Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
Bienvenue à la 130e séance du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international de la Chambre des communes.
La réunion d'aujourd'hui se déroule de façon hybride. Tous les témoins ont vérifié leur connexion avant la réunion.
Je rappelle aux membres du Comité et à nos témoins d'attendre que je leur donne la parole en les appelant par leur nom avant de prendre la parole.
Conformément à l'ordre de renvoi du mercredi 5 juin 2024, le Comité reprend son étude du projet de loi C-353, Loi sur la responsabilité des auteurs de prises d’otage étrangers.
J'ai le grand plaisir d'accueillir nos témoins.
Tout d'abord, nous accueillons, à titre personnel, l'ancien ambassadeur, M. Robert Fowler, et l'ancienne ambassadrice, Mme Sabine Nölke.
Nous accueillons également la directrice générale de Hostage International, Mme Lara Symons, qui participe par téléconférence. Nous entendrons aussi la cofondatrice et présidente du Human Rights Action Group, Me Sarah Teich. Nous accueillons le coordonnateur national de la Coalition pour la surveillance internationale des libertés civiles, M. Tim McSorley. Enfin, de Secure Canada, nous avons la directrice générale, Mme Sheryl Saperia et le directeur, M. Haras Rafiq.
Vous aurez chacun cinq minutes pour faire votre déclaration préliminaire, après quoi nous passerons au témoin suivant. Je vous demande à tous de me regarder de temps en temps. Quand vous me verrez brandir mon téléphone, vous saurez qu'il vous restera environ 20 secondes pour conclure. Cela ne s'applique pas seulement à votre déclaration préliminaire, mais aussi à vos réponses aux questions des députés, car chacun d'eux disposera d'un temps de parole précis.
Cela dit, nous allons commencer par l'ancien ambassadeur Fowler.
Je remercie M. Bergeron de m'avoir invité à présenter mon point de vue sur le projet de loi dont vous êtes saisis. J'aimerais aussi remercier ceux qui ont fait l'effort de présenter ce projet de loi, en particulier Mme Lantsman, qui l'a parrainé et qui a défendu ses objectifs avec tant d'éloquence.
Je soutiens fermement toutes les mesures visant à fournir aux gestionnaires des crises internationales complexes de prise d'otages des instruments supplémentaires et une plus grande marge de manœuvre. Un débat vigoureux — dont une partie seulement a lieu en public — se déroule sur la question de savoir si les gouvernements devraient même négocier, sans parler de conclure une entente, avec les preneurs d'otages. Plus précisément, on se demande s'ils devraient verser des rançons ou échanger des prisonniers pour libérer leurs citoyens, comme les Américains l'ont fait hier encore. Ce dilemme est particulièrement complexe quand les victimes sont mises en danger par ces mêmes gouvernements ou par des organisations internationales qui agissent au nom de leurs États membres.
On constate souvent d'importantes différences entre ce que les gouvernements font et ce qu'ils disent. C'est tout à fait normal. Toutes les positions de principe génèrent des exceptions. De nombreux pays adoptent des approches plus ou moins pragmatiques, alors que d'autres proclament une doctrine rigide. Cependant, je sais avec certitude que tous les pays ont cédé à un moment ou à un autre. Pour obtenir des résultats favorables, il est essentiel de faire preuve de souplesse et d'innovation ainsi que d'une certaine dose d'humilité. Ce projet de loi offre aux négociateurs plus de souplesse et la possibilité d'innover. Si l'on écarte la diplomatie efficace et nuancée pour adopter une posture doctrinaire et vainement glorieuse, les victimes meurent.
Le 3 novembre 2015, les djihadistes d'Abu Sayyaf ont affiché une vidéo dans Twitter menaçant d'assassiner les Canadiens John Ridsdel et Robert Hall ainsi que leurs compagnons de captivité norvégiens, Marites Flor et Kjartan Sekkingstad. Le fait que Hall et Ridsdel aient tous deux été victimes de ce meurtre brutal et que leurs familles aient été forcées d'endurer la distribution mondiale des vidéos de leur décapitation est une catastrophe effroyable. Cela nous a causé une profonde détresse, à moi et à ma famille, car pendant des mois, nous craignions que je subisse le même sort. Les membres des familles de MM. Ridsdel et Hall seront hantés par des cauchemars jusqu'à la fin de leur vie. À mon avis, cette catastrophe effroyable découle de l'intransigeance de notre gouvernement, de son manque d'imagination et de son ignorance totale de la façon dont ces drames se déroulent dans le monde réel.
Les mesures visant à infléchir la volonté des États à nos fins s'appliqueraient principalement à des États plus petits, plus pauvres et plus faibles. Elles sont moins susceptibles de faire plier une grande puissance comme la Chine. Notre gouvernement disposait de tous les outils nécessaires pour obtenir en tout temps la libération des deux Michael, ce qui rend leur épreuve d'autant plus bouleversante. Je ne suis pas ici, cependant, pour remettre cette affaire complexe en cause, et j'avoue que je suis extrêmement heureux qu'ils soient enfin tous en sécurité.
Je sais bien que les déclarations péremptoires — qu'elles soient ou non largement approuvées — sur ce qui est juste et bon et sur la manière dont le monde devrait être géré, en particulier par ceux qui soulignent que nous sommes très bons, ont peu de chances de changer le comportement international, d'émouvoir les terroristes, où qu'ils soient, ou de modifier le comportement des États qui détiennent nos ressortissants. Les Canadiens se prennent bien trop au sérieux. Nous avons tendance à croire que ce que nous faisons et la manière dont nous le faisons influencent ce que font les autres nations. Ce n'est tout simplement pas le cas. Ce n'est pas en prêchant la morale que le Canada incitera d'autres nations à adopter un comportement différent, et les Canadiens qui résident ailleurs dans le monde ne seront pas plus en sécurité pour autant.
J'ai passé la plus grande partie de ma vie à promouvoir, à défendre et à essayer de maintenir un ordre international fondé sur des règles. Cependant, j'ai toujours parfaitement compris, parfois de mauvaise grâce, que ces règles seraient régulièrement et inévitablement contournées et souvent enfreintes, le plus souvent par les plus puissants, notamment nos alliés. N'oublions surtout pas que nous ne sommes pas une nation puissante.
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En repensant à ce que nous avons vécu il y a 16 ans, je ressens encore une colère viscérale face au manque de confiance, de courtoisie et même de respect de la part d'un trop grand nombre de personnes chargées de s'occuper de nos familles, celle de Louis Guay et la mienne. Mes proches et moi sommes convaincus que cette attitude éclipse trop souvent le travail ardu et novateur qu'accomplissent tant d'autres personnes pour regagner notre liberté.
Merci. Je me ferai un plaisir de répondre à vos questions.
Je vous remercie de m'avoir invitée à témoigner aujourd'hui. Mes observations sur le projet de loi C-353 se fondent sur mes 25 ans d'expérience dans le domaine de la prise d'otages et de la détention arbitraire.
Avant de me joindre à Hostage International, je me suis consacrée pendant 18 ans à intervenir lors de crises survenues dans le secteur privé. J'étais au courant des détails confidentiels de plus d'un millier de cas de prise d'otages et de détentions d'État. Hostage International offre son soutien aux anciens captifs et aux familles touchées par ces incidents. Nous fournissons de l'information, de l'orientation, du soutien pratique et un accès à de la thérapie adaptée en santé mentale ainsi qu'à des conseils juridiques et médiatiques. Nous avons soutenu les Canadiens touchés par ces incidents et nous continuons à les soutenir.
Dans le cadre de la mission de notre organisme de bienfaisance, je soutiens de tout cœur ce projet de loi, qui vise à aider les Canadiens frappés par une prise d'otages et une détention arbitraire. Cependant, bien que j'appuie l'esprit qui sous-tend le projet de loi C-353, je m'inquiète sérieusement de son orientation et de son fondement. Il porte sur trois types de cas différents perpétrés par des acteurs différents, sans reconnaître la nécessité de régler chaque cas par des moyens différents et par un niveau différent de participation gouvernementale. La prise d'otages criminelle se résout généralement quand la famille ou les employeurs de l'otage paient une rançon. Dans le cas des enlèvements par des terroristes, il est illégal de verser une rançon, ce qui limite les options de négociation. La libération peut exiger une médiation d'autres acteurs étatiques ou non étatiques. Dans le cas de la détention arbitraire, le gouvernement canadien assume son rôle à la fois consulaire et diplomatique, qui est essentiel pour protéger le bien-être et la libération de ses citoyens.
Le projet de loi C-353 ne reconnaît pas ces distinctions. Il met l'accent sur deux instruments qui pourraient aider les Canadiens à rentrer chez eux, les sanctions et les incitatifs à la coopération avec des tiers. Le choix de ces deux mécanismes est bizarre, car ils ne s'avèrent pas efficaces pour libérer des otages ou des détenus.
Dans le cas d'une prise d'otage criminelle, on connaît rarement, voire jamais, l'identité de l'agresseur avant de l'arrêter. Il serait donc impossible de lui imposer des sanctions. Dans le cas d'un enlèvement terroriste, le gouvernement canadien a la capacité d'imposer des sanctions à des groupes et à des individus terroristes, mais en le faisant de façon plus ciblée, il risque de pousser les preneurs d'otages à se venger. Les terroristes n'ont pas peur de tuer des otages, comme M. Robert Fowler vient de le dire. Nous n'oublierons jamais les meurtres de Robert Hall et de John Ridsdel.
Les sanctions s'appliquent plutôt aux détentions arbitraires. Cependant, le gouvernement canadien dispose déjà de ce mécanisme. Pour autant que je le sache, aucun détenu n'a été libéré sous la menace de sanctions. Il est même possible que certains ressortissants aient été détenus en réponse à des sanctions. Les incitatifs de tierces parties, encore une fois, agissent très différemment sur les cas de prise d'otages et de détention arbitraire. Les renseignements de tiers n'ont aucune importance dans les cas de détention arbitraire, qui se règlent à la suite de négociations diplomatiques entre les gouvernements.
Dans le cas des prises d'otages, par contre, des tiers peuvent fournir de l'information et même de l'aide, et ils le font parfois, mais il est difficile de comprendre quelle information ou quelle collaboration aiderait à obtenir la libération d'un otage en toute sécurité. Même si un tiers indique l'emplacement exact de l'otage, il serait extrêmement risqué de mener une opération de sauvetage en territoire étranger, car cela risque d'entraîner la mort de l'otage. Bien que l'information sur les auteurs de l'agression puisse aider à les identifier, cela n'est pertinent que pour obtenir justice à la suite d'un incident, et non pour obtenir la libération de l'otage. Le manque de fiabilité des renseignements fournis par des tiers dans le cas des prises d'otages est notoire. Les incitatifs pourraient causer de la confusion et un détournement des ressources, ce qui ne ferait qu'accroître les risques que courent les otages.
