Bonjour, chers collègues.
Je salue également les témoins, qui sont tous en ligne aujourd'hui, je crois. Nous avons deux groupes de témoins.
Pour la première heure, nous avons le plaisir d'accueillir M. Martin Bureau, vice-président, Innovation, et chef du centre d'excellence en SPFA chez ALTRA. Je crois que nous nous sommes déjà parlé auparavant. Nous accueillons également Mme Anna Warwick Sears, directrice générale de l'Okanagan Basin Water Board, ainsi que Mme Nadine Stiller, présidente du Prairie Provinces Water Board.
Chaque témoin disposera de cinq minutes pour faire son discours d'ouverture.
Monsieur Bureau, vous avez la parole.
Je m'adresse à vous au nom de l'Office des eaux du bassin de l'Okanagan. Nous sommes un organisme gouvernemental local qui regroupe plusieurs administrations locales de l'Okanagan. Depuis 1970, nous avons pour mandat de jouer un rôle de premier plan dans les dossiers relatifs à l'eau dans toute la vallée. Nous sommes l'une des régions du Canada dont la croissance est la plus rapide et où le stress hydrique est le plus élevé. Les investissements fédéraux dans le logement sont les bienvenus, mais il faut être en mesure d'approvisionner les nouveaux logements en eau potable de qualité.
Je veux vous parler de deux dossiers urgents qui requièrent des investissements immédiats de la part du gouvernement fédéral pour éviter des coûts et des souffrances énormes dans un proche avenir.
Le premier se rapporte aux effets des conditions météorologiques extrêmes sur l'eau douce. Nous avons subi des inondations catastrophiques en 2017 et 2018. L'an dernier, il s'en est fallu de peu pour que l'important feu de forêt qui a ravagé West Kelowna détruise l'usine de traitement de l'eau de Rose Valley, d'une valeur de plusieurs millions de dollars, en plus de détruire près de 300 maisons. Cet été, nous craignons pour le plateau Duteau. C'est là que se trouvent tous les réservoirs du versant est de la vallée de l'Okanagan. Ces réservoirs approvisionnent en eau plus de 90 000 habitants et représentent des centaines de millions de dollars de production agricole.
Aujourd'hui, le manteau neigeux de la Colombie-Britannique atteint des creux historiques. La sécheresse de l'année dernière se répétera donc cette année. Les services publics d'eau se réunissent actuellement pour trouver des moyens d'éviter les conflits entre les besoins des habitants en eau potable, les besoins des agriculteurs pour l'irrigation et les besoins des pêches.
Je suis ici pour demander au gouvernement du Canada d'investir davantage dans le Fonds d'atténuation et d'adaptation en matière de catastrophes afin de soutenir des efforts accrus de prévention des dommages causés par les inondations, les sécheresses et les feux de forêt, ainsi que d'accroître la capacité de stockage de l'eau, de moderniser les systèmes d'irrigation et de financer les infrastructures d'approvisionnement en eau potable. C'est maintenant qu'il faut faire ces investissements. Il faut du temps avant que les fonds ne soient versés, et la reconstruction est beaucoup plus coûteuse que l'atténuation proactive.
Le deuxième dossier dont je veux parler est celui des moules envahissantes qui menacent nos lacs. Le gouvernement du Canada investit des sommes importantes pour lutter contre les espèces aquatiques envahissantes dans les Grands Lacs; cependant, à l'heure actuelle, pas un dollar n'est consacré à la prévention de l'invasion des moules zébrées et quagga dans l'Ouest canadien. Dans la majorité des cas, les moules envahissantes sont transportées jusqu'ici par des bateaux contaminés, dont la plupart viennent de l'Est du pays. Il s'agit donc d'un problème interprovincial, d'où la nécessité d'une intervention fédérale.
Les moules présentent un risque pour les bassins du Columbia, de l'Okanagan, du Kootenay et du Fraser en raison des propriétés chimiques de l'eau. On estime que les moules envahissantes pourraient coûter plus de 139 millions de dollars par année à la Colombie-Britannique. L'ASFC doit également participer aux efforts parce qu'on vient de trouver des moules envahissantes dans la rivière Snake, qui fait aussi partie du bassin du Columbia. Le gouvernement fédéral doit contribuer sans tarder au programme de lutte contre les moules envahissantes de la Colombie-Britannique.
En résumé, les administrations locales de la Colombie-Britannique sont exposées à d'intenses menaces pour l'eau douce en raison des phénomènes météorologiques extrêmes et des espèces aquatiques envahissantes. La prévention et l'atténuation proactive sont peu coûteuses comparativement aux coûts exorbitants liés à la réparation ou même à la gestion des dommages. Les provinces et les administrations locales ne peuvent pas être appelées à s'attaquer seules à ces défis d'envergure nationale, qui font peser des risques majeurs sur nos écosystèmes locaux, nos remontées de saumons, notre qualité de vie et nos valeurs culturelles, en plus de nuire sérieusement aux collectivités.
Nous demandons au gouvernement d'investir dans les efforts que mettent les administrations locales à atténuer les effets des inondations, des sécheresses et des feux de forêt. Nous demandons aussi au gouvernement du Canada de fournir à l'Ouest canadien des ressources équivalentes à celles qu'il consacre à l'Est du pays pour empêcher les espèces aquatiques envahissantes, en particulier les moules, d'infester notre région. En dernier lieu, nous demandons au gouvernement fédéral de mettre pleinement en œuvre les recommandations du rapport sur les espèces aquatiques envahissantes de la commissaire Julie Gelfand. Je crois qu'il est paru en 2019.
Merci beaucoup.
