:
Monsieur le président, j'aimerais invoquer le Règlement en ce qui a trait à l'horaire de ce comité. Je dirais d'emblée que je suis très déçu de voir ce qui est en train de se produire. Il s'agit d'une question importante, et j'espère que nous pourrons procéder dans un esprit de collaboration.
Le Comité s'est réuni le 15 juillet dernier et a convenu de tenir des audiences au cours de l'été. Le Comité souhaitait entendre les ministres avant le 22 juillet, mais cela ne s'est pas produit. Il y a eu une réunion, le 4 août, mais voilà maintenant plus d'un mois qu'il n'y en a pas eu d'autres.
En préparation de la présente réunion, nous avons reçu une convocation pour une audience de trois heures afin d'entendre des témoins, conformément à un certain ordre du jour. Les membres ont fait des plans, préparé des questions et fourni à votre bureau des séries de questions à poser, et vous — tout semble l'indiquer — avez unilatéralement changé cet ordre du jour et raccourci la réunion, et ce, à moins d'une heure du début de la réunion. Si vous allez de l'avant avec ce plan, cela limitera considérablement notre capacité à dialoguer avec des experts importants, comme cela était censé se produire selon l'avis que nous avons reçu.
Nous avons également demandé qu'il y ait du temps pour les travaux du Comité, afin que nous puissions discuter de notre programme. Vous avez raccourci l'ordre du jour du Comité, mais vous n'avez pas prévu plus de temps pour que nous puissions aborder les travaux du Comité, discuter du programme à venir et essayer de parvenir à une sorte de consensus. Bien sûr, dans la mesure où un consensus avait été atteint par le passé — comme pour la tenue d'audiences d'été —, ce consensus n'a pas été respecté par votre bureau.
Monsieur le président, il est très frustrant et décevant de voir un président agir comme vous l'avez fait en ce qui a trait au calendrier. Je suis déçu et frustré. Ce n'est pas ce à quoi M. Spengemann ou M. Levitt nous ont habitués, ces autres présidents qui étaient capables de mettre de côté leurs allégeances politiques et de traiter respectueusement avec tous les membres à propos des ordres du jour.
Pouvez-vous fournir une explication pour votre conduite, monsieur le président? Pourquoi n'avez-vous pas permis au Comité de se réunir depuis plus d'un mois? Pourquoi avez-vous soudainement écourté cette réunion avec un préavis de moins d'une heure aux membres? Pourquoi vous comportez-vous de la sorte? Croyez-vous qu'il s'agit d'une façon appropriée ou respectueuse d'agir pour un président?
Si vous preniez en considération les appels des membres du Comité pour revenir à l'ordre du jour qui avait été proposé au départ, c'est‑à‑dire une réunion de trois heures, nous pourrions entendre des témoins pendant trois heures. Peut-être pourrions-nous également réserver du temps pour les travaux du Comité dans un avenir rapproché, afin de nous entendre sur un programme et d'aller de l'avant?
Merci.
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Monsieur Genuis, je vous remercie de vos observations.
Tout d'abord, vous avez soulevé un certain nombre de questions différentes. Je peux vous assurer qu'en consultation avec la greffière et d'autres membres, nous avons fait tout notre possible pour que les audiences du Comité puissent se mettre en branle.
La raison du retard initial est que, comme vous vous en souvenez, les membres ont indiqué qu'ils voulaient entendre neuf témoins pendant trois heures. Malheureusement, malgré les efforts de la greffière et d'autres membres, seules trois personnes se sont rendues disponibles il y a plusieurs semaines. Il a donc été décidé qu'il valait mieux ne pas procéder à ce moment‑là, mais de redoubler d'efforts pour entendre le plus grand nombre de témoins possible. C'était l'une des raisons.
Une autre raison est que le Parlement a dû consacrer une semaine à l'entretien de son réseau — comme vous le savez parfaitement, monsieur Genuis —, ce qui signifie qu'aucun comité n'a eu accès aux réunions virtuelles. Malgré cela, dès que la semaine a été terminée, nous nous sommes efforcés d'inviter autant de témoins que les membres du Comité souhaitaient en entendre, mais là encore, comme vous n'êtes pas sans le savoir, malheureusement, un bon nombre de ces témoins ont indiqué qu'ils n'étaient pas disponibles.
Il y a quelques heures, sur les conseils de la greffière qui avait parlé à divers membres et compte tenu du fait qu'il n'y allait avoir que quatre témoins à entendre, nous avons convenu d'avoir deux groupes. C'est, de façon générale, dans le cours normal des choses, mais si vous le souhaitez, après la fin de cette réunion, je serai très heureux de communiquer avec vous et de vous fournir tous les renseignements qui pourraient vous intéresser.
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Merci, monsieur le président. Je tenterai d'être bref.
Quoique je considère les préoccupations de M. Genuis totalement légitimes, il serait inopportun de présumer de la mauvaise foi de qui que ce soit dans ce dossier depuis le début.
Je m'explique. Effectivement, la précédente séance a été annulée parce que, compte tenu du très court délai, malheureusement, seulement trois témoins avaient été confirmés. Puisque nous souhaitions avoir trois heures de débat avec neuf témoins, conséquemment, il aurait fallu donner un plus long préavis. Force est de constater que, malgré le préavis, il n'aura pas été possible de recevoir plus de quatre témoins aujourd'hui. Il m'apparaissait tout à fait inopportun de passer trois heures à interroger quatre témoins, alors qu'au départ, il était prévu que nous passions trois heures à interroger neuf témoins. Le président a respecté le souhait des membres du Comité d'entendre à nouveau le Congrès ukrainien canadien, et ce, en lui consacrant une heure à lui seul, puis de recevoir un deuxième groupe, composé de trois témoins.
Maintenant, il reste la question de la troisième heure. Aurait-il été opportun de profiter de celle-ci pour discuter des futurs travaux du Comité, tel que l'avaient exprimé les membres du Comité précédemment? C'est une question légitime. Cela dit, peut-être était-il également de bon aloi de laisser la poussière retomber une fois que nous aurions entendu les témoins, de telle sorte que nous puissions faire des interventions plus opportunes quant à la suite des choses.
Alors, s'il doit y avoir une rencontre sur les travaux futurs du Comité, je souhaite qu'elle se tienne dans les meilleurs délais. Je ne suis pas certain que nous ayons assez de temps pour le faire en troisième heure aujourd'hui, puisqu'il nous faudra quand même assimiler les informations qui nous auront été données par les témoins. Toutefois, quoique les questions posées par M. Genuis soient tout à fait légitimes, j'estime que la greffière et le président, dans les circonstances, ont agi de la meilleure façon possible et avec les meilleures intentions. J'appuie donc la décision prise par le président d'abréger les travaux d'aujourd'hui afin de consolider nos groupes de témoins et de faire en sorte que la discussion soit encore plus intéressante. D'ailleurs, cette décision n'a pas été prise de façon unilatérale, mais en consultation avec d'autres membres, dont moi-même.
Voilà ce que j'avais à ajouter, monsieur le président.
:
Monsieur Genuis, vous êtes en train de débattre. Je vous demande de faire preuve de courtoisie à l'égard des témoins qui nous offrent leur temps aujourd'hui. Nous pourrons en discuter plus tard, et je peux vous assurer que tout a été fait dans les règles. La greffière a...
M. Garnett Genuis: Non, pas du tout.
Le président: Monsieur Genuis, à ce stade‑ci, c'est un débat.
M. Garnett Genuis: Je serai heureux d'aller de l'avant avec la réunion, monsieur le président. Cela ne vous fera ni chaud ni froid, mais j'ai hâte d'entendre les témoins.
Merci.
Le président: Merci.
Si nous pouvons maintenant reprendre la séance, j'aimerais souhaiter la bienvenue à tous les membres à cette 25e réunion du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international.
Conformément à la motion adoptée le 15 juillet 2022, le Comité se réunit aujourd'hui dans le cadre de son étude sur l'exportation des turbines de la société russe Gazprom.
[Français]
Comme d'habitude, vous pouvez accéder aux services d’interprétation en cliquant sur l’icône en forme de globe au bas de votre écran.
[Traduction]
Je profite de cette occasion pour rappeler à tous les participants qu'il est interdit de faire des captures d'écran ou des photos de votre écran.
Je vous demande d'attendre que je vous désigne par votre nom avant de prendre la parole. Lorsque vous parlez, veuillez parler lentement et distinctement. Lorsque vous ne parlez pas, votre micro doit être en sourdine. Je rappelle à tous que toutes les interventions des membres et des témoins doivent être adressées à la présidence.
Aussi, avant d'accueillir nos témoins, j'aimerais souhaiter la bienvenue à la nouvelle greffière qui a été affectée à notre comité. Aujourd'hui, nous avons la chance de l'avoir avec nous, elle qui nous avait dit qu'elle serait là dès la reprise des travaux du Parlement. Elle a fait beaucoup d'efforts pour rendre possible l'audience d'aujourd'hui.
