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INAN Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent des affaires autochtones et du Nord


NUMÉRO 105 
l
1re SESSION 
l
42e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 1er mai 2018

[Enregistrement électronique]

(1535)

[Traduction]

    Je souhaite la bienvenue à tout le monde.
    Le Comité permanent des affaires autochtones et du Nord se réunit en ce jour historique. Nous discutons aujourd'hui du projet de loi C-262, Loi visant à assurer l'harmonie des lois fédérales avec la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones.
    Nous nous trouvons dans une salle relativement neuve, mais nous sommes toujours sur le territoire non cédé du peuple algonquin. Le passé est toujours bien vivant, et nous devons comprendre ce qui s'est véritablement passé avant de parler de réconciliation. Nous avons fait le premier pas.
    Voici comment les choses vont se passer: vous aurez 10 minutes pour présenter votre exposé. Je vais vous donner deux avertissements, le premier, très subtil, et le deuxième plus explicite, lorsque vous approcherez de la limite. Donc, regardez de temps en temps dans ma direction pour savoir où vous en êtes. Une fois les exposés terminés, nous allons passer à la période de questions avec les députés ici présents afin que nous puissions encore mieux tirer parti de votre sagesse.
    Nous allons commencer par le Congrès des Peuples Autochtones.
    Bonjour, Robert. Bienvenue.
    Madame la présidente Mihychuk, madame la vice-présidente McLeod, monsieur le vice-président Saganash, messieurs et mesdames les membres du Comité, mesdames et messieurs les représentants et chers invités, je suis le chef national Robert Bertrand du Congrès des Peuples Autochtones.
    Je suis heureux d'être ici avec vous aujourd'hui et je tiens à souligner que nous nous trouvons sur le territoire ancestral non cédé du peuple algonquin.

[Français]

     Les enseignements et la sagesse de nos ancêtres sont essentiels pour guider notre travail et nos discussions d'aujourd'hui.

[Traduction]

    Je souhaite féliciter le député Romeo Saganash du NPD de son dévouement et de sa persévérance quant à la promotion du projet de loi C-262 et j'aimerais applaudir le gouvernement libéral d'avoir accordé son plein soutien à un projet de loi crucial. Le fait d'inscrire les principes établis dans la Déclaration des Nations unies dans le droit canadien est un pas de géant vers la réconciliation et la protection des droits individuels et collectifs de la personne de tous les peuples autochtones au Canada.
    Depuis plus de 47 ans, le Congrès des Peuples Autochtones s'évertue à défendre les droits et les besoins des Autochtones hors réserve, autant les Indiens inscrits que les Indiens non inscrits, des Métis et des populations inuites du Sud, dont la majorité vit en milieu urbain, dans des collectivités rurales et dans les régions éloignées. Le Congrès des Peuples Autochtones est aussi le porte-parole national de ses 11 organismes provinciaux et territoriaux affiliés, qui nous permettent de voir directement quels sont les priorités et les besoins des personnes que nous servons.

[Français]

    D'un océan à l'autre, les affiliés provinciaux et territoriaux du Congrès des peuples autochtones jouent un rôle de premier plan quand il s'agit de nous fournir un accès direct aux besoins et aux intérêts de nos concitoyens.

[Traduction]

    Depuis que le Canada a donné son plein appui à la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones, notre peuple s’interroge sur ce que cela veut dire, sur les impacts de la Déclaration et sur l’avenir qui les attend à présent. Au cours de la même période, nous avons aussi constaté les efforts déployés par le Canada pour faire avancer la réconciliation, comme la mise en œuvre des 94 appels à l’action de la Commission de vérité et de réconciliation et l’établissement d’une nouvelle relation avec les peuples autochtones fondée sur la reconnaissance et la mise en œuvre des droits autochtones.
    Nous sommes citoyens de ce pays et nous en sommes venus à reconnaître qu’une véritable réconciliation, entre tous les peuples autochtones, les Canadiens non autochtones et tous les ordres du gouvernement, est nécessaire pour que nous puissions aller de l’avant tous ensemble. Malheureusement, il semble que le gouvernement a choisi d’adopter une approche axée sur la différence et n’a étendu ses efforts qu’à une partie des cinq organisations autochtones nationales qu'il reconnaît, en ce qui a trait à la nouvelle relation entre le Canada et les peuples autochtones et à sa vision pour la réconciliation.
    Sous l’apparence de la réconciliation, cette approche révèle clairement la volonté du gouvernement fédéral de simplifier ses interactions politiques avec les peuples autochtones, ce qui est susceptible de créer une culture d’exclusion, de division et d’inégalité. On pourrait même aller jusqu’à dire que cette approche perpétue la concurrence que se livrent les groupes autochtones, les collectivités et les familles pour obtenir des avantages sociaux, politiques et économiques. À l’instar de la Loi sur les Indiens, qui a établi les critères d’admissibilité définissant les Indiens inscrits comme étant les seuls véritables Autochtones au Canada à toutes fins de politique publique, le Canada continue de justifier cette relation axée sur l’exclusion par des politiques publiques et des lois.
    Qui sont les Indiens non inscrits? Voilà une question que le gouvernement fédéral continue de poser. Il s’agit d’une catégorie identitaire créée de toutes pièces par le gouvernement qui a été, essentiellement, imposée de force aux Autochtones. Selon le recensement de 2016, les Indiens non inscrits — environ 232 000 Autochtones — représentent près du quart des Premières Nations au Canada.
    Beaucoup de nos membres sont sceptiques; ils ne croient pas que la Déclaration ou le projet de loi C-262 aura un impact important, étant donné que leur voix a été largement ignorée sur la scène politique et dans l'élaboration des politiques les visant de façon concrète.
    Il va sans dire que les droits inhérents établis dans la Déclaration des Nations unies ne sont ni exclusifs ni limités aux Indiens inscrits ou aux peuples autochtones reconnus par le gouvernement fédéral qui vivent dans les réserves, par exemple dans l'Inuit Nunangat ou la colonie de la Rivière-Rouge.
(1540)
    Le Canada doit cesser de prendre des décisions unilatérales au nom des Indiens non inscrits et des Autochtones vivant en milieu urbain. Ce genre de pratique va directement à l'encontre des droits fondamentaux de la personne prévus dans la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones.
    Nos mandants sont les citoyens canadiens les plus vulnérables et les plus marginalisés de tous les citoyens canadiens. Le gouvernement continue de les oublier, tout comme on les oublie dans les lois. En 1972, le secrétaire d’État du gouvernement du Canada avait présenté au Cabinet une note confidentielle selon laquelle le Canada était parfaitement au courant du fait que les Métis et les Indiens non inscrits étaient exposés à beaucoup plus de discrimination et de troubles sociaux que les autres citoyens canadiens et qu'ils étaient les plus désavantagés de tous. Les conditions dans lesquelles ils vivaient étaient jugées intolérables selon les normes de la société canadienne. Maintenant, plus de 45 ans plus tard, nous devons nous demander pourquoi la situation n’a pas changé.
    Pendant des années, les gouvernements fédéral et provinciaux du Canada ont refusé d’admettre qu’ils exerçaient une autorité législative sur les Métis et les Indiens non inscrits. Le gouvernement fédéral s’est justifié en citant le paragraphe 91(24) de la Constitution, disant qu’il ne lui était pas permis d’intervenir, et les gouvernements provinciaux, pour leur part, ont déclaré que la question relevait du fédéral. La Cour suprême du Canada a même déclaré que bon nombre de Métis et d’Indiens non inscrits « se retrouvent donc dans une sorte de désert juridique sur le plan de la compétence législative, situation qui a des conséquences défavorables importantes et évidentes ». Le juge Michael Phelan a reconnu que le fait, d’être privés des programmes, des services et des avantages non tangibles que tous les gouvernements reconnaissent comme étant nécessaires, avait causé des dommages collatéraux à un grand nombre de Métis et d’Indiens non inscrits.
    En 1999, le CPA a tenté de régler directement une impasse sur un sujet crucial en lançant une poursuite judiciaire; c'est l'affaire Daniels c.  Canada. Le 14 avril 2016, après une lutte judiciaire de 17 ans, la Cour suprême a rendu une décision unanime dans cette affaire. Elle a déclaré que les Métis et les Indiens non inscrits sont des Indiens visés au paragraphe 91(24) de la Loi constitutionnelle de 1867. Ce jugement historique est venu confirmer que le Canada est responsable, en vertu de la Constitution, du sort des Métis et des Indiens non inscrits, et qu'il entretient avec eux, tout comme avec les Indiens inscrits, une relation de nature fiduciaire. Le gouvernement a, en outre, le devoir de les consulter et de négocier avec eux au sujet de questions les concernant.
    Dans l'arrêt Daniels de la Cour suprême, la juge Rosalie Abella a déclaré ce qui suit:
À mesure que le rideau continue de se lever sur l’histoire des relations entre le Canada et ses peuples autochtones, de plus en plus d’iniquités se font jour et des réparations sont instamment réclamées. Bon nombre de ces révélations ont donné lieu à des politiques et à des mesures législatives prises de bonne foi, mais la liste des désavantages pour les peuples autochtones demeure obstinément longue. Le présent pourvoi représente un autre chapitre dans la quête de réconciliation et de réparation à l’égard de ces relations.
    L'arrêt Daniels, combiné à l'application de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones dans le droit canadien, a le potentiel de transformer la relation entre le Canada, les Métis et les Indiens non inscrits et d'aider à façonner le cadre de nos futures relations, y compris la nouvelle loi qui va reconnaître et mettre en oeuvre les droits des Autochtones et aidera le gouvernement à tenir ses engagements à l'égard de la réconciliation avec les peuples autochtones.
    Cela fait maintenant deux ans depuis l'arrêt de la Cour suprême, et le Canada n'a toujours rien fait par rapport à l'arrêt Daniels dans ses interactions avec le CPA. Notre organisation, et, par extension, les voix des Métis et des Indiens non inscrits, continuent d'être exclus des discussions cruciales que tient le gouvernement du Canada et qui peuvent avoir un impact sur nos droits et sur la vie de nos mandants.
    Aux termes du projet de loi C-262, le gouvernement fédéral devra prendre toutes les mesures nécessaires pour s'assurer que les lois canadiennes sont en harmonie avec la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones et développer un plan national à cette fin en discutant et en coopérant avec les peuples autochtones.
    Voilà qui conclut mon exposé aujourd'hui.
(1545)

[Français]

     Merci beaucoup. Meegwetch.

