, des événements récents ainsi que plusieurs actions terroristes menées au fil des 30 dernières années, le tout ayant été établi par des tribunaux européens, confirment que le CGRI est un commanditaire du terrorisme en Occident et qu'il représente une menace pour la paix et la sécurité du Canada ainsi que pour notre alliance transatlantique.
Merci beaucoup de m'avoir donné l'occasion de m'adresser à vous.
:
Monsieur le président, messieurs les vice-présidents et distingués membres du Comité, je vous remercie de me donner l'occasion de témoigner virtuellement devant vous aujourd'hui pour vous faire part de mon analyse de la situation.
Je vais d'abord présenter les choses dans une perspective générale, avant de meconcentrer sur une période particulièrement mouvementée en Iran qui peut être difficile à comprendre pour les observateurs externes et non iraniens.
Récemment, le président du pays, Ebrahim Raisi, a perdu la vie dans un écrasement d'hélicoptère dans le nord-ouest de l'Iran. Même si on peut maintenant voir des drones iraniens être utilisés dans des zones de conflit sur au moins quatre continents, c'est un drone turc qui aurait été le premier à repérer le lieu de l'écrasement. Ailleurs, dans des pays plus normaux, un accident de cette ampleur susciterait un deuil national et une tristesse populaire. Pourtant, en Iran et dans les médias sociaux en langue persane, l'annonce du décès du président a été accueillie par des bravos, de la jubilation et même des blagues par de larges segments de la société.
Il n'y a effectivement rien de normal dans le gouffre qui existe aujourd'hui entre l'État et la société en Iran. La République islamique d'Iran est un régime islamiste et autoritaire qui réprime de toute sa hauteur un peuple nationaliste laïque en quête de démocratie.
Même si des « élections » éclair ou, pour être plus juste, des « sélections » sont prévues plus tard en juin, on s'attend à ce qu'elles soient boycottées en masse, tout comme les élections parlementaires l'ont été il y a quelques mois à peine. Depuis l’éclosion de manifestations anti-régime à l’échelle nationale en 2017, la très grande agitation a entraîné des taux de participation électorale plus faibles que jamais, et ce, même si l'on s'en remet aux statistiques officielles du régime.
Pour un régime ayant aussi peu de légitimité sociale que celui de la République islamique, des chocs exogènes comme des élections éclair ou des accidents impliquant des personnalités politiques importantes peuvent agir comme déclencheurs dans un contexte où la population iranienne a profité de presque toutes les occasions, y compris les crises, qu'elles soient sociales, économiques, environnementales ou même liées à la politique étrangère, pour manifester et faire valoir que l'État n'est pas représentatif des citoyens et que le temps n'est plus aux réformes progressives, mais bien aux transformations politiques en profondeur.
Ce désir de changement politique de fond en comble est venu aux oreilles des membres de ce distingué comité en 2022‑2023 avec l'essor du mouvement « Femme, Vie, Liberté » ou « Zan. Zendegi. Azadi. » Au plus fort des manifestations anti-régime, ce mouvement a ébranlé plus de 150 villes et villages dans les 30 provinces de l'Iran.
Le Corps des Gardiens de la révolution islamique a été l'un des ingrédients du cocktail de forces de sécurité qui a fortement contribué à la répression de ces manifestations. Dans les premiers jours de la révolution islamique, le CGRI a été mis sur pied à titre d'armée idéologique parallèle pour faire contrepoids à l'armée nationale. Chargée de défendre l'intégrité de la « révolution », cette force, avec ses anciens combattants, ses affiliés et ses partisans, constitue maintenant l'institution la plus importante de l'Iran contemporain. C'est le fer de lance du principal État à soutenir le terrorisme dans le monde actuel et la plaque tournante assurant le rayonnement du terrorisme transnational et de la répression.
Depuis près de deux décennies maintenant, la tendance dominante dans le discours des élites du régime iranien qui appuient le CGRI a été de présenter son réseau à l'étranger comme un « axe de résistance anti-statu quo » constitué de mandataires et de partenaires du Moyen-Orient qui ont été créés de toutes pièces, comme l'Organisation Badr en Irak ou le Hezbollah au Liban, ou cooptés, comme les rebelles houthis au Yémen ou le Hamas à Gaza.