Je l'en remercie.
J'aimerais souhaiter la bienvenue à notre premier groupe de témoins de la journée.
Nous allons entendre deux témoins qui sont membres du Congrès des ukrainiens‑canadiens. Nous avons le privilège de les avoir avec nous aujourd'hui. Il s'agit de M. Ihor Michalchyshyn, directeur exécutif et directeur général, et de M. Orest Zakydalsky, conseiller principal en matière de politiques.
J'aimerais rappeler aux témoins que vous disposez chacun de cinq minutes pour votre déclaration liminaire, après quoi les membres auront la possibilité de vous poser des questions pendant le reste de l'heure.
Soyez les bienvenus.
:
Merci, monsieur le président.
Je vais présenter des observations préliminaires, puis nous serons heureux de passer aux questions. Au nom du Congrès des ukrainiens‑canadiens, c'est un plaisir pour moi d'être ici et d'avoir été invité à comparaître devant vous aujourd'hui. Alexandra Chyczij, notre présidente, s'est entretenue avec vous il y a plusieurs semaines. Nous sommes ici pour continuer à vous communiquer les points de vue de notre organisation.
J'espère que les membres du Comité ont passé un bon été. Nous sommes restés en contact avec beaucoup d'entre vous et nous apprécions le travail que vous avez fait durant cette période.
Puisque nous sommes le 7 septembre, je veux vous souhaiter un bon Jour du patrimoine ukrainien-canadien. Les Canadiens ukrainiens sont ici au Canada depuis 130 ans. C'est une journée qui est reconnue dans plusieurs provinces et nous travaillons à la faire reconnaître à l'échelle nationale. Je tenais à le signaler pour les besoins du compte rendu.
En ce qui concerne le sujet d'aujourd'hui, le 15 juin, le Congrès des ukrainiens-canadiens a écrit à la , Mme Joly, pour lui faire part de ses préoccupations quant au fait que le gouvernement canadien envisageait de lever les sanctions. Le 6 juillet, nous avons écrit au . À propos de cette affaire de turbine, nous avons affirmé qu'elle serait un test quant à la détermination du gouvernement du Canada à maintenir les sanctions et à continuer d'isoler la Russie. Nous avions le sentiment que toute dérogation aux sanctions canadiennes serait perçue comme une capitulation face aux demandes de chantage et au terrorisme exercé par la Russie sur le plan énergétique, et que cela allait servir à enhardir l'État terroriste russe, avec des conséquences négatives de grande portée non seulement pour l'Ukraine ou l'Union européenne, mais aussi pour la sécurité du Canada.
Malheureusement, le gouvernement canadien n'a ni entendu ni tenu compte de nos préoccupations, qui étaient partagées par le gouvernement ukrainien, et la dérogation a été accordée.
Nous constatons que le gouvernement russe s'est, comme on pouvait s'y attendre, enhardi à exiger de nouvelles concessions. Malgré la capitulation du Canada et de l'Allemagne devant les exigences russes, la Russie a, en fait, complètement fermé le gazoduc Nord Stream 1. Aucun gaz ne circule actuellement. Il y a une multiplication sans fin de raisons qui circulent pour expliquer pourquoi l'approvisionnement en gaz russe ne fonctionne pas telle ou telle semaine.
Le porte-parole du Kremlin, M. Peskov, a déclaré le 5 septembre que les livraisons de gaz russe ne reprendront pas tant que les sanctions occidentales n'auront pas été levées, sous le faux prétexte que les sanctions empêchent la desserte des gazoducs russes. Bien entendu, cela n'est pas vrai, mais là n'est pas la question. Le Kremlin ment effrontément, comme il le fait de façon régulière sur le plan politique. Ce qui importe, comme nous l'avons dit à maintes reprises, c'est que la question des turbines n'a jamais porté sur les turbines, mais bien sur les sanctions.
Maintenant, le Canada et l'Allemagne ont un choix à faire: continuer à jouer ce jeu avec les demandes de chantage de la Russie ou simplement annuler l'exemption de sanctions et montrer à la Russie que nous ne nous laisserons pas intimider face à ses menaces.
Nous comprenons que le régime russe réagit à la force. Le Congrès des ukrainiens-canadiens estime qu'il est grand temps que le Canada et ses alliés exercent cette force pour répondre à l'agression et aux pressions croissantes de la Russie.
Nous demandons au Comité de faire ce qui suit. Premièrement, demander instamment au gouvernement du Canada de révoquer les permis délivrés le 9 juillet 2022 par la , lesquels permettent, sur une période de deux ans, la réparation de six turbines Siemens Nord Stream 1 et leur acheminement à Gazprom, le monopole d'État russe du gaz.
Deuxièmement, appuyer la désignation de la Fédération de Russie comme État parrain du terrorisme.
Troisièmement, appuyer l'expulsion du Canada de l'ambassadeur de la Fédération de Russie et de la mission diplomatique russe.
Quatrièmement, nous soutenons la suspension de la délivrance de visas de voyage par le Canada à tous les citoyens de la Fédération de Russie.
Enfin, et c'est le plus important, nous croyons que le vent de la guerre génocidaire de la Russie contre l'Ukraine est en train de tourner sur le champ de bataille grâce à la défense héroïque de son pays par le peuple ukrainien. Nous savons que le gouvernement du Canada peut continuer à jouer un rôle de premier plan en veillant à ce que le peuple ukrainien dispose de l'équipement, des armes et des moyens nécessaires pour terminer le combat et assurer la victoire de la liberté sur la tyrannie.
Le budget de 2022 prévoyait 500 millions de dollars pour le soutien militaire et sécuritaire à l'Ukraine. Ces fonds ont été dépensés et sont maintenant épuisés. Nous demandons donc instamment au Comité de nous soutenir dans l'examen des moyens par lesquels le Canada pourrait augmenter substantiellement son aide militaire à l'Ukraine dans l'avenir.
Nous sommes impatients de répondre à vos questions et de discuter du soutien du Canada à l'Ukraine. Je signale également que le Comité pourrait envisager une visite de travail en Ukraine, à l'instar des assemblées législatives de nombreux pays que nous avons vues se rendre à Kiev et en Ukraine pour parler à leurs homologues ukrainiens et se faire une idée de la situation sur le terrain.
Je vais arrêter là ma déclaration liminaire. Nous sommes prêts à répondre aux questions.
Merci, monsieur le président.
:
Nous espérons que le président réévalue sa décision.
Il y a un large appui à l'égard d'une telle désignation au sein du Congrès américain. Une résolution du Sénat a été adoptée à l'unanimité. Nous connaissons bien nos voisins du Sud: le Sénat américain n'adopte rien à l'unanimité, mais cette fois‑ci, il l'a fait. La résolution a été présentée par les sénateurs Graham et Blumenthal, et demandait à l'administration de désigner la Russie à titre d'État qui soutient le terrorisme.
Nous savons aussi que la Présidente de la Chambre des représentants, Mme Pelosi, appuie vivement cette position. Elle est membre du parti du président. Nous espérons que le Sénat et la Chambre encourageront le président à revoir sa décision. Nous espérons également que vous allez encourager les législateurs américains en ce sens dans le cadre de vos interactions avec l'administration américaine, en vue d'ajouter la Russie à cette liste. Aux États-Unis, on parle des États parrains du terrorisme; au Canada, on parle plutôt des États qui soutiennent le terrorisme, mais il s'agit de la même chose.
On aurait dû ajouter la Russie à cette liste il y a bien longtemps. L'avion MH17 a été abattu en juillet 2014. Il est évident qu'un pays qui abat l'avion d'un transporteur aérien civil se livre au terrorisme.
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Merci, monsieur le président.
Je vous remercie, messieurs, d'être des nôtres aujourd'hui. Votre témoignage est certainement des plus pertinents dans le cadre des travaux de ce comité.
On a bien pris soin de faire en sorte que cette exemption soit révocable. Lors de la séance au cours de laquelle nous avons entendu les ministres et , j'ai demandé quels seraient les motifs qui justifieraient une révocation de cette exemption. Malheureusement, pour des motifs de temps, la ministre n'avait pas eu le temps de répondre à la question.
J'aimerais donc que vous et moi approfondissions cette question ensemble. Selon une entrevue rapportée le 21 août par Radio-Canada, le ministre Wilkinson estime que le manège de la Russie a été dévoilé, mais il espère toujours que la turbine retournera à Gazprom et qu'elle pourra entrer en service.
Le 24 août, la a déclaré à CBC News qu'elle ne prévoyait pas revenir sur sa décision malgré le refus de Gazprom d'accepter la première turbine.
Maintenant que le chantage russe a été dévoilé, quelle est la pertinence de maintenir cette exemption?
