:
Merci, madame la présidente.
[Traduction]
Tout d'abord, je tiens à remercier M. John Pomeroy de comparaître avec moi.
M. Pomeroy est titulaire de la Chaire de recherche du Canada en ressources d'eau et en changement climatique. C'est lui qui est à l'origine du projet de loi à l'étude. Il m'a aidé à le rédiger et il m'a appris patiemment bien des choses sur la prévision des inondations et des sécheresses.
Aujourd'hui, cependant, je vais m'intéresser surtout à la prévision des inondations par souci de simplicité, mais je sais que M. Pomeroy ne demanderait pas mieux que de répondre à des questions sur les sécheresses au Canada et l'art de les prévoir.
[Français]
Je vous demanderais de bien vouloir retourner un peu dans le passé, à l'école secondaire, lorsque nous tracions des graphiques à deux dimensions. Il y avait l'axe vertical et l'axe horizontal, qui sont tous deux utilisés dans le processus de prévision des inondations.
[Traduction]
J'appellerai l'axe des x ou la dimension des x le processus descendant de la prévision des inondations. Ce processus, c'est celui des prévisions météorologiques. Il va de haut en bas. Ce n'est pas particulièrement démocratique, mais c'est la technologie qui impose cette façon de faire en météorologie. Les images proviennent de satellites. Elles constituent la base des prévisions météorologiques essentielles à la prévision des inondations et des sécheresses.
[Français]
Quand il s'agit des prévisions météorologiques, c'est la technologie qui dicte ce processus de haut vers le bas. Les prévisions météorologiques sont effectuées par le Service météorologique du Canada, dont les installations principales, le Centre météorologique canadien, sont situées dans un édifice bien ordinaire dans la ville de Dorval, sur l'île de Montréal, en bordure de l'autoroute 40. Cet édifice est coiffé d'un bouquet d'antennes paraboliques. Si jamais vous passez dans ce coin-là, vous allez certainement voir toutes ces antennes paraboliques sur le toit, et vous pourriez facilement vous tromper et croire que c'est un bar sportif, ayant besoin de toutes ces antennes pour capter les signaux de divers matchs.
L'axe horizontal, c'est le processus collaboratif qui fait appel aux provinces et aux territoires. Pour bien prévoir les inondations, il faut plus que prévoir la météo. Il faut des données sur les niveaux et les débits d'eau dans les cours d'eau, les lacs, les rivières et les ruisseaux. La collecte de ces données demande forcément la participation de ceux qui se trouvent plus proches de ces phénomènes sur le terrain, c'est-à-dire les gens des provinces et des territoires.
[Traduction]
Les données sur le niveau et le débit de l'eau sont recueillies par des jauges et des stations situées dans des plans d'eau partout au Canada, des plans d'eau qui relèvent de la compétence des provinces et des territoires. Comme nous le savons, les ressources en eau appartiennent aux provinces et aux territoires. Il s'agit d'un programme fédéral-provincial de collaboration et de financement conjoint appelé les Services hydrologiques nationaux.
Nous savons tous que les changements climatiques rendent les inondations et les sécheresses plus fréquentes et plus intenses. Nous avons donc besoin d'un système de prévision des crues plus précis et plus précoce pour que les collectivités puissent mieux se préparer aux inondations et mieux se protéger contre elles.
Heureusement, les méthodes et technologies de prévision des inondations évoluent rapidement. La technologie nous permet maintenant d'élaborer des modèles plus perfectionnés qui couvrent de plus vastes zones géographiques et auxquels nous pouvons associer des probabilités de risque d'inondation. Comme ces modèles couvrent des zones plus vastes, une collaboration plus poussée s'impose entre les administrations — entre les provinces et entre les provinces et le gouvernement fédéral — parce que, comme je l'ai dit au tout début, le gouvernement fédéral est responsable des prévisions météorologiques et a à l'interne des capacités qui sont importantes pour la prévision des crues: mesure des débits et des niveaux d'eau, etc. Il s'agit d'un processus de collaboration auquel participent les gouvernements provinciaux, territoriaux et fédéral.
Étant donné que les modèles s'appliquent à des régions plus vastes, il faut mobiliser une plus grande puissance informatique pour faire tourner des modèles dynamiques complexes. Il faut donc des superordinateurs. Ils sont nécessaires pour ce genre de prévisions probabilistes complexes à grande échelle.
Cette collaboration qui existe déjà présente de nombreux avantages. Il y a bien des avantages à ce que les prévisionnistes des inondations travaillent ensemble. Comme M. Pomeroy l'a signalé, même si certains modélisateurs au Canada prédisent des inondations majeures chaque année, d'autres ne sont peut-être pas appelés à en prédire une seule au cours de leur carrière. Ainsi, une approche de collaboration nationale créerait des occasions de mise en commun d'expériences et de perfectionnement professionnel entre les prévisionnistes des inondations des différentes provinces. Il y a déjà une communauté de prévisionnistes qui se réunissent pour discuter des pratiques exemplaires, mais nous avons besoin d'une structure plus officielle et permanente pour tirer parti des connaissances en matière de prévision des inondations des administrations de tout le Canada et pour mieux aller de l'avant ensemble.
Certains diront que cette structure existe déjà à Environnement et Changement climatique Canada et que le ministère participe déjà à la prévision des inondations. Malgré tout, pour citer M. Pomeroy, « ECCC n'a pas établi de service national de prévisions hydrologiques. Il a mis en place dans une partie du pays un système fédéral de prévision du débit des rivières qui est exploratoire et relève d'une approche descendante. Il n'y a aucune participation des provinces et des territoires. »
On ne trouve nulle part dans le mandat fondamental officiel du Service météorologique du Canada l'obligation de collaborer avec les provinces et les territoires à la prévision des inondations et des sécheresses. Nous sommes en train d'élaborer un système fédéral de prévision du débit des cours d'eau, et non un système coopératif de prévision des crues de portée nationale. Il y a une différence.
Pour l'heure, les modèles de débit des cours d'eau du Service météorologique du Canada aident à prédire le volume d'eau qui traverse une zone donnée selon différents scénarios météorologiques. Ces renseignements sont utiles pour prendre des décisions sur l'irrigation et la production d'hydroélectricité. Des modèles de débit de cours d'eau sont également utilisés pour améliorer les prévisions météorologiques. Par exemple, si le Centre météorologique canadien prévoit que des cours d'eau auront un fort débit parce que l'humidité du sol dans un bassin est élevée, ce qui entraîne un ruissellement plus important parce que le sol n'absorbe pas la pluie, cela indiquera une plus grande évaporation prévue au sol. L'évaporation, à son tour, influence la dynamique atmosphérique. Avec des niveaux élevés d'humidité et d'évaporation au sol, l'énergie et l'eau dans l'atmosphère sont plus importantes. Cela influe sur la météo et les prévisions météorologiques.