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Monsieur le président, je m'appelle Nadine Stiller. Je suis présidente de la Régie des eaux des provinces des Prairies depuis 2018. Je suis également directrice exécutive de la nouvelle direction générale de l'Agence canadienne de l'eau au sein d'Environnement et Changement climatique Canada.
Aujourd'hui, je représente la Régie des eaux des provinces des Prairies.
C'est un honneur pour moi de me joindre à vous depuis le territoire visé par le Traité no 1, soit le territoire traditionnel des peuples anishinabe, ininew, oji-cri, déné et dakota, et la patrie de la nation métisse.
La gestion de l'eau au Canada est une responsabilité partagée entre tous les ordres de gouvernement. Le cadre juridique de la gestion de l'eau est complexe. En résumé, les provinces ont la responsabilité première de la qualité de l'eau, de son utilisation et de sa répartition à l'intérieur de leurs frontières, y compris des services d'approvisionnement en eau potable et de traitement des eaux usées. Le gouvernement fédéral est quant à lui responsable de gérer l'eau douce en général au moyen de règlements nationaux et de programmes de surveillance. Les deux ordres de gouvernement mettent en œuvre des programmes visant à protéger la santé des écosystèmes aquatiques.
Dans les Prairies, l'eau coule généralement vers l'est, depuis les Rocheuses en Alberta jusqu'au lac Winnipeg et à la baie d'Hudson, en passant par la Saskatchewan et le Manitoba. Une gestion efficace de l'eau dans les Prairies est essentielle à la fois à la prospérité économique et au bien-être de la population, qui comprend un grand nombre d'Autochtones. Ce système unique dépend fortement du ruissellement nival. La variabilité des précipitations rend donc la région très sensible aux conditions extrêmes telles que les sécheresses et les inondations. Les sécheresses de longue durée, s'étalant sur plusieurs années, constituent le plus grand défi. Les changements climatiques exacerbent ces variations. Une collaboration solide entre les différents ordres de gouvernement est donc primordiale.
La Régie des eaux des provinces des Prairies a été créée en 1948 par les trois provinces et le gouvernement fédéral. Toutefois, dans les années 1960, la demande croissante en eau des provinces a mis en avant le besoin d'un système plus robuste. En 1969, l'Accord-cadre sur la répartition des eaux des Prairies a été établi, et la Régie a focalisé son attention sur le partage équitable des eaux transfrontalières dans les Prairies. Bien que l'accord ne prévoie aucun mécanisme d'application, il demeure un instrument puissant qui favorise la coopération et permet le règlement des différends entre les provinces. Il fait ses preuves depuis plus de 50 ans.
Les annexes A et B de l'accord prévoient une répartition en deux parts égales du débit naturel annuel entre les provinces adjacentes afin que chaque province utilise ou reçoive 50 % du débit naturel. C'est la Régie qui détermine la méthode de calcul du débit naturel et qui calcule les bilans de répartition. L'annexe E, ajoutée en 1992, porte expressément sur la qualité de l'eau de 12 plans d'eau transfrontaliers. Le gouvernement fédéral effectue une surveillance de la qualité de l'eau selon un cycle quinquennal d'examen des objectifs de qualité de l'eau. En outre, une nouvelle annexe, l'annexe F, est en voie d'être ajoutée à l'accord-cadre. Elle concerne la coopération en matière de gestion des eaux souterraines et des aquifères.
Trois facteurs clés contribuent au succès de la Régie.
Premièrement, l'Accord-cadre sur la répartition des eaux des Prairies enjoint aux provinces de répartir équitablement l'eau afin de protéger à la fois la quantité d'eau et la qualité de l'eau. La planification à long terme procure une certitude aux provinces, qui connaissent ainsi la quantité d'eau à laquelle elles ont droit et leurs responsabilités.
Deuxièmement, le mécanisme de prise de décisions fondé sur le consensus permet de régler les problèmes avant qu'ils ne dégénèrent en conflits.
Troisièmement, la Régie, composée de hauts fonctionnaires responsables des ressources en eau, encourage la collaboration entre les organismes au mandat et aux objectifs semblables, avec un pouvoir décisionnel égal.
La Régie est appuyée par un secrétariat et quatre comités permanents, axés sur l'hydrologie, la prévision des débits, la qualité de l'eau et les eaux souterraines. Ses coûts sont partagés également entre le gouvernement fédéral et les provinces. Environnement et Changement climatique Canada finance et réalise des activités de surveillance de l'eau aux sites transfrontaliers. La force de la Régie réside dans son engagement à l'égard du consensus. Elle favorise la participation de toutes les parties et encourage ainsi un esprit de coopération et de respect mutuel entre les gouvernements provinciaux, qui sont les principaux responsables de la réglementation de l'eau. L'approche collaborative garantit le respect constant de l'accord-cadre.
Au nom de la Régie des eaux des provinces des Prairies, je vous remercie pour l'invitation.
[Traduction]
En 2001, notre entreprise, ALTRA, avait déjà commencé à traiter les SPFA. Nous avons été engagés pour assainir le sol et les eaux souterraines qui avaient été contaminés par de la mousse de type AFFF, une mousse à formation de pellicule aqueuse pleine de SPFA, à cause d'un réservoir qui fuyait sur une base militaire canadienne. Nous avons traité 4,5 millions de litres d'eau souterraine en utilisant une combinaison de notre propre technologie de l'époque — le fractionnement de la mousse et la filtration sur lit — pour atteindre une efficacité d'élimination de 99 %.
Un autre projet d'envergure a été achevé en 2013 après le terrible accident de Lac-Mégantic, où nous avons traité toute l'eau utilisée pour éteindre l'incendie après l'explosion des 72 wagons. L'incendie de pétrole a été éteint en deux jours en utilisant près de 1 000 litres de mousse AFFF concentrée et plus de 64 millions de litres d'eau. ALTRA a traité toute cette eau d'extinction contaminée par des hydrocarbures et de la mousse AFFF, avec un taux d'élimination de 99.6 %.
