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Bienvenue à la 72
e réunion du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international de la Chambre des communes.
La séance d'aujourd'hui se déroulera en mode hybride, conformément à l'ordre pris par la Chambre le 23 juin 2022. Les membres du Comité siègent en personne ou à distance, au moyen de l'application Zoom.
J'ai quelques consignes à donner aux députés et aux témoins.
Veuillez attendre que je vous nomme avant de prendre la parole. Si vous participez à la réunion par vidéoconférence, cliquez sur l'icône du microphone pour l'activer, et mettez‑le en mode sourdine si vous n'avez pas la parole. Pour entendre les interprètes si vous utilisez Zoom, sélectionnez le parquet, l'anglais ou le français au bas de votre écran. Si vous êtes dans la salle, utilisez le casque d'écoute à votre disposition et sélectionnez le canal voulu.
Même si la salle est équipée d'un système audio puissant, il peut y avoir des retours sonores qui peuvent être extrêmement néfastes pour les interprètes et entraîner des lésions graves. Les retours sonores se produisent le plus souvent quand un casque d'écoute est placé trop près du microphone.
Je vous rappelle que vous devez toujours vous adresser à la présidence. Les députés dans la salle doivent lever la main pour demander à intervenir, et ceux qui siègent à distance doivent utiliser la fonction de main levée dans Zoom. La greffière et moi-même ferons de notre mieux pour respecter l'ordre des demandes d'intervention. Nous vous remercions à l'avance de votre patience et de votre compréhension à cet égard.
Conformément à la motion de régie interne adoptée par le Comité, j'ai été informé par notre formidable greffière que tous les témoins ont effectué un essai de connexion avant la réunion.
Conformément à l'article 108(2) du Règlement et à la motion adoptée par le Comité le mercredi 21 septembre 2022, nous poursuivons notre étude du régime de sanctions du Canada.
C'est avec un immense plaisir que je vous présente nos deux premiers témoins. Mme Elisabeth Braw, agrégée supérieure de l'American Enterprise Institute, comparaîtra à titre personnel. Nous recevons également M. Vladzimir Astapenka, représentant adjoint, Affaires étrangères du United Transitional Cabinet of Belarus.
Vous disposerez chacun de cinq minutes pour nous présenter votre déclaration liminaire, et les députés vous poseront ensuite leurs questions. Je mentionne de plus que je vais montrer une carte pour vous indiquer que vous arrivez au bout du temps alloué et que vous devez donc conclure. Cela ne s'appliquera pas seulement aux déclarations liminaires, mais également aux périodes de questions des députés.
Madame Braw, nous allons débuter avec vous. Vous avez cinq minutes. À vous la parole.
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Merci, monsieur le président.
Je remercie le Comité de m'avoir réinvitée à prendre la parole sur le sujet du régime de sanctions.
Ce qui m'apparaît de la plus haute importance pour l'exercice d'évaluation des incidences des sanctions collectives imposées par l'Occident que nous faisons actuellement, en 2023, c'est de reconnaître les profonds changements intervenus entre aujourd'hui et l'époque des dernières sanctions ou, devrais‑je dire, depuis la dernière génération de sanctions. Le monde était alors en pleine guerre froide et nous, les pays occidentaux, avons imposé des sanctions à des pays comme l'Afrique du Sud.
Durant la guerre froide, les sanctions de l'Occident ont été efficaces en raison de sa formidable puissance économique. Comme nous le savons, les choses ont changé à la fin de la guerre froide, qui a été marquée par une croissance spectaculaire de la mondialisation du commerce.
Cette croissance a été tellement déterminante qu'aujourd'hui, quand nous appliquons des sanctions dissuasives ou punitives, leur efficacité peut être compromise si un pays refuse de nous emboîter le pas, n'appuie pas cette ligne de conduite, ne s'en soucie pas ou décide de tirer profit des difficultés du pays sanctionné. À mon avis, c'est notre principal défi quand nous essayons d'établir un régime de sanctions. Bien entendu, rien ne nous empêche d'imposer des sanctions et de les élaborer avec le plus grand soin, mais il y aura toujours des pays qui nous attendront au tournant et qui en profiteront pour élargir leurs relations commerciales — si les sanctions sont de nature économique — avec le pays visé.
C'est exactement ce qui se produit, à une échelle jamais vue, avec la Russie. Le premier exemple qui vient à l'esprit est celui de la Chine, qui continue d'intensifier ses relations commerciales avec la Russie, mais c'est loin d'être un cas isolé. L'Inde fait la même chose, et d'autres pays aussi. De toute évidence, nos sanctions sont par conséquent moins efficaces que si l'activité commerciale avec le pays sanctionné était complètement paralysée.
Pour autant, les sanctions ne sont pas complètement inutiles. Cependant, nous devons garder à l'esprit que les sanctions économiques ne peuvent pas avoir la même efficacité que durant la guerre froide. Cela ne signifie pas qu'il sera impossible à court terme de retrouver la puissance économique que nous avions à l'époque, mais c'est quelque chose qu'il faut garder à l'esprit concernant toutes nos sanctions contre la Russie ou un autre pays délinquant aujourd'hui ou dans un proche avenir.