:
Avant même que la décision ne soit prise par le gouvernement canadien, d'aucuns exprimaient des doutes quant à la pertinence de lever la sanction sur les turbines. C'est notamment parce que d'aucuns pensent que la Russie dispose de turbines en réserve. De plus, même Siemens estime que l'oléoduc peut fonctionner en dépit des turbines.
Ces déclarations des ministres du 21 et du 24 août sont antérieures à la déclaration de M. Dmitri Peskov du 5 septembre, selon laquelle l'approvisionnement ne va reprendre que si on lève les sanctions. On ne peut démontrer de façon plus évidente qu'il s'agissait d'un chantage éhonté de la part de la Russie et qu'il y a lieu de révoquer cette exemption, d'autant plus que le scénario de la révocation a été évoqué par l'ambassadrice de l'Allemagne lors de sa comparution devant ce comité. On n'a pas eu de nouvelle déclaration de la part de l'un ou l'autre des ministres depuis la déclaration de M. Peskov du 5 septembre dernier, mais je ne m'explique pas pourquoi nous maintenons cette exemption alors même que le chantage de la Russie est exposé de la façon la plus évidente qui soit.
Lors de la comparution précédente du Congrès des Ukrainiens canadiens, il avait été question de solutions de rechange, entre autres du pipeline que fait fonctionner Gazprom sur le territoire ukrainien. Selon ce que vous disiez, ce pipeline aurait pu remplacer complètement la capacité de Nord Stream 1. Ce gazoduc serait présentement utilisé à moins de 40 % de sa capacité.
Maintenant qu'on sait que Nord Stream 1 ne fonctionne plus, ma question est la suivante. L'approvisionnement par le gazoduc qui passe en Ukraine a-t-il été interrompu, ou y a-t-il toujours de l'approvisionnement en Ukraine par ce gazoduc?
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Merci, monsieur le président.
Comme tous mes collègues, je tiens à remercier les membres du Congrès des ukrainiens-canadiens pour leur présence avec nous aujourd'hui.
J'aimerais également prendre un moment pour souligner leur générosité, puisqu'ils nous ont accordé beaucoup de temps tout au long de cette période. Je sais que bon nombre d'entre nous leur demandent des renseignements et qu'ils les transmettent de façon régulière. Monsieur Zakydalsky, monsieur Michalchyshyn, merci beaucoup.
Je m'en voudrais également de ne pas remercier le Conseil provincial de l'Alberta pour son excellent travail dans ma province.
Ma première question aujourd'hui portera sur la levée de sanctions; c'est la principale raison pour laquelle nous nous réunissons aujourd'hui. Tout comme mon collègue, M. Bergeron, je ne comprends tout simplement pas pourquoi le gouvernement n'accepte pas de révoquer l'exemption.
Lorsque le sujet a été évoqué pour la première fois et que nous avons appris que le gouvernement songeait à la question, je me suis demandé — comme bon nombre de personnes dans la salle — pourquoi diable nous devrions faire confiance au président Poutine et penser qu'il respecterait sa parole: il ne l'a jamais fait. De toute évidence, il instrumentalise l'énergie et les aliments; pourquoi devrions-nous lui faire confiance? Il a établi clairement — tout comme son gouvernement — qu'il n'allait pas acheminer de gaz vers l'Allemagne. Je n'arrive pas à comprendre pourquoi le gouvernement ne révoque pas cette exemption.
Lorsque l'ambassadrice Kovaliv a témoigné devant le Comité, elle a parlé d'un « dangereux précédent ». J'aimerais que vous nous expliquiez pourquoi et que vous nous donniez des exemples à cet égard.
Monsieur Michalchyshyn, je crois que vous avez dit que les Russes avaient demandé d'autres concessions; pourriez-vous nous apporter des précisions à ce sujet?
:
Je vous remercie pour vos remarques chaleureuses.
Je transmets nos félicitations au Congrès des ukrainiens-canadiens-Conseil provincial de l'Alberta, qui travaille d'arrache-pied pour soutenir les réfugiés ukrainiens qui sont arrivés dans cette province.
Comme vous l'avez dit, nous pensons qu'il s'agit d'un précédent que nous avons déjà vu, en particulier dans certains secteurs. Par exemple, les tarifs douaniers canadiens sur les engrais ont eu une incidence considérable sur le prix de ces produits, ce qui a évidemment eu des répercussions sur les producteurs agricoles du Canada. Nous constatons que le public réclame au gouvernement qu'il prenne des mesures à l'égard de ces tarifs, qu'il les réduise et qu'il accorde des exemptions. Il s'agit là de l'exemple le plus public que nous puissions vous donner d'une situation dans laquelle nous avons exhorté le gouvernement à rester fort et cohérent sur cette question.
Nous pensons que cela n'arrange rien. Nous pensons en fait que l'objectif de la Fédération de Russie est de créer des failles dans le régime de sanctions canadien et, en général, dans les régimes de sanctions occidentaux. Ils comprennent que la cohérence et la coordination sont essentielles.
Je ne pense pas qu'ils fassent de distinction particulière dans ce qu'ils perturbent. Plus ils créent de failles dans les régimes de sanctions, trouvent des différences entre les administrations et créent des incohérences entre nos gouvernements qui sont largement sur la même longueur d'onde sur cette question... Nous pensons que c'est là leur objectif global. Leur objectif de désinformation consiste en partie à dire que l'Occident est incohérent dans l'application de ce type de pression.
Monsieur Zakydalsky, avez-vous quelque chose à ajouter à ce sujet?
:
Merci, monsieur le président.
J'aimerais souhaiter la bienvenue à M. Michalchyshyn et à M. Zakydalsky. Je vous remercie d'être présents aujourd'hui.
Permettez‑moi de réitérer notre soutien au peuple ukrainien dans sa lutte courageuse contre l'invasion d'une armée agressive et hostile.
Le Canada devrait faire tout son possible pour aider le peuple ukrainien démocratique et libre à défendre sa souveraineté et son droit de vivre en tant que peuple libre dans son propre pays. J'estime que cette aide passe par le maintien des sanctions à l'égard de tous les échanges commerciaux avec la Russie.
Pas plus tard que le 22 août, le du Canada a déclaré que le Canada soutiendrait l'Ukraine et le peuple ukrainien en leur fournissant ce dont ils ont besoin aussi longtemps qu'il le faudra. Ce sont des paroles en l'air, sans substance, au vu de la décision du gouvernement, en juillet, d'accorder une exemption de deux ans aux sanctions fédérales et de permettre à une entreprise canadienne de renvoyer des turbines réparées d'un gazoduc russo-allemand. Le président ukrainien, Volodimir Zelenski, a qualifié cette décision de « manifestation de faiblesse », et je suis d'accord avec lui. À peine le gouvernement canadien avait‑il capitulé que la Russie limitait l'approvisionnement de l'Europe en gaz naturel.
Les autorités ont rapidement changé leur version des faits en affirmant que nous avions joué le jeu de la Russie parce que nous ne voulions pas être tenus pour responsables de l'interruption de l'approvisionnement en énergie russe à l'Europe.
Monsieur Michalchyshyn, pensez-vous qu'il y avait un jeu à jouer ou s'agit‑il simplement d'un autre retournement du discours d'un gouvernement dont la pertinence en matière d'affaires étrangères diminue?
:
Merci, monsieur le président, et merci aux deux témoins.
Nous avons beaucoup entendu parler de ce sujet et de l'invasion de l'Ukraine par la Russie en général. C'est un sujet qui tient à cœur à tout le monde ici au Canada. Je tiens à vous dire que nous prenons cette question très au sérieux.
Ce que nous avons remarqué, c'est que l'unité dans la réponse à l'invasion de la Russie a été essentielle, et l'objectif de Poutine reste clairement d'essayer de diviser les pays de l'OTAN et de l'Union européenne. L'une des réussites a été le fait que les pays européens, en particulier ceux de l'OTAN, ont réagi à l'invasion de l'Ukraine par la Russie en la rejetant ou en s'y opposant fermement, et qu'ils ont réagi d'une seule voix, qu'il s'agisse de fournir une aide militaire, une aide en général ou un soutien aux Nations unies ou autre.
Quelle est selon vous l'importance du maintien du soutien de l'Union européenne à l'Ukraine face à cette guerre qui s'éternise malheureusement, monsieur Michalchyshyn?
:
Merci, monsieur le président.
Au moment où le gouvernement a pris la décision de permettre cette exemption, le Bloc québécois estimait que cette décision avait certainement été difficile à prendre, que le gouvernement canadien s'était retrouvé coincé entre l'arbre et l'écorce et qu'il avait à choisir, pour ainsi dire, entre le choléra et la malaria. Il s'agissait donc d'une décision extrêmement difficile. Nous avons estimé que le gouvernement devait avoir d'excellentes raisons de prendre la décision qu'il a prise à ce moment-là.