En 2022, nous avons réalisé le plus grand projet d'assainissement d'une zone contaminée par des SPFA au Canada à la base des Forces canadiennes de Borden. Nous avons également traité 10 millions de litres d'eaux souterraines hautement contaminées par de la mousse AFFF.
Après de nombreux projets pilotes et l'analyse de plus de 10 000 échantillons de SPFA dans notre laboratoire de Montréal, nous avons acquis une expertise que nous diffusons dans toute l'Amérique du Nord. Nous exploitons actuellement la première usine de traitement des SPFA de type « de l'eau propre en tant que service », qui vise à atteindre un niveau garanti d'élimination des SPFA dans les lixiviats contaminés dans les décharges de Waste Connections — qui est la troisième entreprise de gestion des décharges en importance en Amérique du Nord — à Rosemount et Rich Valley, au Minnesota.
Comme vous le savez, les SPFA, les produits chimiques éternels, sont partout et varient d'un site à l'autre. Ils se retrouvent dans nos eaux de surface, nos eaux souterraines, nos lixiviats et nos effluents, quelle que soit leur origine — industries, sites contaminés, décharges, aéroports, bases militaires, etc. Nous devons ensuite les traiter en aval dans des stations de traitement de l'eau potable ou des stations de traitement des eaux usées. À ce stade, la concentration est très faible. Elle est trop élevée pour notre santé, mais elle est tout de même très diluée.
Nous avons vu récemment dans La Presse qu'un aquifère de Sainte-Cécile-de-Milton a été contaminé par des SPFA provenant d'une source en amont, proche et bien soupçonnée. Les coûts de traitement à ce niveau deviennent extrêmement élevés. Une grande station de traitement publique pourrait facilement dépenser, quotidiennement, un demi-million de dollars pour traiter les SPFA, pour les biens de consommation seulement.
Ce n'est pas la solution. Les SPFA doivent être traitées, gérées, capturées ou éliminées à la source. Tout d'abord, nous devons éliminer leur utilisation dans les processus de fabrication et dans les produits manufacturés. Nous devons également éliminer les émissions des différentes sources, où qu'elles se trouvent — qu'elles soient solides, liquides ou gazeuses, en nous concentrant particulièrement sur les liquides, car c'est le type d'émission le plus urgent et le plus important à traiter dès maintenant. C'est ce que l'entreprise ALTRA s'est engagée à faire.
En fin de compte, nos ressources en eau sont de plus en plus sollicitées et il faut agir de toute urgence. Les efforts actuels se sont révélés insuffisants pour intégrer la résilience dans nos stratégies afin de protéger et de conserver les ressources en eau.
Le Canada doit agir rapidement. Nous proposons les mesures suivantes.
L'utilisation des SPFA doit être strictement interdite dans toute une série d'applications au Canada. Nous devons également inclure une déclaration complète de leur contenu afin de garantir la transparence et la sécurité pour les consommateurs et l'environnement chaque fois qu'elles sont utilisées.
Il faut également des mesures réglementaires claires et robustes. Il est essentiel d'adopter les projets d'objectifs pour les SPFA dans l'eau potable au Canada avant la fin de l'année 2024. À partir de ces critères relatifs à l'eau potable, nous pourrons ensuite tirer parti des critères pour les eaux de surface, les eaux souterraines, le sol, etc.
Il est impératif que le gouvernement fédéral, par l'entremise de ses principales agences, accélère la publication des appels d'offres très attendus pour la décontamination complète des SPFA dans tout le pays. Cela concerne les sites orphelins, les aéroports, les bases militaires et les friches industrielles qui relèvent de la compétence fédérale.
Un soutien financier doit également être apporté aux autres niveaux de gouvernement au Canada pour lutter contre la contamination par les SPFA de sites fédéraux, comme nous l'avons constaté dans des aquifères en aval de bases militaires et de sites aéroportuaires dans tout le pays, et plus particulièrement au Québec à l'automne dernier.
Enfin, il est essentiel d'allouer des fonds précis pour soutenir la démonstration et la mise en œuvre de solutions canadiennes novatrices pour la décontamination des SPFA. Cet investissement stratégique permettra non seulement d'améliorer l'efficacité des efforts d'assainissement, mais aussi de mettre en lumière la capacité du Canada à innover et à jouer un rôle de premier plan dans le domaine de l'environnement à l'échelle mondiale.
Je vous remercie.
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Merci, monsieur le président.
Merci à tous les témoins de se joindre à nous aujourd'hui.
Comme il y a beaucoup de points à aborder, il est dommage que je ne dispose que de six minutes, monsieur le président.
Commençons avec M. Bureau.
Tout d'abord, je vous remercie de tout le travail que vous faites en matière de décontamination des SPFA. Je me demande si vous pouvez expliquer au Comité d'où viennent les SPFA. Lorsque vous suggérez que les SPFA devraient être strictement interdites, quelles seraient certaines des répercussions de l'interdiction des SPFA?
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Les SPFA sont des composés chimiques utiles qui ont été utilisés dans de nombreuses applications dans le monde, que ce soit le Gore-Tex, les poêles antiadhésives en téflon ou l'extinction des feux. Elles ont cette propriété inhérente de ne pas être affectées par l'environnement — l'environnement extrême en particulier —, de sorte qu'elles se transforment en un composant à l'épreuve du feu et résistant aux taches et aux frottements.
Par conséquent, elles se retrouvent dans presque tout ce que nous fabriquons, y compris les textiles — si quelqu'un porte du polyester — et les vernis sur nos tables. On les retrouve également dans tous les sites où des incendies d'hydrocarbures ont été éteints ou dans lesquels nous avons testé la capacité des mousses à éteindre les incendies d'hydrocarbures.
