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Bonjour. Bienvenue à la réunion n
o 44 du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international.
La réunion d'aujourd'hui se déroule dans un format hybride, conformément à l'ordre de la Chambre du 23 juin 2022. Les membres participent en personne dans la salle et à distance à l'aide de l'application Zoom.
J'aimerais formuler quelques observations pour la gouverne des membres et des témoins.
Veuillez attendre que je vous nomme avant de prendre la parole. Pour ceux qui participent par vidéoconférence, cliquez sur l'icône du microphone pour activer votre micro, et veuillez le mettre en sourdine lorsque vous ne vous exprimez pas. L'interprétation pour ceux qui participent par Zoom se trouve au bas de votre écran, et vous avez le choix entre le parquet, l'anglais ou le français. Pour ceux qui sont dans la salle, vous pouvez utiliser l'écouteur et sélectionner le canal souhaité.
Je vous rappelle que toutes les observations doivent être formulées par l'entremise de la présidence.
Nous nous réunissons aujourd'hui pour discuter de la situation actuelle entre l'Azerbaïdjan et l'Arménie. Je voudrais souhaiter la bienvenue aux témoins, qui disposeront de cinq minutes chacun pour faire leur déclaration liminaire.
Je signale aux témoins que lorsqu'il vous restera 30 secondes, je brandirai un carton rouge pour vous faire savoir que vous devez conclure vos remarques. Je ferai de même pour les questions des membres.
Dans le premier groupe de témoins d'aujourd'hui, nous sommes ravis d'accueillir, du Comité national arménien du Canada, M. Shahen Mirakian, co‑président.
Nous sommes heureux de vous revoir, monsieur Mirakian.
Nous sommes également reconnaissants de recevoir parmi nous Mme Taline Papazian, enseignante-chercheuse, Sciences Po, à Paris.
Allez‑y, monsieur Bergeron.
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Merci, monsieur le président et mesdames et messieurs les membres du Comité, d'avoir invité le Comité national arménien du Canada à témoigner devant vous aujourd'hui.
Je suis Shahen Mirakian, co‑président du Comité national arménien du Canada. Je m'excuse de ne pas avoir pu me joindre à vous en personne aujourd'hui.
La réunion d'aujourd'hui vise à étudier la situation actuelle du blocus du corridor de Latchine. Dans le cadre de mon témoignage d'aujourd'hui, je n'entrerai pas dans les détails du contexte et des circonstances actuelles du blocus de la route Goris-Stepanakert par le corridor de Berdzor-Latchine par des groupes dirigés par le gouvernement azerbaïdjanais. Je parlerai plutôt de l'incidence du blocus sur la communauté arméno-canadienne et du rôle du Canada pour prévenir ce génocide en cours.
Pour comprendre pleinement le témoignage que je fournis, il faut savoir que cette route, par ce corridor étroit, est la seule liaison terrestre entre la République d'Arménie et la République du Haut-Karabakh, ou Artsakh. Cette route est utilisée pour transporter les produits de première nécessité vers l'Artsakh, y compris la nourriture et les fournitures médicales. Elle est également utilisée pour transporter les patients vers des hôpitaux mieux équipés en Arménie, ce qui est particulièrement important pendant la pandémie mondiale actuelle.
En plus de la route Goris-Stepanakert, le corridor de Latchine abrite un pipeline qui achemine du gaz naturel de l'Arménie à l'Artsakh. Les liaisons qui fournissent de l'électricité et des télécommunications de l'Arménie à l'Artsakh se trouvent également dans la région de ce corridor, mais pas nécessairement directement sur son territoire. Par conséquent, en plus de bloquer le transport de fournitures sur la route, l'Azerbaïdjan a également la capacité de bloquer l'approvisionnement en gaz et en électricité de l'Artsakh et de bloquer la capacité de l'Artsakh à communiquer avec le monde extérieur.
En termes les plus élémentaires, la sécurité et la survie des 120 000 résidents actuels de l'Artsakh dépendent entièrement du fait que le corridor de Latchine et les zones environnantes restent exempts de toute perturbation de la libre circulation des personnes et des fournitures depuis et vers l'Arménie.
Depuis le 12 décembre 2022, il y a eu un arrêt presque complet de la circulation sur la route et des perturbations périodiques et importantes de l'approvisionnement en gaz, en électricité et en communications. Cette situation a donné lieu à une catastrophe humanitaire qui a eu des répercussions importantes sur la communauté arméno-canadienne. Chaque membre de la communauté entretient des liens étroits avec au moins une personne en Artsakh. Ce sont leurs parents et amis qui sont piégés, affamés et gelés.
Pour notre communauté, il ne s'agit pas d'une histoire périphérique à propos du déclin de l'influence russe ou d'un argument philosophique sur la façon d'appliquer le droit international. Pour nous, nous savons que, malgré la désobéissance et l'esprit inébranlable de nos amis et parents, le blocus azerbaïdjanais constitue une menace grave et constante pour eux et pour la survie du peuple d'Artsakh.
C'est exactement le genre de situation qui nécessite une intervention de la communauté internationale, y compris du Canada. Pour nous, le temps de la patience et du débat est révolu depuis longtemps. La question n'a plus besoin d'être étudiée plus avant.
Le 14 décembre 2022, le gouvernement canadien a exhorté les autorités azerbaïdjanaises à ouvrir la route et a déclaré qu'il suivait de près la fermeture du corridor. Je suis presque certain que le gouvernement canadien a complètement sous-estimé la gravité de la situation à ce moment‑là. Le gouvernement a probablement pensé que l'Azerbaïdjan ne faisait qu'exercer des pressions sur l'Arménie. Il a supposé que quelqu'un d'autre s'en occuperait, et il a cru que se préoccuper de la situation suffirait.
À l'époque, la communauté arméno-canadienne a prévenu le gouvernement de la gravité de la situation. Nous avons expliqué que, sans mesures concrètes de la part de la communauté internationale, le gouvernement azerbaïdjanais ne mettrait jamais fin au blocus. À moins qu'il n'y ait des conséquences réelles, il n'y aurait pas de fin aux menaces azerbaïdjanaises sur la vie des habitants de l'Artsakh et de l'Arménie.
Aujourd'hui, nous réitérons ces préoccupations, cette fois étayées par l'expérience des six dernières semaines. Nous demandons au gouvernement du Canada d'utiliser sa position morale et son importante influence internationale pour travailler avec nos alliés afin de mettre immédiatement fin au blocus azerbaïdjanais et de mettre en place les conditions nécessaires pour assurer la sécurité de la population de l'Artsakh. Le Canada doit soulever cette question dans tous les organismes internationaux dont il est membre ainsi que l'Azerbaïdjan, y compris les Nations unies, l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe et l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe. Le Canada doit traiter cette situation comme une priorité de sa politique étrangère.
Nous sommes convaincus que le gouvernement du Canada sera plus réceptif et, cette fois, nous nous attendons à ce que des mesures concrètes soient prises immédiatement.
Merci.
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Mesdames et messieurs les députés, chers et honorables membres du Comité, bonjour.
Comme M. Mirakian l'a dit il y a un instant, un corridor de cinq kilomètres est la seule voie de connexion entre l'enclave du Haut‑Karabakh et le monde extérieur. En fait, le monde extérieur est lui-même un pays à moitié enclavé, puisque deux des quatre frontières de l'Arménie sont fermées, soit celles avec l'Azerbaïdjan et la Turquie, et ce, depuis 30 ans.
Depuis sa victoire militaire au Haut‑Karabakh, en 2020, l'Azerbaïdjan est malheureusement dans un processus de radicalisation extrêmement rapide. Les objectifs sont doubles. D'une part, l'Azerbaïdjan veut en terminer avec les restes de la question du Haut‑Karabakh. Au lieu de décroître, la rhétorique militariste de l'autocrate Aliev est au contraire fortement en hausse. Des opérations militaires éclair ont déjà eu lieu à plusieurs reprises en 2021 et en 2022, que ce soit sur la ligne de contact au Haut‑Karabakh, où des forces d'interposition russes sont stationnées depuis le 9 novembre 2020, ou à la frontière entre l'Arménie et l'Azerbaïdjan.