Par contre, du même souffle, nous avons également ajouté que cela devait nécessairement donner lieu à une nouvelle série de sanctions et à un accroissement de l'aide militaire canadienne en Ukraine. Or nous n'avons guère vu d'augmentation des sanctions, depuis. Quant à l'aide militaire, sur le site Web du gouvernement intitulé « Soutien militaire canadien envers l'Ukraine », on observe qu'excepté l'annonce de la reprise de l'opération Unifier, le Canada n'a pas fait d'annonce concernant la fourniture d'équipement militaire à l'Ukraine, dont elle avait pourtant un impérieux besoin, comme le rappelait l'ambassadrice de l'Ukraine lors de sa comparution il y a plus de deux mois. L'ambassadrice avait insisté sur le fait qu'il était impératif que ces fournitures parviennent à l'Ukraine cet été.
D'une part, comment analysez-vous les réponses qui nous ont été données par le ministre et la ministre quant aux raisons qui les ont amenés à prendre cette décision difficile?
D'autre part, comment analysez-vous la contribution canadienne à l'Ukraine depuis? Cela répond-il, selon vous, aux besoins exprimés par les Ukrainiens?
:
Merci, monsieur le président.
Cette conversation porte essentiellement sur le régime de sanctions. J'ai trouvé qu'il était incroyablement difficile d'obtenir des renseignements sur les sanctions. Il s'agit des précisions sur ce qui a été saisi et des précisions sur les sanctions. Il ne s'agit pas de savoir qui a été sanctionné, mais de connaître le montant et la nature des sanctions.
J'aimerais prendre un moment, si possible. Permettez‑moi de lire une motion que j'ai présentée le 31 mai 2022 pour qu'elle figure au procès-verbal:
Que, conformément à l’article 108(2) du Règlement, le Comité entreprenne l’étude du suivi de l’étude de 2017 du Comité sur le régime de sanctions du Canada intitulé « Un cadre efficace et cohérent de mise en œuvre des régimes de sanctions du Canada: honorer la mémoire de Sergueï Magnitski et aller plus loin »; que le Comité examine la mise en œuvre par le gouvernement des recommandations du rapport de 2017; que le Comité examine la nécessité de formuler de nouvelles recommandations, le cas échéant, découlant de la réponse du Canada à la situation en Ukraine et autres situations depuis 2017; que le Comité tient au moins quatre réunions sur ce sujet; que le Comité fasse rapport de ses conclusions à la Chambre; et que, conformément à l’article 109 du Règlement, le gouvernement dépose une réponse complète au rapport.
J'aimerais que le Sous-comité ait l'occasion d'en discuter. Je pense que nos témoins du Congrès des ukrainiens-canadiens nous ont dit que notre régime de sanctions devait être réexaminé très soigneusement. Nous avons entendu que l'exemption a profondément endommagé notre régime de sanctions et a fondamentalement nui à la crédibilité du Canada. Il est impératif que ce comité entreprenne une étude dans les plus brefs délais.
Je vais m'arrêter là, car je sais que je suis très proche de mes deux minutes.
Monsieur Zakydalsky et monsieur Michalchyshyn, je tiens à vous remercier tous les deux de votre présence parmi nous. Merci de nous faire profiter à nouveau de vos lumières.
:
D'accord. C'est parfait.
Merci, monsieur le président.
Pourriez-vous, l'un de vous ou tous les deux, formuler des commentaires sur les répercussions de cette décision relative à la turbine sur les relations entre le Canada et l'Ukraine?
Le président Zelenski a choisi de s'exprimer personnellement sur cette question. Je sais, d'après mes amis et mes contacts en Ukraine, que l'on ressent beaucoup de déception. Il y a un sentiment de trahison. Le Canada et l'Ukraine entretiennent depuis longtemps des relations étroites, mais en cette période très sombre pour l'Ukraine, que représente cette décision pour elle?
En outre, et ce point est peut-être lié, le gouvernement parle de rester solidaire avec nos alliés. L'Allemagne et les États-Unis, nos alliés, ont dit que cette décision était acceptable. L'Ukraine est également censée être notre alliée, pourtant le gouvernement parle de rester solidaires avec nos alliés sans tenir compte de la réaction de l'Ukraine à cette décision.
Merci, monsieur le président.
Je pense personnellement que l'étude dont a parlé Mme McPherson, une étude sur l'efficacité de notre régime de sanctions, serait très importante et utile pour poursuivre le travail que nous effectuons dans le cadre de cette discussion.
Pour faire suite au point soulevé par M. Bergeron, certains d'entre nous ont adopté dès le début la position selon laquelle il s'agissait d'une très mauvaise décision. C'était notre position en tant que Parti conservateur. Je pense que d'autres personnes étaient peut-être un peu plus favorables à la décision du gouvernement au départ, mais depuis que les faits sont devenus plus clairs, que Gazprom n'a pas pris la première turbine et que la Russie cherche à obtenir d'autres concessions, de plus en plus de gens se rallient au point de vue selon lequel, même si la décision était initialement justifiable, nous n'avons plus aucune raison de maintenir l'exemption.
Avez-vous eu des échanges suivis avec le gouvernement, même ces deux derniers jours, depuis les dernières annonces du Kremlin? Que dit le gouvernement à présent? Dit‑il la même chose? Dit‑il quelque chose de différent de ce qu'il disait au début?
:
Je vous remercie, monsieur le président.
Avant de poser mes questions, je voudrais rapidement revenir sur le sujet qu'a abordé mon collègue M. Bergeron, c'est-à-dire la déclaration ou plutôt le chantage de M. Peskov concernant le gazoduc Nord Stream 1. D'après ce que je comprends, le gazoduc qui traverse l'Ukraine et qui entre sur le territoire de l'Union européenne par la Slovaquie est bel et bien en service, et les volumes sont stables. Toujours selon ce que j'en comprends, ce gazoduc et le gazoduc TurkStream sont les deux seules voies terrestres restantes pour importer du gaz russe en Europe.
Évidemment, je souhaite poser des questions aux deux témoins.
[Traduction]
Dans le cadre de notre discussion d'aujourd'hui, vous avez mentionné dans votre déclaration liminaire que vous aviez encouragé notre comité à se rendre en Ukraine. Comme vous le savez, nos projets de voyage ont fait l'objet d'un veto du Parti conservateur à la Chambre des communes.
Savez-vous, messieurs, pourquoi ce voyage a fait l'objet d'un veto?
:
Je vous remercie de me donner l'occasion de contribuer aux délibérations du Comité.
Mes commentaires visent à faire la lumière sur ce que je considère comme la question centrale du débat actuel sur les turbines à gaz: Le Canada devrait‑il révoquer le permis autorisant l'entretien de ces désormais tristement célèbres turbines à gaz? La réponse à cette question est un oui retentissant.
Toute autre démarche — le maintien de l'exemption de sanctions — ne sert pas les intérêts du Canada, n'aide pas nos alliés européens à résoudre leurs problèmes d'énergie, et continue de fournir au dictateur russe Vladimir Poutine des occasions de faire du chantage et d'exercer des pressions sur l'Occident.
Permettez‑moi de développer brièvement cette idée dans les cinq minutes dont je dispose.
Il ne fait de doute pour personne que les problèmes techniques n'ont rien à voir avec la décision de la Russie de réduire dans un premier temps, puis d'interrompre complètement les flux de gaz vers l'Europe via Nord Stream 1. Les actions de la Russie au fil des ans, et en particulier ces derniers mois, l'ont très clairement démontré. Il n'est pas nécessaire de revenir sur le terrain familier qui a été couvert par les délibérations de ce comité. Il s'agit d'une décision politique visant à faire du chantage et à forcer l'Europe à alléger ou à annuler les sanctions imposées à la Russie à la suite de son invasion brutale et non provoquée de l'Ukraine.
Le porte-parole du Kremlin, M. Peskov, l'a dit très clairement lundi, et M. Poutine a répété la même chose aujourd'hui dans sa déclaration. Ce fait est clairement reconnu par le public allemand et européen, comme l'indiquent régulièrement les sondages. Ce serait sous-estimer la sophistication politique de l'opinion publique européenne que de prétendre qu'elle va se laisser convaincre par les excuses russes et rendre le Canada responsable de ces difficultés.
Par conséquent, il est clair que la décision du Canada de continuer d'accorder une exemption pour les turbines à gaz ne jouera aucun rôle dans la décision de la Russie de rétablir ou non les flux de gaz vers l'Europe, et que la révocation de l'autorisation n'entraînera pas de réaction négative de la part des Européens à l'égard du Canada.
En revanche, elle offre au Kremlin un moyen de pression permanent pour créer des frictions et des discordes entre les alliés et lui permet de véhiculer un discours sur la faiblesse et la désunion de l'Occident en soulignant les exceptions prévues par le régime de sanctions.