L'autre aspect à considérer est la raison des sanctions. L'effet recherché est‑il dissuasif ou punitif? Dans le cas qui occupe le Comité, c'est‑à‑dire la Russie, l'Occident a bien entendu imposé des sanctions qui se veulent à la fois dissuasives et punitives.
Avant l'invasion de l'Ukraine, nos sanctions contre la Russie étaient une mise en garde. Nous voulions lui faire comprendre que l'invasion de l'Ukraine entraînerait des sanctions beaucoup plus lourdes, et nous avons tenu parole. Nous avons infligé des sanctions plus lourdes et, de manière assez impressionnante, l'alliance occidentale s'est tenu les coudes serrés.
Le Comité doit aussi considérer le fait que les sanctions représentent un moyen de dissuasion et de punition si évident que les dirigeants des pays délinquants en tiennent compte dans leur analyse des coûts et des avantages quand ils préparent l'opération que les pays occidentaux essaient d'empêcher. C'est clair qu'avant d'envahir l'Ukraine, la Russie et les dirigeants russes ont pris en compte le risque que les pays occidentaux ripostent avec des sanctions potentiellement dévastatrices dans leur analyse des coûts et des avantages, mais ils ont décidé d'aller de l'avant. C'est vraiment un défi de taille: la grande utilité des sanctions en fait un instrument extrêmement prévisible et dont l'effet dissuasif est beaucoup moins puissant.
Dans le même ordre d'idée, il faut absolument se rappeler que les dirigeants d'un pays qui a subi ou qui est sur le point de subir des sanctions ne se soucient pas forcément des torts causés à leur pays. J'ai pu constater au fil des années que l'égoïsme est endémique. Partout, des dirigeants font primer leurs intérêts sur ceux de leur pays. Si nous, en Occident, menaçons d'imposer des sanctions économiques à l'ensemble de la Russie, il est fort possible que Vladimir Poutine reste de marbre, et que le dirigeant d'un autre pays ne soit pas ébranlé par nos menaces de sanctions s'il n'en souffre pas vraiment ou s'il est prêt à en payer le prix.
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Bonjour, monsieur le président, bonjour, distingués membres du Comité. C'est la première fois que je prends la parole devant votre éminent comité, et je dois dire que c'est un très grand honneur pour moi.
Je représente le United Transitional Cabinet of Belarus, un organisme fondé en août 2022 par la leader nationale Svetlana Tikhanovskaïa pour défendre ce que nous considérons comme les intérêts nationaux véritables du Bélarus.
Comme chacun sait, après les élections présidentielles frauduleuses d'août 2020, Loukachenko a perdu toute sa légitimité et toute possibilité légale de représenter notre pays et notre peuple sur la scène internationale. Après ces élections, les rues de Minsk ont été prises d'assaut par le peuple, qui a manifesté calmement, dois‑je ajouter. Les manifestations populaires ont duré à peu près une année, mais elles ont été brutalement réprimées par les copains du régime Loukachenko. Des milliers de personnes ont été arrêtées, torturées. Certaines ont disparu ou ont même été assassinées. Ces opérations, menées à l'automne 2020, ont soulevé des réactions modestes de la part de la communauté internationale, mais je trouve important de souligner que le Canada a été un des premiers pays à édicter des sanctions visant personnellement le régime de Loukachenko et les auteurs de violations graves et généralisées des droits de la personne.
Malheureusement, ces sanctions n'ont pas freiné le dictateur puisqu'il a ensuite été mêlé à un acte de piratage aérien contre un avion à réaction civil irlandais qui effectuait un vol entre Athènes et Vilnius. Ces événements survenus en mai 2021 sont bien connus. L'avion a été forcé d'atterrir à Minsk et des personnalités clés de l'opposition ont été arrêtées. Une autre série de sanctions a suivi, notamment de la part du Canada. Je souligne également que, à l'instar de la première série, ces sanctions ont été coordonnées avec celles de l'Union européenne et des États-Unis, un moyen beaucoup plus efficace de sévir contre le régime de Loukachenko. Malgré tout, elles ont eu très peu d'effet sur le comportement du régime, qui continue de réprimer les manifestations à la grandeur du Bélarus.
En réponse aux sanctions européennes, Loukachenko a instrumentalisé la crise migratoire aux frontières entre le Bélarus et la Pologne, la Lithuanie et la Lettonie, qui font partie de l'Union européenne. Cette crise n'est pas terminée. Tous les jours, nous entendons dire que 50, 100 ou 150 migrants illégaux essaient de franchir la frontière entre le Bélarus et la Pologne ou un autre pays voisin. Cette situation a entraîné un autre train de sanctions du Canada et de l'Union européenne.
Puis arriva février 2022, moment fatidique de l'invasion de l'Ukraine par Poutine et la Russie. Le principal assaut est venu du territoire du Bélarus. Comme vous le savez, Loukachenko était de connivence avec Poutine pour déclarer cette guerre offensive et il a pris tous les moyens à sa disposition pour faciliter l'avancée des troupes et fournir des services logistiques et de réparation, ainsi que du soutien et une infrastructure techniques.