[Français]
Cependant, pour prévoir les inondations avec encore plus de précision, il nous faut une approche beaucoup plus nuancée et faire appel à des données locales.
[Traduction]
Une véritable prévision des crues apporte un surplus de complexité, car il faut tenir compte de l'humidité du sol, de la saturation des nappes phréatiques, de l'état des glaciers et du manteau neigeux, de la topologie du réseau fluvial, des points de rétrécissement des rivières et de l'érosion des berges. Il faut également tenir compte des décisions humaines sur la gestion des barrages et des réservoirs .
Au Canada, la prévision des inondations est d'autant plus compliquée qu'il s'agit d'un pays septentrional qui a des régions montagneuses et beaucoup de glace. Les embâcles peuvent faire monter le niveau de l'eau de plusieurs mètres au‑dessus de la normale. Cela ne se produit pas seulement pendant la débâcle printanière de la couverture de glace; cela peut aussi se produire pendant les périodes de gel automnal et de fonte au milieu de l'hiver.
Un autre facteur qui a une incidence sur le risque d'inondation et qui a été souligné récemment par M. Pomeroy, ce sont les feux de forêt, dont nous avons été témoins ces dernières années. Les feux de forêt détruisent le couvert forestier, ce qui entraîne une accumulation de neige beaucoup plus dense au sol. La perte de la canopée se traduit également par une diminution de l'ombre et une lumière solaire plus directe qui frappe la neige et la fait fondre plus rapidement. Il en résulte un ruissellement printanier plus rapide et plus fort et un plus grand risque d'inondation en aval.
[Français]
Le but de ce projet de loi n'est pas de réinventer la roue. Il s'agit plutôt d'inciter le gouvernement fédéral à s'adapter, à mieux composer avec les plus récents développements scientifiques et les méthodes de prévision des inondations et des sécheresses, à un moment où ces sinistres surviennent plus fréquemment et de manière plus intense en lien avec les changements climatiques.
[Traduction]
En Europe, nous constatons que même les États indépendants peuvent s'entendre sur des objectifs communs afin de prévoir les inondations avec exactitude à l'échelle continentale.
Selon M. Pomeroy, et je suis sûr qu'il vous en parlera davantage, le prototype européen de prévision des inondations...
Il y a 11 ans, mes idées sur ce qui allait aboutir au projet de loi ont commencé à prendre forme lorsqu'il a plu pendant trois jours et demi sur les montagnes à l'ouest de Calgary, en Alberta, à la fin de juin 2013. Deux cent cinquante millimètres de pluie sont tombés sur une couche de neige tardive, provoquant une inondation. Nous avions sur le terrain 15 personnes venant de l'Université de la Saskatchewan, dont plusieurs professeurs qui étaient des collègues. Ce que nous avons constaté est absolument incroyable. Ces inondations ont pris naissance dans les montagnes, et elles se sont déplacées rapidement vers Canmore, High River et enfin Calgary. Ce que nous n'avons pas vu à temps, même après le début des évacuations à Canmore... Quand donc est venu pour toute la province l'avertissement qu'une inondation massive était imminente? L'inondation a fait quatre victimes et provoqué des dommages de plus de 5 milliards de dollars dans la région. À l'époque, c'était la catastrophe naturelle la plus coûteuse de l'histoire du Canada.
Près d'un an et un mois plus tard, en Saskatchewan, où il n'y avait eu que des inondations dues à la fonte des neiges depuis la création de la province, en 1905, la pluie a commencé à tomber. Dans l'Est de la Saskatchewan, plus de 200 millimètres de pluie ont causé des crues dans des bassins qui n'avaient jamais été inondés que par la fonte des neiges, à un moment de l'année où les ruisseaux sont normalement à sec et où les agriculteurs travaillent à leurs cultures et vaquent à leurs autres occupations. Là encore, les capacités de la province ont été débordées, car elles étaient conçues pour les inondations causées par la fonte des neiges, ce pour quoi il suffit de faire les plans en fonction de l'enneigement.
Ce sont des leçons incroyables. Nous devions mieux comprendre la prévision des inondations au Canada.
L'autre leçon, comme M. Scarpaleggia l'a dit, vient du Centre européen pour les prévisions météorologiques à moyen terme. En 2013, il utilisait un produit expérimental qui donnait une estimation raisonnable de l'ampleur de l'inondation de Calgary 10 jours avant qu'elle ne survienne. Il n'a pas fait profiter les Canadiens de ce produit. Il n'était qu'expérimental, mais il a montré ce qui était possible et nous a révélé ce que les Canadiens pourraient faire s'ils mobilisaient leurs technologies et travaillaient ensemble, à l'échelle nationale, pour s'attaquer à ce problème extrêmement ardu.
Depuis, les dommages causés par les inondations et les sécheresses ont augmenté considérablement au Canada, et on s'attend à ce qu'ils s'aggravent encore à cause des conditions météorologiques extrêmes, des afflux d'eau, des changements climatiques, de la croissance des collectivités et de l'augmentation de la production agricole et industrielle. Les plaines inondables sont en croissance, les sécheresses s'intensifient et de nombreuses exploitations agricoles et industries locales sont touchées. En 2022, les auteurs du rapport Aquanomics ont estimé que, jusqu'en 2050, la perte de PIB au Canada attribuable aux sécheresses, inondations et tempêtes s'élèvera à 174 milliards de dollars. Les chercheurs du programme Global Water Futures, que je dirige, estiment que les dommages causés par ces phénomènes depuis l'an 2000 ont dépassé les 40 milliards de dollars seulement jusqu'à l'an dernier. La situation empire.
Comment s'attaquer à ce problème au Canada? Chez nous, les prévisions se font dans un cadre fragmenté. Nous avons des systèmes provinciaux et territoriaux élaborés de bas en haut, qui répondent aux besoins locaux, et un système fédéral qui va dans le sens inverse, à partir du système de prévisions météorologiques, comme je l'ai dit. Aucun des deux n'est interopérable ni ne répond à tous les besoins actuels du pays. Cette approche fragmentée a ralenti l'adoption de nouvelles technologies et méthodes par les provinces et limité l'adoption du système fédéral plus avancé. Nous souhaitons nous doter de cadres de modélisation communs, d'approches communes et de systèmes de prévision coordonnés, et nous en avons besoin. C'est ce que font des pays comme les États-Unis. C'est ce que fait l'Europe. C'est ce que font d'autres grands pays.