Enfin, Hostage International applaudit les mesures visant à fournir des renseignements cohérents et fiables aux familles. Nous sommes témoins de la souffrance des familles et de leur désespoir quand leur gouvernement ne les met pas au courant de l'évolution de la situation. Cela ne se limite pas aux familles canadiennes. Dans tous les pays que nous soutenons, les familles se plaignent de ce manque de communication. Cela provient souvent du fait qu'elles nourrissent des attentes irréalistes face à ce que leur gouvernement sait et peut faire dans un cas d'enlèvement. Elles ne comprennent pas qu'il ne peut pas divulguer certains renseignements en toute sécurité dans les cas de détention arbitraire. La façon dont les gouvernements communiquent avec les familles, les font participer et les soutiennent est vraiment cruciale.
Les familles ont sévèrement critiqué le gouvernement canadien dans le passé. Toutefois, ces dernières années, le gouvernement a considérablement amélioré ses façons de communiquer. La nomination d'un haut fonctionnaire responsable des prises d'otages est une étape importante de la responsabilisation du gouvernement.
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L'accent mis dans ce projet de loi sur le soutien en santé mentale pour les familles est positif. Cependant, le Canada a déjà une bonne longueur d'avance sur ses partenaires du Groupe des cinq dans ce domaine. Il a créé un fonds d'aide aux victimes qui couvre les frais de thérapie pour les familles. Le gouvernement travaille continuellement avec ses partenaires de la société civile, comme Hostage International, pour veiller à ce que les familles aient accès à un soutien plus étendu et à plus long terme.
L'alinéa 20c) du projet de loi sur la facilitation de la communication est ambigu et très risqué. Les communications entre les familles et les ravisseurs criminels sont déjà facilitées par la GRC. Les postes consulaires essaient déjà d'avoir accès aux détenus dans les prisons au nom des familles. Ce sont...
Aucun projet de loi n'est nécessaire, mais je serais très inquiète d'apprendre que l'on envisage d'adopter d'autres types de communication. Il y a encore beaucoup à faire pour améliorer le soutien familial, mais ce projet de loi ne traite pas de ces besoins.
Merci, madame Symons. Vous aurez l'occasion de répondre aux questions. J'espère que vous pourrez ainsi nous faire part du reste de votre témoignage.
Nous passons maintenant la parole à la cofondatrice et présidente du Human Rights Action Group. Nous sommes heureux d'accueillir aujourd'hui Me Sarah Teich.
Bonjour, mesdames et messieurs. Je vous remercie de m'avoir invitée à participer à cette réunion.
Je m'appelle Sarah Teich et je suis avocate à Toronto. Avec M. David Matas, j'ai cofondé le Human Rights Action Group, un collectif d'avocats qui travaillent directement avec des groupes communautaires pour lutter contre les atrocités de masse et les violations flagrantes des droits de la personne.
Toutefois, la proposition législative sur la prise d'otages que j'ai rédigée il y a trois ans, publiée conjointement par l'Institut Macdonald-Laurier et la Canadian Coalition Against Terror, se rapporte plus au sujet de votre étude. La Canadian Coalition Against Terror a été renommée Secure Canada. L'année dernière, nous avons travaillé en étroite collaboration avec le député Lantsman pour adapter cette proposition législative au projet de loi C-353.
Au départ, j'avais l'intention de résumer toutes les sections du projet de loi, mais je crois que je vais plutôt utiliser mon temps de parole pour répondre à une question qui me semble importante: ce projet de loi offre‑t‑il les services consulaires à des gens qui ne sont pas citoyens canadiens? Serait‑ce souhaitable et faisable? Commençons par examiner exactement quels services ce projet de loi pourrait viser. En fait, il n'oblige pas Affaires mondiales Canada à fournir des services consulaires généraux aux résidents permanents et aux réfugiés qui répondent à la définition de « personnes protégées admissibles ».
Ce projet de loi vise les prises d'otages, les détentions arbitraires et les relations d'État à État. S'il est adopté, c'est ce qu'il fera. Il permettra que l'on impose des sanctions aux auteurs de crimes dans les cas de prise d'otages et de détention arbitraire de citoyens canadiens, de résidents permanents et de personnes protégées admissibles. Il obligera le gouvernement à offrir du soutien aux familles ou à les aiguiller vers ces services et notamment vers du soutien psychologique. Cela s'appliquera aux familles de victimes qui sont des citoyens canadiens, des résidents permanents ou des personnes protégées admissibles. Enfin, il prévoit verser des récompenses monétaires ou soutenir la réinstallation des personnes qui aident à rapatrier un otage. De nouveau, cela s'appliquera aux citoyens canadiens, aux résidents permanents et aux personnes protégées admissibles. Rien de tout cela n'est une expansion importante des services consulaires, dont les ressources sont limitées, si je comprends bien.
L'indicateur pertinent devrait être le nombre de résidents permanents et de personnes protégées admissibles qui sont pris en otage ou détenus arbitrairement à l'étranger dans le cadre de relations entre États. Je n'ai pas le chiffre à portée de main, mais je ne pense pas qu'il soit dans l'ordre de plusieurs millions. Il est même peu probable qu'il se situe dans les centaines.
Soulignons également la loi américaine Robert Levinson Hostage Recovery and Hostage-taking Accountability Act, qui permet aussi l'imposition de sanctions et qui offre diverses mesures de soutien aux familles. Dans toute cette loi, les auteurs utilisent le terme United States National qui, selon la définition, inclut les résidents permanents. Par conséquent, cette disposition du projet de loi n'est pas sans précédent. J'espère que cela précise cet aspect du projet de loi.
Je tiens aussi à souligner que le comité sénatorial des affaires étrangères de l'Australie, qui vient de publier son rapport il y a quelques heures, affirme aussi qu'il est important de légiférer à ce sujet. Après avoir entendu Mme Kylie Moore-Gilbert — qui, si j'ai bien compris, a présenté un témoignage écrit à votre comité — ainsi que mon témoignage et celui d'autres personnes, ce comité conclut ainsi son rapport:
Le Comité est également d'avis qu'un cadre solide constituerait en soi un facteur de dissuasion contre la détention injustifiée de citoyens australiens dans un premier temps. Il considère qu'un cadre clair et transparent enverrait un message puissant aux États qui envisagent de s'engager dans une diplomatie des otages en indiquant que l'Australie n'acceptera pas cela.
Cela figure au paragraphe 3.115, à la page 42 du rapport.
Les auteurs de ce rapport soulignent aussi que la loi Levinson des États-Unis qui, comme je l'ai dit, contient plusieurs dispositions qui se retrouvent dans le projet de loi C-353 et « constitue un bon point de départ pour l'établissement d'un cadre australien ». Cette phrase se trouve au paragraphe 3.119, à la page 43 du rapport.
Je crois que je vais m'arrêter ici. Je me ferai un plaisir de répondre aux questions des membres du Comité. Merci.
Nous passons maintenant au coordonnateur national de l'International Civil Liberties Monitoring Group, M. Tim McSorley. Il se joint aussi à nous par téléconférence.
Je remercie le Comité de m'avoir invité à parler du projet de loi C-353.
Je suis ici au nom de l'International Civil Liberties Monitoring Group, une coalition de 44 organismes de la société civile canadienne qui se consacrent à la défense des libertés civiles dans le contexte de la sécurité nationale et des mesures antiterroristes. Dans le cadre de notre travail, nous sommes très conscients des graves conséquences que subissent les personnes qui sont prises en otage ou détenues arbitrairement. Il est clair qu'il faut en faire plus pour soutenir les survivants ainsi que leurs familles et leurs proches.
Nous avons soutenu activement des citoyens canadiens et des résidents permanents qui étaient détenus arbitrairement à l'étranger. Cela comprend les cas bien connus de Maher Arar, d'Abdullah Almalki, d'Ahmad Abou-Elmaati et de Muayyed Nureddin, qui ont tous été détenus et torturés dans des prisons syriennes. Mentionnons aussi Khaled Al-Qazzaz, qui a été détenu arbitrairement par le gouvernement militaire en Égypte, et Abousfian Abdelrazik, qui a été détenu arbitrairement et torturé par les forces de sécurité nationales soudanaises. Plus récemment, nous avons plaidé en faveur du retour de tous les Canadiens détenus arbitrairement dans le Nord-Est de la Syrie, dont des femmes et des enfants canadiens qui vivent dans des camps de détention et des Canadiens qui sont détenus en secret sans inculpation dans des conditions qui les mettent en danger de mort.
Nous ne rappellerons jamais assez fortement que la prise d'otages et la détention arbitraire contreviennent au droit canadien et au droit international. Il faut absolument que le Canada agisse pour lutter contre ces crimes. Nous appuyons l'intention du projet de loi, qui vise à soutenir les survivants et leurs familles. Toutefois, nous ne sommes pas sûrs que ce projet de loi soit nécessaire. En fait, il risque de causer des répercussions négatives imprévues et d'autres conséquences.
Premièrement, nous doutons de l'efficacité des nouveaux régimes de sanctions générales. De plus en plus, les résultats de recherche indiquent que les régimes de sanctions unilatéraux ne protégent pas les droits de la personne partout dans le monde. Ils gaspillent souvent des ressources et risquent d'entraver l'acheminement et la distribution de l'aide internationale.
Si des sanctions sont jugées nécessaires, elles doivent être bien ciblées. À notre avis, ce n'est pas le cas de celles que propose le projet de loi C-353. Elles viseraient non seulement des particuliers, mais aussi des entités étrangères définies de façon plutôt vague et des États étrangers. Elles viseraient même, selon l'alinéa 5(3)a), les biens de tout ressortissant d'un État sanctionné. Cela risque de causer des répercussions imprévues sur l'aide humanitaire, sur l'aide internationale, sur la consolidation de la paix et même sur les activités diplomatiques. Elles pourraient même inciter le gouvernement qui les subit à punir de façon arbitraire un vaste éventail de ressortissants étrangers ainsi que leurs gouvernements et leurs associations.
Deuxièmement, nous sommes préoccupés par les faibles seuils prévus dans ce projet de loi. Par exemple, l'article 5 permet l'imposition de sanctions si le gouverneur en conseil « juge » qu'un ressortissant étranger, un État ou une entité est « responsable ou complice » de la prise d'otages ou de la détention arbitraire d'État à État. Ce pouvoir est très vaste et il repose uniquement sur une opinion. De plus, l'article 7, en permettant au ministre d'exiger que toute personne fournisse des renseignements pertinents à un décret ou à un règlement pris en vertu de l'article 5, l'autoriserait à essayer d'obtenir cette information à l'aveuglette. Le projet de loi ne contient aucune disposition sur la façon de traiter et d'éliminer ensuite cette information.