Naturellement, les pays occidentaux ont réagi à cette agression avec une autre série de sanctions. Le Bélarus était aussi en cause, mais force est d'admettre que ces sanctions manquaient de coordination puisque la plupart s'appliquaient à la Russie, mais pas au Bélarus. Loukachenko a de nouveau profité de la situation en faisant en sorte que des produits qui n'étaient plus fournis à la Russie lui soient acheminés par l'intermédiaire du Bélarus.
Je suis d'accord avec la témoin précédente quand elle affirme que des pays voisins vont essayer de tirer parti de toutes les failles des régimes de sanctions mal coordonnés. À l'échelle mondiale, nous sommes convaincus que la coordination est la clé d'un régime de sanctions intelligentes. Sans cette coordination, nous favorisons le contournement de ces sanctions et l'émergence de stratagèmes clandestins ou semi-clandestins d'approvisionnement de biens.
C'est ce qui se produit actuellement dans l'espace postsoviétique. Les volumes d'exportations et d'importations entre la Russie et le Bélarus et des pays comme l'Arménie ou le Kirghizistan atteignent des sommets.
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C'est une question centrale, qui porte sur ce que nous pouvons faire pour soutenir la reconstruction de l'Ukraine et assurer en même temps son bon fonctionnement.
Pour ce qui a trait à l'État russe et au gel d'actifs privés par l'Occident, je dirais que c'est une mesure facile à prendre. Elle fait partie du programme de sanctions. Pour geler des actifs, aucun lien avec la criminalité n'est requis, mais pour les saisir, les autorités doivent réunir une preuve raisonnable d'activité criminelle. C'est le grand défi.
Si nous, les pays occidentaux qui avons actuellement la possibilité de geler des actifs russes, déclarons que nous avons ces actifs et que nous allons les saisir pour reconstruire l'Ukraine, nous allons exposer nos sociétés qui ont des activités ailleurs dans le monde à un immense péril. Les autres pays risquent de nous dire que si nous ne respectons pas la primauté du droit, alors eux non plus ne la respecteront pas, et que si nous faisons quelque chose qui leur déplaît, ils vont geler les actifs de nos sociétés et les saisir sur‑le‑champ. Nous nous retrouverions alors dans un cul‑de‑sac. La mondialisation de l'économie repose sur la primauté du droit. Même si d'autres pays ne sont pas très scrupuleux pour ce qui concerne la primauté du droit, nous ne pouvons pas nous y soustraire. C'est notre plus grand avantage, et c'est un des grands avantages qui rendent nos pays attrayants pour l'exploitation d'une entreprise.
La criminalité étant un aspect tellement répandu du comportement russe, notamment dans les domaines des finances et du commerce, les autorités occidentales ont beau jeu de multiplier les enquêtes sur les activités menées en Russie afin de saisir des actifs russes gelés. La Guardia di Finanza italienne fait un travail remarquable en ce sens. Je pense que d'autres pays pourraient s'en inspirer.
Nous ne pourrons pas saisir des sommes énormes en menant des enquêtes criminelles, mais nous pourrons saisir plus d'actifs que nous l'avons fait jusqu'ici tout en respectant la primauté du droit.
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L'une des raisons pour lesquelles le gouvernement russe n'a pas jugé que les sanctions occidentales étaient particulièrement coûteuses, c'est qu'elles étaient prévisibles. Les Russes pouvaient assez facilement prévoir quelles sanctions seraient imposées par l'Occident en réponse à l'invasion.
Je crois que l'un des éléments clés d'une dissuasion efficace est l'effet de surprise. Thomas Schelling a reçu le prix Nobel d'économie pour ses recherches sur la théorie de la dissuasion. Je ne prétends pas être le premier à parler de l'effet de surprise, mais c'est un élément clé.
En Occident, nous aimons faire les choses de manière ordonnée, et évidemment, lorsque plusieurs pays doivent s'entendre sur quelque chose, on ne peut pas être particulièrement impulsif ou innovateur. Par contre, si la partie à sanctionner n'a aucune idée et est incapable de prévoir ce que seront les sanctions ou les personnes visées, l'appréhension qui en découle a elle-même un effet dissuasif. Cela inclut non seulement des sanctions économiques, mais aussi des sanctions personnelles.
Il devrait être question de sanctions personnelles contre les décideurs eux-mêmes, mais aussi contre leurs familles. C'est quelque chose que nous, Occidentaux, avons été réticents à faire parce que nous ne voulons pas punir les enfants pour les décisions prises par leurs pères, mais je crois que c'est ce que nous devons envisager, non seulement alors que la guerre que nous tentions d'empêcher est déjà bien engagée, mais aussi parce que c'est un moyen de dissuasion.