À Global Water Futures, nous avons mis sur pied, avec l'aide d'Environnement Canada, un projet pilote de prévisions pour le Yukon. Nous avons mis au point un système de prévision à la fine pointe de la technologie pour le bassin du fleuve Yukon et nous l'avons transféré au gouvernement du territoire pour qu'il puisse élaborer ses prévisions opérationnelles. À cause des défis techniques liés à l'exploitation d'un système informatique hydrologique aussi complexe, nous exploitons le système pour le gouvernement du Yukon depuis 2018. N'oubliez pas que le Yukon ne compte que 40 000 habitants. Jusqu'à maintenant, il n'a pas l'expertise technique nécessaire pour gérer tout seul un tel système. Un système coopératif fédéral-provincial-territorial pourrait faire en sorte que les ressources et les technologies soient disponibles pour appuyer les prévisions opérationnelles de systèmes élaborés conjointement.
J'ai quelques recommandations à formuler sur la façon dont nous pourrions nous donner un cadre plus cohérent de prévision des inondations et des sécheresses au Canada.
Premièrement, le cadre devrait permettre de coordonner les efforts locaux, régionaux, fédéraux et internationaux — il ne faut pas oublier que nous partageons des bassins hydrographiques avec les États-Unis — et rendre possibles des progrès scientifiques et technologiques de pointe en matière de prévisions.
Le cadre national devrait être élaboré conjointement avec une approche descendante et ascendante afin de tenir compte des réalités locales et de renforcer la crédibilité et la confiance entre les universitaires, les utilisateurs et les responsables gouvernementaux des politiques et des pratiques...
:
Bonjour et merci, monsieur le président et distingués membres du Comité. C'est un honneur pour moi de pouvoir vous parler du projet de loi aujourd'hui.
Comme chacun sait, l'eau ne respecte pas de frontières, en période d'inondation comme en période de sécheresse. Il est donc extrêmement important que les différentes autorités responsables de l'eau partagent des données normalisées et puissent le faire en temps opportun avec les intervenants qui travaillent sur le terrain et qui comptent sur ces données.
Je voudrais vous parler de deux inondations survenues dans notre bassin hydrographique au cours des dernières années, celle de 2011, phénomène tricentennal, et celle de 2014, phénomène cinq fois centennal. Ces deux inondations ont été catastrophiques. Dans un cas, 11 000 résidants d'une collectivité ont été évacués et 4 000 maisons et entreprises ont été endommagées.
Les répercussions des inondations sur la santé mentale des membres de ces collectivités sont incommensurables et durent des années. Les inondations de 2014 ont privé d'approvisionnement les collectivités et les résidants ruraux pendant des jours. Les inondations ont également des répercussions sur l'infrastructure, les terres agricoles, les entreprises, etc. Il faut donc analyser la situation et prendre des mesures à l'échelle du pays. Comme l'a expliqué M. Pomeroy, cela a aussi des effets sur la possibilité d'être assuré, et c'est, pour ceux qui vivent ces situations, une pièce très importante du casse-tête.
À l'autre bout du spectre, il y a évidemment la sécheresse. On commence à en faire l'expérience à des niveaux sans précédent. La différence entre une sécheresse et une inondation, c'est que la sécheresse peut durer des mois, voire des années, tandis qu'une inondation aura plutôt des répercussions courtes, quoiqu'elle ravage les infrastructures pendant des années avant leur remplacement. Il me semble essentiel d'analyser la situation.
Dans les deux cas, les répercussions ont une incidence sur la santé mentale des gens, sur le bien-être économique des collectivités, sur l'environnement, et sur le milieu naturel et toutes les créatures qui y habitent. Quand je parle de « collectivités », je parle de tout le monde, c'est‑à‑dire les Premières Nations, les résidants ruraux, les résidants urbains, etc. Ces phénomènes, faut‑il le rappeler, sont transfrontaliers. Il faut tenir compte du fait que l'eau traverse les frontières rurales.
Au nom de notre organisation, j'invite instamment le Comité à travailler à l'élaboration d'une véritable stratégie nationale qui permettrait à toutes les administrations de partager des données normalisées et compréhensibles pour se préparer aux inondations et aux sécheresses et y réagir. Cette collaboration devra tenir compte du fait que les frontières sont municipales, provinciales et internationales. La communication, la coopération et la coordination sont autant d'objectifs communs qui mèneront au succès du programme si celui‑ci doit être mis en œuvre.
Vous devez collaborer avec les partenaires locaux que nous sommes. Des groupes comme le nôtre, les communautés autochtones locales, les agriculteurs et les organismes de conservation sont une mine de connaissances et ont créé un réseau et un lien de confiance avec les intéressés sur le terrain. Ils sont bien souvent les premiers intervenants et travaillent avec les résidants locaux, en période d'inondation comme en période de sécheresse.
Il faut aussi créer suffisamment de résilience pour donner à tous les intervenants la capacité et les outils nécessaires qui leur permettront de s'adapter au changement, non seulement pour veiller à la durabilité environnementale, mais aussi pour rester viables sur le plan économique, pour eux-mêmes et pour le bien-être de leurs collectivités. J'ajoute que les objectifs doivent aussi intégrer le fait que la recherche et l'adaptation des pratiques de gestion exemplaires, ainsi que l'utilisation des outils susceptibles de faciliter le processus élaboré, sont les clés du succès.
Il faut que les processus soient transparents. Le succès des programmes dépend de la transparence des communications et de l'échange d'information.
Par ailleurs, il ne faut jamais oublier la règle d'or de l'eau: Faites à ceux qui sont en aval comme vous voudriez que vous fassent ceux qui sont en amont.
Je suis très heureuse de vous exposer ces éléments d'information aujourd'hui et je me ferai un plaisir de répondre à vos questions. Nous suivons avec satisfaction le développement de cette stratégie et nous vous invitons tous ici à ne pas nous oublier, nous qui sommes sur le terrain et pouvons contribuer à la réussite de cette initiative à l'échelle du Canada.
Merci.
Mme Lindman est une actuaire à la retraite. Elle se préoccupe des changements climatiques depuis une trentaine d'années.
Comme actuaire, elle s'est jointe à des comités actuariels qui étudient les changements climatiques et la durabilité environnementale. Elle a présidé le comité qui a créé l'Indice actuariel du climat vers 2013. L'indice actuariel du climat mesure la fréquence des extrêmes climatiques et révèle que ces extrêmes augmentent à un rythme sans précédent. Elle a fait tout ce qu'elle pouvait pour réduire les émissions de son ménage et elle voulait aider le Canada à adopter des politiques climatiques efficaces. C'est pourquoi elle est devenue membre du Lobby Climatique des Citoyens en 2013.