D'autre part, on cherche à percer un second corridor. J'emploie ici la terminologie officiellement avancée par M. Aliev. Ce corridor, qu'il souhaite voir se réaliser au sud de l'Arménie, permettrait à l'Azerbaïdjan d'avoir une connexion terrestre entre la partie continentale de l'Azerbaïdjan et l'exclave azerbaïdjanaise du Nakhitchevan, qui a le statut de république autonome azerbaïdjanaise.
M. Aliev souhaite établir un corridor qui soit équivalent au corridor de Latchine. Pourtant, les situations et les menaces très réelles qui pèsent sur la population de Latsar n'ont pas d'équivalent pour la population azerbaïdjanaise du Nakhitchevan. La création ou la demande d'un corridor extraterritorial que l'Arménie céderait à l'Azerbaïdjan en se privant de souveraineté sur cette portion de son territoire est inacceptable pour l'Arménie. Nous pourrons y revenir lors des tours de questions, si vous le souhaitez.
Le moyen mis en œuvre par l'Azerbaïdjan est le recours systématique à l'ultraviolence exercée par ses forces armées. Cette ultraviolence est soutenue par une très grande majorité de la société azerbaïdjanaise, puisque cette société est alimentée d'arménophobie depuis sa plus tendre enfance, depuis plusieurs décennies. Le résultat est malheureusement de dénier tout statut humain et tout statut de victime potentielle aux Arméniens, sur la base de leur ethnicité.
Sur le plan militaire, l'Azerbaïdjan est infiniment plus fort que l'Arménie. L'Azerbaïdjan a investi des sommes faramineuses, grâce à ses revenus en lien avec l'exportation d'hydrocarbures, pour moderniser son armée et son armement, depuis les années 2010. Ses deux principaux fournisseurs, connus pour la qualité de leurs armements, sont la Turquie et Israël; le premier répond au standard de l'OTAN, et le second utilise une technologie de pointe. La coopération militaire entre les forces armées turques et les forces armées azerbaïdjanaises est également extrêmement forte et poussée.
Par contraste, l'Arménie se brouille de plus en plus avec la Russie, un allier, mais uniquement sur papier. L'Arménie a d'ailleurs très récemment refusé que des exercices militaires de l'Organisation du Traité de la Sécurité collective, dont elle fait nommément partie, aient lieu sur son territoire. Les dernières fournitures d'armes de la Russie à l'Arménie datent de 2019. Le premier ministre arménien s'est plaint ouvertement, il y a deux mois, des pressions monumentales exercées par la Russie sur l'Arménie, à la fois pour l'ouverture de ce soi-disant corridor du Zanguezour et pour une possible demande de rattachement de l'Arménie à l'Union de la Russie et de la Biélorussie.
Le dernier élément de mon intervention est le suivant: l'Arménie souffre d'un isolement international qui la met à la merci des appétits de son voisin. Par contraste, l'Azerbaïdjan a à la fois des partenaires sur le plan international, notamment des partenaires commerciaux, en raison de sa production de pétrole et de gaz, et des complices. Il suffisait d'entendre l'autocrate biélorusse Loukachenko dire au premier ministre arménien, à la fin d'octobre 2022, qu'Aliev est leur homme, et qu'il devait le comprendre.
En effet, deux jours avant l'invasion russe en Ukraine, soit le 22 février 2022, l'Azerbaïdjan et la Russie avaient signé un accord stratégique qui renforçait la coopération diplomatique et militaire entre les deux pays. Selon M. Aliev, pour l'Azerbaïdjan, cela amenait la relation avec la Russie au niveau d'une alliance.
L'Azerbaïdjan est devenu, depuis la guerre de la Russie contre l'Ukraine, un élément important dans le contournement des sanctions internationales contre la Russie.
À cet égard, le communiqué de Gazprom du 18 novembre 2022 est tout à fait explicite. En effet, un nouveau contrat conclu avec la SOCAR permettra de porter les exportations russes en Azerbaïdjan à 1 milliard de mètres cubes de gaz entre novembre 2022 et mars 2023.
Avec l'affaiblissement rapide de la Russie en Ukraine, la déstabilisation du Caucase du Sud est de plus en plus en cours. Vous avez là le cessez-le-feu le plus volatil de l'ancienne région exosoviétique. Ce cessez-le-feu a été, jusqu'à une période très récente, complètement en dehors de tous les radars de la communauté internationale et de tout système de surveillance.
Il semble néanmoins que, depuis quelques semaines, une prise de conscience a lieu à l'international sur la gravité de la situation en Artsakh qui est sous blocus depuis 44 jours.
Au Conseil de sécurité des Nations unies, il y a eu une tentative de faire adopter une déclaration. Cette tentative, bien que soutenue par 11 États sur 15, a néanmoins été rejetée...
Au niveau déclaratif, nous voyons les commissions des affaires étrangères et de la défense du Sénat américain se manifester régulièrement et le secrétaire d'État américain appeler à une réouverture.
Deux options sont en train de tourner petit à petit dans les esprits. La première, ce serait le remplacement des forces d'interposition de paix russes par un autre type de force d'interposition. La seconde option, ce serait l'ouverture d'un pont aérien.
Si personne n'agit, le blocus de l'Artsakh se poursuivra, ou alors il s'arrêtera au terme dicté par l'Azerbaïdjan, c'est-à-dire la valise ou le cercueil.
Je vous remercie de votre attention.
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Merci, monsieur le président.
Mes questions sont étonnamment semblables à celles de M. Chong. Je veux examiner quatre aspects. Le premier est la nature du blocage. Le deuxième est l'effet du blocage. Le troisième est le rôle de la Russie par rapport à cette route, et le quatrième est le rôle de l'Azerbaïdjan en tant que gouvernement. La cinquième, puisque vous dites les choses avec autant de certitude, serait de savoir comment vous obtenez vos informations. J'essaie de comprendre d'où vous tenez vos informations, en l'absence de services de télécommunications et de connectivité.
Concernant la nature du blocage, vous avez dit que vous n'êtes pas vraiment en mesure d'en faire une description. J'ai vu les reportages, mais pour ce qui est de l'effet du blocage, j'aimerais approfondir la question quelque peu. Cette région de l'Azerbaïdjan n'est pas une île. Il y a une route, la route de Latchine, qui mène en Arménie, mais il y a aussi des liens avec d'autres parties de l'Azerbaïdjan. À cet égard, les gouvernements de l'Arménie et de l'Azerbaïdjan ont tous deux indiqué que des camions de ravitaillement du Comité international de la Croix-Rouge étaient entrés au pays et que des malades ont été sortis de la région par la route jusqu'en Arménie.
Ces gouvernements se trompent-ils? Quelles sont les preuves qui démontrent que le blocage a une véritable incidence sur les aspects que vous avez mentionnés?
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Monsieur Oliphant, je prends ombrage de vos propos. Premièrement, je ne considère pas qu'il s'agit d'une partie de l'Azerbaïdjan. Donc, ce n'est pas relié à d'autres parties de l'Azerbaïdjan. D'une certaine façon, vous avez déjà décidé du statut définitif de la région, puis vous m'avez demandé de répondre. C'est donc une question tendancieuse. C'est le premier point.
Le deuxième point est le suivant. Monsieur Oliphant, si je vous disais que vous pouvez uniquement recevoir des livraisons de nourriture une fois par semaine et que je décidais en quoi cela consisterait, vous diriez que ce n'est pas ainsi que vous voulez vivre chez vous, que vous préféreriez recevoir des livraisons quand bon vous semble et que vous avez le droit de... Ce n'est peut-être pas un droit légal, mais c'est certainement un droit moral.
Considérant que l'ensemble de la population de cette région — 120 000 personnes — dépend de l'aide humanitaire du Comité international de la Croix-Rouge ou CICR, que cela doit faire l'objet de négociations à la fois avec les auteurs du blocage et les forces de maintien de la paix russes, que ce sera sporadique et que la quantité de fournitures humanitaires qui pourra passer suffira à peine à fournir un minimum de calories aux gens qui vivent ici, dont 30 000 enfants, je pense qu'on peut affirmer qu'il s'agit d'un blocage.
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En général, concernant les expéditions de fournitures humanitaires dont il est question, je crois comprendre que la Croix-Rouge fournit principalement des médicaments ou des fournitures médicales qui sont nécessaires, puis elle transporte les patients qui ont besoin de soins médicaux en Arménie.