En d'autres termes, le Kremlin se tourne vers d'autres pays et dit: « Regardez: Le Canada, l'Allemagne et d'autres puissances occidentales violent immédiatement leur propre régime de sanctions et accordent des exemptions lorsque leurs intérêts nationaux sont menacés. Pourquoi accepteriez-vous de le faire et d'en payer le prix alors qu'ils ne veulent pas faire de même? » Poutine a répété essentiellement la même chose aujourd'hui dans sa déclaration.
Le maintien de l'exemption n'aide pas non plus nos alliés européens à satisfaire leurs besoins énergétiques. Pour les aider, il faudrait leur fournir du GNL canadien, comme ils l'ont demandé publiquement et très clairement. Non seulement le chancelier Scholz a‑t‑il exprimé son désir d'obtenir plus de GNL canadien, mais d'autres alliés, comme la Pologne et la Lettonie, réclament depuis un certain temps déjà plus de gaz canadien en Europe. Nous devons de toute urgence éliminer les obstacles à ce soutien réel et tangible aux alliés du Canada. Voilà ce que ferait un bon allié.
Enfin, il est important de garder à l'esprit le contexte géopolitique plus large dans lequel cette question doit être envisagée. L'objectif stratégique du Canada doit être la victoire de l'Ukraine dans cette guerre. Le fait de soutenir l'Ukraine ne relève pas de la charité, mais d'un intérêt personnel éclairé. Ce qui est en jeu pour le Canada, c'est non seulement la sécurité et la prospérité de nos alliés européens, mais aussi l'avenir de l'ordre international fondé sur des règles qui a énormément profité au Canada et aux Canadiens. Le pays — la Russie — qui a lancé cette attaque brutale contre cet ordre international ne se trouve pas loin de nous à l'est; il est notre voisin immédiat au nord, dans l'Arctique. Les politiques qui offrent des moyens de pression et des opportunités à la Russie ne sont pas dans l'intérêt du Canada.
En résumé, quels que soient les mérites initiaux de la décision d'accorder une exemption, il n'existe maintenant aucune raison stratégique, politique ou économique de continuer de fournir à la Russie un moyen de pression potentiel pour les deux prochaines années. Cette démarche ne sert pas les intérêts du Canada et ne soulage pas les souffrances de nos alliés. Le permis devrait être révoqué et le Canada devrait chercher des moyens d'acheminer son GNL vers les marchés européens le plus rapidement possible.
Merci beaucoup de me donner l'occasion de vous parler aujourd'hui.
:
Merci, monsieur le président.
Je m'appelle Marcus Kolga.
Je remercie le président et les membres du Comité de me donner l'occasion de comparaître devant eux aujourd'hui.
Au cours des derniers mois, la Russie a menacé d'affamer les nations vulnérables du monde entier en bloquant des millions de tonnes de céréales ukrainiennes et en bombardant des infrastructures agricoles ukrainiennes essentielles afin de provoquer une pénurie mondiale de céréales. Parallèlement, la Russie a blâmé à tort les sanctions occidentales et canadiennes pour cette crise alimentaire, alors que nos sanctions ne touchent pas les infrastructures agricoles ukrainiennes ni le transport des céréales et des aliments vers les nations qui en dépendent.
Les efforts que mène la Russie pour militariser la faim n'ont d'égal en cruauté que ceux qu'elle mène pour militariser l'énergie afin de paralyser ses voisins. De nombreux Européens l'ont vécu lorsque la Russie a interrompu toutes les livraisons de gaz transitant par l'Ukraine en janvier 2009. Les Canadiens n'ont pris conscience que récemment de la guerre énergétique de Poutine lorsque le ministère des Affaires mondiales a accordé à Gazprom une exemption sur les sanctions pour que soient réparées au Canada des turbines qui compriment le gaz exporté de Russie vers l'Europe par le gazoduc Nord Stream.
Toutefois, l'utilisation, par le Kremlin, de l'énergie comme moyen de pression géopolitique n'est pas née de rien. En mai, l'ancien vice-président de Gazprombank, Igor Volobuev, a raconté à un journal polonais que des cadres de Gazprom lui avaient donné instruction d'élaborer des discours anti-ukrainiens en 2005, lorsque la trajectoire politique de l'Ukraine s'est orientée vers l'Europe. Il a également élaboré des discours anti-géorgiens, en 2008, lorsque la Russie a envahi l'Ossétie du Sud et l'Abkhazie. Selon Volobuev, toutes les décisions au sein de Gazprom sont prises par l'administration présidentielle russe.
Si le Canada a décidé d'accorder à Gazprom une exemption aux sanctions dans le but d'exposer le bluff de Poutine, cette mission a été accomplie. Il est maintenant clair que nos sanctions n'empêchaient pas Gazprom de pomper du gaz dans le gazoduc Nord Stream. Comme l'ont dit de précédents témoins aujourd'hui, cela n'a jamais été le cas.
Soulignant le caractère fallacieux des accusations de la Russie, dans un récent reportage, la BBC a révélé la présence d'importantes torches à la station de compression de Portovaya de Gazprom, près du point de départ du gazoduc Nord Stream en Russie. Le torchage est un processus par lequel les producteurs de gaz brûlent de grandes quantités de gaz pendant des périodes prolongées. Selon ce rapport, Gazprom brûlerait pour 10 millions de dollars de gaz chaque jour. Il s'agit de gaz qui, autrement, serait acheminé vers l'Allemagne et l'Europe par le gazoduc Nord Stream ou par les gazoducs qui transitent par l'Ukraine et la Pologne.
En effet, comme d'autres témoins l'ont souligné, le Kremlin a maintenant indiqué explicitement que l'acheminement du gaz par Nord Stream ne commencera que lorsque les sanctions canadiennes et occidentales auront été levées. C'est du chantage.
Vladimir Poutine a l'intention d'utiliser le gaz comme une arme afin d'éroder le soutien occidental à l'Ukraine et de miner les démocraties canadiennes et alliées en nous accusant de la hausse de l'inflation et des coûts de l'énergie par la désinformation. C'est ce qui se passe en ce moment. Ce matin, en fait, à Vladivostok, Vladimir Poutine a réitéré ses accusations concernant les sanctions occidentales et a même affirmé ceci: « sur le plan des actions militaires, nous n'avons rien commencé; nous essayons d'y mettre fin ». En même temps, Poutine a indiqué très clairement que la polarisation du monde démocratique à laquelle son régime contribue activement profitera grandement à la Russie.
Nous voyons actuellement les médias d'État russes et les groupes proautoritaires promouvoir ces mêmes discours. Les manifestations organisées par les communistes alignés sur le Kremlin et les néo-fascistes populistes en Europe la fin de semaine dernière seront instrumentalisées par les propagandistes russes pour déstabiliser les démocraties occidentales. Nous ne pouvons pas exclure la possibilité que ces discours fallacieux inspirent des groupes d'extrême droite et d'extrême gauche canadiens à organiser des manifestations similaires.
Comme le dit Poutine, son régime est le seul bénéficiaire de cette polarisation. Maintenant que le bluff de Poutine a été révélé, l'exemption aux sanctions accordée par le ministère des Affaires mondiales devrait être révoquée et l'intégrité du régime de sanctions du Canada devrait être rétablie. Les sanctions sont efficaces lorsqu'elles sont appliquées, maintenues et mises en œuvre.
Enfin, le Canada devrait donner la priorité au développement d'infrastructures permettant d'exporter du gaz canadien vers l'Europe, comme beaucoup de nos alliés nous l'ont demandé. Les technologies canadiennes des petits réacteurs nucléaires peuvent également aider nos alliés à prendre le contrôle de leur propre approvisionnement en électricité. En fait, l'Estonie a récemment signé un accord à cet effet. Le Canada peut apporter une contribution mutuellement avantageuse à la sécurité énergétique de l'Europe, qui conduira à une plus grande stabilité globale de l'Europe, si seulement il s'y engage.
Merci, monsieur le président. Je suis impatient de répondre à vos questions.
:
Monsieur le président, monsieur le vice-président, distingués députés du Parlement canadien, bonjour. Je vous remercie de me donner l'occasion de parler aujourd'hui du soutien à la sécurité énergétique de l'Europe.
[Français]
Je m'appelle Benjamin L. Schmitt. Je suis chercheur en astrophysique à Harvard.
[Traduction]
Je suis un ancien conseiller en sécurité énergétique européenne du département d'État américain. Actuellement, je suis associé en recherche au Centre Harvard-Smithsonian d'astrophysique et à l'Institut de recherche ukrainien de l'Université Harvard, agrégé supérieur au Centre d’analyse des politiques européennes et agrégé au programme « Rethinking diplomacy » de l'Université Duke.
Nous nous rencontrons aujourd'hui près de sept mois après que Moscou a lancé son horrible campagne visant à engendrer le chaos en Ukraine. Or, soyons clairs: tout comme l'agression militaire de Poutine contre l'Ukraine n'a pas commencé avec l'invasion à grande échelle de ce pays en février, l'agression hybride globale du Kremlin envers les démocraties mondiales, y compris l'utilisation de l'énergie comme une arme, n'est pas nouvelle.