Les pompiers ont testé de nouvelles mousses en creusant un trou, en y mettant du diésel, en utilisant la mousse et en la laissant pour éteindre le feu. Le résultat est que la mousse s'est enfoncée dans le sol et dans l'aquifère. C'est l'une des sources les plus importantes de SPFA dans notre communauté, et elles sont également liées aux bases militaires et aux aéroports.
Il y a ensuite les industries qui les utilisent. Il y a les décharges qui, en raison de toutes nos utilisations, finissent par contenir ces SPFA, qui se retrouvent dans leurs lixiviats ou leurs émissions. Par conséquent, nous avons des SPFA dans notre sang. J'ai des SPFA dans mon sang. En fait, il n'y a pas d'échantillon sanguin qui ne contient pas de SPFA. Je n'ai jamais testé un échantillon qui ne contenait pas de SPFA.
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La réponse simple est oui, il y a des solutions de rechange, et elles fonctionnent.
Le fait est qu'il s'agit d'une famille de produits dont la performance a été prouvée. Par conséquent, et parce que nos règlements sont faits d'une certaine manière, cette molécule est interdite ou cette autre molécule est interdite. Toutefois, nous, les chimistes, sommes très habiles pour ajouter de nouvelles branches aux molécules. Cela change le nom et il s'agit alors d'une toute nouvelle molécule. Nous devons interdire toute la famille des composés à base de fluor pour toutes ces utilisations non essentielles.
Il y a quelques exceptions. S'il n'y avait que quelques exceptions, nous ne serions pas dans la situation dans laquelle nous sommes actuellement. Oui, des solutions de rechange existent.
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Merci, monsieur le président.
Je remercie les témoins de leur présence aujourd'hui pour nous faire profiter de leur expérience, de leur expertise et de leurs observations.
Ma première question est pour Mme Stiller, de la Régie des eaux des provinces des Prairies.
La Politique fédérale de 1987 relative aux eaux recommandait d'avoir davantage recours à des mécanismes « comme la Commission des eaux des provinces des Prairies [...] pour régler d'éventuels conflits concernant l'eau » entre les provinces et les territoires.
Selon vous, quelles pratiques de gestion exemplaires et leçons retenues de la Régie des eaux des provinces des Prairies peuvent être appliquées plus largement à la coopération intergouvernementale en matière d'eau au Canada, par exemple par l'intermédiaire de l'Agence canadienne de l'eau?
Vous travaillez dans l'industrie de l'environnement depuis 15 ans, où vous avez occupé divers postes de direction. Auparavant, vous avez occupé plusieurs rôles de direction au sein du Conseil national de recherches du Canada. Vous êtes donc une personne très compétente.
Il y a quelques semaines, le Comité a reçu comme témoin le professeur Sébastien Sauvé, que vous connaissez probablement. Il a abordé le sujet des technologies et de l'équipement qui pourraient identifier la présence des SPFA afin d'arriver à en éliminer le plus possible, le plus tôt possible.
Je parle toujours de prévention et de réduction à la source. Or, votre société, ALTRA, est appelée à agir dans plusieurs secteurs de l'économie canadienne en ce qui touche le traitement des eaux. Pourriez-vous nous dire quelle place occupent la détection et l'élimination des polluants éternels dans votre société?
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Je connais très bien le professeur Sauvé, qui est un chimiste éminent. Quand on parle de caractérisation, d'identification ou de détection, il est dans sa sphère de compétence, qui est peut-être la meilleure au monde.
Pour notre part, nous sommes dans la remédiation, la résolution de problèmes, le traitement, la concentration et la destruction des SPFA. Ces technologies sont efficaces, d'autant plus que les concentrations sont élevées. Notre place dans la chaîne est plutôt à sa source qu'à sa sortie. L'idée est de remédier aux SPFA à la source par des moyens de concentration efficaces qui ne coûtent pas trop cher d'un point de vue économique et, ce faisant, de réduire le problème en aval.
À cause du facteur de dilution, les coûts de remédiation sont astronomiques, et je pèse mes mots. En réponse à un récent appel d'offres de la Ville de Saguenay, le devis a estimé à 11 millions de dollars sur cinq ans la remédiation pour trois puits d'eau potable. On parle de deux millions de dollars annuellement par puits. Si vous faites le calcul, vous allez constater que ce n'est pas une solution rentable. On ne peut pas investir deux millions de dollars par puits aux cinq ans dans tous les puits d'eau au Canada.
Il faut plutôt trouver la source de cette contamination en amont, ce qui est très simplement identifiable, et faire la remédiation à ce site. Dans le cas que je viens de citer, le gouvernement fédéral a reconnu que la source est, du moins en partie, la base militaire de Bagotville.
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Si je peux me permettre, la détection ne coûte pas si cher, c'est la remédiation qui coûte cher.
Je vais vous donner un exemple. Si on connaît la source d'un réseau d'eau, ce sont des coûts, en général, de 1 à 2 millions de dollars par année, selon les chiffres du marché, pour remédier à cet endroit et régler le problème à la source.
Si on parle d'eau en continu générée par un site d'enfouissement, c'est par année. Si c'est à la suite d'une remédiation, on prend les sols, on les nettoie ou on les brûle, puis on règle le problème d'eau, et il n'y a plus de SPFA. En général, ça représente des coûts de 1 à 2 millions de dollars. Par contre, si on agit en aval, pour un réseau d'eau conséquent, ça peut coûter au moins 1 million de dollars par jour, en général. On compare donc 1 million de dollars par année de façon ponctuelle à 1 million de dollars par jour en aval.