Troisièmement, la définition de « détention arbitraire dans les relations d’État à État » exclut certains cas graves de détention arbitraire sanctionnée par l'État. Dans ce projet de loi, la définition de détention arbitraire d'un particulier prévoit qu'une personne, « de façon arbitraire, procède à son arrestation ou le met en détention pour contraindre un gouvernement étranger à agir ou pour exercer une influence sur celui‑ci ».
Dans tous les cas que j'ai énumérés au début, la détention arbitraire a eu lieu soit avec la complicité du Canada, soit pour des objectifs qui n'ont rien à voir avec le Canada et non pour forcer un gouvernement étranger à agir. Outre les cas mentionnés au début, examinons par exemple celui de Huseyin Celil, un citoyen canadien originaire de Chine qui militait pour les droits ouïghours. Il est détenu arbitrairement par le gouvernement chinois depuis 2006. Comme la Chine ne cherche aucunement à influencer le Canada ou un autre État, mais plutôt à punir l'activisme pour les droits de la personne, nous pensons que ce projet de loi ne s'appliquerait pas à ce cas.
Quatrièmement, l'application très étendue des sanctions prévues dans ce projet de loi — notamment à quiconque met des biens à la disposition d'un État, d'une entité ou d'une personne sanctionnée travaillant en son nom — empêcherait l'apport d'aide humanitaire. L'article 6 permet au ministre de délivrer un « un permis l’autorisant à mener une opération ou une activité » qui contreviendrait à un décret pris en vertu de la présente loi. Toutefois, le temps qu'il faudrait pour obtenir ce permis pourrait avoir de graves répercussions sur l'apport d'aide en temps opportun. Les organisations ne présenteront tout simplement pas de demande. De plus, cela pourrait avoir une incidence négative sur les négociations des familles et des employeurs avec des preneurs d'otages. Ils doivent agir rapidement, mais ils risquent de violer ce décret s'ils n'obtiennent pas de permis.
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Enfin, nous sommes tout à fait d'accord sur la nécessité de mieux soutenir les survivants de ces actes horribles ainsi que leurs familles et leurs proches. Cependant, nous ne pensons pas que ce soutien devrait être lié à un régime de sanctions, et nous ne sommes pas convaincus que l'adoption d'une nouvelle loi soit nécessaire pour renforcer ce soutien. Nous nous en remettons plutôt à la recommandation du rapport de 2018 de ce comité sur la prestation de services consulaires. Le gouvernement dispose déjà d'autres instruments pour agir dans ce domaine, s'il ne lui manque pas la volonté politique de le faire. Nous exhortons le gouvernement et le Comité à maintenir ce cap.
Merci. Je me ferai un plaisir de répondre à vos questions.
Je vous remercie de m'avoir invitée et je remercie Mme Melissa Lantsman d'avoir parrainé ce projet de loi.
Si le monde entier est une scène, le terrorisme est un théâtre, une violence effroyable chorégraphiée pour terroriser la population du monde entier. Parmi la vaste gamme de tactiques terroristes asymétriques, la prise d'otages est l'une des plus terrifiantes et déchirantes. La détention injustifiée de personnes pour causer un préjudice ou chercher à obtenir un gain n'est pas un phénomène nouveau. Il y a plus de 2 000 ans, les érudits rabbiniques ont compris que le commandement biblique « Tu ne commettras pas de vol » faisait référence à l'interdiction de commettre un enlèvement.
La prise d'otages ne comprend pas seulement la personne saisie et l'agonie qu'elle subit. En enlevant une personne, on prend sa famille en otage, on prend son peuple et son pays en otage. Lorsqu'un Canadien est détenu à tort par un État ou un acteur non étatique simplement parce qu'il est Canadien, c'est le Canada lui-même qui est pris en otage. La personne incarcérée devient en réalité un substitut de notre pays. Nous vivons à une époque où la prise d'otages et la détention arbitraire dans les relations d'État à État constituent une menace croissante pour les particuliers, pour des pays entiers et pour l'ordre international.
J'ai remarqué qu'en général, le Canada considère qu'une nouvelle idée législative n'est pas nécessaire et que les lois actuelles se suffisent à elles-mêmes. Cependant, les mauvais acteurs ajustent et améliorent constamment leurs méthodes. Les pays doivent donc faire preuve d'agilité, de créativité, d'audace et renforcer leurs principes pour contrer des menaces en constante évolution. Dans le cas de la prise d'otages en particulier — une arme rentable utilisée par des acteurs étatiques et non étatiques pour infliger des préjudices extrêmes et disproportionnés —, il incombe à nos législateurs d'explorer tous les instruments possibles pour rapatrier les ambassadeurs qui nous représentent involontairement dans les donjons de nos adversaires et pour empêcher que d'autres Canadiens ne subissent même ce sort.
À la base, le projet de loi C-353 a été créé pour aider le Canada à s'acquitter de sa responsabilité fondamentale de protéger sa population et de défendre la valeur de sa citoyenneté. Le Sénat australien a récemment tenu des audiences sur le problème des prises d'otages et des détentions abusives. Il a discuté de ce projet de loi et en a fait l'éloge, ajoutant qu'il servira de modèle à l'élaboration d'une initiative australienne similaire. Mme Kylie Moore-Gilbert a elle aussi témoigné pendant ces audiences. Elle avait passé 804 jours dans le système pénitentiaire iranien après avoir été condamnée à 10 ans de prison pour espionnage. Le gouvernement australien a dénoncé cette peine comme étant sans fondement. Elle a été libérée en 2020 dans le cadre d'un accord diplomatique négocié par le gouvernement australien, ce qui a autorisé la Thaïlande à libérer trois Iraniens condamnés pour terrorisme.
Je vais vous transmettre le message de Mme Moore-Gilbert, qui est maintenant directrice de l'Australian Wrongful and Arbitrary Detention Alliance. « Nous applaudissons et félicitons le gouvernement du Canada d'avoir pris l'initiative de publier, en 2021, sa Déclaration contre la détention arbitraire dans les relations d'État à État. Nous remarquons cependant que, bien que désirant tirer parti de cette déclaration pour promouvoir des efforts multilatéraux efficaces afin de décourager cette pratique, le Canada n'a réalisé que très peu de progrès perceptibles vers son objectif. Le projet de loi C-353 reconnaît qu'il faut prendre des décisions difficiles pour imposer des coûts réels aux acteurs non étatiques qui prennent des otages et aux gouvernements qui détiennent arbitrairement des citoyens canadiens pour des raisons diplomatiques. En définissant explicitement les instruments permettant au gouvernement canadien de punir et de dissuader les preneurs d'otages et les auteurs de détentions arbitraires, le projet de loi C‑353 donne aux décideurs un mandat positif pour décourager cette pratique et obtenir un semblant de justice pour les victimes ».
Je me réjouis de discuter en profondeur avec les membres du Comité de la nécessité de redoubler les efforts gouvernementaux visant à protéger les Canadiens. Je vous encourage à poser vos questions à mon estimé collègue Haras Rafiq, qui est membre du conseil d'administration de Secure Canada et expert britannique en contre-extrémisme. Il est ici à mes côtés pour participer à la discussion d'aujourd'hui et pour situer la prise d'otages dans le cadre de l'extrémisme et du terrorisme.
Enfin, je tiens à remercier M. Danny Eisen, cofondateur de Secure Canada, qui se tient au cœur même des travaux de notre organisme dans ce dossier.
Secure Canada se consacre à la lutte contre le terrorisme, l'extrémisme et d'autres menaces à la sécurité nationale. Nous appuyons entièrement le projet de loi C-353, que nous trouvons sobre et ciblé. Il est conforme aux obligations du droit international, qui exigent que le Canada prenne d'autres mesures intérieures pour contrer la menace de prise d'otages et de détention arbitraire dans les relations d'État à État.
Merci beaucoup, monsieur le président et honorables membres du Comité, de m'avoir invitée à comparaître devant vous aujourd'hui.
Je vais vous donner une idée de la perspective que j'apporte à l'examen du projet de loi C-353. Je suis une diplomate canadienne à la retraite et je me spécialise en droit international. Mes domaines de pratique et d'expertise comprennent la paix et la sécurité internationales, la Charte des Nations unies, le droit des conflits armés et des crimes atroces, le terrorisme et la criminalité transnationale, les droits de la personne, les sanctions économiques, le désarmement et la non-prolifération.
Depuis que j'ai pris ma retraite, j'ai publié des articles soulignant les possibilités d'améliorer la mise en œuvre de la Convention des Nations unies contre la corruption en effectuant le suivi, le traçage, la saisie et la réaffectation des biens. Affaires mondiales Canada m'a également confié un certain nombre de projets dans mon rôle d'experte-conseil. Ces projets consistaient notamment à définir le mandat d'un groupe d'experts indépendant chargé d'examiner la question de la détention arbitraire dans les relations d'État à État en droit international, à étudier le cadre juridique dans lequel le Canada exerce ses activités consulaires, notamment dans les situations d'urgence et de crise, et à rédiger un document de travail sur le renforcement des capacités opérationnelles du Canada dans les cas de prise d'otages internationale.
Je crois que c'est ainsi que mon nom a été porté à l'attention du Comité. Je ne travaille pas actuellement pour Affaires mondiales. Je parle uniquement à titre personnel.
Pour que nous ayons le plus de temps possible pour les questions, je ne vais vous présenter qu'un petit aperçu de mon point de vue.
Le projet de loi C-353 est une initiative bien intentionnée visant à régler la question délicate et complexe de l'intervention du gouvernement visant à libérer les Canadiens qui sont victimes, parfois de façon tragique, de forces indépendantes de sa volonté. En pratique, cependant, je crois que ce projet de loi est à la fois inutile et peut-être contre-productif. Il s'inspire de la loi américaine Robert Levinson Hostage Recovery and Hostage-taking Accountability Act, mais sans tenir compte des importantes différences qui distinguent les cadres juridiques, contextuels et opérationnels des États-Unis et du Canada.
En droit canadien, comme l'a confirmé le Comité dans son rapport sur les services consulaires du Canada en 2018, les questions relatives à la sécurité nationale et internationale et aux relations étrangères relèvent de la prérogative de la Couronne et non du Parlement. En novembre 2023, la Cour d'appel fédérale a résumé l'exercice approprié de ce pouvoir comme étant « la responsabilité constitutionnelle de l'exécutif de prendre les décisions concernant les affaires étrangères dans le contexte de circonstances complexes et en fluctuation constante, en tenant compte des intérêts nationaux plus larges du Canada ». La prise d'otages relève très évidemment de cela, tout comme la détention arbitraire dans les relations d'État à État.
