Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
Bienvenue à la 126e réunion du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international de la Chambre des communes.
La réunion d'aujourd'hui se déroule sous forme hybride.
J'aimerais rappeler à tous les membres du Comité, ainsi qu'aux témoins qu'ils doivent attendre que je les nomme avant de prendre la parole.
Conformément à l'article 108(2) du Règlement et à la motion adoptée par le Comité le jeudi 19 septembre, nous reprenons notre étude sur la contribution du Canada à la promotion d'une solution à deux États.
Sans plus attendre, j'aimerais souhaiter la bienvenue à nos deux témoins, qui représentent le ministère des Affaires étrangères, du Commerce et du Développement. Nous sommes ravis d'accueillir M. Louis-Martin Aumais, jurisconsulte et directeur général de la Direction générale du droit international; et Mme Rebecca Netley, directrice générale de la Direction de la responsabilisation, des droits de la personne et du droit onusien.
Bienvenue à tous les deux. Je crois comprendre que vous ferez une déclaration préliminaire.
Mesdames et messieurs les députés, à titre de jurisconsulte d'Affaires mondiales Canada, je vous remercie de cette invitation à comparaître devant le Comité permanent des affaires étrangères et du développement international pour traiter de la contribution du Canada à la promotion d'une solution à deux États.
Permettez-moi d'abord d'énoncer quelques points de droit international portant sur la reconnaissance d'un État. En droit international coutumier, les éléments constitutifs de l'État sont notamment une population permanente, un territoire défini ou relativement défini, un gouvernement souverain et l'indépendance à l'égard d'autres États.
Cela étant, l'application de ces éléments peut poser des défis dans des situations factuelles spécifiques. Les États existants peuvent avoir des opinions divergentes quant au fait que les éléments énumérés plus haut sont bien présents dans un cas particulier. Il appartient à chaque État de faire sa propre évaluation et de prendre sa propre décision sur le sujet. De plus, même si ces éléments sont présents, il n'y a pas d'obligation pour un autre État de reconnaître une entité en tant qu'État, car les considérations juridiques ne sont qu'une partie des éléments qui influencent cette décision.
En fin de compte, la décision sur la reconnaissance d'un État est un acte politique délibéré de la part d'un autre État.
(1610)
[Traduction]
Monsieur le président, au Canada, le pouvoir de reconnaître de nouveaux États est exercé par l'exécutif fédéral en vertu de sa prérogative sur la conduite des affaires étrangères du Canada. Je voudrais souligner qu'en général, l'approche en matière de reconnaissance se caractérise par la prudence. En effet, les États accordent la reconnaissance afin de dissiper toute incertitude, et non d'en créer.
Lorsque le Canada décide de reconnaître un nouvel État, il le fait clairement et expressément. La façon dont il le fait constitue également une décision politique et peut prendre diverses formes: communications diplomatiques, déclaration officielle du gouvernement, etc.
En outre, le niveau d'engagement sur les plans politique, diplomatique, commercial, économique, ou autre, que le Canada peut décider d'avoir avec l'État qu'il reconnaît constitue aussi une décision politique.
[Français]
Ma collègue Me Netley et moi-même vous remercions de votre écoute. Nous serons très heureux de recevoir vos questions.
Merci, monsieur Aumais, de votre témoignage et de vos déclarations.
[Traduction]
Vous avez dit quelque chose qui me semble très important pour le Comité. Vous avez répondu à une question que j'allais poser, à savoir si la reconnaissance du statut d'État par le gouvernement du Canada est une décision politique ou juridique. Vous avez clairement indiqué qu'il s'agissait d'une décision politique.
Comme vous l'avez dit, lorsqu'il s'agit de reconnaître le statut d'État, il faut faire preuve de prudence et procéder de façon claire et délibérée, mais en fin de compte, c'est une décision politique délibérée. De plus lorsqu'il s'agit de décider de la façon de le faire, c'est également une décision politique délibérée. Je vous remercie d'avoir été clair sur ce point dans votre déclaration préliminaire.
J'allais vous demander quels critères doivent être remplis pour que l'on reconnaisse un État. Je pense que vous répondrez probablement qu'il s'agit d'une décision politique délibérée de l'exécutif et je ne poserai donc pas cette question.
Je poserai peut-être une autre question.
De manière générale, le ministère est‑il d'avis que les accords d'Oslo sont la voie à suivre pour une solution à deux États?
Les accords d'Oslo étaient en grande partie une entente politique signée par l'État d'Israël et l'Organisation de libération de la Palestine, ou l'OLP, dans le but de créer une autorité palestinienne. Compte tenu de la nature très politique de l'accord, je ne serais pas en mesure, en tant que jurisconsulte du ministère, d'exprimer un avis sur la question de savoir s'il s'agit de « la » voie ou si c'est « une » voie.
Il est clair qu'au moment de sa conclusion, l'entente semblait constituer une démarche raisonnable que les parties avaient acceptée et qu'elles entamaient. De toute évidence, l'histoire nous montre qu'elle n'a pas abouti à ce que les parties avaient envisagé au départ.
C'est une entente complexe. Il s'agit d'établir un certain nombre de mesures préliminaires et provisoires sur une certaine période. Elle s'étalait sur cinq ans, l'objectif étant, en fin de compte, de parvenir à un arrangement permanent.
C'est exact. Notre pays n'est pas partie à la Convention et de nombreux autres pays n'y sont pas parties non plus.
Essentiellement, les critères qui y sont énumérés font également partie du droit international coutumier et nous examinons donc ces critères pour la reconnaissance du statut d'État. Toutefois, il est évident que ce n'est pas comme s'il suffisait de satisfaire aux critères juridiques pour avoir le statut d'État. Il faut que d'autres États prennent une décision souveraine en tenant évidemment compte de ces éléments. C'est une pratique qui a été bien établie au fil du temps.
Monsieur Aumais, madame Netley, je vous remercie beaucoup d'être ici cet après-midi.
Je voudrais également répéter ce qu'a dit mon collègue, M. Chong. Je vous remercie d'avoir fait une déclaration claire. Je vous promets d'essayer de ne pas vous poser de questions qui pourraient toucher à la politique.
Je connais la réponse, mais je veux poser la question d'une manière différente.
Y a‑t‑il des entraves d'ordre juridique qui empêchent le gouvernement du Canada de reconnaître l'État de Palestine?
Selon la pratique et le droit international coutumier, les critères existent. Le gouvernement peut tout à fait faire une évaluation en fonction de ces critères.
Il peut également examiner d'autres éléments qu'il souhaite prendre en considération. Il ne s'agit pas d'une liste exhaustive. Comme je l'ai mentionné dans ma déclaration préliminaire, certaines situations factuelles pourraient justifier l'ajout d'éléments, tels que des considérations politiques ou une analyse de la situation des relations entre l'entité qui cherche à devenir un État et ses voisins et la région.