Le CGRI forme, équipe, soutient et appuie financièrement ces milices terroristes faisant partie de son axe en leur donnant accès à des capacités équivalentes à celles d'un État, comme c'est le cas des rebelles houthis au Yémen depuis 2015.
Ce groupe, le plus récent à se joindre à l'axe de résistance, possède maintenant des missiles balistiques de moyenne portée et des missiles balistiques antinavires. À ce jour, il est le seul mandataire de l'Iran à avoir déployé et utilisé de telles capacités. Ailleurs, on aide les mandataires à produire des armes localement, comme c'est le cas en Iran et avec le Hamas depuis 2014.
Depuis l'attaque terroriste du Hamas contre Israël, le 7 octobre, une attaque soutenue par l'Iran, le CGRI a déployé une plus grande partie de son arsenal terroriste, utilisant la stratégie du « cercle de feu » afin de transformer la guerre à Gaza en conflit régional et d'empêcher qu'un membre de son axe soit sorti militairement de l'échiquier.
Alors que le CGRI a toujours fait appel à ses mandataires dans la région pour camoufler sa participation aux conflits étrangers, voilà que l'on met ses cartes sur la table concernant l'enchevêtrement régional du régime, ses capacités croissantes et sa tolérance au risque.
Le CGRI a aidé Téhéran à se livrer à une répression interne et à des agressions externes, et son rôle de plus en plus important offre aux membres distingués de ce comité, aux décideurs nord-américains et, en fait, à tous les pays du Groupe des cinq, la possibilité de rectifier le tir quant à leurs politiques relatives à l'Iran.
À mon avis, tous les pays du Groupe des cinq devraient, en vertu de leurs propres autorités nationales de lutte contre le terrorisme, désigner le CGRI comme étant une organisation terroriste dans son intégralité. Je serai heureux de vous expliquer pourquoi, ainsi que les avantages de cette approche, en répondant à vos questions.
Tous les pays du Groupe des cinq devraient aussi profiter de l'occasion pour faire pression en faveur de sanctions anticorruption ou de type Magnitsky contre le chef suprême de l'Iran et sa garde rapprochée, et en profiter pour harmoniser d'autres régimes de sanctions, qu'elles s'appliquent aux armes nucléaires, aux missiles, aux drones, à la Russie ou aux droits de la personne.
Il faut dire que le Corps des Gardiens de la révolution islamique fournit de plus en plus de drones à la Russie qui s'en sert en Ukraine, qu'il contribue à l'escalade nucléaire en Iran, qu'il utilise plus ouvertement des missiles balistiques, y compris pour des frappes et des attaques dans quatre pays au cours des quatre premiers mois de 2024 seulement, et qu'il intensifie sa répression contre les dissidents à l'intérieur du pays. Le prédicat en faveur d'une action multilatérale plus soutenue existe déjà.
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Politiquement, oui, c'est certain. Toutefois, pour l'instant, même si c'est légitime, même si c'est justifiable, je ne pense pas que ce soit une bonne idée d'inclure le Corps des gardiens de la révolution islamique, ou CGRI, dans la liste des entités terroristes.
Cela va-t-il l'empêcher de faire ce qu'il est en train de faire? Je ne le sais pas. Je n'ai pas la compétence juridique pour m'exprimer sur cela, mais, ce que je peux dire, c'est que nous pouvons toujours engager toutes les procédures possibles; prendre toutes les dispositions possibles sans nécessairement prendre une décision politique qui va avoir une résonance idéologicopolitique, géostratégique et géopolitique au Moyen‑Orient, ce qui pourrait ternir l'image du Canada et continuer à créer ce vide. Actuellement, il n'y a personne qui puisse jouer l'intermédiaire dans toute cette anarchie qui frappe le Moyen‑Orient.
Le Canada jouit d'une certaine notoriété là-bas. C'est un pays qui est reconnu pour sa neutralité, qui n'est pas trop islamophobe, en comparaison avec d'autres pays, comme la France ou les États‑Unis. Si le Canada prend décide de désigner le CGRI comme une organisation terroriste maintenant, dans les circonstances actuelles, il va, premièrement, tout simplement détruire cette image.