Bien que visant à renforcer les instruments dont le gouvernement dispose pour répondre aux prises d'otages et aux détentions arbitraires, le projet de loi C-353 a pour effet de légiférer dans les domaines de la sécurité nationale et des relations étrangères. La décision d'appliquer des sanctions économiques en vertu du projet de loi relève à juste titre du gouverneur en conseil, comme le prévoit la Loi sur les mesures économiques spéciales. La création d'un cadre juridique précis pour l'imposition de sanctions en réponse à la prise d'otages pourrait accroître de façon exponentielle la pression nationale sur ce gouvernement et sur les gouvernements futurs pour qu'ils le fassent en pratique. Cela risque de donner aux preneurs d'otages et aux États étrangers exactement le levier qu'ils veulent et de faire empirer la situation des victimes en bloquant la réponse du gouvernement. Je suis d'accord avec les intervenants précédents sur cette question.
Dans le cas de la détention arbitraire par des États étrangers à des fins politiques, le Canada a déjà le pouvoir d'imposer des sanctions, si elles sont jugées utiles, en vertu du paragraphe 4(1.1) de la Loi sur les mesures économiques spéciales. Dans le cas de la prise d'otages par des terroristes, les transactions financières avec des groupes terroristes inscrits et leurs membres sont déjà assujetties aux interdictions du Code criminel. Autrement dit, nous avons déjà accès aux instruments que le projet de loi C-353 prétend fournir.
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Ce projet de loi m'inquiète aussi pour d'autres raisons. Il confond la prise d'otages par des terroristes, la détention arbitraire dans les relations d'État à État et les enlèvements criminels. Ce problème a déjà été soulevé. En fait, il charge le gouvernement d'intervenir pour libérer des otages et des résidents permanents à l'égard desquels le droit international n'autorise pas le Canada à exercer des fonctions consulaires ou diplomatiques. De plus, l'obligation légale de communiquer beaucoup d'information aux familles pourrait compromettre la sécurité opérationnelle ou nationale. Je conviens cependant, comme d'autres l'ont souligné, que nous devrions en faire plus pour soutenir adéquatement les familles.
L'indemnisation de victimes individuelles à partir des biens saisis par l'État peut s'avérer délicate. Le Canada fait actuellement l'objet d'une plainte sur cette même question devant la Cour internationale de justice aux termes de la loi sur la justice pour les victimes du terrorisme.
L'obligation de faire rapport au Parlement est redondante. Ce comité et le Secrétariat du Comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement disposent déjà de mandats étendus pour examiner les mesures à prendre dans ce domaine. Je souligne qu'en 2022, le Secrétariat a formulé des recommandations sur la façon dont Affaires mondiales pourrait renforcer sa réponse aux prises d'otages. Ces recommandations ne préconisaient aucune mesure législative.
En conclusion, il y a manifestement de nombreux domaines opérationnels dans lesquels la réponse du Canada à la prise d'otages par des terroristes et à la détention arbitraire par des États étrangers pourrait être renforcée, simplifiée, plus cohérente et, surtout, mieux financée. Toutefois, à mon avis, le projet de loi C-353, même s'il est bien intentionné, n'apporte pas de solution.
Merci à tous nos témoins d'être venus pour discuter de cet enjeu si important.
Monsieur Fowler, mes questions s'adresseront à vous. Merci de comparaître devant notre comité.
Vous avez accumulé une grande expérience aux postes de sous-ministre et d'ambassadeur au gouvernement du Canada pendant des décennies. Ma première question concerne la deuxième partie du projet de loi, qui vise à améliorer le soutien offert aux familles des personnes prises en otage. Pouvez-vous nous parler un peu de votre expérience et de la façon d'améliorer l'appareil gouvernemental et l'administration entre le Ministère et les organismes centraux?
Je ne travaille plus pour le gouvernement depuis longtemps. Je crois que Mary, mon épouse, devrait être ici pour répondre adéquatement à cette question. Je me prélassais sur une plage très loin d'ici pendant qu'elle s'occupait de ce dont vous parlez.
Pour résumer, j'ai entendu de nombreux témoins vous assurer que les choses ont changé, que le gouvernement fait mieux les choses, qu'il est mieux organisé et qu'Affaires mondiales, mon ancien ministère, est restructuré et prêt à faire tout cela. C'est peut-être le cas, je ne le sais pas, mais ce n'était certainement pas le cas il y a 16 ans.
Pour vous donner un exemple, pendant 45 jours, personne n'a dit à Mary que Louis Guay et moi étions vivants. Le gouvernement le savait dès le début de notre prise en otages. Par la suite, les fonctionnaires ont reçu régulièrement des renseignements qui laissaient entendre que nous étions vivants. Je ne sais pas du tout qui administrait notre dossier. La GRC et Affaires étrangères soutenaient, chacun de leur côté, qu'ils étaient seuls responsables de notre dossier. Le Bureau du Conseil privé n'a jamais rien dit à personne et n'a jamais attiré l'attention sur ce qui ne se passait pas.
Nous avons enregistré deux vidéos. Personne n'a informé la famille de M. Guay et la mienne de l'existence de ces vidéos. Ne pouvant plus supporter ce manque d'information, Mary est allée voir le secrétaire général de l'ONU de l'époque, M. Ban Ki-moon, qui lui a dit que nous étions en vie et que nous semblions être en relativement bon état physique. Il lui a parlé de l'existence d'une vidéo. Elle est revenue et a exigé de la visionner. Il y avait déjà 45 jours que cette vidéo avait été enregistrée. À la GRC, on lui a répondu qu'on avait eu de la difficulté à la faire traduire, mais qu'on verrait ce qu'on pourrait faire. Quand Mary a répondu qu'elle n'avait pas besoin qu'on la traduise, on la lui a montrée.
Quelques semaines plus tard, environ 30 jours plus tard, Mary se préparait à partir pour Londres pour rendre visite à notre quatrième fille, qui y habitait et qui avait besoin d'un peu de soutien et d'attention. Avant de partir, elle a informé les responsables de la GRC qu'elle allait s'absenter et leur a demandé de communiquer avec elle dès qu'il y aurait du nouveau.
Au cours d'un déjeuner avec notre haut-commissaire à Londres, celui‑ci lui a dit qu'elle devait être vraiment heureuse d'avoir vu la toute dernière vidéo. Mary n'avait aucune idée de ce dont il parlait. Il est parti pour téléphoner chez lui et, quelques minutes plus tard, la GRC a appelé ma femme pour lui dire qu'il y avait effectivement une autre vidéo. Quand elle a demandé de la voir, on lui a répondu qu'elle devrait revenir au Canada, parce que cette vidéo était tellement confidentielle qu'on ne pouvait pas l'envoyer à Londres. C'était ridicule, évidemment. Ensuite, la GRC l'a envoyée, et elle a pu la regarder.
Si vous me le permettez, je vais lire un segment du livre que j'ai publié pour mieux vous illustrer mes préoccupations à cet égard.
Le 23 février, lors d'une des rares séances d'information au ministère des Affaires étrangères, Mary a demandé qu'on lui confirme les reportages des médias selon lesquels nos ravisseurs auraient exigé une rançon. Une agente très haut placée de la GRC — en fait, la future commissaire de la GRC — a interrompu ma femme, l'a pointée du doigt de l'autre côté de la table et lui a répondu: « Tant que je serai responsable de cette enquête, pas un sou ne sera versé pour la libération de ces gros bonnets ». En disant cela, elle a sapé toute confiance dans sa gestion de ce dossier. La femme de Louis et Mary ont refusé d'assister à d'autres réunions.
Non, il y a 16 ans, les relations avec les otages n'étaient pas bien gérées.
Je tiens à remercier tous les témoins non seulement d'être venus aujourd'hui, mais d'avoir travaillé si fort au fil des ans pour aider les familles et les victimes qui se trouvaient dans des situations très difficiles. Je suis aussi profondément touché par la présence de M. Fowler.
Monsieur Fowler, je vous remercie pour votre service et je suis très heureux que vous soyez ici avec nous en toute sécurité.
Je ne pense aucunement que nos politiques actuelles — ou l'exécution des politiques du gouvernement — sont parfaites. Je ne pense pas non plus qu'il n'y ait pas de possibilité d'apporter d'autres améliorations ou d'adopter une nouvelle loi. Je crois que nous aurions besoin d'instruments supplémentaires.
Ce qui me préoccupe, c'est que la proposition actuelle ne donne pas les résultats escomptés. Je me demande si ces nouveaux instruments contribueraient à tirer de danger un citoyen canadien ou un particulier qui se trouve en détention arbitraire ou en otage. Je crains aussi que cela ne suscite des attentes déraisonnables, à un point tel que le gouvernement serait incapable d'y satisfaire. De nombreuses familles canadiennes dont des êtres chers se trouvent dans une situation difficile s'attendraient à ce que le gouvernement du Canada utilise ces nouveaux instruments pour les aider, mais en réalité, ces instruments n'ont pas la force d'application voulue.
Ma première question s'adresse à Me Teich.
Je m'inquiète de l'élargissement de l'admissibilité aux citoyens non canadiens, notamment aux personnes protégées. Qui détermine si une personne est protégée? Je sais quelle est la définition de « personne protégée ». Au Canada, la Commission de l'immigration et du statut de réfugié du Canada détermine si un demandeur est une personne protégée ou non. Si une personne se trouve dans une situation difficile à l'étranger et qu'elle ne réside pas au Canada, qui détermine si elle est protégée ou non?
Une personne protégée admissible est une personne qui a le statut de réfugié et qui n’est pas interdite de territoire pour des motifs de sécurité, pour avoir enfreint des droits de la personne ou des droits internationaux ou pour criminalité. À quelques exceptions près, cette catégorie concerne essentiellement les réfugiés au Canada.
Quant à savoir qui prend la décision, je dirais que c'est le ministre compétent aux termes de la loi, bien que...
Excusez-moi. Permettez-moi de vous interrompre, car mon temps est limité.
Êtes-vous en train de dire que les personnes protégées dans ce projet de loi doivent avoir été désignée comme telles par la Commission de l'immigration et du statut de réfugié, la CISR?
Le projet de loi n’est pas très clair à ce sujet. Il parle de « personnes protégées », mais il pourrait s’agir de demandeurs d’asile ayant présenté une demande aux Nations Unies. Ces personnes seraient-elles admissibles à ce service consulaire?