Il s'agit d'éléments supplémentaires, mais je ne les qualifierais pas d'entraves.
Monsieur le président, un certain nombre de pays l'ont déjà reconnu publiquement. En tant que jurisconsulte, je ne surveille pas précisément le nombre de pays. Un certain nombre de pays l'ont reconnu — en fait, il y en a plus de 100.
Je ne m'attends pas à ce que vous le sachiez par cœur, mais si vous pouvez faire parvenir au Comité la liste des pays qui ont reconnu officiellement l'État de Palestine ou qui envisagent de le faire, je vous en serais reconnaissant.
J'ai une autre question à vous poser. Nous savons que la Norvège, l'Irlande et l'Espagne en ont fait l'annonce récemment. Pouvez-vous dire au Comité comment ils ont exprimé cette reconnaissance? Quelles mesures ont-ils prises après avoir pris cette décision politique?
Monsieur le président, c'est une question très intéressante, qui illustre ce que j'ai mentionné dans ma déclaration.
Il y a différentes façons de procéder. Il n'existe pas de manuel d'instructions sur la façon dont un État peut déclarer qu'il reconnaît un nouvel État. En droit international, on recherche la clarté. Il ne doit pas y avoir d'ambiguïté.
D'après ce que j'ai pu constater, les pays en question ont envoyé des messages publics très officiels à la communauté internationale pour indiquer qu'ils franchissaient ce pas.
Pour ce qui est de leurs communications internes, je ne suis pas au courant de ce qu'ils ont fait. Je parle ici de la manière dont l'État qui reconnaît la Palestine et l'État de Palestine ont procédé entre eux. Normalement, il y a un échange de communications diplomatiques, de notes diplomatiques, un échange de communications entre les ministres des Affaires étrangères ou les chefs de gouvernement et les chefs d'État. Encore une fois, c'est ainsi que les choses se passent. Normalement, les deux entités s'entendent entre elles, mais je ne sais pas exactement comment la Norvège, l'Espagne, l'Irlande ou la Slovénie s'y sont prises.
J'imagine que c'est ainsi qu'ils ont procédé, monsieur le président.
Je vous remercie également, monsieur Aumais, de vos commentaires introductifs extrêmement limpides.
Dans un avis consultatif rendu en juillet 2024, la Cour internationale de justice a indiqué que l'occupation des territoires palestiniens par Israël était illicite. Elle a ajouté que les États avaient l'obligation de ne pas prêter aide ou assistance au maintien de la situation créée par la présence illicite d'Israël dans les territoires palestiniens occupés.
Selon vous, aux termes de l'Accord de libre-échange Canada‑Israël, qui considère les produits fabriqués dans les colonies juives dans les territoires occupés, le Canada aide-t-il ou prête-t-il assistance au maintien de la situation créée par la présence illicite d'Israël dans les territoires palestiniens occupés?
C'est une question très pertinente dans le contexte de l'avis consultatif de la Cour.
Je vais faire un petit préambule sur l'avis consultatif. Il s'agit d'un avis de la Cour non contraignant sur les parties. Ce sont des questions que l'Assemblée générale des Nations unies a posées à la Cour au sujet des pratiques et des politiques d'Israël dans les territoires palestiniens occupés.
Comme vous l'avez bien indiqué, la Cour a émis un avis en juillet, et elle a justement parlé de la licéité des pratiques et des politiques d'Israël dans ces territoires. Elle a également inclus une portion sur les obligations d'États tiers en lien avec les obligations que la Cour estime qu'Israël a enfreintes par ses politiques et ses pratiques.
Certains des éléments sur lesquels la Cour a statué sont des obligations péremptoires en droit international, le jus cogens. Ces obligations requièrent l'obéissance de tous les États, et pas seulement d'Israël. En l'instance, cela veut dire que des pays comme le Canada doivent faire une évaluation de leur mise en application de ces obligations.
Vous avez fait mention de l'Accord de libre-échange Canada‑Israël. Je ne suis pas un expert du droit commercial international, mais j'en sais suffisamment pour pouvoir dire que ce traité est conçu pour avoir une définition particulière de son application sur les traités. Pour ce qui est d'Israël, elle indique que le traité s'applique là où les lois douanières d'Israël s'appliquent. Elle ne parle pas d'un territoire en particulier. De par les accords d'Oslo, cela permet une application des lois douanières dans les territoires occupés, par exemple. Cela permet à des produits qui proviennent des territoires occupés d'en bénéficier en vertu du traité. Comme vous l'avez mentionné, c'est une précaution qui est prise pour justement éviter des ambiguïtés. Est-ce quelque chose qui est l'objet d'études et de revues par mes collègues du droit commercial international? Oui, c'est absolument le cas. Il faut en être satisfait. La nuance quant à la définition de l'application du traité tient compte de cet élément. Nous estimions que l'obligation du Canada n'a pas commencé au mois de juillet quand la Cour a émis son avis consultatif. Bien qu'il ne soit pas contraignant sur le Canada, évidemment, le Canada doit l'étudier. C'était une mesure, une approche qui avait déjà été prise par le Canada dans ses négociations en vue de l'Accord de libre-échange Canada‑Israël pour tenir compte de cette difficulté qui est soulevée par la Cour elle-même.
Ai-je répondu à la question?
J'espère que le député me posera une question supplémentaire, si ce n'est pas le cas.
Je remercie les témoins d'être ici aujourd'hui et de nous faire profiter de leur expertise. Je vais moi aussi essayer de vous poser des questions auxquelles vous pourrez répondre, mais pardonnez-moi si je m'égare.
Je tiens à être très claire. La première question que je souhaite poser porte sur un point dont vous avez parlé au tout début.
Décider de reconnaître l'État de Palestine est un choix politique. C'est quelque chose que la ministre pourrait faire sans tarder. C'est possible sur le plan juridique.
On a besoin d'une lettre et d'un microphone, n'est‑ce pas?
J'aimerais parler brièvement de la cohérence de notre démarche.
Nous savons que le Canada a été l'un des premiers pays à reconnaître le Kosovo. À l'époque, le Canada avait invoqué les droits de la personne, la stabilité et le principe de l'autodétermination. De votre point de vue, existe‑t‑il un motif juridique ou une raison quelconque qui explique pourquoi le gouvernement actuel n'a pas appliqué les mêmes principes à la Palestine, qui est touchée depuis un certain temps déjà par des violations systématiques des droits de la personne, la colonisation illégale et l'occupation?
Il semble bien que nous ayons choisi de respecter le droit à l'autodétermination pour certains, mais pas pour d'autres. Je me demande si vous avez quelque chose à dire à ce sujet.
Monsieur le président, je commencerai peut-être par la dernière partie de l'intervention de la députée. Le gouvernement parle depuis longtemps de la question du droit à l'autodétermination du peuple palestinien. Il n'y a aucun problème à cet égard en ce qui concerne le peuple palestinien.