Le Lobby Climatique des Citoyens est un organisme militant non partisan qui se consacre à la promotion de politiques climatiques efficaces. C'est en 2010 que nous avons commencé à agir au Canada.
Nous avons deux histoires à vous raconter sur des phénomènes de précipitations et de sécheresse.
Au cours de l'hiver 2018‑2019 à Sudbury, en Ontario, j'ai été la victime directe de précipitations exceptionnelles. De la glace s'est alors accumulée sur le toit de ma maison. Les professionnels du nettoyage n'ont pas pu l'enlever. Durant la première journée chaude du printemps, à la fin de mars 2019, la glace accumulée sur le toit à l'avant a fondu plus rapidement qu'à l'arrière de la maison. Le toit s'est alors effondré à l'intérieur. Les murs se sont décollés les uns des autres. Ma maison a été condamnée, et nous avons été obligés d'évacuer. Nous avons vécu dans un hôtel pendant plus de six mois. Tout le premier étage de la maison a dû être consolidé, et le toit a été remplacé. Nous avions une assurance spéciale, et tous nos coûts ont été couverts. Trois autres maisons de notre rue ont subi des défaillances structurelles internes semblables, mais pas aussi catastrophiques. Les gens doivent payer des fortunes pour faire réparer leurs toits et leurs maisons. Je vis dans une rue où il n'y a que 16 maisons.
L'été dernier, le fils de Mme Lindman, qui vit à Yellowknife, dans les Territoires du Nord‑Ouest, a dû être évacué pendant trois semaines en raison d'incendies de forêt sans précédent dans le Grand Nord. Comme il n'y a qu'une seule route pour sortir de Yellowknife, il a dû conduire en direction de l'incendie pour ensuite se diriger vers le sud et s'en éloigner.
La sécheresse attribuable aux changements climatiques a considérablement contribué aux feux de forêt. Les sécheresses ne font pas que nuire aux agriculteurs et aux cultures; elles contribuent également aux feux de forêt. Le Canada connaît actuellement une sécheresse généralisée avant la saison des feux, après en avoir subi une catastrophique l'année dernière.
Voici quelques chiffres. Au Canada, en 2023, les pertes assurées se sont élevées à 3,1 milliards de dollars. Les pertes économiques et les pertes assurées, largement attribuables aux changements climatiques, ont augmenté de façon spectaculaire en 20 ans. Les pertes économiques mondiales de 380 milliards de dollars américains sont trois fois plus élevées que les pertes assurées de 118 milliards de dollars américains. Au Canada, les pertes économiques ont largement dépassé les 3 milliards de dollars. Si on extrapole, elles ont probablement été de l'ordre de 9 milliards de dollars.
Nous avons soumis par écrit une version beaucoup plus longue de cet exposé.
Pour terminer, nous sommes heureuses que le Canada élabore une stratégie nationale de prévision des sécheresses et des inondations.
Merci.
:
Permettez-moi d'abord d'adresser aux membres du Comité les meilleurs vœux des Nations unies.
J'aimerais, dans le temps dont je dispose, soulever la question de savoir si le Canada a besoin d'une stratégie nationale de prévision des inondations et des sécheresses dans un contexte mondial.
Le réchauffement climatique nous a échappé à l'échelle mondiale, parce que nous avons trop attendu pour agir. Les scientifiques et les gouvernements doivent maintenant s'attaquer au problème dans l'espoir de le rattraper et de le devancer.
Notre situation mondiale actuelle nous place au‑delà de la première vague d'impacts des changements climatiques, celle des phénomènes météorologiques extrêmes plus fréquents et plus intenses et des changements dans les régimes mondiaux de précipitations, et déjà à l'étape de la deuxième vague de phénomènes climatiques qui ont une incidence sur la sécurité nationale, qui entraînent une intensification des conflits intra-étatiques et entre États et qui font apparaître le spectre d'une explosion des migrations humaines involontaires et d'une augmentation rapide des réfugiés climatiques, auxquelles le monde n'est pas préparé. Bienvenue dans le monde de l'avenir.
Si l'humanité ne parvient pas à contenir les émissions rapidement et fermement, le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat prévoit que la moitié ou les trois quarts de la population humaine pourraient être régulièrement exposés à des degrés de chaleur et d'humidité mortels.
Les systèmes de production alimentaire seront gravement compromis. En raison de l'augmentation de la chaleur, du stress, de la sécheresse, de la dégradation des sols, de la destruction des cultures par les maladies et les insectes, et des phénomènes extrêmes, environ un tiers des terres agricoles actuelles pourraient ne plus être cultivables d'ici 2100. Les multiples mauvaises récoltes frappant en même temps plusieurs régions considérées comme les greniers à blé du monde se produiraient régulièrement. Le nombre de personnes exposées au risque de famine, de malnutrition et de mortalité liée à la malnutrition pourrait augmenter de 80 millions. Ce serait la famine générale.
D'ici la fin du siècle, on prévoit qu'environ 3,5 milliards de personnes pourraient être forcées de quitter leur région, leur pays ou leur continent en raison d'inondations, de tempêtes, d'incendies ou d'un degré extrême de chaleur et d'humidité.
Souvenez-vous que l'Europe a failli s'effondrer quand elle a été submergée de réfugiés de la guerre civile syrienne. Nous avons déjà de la difficulté au Canada à harmoniser notre politique d'immigration avec notre parc de logements et l'augmentation de nos déficits d'infrastructure. Selon certaines estimations, en 2023 seulement, environ 200 000 Canadiens ont été évacués ou déplacés par des feux de forêt ou des inondations, et pour certains à titre permanent. On commence déjà à voir ce que les scientifiques ont prédit il y a un certain temps.
Si nous n'agissons pas immédiatement dans le dossier du climat, nous pourrions nous retrouver dans une situation où nous n'arriverons pas à suivre le rythme des catastrophes qui y sont liées. À mesure que ces phénomènes se multiplieront, nous n'aurons pas le temps de nous remettre de l'un avant l'arrivée du suivant. Voyez la vague de chaleur, les feux de forêt et les inondations de 2021 et les inondations de 2023 en Colombie‑Britannique, mais aussi la vague de chaleur, le dégel du pergélisol, la sécheresse hydrologique et les évacuations récurrentes à la suite des feux de forêt dans les Territoires du Nord‑Ouest en 2023. Ces phénomènes conjugués se produisent déjà aux mêmes endroits sans guère de répit entre eux. Comme nous l'avons vu ailleurs, les catastrophes climatiques récurrentes de cette fréquence acculent des pays entiers à la faillite, et elles continueront de se produire.