Deuxièmement, dans tous les milieux, que ce soit chiite ou sunnite, dans le monde musulman, le Canada va malheureusement être associé à la tuerie de masse qui se produit maintenant à Gaza. Je veux dire par là que les désavantages de cette décision sont beaucoup plus importants que les avantages. De plus, je le dis, les membres du CGRI ne sont pas des enfants de chœur, mais des tueurs. C'est certain. Ce n'est cependant pas le bon moment pour prendre une décision comme celle-ci.
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Malheureusement, si vous voulez qu'on utilise cette logique, nous allons nous trouver dans cette situation.
Vous savez que, au Moyen‑Orient, il y a beaucoup de conflits. Comme je l'ai dit dans les 11 pages que je vous ai envoyées, il est extrêmement difficile de blanchir une partie totalement, et d'accuser une autre complètement. Dans tous les conflits qui existent — ce sont des conflits de type identitaire, mais qui sont conjugués à une foule d'autres contentieux —, on voit qu'il y a beaucoup d'acteurs qui, eux aussi, pratiquent le terrorisme. Il y a des acteurs non étatiques qui pratiquent le terrorisme comme nous le concevons, mais il y a aussi des États qui pratiquent le terrorisme d'État, et d'autres États sont aussi impliqués.
On a parlé de l'implication de l'Iran en Syrie, par exemple. L'Arabie saoudite, la Turquie et le Qatar sont impliqués en Syrie. Il faudrait alors déclarer tous ces pays des entités terroristes. L'État d'Israël, que nous le voulions ou non, a aussi utilisé des tactiques de terrorisme d'État. Vous voyez donc ce qui va sauter aux yeux...
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Merci, monsieur le président.
Je tiens à remercier ma collègue, Heather McPherson. Le NPD a été le premier... La députée McPherson a proposé cette étude il y a plus d'un an. J'en suis ravie. Nous sommes contents que le Comité la mène maintenant. Malheureusement, elle aurait dû avoir lieu il y a plus d'un an, mais nous y sommes.
Je veux revenir à la situation en Colombie-Britannique et dans ma circonscription de Port Moody—Coquitlam.
Je vais poser une question à M. Kholdi.
Des milliers de Canadiens d'origine iranienne vivent dans ma circonscription. Bon nombre d'entre eux ont peur de voir dans les nouvelles, lorsqu'ils se réveillent le matin, ce qui se passe avec le mouvement Femmes, Vie, Liberté. Le fait est qu'ils n'ont pas l'impression de vivre en toute liberté au Canada. Ils sont surveillés ici et ils ont parfois peur de rentrer chez eux ou ne peuvent pas le faire. Ils perdent des membres de leur famille en Iran. Ils ne peuvent pas rentrer chez eux. Ils vivent dans la peur. Ils voient des membres importants du régime à Vancouver et dans les environs.
Je veux parler de la mesure dans laquelle l'inscription du CGRI sur la liste des organisations terroristes pourrait aider les Canadiens d'origine iranienne à vivre librement au pays.
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Je remercie l'honorable députée pour sa question.
Chaque fois que quelqu'un invoque le sélectivisme, ma question est la suivante: si au cours des 60 dernières années, la police italienne n'a pas été en mesure de lutter contre la mafia, cela a‑t‑il empêché les procureurs de Milan qui ont été assassinés par la mafia de lutter contre la mafia? Si certains pays ne respectent pas... et qu'ils sont nos alliés et que nous ne pouvons pas nous tenir debout devant eux — comme la Turquie —, cela justifie‑t‑il que nous n'agissions pas contre d'autres pays et que nous laissions aller les choses n'importe comment? Ce genre de relativisme est fascinant. Il s'agit en fait d'un faux raisonnement, que je conteste absolument, non seulement sur le plan des principes moraux, mais aussi sur le plan pratique.
Attendons-nous que quelqu'un à Port Coquitlam — ou il pourrait s'agir de moi — soit assassiné par les agents du CGRI? De temps à autre, je reçois toutes sortes de menaces de la part des hommes de main de la République islamique, non seulement dans ce pays, mais c'est arrivé aussi lorsque j'enseignais à l'Université de Manchester, où j'ai fait mon doctorat. Allons-nous attendre jusqu'à ce moment‑là?
Madame, je crois qu'il est temps d'agir et de le faire avec toutes les ressources dont nous disposons. Au moins, nous pourrons dire que nous avons essayé d'agir et que nous avons échoué, et non pas que nous n'avons pas essayé d'agir et que nous avons échoué.