[Traduction]

    Merci.
    La parole va maintenant à M. Todd Russell, président du Conseil communautaire de NunatuKavut.
    Merci, madame la présidente. Je vous souhaite bonjour, à vous, aux vice-présidents et aux honorables membres du Comité ici présents.
    Je tiens tout spécialement à saluer Mme Yvonne Jones, que je connais très bien, puisqu'il s'agit de ma députée ainsi que d'une lointaine parente. Nous nous connaissons, étant donné que nous sommes tous les deux Autochtones canadiens. Nous connaissons nos familles respectives ainsi que leurs histoires, leurs amours, leurs désirs et leurs besoins. On oublie parfois ce détail particulier, le fait que les gens des nations autochtones sont très proches. C'est un fait important qu'il faut garder à l'esprit lorsque nous discutons de questions importantes pour nous.
    Je m'appelle Todd Russell. Je suis Inuit, et fier de l'être. Je représente aujourd'hui le Conseil communautaire de NunatuKavut ainsi que les Inuits du Sud.
    Avant tout, je veux souligner que nous nous trouvons sur les territoires ancestraux non cédés du peuple algonquin. C'est une phrase qu'on entend couramment. Pour certains, ce ne sont peut-être que de simples mots, mais c'est un fait, qui a un sens profond que l'on retrouve en partie dans le projet de loi C-262.
    D'une part, il est important de reconnaître ce fait, mais il est tout aussi important, d'autre part, de savoir avec qui on discute. Lorsque je m'adresse à vous, je m'adresse à vous au nom des Inuits du Sud, et cela vient colorer la façon dont j'aborde le projet de loi C-262. NunatuKavut veut dire « notre terre ancestrale ». C'est le territoire des Inuits du Sud qui vivent principalement dans les régions du Sud et du Centre du Labrador. Notre peuple vit sur ses terres ancestrales depuis bien avant l'arrivée des premiers Européens. Comme en ces temps reculés, et malgré des siècles de colonisation, il existe toujours un lien étroit entre nous, la terre, la mer et la glace du NunatuKavut, notre territoire.
    Même si nous n'avons jamais cédé nos droits sur notre terre ni nos titres de propriété, le gouvernement du Canada n'a jamais pleinement respecté nos droits, et il n'a pas non plus respecté ses obligations constitutionnelles de reconnaître et de protéger ce que nous sommes et le territoire que nous occupons. On a souvent fait fi de nos préoccupations au profit des projets d'exploitation des ressources sur notre territoire, et, après des décennies d'efforts, nous nous attendons encore que le gouvernement du Canada accepte enfin notre revendication aux fins de négociation.
    Le projet de loi C-262 est une occasion pour nous de nous défaire de cette relation coloniale et d'inscrire nos droits territoriaux dans une loi afin qu'ils soient reconnus et protégés.
    Regardons tous ensemble l'objet du projet de loi C-262.
    Je veux remercier M. Romeo Saganash, député d'Abitibi—Baie-James—Nunavik—Eeyou, d'avoir déposé ce projet de loi. Ce projet de loi vise à assurer l'harmonie de toutes les lois fédérales avec les principes de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, comme cela est décrit à l'article 4 du projet de loi.
    Mais, concrètement, qu'est-ce que cela veut dire? En décembre 2017, M. Saganash a fourni quelques précisions sur l'objet du projet de loi en recommandant qu'il soit renvoyé au Comité. Voici ce qu'il a dit:
Le projet de loi C-262 nous permettrait aussi de commencer à redresser les torts et les injustices du passé qui ont été infligés aux Autochtones. C'est le principal objectif du projet de loi C-262, c'est-à-dire de reconnaître, d'un côté, qu'il s'agit de droits de la personne, et de l'autre, de commencer à redresser les injustices du passé qui ont été infligés aux Premières Nations du Canada.
Le cadre législatif que je propose avec le projet de loi C-262 fait partie des mesures que nous pouvons prendre pour faciliter la réconciliation. Je n'ai pas besoin de rappeler aux députés que le monde a les yeux tournés vers nous.
    Même si nous appuyons le projet de loi et ses objectifs, une grande incertitude plane toujours sur ses effets concrets et la façon dont sa mise en oeuvre va toucher les Inuits que je représente. Nous doutons également que les mesures prévues dans le projet de loi soient suffisantes aux fins de la reconnaissance, de la protection et de la mise en oeuvre des droits des peuples autochtones. Malgré tout, il est encourageant de voir que le gouvernement du Canada est en faveur du projet de loi.
    Je veux souligner ce que Mme Yvonne Jones, secrétaire parlementaire du ministre des Affaires autochtones et du Nord Canada, a dit en faveur du projet de loi lors de la deuxième lecture. Voici:
Le projet de loi C-262 propose d'amorcer un dialogue et d'élaborer un plan d'action pour veiller à ce que les lois fédérales soient compatibles avec la Déclaration. Une telle approche serait cohérente avec d'autres processus en cours, y compris l'examen de lois, de politiques, de pratiques de fonctionnement et de mécanismes bilatéraux permanents qui sont en place.
(1550)
    Il est clair que l'objectif du gouvernement est de favoriser le dialogue, de faciliter tout le processus et de promouvoir un plan d'action visant à assurer l'harmonie des lois canadiennes avec la Déclaration des Nations unies et que les lois canadiennes soient, concrètement, en harmonie avec les engagements pris par le Canada à l'égard de la Déclaration.
    Il y a encore beaucoup à faire à ce chapitre, des choses qui seront irréalisables sans collaboration. Les Premières Nations de tout le Canada doivent être des partenaires et participer aux discussions sur les grandes modifications législatives et stratégiques qui vont avoir un effet profond sur les Autochtones. Les Inuits du NunatuKavut doivent participer au processus et être traités d'égal à égal par le gouvernement fédéral.
    Le projet de loi doit aussi être examiné à la lumière des appels à l'action de la Commission de vérité et réconciliation, lesquels concernent directement la Déclaration. À dire vrai, le projet de loi a été élaboré en réaction directe à l'appel à l'action no 43. Le gouvernement fédéral s'est engagé sans ambiguïté à mettre en oeuvre ces appels à l'action, et la mise en oeuvre de la Déclaration est un élément crucial de ce processus.
    La Commission de vérité et réconciliation voit la réconciliation comme le fondement des relations. Voici le premier des 10 principes de la Commission: « La Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones est le cadre pour la réconciliation à tous les niveaux et dans tous les secteurs de la société canadienne. »
    Selon moi, ce projet de loi ne sera pas efficace tant qu'il n'y aura pas de plan détaillé pour sa mise en oeuvre. Pour paraphraser le grand chef Willie Littlechild, l'un des artisans de la Déclaration et l'un des auteurs du rapport de la Commission de vérité et réconciliation, pour atteindre ces objectifs, nous devons avoir une vision claire, une voie bien tracée et un plan cohérents.
    Quelle incidence aura le projet de loi C-262? Je trouve important de souligner que le projet de loi C-262 ne crée aucun nouveau droit pour les Autochtones. Les droits des peuples autochtones établis dans la Déclaration existent déjà dans le droit canadien; il s'agit de droits inhérents, reconnus et confirmés par l'article 35 de la Constitution.
    Cependant, le projet de loi C-262 crée une obligation positive selon laquelle le Canada doit veiller à ce que les lois — autant les lois en vigueur que les nouvelles — doivent être en harmonie avec les droits autochtones, et il précise la façon dont le gouvernement doit respecter ces droits dans son processus décisionnel. En d'autres mots, le projet de loi oblige le gouvernement fédéral ainsi que les provinces à respecter la promesse faite à l'article 35 de la Constitution.
    La capacité des groupes autochtones de contester des lois ou des projets qui sont préjudiciables à leurs droits varie d’un groupe à l’autre. Les peuples autochtones et les Inuits que je représente en particulier peuvent et doivent jouir de l'autonomie gouvernementale et prendre les décisions qui touchent leurs terres.
    Cela a déjà été reconnu par la Cour suprême du Canada. Dans l'arrêt Tsilhqot'in, la Cour a conféré le titre de terres ancestrales à plus de 1 700 kilomètres carrés de terres. Cependant, la Cour a également déclaré que les intérêts des groupes autochtones doivent être conciliés avec l'intérêt public général. Le projet de loi C-262 ne modifie pas nécessairement ce principe, mais il le renforce.
    Le consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause qui est défini aux articles 19 et 32 de la Déclaration, concerne l’autonomie gouvernementale. Contrairement à certaines personnes, nous ne croyons pas que cela revient à offrir aux Autochtones un droit de veto. Le Comité devrait s’interroger sur les raisons qui poussent certaines personnes à utiliser ce genre de vocabulaire péjoratif lorsqu’il est question du consentement libre, préalable et éclairé pour décrire le processus décisionnel et l’autonomie gouvernementale des peuples autochtones. En réalité, ces dispositions réitèrent l’exigence selon laquelle le Canada doit respecter les obligations existantes de consulter les peuples autochtones, de coopérer avec eux et de prendre des décisions adaptées à leur réalité. L’objectif sous-jacent est d’obtenir le consentement des peuples autochtones pour les activités qui ont une incidence sur nos terres et nos ressources ou lorsqu’un projet de loi nous touche.
    En plus de préciser les situations où il convient d'obtenir un consentement, la Déclaration clarifie aussi la nature du consentement recherché: les peuples autochtones doivent consentir sans y être contraints, avant que les décisions relatives au projet soient prises et à la lumière des meilleurs renseignements accessibles.
    Les critères du consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause peuvent varier selon le contexte et peuvent être influencés par les négociations et les discussions qui se poursuivent entre nos nations. Comme nous l'avons vu récemment, en omettant de mettre en oeuvre la Déclaration et d'harmoniser nos lois en conséquence, on s'expose à des conséquences très négatives. Un exemple patent serait le projet de Muskrat Falls, sur notre territoire.
    Une fois le projet de loi C-262 adopté, le gouvernement ne doit pas continuer de suivre sans rien modifier les politiques et les procédures existantes en ce qui concerne la reconnaissance de nos droits.
    Je n'en ai que pour une minute encore.
(1555)
    Le gouvernement fédéral a reconnu que sa politique sur les revendications territoriales globales ne répond pas de façon satisfaisante aux besoins de tous les peuples autochtones et n’est pas adaptée à leur réalité. Même si je suis optimiste quant au Cadre de reconnaissance et de mise en oeuvre des droits dont on vient de faire l'annonce, nous comptons surveiller de près la façon dont il sera appliqué.
    Nos interactions avec le gouvernement fédéral relativement à l'acceptation de notre revendication aux fins de négociation représentent une étape concrète et importante. Cela témoigne encore une fois de l’engagement du gouvernement à honorer les principes de la Déclaration, et nous nous attendons à ce que les efforts de négociation concernant l'acceptation de nos revendications territoriales et les négociations connexes se poursuivent d’une façon adaptée aux besoins et à la position unique de notre peuple.
    Merci. Je crois que c'est le bon moment pour conclure.
    On sait que les députés peuvent parfois s'éterniser, et, même si M. Russell n'est pas député... Je ne visais pas Romeo en particulier, mais...
    Commençons la période de questions par le député Will Amos.
    Puisque vous avez soulevé le sujet des anciens députés, j'aimerais souhaiter la bienvenue à tous nos invités et souligner tout spécialement que M. Bertrand, le chef national, est aussi un ancien député; et ancien secrétaire parlementaire ainsi qu'un de mes électeurs.
    J'allais le mentionner.
    C'est une situation intéressante. Je suis très fier d'être ici devant vous, monsieur Bertrand.
    J'aimerais vraiment que vous nous aidiez à comprendre comment vous aimeriez renforcer l'engagement de notre gouvernement. Dans votre témoignage, vous avez dit que le Congrès des Peuples Autochtones croit que ses interactions avec la Couronne sont inadéquates. Je ne sais pas si vous parliez uniquement de la Couronne fédérale, ou si vous visiez également les gouvernements provinciaux.
    Pouvez-vous nous dire précisément quels aspects vous aimeriez renforcer ainsi que ce qui pourrait être amélioré, selon le CPA?