La question du moment choisi par le gouvernement pour prendre sa décision est, encore une fois, une question de nature politique. En tant que jurisconsulte du ministère, je ne pourrais pas m'exprimer sur ces considérations politiques, mais les critères dont un État tient normalement compte pour prendre une telle décision sont à la disposition du gouvernement. Je ne voudrais pas laisser entendre que la façon dont le gouvernement a pris ses décisions sur la reconnaissance d'États dans le passé lie le gouvernement pour la reconnaissance d'autres États à l'avenir.
Bien sûr, cela ne lierait pas le gouvernement, mais on pourrait se demander pourquoi les décisions diffèrent en fonction de la région.
Je sais que l'un des arguments avancés est que le gouvernement doit être prudent et que cela pourrait avoir un effet déstabilisateur dans le contexte actuel. Lorsque nous avons reconnu le Kosovo, cette reconnaissance a été considérée comme une étape vers la stabilisation des Balkans. Pourtant, en Palestine, après des décennies de déplacements et de violence, nous sommes toujours confrontés à l'une des plus longues crises au monde.
Je me demande comment on peut prétendre promouvoir la stabilité dans le monde tout en refusant de reconnaître la Palestine.
Monsieur le président, j'aimerais beaucoup, en tant que jurisconsulte, être en mesure d'offrir une réponse satisfaisante à la députée, mais nous entrons dans la sphère de la politique. Je crois que le prochain groupe de témoins sera en mesure d'offrir des explications supplémentaires à cet égard.
Je remercie les témoins de leur présence. C'est fascinant.
Je me pose une question. Nous disons que le choix politique constitue la décision finale sur le statut d'État, mais il faut disposer d'un certain nombre de renseignements pour faire ce choix politique, pour dire que nous allons faire ce choix politique.
Quels types d'éléments aimeriez-vous voir dans les aspects juridiques qui seraient pris en compte avant que la décision ne soit prise?
Monsieur le président, lorsqu'un État décide de reconnaître un nouvel État, il veut parvenir à une décision qui soit claire et qui offre de la certitude, non seulement pour le nouvel État, mais aussi pour nos citoyens, pour notre capacité à communiquer en tant que personnes et à avoir différents types de relations.
Dans le droit international coutumier, qui est la source du droit international qui découle de la pratique des États, le fait de disposer d'une autorité gouvernementale suffisante sur un territoire relativement bien défini et l'absence de contestation de la part d'autres États sont les types d'éléments, comme je l'ai mentionné dans ma déclaration préliminaire, qui seraient pris en compte, mais...
Pour avoir une image plus claire, s'il y avait des négociations, si l'on s'entendait pour aller de l'avant, alors la décision politique serait relativement simple, n'est‑ce pas?
Oui. Deux parties se réunissent et disent qu'elles s'entendent sur l'emplacement géographique, sur la primauté du droit, sur la façon dont elles vont se respecter mutuellement et sur bien d'autres choses qui entreraient en jeu dans le cadre de l'accord.
Ne serait‑ce pas une meilleure base pour obtenir le statut d'État que d'essayer de le déclarer, puis de trouver un moyen d'y parvenir plus tard?
Monsieur le président, c'est une très bonne question. Si l'on remonte au début des années 1990, c'est ce qui était prévu dans les accords d'Oslo. Il devait y avoir un accord entre les deux parties, leur permettant d'avoir une sorte de phase de transition, puis, avec le temps, de déterminer les éléments plus permanents d'un nouvel État: territoire, gouvernement, transfert de compétence, etc. Les choses ne sont pas passées comme on l'avait envisagé, donc...
Dans ce cas, la négociation s'est déroulée entre les deux principaux acteurs. Quant aux négociations entre le Canada et ces acteurs, là encore...
Cela ne ferait pas partie du portrait. Nous serions simplement des spectateurs, je présume. Nous ne ferions pas partie des négociations, mais nous utiliserions cette situation comme...
Avant de poser mes questions, j'aimerais souhaiter la bienvenue à nos invités, M. Aumais et Mme Netley.
Mon collègue M. Alghabra a demandé certaines informations, dont une liste, par exemple. Je sais que nos formidables analystes en auraient besoin avant le 19 novembre prochain. Je me demande donc s'il vous serait possible de la fournir avant cette date.
Ma première question concerne les implications juridiques pour le Canada de la reconnaissance de l'État de Palestine, notamment en ce qui concerne ses engagements dans le cadre des accords de paix au Moyen‑Orient.
Je remercie la députée de sa question, monsieur le président.
Pour ce qui est des implications juridiques pour le Canada qui seraient subséquentes à une reconnaissance éventuelle, les relations que le Canada aurait avec ce nouvel État seraient guidées par l'ensemble du droit international et par les différentes obligations et courtoisies entre États qui sont de mise.
En ce qui a trait aux questions liées au processus de paix au Moyen‑Orient, je crois que je devrais laisser à mes collègues du prochain groupe de témoins le soin d'y répondre. À ma connaissance, le Canada n'a pas d'obligation ferme dans le cadre du processus de paix. Sur le plan de la politique étrangère, évidemment, le Canada, de même que par tous les pays dans le monde, doit prendre en considération la progression de ce processus de paix.
Le député qui a pris la parole précédemment a posé une question sur le principe de l'autodétermination des peuples. Évidemment, on doit tenir compte du fait que ce principe est une règle péremptoire du droit international, ce qui veut dire qu'aucun pays ne peut s'écarter de cette norme.
Je pense que c'est ainsi que je répondrais à la question de la députée.
Je parlais de l'Autorité palestinienne qui traverse un processus de réforme actuellement. Je vous demandais de me parler de cette réforme et de ses répercussions.
Encore une fois, c'est une question qui relève de l'arène politique plutôt que du cercle juridique. En revanche, je peux vous donner un chiffre sur le nombre d'États qui ont reconnu l'État de Palestine. À l'heure actuelle, il y en a 145 sur 193.
Je vais commencer par un commentaire politique qui va nous emmener sur le terrain juridique.
D'aucuns disent que ce qui nuit à la crédibilité du Canada à l'échelle internationale, c'est le fait qu'il n'est pas conséquent, qu'il n'est pas « consistant », si vous me permettez l'expression, en matière d'application du droit international.
On a fait référence tout à l'heure à l'avis consultatif de la Cour internationale de justice. Le Canada s'est fait fort de défendre l'intégrité territoriale et la souveraineté de l'Ukraine, et j'en suis, mais il s'est montré beaucoup plus réservé pour dénoncer l'agression d'Israël contre le Liban.
Selon vous, sur le plan juridique, le Canada est-il conséquent relativement à sa prise de position concernant l'Ukraine?
Monsieur le président, je remercie le député de sa question.
Le droit international assure à Israël le droit de se défendre contre des attaques. C'est inscrit dans la Charte des Nations unies. Les attaques dont a fait l'objet Israël, qui sont venues du Liban, justifient qu'Israël exerce ce droit à l'autodéfense. Donc, cela...