D'après ce que je comprends, les denrées alimentaires qui arrivent sont principalement apportées par le contingent russe de maintien de la paix, et servent en partie à nourrir leurs propres effectifs sur le terrain, évidemment, puis une partie des denrées — l'excédent — peut servir à nourrir d'autres personnes. Encore une fois, nous parlons de l'expédition d'environ 400 tonnes de marchandises, principalement des denrées alimentaires, dans un contexte où il n'y a rien. Encore une fois, je suis simplement...
Je me demande si vous pensez que c'est une sorte de village Potemkine avec des épiceries vides pour susciter la sympathie à l'égard des Arméniens, ou s'il y a des gens qui ont vraiment faim, là‑bas. Pour autant qu'on sache, comme l'indique la Croix-Rouge, il y a des gens qui souffrent de la faim, là‑bas. Il y a littéralement des gens qui n'ont pas assez à manger, là‑bas. Si les patients sont transportés par la Croix-Rouge et non en ambulance ordinaire, comme il se doit, qui plus est au moment choisi par d'autres, c'est qu'il n'est pas possible de les faire sortir autrement.
Je ne pense pas que la population arménienne du Haut-Karabakh joue la comédie pour attirer la sympathie. Les besoins en matière de nourriture, de soins médicaux et de fournitures médicales sont bien réels, et il faudrait bien moins que ce qui serait considéré comme le minimum acceptable au Canada pour y satisfaire.
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Merci, monsieur le président.
J'aimerais remercier nos témoins d'être parmi nous aujourd'hui et de nous livrer leurs témoignages.
J'aimerais revenir sur ce que M. Oliphant a dit. Je pense que tous mes collègues, ici, cherchent à mieux comprendre ce qui se passe sur le terrain. Pour votre part, vous êtes ici pour nous éclairer à ce sujet, dans la mesure où les faits que vous connaissez et les informations qui vous sont communiquées vous le permettent. Nous vous en remercions.
Je vais d'abord m'adresser à vous, monsieur Mirakian. J'aimerais que nous revenions sur une question que vous a posée M. Chong et que vous nous disiez ce qui vous a amené à affirmer, sur le site Internet de votre organisation et dans votre discours d'ouverture, que les manifestants qui bloquent le corridor de Latchine sont pour ainsi dire téléguidés par le gouvernement à Bakou.
Vous nous avez dit il y a quelques instants que, considérant qu'il est interdit de manifester dans ce pays, de façon générale, le fait que le gouvernement permette cette manifestation dans le corridor de Latchine est en soi une indication qu'il s'agit bel et bien d'une intervention téléguidée de Bakou.
Est-ce le seul élément qui vous permet de faire une telle affirmation?
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Je vous remercie de votre intervention extrêmement éclairante.
Vous avez été victime, pour ainsi dire, d'une situation que l'on vit très fréquemment, particulièrement les membres francophones des comités. Certains témoins parlent rapidement, parce qu'ils ont beaucoup de choses pertinentes à dire dans un court laps de temps, ce qui complique le travail de nos valeureux interprètes. Je me permets d'ailleurs de saluer leur travail.
Je tenais aussi à avoir vos notes écrites, parce que les derniers éléments que vous souleviez dans votre intervention m'apparaissaient extrêmement pertinents et je trouvais dommage que nous n'y ayons pas accès. Cela permettra non seulement à M. Oliphant d'avoir l'ensemble de votre présentation, mais cela nous permettra aussi de conclure sur ce que vous souhaitiez ajouter.
Voici une question fort simple pour une observatrice de la scène politique: pourquoi croyez-vous que la Russie ne parvient pas à rouvrir le corridor?
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En général, il y a deux hypothèses pour expliquer le fait que la Russie et les forces d'interposition russes qui sont présentes sur la ligne de contact entre la région du Haut‑Karabakh et le reste de l'Azerbaïdjan n'interviennent pas.
La première hypothèse, c'est qu'elles n'ont pas la capacité de le faire parce que la Russie, fort occupée à perdre du terrain en Ukraine et à s'embourber dans sa guerre en Ukraine, ne peut pas ouvrir un « second front ».
La seconde hypothèse, c'est que la Russie ne le souhaite pas, parce qu'elle a aujourd'hui des intérêts économiques qui concordent très fortement avec ceux de l'Azerbaïdjan. Comme je vous l'ai dit dans mon intervention, d'une part, l'Azerbaïdjan est un des pays qui permettent à la Russie d'alléger le poids financier des sanctions internationales, notamment par la distribution de pétrole russe qui va en Azerbaïdjan et qui arrive ensuite en Europe.
D'autre part, il y a un accord entre les intérêts objectifs de la Russie et de l'Azerbaïdjan pour ce qui est d'exercer une pression maximale sur l'Arménie pour qu'elle fasse des concessions concernant l'Artsakh et ce « futur corridor », souhaité par l'Azerbaïdjan, qui passerait par le Sud de l'Arménie et qui relierait l'Azerbaïdjan au Nakhchivan.
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Merci beaucoup, monsieur le président.
Je remercie les témoins de leur présence aujourd'hui. Je sais que c'est une période très chargée d'émotions. Je sais que tous les membres du Comité s'efforcent d'obtenir plus de renseignements et de mieux comprendre. Je vous remercie donc d'être ici et de présenter vos points de vue. J'ai hâte d'entendre le prochain groupe de témoins et d'obtenir plus de renseignements sur ce qui se passe directement sur le terrain.
Permettez-moi de commencer par vous, madame Papazian.
Un de nos rôles, en tant que parlementaires et membres de ce comité, est d'entendre des témoins et d'obtenir des témoignages, puis de formuler des recommandations au Parlement. De votre point de vue, quelles sont les possibilités de consolidation de la paix entre l'Arménie et l'Azerbaïdjan actuellement?
Y a‑t‑il des possibilités au niveau communautaire? Les Nations unies ont-elles un rôle important à jouer? Je sais qu'il n'y a pas eu beaucoup de progrès sur la question au Conseil de sécurité jusqu'à maintenant, mais je me demande si vous pouvez nous dire quelles seraient vos recommandations pour les étapes à venir dans ce dossier.
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Je dois dire qu'il y a deux perspectives dans ce cas‑ci.
L'une est purement émotionnelle, en ce sens qu'il s'agit d'une connaissance, d'un membre de votre famille ou d'une personne que vous avez rencontrée, à qui vous avez rendu visite et qui vous a rendu visite. C'est quelqu'un que vous connaissez très bien. Cette personne traverse une période extrêmement difficile et elle a des problèmes bien réels. L'électricité est coupée et il fait très froid. Il n'y a pas de gaz. Il n'y a pas assez de nourriture. Les écoles sont maintenant fermées, car il n'y a pas assez d'électricité ou de nourriture pour leur permettre de rester ouvertes. Les gens ne vont plus au travail. Sur le plan économique, la situation est de plus en plus désastreuse. Nous ressentons évidemment tout cela au plus profond de nous-mêmes. C'est tout à fait naturel.
Je pense qu'à un niveau plus fondamental, nous nous rendons compte aussi que la communauté internationale a en quelque sorte manqué à son devoir de s'occuper de ces gens, et peut-être avons-nous le sentiment de ne pas être une priorité ou de n'avoir aucune importance. Nous avons l'impression d'avoir été oubliés et que, d'une certaine manière, ces gens vont devoir mourir pour prouver que le monde ne peut plus faire la sourde oreille. Je pense que les gens éprouvent beaucoup de tristesse face à cette situation.
Notre peuple est habitué à être écarté et oublié. Lors du génocide arménien et des massacres précédents, de nombreuses personnes ont fait la sourde oreille. Elles ne se sont pas souciées de ce qui arrivait au peuple arménien jusqu'à ce qu'il soit trop tard, et les gens se sont ensuite démenés pour nourrir les réfugiés, comme s'ils ne se souvenaient pas pourquoi ils étaient des réfugiés. Je pense qu'il est très difficile de ressentir à nouveau ce même sentiment et cette même impuissance. C'est plus que le simple sentiment de voir quelqu'un que vous connaissez éprouver des difficultés. C'est le sentiment que votre peuple tout entier ne compte pas sur cette planète et que vous ne faites pas vraiment partie de la diversité.