Je ne crois pas, mais permettez-moi de prendre note de cette question et de vous revenir à ce propos. Je ne veux pas vous répondre ni par oui, ni par non, car je n'ai aucune certitude.
C'est tout le dilemme. Encore une fois, je crains que ce projet de loi n'amène des gens de par le monde à croire que le gouvernement canadien va jouer un rôle dans leur situation.
Vous avez parlé d'attentes et je dirais que c’est à cela que sert ce processus. Il sert à entrer dans le détail. L’étude article par article en particulier nous permettra d'aller beaucoup plus loin la semaine prochaine.
Je ne suis pas législatrice, mais il me semble que si ce projet de loi est adopté, il sera accompagné d’un communiqué de presse et de documents d’information en ligne, et on saura à qui il s’applique. Je pense que la question de la gestion des attentes peut être abordée, quelles que soient les réponses à ces questions.
Je pense que c’est beaucoup plus compliqué que cela.
J’aimerais parler d'autre chose. Nous avons entendu M. McSorley parler de détention arbitraire. Il a donné des exemples de détention arbitraire que les gens contesteraient, je crois. S’agissait-il de détentions arbitraires ou d’autres types de détentions? C’est également un défi que pose ce projet de loi. Encore une fois, il créé des attentes dans les familles dont un membre est détenu injustement dans un autre pays. Tout à coup, le gouvernement canadien doit utiliser ces outils. Malheureusement, beaucoup de Canadiens se retrouvent parfois dans une situation difficile.
S'agissant de la définition de détention arbitraire, je répondrai que celle qui apparait dans ce projet de loi dans le cas de la « détention arbitraire dans les relations d’État à État » est tirée mot pour mot de la déclaration multilatérale. De même, la définition de « prise d’otages » est tirée du Code criminel.
Ce projet de loi ne vise pas la détention arbitraire, il vise la prise d’otages et la détention arbitraire dans le contexte de relations d’État à État, ce qui est différent.
Vous avez raison. Le projet de loi ne couvrirait pas tout. C’est ainsi que sa portée est relativement étroite.
Si les législateurs ne sont pas capables de faire une distinction et que les experts ne le sont pas non plus, vous pouvez imaginer comment une famille en désarroi ayant un proche dans une situation délicate va percevoir l’application de ce projet de loi.
Mme Sarah Teich: Très bien. J’imagine que la déclaration multilatérale a soulevé à peu près les mêmes préoccupations. Cette déclaration aussi comporte l’expression « détention arbitraire dans les relations d’État à État » et non pas le syntagme « détention arbitraire ».
Monsieur Fowler, vous avez dit qu'il n'était peut-être pas opportun pour le gouvernement de révéler tout ce qu'il pouvait, voulait ou souhaitait faire.
Conséquemment, ne croyez-vous pas que d'encadrer le tout par une législation va à l'encontre de cette affirmation, selon laquelle le gouvernement doit se garder une marge de manœuvre dont il ne fera pas état publiquement?
Monsieur Bergeron, j’aime ce projet de loi parce qu’il regroupe les outils qui, selon moi, auraient pu être extrêmement utiles dans la situation dans laquelle je me suis retrouvé au Mali et au Niger il y a 15 ans. Tous les éléments de ce projet de loi auraient pu s’appliquer à cette situation, c’est-à-dire que le gouvernement du Mali aurait très bien pu être menacé de sanctions sous une forme ou une autre. On aurait certainement pu encourager les gens à coopérer en les payant et on aurait pu les inciter à agir utilement face à la perspective d'être accueillis au Canada. Je considère tout cela comme des outils très utiles.
Je ne suis pas un expert législatif et je ne voulais pas laisser entendre que ce sont les seuls outils. Je voulais seulement parler des autres outils que le gouvernement ne devrait pas évoquer, et je le crois toujours fermement.
Je ne considère pas que ce projet de loi est exclusif. Je ne considère pas que ce projet de loi apporte une réponse à tout, qu'il est suffisant. Ce n’est pas le cas. D’autres choses sont nécessaires.
Dans une entrevue que vous accordiez à la CBC en 2011, si je ne m'abuse, vous disiez être certain qu'une rançon avait été payée par les Nations unies pour votre libération.
Dans mon livre, j'ai dit très clairement que le premier ministre Harper a carrément affirmé que le Canada n'avait payé aucune rançon et qu'il n'avait fait relâcher aucun prisonnier.
Je crois que j'avais ajouté quelque chose sur le fait que je n'avais aucune raison de ne pas croire le premier ministre Harper.
Cela dit, je ne suis pas ici, devant vous, à cause de mes beaux yeux bleus. Mes ravisseurs ont décapité un otage britannique six semaines après que lui et moi avons été relâchés. Six semaines après cela, un collègue du Britannique a été libéré. Je suis certain que cela aurait été le même scénario pour nous. Je suis content que cela n'ait pas été le cas.
Une rançon a-t-elle été payée? Si c'est le cas, j'ignore qui l'a payée. Il y a plusieurs possibilités, et je suis ravi de vous dire que je ne connais pas la réponse.
En théorie, il aurait pu le faire, mais je n'en ai aucune idée. S'agit-il d'un autre pays ou d'une autre organisation? Je n'en sais rien. Cependant, je sais que si cela n'avait pas été le cas, je serais assurément mort.
La responsabilité primordiale d'un gouvernement, c'est de protéger ses citoyens. Cela est beaucoup plus important que les grands principes.
En ce qui concerne la situation aux Philippines, dont j'ai parlé, elle a coûté la vie à M. Ridsdel et à M. Hall. Ces derniers ont été tués, tandis que le Norvégien ne l'a pas été. Peu de pays ont une meilleure réputation que la Norvège. Elle a en effet la réputation de faire ce qu'elle dit, et elle est considérée comme étant un pays raisonnable, respectable, généreux et engagé. D'ailleurs, je le crois aussi.
Je remercie tous les témoins d’aujourd’hui de leurs témoignages. Ce fut très intéressant et instructif. Je vous en suis très reconnaissant.
Je vais commencer par poser quelques questions à M. McSorley au sujet de la détention arbitraire.
Dans votre témoignage, vous avez parlé du cas de Huseyin Celil et des personnes venant du nord-est de la Syrie. J’aimerais connaître votre point de vue à ce sujet, parce que mardi, j’ai demandé à la députée Lantsman si elle croyait que ce projet de loi s’appliquerait aux Canadiens. Elle m'a répondu qu’elle le pensait. Compte tenu de votre témoignage et de votre expérience en matière de défense des intérêts des Canadiens dans des causes complexes, j’aimerais savoir ce que vous, vous en pensez.
Que pensez-vous du projet de loi sous cet angle? Je crois que vous en avez parlé un peu, mais cette mesure pourrait-elle aider les Canadiens détenus arbitrairement à l'étranger, ainsi que leurs familles, ou cela demeure-t-il problématique, surtout dans les cas où le gouvernement canadien en place n’a pas la volonté politique d’exercer des pressions pour régler ce genre de dossiers ou pour susciter un intérêt à leur égard?
J'ai constaté que, lors de la dernière réunion, Mme Lantsman a estimé que ce projet de loi s’appliquerait à des personnes comme Maher Arar. Je suis davantage d’accord avec l’interprétation de Mme Teich qui pense que la définition de « détention arbitraire dans les relations d’État à État » dans ce projet de loi ne s’appliquerait pas à type de cas. On peut se demander si la portée de ce projet de loi est large ou étroite, mais nous croyons que, pour nous attaquer sérieusement aux questions de détention arbitraire à l’échelle internationale, il faut viser ce genre de cas.
Je comprends la question de M. Alghabra qui est de savoir si ces dispositions s’appliqueraient à chaque cas de détention jugée injuste par les intéressés, mais prenons le cas des Canadiens dans le nord-est de la Syrie qui sont détenus indéfiniment sans avoir été inculpés. Je ne peux penser à aucune autre définition applicable à ce cas de figure que celle de « détention arbitraire » correspondant à la situation de personnes détenues sans accusation et sans accès à la justice. Les personnes détenues de cette façon par des instances étrangères — non pas dans une tentative visant à influencer le gouvernement canadien, mais à la suite d’accusations non fondées n'ayant pas donné lieu à des inculpations — seraient exclues de ce projet de loi.
Je crois qu'au départ, le projet de loi ne visait pas nécessairement à saisir ce genre de cas, mais si nous voulons nous attaquer à ces problèmes à l’échelle internationale, il y a lieu de les inclure dans notre analyse et, idéalement, dans toute stratégie globale, qu’il s’agisse de législation, de modification des services consulaires ou de formulation de nouvelles politiques au niveau d'Affaires mondiales Canada.
J’aimerais parler un peu de la façon dont on pourrait améliorer ce projet de loi. Nous savons qu’il prévoit l'imposition de sanctions à ceux qui pratiquent la détention arbitraire. Comment appliquer ses dispositions dans les cas où le gouvernement canadien n’est pas en mesure d'intervenir ou, comme nous l’avons vu avec la Syrie, ne veut pas agir en temps opportun au nom des citoyens canadiens?
Quelles mesures supplémentaires recommanderiez-vous d’ajouter à ce projet de loi pour faire en sorte que le Canada adopte une approche plus vigoureuse et plus cohérente afin de soutenir les personnes se trouvant dans ces situations complexes? Mme Lantsman a dit très clairement que le ministère jouit d'une grande discrétion en vertu de ce projet de loi. Quelles mesures pourrions-nous prendre pour rendre cette mesure vraiment vigoureuse et cohérente?
Premièrement, la définition de « détention arbitraire » doit être applicables à ces personnes.
Pour revenir au rapport de 2018 de ce comité, il y a des questions sur la façon dont les services consulaires considèrent les allégations de torture et de mauvais traitements de Canadiens détenus ainsi que les délais de traitement. Il faudrait mettre en place des mesures et des politiques pour veiller à ce que chaque cas soit traité en toute équité, indépendance et impartialité.
Cela étant, peut-être que ce projet de loi n'est pas le véhicule qui permettra de tout inclure, mais c’est le genre de solutions que nous devons envisager.
Bon nombre de crimes visés par ce projet de loi, comme la violation des sanctions et la violation des droits de la personne, sont déjà visés par le Code criminel du Canada et par le cadre juridique international. Bien des gens sont apparemment préoccupés par le fait que la GRC et d’autres organismes d’application de la loi n’accordent pas la priorité à ces crimes parce qu’ils n’ont pas nécessairement les ressources voulues pour faire ce travail. Cela a donné lieu à une situation où ceux qui violent les sanctions ou les droits de la personne font rarement l'objet d'enquêtes et de poursuites.