L'exercice du droit à l'autodéfense n'a pas de limite géographique liée à la source même des attaques. Il appartient au pays qui exerce le droit à l'autodéfense de déterminer ce qui est nécessaire, ce qui est proportionnel et ce qui est...
Étant juriste du Canada, il ne serait pas approprié de ma part d'exprimer une opinion sur ce qui est proportionnel et nécessaire de la part d'un pays tiers. Par ailleurs, je n'ai pas accès à tous les renseignements, à toute l'information qu'Israël aurait à sa disposition pour prendre les décisions nécessaires, pour prendre les bonnes décisions afin d'exercer son droit à l'autodéfense.
J'espère que vous serez aussi généreux avec ma minute et demie que vous l'avez été avec le temps de ma collègue. Merci.
J'aimerais en savoir plus sur certains de vos commentaires, mais je veux commencer par une chose. Légalement, l'État de Palestine existe déjà. Je pense que c'est important pour nous de reconnaître ici que la Palestine existe; ce dont nous parlons présentement, c'est de la reconnaissance de la Palestine par le Canada. Cet État existe, donc nous ne créons pas un État. Ce n'est pas ce dont nous parlons. Nous parlons de sa reconnaissance par le Canada.
Vous avez parlé du droit de la défense, donc j'ai quelques questions pour vous sur le droit de la défense comme capacité juridique. Qu'en est‑il des attaques contre des travailleurs des Nations unies? Qu'en est‑il des punitions collectives? Nous savons aussi que les civils innocents ont le droit de ne pas être punis pour les comportements des terroristes sur leur territoire.
Diriez‑vous, par exemple, que la réponse d'Israël à Gaza, où nous avons vu des dizaines de milliers de vies innocentes perdues, s'inscrit dans son droit de la défense, ou pensez‑vous qu'il s'agit d'une punition collective et qu'Israël a erré au‑delà de son droit de la défense pour commettre un crime de guerre et, je dirais, un génocide?
« C'est seulement la reconnaissance de cet État par le Canada. » C'est la reconnaissance accordée par le Canada. C'est une décision importante que prend l'État du Canada. Jusqu'à ce que le Canada reconnaisse un nouvel État, du point de vue du Canada, ce nouvel État n'est pas reconnu. Nonobstant la décision d'autres États ou organisations, comme je l'ai mentionné dans mon exposé, à propos de cette entité, le Canada n'est pas tenu de s'y conformer. C'est au Canada de prendre sa propre décision souveraine sur la question...
Ma question vise à savoir si vous estimez ou non que la réponse d'Israël est un crime de guerre, à cause de la punition collective et des attaques perpétrées contre les travailleurs de l'ONU.
Très brièvement, monsieur le président, Israël doit bien sûr exercer son droit de la défense en respect des règles du droit international, soit le droit humanitaire international. Il y a un certain nombre de principes à suivre: la nécessité, la proportionnalité et la distinction.
Comme je l'ai dit au député du Bloc Québécois, du point de vue canadien, nous ne pouvons pas évaluer complètement la situation, parce qu'il nous manque d'information venant de sources ouvertes.
Il nous reste deux minutes. Puisque vous êtes ici, je m'en voudrais de ne pas vous poser une question qu'on a soulevée à quelques reprises dans les dernières séries de questions.
Pourriez‑vous me dire, monsieur Aumais, si — sur le plan du droit international — l'on peut imposer des prédicats ou des conditions au droit à l'autodétermination d'un peuple?
L'autodétermination des peuples, comme je l'ai mentionné, est une norme péremptoire du droit international. Les États ne peuvent pas y échapper. Je dirais qu'un État qui chercherait à créer son propre type d'observation de cette obligation par l'imposition de ses prédicats, par exemple, soulèverait des questions sur le respect ou non de cette norme péremptoire.
Le droit à l'autodétermination existe, et la Cour internationale de justice l'a confirmé dans son avis consultatif. Ce droit existe, point final.
Concernant la façon de l'exercer, il y a différentes possibilités. Toutefois, pour ce qui est d'imposer des conditions préalables — si je comprends bien ce que vous voulez dire par « prédicats » —, à l'exercice de ce droit, je ne vois pas comment cette règle pourrait faire l'objet d'exceptions et de conditions préalables.
Monsieur Aumais et madame Netley, merci beaucoup de votre temps, de votre expertise, et de nous avoir donné votre avis sur tous les enjeux que nous avons soulevés. Nous vous en sommes très reconnaissants.
Nous allons suspendre la séance durant trois minutes.
Pour le second groupe de témoins, nous sommes reconnaissants d'accueillir M. Richard Arbeiter, sous‑ministre adjoint associé, Secteur de la sécurité internationale et des affaires politiques. Nous sommes aussi extrêmement reconnaissants d'accueillir à nouveau M. Alexandre Lévêque, sous‑ministre adjoint, Secteur de l'Europe, du Moyen‑Orient et de l'Arctique.
Si j'ai bien compris, monsieur Lévêque, vous avez déjà prévu à votre agenda de revenir à notre comité pour le reste de l'année. Nous vous sommes très reconnaissants d'avoir pris du temps pour nous. Aimeriez‑vous présenter un exposé?
Monsieur Lévêque, vous avez cinq minutes pour nous présenter votre exposé.
Merci beaucoup, monsieur le président, de m'accueillir de nouveau.
Monsieur le président, honorables membres du Comité, je tiens à vous remercier de pouvoir discuter avec vous de l'état d'avancement de la résolution de paix au conflit israelo‑palestinien que propose le Canada. Je vais en profiter pour vous décrire brièvement la position de longue date du Canada sur la solution à deux États et la façon dont nous avons réagi aux développements sur le terrain.
Cependant, je dois vous signaler dès le départ — comme mon collègue l'a fait dans une réunion précédente — que cet enjeu évolue rapidement et fait l'objet d'un examen attentif à l'heure actuelle. Par conséquent, j'espère que vous comprendrez que même si je ferai de mon mieux pour vous donner des analyses et mon point de vue sur diverses considérations, je suis mal placé pour commenter les conseils que le ministère pourrait fournir au gouvernement.
La position du Canada sur les questions relatives au conflit israelo‑palestinien continue de s'appuyer sur son engagement passé envers une solution à deux États, comme cela a toujours été. Le soutien envers la création d'un État palestinien souverain, indépendant, viable, démocratique et contigu sur le plan du territoire, vivant côte à côte avec Israël en paix et en sécurité, est la position permanente des gouvernements du Canada consécutifs au fil des décennies.
[Français]
En 1947, le Canada a joué un rôle clé en tant que membre du Comité spécial des Nations unies sur la Palestine, ou UNSCOP. Il a été l'un des sept membres du Comité à approuver le plan de partage de la Palestine.