Compte tenu de cela, nous pouvons réfléchir à trois leçons essentielles.
Premièrement, les propositions relatives à l'énergie et aux infrastructures essentielles mises de l'avant par le régime autoritaire de Poutine ne sont pas seulement des accords commerciaux.
[Français]
Nord Stream n'est pas seulement un accord commercial.
[Traduction]
Deuxièmement, les sanctions ont été un outil efficace pour faire ralentir et cesser les activités malveillantes du Kremlin liées à l'énergie au fil des ans.
Troisièmement, le contrôle des exportations de technologies reste essentiel pour entraver la capacité du Kremlin à acquérir les systèmes et les composants nécessaires à la fois pour mener et financer son horrible guerre.
Étant donné le contrôle qu'exerce l'État dans les nations autoritaires comme la Russie, presque tous les secteurs de la société peuvent être utilisés comme une arme pour faire avancer les objectifs géopolitiques, du cyberespace aux chaînes d'approvisionnement en passant par les actifs spatiaux et, bien sûr, l'énergie, pour faire du chantage politique. Par conséquent, miner l'unité des sanctions sur les turbines de Nord Stream 1 simplement pour « exposer le bluff de Poutine » ne serait justifiable que dans un monde où la Russie n'utilise pas l'énergie comme une arme depuis des années — mais elle le fait. Pour mettre les choses en contexte, nous pouvons nous pencher sur le gazoduc Nord Stream 2 de Poutine.
Nord Stream 2 était depuis longtemps une ancre géostratégique à laquelle l'Allemagne s'est ouvertement accrochée lorsque la Russie a créé une crise du gaz l'année dernière. En 2021, le Kremlin a limité intentionnellement les volumes de gaz naturel destinés aux stockages européens, dont la plupart étaient détenus par Gazprom. Malgré cela, Berlin a convaincu le gouvernement des États-Unis de ne pas appliquer ses propres sanctions bipartites visant à bloquer le projet Nord Stream 2. Berlin a accepté de demander des sanctions imposées par l'Union européenne si la Russie prenait de nouvelles mesures pour militariser ses ressources énergétiques. Bien que Poutine ait justement fait cela, Berlin n'a pas demandé ces sanctions, ce qui a renforcé la confiance de Poutine dans le fait que la pression énergétique pouvait restreindre la latitude des mesures de politique étrangère qui sont prises en réaction à l'horrible guerre que la Russie mène contre l'Ukraine.
Heureusement, Washington a finalement imposé des sanctions contre Nord Stream 2 AG et ses dirigeants quelques heures seulement avant le début de l'invasion à grande échelle qu'a lancée Poutine, mettant ainsi fin au projet pour de bon, espérons‑le. Malheureusement, en dépit de cette nouvelle leçon, l'histoire semble se répéter ici, au Canada.
Depuis des mois, Gazprom réduit l'approvisionnement en gaz d'au moins une dizaine d'États membres de l'Union européenne, dont l'approvisionnement par son gazoduc Nord Stream 1. Depuis la mi‑juin, on parle de réductions de 60 %, de 80 % et maintenant de 100 %. Selon diverses évaluations techniques qui ont été réalisées par des ministères et des fonctionnaires allemands, l'explication fournie par la Russie pour justifier ces réductions — de prétendus problèmes techniques qui ne pouvaient être résolus que si on lui envoyait les turbines Siemens bloquées près de Montréal — n'était rien d'autre qu'un prétexte pour une nouvelle réduction de l'approvisionnement énergétique à des fins politiques.
C'est pourquoi il est si déconcertant que Berlin ait parallèlement exercé des pressions sur Ottawa pour que le Canada sape ses propres sanctions technologiques contre la Russie. Même si les justifications techniques douteuses de Gazprom étaient fondées — et elles ne le sont pas —, le Kremlin pourrait facilement rétablir les livraisons de gaz en Europe dès maintenant à l'aide d'autres voies d'exportation où il limite l'acheminement. Le fait qu'il refuse de le faire en dit long sur les intentions malveillantes de Poutine.
Le fait que Berlin ait fait pression sur Ottawa afin que le Canada mine l'unité des sanctions en accordant l'exemption pour la turbine crée un précédent inquiétant dont le Kremlin tirera une leçon troublante: militariser la dépendance énergétique peut constituer un moyen efficace de briser le consensus occidental sur le contrôle des exportations de technologies qui freine le potentiel militaire et le moteur économique de la Russie.
Cet été, le refus de la Russie de reprendre la première des turbines qui a été envoyée en Allemagne soulève des questions quant à la décision qu'a prise le gouvernement canadien ultérieurement de maintenir sa position sur l'exemption qu'il a accordée après la visite du chancelier allemand Scholz à la fin du mois d'août. Les médias affirment qu'il a autorisé l'envoi de cinq autres turbines de Siemens.
Pour couronner la saga, cette semaine, le porte-parole du Kremlin, M. Peskov, a affirmé haut et fort ce que le monde entier savait depuis des mois, à savoir que l'histoire des turbines ne faisait que camoufler une militarisation de l'énergie. Il a déclaré que les réductions se poursuivraient jusqu'à la levée des sanctions et « [qu']il n'y a [tout simplement] aucune autre raison aux problèmes de pompage ».
Pour terminer, je vais faire trois brèves recommandations.
Premièrement, le Canada devrait annuler dès que possible l'exemption sur les sanctions qu'il a accordée pour les turbines, avec l'appui politique de l'Allemagne et des États-Unis.
Deuxièmement, le Canada devrait renforcer ses sanctions contre le régime de Poutine et augmenter sa capacité d'exportation de GNL, en favorisant des exportations vers des partenaires et alliés européens.
Troisièmement, le Canada devrait adopter une loi visant à enrayer la corruption stratégique du Kremlin dans les démocraties occidentales, à l'instar de ce que j'ai proposé au Congrès américain, soit une loi visant à ce que l'on cesse d'aider les ennemis malveillants de l'Amérique.
Dans la lutte désespérée que nous menons contre l'assaut criminel que la Russie a lancé contre l'Ukraine, il faut que Poutine et ses acolytes autoritaires aient devant eux un mur de force dressé par des démocraties qui resteront résolues à demander des comptes au Kremlin. Une seule nation devra alors changer sa politique étrangère afin d'éviter une « fatigue de l'Ukraine », et ce sera la Russie de Poutine.
Je vous remercie de votre attention.
Je serai ravi de répondre à vos questions.
:
Merci, monsieur le président.
J'aimerais poser ma question à M. Schmitt.
Selon le Centre de recherche finlandais sur l'énergie et l'air pur, la Russie a engrangé 158 milliards d'euros depuis le début de la guerre en Ukraine grâce à ses exportations de pétrole et de gaz, dont plus de la moitié vers l'Union européenne. En fait, ce centre de recherche finlandais a indiqué dans son rapport que 43 milliards d'euros ont été ajoutés au budget russe grâce à ces exportations vers l'Union européenne.
Le Canada pourrait remplacer le gaz russe par du gaz canadien en Europe occidentale. Notre pays est le cinquième producteur de gaz naturel en importance et a le plus long littoral du monde. D'après mes calculs, une simple augmentation de 15 % de la production canadienne de gaz naturel pourrait supplanter plus d'un tiers du gaz russe en Europe occidentale.
Récemment, le chancelier Scholz était au Canada, et il a dit ceci:
L'Allemagne délaisse l'énergie russe à vitesse grand V et le Canada est notre partenaire de choix.
Il a ajouté ceci:
Pour l'heure, cela signifie accroître nos importations de GNL. Nous espérons que le GNL canadien jouera un rôle majeur à cet égard.
Le du Canada a rejeté la demande de l'Allemagne de travailler avec elle pour augmenter les exportations de GNL canadien vers l'Europe.
J'aimerais savoir ce que vous en pensez.
:
Comme bon nombre des membres du G7 qui sont des pays producteurs, dont les États-Unis, le Canada doit s'assurer que les démocraties mondiales mettent nos ressources énergétiques à la disposition de l'Europe le plus rapidement possible.
Je tiens à souligner que l'Allemagne prend un certain nombre de mesures. Deux unités flottantes de stockage et de regazéification sont en cours de construction à Brunsbuettel et Wilhelmshaven, en Allemagne, mais il est également nécessaire de construire des unités flottantes de stockage et de regazéification, ou des terminaux flottants d'importation de GNL, à des endroits stratégiques dotés d'infrastructures existantes. Les médias ont parlé de sociétés qui envisageraient de le faire à Lubmin, en Allemagne, mais Lubmin est le point de contact où Nord Stream 2 touche terre. En juin, le ministère de l'Économie, à Berlin, a déclaré qu'il envisageait un plan d'expropriation pour Nord Stream 2 dans les eaux allemandes visant à couper une partie du gazoduc Nord Stream 2, gazoduc qui est actuellement inutilisé en raison des sanctions américaines, et à la raccorder à des unités flottantes de stockage et de regazéification afin d'acheminer du GNL non russe par ces systèmes et par le carrefour gazier de Lubmin et le gazoduc EUGAL.