Ce sont des chiffres qu'on pourrait appliquer à l'usine de traitement d'eau à Montréal, par exemple. Il n'y a pas énormément d'industries qui utilisent des SPFA sur l'île de Montréal, mais il y a des centres d'enfouissement qui en ont utilisé dans le passé. On traite à la source par opposition au traitement à la station d'épuration Jean‑R. ‑Marcotte pour 1 million de dollars par jour. J'ai fait les calculs.
Ne me prenez pas au mot, parce que c'est une image, mais on est sans doute dans cet ordre de grandeur
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Merci, monsieur le président.
Je pense qu'un thème se dégage ici, à savoir qu'investir d'entrée de jeu dans les efforts d'atténuation nous permettrait d'éviter certains coûts les plus excessifs.
Je veux commencer par Mme Warwick Sears, mais j'ai aussi quelques questions pour M. Bureau.
Vous avez parlé du manque de financement pour les mesures d’atténuation en cas de catastrophe. L'automne dernier, le Comité a adopté une motion demandant au gouvernement fédéral de créer un fonds de 1 milliard de dollars pour la sécurité de l'eau douce en Colombie-Britannique, en partenariat avec le gouvernement de la Colombie-Britannique et des partenaires privés. Malheureusement, ce fonds de sécurité était absent du budget de cette semaine.
Pouvez-vous parler brièvement de ce que représenterait un fonds pour la sécurité de l'eau douce en Colombie-Britannique pour votre organisation et votre région?
Prenons le risque d'incendie sur le plateau de Duteau à titre d'exemple. Il faudrait quelque 5 millions de dollars par année sur un certain nombre d'années pour les travaux d'atténuation des feux de forêt, soit l'abattage d'espèces non commerciales. Il s'agirait de payer les entreprises forestières qui effectueraient ces travaux.
Le fonds provincial pour la sécurité des bassins hydrographiques de la Colombie-Britannique s'élève actuellement à 100 millions de dollars, pour un financement de 5 millions de dollars par année pour l'ensemble de la province. Un seul projet dans l'Okanagan nécessiterait la totalité du financement provincial actuel. Dans les années 1990, à l'époque du programme de renouvellement des forêts de la Colombie-Britannique, le financement pour ce genre de travaux, ajusté en fonction de l'inflation, était d'environ 60 millions de dollars par année.
Nous sommes tout simplement incapables de faire le travail. C'est très coûteux. Les répercussions sont liées aux conditions météorologiques extrêmes, qui résultent collectivement du reste du Canada et du monde entier. Après toutes ces années où l'on n'a fait qu'ignorer le problème, les coûts sont absolument astronomiques, et ce, simplement pour essayer de suivre le rythme.
J'ai l'impression que la leçon à retenir, c'est que chaque dollar dépensé au départ pour renforcer la résilience climatique permet des économies astronomiques.
Commençons par parler brièvement des substances PFA.
Cette semaine, j'ai déposé une motion à la Chambre pour demander au gouvernement fédéral de réglementer les substances PFA en tant que catégorie en vertu de la Loi canadienne sur la protection de l'environnement, de lutter contre les efforts de désinformation de l'industrie au sujet des substances PFA et de veiller à ce que ces substances soient progressivement retirées des tenues d'intervention pour la lutte contre les incendies dans les plus brefs délais, et aussi d'accélérer le processus d'inscription des substances PFA en tant que catégorie dans la partie 1 de l'annexe 1 de la Loi canadienne sur la protection de l'environnement.
Il me reste encore deux minutes, ce qui sera probablement suffisant pour obtenir une réponse, mais j'aimerais en savoir un peu plus sur la façon d'arrimer nos échéanciers à ceux de l'Union européenne et des États-Unis pour l'élimination progressive des substances PFA dans les produits, en particulier la feuille de route de l'Union européenne pour l'élimination progressive des substances PFA.
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Merci beaucoup, monsieur le président.
Pour la plupart des gens, il est clair que nous devons en faire plus pour limiter les rejets de produits chimiques potentiellement nocifs et toxiques, comme les substances perfluoroalkyliques et polyfluoroalkyliques, ou SPFA, qui se retrouvent dans notre environnement, d'autant plus qu'il y a bioamplification dans notre corps et dans le sang. Ce phénomène a été décrit.
Les êtres humains ont presque attendu trop longtemps avant de lutter contre les chlorofluorocarbures. Notre ozone commence enfin à se rétablir, mais nous avons sans contredit attendu trop longtemps pour pleinement comprendre les effets du réchauffement causé par les émissions excessives de dioxyde de carbone. Nous devons en faire plus, et non moins, pour limiter la fabrication, l'utilisation, l'importation, l'exportation et le rejet de ces produits chimiques nocifs.
De nombreux intervenants demandent que les substances perfluoroalkylées, les SPFA, soient pleinement catégorisées comme produits chimiques toxiques en vertu de la Loi canadienne sur la protection de l'environnement, que nous ajouterons à notre étude. Cependant, en même temps, les grands producteurs de plastique — un grand regroupement de multinationales du pétrole et du gaz naturel qui convertissent les hydrocarbures en plastique afin de produire des articles comme des sacs, des pailles et des emballages en plastique à usage unique, dont une grande partie contient des substances perfluoroalkylées nocives — semblent avoir persuadé certains députés conservateurs.
Le député conservateur de la Saskatchewan, , s'est servi de son projet de loi d'initiative parlementaire pour tenter de modifier la Loi canadienne sur la protection de l'environnement, ou LCPE, en retirant tous les articles fabriqués en plastique de la liste des substances toxiques de l'annexe 1 de cette loi. Le député conservateur, M. Tochor, banalise l'importance d'avoir une liste exhaustive des produits chimiques toxiques de catégorie A et souhaite le retour de la paille en plastique.