Le 29 novembre 1947, le Canada a fait partie des 33 États membres de l'ONU à voter en faveur de la résolution 181, qui recommandait la création d'États juif et arabe indépendants et d'un corpus separatum pour Jérusalem.
Vingt ans plus tard, à la suite de la guerre des Six Jours de 1967, le Canada a également voté en faveur de la résolution 242 du Conseil de sécurité des Nations unies, qui appelait à une paix globale, juste et durable dans le cadre d'un accord de paix négocié et d'une pleine reconnaissance diplomatique entre les parties.
En 1993, Israël et l'Organisation de libération de la Palestine, ou OLP, ont signé la déclaration de principe, également connue sous le nom d'accords d'Oslo, qui prévoyait notamment la création d'une entité gouvernementale intérimaire en Cisjordanie et à Gaza, l'Autorité palestinienne, ainsi que la reconnaissance mutuelle d'Israël et de l'OLP. Le Canada a pleinement soutenu le processus de paix défini par les accords d'Oslo et a toujours soutenu qu'une solution négociée à deux États était le seul moyen d'atteindre l'objectif d'une paix globale, juste et durable au Moyen‑Orient.
[Traduction]
Ces dernières années, les chances d'une solution à deux États négociée ont faibli. Elles se sont gravement détériorées à la suite de l'attentat terroriste brutal du Hamas contre Israël le 7 octobre 2023, à la lumière du bilan humain de l'offensive militaire d'Israël dans la bande de Gaza, et dans la foulée de l'escalade des tensions dans la région. Ce contexte sombre a ravivé les discussions partout dans le monde sur les chances de succès d'une solution à deux États et la voie menant vers la paix.
[Français]
Il est clair que nous devons d'urgence construire une voie crédible pour parvenir à une solution à deux États dont le processus ne peut pas retarder indéfiniment la création d'un État palestinien.
En réponse à l'évolution de la situation sur le terrain, le représentant permanent du Canada auprès des Nations unies a indiqué, en mai de cette année, devant l'Assemblée générale des Nations unies, que le gouvernement du Canada était prêt à reconnaître l'État de Palestine au moment le plus propice à une paix durable, et pas nécessairement en tant qu'étape finale du processus.
[Traduction]
La reconnaissance d'un État ne nie pas le besoin criant d'avoir des négociations bilatérales entre les parties. Le gouvernement du Canada considère que l'on ne pourra résoudre les derniers grands enjeux de statut, comme le statut de Jérusalem, que par la négociation entre les parties concernées dans le contexte d'un accord de paix sur le statut final.
Par le passé, le Canada a joué un rôle dans la recherche d'une solution viable et exhaustive à ces enjeux. Il demeure prêt à soutenir de nouvelles négociations à l'avenir.
Le gouvernement croit aussi que la paix durable doit être régionale et inclure la pleine intégration d'Israël au Moyen‑Orient. Il a accueilli les accords d'Abraham comme une étape positive vers l'intégration d'Israël dans la région. Affaires mondiales Canada continuera à travailler avec la communauté internationale pour favoriser ces efforts, en n'oubliant pas le besoin d'Israël d'obtenir des garanties de sécurité à long terme.
Monsieur le président, l'enjeu que vous étudiez aujourd'hui mérite un examen minutieux et la compréhension de divers facteurs. J'espère que notre témoignage d'aujourd'hui vous aidera à cet égard.
C'est clair que la reconnaissance d'un État est une décision intrinsèquement politique pour l'exécutif politique, et j'ajouterais que cette décision ne se prend pas en vase clos par rapport à ce que font nos plus proches alliés.
Je signale que quand le gouvernement du Canada a reconnu l'État du Kosovo en 2008, il l'a fait après nos principaux alliés, et c'est aussi ce qu'ont fait nos partenaires du G7. Actuellement, aucun des principaux alliés du Canada et aucun de nos partenaires du G7 n'a reconnu l'État palestinien.
Je vais dire quelque chose avec lequel vous serez d'accord, je présume. L'allié le plus proche et l'allié le plus important du Canada en matière de relations bilatérales dans le monde, c'est les États‑Unis. Presque aussi importants, nous avons des alliés proches comme le Royaume‑Uni et la France, avec qui nous sommes liés par des traités comme le traité de l'OTAN. Nous avons aussi signé les accords du Groupe des cinq avec les États‑Unis et le Royaume‑Uni, avec qui nous avons aussi une collaboration étroite sur le plan militaire, de la formation avec les forces des uns et des autres, etc.
Quelles seraient les incidences ou les conséquences si le Canada reconnaissait l'État de Palestine avant nos partenaires du G7 ou de nos alliés militaires proches dans l'alliance euro‑atlantique?
Monsieur le président, ce ne serait évidemment que pure spéculation de ma part si je commençais à commenter une décision que le gouvernement n'a pas encore prise et des informations incomplètes sur ce que feraient nos partenaires et nos alliés aux vues semblables.
Ce que je peux vous dire, néanmoins, c'est que c'est un enjeu brûlant d'actualité, et pas seulement dans notre capitale. On en discute intensément dans la capitale des pays que vous avez nommés: la France, le Royaume‑Uni, l'Allemagne, quelques partenaires européens, l'Australie et la Nouvelle‑Zélande. Ces discussions sont très animées.
Bien sûr, je ne connais pas la teneur des discussions que tient l'équipe de transition qu'on met sur pied à Washington. Nous pouvons nous attendre à un certain nombre de changements dans la politique des États‑Unis sur le Moyen‑Orient.
Bien sûr, nous comparons nos notes. Nous nous parlons, et nous évaluons les diverses considérations avec un groupe de pays aux vues très semblables.
Le gouvernement du Canada sait‑il qu'il ne faut pas prendre une décision sur l'État palestinien sans tenir compte de ce que font nos principaux alliés?
Je pense qu'il est juste de dire que ce que les autres pays font et comment ils planifient leurs déclarations là‑dessus constituent une considération importante.
Notre principal objectif dans cette étude, c'est de nous assurer que tout le monde dans la région, peu importe les origines ethniques, la confession ou le fait qu'on se situe d'un côté ou de l'autre d'une frontière, vive en paix et en sécurité, ce qui revient exactement à parler d'une solution à deux États.
L'incertitude concernant la Palestine s'explique par le fait que ce n'est pas toute la communauté internationale qui l'a reconnue, malgré qu'il y ait actuellement 149 pays qui la reconnaissent, à ma connaissance.
Est‑ce que le fait que la communauté internationale n'a pas progressé vers la reconnaissance de la Palestine cause de l'incertitude et de l'instabilité dans cette région?
Je pourrais peut‑être le dire avec plus de précision.
Le manque actuel de reconnaissance a‑t‑il mené à un type de politique différentiel dans la façon dont le Canada voit les territoires palestiniens occupés, par rapport à notre façon d'agir si nous reconnaissions l'État de Palestine? Je pense, par exemple, aux tribunaux internationaux, aux organisations internationales comme l'UNESCO, etc.