On oublie aussi les répercussions des catastrophes récurrentes sur la santé mentale. Selon l'avis des psychologues, si nous n'anticipons pas la menace climatique, les effets sur la santé mentale de la dégradation du climat mondial pourraient l'emporter sur les effets physiques directs selon un facteur de 40 pour 1. Là encore, nous ne sommes pas préparés.
En terminant, je rappelle que nous sommes au beau milieu d'une urgence climatique nationale. À mon avis, le Canada a besoin d'une stratégie nationale de prévision des inondations, des sécheresses et des feux de forêt. Sans quoi, beaucoup de gens pourraient mourir inutilement ou être déplacés et inutilement traumatisés, et certaines parties du pays seraient appauvries.
Les gouvernements qui se détournent de cette réalité imminente le feraient à leurs risques et périls.
Merci beaucoup, monsieur le président.
:
Merci beaucoup de nous accueillir aujourd'hui.
M. Sandford a brossé un tableau d'ensemble, et je vais maintenant vous parler du bassin versant de la rivière des Outaouais. Quand vous vous retrouvez dans la région de la capitale nationale, vous dépendez directement, pour votre survie, de la rivière des Outaouais et de ses affluents. C'est aussi notre eau potable aujourd'hui, alors à votre santé!
Je vais faire cet exposé en compagnie de ma collègue, Larissa Holman, directrice des sciences et des politiques. Vous l'avez rencontrée récemment, car elle a également donné un exposé dans le cadre de l'étude sur l'eau douce.
Cette invitation, qui remonte à quelques jours, est tombée à point nommé. Nous avons préparé un rapport sur les variations de débit dans le bassin versant de la rivière des Outaouais, à partir des données fédérales qui remontent à plusieurs années, mais qui n'ont jamais été analysées sous l'angle des bassins hydrographiques. Donc, pour examiner vraiment les données sur ce qui se passe dans le bassin versant de la rivière des Outaouais... Les résultats sont révélateurs.
Le bassin versant de la rivière des Outaouais est vaste, avec deux fois la superficie de la province du Nouveau-Brunswick. Il fournit de l'eau potable à deux millions de personnes. Le débit de la rivière des Outaouais peut être si puissant qu'il peut dépasser celui de tous les Grands Lacs réunis. On lui a donné le surnom de « sixième Grand Lac ».
C'est donc une puissante rivière qui traverse la capitale nationale.
Je vais vous parler de ce qui s'est passé lors des inondations de 2017 et de 2019 et dont nous nous sommes inspirés pour nos commentaires d'aujourd'hui. Il est également important de noter que cette puissante rivière est aussi touchée par la sécheresse. Nous devons donc tenir compte du fait que même nos plus puissants cours d'eau sont également touchés par les crues et les étiages.
Dans deux semaines à peine, nous publierons notre premier bulletin sur les bassins hydrographiques, et nous avons analysé 14 indicateurs différents. Comme je l'ai dit, les changements de débit en font partie. Par-delà les données de débit émises par la Division des relevés hydrologiques du Canada, notre bulletin sur les bassins hydrographiques est le premier rapport à fournir une analyse de tendance relative aux périodes de crue et d'étiage à l'échelle d'un bassin hydrographique. Les compétences dans ce bassin sont très complexes, la rivière étant la frontière entre l'Ontario et le Québec.
Les crues majeures de la rivière des Outaouais en 2017 et en 2019 — bon nombre d'entre vous s'en souviendront — ont causé d'importants dommages aux infrastructures, aux propriétés et aux résidences. Les gouvernements de l'Ontario et du Québec ont tenté de remédier aux inondations de différentes façons, travaillant donc séparément pour faire face à un problème qui ne peut être réglé par des mesures appliquées d'un seul côté de la rivière à la fois. Nous voyons un besoin dans ce contexte, comme dans bien d'autres bassins hydrographiques, où les compétences politiques doivent être coordonnées afin de s'assurer que l'intervention est efficace. Cela s'applique également aux prévisions.
Nous avons examiné le projet de loi et avons quelques recommandations à formuler.
:
Merci beaucoup, monsieur le président.
Je remercie aussi tous les témoins d'être des nôtres.
Monsieur Sandford, je pense que vous avez tracé, dans votre allocution d'ouverture, le portrait le plus global des répercussions des changements climatiques sur l'ensemble de la vie humaine. Vous avez notamment parlé d'agriculture, de santé, et de réfugiés du climat. Tout y est passé.
Je lisais dernièrement un article paru en mars à ce sujet. Les agriculteurs de l'Ouest canadien, par exemple, subissent une sécheresse depuis plusieurs années, en particulier en Alberta. Les agriculteurs de l'Alberta, et même les compagnies pétrolières de cette province, se préparent à une pénurie d'eau. Je trouvais ça assez intéressant de lire cet article, parce que nous savons qu'au Canada, le premier élément qui génère des gaz à effet de serre est l'exploitation des sables bitumineux. Là, même ces compagnies, qui veulent augmenter leur production, font maintenant face à une pénurie d'eau. Je trouve donc qu'il est assez risqué, en fin de compte, de la part de ces compagnies pétrolières de ne pas améliorer leurs processus en fonction des changements climatiques.
Nous savons que les inondations et les sécheresses sont des phénomènes naturels qui sont amplifiés par les bouleversements climatiques. Je pense que les pouvoirs publics doivent mobiliser la science pour guider leur prise de décision. Est-ce que vous pouvez nous dire un peu ce qu'il se passe à l'international dans ce sens, outre le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat, dont vous nous avez parlé? Pourquoi le Canada est-il si en retard, puisqu'il me semble bien que c'est ce que vous avez dit dans vos notes d'allocution? Comment pouvons-nous compenser cela?
:
C'est une excellente question.
Les bénévoles du Lobby climatique des citoyens recueillent des données et les publient ensuite sous forme condensée dans des documents que nous appelons les « discours lasers ». Nous avons été stupéfaits de voir les données colligées par nos bénévoles.
Au Canada, plus de 1,5 million de ménages à risque élevé ne peuvent pas obtenir une assurance à prix abordable contre les inondations. De plus, des gens risquent de perdre leur assurance, parce que le prix de leur police peut augmenter d'une année à l'autre. Nous nous dirigeons vers un monde qui ne sera plus assurable et nous devons atténuer les catastrophes climatiques de toute urgence.