Comment le Canada devrait-il s'y prendre pour s’assurer que les crimes visés, comme la violation des sanctions, sont traités en priorité et que des mesures concrètes sont en place pour que les coupables fassent l’objet d’une enquête et de poursuites? Pensez-vous que le projet de loi permet de régler ce genre de chose?
Je ne sais pas ce que l’on pourrait modifier dans ce projet de loi pour mieux régler ce genre de problème. Je pense que c’est une question de ressources. Il faudrait plus de ressources pour que la GRC et d’autres organismes gouvernementaux puissent mener des enquêtes complexes à l'international et recueillir des preuves afin de porter des accusations contre les personnes qui pratiquent la détention arbitraire ou la prise d’otages à l’échelle internationale. Par le passé, nous avons vu que la GRC a porté des accusations dans des cas complexes, même dans le cas de personnes qu’elle n’avait pas vraiment la possibilité d’arrêter et de faire venir au Canada.
Je tiens par ailleurs à souligner que, dans le même rapport de 2018, il est recommandé de modifier nos lois antiterroristes pour veiller à ce que le soutien à la libération des otages de groupes terroristes ne contrevienne pas aux lois canadiennes en matière de lutte contre le financement des activités terroristes ou de lutte contre le terrorisme. Comme cela n'a pas été fait, c’est un autre aspect sur lequel nous pourrions nous pencher.
Je vais poser une autre question à M. Fowler, mais je commencerai par la situer en contexte.
Dans vos propos liminaires, vous avez indiqué que les gouvernements ont deux grandes attitudes en matière de prises d'otages. La première est plutôt rigide, fixe, et l’autre obéit à une certaine créativité et à une certaine souplesse, si je me souviens bien. J’aimerais approfondir un peu cette question.
Il me semble que nous sommes en présence de deux écoles de pensée sur la prise d’otages. La première consiste à ne jamais négocier avec des preneurs d’otages, de ne pas verser de rançon, de ne rien faire, car le fait de payer favoriserait la répétition de ce genre de méfaits. J’ai lu d’autres arguments de chercheurs dans le domaine qui affirment le contraire. Selon eux, rien ne prouve que le fait d’adopter la première position, celle de la rigidité, favorise une réduction du nombre de prises d’otages. Certains soutiennent même l'inverse, à savoir que le dénouement en Philippines, dont vous avez parlé, a donné lieu à plus d’incitatifs parce que le règlement a été, comme vous l’avez dit, annoncé dans les médias sociaux du monde entier des millions de fois.
Pourriez-vous dire au Comité ce que vous pensez des données probantes ainsi que de la meilleure approche que les gouvernements pourraient adopter pour gérer la prise d’otages et mettre en place des mesures susceptibles de décourager ou d'encourager ce genre de méfaits? La première partie du projet de loi porte en fait sur un régime de sanctions qui transfère le fardeau de la preuve des familles d'otages — ce qui est le cas avec un ensemble de principes rigides prévoyant que le gouvernement ne fasse rien — aux gouvernements qui a alors l’obligation de punir les preneurs d’otages. Il transfère le fardeau des familles à l’État. J’aimerais que vous nous en parliez un peu.
Je suis intimement convaincu que les gens qui doivent faire face à une crise d’otages devraient bénéficier d’une souplesse maximale absolue. Je ne suis donc pas en faveur de contraintes générales, fermes, claires et immuables quant à ce qu’ils peuvent et ne peuvent pas faire.
Comme vous le savez, je tolère mal ceux qui invoquent de grands principes, mais qui ne les respectent pas. Nous ne voudrions certainement pas voir des dispositions de type « rançon ou autre » dans quelque loi que ce soit. Je ne serai certainement jamais convaincu qu’une sorte de rançon — j’insiste sur l'expression « sorte de rançon » — ou une quelconque contrepartie en vue de sortir un ressortissant canadien d’une telle situation soit recevable. Il y a bien de façons de s'y prendre, faire, et je ne voudrais pas qu’elles soient prescrites.
Je disais tout à l'heure que tous les pays hésitent. Je veux dire par là que les plus fermes, les plus sévères et les plus rigides d'entre eux, qui insistent pour ne jamais négocier et ne jamais faire de concession importante, changent de ton selon d'où vient le vent. Par conséquent, je ne voudrais pas que les négociateurs canadiens soient assujettis à un principe contraignant qui nuirait à leur capacité de faire le travail.
Je trouve les témoignages très utiles à deux égards. Ils nous rappellent l’importance de la relation d'expériences personnelles et de la compréhension de celles et de ceux qui ont vécu ces expériences.
Monsieur Fowler, j’ai lu votre livre à l'époque où je m’occupais des affaires consulaires, en ma qualité de secrétaire parlementaire, et il m’a été utile.
J’ai entendu parler des problèmes que pose ce projet de loi. À mon avis, ils sont insurmontables. Je crois qu’on en arrive exactement ce qu'on ne veut pas faire, c’est-à-dire imposer des contraintes et éliminer le fait que ce travail relève davantage de l’art que de la science. Je crois que nos diplomates sont bien formés, bien qu'ils ne soient pas parfaits. Nos agents des affaires consulaires sont bien formés et à l'écoute, mais ils ne sont pas parfaits. Cependant, vous êtes en vie, et nous sommes heureux que vous soyez ici. Nous avons eu plus de réussites que d’échecs. Cela ne veut pas dire que nous n’aurons pas d’échecs.
J’aimerais m’adresser à Mme Symons.
Vous m’avez beaucoup aidé à comprendre les diverses catégories de personnes qui semblent être visées par ce projet de loi — ce qui me pose un problème — et les différences entre: des otages pris par des criminels; des otages pris par des terroristes; des personnes enlevées, ce qui peut être quelque peu différent; la détention arbitraire; et la détention arbitraire dans une relation d’État à État. Il y a au moins cinq ou six catégories qui, à mon avis, exigent toutes des ensembles d’outils différents que les motifs sont différents.
Je n’appuierai pas ce projet de loi. Je veux le renvoyer à la Chambre avec une recommandation négative. Cela ne revient pas à dire que je juge impossible d'améliorer notre travail. C’est en partie une question de ressources. Je ne pense pas que ce soit une solution législative. Je pense qu’il y a des choses que nous pourrions faire.
Vous reconnaissez que le Canada est un chef de file à cet égard avec son initiative de détention arbitraire, c’est-à-dire que nous essayons d'agir de concert avec des pays de même sensibilité. Pourrions adresser au gouvernement des recommandations qui permettraient de rendre hommage à M. Fowler et de valider son expérience, sans risquer de mettre les Canadiens en danger à l’avenir parce que nous appréhendons la question de la prise d'otages avec un gant de velours?
Merci beaucoup pour votre question à laquelle il est toutefois un peu difficile de répondre, parce que vous avez parlé des détentions arbitraires et des prises d’otages qui, selon moi, appellent des réponses légèrement différentes.
Dans le cas des détentions arbitraires, il serait utile que les familles sachent précisément s’il s’agit bien de cela. Chez nos voisins du Sud, le critère de la loi Levinson — qui établit ce qui constitue une détention « injustifiée » selon la terminologie américaine —semble très utile. Il faut toutefois reconnaître que le bilan des États-Unis en matière de résolution des prises d’otages n'a pas été très bon avant 2015. En fait, ce pays ne réussit toujours pas très bien à ramener au pays les otages de terroristes. C’est ce qu'il vise à faire.
Les partenaires du Groupe des cinq — et je crois que Robert Fowler y a fait allusion — ont également un piètre bilan. C’est probablement à cause de la politique voulant qu'on ne doit rien céder aux terroristes. Je ne dis pas qu'il ne faudrait rien changer, mais c’est un fait qu'il faut reconnaître. Cela signifie qu’il faut envisager d’autres outils. Comme vous l’avez dit — et je suis d’accord avec vous —, les outils prévus dans ce projet de loi ne sont pas les bons.
La responsabilité du gouvernement envers les familles et...
Monsieur le président, il serait peut-être utile que Mme Symons nous fasse parvenir d'autres informations par écrit. Nous vous en serions très reconnaissants, madame, car j’ai l’impression de lui avoir posé une question complexe et de ne pas lui avoir laissé le temps d’y répondre.
Ce qui est utile, c’est de changer le cadre et de confier à quelqu’un au gouvernement qui comprend vraiment ces situations, la responsabilité de rendre des comptes aux familles. À l’heure actuelle, il manque quelqu’un au gouvernement qui a de l'ancienneté dans ce genre de fonctions, qui a de l’expérience en matière de prise d’otages et de détentions arbitraires, qui est en mesure d’expliquer ces distinguos aux familles et de faire ce qui doit être fait, avec la souplesse nécessaire pour résoudre le problème et pour rapatrier les otages et les détenus.
J'aimerais présenter mes excuses à tous les témoins. Nous avons très peu de temps, et les témoins sont si nombreux que nous n'avons pas le temps de poser des questions à tout le monde. Nous le voudrions beaucoup, mais c'est impossible.
Je vais poursuivre ma discussion avec M. Fowler.
Je crois sincèrement qu'il n'était peut-être pas avisé de la part du gouvernement du Canada de dire qu'il ne paiera jamais de rançon, tout comme je ne crois pas avisé que le Canada affirme qu'il le fera. En effet, cela pourrait mettre un prix sur la tête des Canadiens se trouvant à l'étranger, les mettant ainsi en péril. On saurait que le gouvernement du Canada serait prêt à débourser une somme pour assurer leur libération.
Monsieur Fowler, je reviens à ce que vous nous avez dit. Il y a peut-être un certain nombre de choses qui mériteraient de ne pas être énoncées aussi clairement. Ce qui m'inquiète, quant au projet de loi C‑353, c'est qu'on y énonce clairement ce que le gouvernement du Canada devrait ou pourrait faire, et cela peut avoir des conséquences.
Monsieur Bergeron, je recommande que tout projet de loi ou toute déclaration publique faite par un gouvernement, un élu ou un fonctionnaire canadien passe sous silence la question de la rançon, et cela en toutes circonstances, afin de favoriser un maximum de souplesse.
Vous avez soulevé un point sur lequel je voulais revenir. J’en ai entendu parler dans diverses situations, et je pense que M. Oliphant l’a mentionné il y a un instant. Je dirais que les prises d’otages de Canadiens ont été extrêmement rares. La majorité des Canadiens pris en otage l'ont été parce qu'ils se sont trouvés au mauvais endroit, au mauvais moment. Ils ont été vus comme des gens riches, venant d’un pays riche, d’un pays occidental et ils étaient des proies faciles. Honnêtement, nous ne faisons rien pour que les Canadiens de par le monde deviennent des cibles. Ce n'est certainement pas le cas.