[Français]

    Je vous remercie beaucoup de votre question, monsieur Amos. Si vous me le permettez, je vais répondre en français.
    Comme je l'ai mentionné dans mon allocution, la décision rendue en avril 2016 par les neuf juges de la Cour suprême était unanime. En gros, cette décision disait que tous les Autochtones vivant à l'extérieur d'une réserve étaient maintenant considérés comme des Indiens selon la définition de 1867.
    À la suite de cette décision, nous avons rencontré le gouvernement à deux ou trois reprises. Si je me souviens bien, nous avons eu une rencontre ici, à Ottawa, au mois de mars suivant l'arrêt dans la cause Daniels. Nous avons invité plusieurs personnes à cette réunion. La grande majorité d'entre elles étaient des membres du Congrès des peuples autochtones. Nous avons invité un éventail de personnes venant de différentes parties du Canada. Je crois qu'il y avait aussi quelques avocats.
    Cette réunion avait pour but d'étudier la portée de cette décision. Comme je l'ai déjà dit, il y a un an et quelques mois, nous avons déposé un rapport au ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien, mais rien n'a bougé depuis ce temps. J'aurais cru que nous aurions plus de rencontres avec le gouvernement. Je comprends que ce soit une nouvelle assez importante pour lui, et elle est très importante pour nous aussi. Je ne veux pas parler pour le ministère, mais je pense que tout le monde a été un peu pris au dépourvu par cette décision.
    Nous faisons présentement notre travail. Comme vous pouvez le voir, l'une de nos tâches est de venir vous rencontrer. Ainsi, nous pouvons vous dire ce que nous pensons de cette décision. Nous aimerions aussi amorcer un dialogue avec le ministère et le gouvernement du Canada.
(1600)

[Traduction]

    J'espère ne pas m'être éternisé, madame.
    Non, vous pouvez continuer, si le député accepte.

[Français]

     J'apprécie vos commentaires, chef Bertrand. Il s'agit parfois d'un travail de sensibilisation et d'engagement auprès des députés, voire du gouvernement. De notre côté, nous restons à l'écoute. Nous sommes prêts à prendre rendez-vous avec les gens de votre organisme, vos collègues, afin de mieux comprendre comment vous envisagez la portée de la décision dans l'affaire Daniels et la façon dont cela va toucher notre travail au quotidien.
    Je vais poser une question en tant que député, étant donné que je suis le député de Pontiac et que je représente la communauté de Fort-Coulonge. Au niveau local, qu'est-ce que je pourrais faire mieux pour les gens que représente votre organisme?
    Ce que je vais dire s'applique non seulement à vous, monsieur Amos, mais également à l'ensemble des députés assis autour de cette table.
    Comme je l'ai déjà dit plusieurs fois déjà, environ 70 % des Autochtones vivent présentement à l'extérieur d'une réserve. Ce sont là des chiffres de Statistique Canada, les propres chiffres du gouvernement. Je ne suis pas ici pour vous dire que le Congrès des peuples autochtones représente tous ces gens. Toutefois, nous en représentons une bonne partie. Comme vous le savez, le CPA n'a pas de membres; il n'a que des affiliés. Nous avons un affilié dans chaque province. Je suis très heureux que notre affilié du Labrador soit notre ami Todd Russell, ici présent.
    On a tous les outils pouvant aider à régler les problèmes de chômage, de logement et d'éducation sont accessibles, mais on ne nous demande pas d'assister aux rencontres. Je trouve regrettable que le CPA n'y soit pas invité. Comme je l'ai mentionné plus tôt, il est l'une des cinq organisations autochtones au pays. Si j'étais à la place du gouvernement, j'essaierais d'utiliser...
(1605)

[Traduction]

    Vous pouvez finir votre phrase.

[Français]

    Si j'étais à la place du gouvernement, j'essaierais d'utiliser tous les outils à ma portée pour apporter une solution aux problèmes que connaissent présentement les Autochtones vivant à l'extérieur d'une réserve.

[Traduction]

    Votre temps est écoulé. La parole va à la députée Cathy McLeod.
    Merci, madame la présidente.
    C'est bon de vous revoir, monsieur Russell. Nous avons siégé en même temps au Parlement. M. Bertrand, quant à lui — et merci d'être ici — est parti un peu avant mon arrivée.
    Je vais poser la première question à M. Bertrand. Il y a quelque chose que j’ai encore beaucoup de difficulté à comprendre, et je ne suis pas certaine de voir ce que le gouvernement veut faire. Je vous remercie d’avoir mentionné les conséquences importantes de l’arrêt Daniels et la façon dont, selon vous, cette décision s'applique à une relation de nation à nation. C’est le genre de choses que le gouvernement a besoin de savoir pour la suite des choses.
    Pouvez-vous m'expliquer un peu comment, selon vous, les choses vont fonctionner dans l'ensemble et l'une par rapport à l'autre? Je trouve tout cela compliqué, et je ne vois pas comment le gouvernement arrivera à consulter comme il se doit les Premières Nations. C'est manifestement nécessaire.
    C'est très compliqué, et pour être honnête, ce l'est aussi pour moi. J'y pense 365 jours par année, et même aujourd'hui, je n'en saisis pas toutes les nuances. Il s'agit de problèmes très épineux, et les solutions sont toutes aussi difficiles à trouver.
    Ce qu'il faut faire, c'est nous asseoir avec le gouvernement fédéral et discuter des problèmes afin de trouver des solutions. Si vous me demandez ce que je propose pour remédier à un problème ou à un autre... Le fait est que le problème est extrêmement compliqué. Vous avez besoin de conseils juridiques, mais vous avez aussi besoin de conseils dans une foule d'autres domaines pour trouver des solutions aux problèmes relatifs au logement ou à l'éducation.
    La première étape serait au moins d'amorcer les discussions.
    Oui. Je ne crois pas me tromper en disant que si le projet de loi C-262 était adopté dès demain, le gouvernement aurait l'obligation de... À dire vrai, il a déjà ce genre d'obligation, mais il ne sait toujours pas comment l'honorer aux termes de l'arrêt Daniels.
    Monsieur Russell, je vais maintenant m'adresser à vous.
    Je sais que vous avez dit qu’il était déplacé d’utiliser le terme « veto » relativement au consentement préalable donné librement et en connaissance de cause. Je respecte votre opinion, mais je tiens à souligner qu’un certain nombre de collectivités autochtones utilisent elles-mêmes ce mot, alors je ne crois pas que son utilisation fasse l’objet d’un consensus. Par exemple, un député du NPD a dit, par rapport au consentement préalable donné librement et en connaissance de cause, que toutes les collectivités touchées par un projet qui peut s’étendre au-delà des frontières devront donner leur consentement avant que le projet puisse être mis en œuvre. Donc, un député du NPD a donné, à la télévision, une interprétation très précise de ce que le projet de loi prévoit.
    Je crois que les choses doivent être précisées. Si nous ne nous entendons pas, nous allons nous retrouver dans une situation très difficile. Vous dites que c'est un moyen de détourner l'attention, mais je ne suis pas de cet avis, étant donné qu’un grand nombre de personnes voient le fait que toutes les collectivités touchées doivent donner leur accord à un projet comme étant un droit de veto. Je crois que ce serait important que cela fasse l’objet d’une discussion.
    Ce que j'ai dit, c'est que certaines personnes utilisent le mot « veto » de façon péjorative, comme si c'était quelque chose de négatif ou de susceptible de dénaturer notre position sur le consentement préalable donné librement et en connaissance de cause.
    Étant donné que les peuples autochtones ont le droit inhérent à l’autonomie gouvernementale, il serait illogique que nous n’ayons pas la capacité de nous prononcer — favorablement ou non — sur un projet qui sera réalisé sur nos terres. Ce droit est essentiel à notre survie et à notre existence même. Pour nous, il s’agit d’un pouvoir qui s’inscrit dans notre autonomie gouvernementale
    Je doute qu’il y a un député ici présent qui voudrait contester que le droit inhérent à l’autonomie gouvernementale est consacré dans la promesse de l’article 35. Certaines décisions judiciaires, comme l’arrêt Tsilhqot'in, l'ont reconnu explicitement. Y a-t-il même un député qui contesterait le fait qu’un peuple autonome doit, dans les faits, avoir le pouvoir de décider de ce qui se passe sur ses terres?
    Donc, pour moi, c'est indissociable de l'autonomie gouvernementale. Bien sûr, tous les autres droits doivent aussi être remis dans leur contexte. Il existe très peu de droits qui soient absolus. La plupart s'inscrivent dans un cadre ou dans un certain contexte.
    Je comprends votre point de vue, mais je crois que...
(1610)
    D'accord. Je voulais poser une dernière question, alors...
    Oui. Je crois cependant que la Déclaration fournit des précisions à propos du consentement préalable donné librement et en connaissance de cause en particulier et d'autres articles de la Déclaration.
    Nous savons, par exemple, qu'il est question, à l'article 19, des lois d'application générale et des obligations gouvernementales. Le projet de loi sur le cannabis est un exemple qui me vient à l'esprit à ce sujet. Présentement, on entend dire que l'arrêt Daniels a entraîné des difficultés même pour ce qui est de définir le genre de discussions qui devraient être tenues. On peut donc difficilement imaginer ce que le gouvernement doit faire pour la suite des choses, même avec un mandat de quatre ans.
    Le gouvernement s'est engagé à légaliser le cannabis. Si ce projet de loi était adopté, le gouvernement ne pourrait pas déterminer qui il doit consulter. En conséquence, et s'il s'engageait à respecter la totalité du projet de loi C-262, il serait essentiellement paralysé pendant la durée de son mandat de quatre ans.
    Il vous reste environ 30 secondes.
    Avec tout le respect que je vous dois, je ne suis pas d'accord. Le gouvernement sait clairement à qui parler. Nous discutons ensemble depuis très longtemps. La réconciliation concerne justement la façon dont nous interagissons l'un avec l'autre. Je crois que c'est assez généralisateur que de dire que, essentiellement, le gouvernement ne pourra plus rien faire à cause du consentement préalable donné librement et en connaissance de cause. Ce genre de choses arrive tous les jours. Cela se fait quotidiennement entre les provinces et le gouvernement fédéral, entre les municipalités et les provinces et entre les gouvernements autochtones et les autres ordres de gouvernement.
    La parole va maintenant au député Romeo Saganash.
    Je tiens à remercier nos invités d'aujourd'hui d'être ici et de participer à notre étude.