Ma question s'adresse à M. Bureau.
Il m'est évident que les conservateurs d'en face appuient également ce texte de loi, et qu'ils aimeraient voir plus de substances perfluoroalkylées et plus de pollution par le plastique dans nos cours d'eau et dans nos corps. C'est très bien. Cela ne se limite pas aux pailles, mais peu importe.
Monsieur Bureau, l'élimination du fondement législatif qui sous-tend la capacité réglementaire de prévenir la pollution par le plastique et les substances perfluoroalkylées nuirait-elle aux mesures visant à prévenir la contamination de nos cours d'eau, de nos environnements et de nos organismes?
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Je ne fais pas de politique. Je suis un scientifique, et je vais commencer par jouer ce rôle.
La clé du succès pour l'assainissement et les mesures efficaces comporte quelques volets, dont les contraintes réglementaires. C'est le vent qui fait avancer le bateau. C'est l'élément le plus important. Si les contraintes réglementaires ne sont pas en place, ou qu'elles ne sont ni utiles ni réalistes — parce qu'elles pourraient aller trop loin —, aucune action n'est possible.
Si on interdit les substances perfluoroalkylées dans la LCPE et qu'on les qualifie de substances dangereuses, peu importe où elles se trouvent, y compris dans les sites fédéraux, l'industrie cessera de faire quoi que ce soit. L'affaire ira devant les tribunaux et durera 10 ans. C'est un exemple où on irait trop loin, et il y a des exemples où on pourrait en faire trop peu. Il est clair que nous devons divulguer la présence de substances perfluoroalkylées dans les composants que nous fabriquons.
Ma question peut s'adresser à n'importe quel témoin.
On a toujours l'impression qu'il est question de l'eau, tout va bien ici, au Canada, en particulier au Québec. Nous avons des millions de lacs, entre autres. Or, nous utilisons cette eau allégrement et nous avons une fausse perception de son abondance et de sa qualité. C'est comme si nous faisions fi des SPFA, des espèces envahissantes, de la pollution par le plastique et le polyester des vêtements, en plus d'oublier les sécheresses.
Parmi les témoins, y en a-t-il qui ont des idées sur le rôle que pourrait jouer le gouvernement fédéral pour combattre cette fausse perception de l'eau?
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L'Europe et les États-Unis, avec le « Plan 15 » — je n'ai pas le temps de l'expliquer, mais vous pouvez vous y reporter —, dressent la liste de toutes les sources de SPFA et fixent une quantité pour chacune d'elles. Ensuite, il y aura un plan d'action, et la feuille de route est très claire: on propose des dates comme 2025 et 2026 pour le début de l'assainissement, selon les types de sources. Les sites d'enfouissement seront en tête de liste.
Le Canada ne regroupe toujours pas les SPFA dans une catégorie. À l'heure actuelle, il y en a 28 ou 18, selon la liste. Les Américains adoptent la même approche — les SPFA sont prises en compte individuellement, pas dans une catégorie. De leur côté, les Européens envisagent de prendre des mesures à l'égard de la catégorie complète des SPFA, ce qui est certainement la voie à suivre.
J'ai entendu dire que les lignes directrices relatives à l'eau potable pourraient inclure une catégorie, mais à ma connaissance, le changement n'a pas encore été apporté. Sur un total de milliers de SPFA, 28, ce n'est vraiment rien — soyons réalistes.
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Merci, monsieur le président.
Je vais commencer par Mme Warwick Sears.
Vous avez parlé du vin. Bien entendu, la vallée de l'Okanagan est réputée pour ses excellents vins. Je suis simplement curieux. Y a‑t‑il une grande dépendance à l'irrigation dans cette région? Quelle est l'utilisation par rapport aux autres utilisateurs?
Ensuite, je sais qu’à l’échelle internationale, on se tourne un peu vers l’aridoculture, c’est-à-dire l’idée d’utiliser moins d’eau, de sorte que les racines vont plus profondément et créent un raisin plus goûteux. Cette méthode est-elle adoptée dans la région comme moyen de réduire la quantité d'eau utilisée?
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Oui, l'industrie vinicole est certainement l'une des industries agricoles les plus avant-gardistes de la vallée. La plupart des vignerons ont adopté l'irrigation au goutte-à-goutte, qui est très efficace, et gèrent l'utilisation de l'eau pour assurer la qualité du raisin. Notre production vinicole est davantage axée sur la qualité que sur le volume.
En ce moment, nous éprouvons des difficultés parce que 90 % des vignes ont été tuées l'hiver dernier lorsqu'un froid extrême a balayé la région, juste après un réchauffement extrême, et que les plantes n'ont pas pu le supporter. Un important programme de replantation est en cours. Nous prévoyons que les systèmes d'irrigation seront améliorés davantage grâce à ce programme de replantation.
En ce qui concerne l'irrigation en général, de nombreux agriculteurs des autres cultures vivaces — comme les cerises, les pêches et les pommes — n'ont pas encore modernisé leurs systèmes d'irrigation. Je vous le mentionne parce que, par le passé, une grande partie de ce financement provenait d'Agriculture Canada pour aider les agriculteurs à remplacer leurs systèmes. En aidant les agriculteurs, nous contribuons au maintien de la sécurité alimentaire en Colombie-Britannique et au Canada.
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Merci, monsieur le président.
Je remercie les témoins.
Monsieur Bureau, j'ai rencontré cette semaine des représentants de la section locale 467 de Guelph de l'Association internationale des pompiers. Ils ont parlé des SPFA dans l'équipement de lutte contre les incendies, de la mousse utilisée et des répercussions sur la santé des pompiers partout au Canada.