Actuellement, le Canada ne reconnaît pas l'État palestinien. Par conséquent, à ce que je sache, nous ne respectons pas le statut des territoires palestiniens dans différentes instances.
Est‑ce que cette situation changerait si nous reconnaissions l'État de Palestine?
Oui. Bien entendu, la reconnaissance de cet État entraînerait des retombées — si je puis dire — relatives au statut de ce nouveau pays reconnu par le Canada.
Quelles seraient ces retombées, exactement? Nous avons tellement d'instruments internationaux nous liant à d'autres États qui sont négociés de façon bilatérale et qui font partie des accords internationaux. Je n'entends pas par là qu'on reconnaît un État du jour au lendemain et qu'il fait alors partie de tous les accords possibles dans la communauté internationale. Cela déclencherait...
Pouvez‑vous souligner des avantages stratégiques que nous gagnerions en reconnaissant l'État de Palestine, en particulier parce que nous sommes un pays du G7?
Toute décision qui serait prise... Je rappelle au Comité que l'objectif sous-jacent du gouvernement du Canada est de favoriser tous les gestes, toutes les négociations et toutes les prises de position qui mèneront à un règlement négocié entre les Israéliens et les Palestiniens.
C'est ce que la communauté internationale, dans son ensemble, vise à faire, en grande partie. Si le gouvernement choisissait d'actionner ce déclencheur, qui a toujours été un élément du contexte dans lequel s'inscrivent les négociations entre les parties, ce serait en guise d'incitatif, tel un coup de pouce pour encourager le dialogue et le retour à un cadre qui est en déclin constant depuis les Accords d'Oslo de 1993.
Nous avons plutôt assisté à un cycle de violence, à une expansion des colonies de peuplement en Cisjordanie et à un déni de l'existence de l'un et de l'autre dans une proportion de plus en plus forte, tant du côté israélien que du côté palestinien.
Il convient de se demander ce que les membres de la communauté internationale — et notre pays — doivent faire pour déclencher une réinitialisation, pour inciter les parties à s'asseoir à la table et à commencer à négocier de bonne foi et à revenir à un dialogue pacifique, plutôt qu'au vortex de violence que nous avons observé.
Je ne peux certes pas divulguer la teneur des conversations diplomatiques confidentielles qui ont pu avoir lieu. Je dirais qu'un certain nombre de pays aux vues similaires sont en train d'évaluer les mêmes concepts et de réfléchir au moment opportun pour reconnaître un État palestinien.
J'ajouterais toutefois que plusieurs pays de l'OTAN l'ont déjà fait. Il y a maintenant un total de 145 pays qui l'ont reconnu. Vous avez pu voir récemment que la Norvège, l'Espagne et l'Irlande ont été les derniers pays à se joindre à ce groupe.
En mai dernier, l'Assemblée générale des Nations unies a adopté une résolution par 143 voix en faveur, 9 voix contre et 25 abstentions, dont le Canada, dans laquelle l'Assemblée exprimait sa conviction que l'État de Palestine remplissait toutes les conditions requises pour devenir membre des Nations unies. Le précédent groupe de témoins a fait état de ces conditions. Le Canada a mentionné, dans un communiqué d'Affaires mondiales, plusieurs raisons pour justifier sa position relativement à son abstention. Curieusement, on y évoquait les colonies illégales et la violence des colons en Cisjordanie, qui augmente à un rythme alarmant et souvent en toute impunité; on y évoquait aussi le fait que Benyamin Netanyahou a clairement indiqué, tant dans ses paroles que dans ses actions, qu'il rejetait la solution à deux États.
Sur le fond, la Palestine remplit-elle les conditions pour être reconnue comme un État?
C'est une question extraordinairement complexe et je ne sais pas si elle a été posée à mes collègues du secteur juridique du groupe précédent. La décision politique qui revient au Canada de déterminer comment reconnaître, ou non, l'État de la Palestine n'est pas liée strictement à une liste de déclencheurs précis. Autrement dit, il se pourrait très bien que plusieurs indicateurs ou conditions ne soient pas encore remplis, mais qu'un geste politique décide d'aller en ce sens.
Curieusement, les raisons mentionnées par Affaires mondiales Canada semblaient plutôt justifier un vote en faveur, pourtant le Canada s'est abstenu. Récemment, le gouvernement du Canada a indiqué être disposé à reconnaître un État palestinien au moment le plus propice à une paix durable, même si celle-ci n'est pas la dernière étape vers la réalisation de la solution à deux États.
Compte tenu des arguments évoqués par Affaires mondiales Canada pour justifier son abstention sur la résolution de mai dernier, quel serait le moment propice pour reconnaître l'État de Palestine?
Je vais céder la parole à mon collègue, M. Arbeiter, dans une seconde.
D'abord, je dirais qu'il y a une importante distinction à faire entre l'adhésion aux Nations unies et la reconnaissance bilatérale nationale du Canada. Les éléments déclencheurs sont différents et les implications légales le sont aussi.
Cela, je le comprends très bien, mais la résolution portait sur le fait que la Palestine remplit toutes les conditions requises. Vous avez invoqué toute une série d'arguments qui semblaient plaider contre Israël pour justifier le fait qu'on ne reconnaissait pas que la Palestine remplissait toutes les conditions. Vous nous avez dit que le gouvernement vous disait qu'il était prêt à reconnaître l'État de Palestine au moment le plus propice. Quand sera le moment le plus propice? Maintenant qu'on a dressé la liste des trucs qui nous apparaissaient condamnables dans l'attitude de l'État d'Israël à l'égard de la Palestine, n'est-ce pas le moment de reconnaître l'État de Palestine?
Le moment le plus propice est le moment qui mènera aux plus grandes chances que cette décision, cette reconnaissance, contribue à un effort de paix. Quant au moment exact, je n'ai malheureusement pas de réponse à cette question.
Le projet de résolution aux Nations unies, en mai, était le cinquième qui portait sur des questions onusiennes relativement à la fonction de la délégation palestinienne au sein des Nations unies depuis 1974. Chaque fois, les projets de résolution visaient à ajouter des pouvoirs à la délégation. Cela ne portait pas nécessairement sur la question de la reconnaissance d'un État. Cette fois-ci, cela visait à ajouter des pouvoirs additionnels.
Merci beaucoup d'être ici aujourd'hui et de nous faire profiter de votre expertise.
Je veux d'abord rappeler au Comité qu'il y a 145 pays, y compris bon nombre de nos alliés, qui ont reconnu la Palestine. Je ne voudrais certainement pas laisser entendre que l'Espagne, la Norvège et l'Irlande ne sont pas des alliés.