Par exemple, que serait‑il arrivé si nous avions immédiatement sanctionné la maîtresse de Poutine et ses deux enfants, avant la guerre, alors que nous voulions dissuader la Russie d'envahir? Que serait‑il arrivé si nous avions sanctionné les enfants de divers hauts fonctionnaires russes qui vivent au Royaume-Uni, au Canada ou aux États-Unis et y mènent une belle vie? Certes, ce n'était pas leur faute si la Russie se préparait à envahir l'Ukraine, mais ils profitaient de notre hospitalité. Je crois que tous les parents savent que l'amour d'un parent pour ses enfants est plus fort que son amour pour lui-même, en fait tout le monde le sait. Si la Russie ou d'autres décideurs craignent que leurs enfants perdent leur droit de vivre, de travailler et de profiter de la vie en Occident s'ils font quelque chose qui sera condamné par l'Occident, je crois qu'il s'agirait d'une utilisation efficace des sanctions.
Ce ne sont pas tous les enfants...
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Je vous remercie de vos bons mots et de votre question.
Je vais essayer de répondre brièvement. Nous avons différentes stratégies et, comme je l'ai déjà dit, les sanctions déjà imposées n'ont pas fait bouger Loukachenko. Il semble maintenant qu'il va rester en place aussi longtemps qu'il le pourra, car c'est ce qui semble important pour lui.
Sur le plan politique, je vais rapidement répondre à votre question. Puisque Loukachenko n'a aucune légitimité, il devrait y avoir quelqu'un qui peut légitimement représenter le peuple du Bélarus. Pour le moment, nous croyons que cette personne est Mme Tsikhanouskaya. Elle s'est présentée aux élections et nous pensons qu'elle les a remportées, et elle a fondé l'United Transitional Cabinet of Belarus.
C'est un enjeu important et la communauté internationale doit réfléchir à sa façon de traiter avec ce cabinet, de le reconnaître et de valider son existence. Nous sommes vraiment ouverts à toute collaboration que nous pourrions avoir avec différents pays. Si le Canada assume un rôle de leader à cet égard, nous collaborerons avec plaisir.
Il ne s'agit pas de la politique de sanctions; il y a eu une grève, mais je suis vraiment heureux d'avoir la possibilité d'en parler.
Nous croyons que Loukachenko a transformé le pays en camp de concentration. Dans un des rapports préparés par des organisations de défense des droits de la personne, on parlait d'une « prison en plein air ». Il est vraiment difficile pour les gens qui vivent actuellement au Bélarus de faire valoir un point de vue différent ou quelque chose que Loukachenko n'aime pas. Ajouter à cela le fait que Poutine est entré au Bélarus avec des troupes, des chars d'assaut, des roquettes et des avions pour lancer son offensive contre l'Ukraine. Nous croyons que dans ces circonstances, le Bélarus pourrait, et devrait peut-être, être considéré comme un territoire occupé dans lequel le peuple ne peut vraiment pas décider de son destin.
Bien sûr, je dois mentionner — et j'aurais dû le faire plus tôt — il y a eu récemment un déploiement d'armes nucléaires tactiques. Loukachenko prétend qu'il en est responsable, mais c'est fait par Poutine. Ils ont assuré que les armes nucléaires seraient livrées le 8 juillet. À tout le moins, cette décision représente un facteur très dangereux pour la sécurité régionale et elle compromet évidemment le traité de non-prolifération ainsi que toutes les obligations dans ce domaine.
Nous pensons qu'une telle situation pourrait entraîner une réaction très concrète et forte de la part de l'Occident, et qu'il faudra peut-être planifier des sanctions particulières si elle se concrétise.
Madame Braw, nous vous interrompons sans cesse, et j'ai donc l'impression que nous devons vous laisser terminer certaines de vos réponses.
Si vous pouviez aussi parler d'un autre point, car la dernière fois que je vous ai posé des questions, vous avez dit que c'est la nature imprévisible des sanctions qui les rend plus efficaces. Évidemment, en tant que membre de l'opposition, mon travail est de demander des comptes au gouvernement, et c'est pourquoi nous voulons comprendre les raisons pour lesquelles le gouvernement impose des sanctions.
Il faut qu'il y ait de l'imprévisibilité pour que les sanctions soient efficaces, mais il faut aussi une certaine transparence, peut-être après coup, pour que nous puissions comprendre pourquoi ces décisions sont prises. Comment pouvons-nous équilibrer ces aspects?
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Cette décision ne nous appartient pas; nous nous en remettons à la Tribune de la presse.
Nous commençons maintenant la deuxième heure de notre étude sur le régime de sanctions.
Je m'excuse auprès de nos deux témoins, qui sont avec nous par Zoom. Nous sommes très heureux d'accueillir le professeur M. Michael Nesbitt, de l'Université de Calgary, ainsi que Mme Amanda Strayer, avocate superviseure chez Human Rights First.
Je vous remercie beaucoup de vous joindre à nous aujourd'hui. Vous aurez cinq minutes chacun pour faire votre déclaration préliminaire, après quoi nous passerons aux questions des membres du Comité.
Je vous invite à bien regarder l'écran. Lorsque le temps dont vous disposez pour faire votre déclaration préliminaire ou répondre aux questions des membres du Comité sera presque écoulé, je vais vous faire un signe qui vous informera qu'il vous reste 10 secondes pour conclure. Veuillez donc surveiller attentivement votre écran.