[Français]

     Je voudrais commencer par vous, monsieur Bertrand.
    D'abord, je suis désolé d'avoir manqué une partie de votre présentation. Je suis arrivé en retard à cause d'un vote qui a eu lieu à la Chambre cet après-midi.
    Vous parlez d'un processus qui ne cesse de s'étirer, dans votre cas, même depuis le jugement dans l'affaire Daniels, il y a deux ans. Or le gouvernement actuel est au pouvoir depuis deux ans et demi.
    De quelle façon, selon vous, ce processus, ou votre cas, tirerait-il avantage du cadre proposé par le projet de loi C-262?
    C'est vraiment un cadre de réconciliation que je propose ici. J'aimerais entendre ce que vous avez à dire relativement à votre cas spécifique.
    Le fait que la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones serait maintenant encadrée dans une loi pourrait — je ne dirai pas « forcer » — pousser le gouvernement à négocier un peu plus avec nous quant à la portée de la décision dans l'affaire Daniels.
    Comme vous le savez, en tant que chef national, je dois assister à toutes les assemblées générales de tous nos affiliés. Que ce soit à Terre-Neuve, au Labrador ou au Québec, les gens se demandent toujours ce que nous avons gagné à la suite de l'affaire Daniels.
     Comme je le mentionnais tout à l'heure, nous n'avons pas discuté d'éducation, de logement, de chasse et de pêche. Il y a tellement d'éléments qu'il faut commencer la discussion. Plusieurs de ces sujets concernent non seulement le gouvernement fédéral, mais aussi les gouvernement provinciaux et territoriaux. J'étais au Lac-Saint-Jean en fin de semaine, et les gens se posaient des questions au sujet de la pêche sur le lac Saint-Jean. Cela allait-il leur permettre de faire comme les Indiens inscrits? Je ne pouvais pas leur répondre.
    Peut-être que dans cinq ou six ans, après des discussions avec les deux paliers de gouvernements, nous pourrons arriver à une espèce d'entente. Or nous n'avons même pas commencé à discuter. J'espère que le projet de loi C-262 va nous aider à pousser le gouvernement à négocier avec nous.
(1615)
    Avant de me tourner vers M. Russell, j'ai une dernière question brève à vous poser. Vous avez mentionné, en réponse à une autre question, le fait que les choses sont plus complexes qu'on le croit. Dans tout processus de négociation, c'est le cas.
    Quelle dimension de vos discussions avec le fédéral estimez-vous serait la plus difficile à traiter et mettrait les deux partis davantage au défi? Vous venez de mentionner la question de la chasse et de la pêche, qui a une dimension territoriale.
    Est-ce une des dimensions qui pourrait poser des difficultés?
    Il y en a tellement. La chasse et la pêche en sont une. Il y a le logement, aussi.
    Je me souviens d'avoir lu une étude qui parlait des conséquences des conditions de vie des Autochtones à l'extérieur de la réserve. Elles ont un effet sur les jeunes qui n'ont pas de logement correct où retourner à la fin de leur journée d'école. S'ils ne vivent pas dans un logement adéquat, cela nuit énormément à leur travail à l'école.

[Traduction]

    D'accord.
    Monsieur Russell, avant toute chose, merci. Je suis content de vous revoir. Nous avons fait connaissance il y a quelques années.
    J'ai pris soin de noter certaines des expressions que vous avez employées dans votre exposé. Je suis entièrement d'accord avec vous sur certains points. Je doute aussi que les mesures prévues dans le projet de loi C-262 « soient suffisantes », pour reprendre les mots que vous avez utilisés.
    Quels sont les éléments du projet de loi C-262 qu'il serait possible de renforcer? Devrait-on remplacer le « consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause » par un droit de veto ou quelque chose du genre? Je ne veux pas trop m'attarder sur le consentement préalable, libre et éclairé. Ce serait une erreur d'insister seulement sur les articles relatifs au consentement, étant donné que le projet de loi compte 46 articles ainsi qu'un préambule et d'autres dispositions tout aussi importantes. Notre système judiciaire ne fonctionne pas ainsi, de toute façon. Pourriez-vous formuler des commentaires là-dessus?
(1620)
    Eh bien, j'ai souligné le fait que ce projet de loi ne crée aucun nouveau droit, et la Déclaration non plus. Cela étant dit, je crois qu'il est question ici de renforcer certaines lois qui existent déjà au Canada.
    Ce pourrait être un point de départ pour les discussions sur le consentement préalable donné librement et en connaissance de cause. Je crois que la Déclaration fournit certaines précisions à ce sujet. D'une part, la Déclaration apporte de la clarté, et de l'autre, elle renforce les lois en vigueur, conformément à l'arrêt Tsilhqot'in de la Cour suprême du Canada, ce qui veut dire que les Autochtones qui ont des titres fonciers, reconnus et confirmés par le gouvernement, ont un pouvoir décisionnel, un pouvoir décisionnel conforme et essentiel au droit à l'autonomie gouvernementale. J'ose espérer que la Déclaration aidera à consolider les accords de revendications territoriales existants, en particulier pour les peuples autochtones qui ont conclu des accords d'autonomie gouvernementale...
    Merci.
    ... et les accords qui confèrent une compétence aux gouvernements autochtones.
    Merci.
    Merci.
    Je crois que nous nous sommes entendus pour conclure la première partie de la séance lorsque le temps serait écoulé. Je veux remercier de tout coeur les témoins d'être venus et de nous avoir fait part de leurs commentaires.
    Meegwetch. Bon voyage.
    Nous allons demander au deuxième groupe de témoins de s'installer. Pendant ce temps, nous allons prendre une courte pause.
(1620)