L'une de nos recommandations porte sur toutes ces données de modélisation. Nous posons seulement la question suivante: serait‑il utile de suivre une trajectoire axée sur le maintien du statu quo par opposition à un scénario d'atténuation le plus rapide possible? Nous avons besoin de données pour agir face aux événements, parce que nous nous dirigeons vers un monde qui ne sera plus assurable. Les données sont assez pessimistes.
Nous avons publié un deuxième discours laser pour l'Ontario qui s'appuie sur un rapport sur les risques climatiques publié discrètement à l'été 2023. Là encore, si nous ne faisons rien pour atténuer la crise climatique, les répercussions sur l'agriculture seront très graves. Je ne vous donnerai pas de chiffres, mais je vous encourage à lire ces rapports.
Je tiens à vous remercier d'avoir lancé ce programme national sur les inondations et les sécheresses. Dans le passé, j'ai coprésidé le comité d'adaptation de Sudbury, et nous avons besoin de données pour prendre des décisions.
Je vous remercie de m'avoir donné l'occasion d'aborder ce sujet et de tirer la sonnette d'alarme.
Je remercie également M. Sandford de l'avoir fait également.
J'ai vraiment apprécié vos propos, monsieur Sandford.
:
J'attire à nouveau votre attention sur
La procédure et les usages de la Chambre des communes de Bosc et Gagnon, qui précise que le pouvoir du Parlement d'exiger la production de documents n'est pas limité. Voici ce qu'on peut lire un peu plus loin:
Le libellé du Règlement ne circonscrit pas les contours du pouvoir d'exiger la production de documents et de dossiers. Il en résulte un pouvoir général et absolu qui ne comporte a priori aucune limitation. La nature des documents qui sont susceptibles d'être exigés est indéfinie,
Monsieur le président, le Comité a exhorté le gouvernement à produire son modèle de projection des émissions dans la semaine suivant l'adoption de la motion. Non seulement Environnement et Changement climatique Canada n'a pas répondu dans le délai prescrit par le Comité, mais il n'a pas fourni toute l'information exigée par le Comité.
Au lieu de fournir au Comité un modèle de réduction des émissions au moyen de la taxe sur le carbone, le gouvernement a fourni la version provisoire d'un document de 18 pages qui tente de décrire le modèle. En fait, toutes les pages du document sont estampillées de la mention « version provisoire ».
Le titre du document est « Modèle EGC provincial d'Environnement Canada », ou modèle EC‑PRO, auquel est accolée une note de bas de page indiquant que ce document n'est pas, en fait, le modèle de réduction des émissions.
Voici ce qu'on peut lire dans la note de bas de page: « À noter qu'il s'agit d'une version préliminaire en cours d'élaboration. Tout commentaire sera apprécié. Les opinions exprimées dans ce document sont celles des auteurs et ne reflètent pas celles d'Environnement et Changement climatique Canada ou du gouvernement du Canada. »
J'attire aussi votre attention sur cette mention, à la page 14 du document: « Ce document présente une version provisoire en cours d'élaboration d'une description du modèle d'EGC provincial, au niveau D, d'ECCC utilisé pour l'analyse de la politique du carbone. »
Nous avons donc la preuve que le gouvernement ne nous a pas fourni son analyse de sa politique du carbone. En fait, le gouvernement n'explique nulle part dans ce document comment il prévoit réduire les émissions de 30 % au moyen de sa taxe sur le carbone ni dans quelle mesure cette taxe a déjà contribué à réduire les émissions ni son impact sur l'économie.
Cela est très préoccupant, étant donné que le Canada...
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Merci, monsieur le président.
Je rappelle simplement à tous ceux qui nous regardent que le Parti conservateur a fait campagne en 2021 en promettant de tarifer la pollution au prix d'aujourd'hui. Un organisme appelé Clean Prosperity a déclaré, dans un sondage effectué à la sortie des bureaux de scrutin, qu'Erin O'Toole « avait raison d'adopter la tarification du carbone ». Il a dit:
Dans le cadre de sa politique climatique, le chef conservateur Erin O'Toole [...] a proposé un système de tarification du carbone qui propulserait le coût de l'essence et du chauffage domestique. Cependant, toutes les contributions en taxe sur le carbone seraient déposées dans un compte d'épargne pour la réduction du carbone.
« Plus vous polluez, plus vous gagnez », disait‑il. C'était une sorte de programme de fidélisation à l'utilisation des combustibles fossiles.
Maintenant, dans un autre univers hypothétique, si les conservateurs avaient remporté les dernières élections fédérales, alors aujourd'hui, en 2024, la pollution aurait un prix. Si Erin O'Toole était premier ministre, il y aurait encore une taxe sur le carbone.
Nous avons fait campagne en promettant de tarifer le carbone et la pollution au rythme d'aujourd'hui, ce qui représente l'intégrité de notre plateforme et le respect de notre engagement envers les Canadiens à réduire nos émissions.
Maintenant, les conservateurs semblent s'être ravisés. Ils ne sont pas d'accord.
M. Branden Leslie: J'invoque le Règlement, monsieur le président.
M. Adam van Koeverden: Je signale que M. Leslie n'a pas parlé de cela pendant sa campagne, qui a pris une autre tournure, si c'est ce qu'il veut dire.
Je peux vous expliquer, merci beaucoup...
Le président: Un peu de silence, s'il vous plaît.
Un député: J'aimerais entendre la question dans ce brouhaha...
M. Branden Leslie: À la motion dont nous sommes saisis, monsieur le président...
Des députés: Oh, oh!
M. Adam van Koeverden: Il a mené une campagne sur l'homophobie, pas sur la tarification du carbone...
Le président: Silence.
Excusez-moi, tout le monde.
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Merci, monsieur le président.
Je remercie mon estimé collègue d'en face d'avoir souligné que je n'ai pas fait campagne sur la taxe sur le carbone et que je ne le ferais jamais.
L'une des choses qui me viennent à l'esprit, c'est l'une des premières promesses du selon laquelle, en 2015, son gouvernement serait ouvert par défaut. C'était de nature à rallier tout le monde. Cela semble être un excellent exemple d'une occasion d'être ouvert par défaut, soit demander de l'information sur le modèle économique et environnemental des émissions dont la taxe sur le carbone pourrait entraîner une réduction pour les consommateurs.
Nous avons constaté des retards, qui sont justifiés, parce que ce sont là des questions complexes à traiter, mais comment peut‑on imaginer qu'on nous remette un document qui dit que c'est fait par Environnement et Changement climatique Canada, mais que cela ne reflète pas ECCC, en nous disant simplement que c'est cela le modèle?