Il s'agirait essentiellement de déployer rapidement des efforts dignes d'un temps de guerre pour utiliser les infrastructures existantes. Cela ne s'est toujours pas produit. Nous avons besoin de plus de signaux de la part de Berlin à cet égard. Cela doit se faire, en ce qui concerne l'infrastructure, des deux côtés de l'Atlantique, et nous devons agir très rapidement.
:
Merci, monsieur le président.
Je remercie les témoins d'être des nôtres et de nous éclairer de leurs propos.
Monsieur Schmitt, j'ai trouvé pour le moins rafraîchissant d'entendre d'un ami du Sud de la frontière quelques mots dans la langue de Molière. C'était pour le moins ironique. Je vous remercie beaucoup de ce bref intermède francophone.
Ma question s'adressera à M. Kolga. Si les deux autres témoins veulent faire un commentaire, ils sont évidemment les bienvenus.
Deux ex-généraux des États‑Unis, David Petraeus et Wesley Clark, ont salué la décision du gouvernement du Canada de renvoyer les turbines en Allemagne afin de ne pas menacer la cohésion et le consensus au sein des alliés. Pour sa part, l'ex-chef d'état-major de la Défense du Canada Rick Hillier soutenait que cette décision signalerait un allégement des sanctions envers la Russie.
N'avons-nous pas obtenu le pire des deux mondes en ayant peut-être sapé la cohésion entre les alliés tout en ouvrant la porte à un affaiblissement des sanctions envers la Russie?
:
Je suis tout à fait d'accord pour dire que nous avons le pire des deux mondes. Nous sommes aux prises avec une situation où tout le monde est perdant.
Le fait que nous ayons fait des compromis en ce qui concerne ces sanctions ouvre la voie à d'autres alliés à nous emboîter le pas. Ils peuvent se justifier en invoquant notre décision d'accorder cette exemption à Gazprom. C'est problématique.
Publiquement, nos alliés de l'OTAN appuieront toutes les décisions que nous prenons. Nous avons travaillé avec les Allemands à ce dossier. En privé — certainement parmi nos alliés de l'OTAN en Europe de l'Est et les pays baltes, la Pologne et ailleurs —, notre décision a fait sourciller. Cette décision a également fait sourciller les chefs de l'opposition russe. Ils savent tous que ce que Poutine espère vivement, c'est un retour à la normale. L'érosion des sanctions, comme l'a clairement mentionné Vladivostok, est l'un de ses principaux objectifs pour le moment.
Je pense que le Canada a encore l'occasion de corriger cette décision en annulant ce permis octroyé à Gazprom et en restaurant la confiance dans notre régime de sanctions. C'est essentiel aujourd'hui pour maintenir cette cohésion parmi nos alliés, mais aussi pour maintenir la confiance dans notre politique de défense, notre politique étrangère et notre politique de sanctions.
:
Merci, monsieur le président.
J'aimerais remercier nos témoins d'aujourd'hui. C'était très éclairant. Avant de commencer, je veux juste prendre un moment. L'un des principaux problèmes pour moi est l'efficacité, la transparence et la capacité des Canadiens de comprendre comment notre régime de sanctions fonctionne. Je pense que certains d'entre vous ont probablement vu que j'ai présenté une motion à la session précédente, mais je pense qu'il est important de le mentionner.
Monsieur Kolga, vous avez été l'un des témoins clés dans le cadre de l'étude de 2017, mais nous avons également reçu d'autres témoins qui ont comparu à ce comité. Vladimir Kara-Murza était l'un d'eux. Il a été arrêté en Russie en avril et il est désormais passible d'une peine d'emprisonnement de 10 ans. C'est son anniversaire aujourd'hui. Je veux juste prendre un instant pour souligner qu'il a témoigné pour ce comité et qu'il se trouve dans une situation très difficile en étant passible de 10 ans de prison pour avoir critiqué la guerre en Ukraine. Je suis désolée, monsieur Kolga et ceux qui connaissent M. Kara-Murza.
J'aimerais commencer avec vous, monsieur Kolga. Vous avez été un témoin clé en 2017. Vous avez parlé de la façon dont cette exemption particulière a nui à notre régime de sanctions. Il y a des recommandations qui ont découlé de l'étude du régime de sanctions en 2017 auxquelles on n'a pas donné suite. Pouvez-vous parler un peu de la façon dont nous pourrions renforcer notre régime de sanctions et comment nous pourrions le rendre plus transparent, responsable et facile à comprendre pour les Canadiens?
:
Je pense qu'il y a beaucoup que le Canada pourrait faire pour rendre notre régime de sanctions plus efficace.
D'abord et avant tout, nous pourrions travailler avec nos alliés pour harmoniser nos politiques et nos lois avec les États-Unis, l'Union européenne et le Royaume-Uni. Nous devrions renforcer l'application de notre politique de sanctions. Jusqu'à présent, depuis le début de la guerre, la GRC a saisi 122,3 millions de dollars en actifs russes. Nous savons pertinemment que les oligarques russes ont des milliards de dollars d'actifs cachés sous nos yeux dans ce pays. Nous devons faire nettement plus. Si nous avons l'intention d'utiliser la politique de sanctions comme conséquence et coût pour ces régimes étrangers, nous devons nous assurer d'utiliser ces lois adéquatement.
Au cours des six derniers mois, le gouvernement canadien a adopté une nouvelle loi et une modification à la Loi sur les mesures économiques spéciales qui permettraient également à notre gouvernement de réaffecter certains de ces actifs qui ont été gelés. Nous devons commencer à utiliser cette mesure législative. Nous devons commencer à réaffecter certains de ces milliards de dollars qui sont cachés dans ce pays. Nous pourrions utiliser une partie de ces fonds pour aider l'Ukraine dans son combat pour repousser la Russie derrière la frontière qui existait avant le 24 février, reprendre la Crimée et rebâtir le pays.
Nous pourrions aussi adopter une mesure de transparence pour l'ensemble du processus quant à la façon dont ces sanctions sont imposées, à qui elles sont imposées et à quels types d'actifs que possèdent ces individus ciblés. Il devrait y avoir une reddition de comptes à l'aide de rapports réguliers.
Je suggérerais également que ce comité ait le pouvoir de nommer des candidats pour notre liste de sanctions. Vous êtes des experts au Parlement. Vous avez entendu les témoignages d'experts et vous savez qui sont les auteurs de violations des droits de la personne, ceux qui menacent la stabilité des démocraties occidentales, et ce, même dans leur propre pays. Vous savez qui sont ces gens. Il est également important d'accorder à ce comité un plus grand pouvoir pour désigner des personnes et des entités pour notre liste de sanctions.
Une des choses les plus importantes que vous pourriez faire est d'examiner notre loi sur les sanctions, comme vous l'avez proposé. J'appuie cela, à l'instar, je pense, de nombreux autres défenseurs des droits de la personne au Canada et ailleurs, ainsi que, j'en suis sûr, Vladimir Kara-Murza.
:
Merci, monsieur le président.
Nous avons reçu d'excellents témoignages de vous trois. En raison de votre critique réfléchie et acerbe, je ne trouve rien de surprenant à ce que le président libéral ait apporté un changement de dernière minute à l'ordre du jour qui limite le temps que nous avons avec vous, bien que ce soit regrettable.
Monsieur Kolga, vous avez mentionné la capacité des comités de pouvoir nommer des personnes à qui imposer des sanctions.
Je tiens à souligner, pour votre gouverne et aux fins du compte rendu, que le projet de loi déposé par mon collègue, Philip Lawrence, la Loi sur les droits de la personne à l'échelle internationale, renferme certaines de ces dispositions. Nous débattrons de ce projet de loi au Parlement cet automne. J'espère que nous en serons bientôt saisis à ce comité.
De plus, la CBC a fait état récemment que la valeur des sanctions gelées au Canada a baissé au cours des derniers mois, laissant entendre que certaines personnes ont été autorisées à vendre des actifs.
Avez-vous des réflexions ou des renseignements sur la raison pour laquelle la valeur des actifs gelés faisant l'objet de sanctions baisserait pour une raison quelconque?
:
Merci beaucoup. C'est une excellente question.
En fait, la Russie instrumentalise l'énergie depuis de nombreuses années. Ce concept a une vaste définition. Premièrement, il y a les coupures de gaz apparentes qui, comme nous l'avons constaté, se sont produites des dizaines de fois au fil des ans. Je peux fournir au Comité une liste de toutes les personnes dont je suis au courant, mais je sais qu'elle est longue, avec au moins 20 ou 30 de ces types de situations.