Ils demandent une catégorie complète de SPFA dans la partie 1 de l'annexe 1 de la LCPE. Ils demandent qu'on interdise l'utilisation des SPFA; qu'on soutienne la remise en état et l'élimination sécuritaire du matériel et des mousses de lutte contre les incendies contenant des SPFA; qu'on aide les services d'incendie et les municipalités à assumer les coûts de transition vers de l'équipement de protection sans SPFA; et qu'on fasse un suivi de la santé des pompiers exposés aux SPFA dans leur milieu de travail.
Ils nous demandent notamment de porter attention à la remise en état et à l'élimination sécuritaire du matériel de lutte contre les incendies. Ils m'ont décrit que, après un incendie, l'équipement est trempé de mousse et qu'elle s'accumule au fil du temps. J'avais en tête l'image d'un sac de hockey. Parfois, on ne veut pas enfiler cet équipement.
Y a‑t‑il moyen de récupérer l'équipement contaminé par les SPFA? Existe‑t‑il une technologie que le gouvernement fédéral pourrait appuyer?
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Excellent. Merci beaucoup.
Madame Stiller, j'aimerais penser aux provinces des Prairies. Je suis également originaire du territoire du Traité n o 1.
Je pense aux tensions entourant les projets hydroélectriques au large du lac Winnipeg, au fleuve Nelson et à la rivière Churchill, et la centrale électrique de Jenpeg qui contrôle le niveau du lac et qui produit de l'électricité à partir du lac. Je pense à l'incidence sur les communautés autochtones de Saint-Laurent, au bord du lac Manitoba, ou de Norway House, au bord du lac Winnipeg.
Pourriez-vous nous dire comment les allocations pourraient être utilisées pour établir un équilibre entre les besoins en électricité et les besoins des résidants qui vivent aux abords des lacs?
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Nous reprenons la séance.
Je souhaite la bienvenue au deuxième groupe de témoins.
D'abord, nous avons deux invités qui témoigneront à titre personnel: M. Roy Brouwer, professeur et directeur général du Water Institute à l'Université de Waterloo, ainsi que M. Frédéric Lasserre, professeur titulaire à l'Université Laval.
Ensuite, nous entendrons des représentantes de la Commission canadienne de sûreté nucléaire.
Professeur Lasserre, comme M. Brouwer n'est pas présent pour l'instant, nous allons nous tourner vers vous. Vous avez la parole pour cinq minutes.
J'ai le plaisir de pouvoir vous livrer quelques réflexions sur la dynamique de la gouvernance de l'eau.
Comme il a été mentionné au cours des témoignages précédents, au Canada, on a beaucoup insisté pendant longtemps sur la nécessité d'améliorer la qualité de l'eau. Cependant, tout se passait comme si les problèmes quantitatifs n'étaient guère pertinents dans la gouvernance de la ressource au pays. En effet, il y avait cette perception très répandue selon laquelle la grande abondance d'eau au Canada dispensait de toute réflexion sur la nécessité de mieux gérer cette ressource, perception qui n'était d'ailleurs pas totalement infondée. Il est vrai que nous sommes choyés au Canada, car nous disposons de très grandes ressources. Cela ne veut pas dire pour autant qu'il faut se passer de toute réflexion sur l'approche à adopter en matière de gestion des quantités d'eau que nous utilisons.
Pour ce qui est de la qualité, que peut-on déjà observer? D'abord, il y a toujours ce scandale concernant la très mauvaise qualité de l'eau dans la plupart des communautés autochtones, même si ces dernières insistent depuis des décennies sur la nécessité tout à fait légitime d'améliorer la qualité de l'eau. Même si nous vivons dans un pays développé, plusieurs communautés autochtones ne disposent pas de ressources en eau potable, ce qui est quand même assez scandaleux et paradoxal.
Par ailleurs, dans le reste du pays, on a observé une grande amélioration de la qualité de l'eau dans les grands fleuves et les Grands Lacs, à la suite de beaucoup de campagnes de sensibilisation et de l'action des pouvoirs publics, tant au niveau fédéral que dans les provinces.
Malgré cette amélioration de la qualité, on observe aussi la persistance de problèmes de pollution, essentiellement d'origine agricole. Ce type de pollution, qu'on appelle aussi pollution diffuse, est plus difficile à contrer qu'une pollution au point d'origine très clairement identifiée. Beaucoup de régions du Québec et du reste du Canada sont aux prises avec ce problème de pollution d'origine diffuse agricole.
On observe aussi une augmentation des tensions liées au partage de l'eau dans de nombreuses régions. J'entends parler de l'Alberta, de la Colombie‑Britannique, de la Saskatchewan, mais aussi du Québec. Cela surprend beaucoup une bonne partie de la population qui, comme je l'ai dit tout à l'heure, n'est pas habituée à l'idée qu'il faille réfléchir en termes quantitatifs à la gouvernance de l'eau.
On remarque aussi une grande vulnérabilité financière du secteur agricole, qui se tourne de plus en plus vers la pratique de l'irrigation, même si, biologiquement, ce n'est pas forcément nécessaire, l'agriculture étant largement pluviale. L'Est du Canada a de plus en plus recours à l'irrigation, ce qui se traduit par une augmentation des quantités mobilisées, prélevées et consommées.
En même temps, on assiste à l'accroissement du phénomène de la réurbanisation, et donc à un empiétement croissant de beaucoup de villes et d'agglomérations sur des terres agricoles. S'ensuivent donc une modification du régime d'écoulement des eaux et une destruction des milieux humides, qui nuit aussi à l'écoulement des eaux et au remplissage des aquifères.
Lorsque l'agriculture contribue à faire augmenter ces prélèvements, cela aboutit parfois à un accroissement des conflits, comme ceux observés en Estrie, en Beauce, en Alberta comme on l'a mentionné, et en Colombie‑Britannique.