Cela dit, monsieur Nesbitt, vous serez le premier à prendre la parole. Vous avez cinq minutes pour faire votre déclaration préliminaire. Vous avez la parole.
Merci à tout le monde. C'est un grand plaisir d'être ici. C'est toujours un honneur de se présenter devant un comité permanent de la Chambre des communes.
Je remercie également tous ceux qui travaillent dans l'ombre pour que cela se produise. Je sais qu'il y a beaucoup de travail pour Zoom et pour que toutes ces réunions aient lieu. Je suis sûr que tout le monde en est énormément reconnaissant.
Je commencerai par dire que je suis universitaire dans le domaine du droit pénal et de la sécurité nationale, où j'étudie également les sanctions autonomes, mais j'ai eu l'occasion de travailler sur le terrain en tant qu'ancien diplomate d'Affaires mondiales Canada sur le plan juridique et j'ai travaillé aux sanctions contre l'Iran et la Syrie. Compte tenu de mes antécédents, l'essentiel de mes observations d'aujourd'hui portera sur les régimes de sanctions pertinents d'un point de vue pratique, juridique et en particulier, celui de l'application du droit pénal.
Sur ce, permettez-moi de vous raconter brièvement l'histoire de l'application de sanctions autonomes au Canada. Au Canada, les grands acteurs privés, bons et responsables, tels que les grandes institutions financières, sont principalement, voire presque exclusivement, responsables de l'application de nos sanctions autonomes, le corollaire étant qu'il y a peu de transparence quant à la manière dont cela se passe. Du côté du gouvernement, l'application et la punition sont presque totalement absentes.
Comment le sais‑je? Comment le savons-nous? Nous savons publiquement que nous n'avons jamais inculpé une personne au titre de la loi de Magnitski pour violation des sanctions. Depuis plus de 30 ans que la LMES, la Loi sur les mesures économiques spéciales, a été introduite pour la première fois, nous avons, d'après mes calculs, inculpé une personne et une entreprise pour des violations. L'accusation portée contre la personne s'est effondrée presque avant même d'avoir commencé. L'accusation portée contre l'entreprise a abouti à une entente sur plaidoyer, ce qui, à mon avis, témoigne d'un manque de compréhension du régime dans son ensemble.
En vertu de la Loi sur les Nations unies, les règlements relatifs à la Libye et à M. Kadhafi font aujourd'hui les manchettes du Globe and Mail, bien sûr. De même, à ma connaissance, nous n'avons engagé qu'une seule poursuite au cours de plusieurs décennies de régimes propres à divers pays.
Notez que nous avons eu des dizaines de milliers de sanctions au titre de la LMES, de la loi de Magnitski et des divers régimes relevant de la Loi sur les Nations unies. Il y a des centaines de millions ou plus d'actifs gelés. Les agences américaines critiquent le manque d'application de la loi, et des organisations internationales respectées critiquent également l'incapacité du Canada à endiguer les activités de blanchiment d'argent et de violation des sanctions.
J'ajouterai que de temps à autre, environ tous les six mois, nous voyons un Canadien arrêté aux États-Unis pour avoir contourné les sanctions, et les détails de cette arrestation semblent souvent indiquer que le Canada, lui aussi, aurait très bien pu appliquer les sanctions au titre de nos lois. À l'heure actuelle, les États-Unis semblent sévir plus que nous en punissant les violations de sanction sur leur territoire.
Cette absence d'application contrevient à la primauté du droit. Elle envoie un message à ceux qui voudraient enfreindre les sanctions, à savoir que nous sommes prêts à faire des affaires à peu de frais, et elle envoie un message aux alliés comme les États-Unis, à savoir que nous ne sommes pas un partenaire sérieux dans ce dossier.
Pour commencer, je vais vous donner trois recommandations très pratiques sur la manière de commencer à remédier à notre problème d'application.
Premièrement, nous avons besoin d'une révision complète du régime législatif relatif aux sanctions autonomes, en mettant l'accent sur le droit national et l'application nationale. Dans le passé, ce dossier a été dirigé par Affaires mondiales dans une optique de droit international. Je ne nie pas que le droit international peut jouer un rôle, bien que modeste, de nos jours, en particulier en ce qui concerne l'application, mais il s'agit avant tout d'un problème d'application des lois canadiennes, d'un problème de droit pénal ou civil national, je dirais, et il devrait être et sera réglé par les tribunaux nationaux appliquant les lois du pays.
Pour ne citer qu'un exemple de changement juridique possible, à mon avis, il n'existe aucune raison juridique, nationale ou internationale, qui nous empêcherait de modifier la LMES et la loi de Magnitski, et peut-être la Loi sur les Nations unies, afin de donner le pouvoir de dresser une liste des transbordeurs connus et autres. Pour être tout à fait clair, notre régime nous permet déjà d'arrêter les transbordeurs. Ce ne serait donc pas un changement sur le plan de l'application, mais simplement un changement quant aux personnes que nous inscrivons sur la liste. Si nous n'avons pas le courage de nous attaquer aux transbordeurs connus des pays ciblés, c'est une décision politique et ça doit l'être, mais celle‑ci doit être prise en toute connaissance de cause.