Je pense que les gens devraient se préoccuper de cette situation. Le Canada devrait s'en soucier, car il a un rôle à jouer. C'est un pays qui a de solides valeurs morales, qui croit en un ordre international fondé sur des règles et qui croit qu'il faut faire ce qui est juste. C'est un pays qui se soucie des autres, et qui devrait donc se soucier de cette situation. Lorsqu'on en fait une priorité, on peut obtenir des résultats tangibles. Je ne crois pas que l'influence du Canada s'arrête aux frontières de l'Azerbaïdjan. Si nous pouvons, à titre de peuple et de gouvernement, travailler ensemble sur cet enjeu, nous parviendrons à le résoudre. Le Canada est une nation puissante qui a de solides valeurs morales. Nous avons donc un rôle à jouer.
C'est tout.
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C'est une très bonne question, monsieur Hoback.
La France s'est beaucoup exprimée au sein de l'Union européenne, mais comme vous le savez, l'Union européenne n'est pas une entité cohérente en matière de politique étrangère. Cependant, nous avons observé un engagement de plus en plus prononcé au sein de l'Union européenne. Par exemple, une mission civile a été envoyée pour surveiller le cessez‑le‑feu entre l'Arménie et l'Azerbaïdjan.
Ce n'est pas en Artsakh, mais cela permettra peut-être d'attirer l'attention de la communauté internationale sur la volatilité du cessez‑le‑feu dans la région. Tous vos commentaires prouvent à quel point le monde extérieur n'a pas suffisamment de renseignements pour comprendre ce qui se passe en Artsakh, même à la frontière entre l'Arménie et l'Azerbaïdjan, et il s'agit vraiment d'un élément crucial.
Le deuxième point, très rapidement, c'est que l'Arménie est membre des pays francophones. C'est donc aussi un élément qui pourrait réunir le Canada, l'Arménie et la France dans le cadre de discussions et de projets communs. Cela pourrait donc représenter une autre plateforme.
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Ils font partie du groupe suivant. D'accord.
Dans l'accord de cessez‑le‑feu de novembre 2020, ou l'accord trilatéral, il est indiqué que le corridor de Latchine reste sous le contrôle du contingent de maintien de la paix de la Fédération de Russie, et que l'Azerbaïdjan garantira le déplacement sécuritaire des citoyens, des véhicules et des marchandises dans les deux sens.
Pensez-vous que la Russie a assumé cette responsabilité ou en raison de…? Je sais que Mme Papazian a dit que…
Monsieur Mirakian, pensez-vous qu'ils ont respecté cet accord ou pensez-vous qu'ils ont manqué à leurs obligations, comme l'a dit Mme Papazian?
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Je ne pense pas qu'ils soient en train de passer à autre chose. Je crois, au contraire, que les choses se sont passées petit à petit, depuis novembre 2020, mais surtout depuis septembre 2022, en fait. L'Azerbaïdjan a lancé en septembre 2022 une vaste offensive contre l'Arménie. Elle n'a duré que trois jours, mais, au cours de cette offensive, l'Azerbaïdjan a pris des positions stratégiques sur le territoire arménien. On parle de plusieurs dizaines de kilomètres carrés.
Je crois que cet événement a graduellement fait prendre conscience à la communauté internationale du genre d'État qu'était l'Azerbaïdjan et du comportement dont il usait pour régler ses différends avec son voisin. Plutôt que de recourir à la diplomatie, ce pays recourt constamment à la violence armée. La guerre de 44 jours, dont j'allais dire qu'elle était passée complètement inaperçue, a eu lieu en pleine pandémie. Les gens avaient d'autres préoccupations.
Or, je crois qu'ici, au contraire, quelque chose est amorcé et qu'il faut continuer à y travailler. On doit faire en sorte que le monde soit plus conscient de ce qui est en train de se passer dans cette région de l'Artsakh. Si les choses se poursuivent ainsi, les gens qui vivent dans cette région depuis des siècles et des siècles pourraient bientôt être contraints, soit de la quitter, soit d'y mourir.
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Bien sûr, comme nous l'avons entendu, l'influence russe connaît un déclin en dehors de ses frontières, dans de nombreuses régions du monde, que ce soit en Syrie ou ailleurs. La Russie arrive de moins en moins à démontrer sa force — ou a moins le désir de le faire —, et a plutôt besoin d'alliés. Elle doit tenter de plaire.
Il est évidemment très difficile de considérer les Russes comme des occupants alors qu'on a convenu, dans une déclaration trilatérale, de la présence de gardiens de la paix russes. Je tiens aussi à ajouter que dans le cadre de cette déclaration, on a convenu d'établir un centre de surveillance du maintien de la paix, qui comprend des soldats turcs. Je ne crois pas que les Azerbaïdjanais feraient référence à ces soldats turcs, qui travaillent au centre de surveillance — loin du point de contact, mais qui sont tout de même là —, à titre d'occupants de l'Azerbaïdjan. Bien sûr, on porte un jugement moral quant au rôle des Russes dans cette région.
On peut présenter les Russes comme des méchants — bien qu'ils n'aient pas besoin d'aide en ce sens —, mais si on les considère comme des occupants, alors on espérerait obtenir un meilleur résultat. Je crois que c'est ce qui se passe, en partie.
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Merci beaucoup, madame McPherson.
Sur ce, j'aimerais remercier M. Mirakian au nom de tous les membres du Comité.
Nous avons été heureux de vous revoir, monsieur.
Madame Papazian, nous vous remercions pour votre témoignage.
Nous comprenons tout à fait vos préoccupations relatives à la concentration et à la mobilisation de la communauté internationale dans le cadre de ces développements. Vos émotions étaient palpables, et nous les comprenons très bien.
Merci beaucoup pour vos témoignages.
Nous allons maintenant suspendre la séance pendant trois minutes afin d'organiser le prochain groupe de témoins.
Merci.
Monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du Comité, je vous remercie de me donner l'occasion de témoigner au sujet du blocage de l'Azerbaïdjan contre le Haut-Karabakh. Les Arméniens — les Autochtones — demandent à ce que cesse ce blocage de l'Artsakh.
Le 12 décembre dernier, un groupe d'Azerbaïdjanais a bloqué la seule route reliant l'Artsakh à l'Arménie et au reste du monde. Depuis 45 jours, la situation d'environ 120 000 personnes se détériore. Des enfants et des patients adultes se trouvent dans un état critique et souffrent dans les hôpitaux, en raison d'un manque de fournitures et de traitements à l'extérieur de la république. Certaines personnes sont mortes.
Les épiceries et les marchés sont presque vides. La Croix-Rouge et les gardiens de la paix ne fournissent qu'une fraction des produits et médicaments requis. La pénurie alimentaire a entraîné la fermeture des écoles et d'autres établissements d'enseignement dans la région. Pour ajouter à la souffrance, le régime d'Aliyev a coupé l'approvisionnement en gaz naturel et a empêché ou saboté la réparation de lignes électriques à haute tension, qui produisent une grande partie de l'électricité.
Cette crise humanitaire n'est pas causée par une récession, une pandémie mondiale ou une catastrophe naturelle, mais bien par une catastrophe politique. Aliyev veut décider de la vie et de la mort des gens. Nous sommes face à une catastrophe politique puisque, au XXIe siècle, nous sommes témoins d'une cruauté médiévale de la part d'un régime répressif contre des gens dont le seul crime est de vouloir vivre dans la liberté, la démocratie et la dignité.
Le blocage est fait sous le couvert d'une manifestation pour l'environnement. Le régime de l'Azerbaïdjan est souvent critiqué par les organisations de défense des droits de la personne pour sa suppression brutale de la liberté de réunion. De plus, les organismes internationaux de protection de l'environnement confirment que l'Azerbaïdjan — surtout le bord de la mer Caspienne — est aux prises avec un important problème de contamination par des produits pétrochimiques et d'autres polluants qui mettent la vie en danger. Or, les représentants du pays vont tenter de persuader le Comité et la population canadienne qu'un groupe d'activistes a pris la liberté de fermer la route pour exiger une responsabilisation environnementale. Évidemment, ils évoqueront une mauvaise utilisation de la route et feront même valoir qu'il n'y a aucun blocage, mais...
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Merci, monsieur le président.
Évidemment, ils feront allusion à une mauvaise utilisation de la route et diront même qu'il n'y a pas de blocage, mais cela irait à l'encontre de la réalité et des conclusions auxquelles sont venues les démocraties du monde, de même que les grandes organisations politiques et de défense des droits de la personne.