(1625)
    Reprenons, si vous le voulez bien. Nous avons un témoin de Vancouver qui attend que nous commencions.
    Bienvenue à notre comité. C'est un plaisir de vous recevoir.
    Les témoins ont trois exposés à nous présenter. Geoff Plant s'adressera à nous par vidéoconférence depuis Vancouver. Parmi nous se trouvent les représentants du Grand Conseil des Cris et de la Première Nation Thunderchild.
    Les témoins auront 10 minutes tout au plus. Ensuite, nous passerons à la période de questions. Puisque nous avons trois groupes, je demanderais aux députés d'indiquer clairement s'ils posent leurs questions à notre témoin à Vancouver ou à quelqu'un ici présent dans la salle.
    Bienvenue à tous. Je ne veux pas prendre plus de temps. La séance se termine, comme convenu, à 17 h 20.
    Nous allons commencer par vous, Geoff. Bienvenue.
    Merci beaucoup. C'est un honneur pour moi d'avoir été invité à témoigner devant le Comité.
     Je m'adresse à vous aujourd'hui pour exprimer mon soutien au projet de loi C-262. J'ai préparé une allocution de quelques minutes, mais je ne pense pas me rendre à 10 minutes.
    Je suis avocat et ancien politicien. J'ai aussi étudié l'histoire et la politique autochtone. À ce titre, je vais commencer mon exposé par deux observations.
    Premièrement, depuis l'arrêt Calder de la Cour suprême du Canada, en 1973, ce sont les tribunaux qui orientent l'élaboration des politiques axées sur la reconnaissance des droits des Autochtones. Les gouvernements se contentent de réagir, souvent avec réticence et sans le souci de terminer ce qu'il commence.
    Il s'est écoulé près d'un demi-siècle depuis l'arrêt Calder, et maintenant, la reconnaissance et la mise en oeuvre de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones, ou simplement la Déclaration, est une occasion unique pour les gouvernements de reprendre le flambeau en matière de politique stratégique et d'être proactifs plutôt que réactifs. Je suis fier, comme Canadien, que nous puissions saisir cette occasion. Puisque je viens de la Colombie-Britannique, je devrais ajouter que le contexte nous offre la possibilité rare et importante de faire converger nos efforts, puisque le Canada et la Colombie-Britannique se sont tous deux engagés à respecter et à mettre en oeuvre la Déclaration.
    J'aimerais ensuite vous présenter un aperçu historique de nature générale. C'est peut-être ambitieux de ma part, étant donné que c'est un sujet vaste, mais j'aimerais simplement vous montrer que la façon dont nous abordons les questions relatives aux Autochtones a évolué au fil du temps. En ce qui me concerne, je sais que c'est vrai.
    Il y a un siècle et demi, l'assimilation était l'objectif déclaré. Progressivement — et heureusement —, cet objectif a évolué vers une autre approche. On a reconnu que les Autochtones avaient des droits préexistants, mais le gouvernement n'a pas reconnu ces droits dans leur intégralité. Parfois, ces droits ont été convertis en revendications, et l'objectif est devenu de mettre au point des processus pour régler les revendications, comme si cela permettait d'éliminer les revendications, d'acheter la certitude et de régler la question des titres.
    Je crois que nous sommes enfin prêts, aujourd'hui, à entrer dans un nouveau paradigme nettement supérieur. Le point de départ est la dernière phrase désormais célèbre du juge en chef Lamer, dans l'arrêt Delgamuukw. Voici ce qu'il a déclaré: « Il faut se rendre à l'évidence, nous sommes tous ici pour y rester. »
    En disant cela, le juge nous invite à considérer les Autochtones non comme des personnes avec des revendications, mais plutôt comme des personnes avec qui il faut établir une relation qui soit durable. Nous devons commencer à concevoir un dialogue axé non pas sur des règlements définitifs, mais plutôt sur l'ouverture. Le dialogue doit reposer sur l'égalité des politiques, et son objectif ne doit pas être de régler les revendications autochtones, mais plutôt d'honorer de façon concrète le droit des Autochtones à l'autonomie gouvernementale. À cette fin, la Déclaration est un outil extrêmement efficace.
    Si on me posait la question, je serais le premier à admettre que le projet de loi C-262 sort de l'ordinaire. J'ai déjà rédigé des projets de loi. J'en ai débattu la teneur et j'ai veillé à leur application. À ce titre, je suis un peu traditionaliste. Lorsque le gouvernement veut intégrer une obligation dans une loi, je tiens habituellement à savoir précisément de quelle obligation il s'agit. Ainsi, je veux pouvoir anticiper les impacts, les conséquences et le coût de ce qui est prévu. Dans mon travail d'avocat, la précision a beaucoup de valeur, puisqu'elle me permet de conseiller mes clients quant à leurs droits et leurs obligations. Ce projet de loi ne remplit pas ce genre de critères habituels, mais il ne s'agit pas non plus d'un projet de loi habituel. Ce projet de loi tient davantage du droit constitutionnel que du droit conventionnel. Dans ce contexte, il est parfaitement adapté.
    Le plus important est peut-être le fait que ce projet de loi prévoit que les Premières Nations participeront à l’élaboration des mesures et des mécanismes détaillés selon lesquels les lois et les pratiques canadiennes seront harmonisées avec les objectifs de la Déclaration. Le libellé des articles 4 et 5, où on trouve l’expression « en consultation et en coopération », est très important. Ces mots mettent en relief une réalité importante, à savoir qu’il n’appartient pas au gouvernement du Canada de décider unilatéralement de quelle façon il va respecter les principes et les obligations établis dans la Déclaration. Aux termes de ce projet de loi, le gouvernement doit consulter les Premières Nations pour cela. Cela donne de la légitimité et du poids aux voix autochtones en reconnaissant leur autorité dans ces enjeux fondamentaux.
(1630)
    Il y a trois raisons qui justifient pourquoi il est important pour le gouvernement de s'engager de façon générale à consulter les peuples autochtones et à coopérer avec eux.
    Premièrement, cette approche permet de trouver des solutions nuancées, locales et adaptées à l'endroit de façon à respecter la Déclaration dans tous les contextes et dans toutes les circonstances. Il n'est tout simplement pas possible — ni souhaitable — de croire que toutes les situations peuvent être prévues à l'avance dans un texte de loi. À la place, ce projet de loi fournit une direction à ceux qui devront faire le gros du travail sur le terrain pour que ce que nous souhaitons se concrétise.
    Deuxièmement, le projet de loi crée un climat propice à l'élaboration de solutions qui conviendront à tous. Avec tout le respect que je vous dois, je crois qu'il s'agit d'un but de plus en plus difficile à atteindre de nos jours dans le processus décisionnel relatif aux politiques publiques.
    Troisièmement, la consultation et la coopération sont les principes fondateurs de la nouvelle relation dont nous avons besoin. J'aimerais voir une relation axée non pas sur un veto mis à chaque ligne, où le consentement pour un projet repose sur la satisfaction de chaque article ou de chaque condition, mais plutôt sur une négociation bilatérale. Tous ceux qui ont participé aux complexes réunions de négociation ou de résolution de problèmes entre gouvernements savent de quoi je parle.
    Je sais que certaines personnes se disent préoccupées par la possibilité que l'adhésion intégrale à la Déclaration — même si l'initiative est louable — n'ait pour conséquence que de créer de nouveaux obstacles aux projets d'aménagement et d'exploitation des ressources. Je sais que c'est une préoccupation bien réelle ici en Colombie-Britannique.
    Comme vous le savez certainement tous, cette préoccupation vient d'une partie de la Déclaration qui dit que les propriétaires fonciers autochtones doivent donner leur consentement préalable, librement et en connaissance de cause, avant que tout projet d'exploitation des ressources puisse être mis en oeuvre. Ce n'est pas que je balaie cette préoccupation du revers de la main, mais j'ai la conviction que l'adoption des normes de la Déclaration représente une occasion incroyable pour nous de transformer le processus décisionnel visant les projets d'aménagement et d'exploitation des ressources d'une façon qui avantagera tout le monde. La Déclaration, dûment mise en oeuvre, nous donne la capacité de remplacer les conflits à propos des terres par un processus coopératif qui favorisera concrètement la réconciliation.
    Pour ce qui est du consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause, il faut avant tout comprendre que les gouvernements ne demandent pas la permission à chacun d'entre nous avant de prendre une décision. Nous élisons plutôt un gouvernement, qui prend des décisions en notre nom. Nous avons le droit de choisir les gens qui nous représentent et comment ils le font, et en conséquence, dans le cadre de ce processus d'autodétermination, nous consentons à ce que les gens que nous élisons, dans l'ensemble, nous gouvernent.
    Selon moi, nous devons poser le même regard sur le consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause. Pour obtenir un consentement valable, il faut que les gens collaborent pleinement au processus décisionnel, que la légitimité des diverses opinions soit reconnue et que les gens participent de façon commune à l'atteinte des résultats, en soient responsables et rendent des comptes.
    C'est pourquoi je crois que nous avons besoin d'un nouveau processus décisionnel. De nos jours, on consulte les Premières Nations à propos des propositions, mais il demeure que les gouvernements non autochtones ont habituellement le dernier mot. Nous avons besoin d'un nouveau processus où les Premières Nations ont un pouvoir décisionnel égal. Elles doivent être des partenaires au lieu de simplement faire les frais d'une décision.
    Une fois le projet de loi C-262 adopté, le gouvernement du Canada devrait lancer des processus de consultation et de coopération en vue d'élaborer et de mettre en oeuvre de nouvelles approches de ce genre, du moins dans les domaines relevant de la compétence fédérale. En faisant participer intégralement les Premières Nations aux processus, nous respectons non seulement le fait qu'elles sont propriétaires des terres et de leurs ressources, mais aussi le droit des peuples autochtones de décider par eux-mêmes comment leurs terres sont utilisées et gouvernées. C'est ainsi par cette participation intégrale que nous pouvons obtenir un consentement véritable. Une telle approche est en harmonie avec l'esprit et la lettre de la Déclaration, et ainsi, le conflit cédera la place à la coopération. Nous avons besoin de la participation intégrale des Premières Nations, car c'est une étape nécessaire sur la voie de la réconciliation.
    L'avenir demeure incertain. Ce que nous avons, c'est essentiellement une occasion, mais il s'agit de la bonne occasion à saisir. Le projet de loi C-262, à mon humble avis...
(1635)
    Merci, maître Plant.
    ... crée un cadre durable qui nous offre une possibilité réelle de progresser vers la réconciliation.
    J'ai terminé mon exposé. Merci.
    Le temps file, n'est-ce pas? Vous avez un peu dépassé votre temps. Merci de nous avoir présenté votre exposé.
    La parole va maintenant au grand chef du Grand Conseil des Cris.
    Nous sommes heureux de vous accueillir. Nous avons entendu de très bons commentaires au sujet de l'accord que vous avez conclu. Votre député dit que c'est un exemple concret de l'application de la Déclaration. Vous pouvez y aller.
    Bonjour, madame la présidente et honorables membres du Comité.
    Je suis le grand chef Abel Bosum. Au nom de la nation crie d'Eeyou Istchee, je suis heureux de comparaître devant vous aujourd'hui en compagnie de la grande chef adjointe, Mandy Gull; du secrétaire général, Paul John Murdoch; de Tina Petawabano; de Brian Craik; de Paul Joffe; de Bill Namagoose; de Paul Workman; de Melissa Saganash; et de la jeune Sehoneh Masty.
    La nation crie d'Eeyou Istchee compte plus de 18 000 Eeyouch, ou Cris, qui occupent notre territoire traditionnel d'Eeyou Istchee. Ce territoire couvre plus de 400 000 kilomètres carrés et est principalement situé à l'est et au sud de la baie James et de la baie d'Hudson.
    Les peuples autochtones de toutes les régions du monde partagent les mêmes défis et les mêmes injustices. Il s'agit entre autres de l'effet dévastateur de la colonisation, la dépossession des terres et des ressources, la discrimination raciale, la marginalisation de même que la grande pauvreté.
     Nous sommes fiers que Roméo Saganash, membre de notre nation crie, parraine le projet de loi C-262. Le projet de loi fera progresser considérablement les droits fondamentaux des peuples autochtones au Canada et, s'il est adopté, il créera un précédent important pour les peuples autochtones dans les autres pays du monde.