Deuxièmement, nous avons besoin d'un régime de sanctions civiles prévoyant des amendes nettement plus élevées pour coïncider avec les dispositions de gel et de saisie que nous avons vues récemment. Dans le cadre d'un régime pénal strict, tel qu'il existe, nous nous heurterons à ce que nous appelons dans le domaine de la sécurité nationale le « dilemme du renseignement à la preuve », si ce n'est pas déjà le cas, et je dirais que c'est probablement la raison de l'échec de notre dernier cas de sanctions.
L'application des lois pénales aux entreprises — comme nous l'avons vu lors de notre seule action de répression contre une entreprise dans l'histoire de ces dossiers — se fait déjà au moyen d'amendes, mais des amendes modestes. Un régime civil permettrait d'infliger des amendes plus élevées, ce qui aurait un effet plus dissuasif et présenterait l'avantage d'éviter certains des aspects gênants de notre régime pénal sur le plan de la divulgation et la norme élevée de preuve dans les procès criminels.
Enfin, je pense que nous devons réfléchir différemment à la manière dont le dossier du régime des sanctions autonomes est géré au sein du gouvernement. À l'heure actuelle, nos examens des sanctions autonomes semblent limités par l'hypothèse selon laquelle Affaires mondiales Canada devrait continuer à être le seul organe responsable du dossier et, en général, l'argent suit. Il est temps de remettre en question cette hypothèse. L'ASFC a besoin d'argent et de la possibilité de rénover son travail sur les sanctions. Il en va de même pour la GRC. Le SCRS et le CANAFE devraient avoir davantage de pouvoirs en matière de participation et de partage de renseignements. Il en va peut-être de même pour le Centre canadien pour la cybersécurité et le Conseil du Trésor.
De même, on oublie souvent que c'est le Service des poursuites pénales du Canada qui, en fin de compte, poursuivra ces infractions, et pourtant, pour parler franchement, il n'a pas d'expertise interne. Nous n'avons vu aucun engagement en matière de ressources financières ou humaines...
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Monsieur le président et membres du comité, je vous remercie de me donner l'occasion de témoigner aujourd'hui sur les sanctions Magnitski.
Human Rights First est un organisme de pression indépendant à but non lucratif qui se consacre à la promotion et à la protection des droits de la personne et qui exhorte les États-Unis à jouer un rôle de premier plan dans cet effort, à la fois chez eux et dans le monde entier.
Au cours des six dernières années, Human Rights First a mis en place une coalition mondiale de 300 groupes de la société civile pour défendre l'utilisation de sanctions ciblées en matière de droits de la personne et de lutte contre la corruption, à la fois aux États-Unis et dans d'autres pays dotés de programmes de sanctions de type Magnitski. Nous sommes fiers que le Centre Raoul Wallenberg pour les droits de la personne, qui a témoigné la semaine dernière devant cet organe, dirige les travaux de la coalition au Canada, ainsi que des partenaires au Royaume-Uni et dans l'Union européenne.
Depuis les premières sanctions américaines Magnitski à l'échelle mondiale en 2017, la société civile fait partie intégrante de leur efficacité. D'après nos estimations, un tiers de toutes les sanctions Magnitski américaines ont été fondées sur des recommandations de la société civile.
Aujourd'hui, j'aimerais souligner trois façons dont la société civile apporte des contributions essentielles aux gouvernements qui mettent en œuvre des sanctions ciblées en matière de droits de la personne et de lutte contre la corruption, sur lesquelles Human Rights First encouragerait le gouvernement du Canada à prendre appui.
Premièrement, les groupes de la société civile sont une source clé de renseignements dont les gouvernements ont besoin pour imposer des sanctions. La société civile dispose de preuves d'abus sans égales et d'une vision des responsabilités, fondée sur des années de recherche, de surveillance, d'entretiens avec les victimes et de documentation sur le terrain. Ce sont là des sources dont, souvent, les responsables gouvernementaux ne disposent pas.
Nous avons travaillé avec des groupes de la société civile pour présenter plus de 160 dossiers bien documentés au gouvernement américain, recommandant des sanctions Magnitski contre certains auteurs. Cette filière se retrouve dans environ un tiers des cas Magnitski mondiaux, y compris ceux que le gouvernement américain cite comme faisant partie des sanctions les plus importantes. Cela témoigne de la qualité des preuves et des analyses fournies par la société civile et du fait que les sanctions prises au titre des droits de la personne et de la lutte contre la corruption sont plus crédibles lorsqu'elles reflètent les priorités de groupes indépendants de défense des droits de la personne et de lutte contre la corruption.
Comme de plus en plus de pays ont adopté les sanctions Magnitski, nous avons encouragé d'autres gouvernements à adopter une approche semblable pour faire participer la société civile. À titre d'exemple, nous avons aidé à coordonner la présentation de recommandations de sanctions détaillées pour la détention arbitraire du chef de l'opposition russe Vladimir Kara-Murza dans de multiples pays. Nous sommes heureux que le Canada ait été le premier à annoncer des sanctions dans le cas de Vladimir en novembre, suivi par les États-Unis, le Royaume-Uni et l'Union européenne. Toutes ces décisions ont été prises à la suite de plaintes déposées par la société civile. Nous encourageons le gouvernement canadien à prendre appui sur cet engagement positif avec la société civile.