Le Comité, le gouvernement canadien et la population méritent des faits, et non de la propagande. Dans les faits, l'Azerbaïdjan exerce un blocage humanitaire et politique qui risque d'entraîner des conséquences catastrophiques pour 120 000 personnes. Dans les faits, Aliyev nie être responsable du blocage, mais il déclare toutefois ouvertement que la route est ouverte pour quiconque ne veut pas être citoyen de sa république. C'est le signe d'un nettoyage ethnique qui se prépare et qui ne peut être ignoré.
Enfin, Bakou a élargi sa liste de demandes initiale, et affirme ouvertement vouloir affamer notre peuple si nous n'abandonnons pas nos aspirations démocratiques. Le blocage en Artsakh est associé à une intention génocidaire claire. Il fait comprendre aux Arméniens qu'ils ont deux choix: quitter leurs terres traditionnelles ou rester et mourir de la famine, du froid ou de la maladie. Pour paraphraser les propos d'un diplomate renommé, l'Azerbaïdjan ne rate jamais une occasion de rater une occasion de rétablir la paix dans le Caucase du Sud. L'expansionnisme et la haine des Arméniens continuent de dominer ses politiques envers notre peuple. L'autocratie maintient les attaques contre l’Artsakh et l'Arménie, et tente constamment de renforcer sa position et son image en profitant de l'exportation de ses principaux produits: le pétrole et la corruption.
Alors que l’Artsakh continue de se démener pour protéger sa jeune démocratie, son peuple résiste et défend son droit de vivre en tant que nation libre et souveraine. Nous ne devrions pas être seuls dans ce combat, et nous ne le sommes pas. Nous voyons qui est prêt à nous aider — nos compatriotes partout dans le monde, y compris au Canada — et à informer les politiciens de ce crime contre l'humanité. Nous sommes reconnaissants envers les députés, la et de nombreuses autres personnes qui ont demandé à ce qu'on mette fin au blocage, mais nous savons que les meilleures intentions ne peuvent empêcher les pires conséquences.
Nous espérons que des mesures concrètes — notamment des sanctions politiques et économiques contre le régime d'Aliyev — et des interventions humanitaires comme le transport aérien et d'autres allégeront les souffrances de notre peuple, nous aideront à surmonter la crise actuelle et protégeront nos droits et libertés inaliénables.
L'ancien premier ministre du Canada Mackenzie King a déjà dit que le plus important était ce que nous pouvions éviter, et non ce que nous pouvions accomplir. Tout comme les Canadiens, le peuple de l'Artsakh porte un amour inconditionnel à l'égard de son territoire, de ses droits et de ses libertés. Nous devons unir nos efforts afin de prévenir un autre génocide contre les Arméniens et de protéger notre vision commune du monde, qui rejette l'agression, l'intolérance et la haine sous toutes ses formes.
Monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du Comité, je vous remercie de m'avoir écouté et je serai heureux de répondre à vos questions.
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Absolument. Vous soulevez un excellent point, monsieur Bergeron.
Monsieur Stepanyan, on nous informe que votre connectivité est intermittente. Nous vous serions reconnaissants de bien vouloir nous soumettre vos remarques liminaires. En outre, si vous pouvez nous entendre, vous pouvez certainement rester parmi nous pendant l'heure. Si vous avez des réflexions à nous transmettre à propos des questions qui ont été posées, n'hésitez pas. Vous pouvez intervenir pour toute question soulevée ici également.
Merci. Toutes nos excuses, mais nous n'avons que peu de contrôle sur la chose.
Monsieur Stepanyan, la greffière vient de m'informer que... Nous aimerions vraiment bénéficier de votre témoignage. Essayons à nouveau. Votre connectivité s'améliorera peut-être si vous coupez la connexion vidéo, ce qui nous permettrait de mieux vous entendre.
Pourriez-vous faire cela et reprendre ensuite vos remarques liminaires là où vous les avez laissées?
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Depuis 45 jours, 120 000 personnes qui aiment leur chez-soi et dont l'attachement fondamental à leur terre ancestrale est une partie essentielle de leur identité sont piégées dans leur patrie, complètement isolées du monde. Elles n'ont accès à aucune liaison aérienne ou terrestre avec le monde extérieur, car un groupe d'Azerbaïdjanais agissant sous la direction du gouvernement azerbaïdjanais a fermé la seule route existante.
Ces actes inhumains ont mené à un siège de l'Artsakh. Afin d'aggraver encore la situation et de causer des souffrances excessives, l'Azerbaïdjan, profitant de son contrôle sur les infrastructures critiques venant d'Arménie vers l'Artsakh, a délibérément coupé tout approvisionnement en gaz et en électricité. Les gens n'ont plus de gaz. Ils sont alimentés en électricité pendant six heures selon un calendrier de coupure continue. Les ressources électriques nationales sont très limitées. Cette situation a eu des répercussions négatives sur tous les aspects de la vie quotidienne des gens.
Ce blocus a entraîné une forte pénurie de toutes les fournitures essentielles en provenance d'Arménie, qui représentent en moyenne quelque 400 tonnes par jour. En 45 jours, l'Artsakh n'a pas pu importer 18 000 tonnes d'aliments essentiels. Les réserves de nourriture s'épuisent rapidement, et il n'y a pas de réapprovisionnement.
Le gouvernement de l'Artsakh a mis en place un système de coupons de rationnement en utilisant les réserves d'urgence de l'État afin de faire face à la crise alimentaire en cours. La population entière, y compris les groupes vulnérables — 30 000 enfants, 20 000 personnes âgées et 9 000 personnes handicapées —, est exposée à un risque élevé de malnutrition et de famine. Le risque est extrêmement élevé chez ceux qui se trouvent dans des établissements où les gens ont des diètes particulières, tels que les maisons de retraite, les hôpitaux, les centres psychiatriques, etc.
Plus le blocus se prolonge, plus les médicaments vitaux deviennent indisponibles, plus les hôpitaux sont incapables de fournir le chauffage et l'eau chaude nécessaires, et plus il contribue à réduire les services médicaux essentiels à un niveau inférieur aux exigences minimales.
Il y a une grave pénurie de tous les médicaments nécessaires. On dénombre 490 personnes qui n'ont pas pu obtenir un traitement médical nécessaire en raison de la suspension des opérations chirurgicales prévues dans tous les établissements médicaux. Seuls quelques patients gravement malades ont pu être transportés d'Artsakh en Arménie avec l'aide du CICR.
La crise humanitaire a eu des effets irréversibles, tout particulièrement chez les enfants. Depuis le 18 janvier, les 170 écoles et 41 jardins d'enfants de l'Artsakh sont fermés en raison de problèmes d'approvisionnement en chauffage, électricité et nourriture, privant ainsi près de 30 000 enfants du droit à l'éducation.
Le traumatisme psychologique du blocus se fait particulièrement sentir chez les enfants dont le quotidien a été abruptement interrompu. De nombreux enfants passaient des examens et recevaient des traitements périodiquement dans divers établissements médicaux en Arménie. Or, ils n'y ont plus accès. Des parents n'arrivent pas à trouver du lait maternisé ou des produits d'hygiène pour bébé dont ils ont besoin pour bien prendre soin de leurs enfants.
Certaines personnes de l'Artsakh, d'Arménie et d'environ 20 autres pays ne peuvent pas voir des membres de leur famille en raison de la fermeture de la route. Cela dit, le blocus ne pose pas qu'un enjeu humanitaire; il s'agit aussi d'une forme de déni barbare, par l'Azerbaïdjan autocratique, des droits de la personne fondamentaux de la population de l'Artsakh, ainsi que de leur droit à l'autodétermination et à vivre librement et dans la dignité.
À titre de membre d'une institution nationale des droits de la personne, j'ai constamment mis en garde la communauté internationale contre les crimes commis par l'Azerbaïdjan pendant et après la guerre de 44 jours. Des gens ont été tués, y compris des civils. Les forces militaires azerbaïdjanaises ont tenté de tuer des centaines de personnes. L'Azerbaïdjan a intentionnellement entravé le travail agricole, et les autorités azerbaïdjanaises ont délibérément mené des attaques visant à créer une atmosphère d'intimidation psychologique et de peur.
Par ses actions, l'Azerbaïdjan démontre que son régime autocratique continue d'adhérer à une politique coordonnée, systématique et continue visant à maintenir la population de l'Artsakh dans une terreur et une peur constantes et à créer des conditions de vie insupportables. L'objectif de cette politique est le nettoyage ethnique de l'Artsakh et l'exclusion complète de la population de sa patrie.