    L'objet principal du projet de loi est la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones. Comme le souligne l'appel à l'action 43, la Commission de vérité et réconciliation demande au gouvernement fédéral et à tous les ordres de gouvernement de mettre en oeuvre la Déclaration des Nations unies « dans le cadre de la réconciliation ».
    En ce qui concerne la Déclaration des Nations unies, des processus de collaboration seront aussi établis avec le gouvernement fédéral pour favoriser des relations harmonieuses et fondées sur la coopération. En outre, le projet de loi rejette le colonialisme de même que les doctrines fictives et racistes de supériorité, comme la doctrine de la découverte et de la terra nullius. Par conséquent, il est absolument essentiel que le projet de loi C-262 soit adopté par les deux chambres du Parlement. Nous implorons chaque parti politique de soutenir cette législation sur les droits de la personne.
    Depuis le début des années 1980, nos dirigeants et nos représentants ont pris part aux processus d'établissement des normes des Nations unies qui ont mené à l'adoption de la Déclaration des Nations unies en 2007. Nous avons toujours su que nous étions des acteurs sur la scène internationale et nationale. Notre personnalité internationale a été confirmée maintes fois non seulement par les négociations de la Déclaration des Nations unies, qui ont duré plus de 20 ans, mais aussi par le nombre accru de questions et de processus autochtones abordés aux Nations unies grâce à la participation directe des Autochtones.
    Notre nation crie sait ce que c'est que d'être traitée comme si nous n'avions pas de droits inhérents ou de droits antérieurs. Au début des années 1970, la construction du projet hydroélectrique de la baie James a été annoncée par le premier ministre du Québec, et ce, sans égard à nos droits. À ce moment-là, il s'agissait du plus grand projet de l'histoire du Canada. Nous avons dû nous adresser à la Cour suprême du Canada avant que le gouvernement ne soit prêt à négocier une entente.
    Lorsque les Cris ont signé la Convention de la Baie James et du Nord québécois en 1975, nous avons vu cela comme un partenariat au sujet des questions relatives à la gouvernance, à l'environnement et au développement avec le Canada et le Québec. Toutefois, dans les années qui ont suivi la signature de cette convention, les relations entre les Cris, le Canada et le Québec se sont gravement détériorées. Les deux gouvernements ont constamment refusé de mettre en oeuvre la Convention. Pendant plus de 20 ans, nous étions constamment parties à des causes judiciaires avec les deux gouvernements, au grand détriment de toutes les parties.
    En février 2002, les Cris ont conclu une entente de nation à nation avec le gouvernement du Québec. On appelle cette entente de 50 ans la Paix des Braves. Comme il est affirmé dans le préambule, cette entente repose « sur un modèle de développement qui mise sur les principes du développement durable, du partenariat et de la prise en compte du mode de vie traditionnel des Cris ». Pour intégrer le développement durable à notre traité, la Convention de la Baie James et du Nord québécois, l'entente a aussi été modifiée.
(1640)
    De plus, en février 2008, nous avons conclu l'Entente concernant une nouvelle relation entre le gouvernement du Canada et les Cris d'Eeyou Istchee. Plus particulièrement, cette entente établit le processus pour négocier un gouvernement pour la nation crie. Nous sommes heureux que la Loi sur l'accord concernant la gouvernance de la nation crie d'Eeyou Istchee, le projet de loi C-70, ait reçu la sanction royale le 29 mars 2018.
    La Paix des Braves et l'entente entre le Canada et la nation crie adoptent toutes deux les principes de base de la coopération, du partenariat et du respect mutuel qui sont mis en évidence dans la Déclaration des Nations unies. Les deux ententes reflètent une relation consensuelle. Cela fait environ 47 ans que le gouvernement du Québec a décidé d'aller de l'avant avec le projet hydroélectrique de la baie James sur le territoire d'Eeyou Istchee sans notre consentement. Nous avons tous appris qu'une telle mesure unilatérale mène à des conflits profonds qui ne sont pas dans l'intérêt des parties concernées. Toutefois, nos relations consensuelles ne sont pas exclusives aux gouvernements. Conformément à notre droit à l'autodétermination, nous avons conclu plus de 90 ententes avec le Canada et les entreprises commerciales. Je suis bien placé pour insister sur ce point qui concerne le consentement, ou mieux encore, la valeur ajoutée, puisque j'ai souvent été le négociateur en chef lors de la conclusion de telles ententes avec les entreprises et le gouvernement.
    Il peut aussi y avoir des occasions où nous refusons un projet proposé. Il y a environ cinq ou six ans, lorsqu'un tiers a proposé un projet d'uranium à Eeyou Istchee, la nation crie et le gouvernement du Québec ont rejeté la proposition après avoir examiné attentivement la question et y avoir réfléchi. Notre décision a reçu l'appui du gouvernement du Québec et de plus de 200 municipalités. Nous avons le droit de protéger notre environnement, notre économie et notre mode de vie des risques inacceptables. Nous avons la responsabilité de protéger la santé, la sécurité et le bien-être des générations actuelles et futures.
    Pour terminer, j'aimerais insister sur le fait que nos traités et autres ententes doivent demeurer des accords en évolution pour les générations actuelles et futures. En cas de circonstances nouvelles et imprévues, nos traités et nos ententes doivent être modifiés de manière appropriée. En ce qui concerne la Convention de la Baie James et du Nord québécois, il y a eu au moins 24 ententes complémentaires. La Paix des Braves a elle aussi été modifiée en décembre 2003.
     Nous croyons que les deux processus de collaboration prévus dans le projet de loi C-262 — pour faire en sorte que les lois du Canada soient conformes à la Déclaration des Nations unies et pour élaborer et mettre en place un plan d'action national — peuvent constituer un complément utile à nos traités et à nos ententes.
    Meegwetch. Merci.
(1645)
    Merci.
    La dernière présentation est celle de Thunderchild First Nation.
    Nous sommes très heureux que vous soyez avec nous, Delbert. Allez-y.
    [Le témoin s'exprime en cri.]
    Je salue les membres de l'éminent comité permanent. Merci d'inviter le Conseil des ressources indiennes à témoigner au sujet du projet de loi C-262. J'ai fait ce trajet non pas au nom de Thunderchild, mais bien au nom du Conseil des ressources indiennes, le CRI.
    Je m'appelle Delbert Wapass. Je suis le chef de Thunderchild First Nation, en Saskatchewan. Nous sommes situés au coeur de la région du pétrole et du gaz, à Lloydminster, à la frontière entre l'Alberta et la Saskatchewan.
    Le Conseil des ressources indiennes est un organisme national de défense formé de chefs. Notre mandat est de représenter les Premières Nations qui reposent sur l'exploitation des ressources en nous assurant que leurs ressources pétrolières et gazières sont gérées dans leur meilleur intérêt. Nous travaillons avec le Canada par l'entremise de Pétrole et gaz des Indiens du Canada, PGIC, et avec l'industrie pour assurer la pleine participation de nos peuples au secteur énergétique et pour tirer le maximum d'avantages de ces ressources.
    Au nom du CRI, je suis heureux de vous faire part de notre point de vue dans le cadre de votre étude du projet de loi C-262.
    Avant tout, nous déclarons et reconnaissons que nous présentons notre mémoire sur des terres anishinaabes non cédées.
     Nous sommes reconnaissants à l'honorable Roméo Saganash, député, qui défend le projet de loi C-262, lequel vise à assurer l'harmonie des lois fédérales avec la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones. Le CRI est ravi de soutenir le projet de loi d'initiative parlementaire de M. Saganash ainsi que sa recommandation d'adopter et de mettre en oeuvre la DNUDPA dans le droit canadien.
    Nous reconnaissons également le travail de la Commission de vérité et réconciliation du Canada, dont les recommandations, tout comme celles de bien d'autres groupes, ont fait en sorte que la DNUDPA est au centre de notre discussion aujourd'hui.
     Nous reconnaissons aussi les efforts consentis par le gouvernement du Canada, particulièrement ceux du premier minisstre, pour faire de la DNUDPA une priorité dans le contexte de la réconciliation du Canada avec les peuples autochtones. À de nombreuses occasions, le premier ministre a réitéré son engagement, particulièrement lorsqu'il a déclaré que le « gouvernement s'est engagé à établir avec les peuples autochtones une relation renouvelée, fondée sur la reconnaissance des droits, le respect, la coopération et le partenariat ». Nous prenons ces mots à coeur et croyons que le projet de loi C-262 concrétise ces paroles et leur donne vie.
     Lorsque la ministre des Affaires autochtones et du Nord, l'hon. Carolyn Bennett, , a prononcé un discours lors de l'Instance permanente sur les questions autochtones au Siège de l'Organisation des Nations unies à New York, le 25 avril 2017, elle a également fait cette déclaration.
     En réponse directe à la déclaration, le premier ministre a confié à la ministre de la Justice et procureure générale du Canada le mandat de présider un groupe de travail qui examinera toutes les lois et les politiques fédérales concernant les peuples autochtones afin de renverser l'approche coloniale et paternaliste. Cela vise à raviver l'article 35 de la Loi constitutionnelle du Canada, qui inscrit officiellement les droits des peuples autochtones dans le droit canadien et qui, pourtant, depuis trop longtemps, n'est pas respecté.
     Le CRI est ici aujourd'hui pour appuyer ces propositions et sentiments et pour exprimer officiellement son soutien à l'égard du projet de loi C-262, des réponses du premier ministre au sujet de la DNUDPA, y compris un examen juridique interne, ainsi que de l'adoption et de la mise en oeuvre du projet de loi C-262, dont le principal objectif est d'élaborer et de mettre en place un plan d'action national.
     Le projet de loi C-262 constitue une nouvelle approche à l'égard des questions autochtones. Quand il entrera en vigueur, le projet de loi fera progresser le cadre de réconciliation du Canada. Le CRI reconnaît que cette mesure législative fédérale est nécessaire pour éliminer les structures coloniales qui continuent d'opprimer les peuples autochtones au pays et pour remplacer ces structures par de nouveaux cadres fondés sur la réconciliation.
    En outre, le CRI veut énoncer clairement que toute nouvelle disposition législative doit respecter les obligations et les rôles du Canada, notamment les obligations fiduciaires et autres obligations historiques de la Couronne en ce qui concerne les terres et les ressources des Premières Nations.
    La métaphore du tressage des lois internationales, nationales et autochtones est pertinente pour de nombreuses traditions autochtones au Canada, comme l'ont mentionné certains universitaires et professionnels autochtones. Le tressage de foin d'odeur indique la force et le rapprochement entre le pouvoir et la guérison. Une tresse est un objet simple fait de nombreuses fibres et de fils distincts. Chaque fibre seule n'est pas forte, ce sont les fibres ensemble qui font la force. L'image d'un processus de tressage fait de lois constitutionnelles, internationales et autochtones nous permet de voir les possibilités qu'offre la réconciliation sous différents angles et points de vue, et, par conséquent, de commencer à imaginer de nouveau ce que peut signifier une relation de nation à nation englobant équitablement ces différentes traditions juridiques.
(1650)
     Il s'agit d'une métaphore appropriée pour ce que cherche à faire le projet de loi C-262. Cela fait maintenant 10 ans que les Nations unies ont adopté la DNUDPA, le 13 septembre 2007. C'est le bon moment pour le Canada de mettre fin au débat. Il faut adopter et promulguer le projet de loi C-262.
    Comme il est souligné dans le document de l'Instance permanente sur les questions autochtones des Nations unies, la DNUDPA confirme le droit des peuples autochtones à l'autodétermination et reconnaît des droits de subsistance en ce qui concerne les terres, les territoires et les ressources. Le CRI affirme que les producteurs pétroliers et gaziers des Premières Nations et d'autres Premières Nations ayant le potentiel de produire du pétrole et du gaz, désirent parvenir à l'autodétermination en faisant valoir leur compétence, et veulent que leurs droits de subsistance en ce qui concerne les terres, les territoires et les ressources soient reconnus dans le droit canadien.