Vous me dites qu'ECCC n'a pas de meilleures données que celles de quatre personnes. Ce ne sont même pas des médecins. Ce sont des gens ordinaires. J'ignore même qui ils sont. Ils ont produit ce document, qu'ils ont peut-être produit à la hâte au cours des deux dernières semaines. Il serait soit très inquiétant, soit extrêmement surprenant, que l'on n'ait pas fait le travail nécessaire au cours des huit dernières années pour élaborer et mettre en place cette taxe sur le carbone.
Ce n'est pas ouvert par défaut et, comme ma collègue, Mme Collins, y a fait allusion, c'est peut-être une tentative de dissimulation. C'est pourquoi nous demandons continuellement plus d'argent. La motion qui a été présentée est peut-être presque trop spécifique, mais après avoir entendu la motion de mon collègue, je serai heureux d'appuyer celle de Mme Collins, parce qu'elle est l'occasion de voir si le gouvernement essaie vraiment de se cacher derrière cela en envoyant une invitation très claire et très ouverte à partager à la fois les données et le modèle.
Je vais appuyer la motion de ma collègue, mais il y a clairement quelque chose ici. Je m'attends à plus de la part d'ECCC. Je m'attends à plus de la part d'un gouvernement qui se prétend ouvert par défaut, de même que de tous les parlementaires de toutes les allégeances politiques.
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Merci beaucoup, monsieur le président.
Pour les gens qui suivent nos travaux, je rappelle que le débat actuel ne vise pas à déterminer si la taxe sur le carbone est bonne ou non, mais plutôt à avoir accès à toute l'information sur les mesures d'évaluation de celle-ci. De ce côté-ci de la Chambre, il y a des gens qui ont des points de vue complètement différents sur la taxe sur le carbone, mais qui ont tous la volonté d'avoir les informations les plus neutres et les plus objectives possibles.
J'ai beaucoup d'estime pour ma collègue du Bloc québécois, même si nous ne partageons généralement pas du tout les mêmes idées. C'est ce qui s'appelle la démocratie, et soyons heureux de vivre dans un pays où la démocratie est célébrée tous les jours, comme elle l'est à la Chambre. Cela démontre qu'il faut aller au fond des choses. Il en va de même pour ma collègue du NPD. Je laisserai parler mes collègues du Canada anglais, où on sait que le NPD est un peu plus représenté, en tout respect pour mon .
La raison du débat actuel est que nous voulons savoir si le gouvernement a déposé, comme le Comité l'a demandé, les documents pertinents qui étaient exigés. Le moins qu'on puisse dire, c'est que la motion du Comité était claire: nous voulions avoir les informations provenant directement d'Environnement et Changement climatique Canada, le ministère visé.
Or, que retrouve-t-on dans le document qui nous a été remis? Permettez-moi de le citer en anglais:
[Traduction]
« Veuillez noter que ceci est un travail en cours. »
[Français]
C'est donc un document qui est en train d'être rédigé, un brouillon. C'est déjà un peu troublant, mais la phrase suivante l'est encore plus:
[Traduction]
« Tout commentaire sera apprécié. » Bien oui, tiens.
[Français]
Comme l'a si bien dit mon collègue M. Mazier tout à l'heure, nous aurons très certainement des choses à dire là-dessus, et ce, avant que tous les Canadiens aient la chance de se prononcer sur la pertinence d'une taxe sur le carbone. En effet, il ne fait aucun doute que la prochaine élection fédérale va porter sur cette question, et les Canadiens auront l'occasion de trancher.
Maintenant, écoutez bien ce qui est écrit dans le document déposé par le gouvernement et que celui-ci présente comme réponse à toutes les questions:
[Traduction]
« Les opinions exprimées dans le présent document sont celles des auteurs et ne reflètent pas celles d'Environnement et Changement climatique Canada ou du gouvernement du Canada. »
[Français]
Il est là le problème. C'est tout simple, comme le disait ma collègue de Repentigny, qui est toujours très polie. Ce n'était en effet rien de personnel quand nous mis en doute votre jugement et l'avons contesté, monsieur le président. Ce que nous avions demandé, avec le concours des autres partis de l'opposition, était très clair: nous voulions des informations justes, objectives, chiffrées et calibrées. Après quoi, les politiciens feraient leur travail, puisque je ne suis pas du genre à vouloir mépriser la position adverse. Cela fait partie du débat public et c'est le cœur même de la démocratie.
[Traduction]
Nous sommes députés. Nous représentons notre monde, et nous sommes importants parce qu'ici, autour de cette table, il y a quatre partis différents. C'est cela la démocratie. Oui, nous nous battrons pour nos idées, nous nous battrons pour ou contre, mais nous nous y attaquerons et nous contesterons le point de vue de l'opposition. Eh bien, c'est cela, la démocratie, la Chambre des communes et notre comité. Nous reconnaissons tous que le changement climatique est réel et que nous devons nous y attaquer. Il y a de bonnes et de mauvaises façons d'aborder le problème, et c'est la population qui décidera aux prochaines élections.
C'est pourquoi, monsieur le président, pour avoir un débat clair, un débat honnête et savoir exactement où on veut aller, il faut avoir toutes les données. Qui peut fournir ces données? Beaucoup de gens peuvent le faire. C'est pourquoi, monsieur le président, notre motion s'adresse directement au gouvernement.
Soit dit en passant, nous ne sommes pas le gouvernement. Ce n'est pas un gouvernement conservateur, c'est le gouvernement du Canada. Techniquement parlant, il n'y a pas de parti dans notre gouvernement, le gouvernement n'a pas de couleur.
C'est le gouvernement de ce pays, de tous les Canadiens. C'est pourquoi c'est à lui que nous demandons de nous fournir les données.
[Français]
Donnez-nous toutes les informations nécessaires pour qu'on puisse avoir un débat éclairé sur la situation.
J'ai beaucoup de respect et d'estime pour mon , qui est député de Laurier—Ste‑Marie. C'est un coin que madame Pauzé connaît bien, mais j'avoue que je suis un peu mêlé. Je sais que toutes les couleurs du spectre politique y sont: il y a du Bloc québécois, du Parti libéral et du NPD, tout le monde est là. Peut-être qu'un jour, il y aura aussi du Parti conservateur, nous le souhaitons, mais c'est la population qui va décider.
Je disais donc que j'ai beaucoup d'estime et de respect pour mon collègue. Je le connais depuis des années, ayant été journaliste en d'autres temps. Quand je l'ai interviewé, j'ai toujours apprécié sa franchise et ses arguments. Même si je n'étais pas toujours d'accord avec lui, il était là.