Monsieur le président, distingués membres du Comité, le peuple d'Artsakh a prouvé par son comportement sa loyauté envers le système de valeurs démocratiques, mais aussi qu'il est prêt à surmonter tout défi pour défendre ces valeurs. Nous ne voulons simplement pas être seuls. Nous attendons de vous que vous compatissiez à nos souffrances. Nous attendons de vous que vous preniez la responsabilité de protéger nos droits et que vous mettiez fin à l'impunité des Azerbaïdjanais.
Je vous remercie de votre attention.
J'ai cité le président de l'Azerbaïdjan lors de sa conférence de presse d'il y a quelques semaines, je crois, lors de laquelle il a déclaré: « ceux qui ne veulent pas devenir citoyen de notre pays peuvent partir... la route n'est pas fermée ».
Cela nous a fait comprendre qu'il ne s'agit pas d'une question environnementale et que l'État en a le contrôle total, ce qui s'est ajouté à l'ensemble des autres preuves. Nous savons, d'un point de vue individuel, qu'il y a des gens des services de sécurité azerbaïdjanais sur place. Certains sont des soldats ayant participé à l'agression de 2020.
Il s'agit d'un des aspects des revendications; l'enjeu dépasse largement les préoccupations environnementales. L'idée consiste à achever la désarménisation de l'Artsakh, chose en cours sensiblement depuis la formation de l'Azerbaïdjan en 1918.
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Merci, monsieur le président.
Je veux profiter de cette série de questions pour d'abord remercier M. Bergeron d'avoir soulevé cet enjeu comme étant une question importante à traiter, et aussi pour dire très clairement que les membres du caucus libéral de ce comité appuient la réalisation de cette étude. C'est très important pour nous.
Le but de cette étude est de comprendre les questions humanitaires et peut-être la crise — je ne présume rien — que nous observons actuellement dans le Haut‑Karabakh, et le triste sort des habitants de cette région. Tel est notre objectif aujourd'hui: comprendre la nature de la situation humanitaire et celle du blocage, et comprendre ce qui se passe sur le terrain. Voilà ce que nous essayons de faire.
Nous reconnaissons que cette étude se penche sur un long conflit qui dure depuis quelques décennies et qui a traversé différentes périodes de guerre, y compris la plus récente il y a deux ans et demi. Nous sommes conscients qu'il s'agit d'une situation qui perdure, et le Canada est en faveur d'une solution politique globale négociée à ce conflit sur ce territoire contesté entre l'Azerbaïdjan et l'Arménie. Nous voulons la paix. C'est notre objectif premier.
Nous sommes également un pays qui reconnaît la primauté du droit, et nous suivons un ordre international fondé sur des règles. À ce titre, lorsqu'il est clairement indiqué que le Canada appuie toutes les résolutions du Conseil de sécurité des Nations unies sur le Haut‑Karabakh, je tiens à réitérer que le Canada respecte l'intégrité territoriale de l'Azerbaïdjan à l'intérieur de ses frontières internationalement reconnues ainsi que sa souveraineté. Je reconnais que certains de nos témoins ne seront pas d'accord avec cela, mais la position du Canada est que nous sommes d'accord avec les résolutions de l'ONU sur la situation et nous avons accepté ces résolutions. Nous comprenons l'intégrité territoriale de l'Azerbaïdjan et sa souveraineté. Par conséquent, le Canada ne reconnaît pas les autres entités à l'intérieur de ces frontières comme étant des entités politiques. Le Canada partage cette position avec tous les autres États membres des Nations unies.
Parallèlement, nous voulons la paix. Parallèlement, nous voulons promouvoir l'intégrité territoriale, l'autodétermination et le non-recours à la force pour résoudre le conflit par une solution politique négociée. Nous voulons une poursuite du dialogue en dehors de cette question humanitaire que nous étudions aujourd'hui. Nous voulons que toutes les parties continuent à s'engager dans un véritable dialogue et à avoir un engagement positif et constructif au cours du processus. Ce peut être possible à l'aide de l'OSCE ou par le biais d'un processus qui inclut des intervenants russes. Nous sommes heureux de voir que, pour aller de l'avant, des conversations ont lieu entre les dirigeants de l'Azerbaïdjan et de l'Arménie, et entre les dirigeants de l'Arménie et ceux d'autres pays.
Je tenais à le signaler. Aujourd'hui, nous sommes aux prises avec une crise qui est réelle. Nous avons reçu suffisamment de preuves. Nous essayons maintenant de creuser davantage pour comprendre la nature exacte de cette situation, les causes qui expliquent ce que nous observons et ce qui se passe sur cette route. Nous voulons connaître les options possibles et savoir quel matériel peut franchir ou non le corridor. Il peut s'agir de produits alimentaires, de fournitures médicales, du transport de personnes malades vers l'Arménie, mais aussi de l'électricité qui passe peut-être par le corridor ou d'autres vecteurs qui permettent d'alimenter la population en électricité.
Cela étant dit... J'utilise l'essentiel de mon temps de parole pour faire cette déclaration. D'habitude, je n'aime pas faire ce genre de déclaration parce qu'il s'agit du moment qui est consacré aux questions. Cependant, je veux m'assurer que — même s'ils ne seront probablement pas d'accord avec moi — les témoins ont la possibilité de répondre à ma déclaration.
Vous avez soulevé une question générale très importante: le droit international devrait également s'appliquer à la République d'Artsakh. Malgré les résolutions adoptées par le Conseil de sécurité pendant la guerre dans le seul but de mettre fin à cet acte d'agression contre la République d'Artsakh par l'Azerbaïdjan, ces résolutions n'ont pas été respectées par l'Azerbaïdjan. Ce pays, en violation de toutes ces résolutions, a repris ses attaques contre la République d'Artsakh. Nous devons être clairs sur ce point. Sinon, il ne sera pas nécessaire de réitérer l'idée générale de la résolution pacifique de ce conflit par tant de résolutions.
Nous voulons que l'Azerbaïdjan adhère au reste de la Charte de l'ONU. L'élément fondamental qui s'y trouve est le droit à l'autodétermination. Les gens ont droit à l'autodétermination. L'autodétermination est le droit qui a rendu possible la conclusion du traité et la formation d'une grande partie de la carte politique actuelle. C'est un processus qui est inaliénable. C'est sacré, pour ainsi dire.
Nous voulons aussi dire que nous méritons ce droit, car nous n'avons pas échoué dans notre quête d'indépendance. Nous avons maintenant un pays beaucoup plus démocratique, surtout si vous le comparez à l'autocratie qui existe en Azerbaïdjan.
Dès maintenant, nous voulons que l'Azerbaïdjan adhère à la Charte de l'ONU, de la même manière que ce pays a toujours mis en avant ce concept comme argument en sa faveur. Nous voulons qu'il mette fin au blocage, qui viole tout article de l'ONU et les principales conventions dont l'Azerbaïdjan est cosignataire. Nous voulons qu'il respecte les droits de la personne, qu'il respecte le droit international, et qu'il fasse entrer ces discussions, y compris les discussions politiques, qui portent sur une foule d'enjeux, dans un champ politique. Pourquoi des enfants devraient-ils mourir alors que l'Azerbaïdjan croit que tout va très bien et se réfère à des résolutions de l'ONU adoptées il y a 30 ans?
Non. Nous voulons que l'Azerbaïdjan adopte un meilleur comportement à l'échelle internationale. Il s'agit de faire preuve de respect envers le droit international, envers ses engagements à se comporter de manière prévisible en politique et envers son propre peuple, qui mérite également des droits. Ce que nous voyons, c'est de l'autocratie...
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Merci, monsieur le président.
Je n'ai pas l'intention de commenter la déclaration de M. Oliphant, sinon pour dire que la reconnaissance de l'intégrité territoriale d'un État n'exclut pas la possibilité qu'il puisse y avoir, à l'intérieur de ses frontières, divers ordres de gouvernement. Je pense qu'il est important de le signaler ici, puisque cette reconnaissance n'exclut pas qu'il puisse y avoir divers ordres de gouvernement à l'intérieur d'un même État, le Canada en est d'ailleurs un très bon exemple.
Cela étant dit, j'aimerais m'adresser à M. Avetisyan.