     Le projet de loi C-262 vise à fournir une telle assurance. Notre organisation participe activement à l'élaboration de lois sur le pétrole et le gaz qui touchent les Premières Nations partout au Canada. Nous avons l'intention de mettre en place nos propres structures institutionnelles qui s'occuperont du pétrole et du gaz à la place du Canada et de PGIC. Il s'agirait d'un véritable exercice de souveraineté et d'autodétermination, comme le prévoient la DNUDPA et le projet de loi C-262.
    En 2005, le CRI a témoigné devant le Comité permanent des affaires autochtones et du Nord dans le cadre de son étude du projet de loi C-54, la LGPGFPN. En 2009, nous avons témoigné encore une fois devant ce comité dans le cadre de son étude du projet de loi C-5, la Loi modifiant la Loi sur le pétrole et le gaz des terres indiennes. Toujours en 2009, le CRI a témoigné devant le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones en ce qui concerne son étude sur le même projet de loi, le projet de loi C-5. Actuellement, en 2018, le CRI continue de travailler conjointement avec AANC et PGIC.
     Si le Comité décide de donner suite au projet de loi C-262, le CRI est disposé à transmettre son expérience et il offre de travailler conjointement avec AANC afin d'élaborer un plan d'action national pour atteindre les objectifs de la DNUDPA et de s'assurer du respect des obligations fiduciaires et autres obligations historiques à l'égard des terres et des ressources des Premières Nations. L'autodétermination et la souveraineté autochtone peuvent être mises en oeuvre de manière pratique au moyen de la DNUDPA grâce au consentement préalable, libre et éclairé. Les critiques du consentement préalable, libre et éclairé concernent la définition de ce concept. Certains pensent qu'il s'agit d'un veto. Le CRI n'éprouve pas de telles appréhensions. Nous savons que nous avons les droits et les titres à l'égard de nos terres. Les tribunaux canadiens, y compris la Cour suprême, n'ont pas créé ces droits; ils n'ont que confirmé leur existence. La DNUDPA a fait la même chose en confirmant nos droits, lesquels existaient bien avant que nous soyons colonisés.
    Le consentement préalable, libre et éclairé est un outil qui peut être utilisé afin d'assurer une consultation respectueuse et concrète des peuples autochtones chaque fois que leurs droits sont touchés. Il s'agit d'un autre outil de réconciliation.
     [Le témoin s'exprime en cri.]
    Merci.
(1655)
    Merci.
    Nous allons passer à la période de questions. D'abord, vous aurez chacun sept minutes.
    Nous allons commencer par M. le député Gary Anandasangaree.
    Merci, madame la présidente.
    Je remercie les témoins de s'être joints à nous.
    Je vais poser des questions, mais je veux en garder une pour Sehoneh Masty, qui est avec le conseil des jeunes, je crois.
     Ma question s'adresse au grand chef. Pour ce qui est de la reconnaissance du cadre des droits qui a récemment été présenté par le premier ministre, que pensez-vous de ce cadre au regard de la DNUDPA? Selon vous, comment s'harmonisera-t-il avec le projet de loi?
    Je pense que notre position est que la DNUDPA devrait être le cadre pour ce projet de loi. Je pense que ce que la DNUDPA établit est très exhaustif pour ce qui est de régler toutes les questions que souhaitent aborder les peuples autochtones.
    Est-ce que quelqu'un veut ajouter quelque chose?
    Paul.
    Le cadre devrait assurément reconnaître le fait que les droits des peuples autochtones sont des droits de la personne. Lorsque le Canada se présente devant les Nations unies, ça ne fait aucun doute, qu'il s'agisse d'un gouvernement conservateur ou d'un gouvernement libéral. Une fois de retour à la maison, toutefois, aucun gouvernement ne décrit les droits autochtones comme des droits de la personne ou ne présente des arguments dans ce sens. Il n'est pas normal que l'on considère que la partie I de la Charte porte sur les droits de la personne, mais que les droits de la personne des peuples autochtones de la partie II ne sont pas traités sur un pied d'égalité.
    Lorsque, dans l'arrêt Nation Tsilhqot'in, la Cour suprême a affirmé que les parties I et II sont apparentées et limitent toutes deux à l'exercice des pouvoirs gouvernementaux, qu'ils soient fédéraux ou provinciaux, cela devrait tout d'abord être fondé sur notre description précise des droits comme étant des droits de la personne.
    Pour ce qui est du cadre, vous avez la Déclaration des Nations unies, mais il y a de nombreux autres éléments. Certains se trouvent dans le projet de loi de Romeo, dont nous pourrions faire un suivi, comme le rejet du colonialisme, et beaucoup d'autres choses doivent être faites. Certainement, pour ce qui est de la doctrine de la découverte et de la terra nullius, la Cour suprême a fait une partie du chemin, je crois, au paragraphe 69 de l'arrêt Nation Tsilhqot'in, lorsqu'elle a dit que la doctrine de la terra nullius ne s'est jamais appliquée au Canada, comme l'a confirmé la Proclamation royale. Si cela a été confirmé par la Proclamation royale, alors on doit avoir confirmé que la doctrine de la découverte ne s'applique pas.
    Il serait bon de clarifier la situation parce que les Premières Nations sont vraiment perturbées lorsqu'elles pensent qu'elles étaient ici des milliers d'années avant et que pourtant, la découverte confère d'une manière ou d'une autre le pouvoir et les droits à une autre nation.
    Je vais m'arrêter ici.
    Merci.
    Merci, maître Joffe.
    Chef Wapass, je veux seulement revenir sur la conversation à propos du CPLE. Je sais qu'on a beaucoup discuté du CPLE au cours de ces audiences.
    En tant que Conseil, comment voyez-vous et traitez-vous la question du CPLE relativement à la DNUDPA? S'agit-il de quelque chose pour lequel il existe déjà un cadre ou de quelque chose qui sera introduit par la DNUDPA?
    Je crois qu'il est important de comprendre qu'une entité ou une organisation n'est pas la titulaire de droits et de titres. Le Conseil des ressources respecte les droits des Premières Nations qu'il représente. La consultation doit se dérouler avec elles, et nous aidons à la faciliter et à l'arbitrer.
    Pour ce qui est du consentement préalable, libre et éclairé, assurément, quel que soit le type d'exploitation, que ce soit sur des terres cédées en vertu d'un traité ou sur des terres traditionnelles des Premières Nations, il doit y avoir un consentement préalable, libre et éclairé. Les tribus, les nations et nous-mêmes devons respecter le territoire de chacun, et c'est ce que nous faisons. Cela a toujours été notre pratique.
(1700)
    Ma dernière question s'adresse à Sehoneh Masty. Je crois qu'elle est membre de votre conseil des jeunes. Une chose que nous n'avons pas faite correctement, en tant que Comité, c'est d'entendre le témoignage de jeunes.
    J'aimerais lui permettre d'exprimer au Comité ce qu'elle pense de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones et comment celle-ci modèlera son avenir.
    C'est vraiment la première fois que j'assiste à une telle séance. Je suis venue avec ma mère parce que je voulais en apprendre davantage sur les droits des Autochtones et les lois les touchant, parce que cet automne, j'irai au collège et je ferai des études juridiques. J'essaie d'en apprendre davantage sur la question avant d'entamer mes études.
    Grande chef adjointe, je pourrais peut-être vous poser la question. Que pensez-vous de la façon dont la Déclaration modèlera l'avenir des jeunes, particulièrement dans les collectivités autochtones?
    Je suis une maman fière. J'ai emmené ma fille au travail avec moi aujourd'hui, tout comme l'a fait notre député Romeo Saganash. Je crois qu'il s'agit de quelque chose d'historique, et on doit y faire participer les jeunes. On doit leur donner l'occasion de voir qu'ils peuvent s'asseoir à la table comme les chefs parce qu'ils suivent notre parcours.
    Je suis unique parce que je fais partie de la deuxième génération qui a suivi la Convention de la Baie-James et du Nord québécois. Je crois qu'il a été très important pour moi d'avoir été stagiaire d'été, d'avoir appris et être devenue moi-même chef, d'avoir pu constater ce que nos accords ont fait pour notre nation crie et d'avoir vu que nous avons été, en un sens, un modèle vivant de ce que la DNUDPA pourrait réaliser au Canada.
    Je suis très heureuse qu'on lui a donné l'occasion de s'exprimer. C'est quelque chose qui l'intéresse. J'espère que d'autres jeunes verront que, s'ils sont invités à assister à une telle séance, on leur offre également l'occasion de s'exprimer.
    Je suis désolé parce que, d'où je suis assis, je ne pouvais pas vraiment vous voir.
    Merci.
    C'est maintenant au tour de M. le député Kevin Waugh.
    Bienvenue à tous.
    Bon retour, maître Joffe. Il n'y a pas si longtemps, vous étiez assis juste à côté.
    Vous avez tous parlé du consentement préalable, libre et éclairé, et deux des groupes devant moi ont mené de longues négociations. Parfois, des négociations se poursuivent pendant des mois et des années.
    Plongeons dans le vif du sujet; parlons de pétrole et de gaz, si nous le pouvons, monsieur Wapass, parce que vous venez de ma province. Vous avez entretenu une relation solide, si je puis m'exprimer ainsi, avec Husky Energy, qui se trouve tout près de chez vous, si vous me permettez de dire cela. Je ne crois pas me tromper à cet égard.
    Nous avons donc ici Kinder Morgan. Vous avez mentionné le transport de gaz et de pétrole, et nous en parlons tous les jours à la Chambre des communes. Comment ce projet de loi améliorera-t-il le transport du pétrole et du gaz, partout en Colombie-Britannique, alors que, actuellement, un certain nombre d'organismes en Colombie-Britannique soutiennent le projet de loi et que d'autres sont contre, ce qui fait que nous nous retrouvons dans une impasse?
    Eh bien, ce n'est pas la raison pour laquelle je vous ai soutenu lorsque vous étiez dans ma circonscription.
    Des voix: Ah, ah!
    Merci beaucoup de ce commentaire. J'ai probablement maintenant perdu votre soutien.
    Des voix: Ah, ah!
    Je suis heureux de vous voir. Vous avez encore votre voix radiophonique.
    Pour la télévision également.
    Oui, également votre voix pour la télévision.
    J'essaie d'éviter de répondre à la question, comme vous pouvez le voir.
    Oui. Je sais.
    Comme je l'ai dit plus tôt, cela revient aux Premières Nations et au respect qu'on leur porte. Même si nous avons une situation socioéconomique au sein de nos collectivités respectives, nous devons reconnaître et respecter la réalité, la situation et le leadership des personnes de ces collectivités relativement à la position qu'elles ont adoptée. Je n'ai pas participé à ces types de discussions et de dialogues qui ont eu lieu entre Kinder Morgan et les électeurs du grand chef Stewart Phillip pour dire quel est le problème. Toutefois, je peux constater que, dans différentes situations au sein de notre région, nous avons également été touchés. Je pourrais défendre nos propres intérêts en matière de pétrole et de gaz et dire que nous avons besoin du pipeline. En même temps, cependant, je dois respecter la position de nos frères et de nos soeurs en Colombie-Britannique et la raison pour laquelle ils l'ont adoptée. Je dois tenter de comprendre pourquoi il en est ainsi, même si cela nous touche beaucoup.
    Je crois que, s'il existe une solution possible, nous ne devrions pas parler d'argent. Nous devrions essayer de trouver la meilleure façon de protéger les terres, les ressources, Terre mère, nos océans, nos plans d'eau et ainsi de suite. Ce sont tous des éléments qui sont très importants pour nous.
    Nous avons vécu le déversement de pétrole de Husky. La façon dont Husky a traité la Première Nation de Thunderchild était excellente. Ses responsables se sont comportés avec classe. Ils ont travaillé avec nous relativement à ce que nous voulions, à ce que nos aînés désiraient et à ce que nos collectivités voulaient comme mesure pour corriger la situation. Ils ne sont pas revenus sur leur parole. Ils ne parlaient pas d'argent. Ils nous soutenaient. Jusqu'à ce jour, ils continuent de nous appuyer. Jamais l'industrie, le gouvernement provincial ou le Canada n'est venu nous dire ce qui devrait être fait et la façon dont cela devrait être fait. C'était plutôt « Thunderchild, comment voulez-vous que nous résolvions le problème? C'est ce que nous allons faire. » Et c'est la façon dont on a corrigé la situation.
(1705)
    Merci de votre commentaire. Je crois que nous avions besoin d'entendre cela.
    Maître Plant, vous êtes en Colombie-Britannique. Bonté divine, que se passe-t-il là-bas?