Cela ne reflète pas nécessairement les conflits militaires auxquels la Russie a participé, car la Fédération russe sous Vladimir Poutine était dans une guerre hybride en même temps que bon nombre des conflits que vous avez mentionnés, à tout le moins depuis le milieu des années 2000 jusqu'à maintenant, avec l'Ouest. Il utilise l'énergie d'une façon ou d'une autre pour créer de l'incertitude sur le marché et une insécurité énergétique en coupant l'énergie ou en faisant ce qui m'inquiète beaucoup également, qui est d'utiliser l'énergie comme moyen de corruption stratégique pour adopter des ententes énergétiques, entre autres choses, et en permettant ainsi l'accaparement des ressources par les élites.
Nous avons vu cette situation en 2005‑2006 lorsque l'ancien chancelier allemand Gerhard Schroeder a quitté ses fonctions. À la fin de son mandat, il appuyait Nord Stream 1 et faisait la promotion de ce projet. Il a démissionné et est devenu le président de Nord Stream AG. Nous avons vu cela se produire avec Nord Stream 2 et des initiatives entourant Nord Stream 2. L'ancien ministre de l'Économie autrichien Hans Jörg Schelling est devenu le conseiller principal de Nord Stream AG après avoir démissionné. L'ancienne ministre autrichienne des Affaires étrangères Karin Kneissl a démissionné. Bien entendu, elle avait fait les manchettes pour avoir convié Poutine à son mariage et avoir dansé avec lui. Elle a démissionné après avoir soutenu Nord Stream 2 et d'autres politiques pro-russes pendant son mandat et a été nommée au conseil d'administration de la société pétrolière Rosneft appartenant à la Russie. L'ancien premier ministre français François Fillon a été nommé non pas à une, mais à deux sociétés commerciales pétrolières et gazières russes.
C'est donc une véritable préoccupation, et c'est ce que je demande continuellement aux États-Unis de faire, soit de commencer ce processus d'établissement des normes. Les États-Unis devraient adopter une loi intitulée SHAME, loi visant à cesser d'aider les ennemis malicieux des États-Unis. Quand les démarches à petite échelle ne fonctionnent pas, il faut intervenir à plus grande échelle. La loi ne doit pas forcément s'appeler ainsi au Canada, mais le Canada peut participer à cet effort. Il devrait y avoir un effort de lutte contre l'accaparement des ressources par les élites et contre la corruption stratégique par la voie législative parmi les démocraties mondiales pour veiller à ce que les anciens hauts fonctionnaires ne puissent pas abandonner la confiance du public et travailler ensuite pour des entreprises autoritaires appartenant à l'État.
Cela ne devrait pas être controversé. C'est quelque chose que ce Parlement peut faire aujourd'hui, s'il le veut, ou il peut à tout le moins publier une déclaration selon laquelle le Parlement est d'avis que ce type de pratique ne peut plus se produire, car c'est encore légal dans un trop grand nombre de pays.
:
Merci, monsieur le président.
Monsieur le président, vous soulevez un très bon point. Je pense que les ministres et les ambassadeurs concernés ont comparu devant notre comité et ont clairement indiqué que la décision, bien que difficile, était nécessaire. Comme notre ministre l'a déclaré, la question a fait l'objet de discussions avec toutes les parties, y compris l'Ukraine, avant que la décision ne soit prise. La décision a été appuyée non seulement par les Allemands, mais aussi par nos alliés de l'Union européenne et nos alliés au sud, les États-Unis. La décision ne réduit en rien notre appui à l'Ukraine ni, bien entendu, au peuple ukrainien.
En outre, j'ai beaucoup de mal à croire que la décision eut été différente si un autre parti avait été au pouvoir et avait reçu cette demande claire et urgente d'un proche allié comme l'Allemagne. Dans les circonstances, c'était une décision nécessaire, et je ne peux pas appuyer une motion qui laisserait entendre le contraire.
Merci, monsieur le président.
:
Merci, monsieur le président.
D'abord, je trouve très étonnant de voir M. Sidhu répéter les lignes du gouvernement comme si nous n'avions pas eu d'audience et que nous n'avions pas entendu de témoins et comme si le Comité avait déjà pris une décision quant à ces audiences. Je trouve cela non seulement étonnant, mais pour le moins préoccupant.
De plus, la motion qui nous est présentée par M. Genuis m'apparaît tout à fait raisonnable, et elle va dans le sens des discussions que nous avons eues avec le président concernant le fait que nous devrions tenir une séance sur les travaux futurs au terme de la présente séance. Nous déciderons ensemble, au terme de cette discussion, s’il y a lieu de poursuivre les travaux. Donnons-nous l'occasion, comme membres de ce comité, d'échanger sur ce que nous avons entendu. En avons-nous entendu suffisamment pour faire des propositions au gouvernement? Le but n'est pas simplement de répéter ce que les ministres nous ont dit, comme vient de le faire M. Sidhu, mais de faire état de ce que nous avons entendu dans le cadre de ces travaux, ou, s'il y a lieu, d'aller plus loin en ce qui concerne les audiences.
La proposition de M. Genuis m'apparaît donc tout à fait raisonnable, et je ne vois pas pourquoi nous n'aurions pas l'occasion de nous réunir pour discuter des travaux futurs de ce comité, comme nous en avions discuté avec les deux vice-présidents et le président.
J'annonce donc que je voterai en faveur de cette motion.
:
Merci beaucoup, monsieur le président.
Je remercie grandement les témoins. Je suis désolée de les avoir fait attendre.
Je suis particulièrement intéressée par des commentaires que vous avez faits lors de votre témoignage, monsieur Schmitt. Vous avez parlé de l'importance de notre unité, en tant qu'alliés, dans notre réponse à la Russie.
Pour moi, c'est fondamental, et j'aimerais vous entendre parler de ce sujet. Au vu des développements récents sur la scène politique, pouvez-vous nous parler de l'importance que vous accordez au maintien de cette unité? Je pense notamment à ce qui s'est passé en Italie, mais aussi aux discussions qui ont eu lieu plus tôt cet été en Allemagne. De toute évidence, M. Poutine tente de nous diviser à tout prix. Il tente de diviser l'OTAN, l'Union européenne et le G7. Pouvez-vous nous parler de l'importance que vous accordez à l'unité des alliés?
Sentez-vous bien à l'aise de répondre en anglais, monsieur Schmitt.
:
Merci, madame Bendayan.
[Traduction]
Je pense que votre question est des plus pertinentes et qu'il est absolument essentiel que nous maintenions l'unité.
Évidemment, comme je l'ai dit plus tôt, le succès que l'Ukraine devra obtenir pour gagner la guerre et rétablir pleinement son intégrité territoriale et sa souveraineté sur son territoire... Il est primordial que toutes les démocraties restent unies face à l'agression russe, tant en Ukraine que dans la guerre hybride, que cette agression prenne la forme de cyberattaques, de désinformation, de propagande, d'instrumentalisation de l'énergie ou de l'utilisation de biens spatiaux de façons qui suscitent des préoccupations quant à la sécurité mondiale.
Ce que nous devons faire, c'est veiller à maintenir l'unité des sanctions. Dans le contexte où, au fil des ans, la Russie s'est essentiellement employée à construire des infrastructures énergétiques qu'elle a utilisées pour diviser les alliés, nous devons nous demander où était l'unité pour des projets comme le gazoduc Nord Stream 2. Au fil des ans, tous les pays du flanc oriental de l'OTAN se sont opposés, à un moment ou un autre, à ce projet et ont demandé l'arrêt du projet. Les États-Unis — tant les démocrates que les républicains, les deux administrations et le Capitole — ont demandé l'arrêt de ce projet. Je suis venu à Ottawa en 2018, alors que j'étais conseiller en sécurité énergétique européenne au département d'État. Affaires mondiales Canada s'était aussi prononcé contre Nord Stream 2. Le Royaume-Uni et la France se sont opposés à Nord Stream 2, par moments, tout comme un certain nombre de pays de la région nordique. En fait, les seuls pays qui ont appuyé le gazoduc Nord Stream 2 sont l'Allemagne, l'Autriche et, bien sûr, la Russie.
À titre d'exemple, le Parlement européen, presque à l'unanimité, ou du moins avec des majorités écrasantes, a réclamé l'arrêt de ce projet au moins trois fois au fil des ans... Pour que cela se poursuive et que l'Allemagne exerce des pressions sur les États-Unis pour qu'ils suspendent leurs sanctions, puis sur le Canada pour qu'il suspende les siennes... C'est une situation légèrement différente, mais dans ce cas, par rapport aux turbines de Nord Stream 1, voilà le genre d'actions que les démocraties du monde doivent éviter.
Nous devons continuer à exercer le plus de pression possible sur le régime de Poutine afin que les normes démocratiques et la souveraineté soient restaurées en Ukraine. Elle deviendra plus résiliente, à l'avenir, pour affronter l'agression de régimes autoritaires, qu'elle vienne de Russie, de Chine ou d'ailleurs.
Merci.