Je vois que le président me fait signe de la main, alors je vais m’arrêter.
Je vais poser quelques questions à son excellence, l'ambassadrice Nölke.
Merci pour votre présence et votre témoignage. Nous savons que vous avez mené une illustre carrière de représentante du Canada, particulièrement dans les domaines du droit international et des droits internationaux de la personne.
Vous avez de l’expérience dans la prestation de conseils au gouvernement canadien sur ces questions. J’aimerais donc savoir ce que vous pensez des défis auxquels le Canada est confronté...
C’est peut-être de mon côté que c'est étouffé, monsieur le président, et je ne parle pas du son. Je vais essayer de m’exprimer plus clairement.
Madame Nölke, j’aimerais savoir ce que vous pensez des défis que le Canada doit relever dans les cas de détention arbitraire de Canadiens à l’étranger. Quelles mesures plus efficaces le Canada pourrait-il adopter pour apporter son appui aux Canadiens détenus arbitrairement?
Comment le Canada concilie-t-il actuellement les priorités diplomatiques et commerciales avec l’urgence de protéger les citoyens canadiens se trouvant dans ces situations complexes, et où le Canada devrait-il exercer plus de pressions? Pensez-vous que le projet de loi C-353 confère plus de souplesse au ministre, pour ne pas dire beaucoup trop? Comment évaluez-vous tout cela en pareilles circonstances?
Je vous remercie pour cette question qui est cependant très complexe. J’espère avoir le temps d’y répondre.
Je ne pense pas que le projet de loi apporte quoi que ce soit au ministre qu'il n'aurait pas déjà.
Les questions de détentions arbitraires et de relations d’État à État touchent à la paix et à la sécurité dans le monde parce qu’elles équivalent à de la coercition diplomatique. C’est là qu’intervient l’aspect sécurité. Si un ministre décidait que les sanctions économiques sont la solution, il pourrait déjà les appliquer en vertu de la Loi sur les mesures économiques spéciales.
Franchement, dans un scénario de coercition diplomatique, la meilleure réponse pour le Canada consiste à ne pas se retrouver seul. L’initiative actuelle sur la détention arbitraire et les relations d’État à État n’est pas la solution en soi, mais c’est un pas de plus dans le bons sens. Le gouvernement a créé un groupe international d’experts qui, nous l’espérons, formulera des recommandations sur la façon dont les recours de l’État peuvent être officialisés. Que peuvent faire les États pour répondre de façon exhaustive et significative à un autre État qui cherche à le contraindre à une certaine posture en menaçant ses ressortissants? Les outils ne sont pas des outils législatifs. Les outils sont des outils diplomatiques et multilatéraux, parce que franchement — et je pense que l’ambassadeur Fowler l’a bien dit — si le Canada se dressait pour dire ou faire quelque chose, tout bien pesé, cela ne signifierait pas grand-chose.
Les sanctions économiques imposées unilatéralement par le Canada ne seront pas efficaces. La solution doit être plus vaste.
Je remercie tous les témoins de leurs excellents témoignages.
Je crois comprendre que le projet de loi C-353 offre des options ou des outils. Comme il n'impose rien, je me propose de commencer par la mise en garde au sujet du risque de résultats contradictoires si nous ajoutions d’autres outils à la boîte à outils.
Maître Teich, dans un article que vous avez écrit cet été, vous citez une avocate britannique, Amal Clooney, qui a parlé de l'apparente réticence de nombreux pays du Groupe des cinq à se servir des instruments existants. Ils appuient le projet de loi C-353 et l'ajout d'instruments, en particulier les sanctions ciblées en cas de prise d’otages et la promesse de verser des récompenses monétaires ou d'octroyer le statut de résident permanent.
Si j’ai bien compris votre témoignage, madame Nölke, vous craignez que l’existence de plus d’outils et de plus de publicités au sujet de ces outils ne se transforme en pressions indues sur les gouvernements pour les contraindre à agir sans aucun pouvoir discrétionnaire. C’est probablement trop catégorique. Ils auraient plus de difficulté à résister aux pressions publiques.
J’aimerais que chacun de vous commente cette dynamique. La qualité du renseignement au sein de notre communauté du renseignement et la capacité de prendre de bonnes décisions lorsqu’il y a de la souplesse et que ces outils supplémentaires ne sont pas obligatoires.
J’ai effectivement cité Me Amal Clooney. Dans le cadre d’une vaste étude, l'avocate a constaté que certains pays sont « apparemment réticents » — ce sont ses mots — à imposer des sanctions ciblées. Je crois que son étude concernait le Royaume-Uni, le Canada, les États-Unis et l’Union européenne, et elle a noté qu'aucune sanction ciblée n’avait été imposée en réponse aux cas de détention arbitraire de journalistes, cela contrairement à ce que prévoit la loi Magnitski et d’autres instruments.
C’est pourquoi j'estime que ce projet de loi est si important. Il fournit, sans aucune prescription en matière de sanction, une directive très claire selon laquelle il est possible d'appliquer des sanctions ciblées.
Si l’outil est disponible, il fera l’objet d’un débat au Parlement, et la première chose que vous entendrez est celle-ci: « Nous avons ce projet de loi, alors pourquoi ne l’utilisons-nous pas? » Cela augmentera la pression politique pour agir d’une certaine façon. C’est ce que je crains. Cela augmente la « prix » des otages. Si un preneur d’otages sait que la victime fait maintenant l’objet de pressions politiques internes soutenues, l’otage devient plus précieux et la résolution devient plus coûteuse.
Si des sanctions s'imposent en rétorsion, tout est déjà prévu dans la Loi sur les mesures économiques spéciales. Si vous concevez un instrument particulier à cette fin, vous risquez d'inciter les gouvernements à l'utiliser et donc de donner plus de valeur « politique » aux otages. C’est ce qui m'inquiète.
Je peux comprendre que tel puisse être le cas pendant que le projet de loi est débattu au Parlement, mais une fois qu’il sera en place, pensez-vous que le milieu des preneurs d’otages, si une telle chose existe...
Une voix: Ça existe.
M. Dave Epp: ... raisonnerait ainsi?
Ce serait un outil, certes, il concernerait la prise d’otages, mais il reviendrait à la capacité de nos services de renseignement d'adresser des recommandations au gouvernement sur la question de savoir s’il faut appliquer tel ou tel instrument. La pression publique sur un gouvernement, pour que celui-ci agisse ou pas, n’est pas une mauvaise chose.
Je n'hésite pas à être d’accord avec cela — absolument —, mais dans ce cas particulier, transformer une crise d’otages à un débat politique serait, selon moi, contre-productif.
Merci aux témoins d’être ici, que ce soit sur Zoom ou en personne.
Monsieur Fowler, je suis heureux de vous entendre et de vous voir en personne et je le suis encore plus de savoir que votre épreuve s'est bien terminée, pour vous et pour votre famille.
Je vais commencer par vous, madame Symons, en vous posant une question au sujet de l’argent canadien qui pourrait se retrouver entre les mains de criminels et de terroristes grâce à ce projet de loi. Pensez-vous que ce pourrait être le cas si le projet de loi était adopté? Que l’argent aboutirait dans les mains de criminels et de terroristes? Qu'ils pourraient en profiter?
En effet. Il est établi qu'en cas d'enlèvement, par un groupe criminel ou par un groupe terroriste, beaucoup veulent en profiter et gagner de l’argent eux-mêmes. Au fil des ans, nous avons vu de nombreux cas où des tiers se sont manifestés, ont offert des informations et leur coopération contre rémunération ou des concessions. La plupart du temps, les informations ne sont pas valables. Les gens qui sont à l'origine des communications sont de mèche avec les preneurs d'otages.
Je craindrais que l’on verse de l'argent à des personnes complices de preneurs d’otages, si des tiers avaient un gain à en tirer.
Monsieur le président, je me fais chahuter par un député du Parti conservateur en plein milieu de ce témoignage. C’est étrange.
Continuons. Comme vous l’avez dit, nous pourrions maintenant nous trouver à verser de l'argent à une organisation terroriste répertoriée au Canada. Tandis que nous ne sommes pas censés indirectement inciter les groupes terroristes répertoriés au Canada à commettre ce genre de crime, voilà que le projet de loi ouvre la porte à cette possibilité. Comment résoudre ce problème?
C’est une très bonne question. Je ne sais pas comment résoudre ce problème.
Je dirais que c’est hypocrite, parce que les familles ne sont pas autorisées à verser des rançons à des groupes terroristes, mais si c’est le gouvernement qui le fait, alors pas de problème. Je ne sais pas comment vous pouvez concilier les deux.
À votre connaissance, dans le cas de prises d'otages ou de détentions arbitraires, est-il arrivé que les victimes ou des membres de leurs familles souhaitent que leur vie privée soit respectée et que leur mésaventure ne soit pas rendue publique?
Il y a certainement eu des cas, comme celui de la journaliste de Radio-Canada Mellissa Fung, par exemple. Dans son cas, la circulation de l’information a été particulièrement contrôlée pour n'être finalement divulguée qu’après sa libération. Il est bien sûr des circonstances où le secret aide au dénouement.
Ce qui me préoccupe, ce n’est pas que l’information soit transmise aux familles. L’ambassadeur Fowler a tout à fait raison de dire que les familles doivent être informées de ce qui se passe. Toutefois, dans le cas d’otages de terroristes, la notion de renseignement entre en ligne de compte, et les familles ne sont pas nécessairement autorisées à accéder à du renseignement secret. Elles pourraient être soumises à des pressions, et du renseignement préjudiciable pourrait être divulgué intempestivement. Il est donc délicat de rendre obligatoire la communication de renseignement. Il faut qu’il y ait un pouvoir discrétionnaire.
Je remercie tous les témoins d’être ici cet après-midi.
Voilà un dossier très sérieux. Nous voulons veiller à ce que tous les outils soient accessibles rapidement et mis à la disposition de nos agents consulaires afin qu’ils puissent prendre les décisions appropriées et agir.
Je suis curieux. À certains égards, je considère qu’il s’agit d’un projet de loi visant à faire échec au crime. Vous donnez au gouvernement la capacité de payer les informateurs pour qu’ils lui fournissent des données et vous offrez la résidence à des gens qui seraient eux-mêmes menacés advenant qu'ils communiquent des renseignements utiles aux autorités.
Cela est-il déjà possible au sein de l'appareil gouvernemental, madame Nölke? Pourriez-vous le faire demain si la chose se présentait?
Cela dépendrait de la situation. Le consul ou la personne qui examine tous les faits pourrait décider que l’information est valable et que la personne pourrait perdre la vie si elle restait dans le pays ou dans la région.