Deuxièmement, la société civile joue un rôle essentiel dans la compréhension de l'impact des sanctions et de leur application. À la suite des sanctions américaines contre le Bataillon d'action rapide du Bangladesh pour des violations des droits de la personne en 2021, des groupes de la société civile ont suivi l'arrêt brutal des exécutions extrajudiciaires par l'unité, ainsi que la reprise de ces violations après un certain temps. Ils ont mis en lumière la manière dont les sanctions ont mis fin aux efforts déployés par le gouvernement pour étouffer les voix et ont suscité des appels sans précédent à la reddition de comptes. Ils ont documenté les menaces proférées par les forces de l'ordre contre des familles de victimes pour qu'elles reviennent sur leurs paroles concernant la disparition de leurs proches, ainsi que la surveillance et le harcèlement accrus des groupes de défense des droits de la personne. Ces renseignements sont essentiels pour les gouvernements qui surveillent l'application des sanctions, envisagent des mesures supplémentaires et répondent aux appels à la levée des sanctions.
Enfin, les groupes de la société civile identifient les lacunes dans la mise en œuvre des programmes de sanctions et exhortent les gouvernements à faire un usage plus équitable de ces outils. En novembre, nous avons publié un rapport conjoint avec nos partenaires, intitulé « Multilateral Magnitsky Sanctions at Five Years », qui analyse la manière dont les États-Unis, le Canada, le Royaume-Uni et l'Union européenne ont utilisé leurs sanctions Magnitski. Nous avons constaté des lacunes importantes dans les quatre compétences. Il s'agit notamment de lacunes importantes dans la manière dont le Canada utilise les sanctions contre les violations des droits de la personne et la corruption dans le cadre de la Loi sur la justice pour les victimes de dirigeants étrangers corrompus, la JVCFOA, et de la LMES, comme le fait de manquer des occasions de multilatéraliser et de renforcer l'impact des sanctions, d'imposer rarement des sanctions contre la corruption, d'exclure des partenaires proches et des alliés des sanctions même lorsqu'elles sont méritées, et de ne pas rendre compte aux victimes marginalisées des violations des droits de la personne.
Sur ce dernier point, nous avons constaté qu'en cinq ans, le Canada n'avait jamais imposé de sanctions Magnitski pour des violations des droits de la personne contre des personnes LGBTQ+ ou autochtones. Dans ses annonces publiques, seuls 7 % de ses cas Magnitski mentionnent des victimes féminines et 1 % seulement des enfants. Si ces sanctions sont des outils de responsabilisation, nous avons constaté qu'elles ne tiennent pas compte de la plupart des victimes dans le monde.
Les fonctionnaires canadiens ont réfléchi à ces conclusions et nous comprenons que le ministère des Affaires mondiales prévoit d'en tenir compte à l'avenir. Nous avons hâte de pouvoir prendre appui sur cet engagement, de partager les perspectives de ceux qui luttent contre les violations des droits de la personne et la corruption dans leur pays et dans le monde entier, et de renforcer l'utilisation des sanctions Magnitski pour obliger les auteurs de violations à rendre compte de leurs actes.
Au nom de Human Rights First, je vous remercie et je me réjouis de répondre à vos questions aujourd'hui.
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Merci, monsieur le président.
C'est maintenant à mon tour de remercier les témoins d'être des nôtres aujourd'hui.
Monsieur Nesbitt, je vais continuer avec vous sur le même sujet. Durant l'heure qui a précédé votre arrivée au Comité, nous discutions de l'efficacité des sanctions, notamment en ce qui concerne la relation entre la Russie et le Bélarus. Le témoin qui nous en a parlé évoquait le manque de coordination qui rend dans certains cas les sanctions à peu près inefficaces.
En écoutant votre témoignage et les questions de mes collègues, je me souviens aussi des réponses de certains fonctionnaires venus témoigner au Comité sur la question de l'application et de la mise en place des différentes mesures de sanction. Il semblait y avoir un flou quant à qui faisait quoi dans tout cela.
Cela m'amène à me poser une question, que je vais vous poser aussi, parce que j'imagine que vous aurez peut-être une réponse: si les sanctions du Canada sont mal appliquées à l'étranger, là où elles doivent l'être, et qu'elles sont mal gérées ou mal comprises au Canada, est-ce qu'on n'est pas en train de donner un coup d'épée dans l'eau, comme on dit?
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C'est un aspect que nous étudions beaucoup en ce moment, celui du meilleur moyen d'évaluer l'impact des sanctions. Il est évident qu'il s'agit d'une évaluation propre à chaque cas et qu'il peut être un peu difficile de généraliser.