Je tiens également à rappeler au Comité que lorsque le Statut de Rome est entré en vigueur, les États-Unis ne l'ont jamais ratifié. Bien qu'ils soient toujours notre principal partenaire commercial et, bien sûr, notre principal allié, le Canada a l'habitude de prendre des décisions et des mesures qui ne correspondent pas à celles des États-Unis. Nous n'avons pas de politique étrangère commune. Nous avons notre propre souveraineté et nous pouvons prendre nos propres décisions. Je tenais à ce que ce soit très clair.
L'une des choses dont j'aimerais parler, c'est le droit de retour des Palestiniens.
J'ai soulevé cet enjeu auprès du ministre il y a plusieurs mois. Il n'a pas été en mesure de répondre à ma question à ce moment‑là. Les événements récents ont exigé une réaction de toute urgence. Les Forces israéliennes de défense ont maintenant déclaré ouvertement — nous l'avons vu dans des articles publiés au cours des derniers jours — que les Palestiniens du Nord de Gaza ne seront pas autorisés à rentrer chez eux, ce qui montre clairement qu'il s'agit d'une opération de déplacement forcé et de purification ethnique. Non seulement ce déplacement systématique permet‑il de voler des terres aux Palestiniens, mais il mine toute perspective d'un éventuel État viable en Palestine.
Que fait le Canada pour condamner cette violation flagrante du droit international? Affaires mondiales Canada est‑il prêt à dénoncer cette politique, ou resterons-nous les complices silencieux de ce vol de terres et de cette purification ethnique qui continuent de façonner la réalité sur le terrain?
C'est un thème récurrent à ce comité. Comme la députée m'a déjà entendu le dire à plusieurs reprises, on ne peut pas prendre à la légère la démarche juridique qui permettra de déterminer si les faits dénoncés et reprochés répondent effectivement à la définition juridique applicable. Ce n'est pas quelque chose qui peut se faire rapidement ou au moyen de simples déclarations politiques. Il faut constituer un ensemble de preuves, ce qui peut prendre un certain temps.
Pour que les choses soient bien claires, nous avons des citations directes de représentants israéliens. Par exemple, le brigadier-général Cohen a récemment indiqué que les Palestiniens déplacés du Nord de Gaza ne seront pas autorisés à rentrer, ce qui les prive de leur droit de retourner chez eux en vertu du droit international, et notamment de l'article 49 de la quatrième Convention de Genève.
Nous n'avons pas besoin de nous pencher sur la situation, car c'est ce qu'ils ont dit. C'est très clair.
La première, c'est que si un élément d'un gouvernement prétend quelque chose, cela ne signifie pas nécessairement que l'ensemble du gouvernement abonde dans le même sens.
J'ajouterais que le retour des réfugiés palestiniens est l'une de ces questions liées au statut final que la communauté internationale a toujours reconnues comme devant faire l'objet de négociations entre les Israéliens et les Palestiniens.
Je parlais des réfugiés palestiniens à la suite du partage de la Palestine, et non des Palestiniens qui ont été déplacés dans le cadre du conflit actuel.
Si nous parlons des Palestiniens qui ont été déplacés hors de Gaza en raison du conflit actuel, il n'y a aucun doute qu'ils devraient pouvoir rentrer chez eux. C'est une position claire qui a été articulée publiquement à plusieurs reprises par le gouvernement.
S'il est question du retour des réfugiés palestiniens qui sont déplacés depuis des générations, c'est précisément et par définition l'un des enjeux liés au statut final qui doit faire l'objet de négociations, même sous le régime des Accords d'Oslo, directement entre les Palestiniens et les Israéliens.
C'est sur la possibilité d'une paix juste et durable que j'ai commencé à poser des questions à la dernière séance, et je vous remercie d'avoir articulé le tout, en même temps que la position de longue date du Canada et son soutien à l'égard de la solution à deux États.
Une paix juste et durable doit assurer la dignité et la sécurité de tous. Convenez-vous avec moi qu'une paix semblable doit absolument pouvoir bénéficier de l'appui de la population, tant au sein de l'État d'Israël que parmi le peuple palestinien?
Je dirais que les citoyens qui vivent en Israël et en Palestine doivent se retrouver dans l'accord final qui sera négocié afin de pouvoir s'en inspirer et vraiment croire qu'il s'agit d'une paix juste et durable.
Dans votre déclaration préliminaire, vous avez expliqué la position du Canada, qui remonte aux années 1940 et à la création de l'État d'Israël, en nous indiquant où le Canada s'est situé tout au long de cette période. Je suis encouragé par le fait que ce problème se pose également dans les capitales de nos plus proches alliés. Je présume que la décision sur le moment qui conviendra pour la reconnaissance de l'État est prise — et c'est essentiellement ce que vous avez dit — de pair avec nos alliés.
Au fil du temps, la volonté du Canada de faire intervenir son poids — pas directement au sein de l'État d'Israël, mais pour ce qui est des considérations politiques — a‑t‑elle également tenu compte de ses relations avec ses plus proches alliés?
Encore une fois, on a demandé au Canada de devancer ses plus proches alliés, alors que la position et le poids du Canada au Moyen-Orient me semblent avoir pris du recul au gré des ans, même par rapport aux années 1940, pour une foule d'autres raisons. Si nous allions effectivement de l'avant sur ce tableau, est‑ce que cela augmenterait la probabilité que nos alliés nous voient d'un bon œil, ou notre gouvernement devrait‑il faire preuve de plus de prudence, même s'il y a unanimité sur le fait que l'État de Palestine devrait être reconnu à un moment ou à un autre, toujours dans le but d'en arriver à cette paix juste et durable?
Je dirais qu'il y a une distinction importante entre le fait d'agir de concert avec des alliés aux vues similaires et la renonciation à notre souveraineté en matière de politique étrangère.
Si nous prenions des engagements seulement lorsque d'autres en font autant, nous renoncerions en quelque sorte à la possibilité pour nous d'agir de façon indépendante. Comme vient de le dire l'une de vos collègues, nous avons une politique étrangère autonome et nous pouvons choisir d'agir selon nos propres valeurs et objectifs.
Cela dit, je rappelle que l'une des considérations importantes est effectivement de savoir... Si le gouvernement choisit d'emprunter cette voie, il serait primordial d'évaluer ce que font les autres pour déterminer s'il est préférable d'agir seul, plutôt qu'avec un certain nombre de pays.
Ma première question porte sur le droit international.
Y a‑t‑il quelque chose qui empêcherait aujourd'hui le gouvernement du Canada d'annoncer qu'il reconnaît l'État palestinien, si c'est ce qu'il décide de faire?
Notre spécialiste juridique était ici il y a quelques minutes. Je ne sais pas si cette question lui a été posée. Si c'est le cas, je pense qu'il aura répondu ne pas croire que, d'un point de vue juridique, il y ait des restrictions à cet égard.
Comme on l'a déjà mentionné, si je ne m'abuse, la reconnaissance d'un État est une décision politique qui peut être déclenchée par l'entremise des processus décisionnels habituels de notre système politique, puis communiquée à l'extérieur en utilisant... Je pense que quelqu'un a parlé tout à l'heure d'une lettre et d'un microphone.