    Des voix: Ah, ah!
    M. Kevin Waugh: Le monde entier s'est arrêté en Colombie-Britannique.
    Vous avez fait face à la situation. Vous êtes avocat. Vous êtes un homme politique. L'ensemble du pays vous regarde et vous demande ce qui se passe, alors j'aimerais que vous nous parliez du CPLE, des négociations et du droit de choisir.
    Je viens juste de parler de 33 groupes qui sont directement touchés par Kinder Morgan. Ils veulent ce projet, mais certains n'en veulent pas. Comment pouvez-vous dénouer l'impasse?
    La première chose que j'ai à dire, c'est que, même si on a réalisé beaucoup de progrès sur le terrain dans certaines collectivités pour ce qui est du renforcement de la relation entre Kinder Morgan et les Premières Nations, évidemment, le travail n'est pas terminé.
    La façon d'encourager et de favoriser un renforcement constructif de la relation entre, disons, le secteur des entreprises et les Premières Nations est un projet extrêmement important. Il y a des meneurs et des traînards, il y a certaines personnes qui se retrouvent coincées au coeur de projets très complexes et très difficiles.
    Le CPLE et la DNUDPA concernent des échelons plus élevés. Il s'agit de gouvernements, y compris les gouvernements autochtones, qui créent des processus qui se traduiront en une plus grande confiance envers le processus décisionnel et un plus grand respect des droits autochtones. Je dirais que ce que vous voyez sur le terrain en Colombie-Britannique est, dans une grande mesure, le résultat — vous pouvez le décrire comme vous le voulez — d'un processus imparfait, d'un processus défectueux et d'un processus qui n'a clairement pas encore fonctionné. Nous devrions peut-être examiner ce qui n'a pas fonctionné et utiliser cette information pour guider la discussion sur la façon de mieux faire les choses.
    Au nom des 4,3 millions de personnes de la Colombie-Britannique, j'aimerais pouvoir vous donner une réponse unanime, mais toute la province est profondément divisée sur ce projet. L'aspect autochtone du projet est une partie extrêmement importante, mais, honnêtement, ce n'est pas la seule.
    Un champion serait le grand chef Bosum.
     Il a fallu des années et peut-être des décennies pour signer la Convention de la Baie James et du Nord québécois. Est-ce quelque chose sur lequel nous pouvons nous appuyer maintenant, lorsque nous examinons les progrès du projet de loi C-262? Pouvons-nous regarder où nous en étions il y a environ 40 ans et ce que tout le monde semble vouloir en ce qui concerne cet accord que vous avez signé et qui est encore en vigueur aujourd'hui?
    Lorsque nous parlons ici autour de la table, l'industrie marche sur des oeufs, n'est-ce pas? Nous avons entendu le point de vue de certains, mais vous pourriez peut-être parler de votre parcours, celui qui a ouvert la voie à votre peuple, et on espère que cela se poursuive.
(1710)
    Je vais répondre en deux volets. D'abord, je vais seulement expliquer que la Convention de la Baie James et du Nord québécois contient des dispositions qui portent sur l'évaluation et sur la façon d'évaluer les projets sur notre territoire, et ces dispositions s'appliquent à toutes les industries, que ce soit Hydro-Québec, l'exploitation minière, la foresterie et ainsi de suite. C'est dans le cadre de ce processus de collaboration que nous trouverons une solution, n'est-ce pas?
    Paul John, ici, siège à ce comité. Il pourrait peut-être expliquer un peu plus la façon dont la Convention fonctionne.
    Je pense que nous sommes à court de temps, cependant.
    Je pense que vous devrez en parler une autre fois parce que nous allons maintenant passer à M. le député Romeo Saganash.
    Merci, madame la présidente.
    Merci à tous nos invités d'être ici cet après-midi.
     [Le député s'exprime en cri.]
    Je veux également remercier Me Plant.
    Je vais poser une question très précise sur les coûts que vous avez mentionnés.
    Permettez-moi de commencer par vous, grand chef Bosum. Je sais que la Convention de la Baie James et du Nord québécois est le premier traité moderne de notre pays et qu'il a beaucoup contribué à la croissance et à la reconnaissance des peuples autochtones au Canada notamment avec les accords qui ont suivi par la suite.
    Croyez que la Convention de la Baie James et du Nord québécois est un instrument de réconciliation? Croyez-vous que le concept de consentement préalable, libre et éclairé est intégré dans la Convention de la Baie James et du Nord québécois? Je parle des quatre éléments: « consentement », « préalable », « libre » et « éclairé ». Croyez-vous que ces éléments sont déjà intégrés par la Convention de la Baie James et du Nord québécois?
    Après avoir écouté nombre des témoignages ici, je constate que la tendance qui se dégage, c'est que la reconnaissance des peuples autochtones au Canada est bonne pour l'environnement et pour l'économie. Je me demande si vous pouvez nous expliquer dans quelle mesure cela a été bénéfique pour les Cris du Nord du Québec, mais également pour les non-Cris de la région et d'ailleurs. J'aimerais que vous parliez de tout cela. Je sais que c'est beaucoup d'éléments pour une seule question, mais je suis certain que, en tant qu'ancien négociateur, vous serez à la hauteur.
     [Le témoin s'exprime en cri.]
    Eh bien, tout d'abord, je crois que la Convention comporte effectivement le cadre pour régler nombre de problèmes. Comme je l'ai mentionné dans ma déclaration liminaire, nous avons vu la Convention de la Baie James et du Nord québécois comme un cadre pour établir un partenariat relatif à la gouvernance, aux questions environnementales et aux questions de développement. Maintenant, le gouvernement du Québec a eu besoin d'un certain temps pour comprendre ce que nous voulions dire par là, et nous avons bien sûr eu des confrontations au cours des premières années.
    Toutefois, depuis 2002, année où nous avons signé la Paix des Braves, nous avons adopté une approche différente relativement à la façon dont nous allions nous occuper du développement. Depuis, nous avons été en mesure de mettre en oeuvre notre traité dans tous les secteurs: l'éducation, la santé, les services de police, la justice et ainsi de suite. De même, nous avons été capables de négocier plus de 40 accords avec les industries et près de 50 ententes avec les gouvernements, alors il existe des moyens.
    J'aimerais revenir à Paul John encore une fois et lui demander de peut-être expliquer un peu le processus d'évaluation environnementale, qui pourrait certainement être une façon de traiter certains de ces mégaprojets dont nous parlons partout au pays.
     [Le témoin s'exprime en cri.]
    Je suis très heureux que vous ayez soulevé les autres éléments du consentement préalable, libre et éclairé parce que tout le monde s'attarde sur le consentement; pourtant, lorsque nous présentons un projet dans la collectivité ou que Brian et moi-même participons à une évaluation, c'est la partie « préalable, libre et éclairé » qui est très importante.
    Lorsque j'entends parler mon grand chef et que j'examine les accords qu'il a négociés, ce n'est pas pour rien qu'ils commencent par le mot « relation ». Voilà ce qu'est la Convention de la Baie James et du Nord québécois. Lorsqu'on lit la DNUDPA, on ne peut pas lire l'article 19 de façon isolée; on doit aussi lire l'article 18. Il s'agit d'une relation. Lorsque les gens rabâchent la question du consentement et du consentement préalable, libre et éclairé, et que cela suscite des craintes, on voit automatiquement que la personne examine la question comme s'il s'agissait d'une transaction. Si on agit ainsi, on perd la partie, et cela a toujours été la source des confrontations relatives à la Convention de la Baie James et du Nord québécois.
    Cependant, une fois que nous revenons à une relation et que nous prenons la décision qui découle du processus, au lieu de nous concentrer sur le « non » de la collectivité, nous avons plutôt l'occasion de voir l'incroyable valeur du « oui ». Il n'y a pas un seul projet sur le territoire cri ayant fait l'objet d'une évaluation environnementale qui n'a pas été amélioré par les utilisateurs des terres, les conseillers et les décideurs de la collectivité. Nous avons approuvé beaucoup plus de projets que nous en avons refusés. Lorsque nous approuvons tous ces projets, nous les améliorons également. C'est pourquoi c'est un peu triste lorsqu'on ne reconnaît pas la partie de la relation.
    Il y a des principes directeurs. De temps à autre, nous nous retrouvons dans une impasse dans un projet, et, Brian, qui est la voix de la sagesse, nous dit habituellement: « Lisons le traité. Que dit-il sur les principes que nous sommes censés appliquer lorsque nous prenons ensemble ces décisions? » Nous sommes deux représentants nommés par le gouvernement de la nation crie et nous avons deux représentants nommés par le Québec, et c'est notre décision que nous transmettons au ministre.
    Après avoir parlé des droits des Premières Nations ainsi que de protection des terres, de l'environnement et de la faune, les gens sont surpris d'apprendre qu'une partie de notre mandat — conformément au paragraphe 22.2.4, point f) sur la participation des Cris dans l'application de ce régime — est de protéger « les droits et les intérêts, quels qu'ils soient, des non-Autochtones ». Des représentants cris défendent les droits des non-Autochtones sur notre territoire: « Le droit de procéder au développement qu'ont les personnes agissant légitimement dans le Territoire. » Des représentants cris défendent le droit des personnes d'agir légitimement et de réduire au minimum les répercussions indésirables et d'essayer d'augmenter les effets sociaux. Comme le grand chef l'a dit, lorsque nous nous concentrons sur la relation et que nous avons l'occasion de participer à la décision, nous allons défendre celle-ci. Nous allons utiliser nos institutions pour défendre la décision. Cependant, lorsque vous vous concentrez sur le consentement, vous nous réduisez à une simple transaction, vous nous isolez et vous n'obtiendrez pas la valeur complète de notre participation.
(1715)
    J'ai une petite question pour le chef Wapass.
    Vous avez parlé du respect des territoires de chacun. J'aimerais vous donner l'occasion d'en dire un peu plus à ce sujet.
    Dans le cadre du processus des droits fonciers issus des traités en Saskatchewan, par exemple, il y a des territoires couverts par le Traité no 4 ou d'autres régions visées par des traités au sein de la Saskatchewan qui ont la capacité d'acheter des terres dans d'autres régions de la Saskatchewan. Il y a toujours eu ce respect partout où l'on va. S'il s'agit de notre région, notre région traditionnelle, un chef viendra nous parler. Le chef Todd Peigan, de la Première Nation Pasqua dans la région de Regina, viendra me parler dans ma région pour me dire, par exemple: « Nous aimerions réaliser ce projet. Y a-t-il un problème? Comment pouvons-nous le régler? » S'il y a une préoccupation ou un problème qui ne peut pas être résolu, on respecte cela. Alors c'est ce que je veux dire par là.
    Je veux seulement montrer que je respecte le travail que vous faites tous ici. Je ne vote pas dans le cadre d'élections fédérales, provinciales ou municipales. Je vote aux élections de mon gouvernement autochtone. Mais je viens ici pour représenter mes électeurs et respecter le travail que vous faites.
    Merci.
    Nous passons maintenant à M. le député Danny Vandal.
    Vous avez seulement environ une ou deux minutes.
     Grand chef, supposons que le projet de loi C-262 est adopté. Quelles devraient être les prochaines étapes pour le gouvernement fédéral?
    Une fois le projet de loi adopté, je crois que nous devrons nous asseoir et négocier l'accord sur le cadre qui fait l'objet de discussions actuellement et définir exactement la façon dont il serait mis en oeuvre. Le gouvernement et les Premières Nations doivent faire ce travail ensemble.
(1720)
    Merci.
    Chef Wapass, je vous pose la même question.
    Ce que le grand chef a dit.
    Des voix: Ah, ah!
    C'est une excellente façon de terminer la séance.
    J'aimerais vous remercier tous d'être venus. Le Comité poursuivra la séance à huis clos, alors nos membres n'auront pas l'occasion de vous remercier personnellement. En leur nom, nous avons vraiment apprécié votre contribution. L'excellent travail que vous avez fait est un exemple pour l'ensemble du pays. Sur le plan de l'exploration, je sais que je me suis toujours tournée vers les Cris du Québec pour conclure une entente qui fonctionne pour tout le monde. C'est vraiment un exemple éclatant de réussite.
     Merci beaucoup. Meegwetch.
     [La séance se poursuit à huis clos.]
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