Selon ce que nous a dit Mme Papazian, qui faisait partie du précédent groupe de témoins, le blocus constitue à proprement parler un acte de guerre contrevenant au cessez-le-feu convenu entre l'Arménie et l'Azerbaïdjan sous l'égide de la Russie. Le président du Haut‑Karabagh, M. Haroutiounian, est allé plus loin en affirmant que ce qui se passe actuellement est une tentative de nettoyage ethnique orchestrée par Bakou, par l'Azerbaïdjan.
Très simplement, monsieur Avetisyan, qu'est-ce qui permet au président du Haut‑Karabagh de faire une telle affirmation?
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Merci. Il s'agit d'une question très exhaustive et importante.
Les déclarations du président de la République d'Artsakh et du défenseur politique et des droits de la personne, s'il avait l'occasion de répondre, sont fondées sur la constance des efforts qui visent à rendre la vie des habitants de la République d'Artsakh impossible. L'intention présente dans le système politique azerbaïdjanais est claire: désarméniser la République d'Artsakh. Nous avons vu tant de déclarations — que je serai plus qu'heureux de fournir aux honorables membres de ce comité et à toute personne que vous jugerez pertinente — qui démontrent que les autorités azerbaïdjanaises veulent un Haut‑Karabakh sans Arméniens. Des séries d'agressions claires sont survenues, à partir de 1988, alors que l'Union soviétique existait toujours, en 1991, puis en 2016, et enfin en 2020, année où les autorités sont allées jusqu'à impliquer des terroristes internationaux. Ce sont là les manifestations d'une politique claire et constante des autorités azerbaïdjanaises qui vise à désarméniser le Haut‑Karabakh. Elles veulent notre patrie sans que nous y soyons. Elles l'ont exprimé haut et fort.
Malheureusement, il s'agit du leadership politique avec lequel nous négocions. Cette fermeture en est une des manifestations les plus vives et les plus récentes. Je pense que ce constat est clair pour la communauté internationale et presque tous les gouvernements qui espèrent qu'un dialogue civilisé aura lieu entre la République d'Artsakh et l'Azerbaïdjan. Mais non, nous constatons que la seule intention est de nous faire mourir de faim ou de nous forcer à partir.
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Merci beaucoup de cette excellente question. Il s'agit d'une question très importante.
Pour faire de telles déclarations, il faut considérer tous les faits auxquels nous faisons face sur le terrain. Après l'établissement du cessez‑le-feu, des personnes ont été tuées par des Azerbaïdjanais. Quatre-vingts personnes ont été tuées. Parmi elles, trois civils ont été tués simplement parce qu'ils effectuaient des travaux agricoles sur leurs terres.
L'Azerbaïdjan utilisait toutes les méthodes possibles pour intimider la population du Haut‑Karabakh ou de l'Artsakh: il utilisait des haut-parleurs, exhortait les civils à quitter leurs maisons, les menaçait par l'usage de la guerre, perturbait le fonctionnement normal des infrastructures, et entravait l'agriculture. Toutes ces méthodes visaient à créer des conditions de vie insupportables et pousser la population du Haut‑Karabakh à conclure qu'il n'était plus possible de vivre sur ce territoire et qu'elle devait simplement le quitter.
Alors que le monde entier défend le territoire du Haut‑Karabakh, le président de l'Azerbaïdjan insiste sur le fait que le Haut‑Karabakh n'existe pas, ce qui signifie qu'il refuse même d'accepter que le territoire s'appelle Haut‑Karabakh, et ce depuis des siècles, et qu'il s'appelle toujours ainsi. L'Azerbaïdjan démontre ses intentions: son objectif est de mettre en œuvre un nettoyage ethnique et de détruire tout ce qui est lié à la République d'Artsakh, au Haut‑Karabakh, depuis des siècles.
Pour en venir à votre deuxième question, non, je suis coincé à Erevan depuis le 12 décembre 2022. Je ne peux pas retourner chez moi pour rejoindre ma famille. Je travaille depuis Erevan. Mon partenaire est à Stepanakert au Haut‑Karabakh.
Je reçois des informations, des faits. Nous mettons en œuvre une mission d'enquête là‑bas. Je reçois des informations de mon bureau et j'essaie de les présenter à la communauté internationale.
J'aimerais parler des arguments avancés par la partie azerbaïdjanaise et le président Aliyev à propos du trafic dans le corridor de Latchine. La machine de propagande azerbaïdjanaise dirigée par Aliyev essaie de démontrer que le corridor n'est pas fermé. Les Azerbaïdjanais présentent les chiffres du nombre de voitures qui sont passées par le corridor de Latchine depuis le début de la fermeture. Sur un point, ils sont honnêtes et ne nous cachent pas que depuis la fermeture, seuls les soldats de maintien de la paix russes et les véhicules de la Croix-Rouge sont passés par le corridor de Latchine.
J'aimerais vous présenter quelques données statistiques sur le nombre de voitures et le nombre de personnes qui passaient quotidiennement par le corridor de Latchine avant la fermeture. Il y avait une moyenne de 454 véhicules par jour, ce qui, pour 45 jours, équivaut à 70 600 véhicules, et plus de 1 200 personnes par jour — environ 53 000 personnes en 44 jours.
Le fait que des patients dans un état très grave sont transportés du Haut‑Karabakh vers l'Arménie accompagnés par la Croix‑Rouge et que très peu de produits humanitaires sont apportés au Haut‑Karabakh par la Croix‑Rouge ou les Casques bleus russes nous démontre que le corridor est fermé. Il est impossible d'y circuler librement et en toute sécurité.
Oui. Depuis le premier jour, nous communiquons avec les représentants du gouvernement. Quand je dis « nous », il s'agit bien sûr de notre bureau et de toutes les organisations qui ont activement participé à notre cause et qui soutiennent nos intérêts aux États‑Unis et dans le monde. Nous — et l'ambassade d'Arménie, bien sûr — avons tendu la main aux deux organes du gouvernement, l'exécutif et le législatif, pour leur faire part des faits qui touchent la fermeture du corridor. Nous avons demandé que des pressions soient exercées de façon suffisante pour que l'Azerbaïdjan lève le blocage et que l'on mette en place une action humanitaire.
Concernant l'exécutif, vous avez tout à fait raison. Nous avons entendu de nombreuses déclarations émanant des plus hauts échelons politiques, notamment du département d'État, de l'Agence américaine pour le développement international et du bureau du président. Les porte-parole de ces organismes ont évoqué cette question à diverses occasions et la demande est claire: il faut ouvrir la route, lever le blocage et assurer un accès sans entraves aux gens, aux marchandises et à tout ce à quoi ce corridor servait.
Pour ce qui est de l'organe législatif, nous avons observé la participation très active des groupes du Congrès qui se soucient de la République d'Artsakh et des droits de la personne. Il n'est pas nécessaire d'être proarménien pour se soucier de cette question. Vous devez être pour les êtres humains et contre l'agression.
Plusieurs membres du parlement ont communiqué avec leurs autorités et avec l'exécutif pour leur demander d'adopter des mesures concrètes et de s'assurer que la voix des États‑Unis est entendue en Azerbaïdjan de manière appropriée. En effet, vous savez probablement que les États‑Unis sont l'un des pays qui se penchent sur notre situation depuis 1992, en tant qu'un des coprésidents de l'OSCE, avec la France et la Russie. Il existe un niveau de responsabilité dans toute grande capitale, qui, je le répète, consiste à rejeter l'agression, à rejeter le génocide et à être pour la paix, comme votre collègue l'a mentionné. Nous avons un point de vue similaire.
Nous sommes très heureux que cet objectif soit véritablement appuyé par les sites arméniens en Arménie, en République d'Artsakh et par la communauté internationale — les États‑Unis, la Russie, la France et toutes les démocraties, comme le Canada, j'en suis sûr. Le seul site, le seul pays, qui s'y oppose est l'Azerbaïdjan. Bien sûr, ce pays utilise ses ressources politiques: la Turquie, des lobbyistes payés et tout le reste.
Oui, nous avons constaté ce soutien, mais malheureusement nous ne croyons pas que le niveau d'appui sera suffisant pour lever le blocage. À ce jour, nous n'y sommes pas arrivés, mais nous pensons que c'est une question sur laquelle les autorités américaines se concentrent. Nous veillerons à ce qu'elles continuent à recevoir des renseignements à jour et nous maintiendrons la pression. Il s'agit d'un problème mondial. Il ne s'agit pas seulement d'une question qui concerne 120 000 personnes. C'est une question qui touche la civilisation.