Nous constatons que les gouvernements utilisent les sanctions pour toute sorte de motifs, comme vous l'avez mentionné. Parfois, il s'agit d'essayer de dissuader le comportement d'acteurs à l'étranger. Parfois, c'est pour signaler ou déclarer avec force la solidarité avec les victimes ou pour bâtir un consensus international au sujet de la condamnation particulière d'un ensemble précis de violations, ou des tentatives de perturber des réseaux de corruption, par exemple.
Je pense qu'il serait très utile que les gouvernements continuent à se concentrer sur l'amélioration de la multilatéralisation de leurs sanctions en vertu des régimes Magnitski qu'ils ont institués. À l'heure actuelle, il n'y a pas grand chevauchement entre les États‑Unis, le Canada, le Royaume‑Uni et l'Union européenne en ce qui concerne l'application de ces sanctions. Cela crée des lacunes que les auteurs de ces violations peuvent exploiter.
Par exemple, j'ai mentionné plus tôt dans mon témoignage le Bataillon d'action rapide du Bangladesh, que les États‑Unis ont sanctionné en 2021. Ces sanctions n'ont pas été reprises par le Canada, le Royaume‑Uni ou l'Union européenne. Nous avons par la suite trouvé des renseignements indiquant que des membres de cette unité s'étaient rendus au Royaume‑Uni et dans l'Union européenne pour acquérir une formation et divers services au moyen desquels faire respecter la loi au Bangladesh et, vraisemblablement, renforcer leur rôle dans la répression au Bangladesh. C'est un domaine où, si les partenaires des États‑Unis — le Canada, le Royaume‑Uni et l'Union européenne — avaient pris des mesures pour sanctionner les membres du Bataillon d'action rapide de la même manière que les États‑Unis, ils n'auraient pas pu se rendre au Royaume‑Uni, dans l'Union européenne ou même au Canada pour continuer à obtenir les services et le soutien dont ils avaient besoin pour devenir une unité répressive plus efficace au Bangladesh.
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Mon Dieu, par où commencer?
Il y a le Bureau du contrôle des avoirs étrangers au sein du Département du trésor, qui a vraiment l'expertise en ce qui concerne les affaires, le suivi de l'argent et le suivi de la structure de l'entreprise, et pour aider le Département d'État et d'autres à dresser ces listes, ainsi que pour faire en sorte que lorsque nous dressons ces listes, une procédure en bonne et due forme justifie l'ajout des personnes afin que ces listes puissent être appliquées. C'est l'objectif de ces listes. En tout cas, d'après mon expérience, il s'agit de personnes ayant une réelle expérience dans ce domaine — comptabilité, sens des affaires, etc.
L'un des problèmes pour Affaires mondiales Canada — et c'est l'un de ces problèmes qui nécessitent une attention particulière et des ressources humaines — est que le ministère est constitué, en grande partie, de diplomates qui n'ont pas nécessairement été formés pour cela. Je suis sûr qu'Affaires mondiales essaie de mettre en place de la formation. Nous parlons également d'une organisation dans laquelle les gens entrent et sortent tous les deux ans. L'idéal est de partir en mission quelque part. Il est alors plus difficile d'acquérir et de maintenir le genre d'expertise requis que dans une organisation permanente telle que le Bureau du contrôle des avoirs étrangers. Nous n'avons pas vraiment d'équivalent au Canada pour créer un lien entre les personnes à la GRC — qui voudront être au courant de la structure de l'entreprise, de l'argent et de la façon dont cela se passe pour son application — et les personnes chez Affaires mondiales, qui connaissent les noms sur la liste, les pays étrangers et ce genre de choses.
Je pense que c'est le mieux que je peux vous dire à cet égard.
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Bien sûr, merci beaucoup.
Nous travaillons non seulement avec des organisations basées aux États‑Unis, mais aussi avec des ONG et des organisations de la société civile basées à l'étranger et localement, dont le seul objectif est de documenter et de suivre les violations des droits de la personne et les réseaux de corruption dans leur pays. Ce sont elles qui sont directement touchées par ces violations.
Nous avons constaté que pour ce genre d'outils de sanction à l'échelle mondiale sur le plan des droits de la personne et de la lutte contre la corruption, l'utilisation des recommandations de la société civile est essentielle pour qu'ils soient les plus efficaces et les plus crédibles. Je pense que certains des intervenants de la séance précédente ont souligné ce problème de crédibilité des sanctions.
Je précise simplement que dans l'étude que vous avez mentionnée, celle que nous avons réalisée avec le Centre Raoul Wallenberg, nous avons constaté au cours des cinq dernières années qu'en ce qui concerne les sanctions en matière de droits de la personne et de lutte contre la corruption prises dans le cadre de la Loi sur la justice pour les victimes de dirigeants étrangers corrompus et de la Loi sur les mesures économiques spéciales, il y avait un manque incroyable de diversité géographique dans ces sanctions du côté du Canada. Environ 90 % des sanctions du Canada se sont concentrées sur quatre pays seulement: La Russie, la Biélorussie, le Nicaragua et le Venezuela.
Nous avons manqué des occasions de reconnaître les violations des droits de la personne et la corruption qui affligent des collectivités et des pays partout dans le monde, et la capacité du gouvernement canadien et de ses partenaires à faire davantage pour s'y opposer.