Ne vaudrait-il pas mieux prendre une décision sur place plutôt que de se tourner vers la bureaucratie et de devoir franchir une trentaine d'étapes pour qu'une décision soit prise?
J'ai entendu parlé de situations où le Canada a fait venir des témoins dans le cadre d’enquêtes criminelles complexes portant sur des affaires de crime organisé transnational.
Oui. Le problème est qu'il faut savoir à qui l'on a affaire, comme Mme Symons l'a indiqué. Nous pourrions finir par financer une organisation terroriste en voulant sauver une personne qui est...
Un instant! Prenons un peu de recul, et le témoignage de Mme Lantsman, la semaine dernière, a été très clair à ce sujet: les dispositions ne concerneraient pas les organisations terroristes. On parle de faire échec au crime, de s'adresser à des dénonciateurs, à des personnes susceptibles de nous aider, ce que ne fera jamais aucune organisation terroriste.
Je vais m'exprimer avec le plus d’humilité possible, en tant qu’un des 10 plus grands spécialistes du monde occidental reconnus en matière de lutte contre le terrorisme. Je vais vous répondre en tant qu’auteur de la stratégie de lutte contre l’extrémisme violent que les États-Unis ont adoptée, et qui était, à l’origine, la stratégie dite PVE du Royaume-Uni. Je vais vous répondre en tant que conseiller de quatre premiers ministres britanniques et demi — « et demi » parce que l’un d’eux n’a pas duré très longtemps —, et cela des deux côtés du spectre politique. Je vais vous répondre en tant qu’ancien conseiller du chef de la lutte contre le terrorisme à Europol, Gilles de Kerchove, mais aussi en tant que personne qui n'a pas participé directement au dossier de M. Fowler, même s’il était dans mon orbite et celle de mon équipe. Je vous dirai que, si mon équipe et moi avions eu ces outils — dans le cadre de mon travail de terrain et d'analyse stratégique que je fais depuis plus de 20 ans maintenant —, nous aurions sauvé plus de vies et nous aurions pu perturber le financement potentiel du terrorisme au Royaume-Uni. Nous aurions été en mesure non seulement de sauver des vies, mais aussi d’agir en amont.
Cela ne veut pas dire que toutes les composantes de la trousse à outils auraient été utilisés pour chaque cas. C’est pourquoi je hochais la tête.
C’est la raison pour laquelle je reviens à mon raisonnement: c’est à la personne responsable de prendre les décisions à ce moment-là de décider de l'outil à utiliser.
Je remercie encore une fois les témoins. La conversation a été très intéressante.
Je vais adresser mes questions à Mme Nölke et poursuivre dans la même veine que M. Epp au sujet des pressions de nature politique. Il a voulu dire par-là qu’une fois terminé le débat sur ce projet de loi, on ne parlera peut-être d'enjeu politique.
Permettez-moi de ne pas être d’accord, car si un membre de ma famille ou un être cher était en danger, je demanderais d'abord au gouvernement d'utiliser ces outils. Peu importe que je saisisse ou pas toute la complexité de la situation, sous l'effet des émotions, je voudrais que le gouvernement utilise rapidement les outils à sa disposition et qu'il impose des sanctions, même si ce n’était pas forcément souhaitable dans la situation.
Monsieur Alghabra, vous avez dit exactement ce que je voulais dire. Le fait d’avoir accès à ces sanctions augmentera la pression pour les utiliser. Nous l’avons vu dans d’autres contextes, où il y a eu des pressions pour imposer des sanctions dans des situations particulières et elles ont été plutôt inefficaces. C’est l’un de ces outils qui peut être utile sur le plan politique, mais ce n’est pratiquement pas le cas.
Il y a un autre genre d'attente déraisonnable. Tout proche d'une personne arbitrairement détenue à l'étranger, qu'il s'agisse ou pas d'un cas de « détention arbitraire dans les relations d’État à État », va toujours estimer que le gouvernement doit immédiatement appliquer ces outils. Il y a donc ce sentiment d'urgence ressenti par les familles, les citoyens canadiens — sentiment parfois déraisonnable, et que la loi soit explicite ou non — qui exigeront que le gouvernement adopte ces outils immédiatement, d’une manière potentiellement contre-productive.
Si nous nous entendions sur le fait que le gouvernement dispose déjà de ces outils, sans que ceux-ci soient énoncés explicitement comme le fait ce projet de loi, alors pourquoi aurions-nous besoin de cette mesure? Ce projet de loi ne fait que stimuler les attentes, que créer des attentes déraisonnables, avec le risque d'occasionner plus de chagrin aux familles qui estimeraient que le gouvernement n’utilise pas tous les outils nécessaires, même si le gouvernement s'appuyait sur les renseignements dont il dispose.
Je pense que ce projet de loi, au lieu de régler un problème, risque de causer encore plus de déchirement aux Canadiens qui ont des proches dans une situation très difficile.
C’est pourquoi, dans ma conclusion, j’ai dit que la réponse n’était probablement pas législative. La réponse au renforcement de notre capacité d’intervention en cas d’incident sera opérationnelle et dépendra des ressources disponibles. Nous devons éliminer les cloisonnements qui existent entre les ministères et rationaliser notre capacité d’intervention.
La suggestion de Mme Symons de désigner un fonctionnaire ne faisant rien d’autre que de s’occuper des prises d’otage est tout à fait valable et je l’appuie sans réserve. Les interventions opérationnelles, axées sur les ressources seraient préférables aux interventions législatives.
Madame Saperia, votre organisation semble résolument engagée à lutter contre le terrorisme, si j'ai bien compris. Or, vous avez donné en exemple le cas d'un échange de prisonniers avec l'Iran qui a donné lieu à la libération de trois terroristes.
Vous auriez salué cet échange de prisonniers, si j'ai bien compris.
Cela ne va-t-il pas à l'encontre de la philosophie de votre groupe qui, je l'imagine, vise à retirer le plus grand nombre possible de terroristes de la circulation?
J’ai parlé du cas de Kylie Moore-Gilbert tout à l'heure, cette Australienne libérée dans le cadre d'un échange. Elle a regretté que son pays n'ai pas disposé de ce genre de projet de loi quand elle a vécu ses épreuves. Elle a donc été échangée contre trois terroristes condamnés. Elle aurait souhaité que l’Australie dispose des outils législatifs proposés dans le projet de loi C-353.
Selon moi, il y a une grande différence entre une rançon versée aux auteurs d’une prise d’otages et une prime accordée à une brebis galeuse que l'on a courtisé pour l'inciter à renoncer à ses activités terroristes pour commencer une nouvelle vie. Les incitatifs pourraient également viser — bien sûr, je plaisante — le concierge qui n’est pas impliqué, mais qui pourrait avoir des renseignements intimes sur l’affaire et qui serait en position de garantir la libération d’un être humain.
À mon avis, il vaut la peine d’explorer tous les outils possibles. Aucun n'est contraignant et tous sont d'application discrétionnaire.
J’aimerais revenir sur le dernier commentaire de Mme Saperia à propos du caractère discrétionnaire de cette mesure. Je vais m'adresser à M. McSorley, si vous me le permettez.
À l'instar d’autres témoins et autres députés, j'estime que ce projet de loi présente un risque d’abus politiques, surtout en raison de la façon dont il est libellé, car il pourrait permettre l'adoption de sanctions contre des personnes, des entités ou même des États étrangers entiers.
Nous savons que le projet de loi prévoit un seuil peu élevé pour ce qui est du pouvoir discrétionnaire du ministre, surtout quand il est question de s'en remettre « à son avis ». Cet aspect est préoccupant. À maintes reprises, les néo-démocrates ont fait valoir que le gouvernement ne défend pas les intérêts des Canadiens dans le monde, qu’il n’en fait pas assez et qu’il prend des décisions politiques plutôt que de se prévaloir des garanties juridiques adéquates.
Que pensez-vous de l'efficacité de sanctions appliquées à grande échelle pour atteindre les résultats escomptés? Quelles améliorations ou mesures de protection suggéreriez-vous pour faire en sorte que les sanctions soient étroitement ciblées, qu’elles soient fondées sur des preuves claires et qu’elles fassent l’objet d’une surveillance judiciaire adéquate plutôt que de simples opinions politiques subjectives?
Je répéterai ce que j’ai dit tout à l’heure au sujet du nombre croissant de recherches et d’études qui remettent en question l’efficacité des sanctions unilatérales. Dans ce cas-ci, comment pourrait-on améliorer cette loi qui s’inspire en grande partie de la version canadienne de la loi Magnitski, et qui cible des individus? Le fait d’imposer des sanctions ciblées contre des individus plutôt que contre des États ou des gouvernements permettrait une certaine forme de protection, bien que nous soyons toujours assez critiques à cet égard.
Sinon, comme vous le disiez, ils est à craindre que de telles sanctions contre des États puissent être imposées, de l'avis du gouverneur en conseil. Nous sommes d'avis que, pour améliorer la situation, il faudrait mettre en place une certaine forme de protection judiciaire, de sorte qu’il faudrait procéder à un examen judiciaire dans un certain délai si la demande devait ne pas être préautorisée par un juge. Bien sûr, cela nous ramène à la question qui a été soulevée au sujet du pouvoir discrétionnaire du gouvernement et des ministres en pareille situation. Cela soulève la question de savoir s’il y a conflit entre une autorisation judiciaire et le pouvoir discrétionnaire du ministre d’agir sur ces questions.
Tous ces points font en sorte qu’il est extrêmement difficile de trouver des façons claires de modifier cette loi pour qu’elle puisse atteindre ses objectifs.
Monsieur le président, si vous me le permettez, je vais donner avis de la motion suivante:
Étant donné que, durant la 44e législature, soit depuis le 22 novembre 2021, la ministre des Affaires étrangères ne s'est présentée qu'une seule fois devant les membres du Comité dans le cadre de l'étude des crédits du gouvernement, et qu'elle n'est venue seulement qu'à quatre reprises depuis le début de la législature, sur 130 séances; que depuis sa nomination...
... que depuis sa nomination le 26 juillet 2023, le ministre du Développement international a témoigné une seule fois devant le Comité FAAE; les membres du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international expriment leur profonde déception de voir les ministres ignorer les invitations envoyées par le Comité, en particulier celles concernant l'étude des crédits de leur ministère; et que cela soit rapporté à la Chambre.
Madame Nölke, monsieur Fowler, madame Saperia, monsieur Rafiq, madame Symons, maître Teich et monsieur McSorley, merci beaucoup du temps que vous nous avez accordé. Nous vous en sommes très reconnaissants.