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Je remercie les témoins de leurs exposés.
Je me demande si vous pourriez, à tour de rôle, nous parler de la façon dont les positions et certaines des décisions du gouvernement libéral se sont répercutées sur tout ce conflit. Je pense à deux facteurs en particulier. D'abord, la technologie des drones a été transférée à la Turquie, ce qui a influé sur l'équilibre des pouvoirs entre l'Azerbaïdjan et l'enclave. Pourriez-vous nous dire un mot à ce sujet?
L'autre facteur est surtout lié au gaz naturel liquéfié et aux combustibles fossiles. Il y a là une dépendance, surtout parce que la Russie a cessé une bonne partie de ses exportations vers les pays de l'Europe. Ils ont donc besoin de l'Azerbaïdjan. L'Europe fait appel aux exportations du Canada, mais nous sommes en train de tergiverser. Là où je veux en venir, c'est que si le Canada exportait davantage de pétrole et d'installations, cela réduirait la dépendance de l'Europe à l'égard de l'Azerbaïdjan et atténuerait peut-être certaines des tensions là‑bas. Qu'en pensez-vous?
Je vous laisse la parole à tous les deux. Merci.
En ce qui concerne la première partie de votre question, il était absolument crucial que le Canada envoie un signal politique et économique à la Turquie pour lui faire comprendre que son intervention contre l'Artsakh et l'Arménie, aux côtés de terroristes dans le camp de l'Azerbaïdjan, n'était pas acceptable. Nous avons constaté une perturbation de cet approvisionnement, ce dont nous sommes très reconnaissants, malgré les difficultés économiques. Nous espérons que cette question sera examinée en dehors de toute forme de partisanerie. Elle devrait figurer au programme politique général, car nous savons que tous les partis politiques du Canada sont pour la paix, pour les droits de la personne et pour la démocratie. Vous êtes assez forts pour résister à toute divergence à cet égard. Nous le voyons bien, et nous vous en sommes reconnaissants.
Pour ce qui est du gaz naturel liquéfié et de la source d'énergie, encore une fois, notre objectif est, en principe, de faire en sorte que nos vies ne dépendent ni des intérêts économiques ni de l'intervention de tel ou tel pays au cours des 10 ou 15 prochaines années, ou d'ici un an. Nous ne savons pas ce qui va se passer dans un proche avenir. Nous voulons que nos questions, nos droits et nos vies bénéficient du même degré d'attention et de protection internationale que la vie d'un Canadien ordinaire, d'un Américain ordinaire ou d'une personne ordinaire de France et de tout autre pays qui protège et valorise la vie humaine, la dignité humaine et la sécurité.
Oui, vous avez tout à fait raison de dire qu'il existe de nouvelles perspectives économiques pour l'Azerbaïdjan. Ce pays profite maintenant de la guerre en Ukraine et d'autres ententes bilatérales et multilatérales. C'est temporaire, mais les dommages causés à ces pays et à ces structures se feront sentir pendant encore bien longtemps. Nous espérons que cela ne mettra pas en péril notre liberté actuelle, notre sécurité actuelle et, en gros, nos vies. L'Azerbaïdjan peut faire des affaires, mais cela ne devrait pas servir d'excuse pour tuer d'autres personnes.
Merci.
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Merci, monsieur le président.
En réponse à la question de M. Dalton, je veux simplement rappeler aux témoins que, sous le gouvernement conservateur de M. Harper, aucun projet de gaz naturel liquéfié n'a été approuvé pendant 10 ans, et deux des plus grands projets — dont le projet Kitimat LNG, soit l'un des plus grands jamais réalisés au Canada — ont été approuvés et sont en chantier au...
Une voix: Cela a été approuvé par Harper.
M. Randeep Sarai: ... Canada, ainsi qu'un projet de Woodfibre LNG. Il s'agit, dans les deux cas, d'installations d'exportation de gaz naturel liquéfié, et ces décisions ont été prises bien avant les événements imprévus. N'oublions pas ce qu'a dit M. Avetisyan: il s'agit d'un effort non partisan pour résoudre ce conflit, et nous ne devons pas perdre de vue cette réponse.
Quant au gouvernement arménien, qui est en quelque sorte l'allié militaire de la Russie par l'entremise de l'Organisation du traité de sécurité collective, il a exprimé sa frustration face à l'inaction des Casques bleus russes. Je pense d'ailleurs que le premier ministre arménien a déclaré que les Casques bleus sont le « témoin silencieux » des efforts de l'Azerbaïdjan pour dépeupler le Haut-Karabakh et l'Arménie. Le 10 janvier 2023, le gouvernement arménien a également annulé, je crois, les exercices militaires communs qui devaient avoir lieu au pays plus tard dans l'année.
Comment la réponse de la Russie à ce blocage du corridor a‑t‑elle nui à ses relations avec l'Arménie?
Cette question s'adresse à M. Avetisyan.
Je sais que vous allez recevoir l'ambassadrice de l'Arménie, Mme Harutyunyan. Vous obtiendrez probablement une réponse plus complète de sa part.
Je tiens simplement à répéter que la collaboration doit se faire à tous les niveaux possibles. Nous demeurons à l'affût de toutes les occasions possibles pour poser des questions et engager un dialogue constructif. Malgré ce problème — et nous avons parlé un peu des principales difficultés politiques et organisationnelles à cet égard —, nous espérons que l'un des principaux rôles que les forces de maintien de la paix continueront à jouer sera celui d'empêcher la reprise des hostilités à grande échelle, car l'Azerbaïdjan est conscient de la vulnérabilité de l'Arménie et tente d'en tirer parti et de passer à l'acte, en appliquant la loi de la jungle, pour forcer son choix politique.
Nous espérons que l'effort actuel de maintien de la paix fera en sorte qu'une telle situation ne se reproduise pas, comme cela a été le cas jusqu'ici. Pour le reste, je vous invite à poser cette question à l'ambassadrice. Elle sera autorisée à vous donner une réponse plus complète et plus exacte.
Je me contenterai d'ajouter que, heureusement, toutes les organisations influentes de défense des droits de la personne — notamment Human Rights Watch, Amnistie internationale et Freedom House — ont tiré la sonnette d'alarme sur la situation désastreuse du Haut-Karabakh, de l'Artsakh, et elles exhortent le gouvernement azerbaïdjanais à lever le blocus et à garantir la liberté de circulation des biens et des personnes.
Je voudrais simplement que vous preniez connaissance des déclarations et des rapports fournis par les organisations internationales de défense des droits de la personne et que vous en teniez compte dans les décisions que vous devez prendre chaque jour, surtout en ce qui a trait à cette question.
J'aimerais également demander de l'aide en vue d'une éventuelle mission d'enquête internationale sur le terrain, ce qui m'aidera certainement, en tant que médiateur et défenseur des droits de la personne, à recueillir plus de faits et à fournir plus de renseignements à la communauté internationale.
Je vous remercie.
J'aimerais réitérer notre gratitude envers vous et envers tous ceux qui ont participé à cet appel. Merci de votre attention.
De grâce, ne sombrez pas dans l'indifférence. Cette question est de la plus haute importance pour des dizaines de milliers de Canadiens d'origine arménienne, et elle devrait également figurer au programme parce que le Canada est bien connu dans le monde entier pour son rôle de défenseur des droits de la personne, des libertés et de la démocratie. Le Canada est l'un des pays qui a reconnu le génocide arménien et l'un de ceux qui s'efforcent d'en prévenir un nouveau.
Nous invitons le Canada à jouer un rôle beaucoup plus actif et plus important pour empêcher qu'il y ait une catastrophe humanitaire en Artsakh et pour éviter qu'un autre génocide arménien se produise, et à utiliser toutes les ressources possibles pour soulager les souffrances humanitaires de la population locale.
Par ailleurs, c'est bien beau d'essayer de contourner le blocus, mais nous avons également besoin de votre aide, de vos efforts et de votre autorité dans le monde entier et dans les organisations internationales pour mettre fin à ce blocus. C'est la chose la plus importante pour nous.
Je vous remercie. Je sais que vous avez un programme politique très chargé. Je vous souhaite bonne chance dans vos discussions.