Combien de fois a‑t‑il dit à la Chambre, ici à ce comité, et partout en entrevue dans sa vie publique politique que la taxe sur le carbone était effectivement efficace et qu'il avait toutes les données nécessaires démontrant qu'elle nous permettait de diminuer les émissions de gaz à effet de serre? C'est un point de vue que je ne partage pas, mais notre motion lui donnait la chance de l'expliquer et de le prouver avec des documents du gouvernement qui nous démontreraient, hors de tout doute raisonnable et chiffre à l'appui, que nous sommes capables d'établir cette équation.
Malheureusement, ce n'est pas ce qui s'est passé. C'est la raison pour laquelle nous sommes tout à fait déçus de voir que la vérité ne peut pas éclater au grand jour.
[Traduction]
Nous avons besoin de la vérité, et le seul groupe qui peut nous la donner est — et je le dis avec des gants blancs — le gouvernement du Canada. C'est le ministère de l'Environnement et du Changement climatique qui peut nous la donner.
[Français]
Ce qu'on voit malheureusement à l'heure actuelle, c'est que la demande avait été formulée de façon très claire et précise, indiquant qu'il nous fallait avoir ces éléments. Or, de façon très claire et précise, noir sur blanc, le ministère reconnaît dans le document qui a été déposé que ce dernier n'est finalement qu'une ébauche en progression, qu'il va changer en cours de route, que tous les commentaires possibles sont les bienvenus, — ce qui est bien —, mais que les points de vue exprimés dans ce document sont ceux des auteurs et ne reflètent pas du tout la position du ministère de l'Environnement et du Changement climatique du Canada ni celle du gouvernement du Canada.
C'est donc exactement le contraire de ce que nous avions demandé. Il est certain que, si on examine plus à fond le document, on peut voir à la page 3 une formule mathématique assez impressionnante, que je ne vais pas lire. J'aurai quand même bientôt 60 ans et ça fait longtemps que je n'ai pas fait de chimie et de physique. Cela dit, on trouve dans ce document toutes sortes de formules intéressantes. C'est bien, d'accord, mais est‑ce bien la position du gouvernement? Est-ce ce que nous avions demandé, nous qui demandions que le Canada fasse connaître sa position, comment il s'y prend et quel est l'impact réel? La réponse est non, puisque ce document ne représente pas le point de vue du gouvernement du Canada, comme c'est écrit noir sur blanc dedans.
En tant que parlementaire, je suis donc surpris de voir devant cette évidence des collègues qui trouvent ça correct ainsi. À mon avis, ce n'est pas correct. La proposition du NPD va un peu plus loin, précise davantage, veut chiffrer davantage, et veut donner des dates et des échéanciers. Je comprends que cette position est partagée par ma collègue du Bloc québécois, et nous y sommes ouverts, bien entendu. Il n'y a que la vérité qui va gagner avec notre motion. Il n'y aura que les faits qui vont être connus par notre motion. Il n'y aura que le fond des choses qui va être atteint. Par la suite, chacun pourra faire connaître son point de vue avec des arguments basés sur la science et sur des faits neutres et objectifs auxquels tout le monde aura eu accès.
On a souvent vu dans des débats des gens qui disent être d'accord sur tel point de vue et qui citent telle personne ou telle étude. C'est bien. D'autres personnes ont une opinion contraire, basée sur telle étude ou telle analyse. C'est bien aussi. Les deux positions s'équilibrent et chacune se défend très bien. Cependant, pour avoir une discussion objective, on doit avoir un tronc commun, une seule information, précise, et égale pour tout le monde.
La meilleure façon, à notre point de vue, c'est au gouvernement canadien de la fournir. Nous l'avons demandée, nous l'avons réclamée, mais nous ne l'avons pas eue. Pire encore, le document qui nous a été transmis prévient noir sur blanc qu'il n'est pas complet et qu'on n'y parle pas au nom du gouvernement du Canada. Notre demande, en tant que parlementaires, était d'avoir accès à des documents. Notre motion avait d'ailleurs été appuyée par la majorité des membres du Comité. Par contre, puisque nous n'avons pas eu accès à ces documents, il est manifeste pour nous qu'il s'agit d'une atteinte à notre privilège.
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Merci beaucoup, monsieur le président.
J'espère au moins que nous conviendrons tous qu'il est de routine pour les comités parlementaires de demander des documents à la fonction publique. C'est fondamental dans notre démocratie, afin que nous puissions voir comment les opérations gouvernementales progressent et comment les parlementaires peuvent prendre de meilleures décisions à la lumière de ces données, de cette information et de ces documents.
Je pense qu'il est parfaitement raisonnable et pertinent que notre comité ait demandé de l'information sur les modèles que le gouvernement utilise depuis plusieurs années, sur lesquels il prend des décisions concernant ces augmentations continuelles de la taxe sur le carbone, et sur l'effet qu'il prétend que cela devrait avoir sur la réduction des émissions.
Cela a été au cœur du débat que nous avons au Canada depuis plusieurs années. Je pense que nous pouvons tous convenir, après avoir lu ce que nous avons reçu du gouvernement, que cette réponse est tout à fait insatisfaisante et inadéquate. Cela me rappelle comment, dans Le magicien d'Oz, ils sont finalement arrivés à la cité d'Émeraude et ont retiré un rideau et, tout d'un coup, le magicien a dit: « Ne faites pas attention à cet homme derrière le miroir. Il n'y a rien à voir ici. Faites ce que vous devez faire. » C'est ce à quoi je pensais lorsque j'ai reçu cette réponse d'Environnement et Changement climatique Canada.
Il y a le gros filigrane « Ébauche » sur la première page et on peut lire à la page 1: « Veuillez noter que ceci est un travail en cours. Tout commentaire serait apprécié. Les opinions exprimées dans le présent document sont celles des auteurs et ne reflètent pas celles d'Environnement et Changement climatique Canada ou du gouvernement du Canada. »
On ne peut s'empêcher de se demander, si cela ne reflète pas les opinions du gouvernement du Canada, sur quoi le gouvernement fonde ses décisions depuis des années. C'est ce que M. Mazier a demandé avant le congé de Pâques. Nous n'avons pas encore reçu le modèle complet. Du moins, c'est ce que j'espère. Si c'est tout ce qu'ils ont utilisé ces dernières années, c'est tout à fait insuffisant.
Par conséquent, il est parfaitement légitime que M. Mazier continue de réclamer ces documents, et il est fondamental pour notre démocratie que nous recevions ce sur quoi reposent ces décisions. Moins que cela, c'est totalement inacceptable, monsieur le président.