D'un point de vue juridique, je ne pense donc pas qu'il y ait de restriction.
Le gouvernement du Canada convient‑il qu'aucun pays ne devrait avoir le droit de veto sur la reconnaissance d'un autre État, que ce soit par le Canada ou par un autre pays?
Je suis d'accord avec l'esprit de cette déclaration, mais je dois insister sur le fait qu'en tant que gouvernement, nous n'avons le contrôle que sur les décisions que nous pouvons prendre et les déclarations que nous pouvons faire. Dans le cas de la reconnaissance d'un autre État, c'est la raison pour laquelle cela se résume vraiment à cette décision politique et à la façon dont nous nous prononçons.
Autrement dit, nous ne pouvons pas inciter ou obliger d'autres pays à exercer leurs propres pouvoirs souverains de telle ou telle manière.
Les professeurs Mark Kersten et Ardi Imseis ont indiqué au Comité permanent des affaires étrangères et du développement international de la Chambre des communes que le droit à l'autodétermination est un droit fondamental et inaliénable qui ne peut être assujetti à quoi que ce soit, c'est‑à‑dire qu'il ne peut pas être conditionnel à des réformes de la gouvernance palestinienne ou à des négociations fructueuses avec Israël.
Le gouvernement du Canada est‑il d'accord pour dire que le droit à l'autodétermination ne peut pas être assorti de conditions?
Nous pourrions traiter de définitions juridiques qui dépassent un peu mon domaine d'expertise, alors je ne veux pas faire de commentaires précis à ce sujet, mais je peux répéter que le gouvernement canadien estime, et ce, depuis très longtemps, que les Palestiniens ont le droit à l'autodétermination.
En juillet dernier, les dirigeants du G7 ont souligné l'importance de la stabilité économique de la Cisjordanie, et ils ont appelé Israël à remettre à l'Autorité palestinienne les recettes douanières retenues depuis nombre d'années, compte tenu de ses besoins budgétaires urgents, et de supprimer ou d'assouplir d'autres mesures, afin d'éviter d'aggraver davantage la situation économique en Cisjordanie. Cela s'ajoute aux autres reproches que le Canada a évoqués en justification de son abstention à la résolution qui a été adoptée par l'Assemblée générale des Nations unies.
Je parle de l'inaction. Le fait de simplement condamner le gouvernement israélien par des paroles n'a pas empêché que nous en arrivions à la situation présente.
N'est-il pas temps de hausser le ton? La reconnaissance de l'État de Palestine ne devrait-elle pas constituer l'un des gestes à poser justement pour signifier l'impatience du Canada relativement à toutes ces violations que nous évoquons depuis tout à l'heure?
D'accord. Je vous remercie de cette clarification.
Vous posez une question qui est éminemment politique.
Comme je l'ai expliqué plus tôt, notre rôle est vraiment de donner des conseils, notamment sur les tenants et les aboutissants, le pour et le contre. La décision du moment relève du gouvernement, et c'est à lui de prendre cette décision.
Je dirais simplement que les paroles sont importantes, surtout quand un grand nombre de pays s'unissent pour prononcer les mêmes paroles. Je ne diminuerai pas nécessairement la pression que peut représenter le fait que tous les pays du G7 se prononcent, par exemple, sur la libération des fonds qui sont préservés par le gouvernement israélien, alors qu'ils appartiennent à l'Autorité palestinienne.
Encore une fois, je remercie les témoins de leur présence.
Monsieur Lévêque, j'aimerais simplement obtenir des éclaircissements de votre part en ce qui concerne la position du gouvernement du Canada.
Vous êtes bien sûr au fait de la décision de la Cour internationale suivant laquelle l'occupation de ces territoires est bel et bien illégale.
Le Canada a conclu un accord de libre-échange avec Israël. Je me demande quelles seraient les conséquences pour le gouvernement canadien si nous reconnaissions la Palestine. Y a‑t‑il d'autres mesures qui devraient être prises en ce qui concerne cet accord commercial, étant donné que, d'ores et déjà, nous ne respectons pas le droit international en maintenant l'application d'un accord de libre-échange qui exige explicitement le respect des droits de la personne alors même qu'il est manifeste que des violations sont commises à ce chapitre?
C'est en fait une question très importante. Je ne veux pas éluder le sujet, mais je préférerais m'abstenir de répondre en raison des considérations juridiques liées à l'interprétation de tout cela. Je ne suis pas un avocat spécialisé en politique commerciale. Les répercussions de cet accord de libre-échange et la façon dont cela pourrait se traduire pour un nouvel État de Palestine sont trop importantes et trop techniques pour que je puisse faire des commentaires sans pouvoir m'appuyer sur une base suffisamment solide.
J'aimerais pouvoir vous répondre ultérieurement sur ce sujet d'une grande importance.
Monsieur Lévêque, j'ai une dernière question, si vous me le permettez.
Vous avez laissé entendre dans votre témoignage que vous avez certains échanges avec nos amis et alliés quant à la possibilité de reconnaître l'État de Palestine. Un autre témoin nous a dit que le Japon, la France et le Royaume-Uni tiennent actuellement ce qui pourrait s'apparenter à des audiences ou des études pour déterminer s'il serait approprié de le faire. Cependant, lorsque M. Zuberi vous a posé une question à ce sujet, je n'ai pas vraiment entendu de réponse de votre part.
Je me demande si vous pouviez vérifier si le Japon, la France et le Royaume-Uni font quelque chose du genre en ce moment pour examiner cet enjeu et la faisabilité de promouvoir ainsi la paix. Si vous pouviez nous indiquer si l'un de ces trois pays ou un autre État européen examine la question, nous vous serions très reconnaissants de nous le faire savoir par écrit au cours de la prochaine semaine.
Je peux vous dire d'emblée qu'à ma connaissance, aucun exercice public comme celui que vous menez au sein de ce comité n'a lieu dans l'un ou l'autre de ces pays. Il va cependant de soi que mes homologues au ministère des Affaires étrangères des pays en question, en bons planificateurs des politiques publiques et fonctionnaires de l'État qu'ils sont, ont des réflexions très semblables à celles que nous avons en ce moment.
Je vais toutefois faire quelques recherches pour déterminer si une partie de ces réflexions s'inscrivent dans un cadre public comme celui de ce comité, et je vous ferai part de mes constats.
Encore une fois, je vous remercie de toujours vous mettre à notre disposition, messieurs Lévêque et Arbeiter. Nous vous sommes très reconnaissants du temps que vous nous avez accordé.
Chers collègues, nous avons un dernier point budgétaire à régler avant de partir.
Plaît‑il au Comité d'adopter le budget supplémentaire proposé de 3 000 $ pour l'étude de la contribution du Canada à la promotion d'une solution à deux États?