S'ajoute à cela l'incidence des changements climatiques, dont on ne connaît pas encore très bien la tournure qu'ils vont prendre. Ils pourront se manifester seulement par un changement dans le régime des précipitations. Moins de neige s'accumulerait alors dans les montagnes pour tomber davantage sous forme de pluie. Il pourrait aussi y avoir une augmentation des températures et de l'évapotranspiration, qui se traduit par une augmentation graduelle et récurrente des déficits en eau durant l'été. Évidemment, cela changerait beaucoup la dynamique de la gouvernance de la ressource.
Pour le moment, des dispositions juridiques empêchent l'exportation de l'eau vers les États‑Unis. On sait que la question fait partie d'un débat public intense étant donné la grande crainte qu'elle provoque dans l'opinion publique au Canada. Pour le moment, ce n'est pas un sujet d'actualité, mais il faut savoir que, dans l'opinion publique, cette inquiétude est toujours entretenue, d'autant plus que le sud des États‑Unis est de plus en plus confronté à la problématique de la gouvernance de l'eau, en particulier face aux changements climatiques observés là aussi.
Merci beaucoup.
:
Monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du Comité permanent, merci beaucoup de m'avoir invité à participer à cette réunion.
Je suis professeur d'économie et directeur du Water Institute de l'Université de Waterloo, l'un des plus grands centres interdisciplinaires de recherche et d'innovation sur l'eau au Canada.
Je suis originaire d’un pays où l’eau semble tout aussi abondante qu'ici, mais qui est beaucoup plus petit que le Canada, et qui connaît depuis longtemps des défis liés à l’eau douce. Pendant plusieurs années, j'ai conseillé, à titre d'économiste, le ministère néerlandais responsable de l'eau sur les politiques hydriques nationales et européennes, en particulier sur la directive-cadre sur l'eau. Ce qui distingue particulièrement cette directive, c’est qu’elle met l’accent sur l’utilisation de principes, de méthodes et d’instruments stratégiques économiques, tels que la tarification de l’eau, pour atteindre les objectifs environnementaux liés aux masses d’eau douce.
À mon avis, si nous voulons résoudre les problèmes liés à l'eau douce au Canada, nous devons nous concentrer davantage sur les changements de comportement nécessaires à une utilisation et à une gestion plus durables de l'eau en faisant un meilleur usage des méthodes et des instruments que l'économie comportementale a à offrir. Cela comprend une tarification appropriée de l'eau. L'eau a une valeur, mais pas de prix. Au Canada, le prix actuel de l'eau ne reflète pas son coût et sa valeur véritables.
Les Canadiens sont parmi les plus grands utilisateurs d'eau au monde, avec une consommation moyenne d’eau par habitant presque deux fois supérieure à celle de l’Europe. Seuls 10 % de cette eau servent à s'hydrater et à cuisiner. Environ un tiers de l’eau potable est utilisée pour tirer la chasse d’eau et un autre tiers, pour se doucher. Il existe déjà sur le marché des technologies d’économie d’eau, mais elles ne sont guère utilisées, car l’eau est relativement bon marché. Il n'y a donc pas de mesures incitatives financières à économiser l'eau.
Beaucoup de Canadiens, sinon la plupart, tiennent l'eau pour acquise, sauf s’ils vivent dans une localité faisant l’objet d’un avis sur la qualité de l’eau potable. Le public est généralement peu sensibilisé à la valeur de l’eau. D'après des sondages publics en Ontario, par exemple, je constate que seulement 25 % des Ontariens savent combien ils paient pour l'eau sur leur facture d'eau. En ce qui concerne l'abordabilité de l'eau, la plupart des Canadiens ne consacrent pas plus de 1 % de leur revenu annuel à l'eau et au traitement des eaux usées. Il en va de même en Europe, où les dépenses de consommation pour l’eau et l’assainissement représentent moins de 1 % du PIB dans la plupart des États membres.
On peut en dire autant de l'industrie. Par exemple, lorsqu'une entreprise demande un permis pour pomper des eaux souterraines, elle paie des frais administratifs qui ne sont aucunement comparables à la valeur des eaux souterraines.
En dépit des complexités entourant le commerce et la définition des produits de base, le gouvernement fédéral devrait étudier la meilleure façon d'utiliser les principes et les instruments économiques pour garantir que les utilisateurs d'eau paient pour sa valeur. Actuellement, la faible sensibilisation du public et le faible prix de l'eau influencent la manière dont nous utilisons, surexploitons et gaspillons les précieuses ressources en eau douce du Canada.
Ces systèmes d'eau douce servent à la fois de source et de puits. Nous avons tendance à nous concentrer sur l’utilisation extractive de l’eau et oublions souvent qu’après avoir été utilisée, l’eau est traitée et rejetée gratuitement dans les rivières et les lacs. Nous payons les coûts de traitement des eaux usées dans les installations de traitement, mais pas le service d’épuration écologique du système d’eau ou l'invalidation de ce service. Tout comme nous payons les coûts de traitement de l’eau destinée à être bue, mais pas la source elle-même. C'est essentiel si nous voulons sensibiliser la population à la valeur de l'eau et à la pression croissante exercée sur les ressources en eau douce en raison de la surextraction et de la pollution de l'eau. Une tarification appropriée des ressources en eau douce du Canada incitera les ménages et l'industrie à utiliser l'eau plus efficacement, augmentera les investissements dans les économies d'eau et fera diminuer le recours aux technologies polluant l'eau.
Enfin, il nous manque des indicateurs clés pour nous aider à passer à une économie de l’eau plus durable. Il n'y a pas de données nationales sur le montant que les Canadiens paient pour les services essentiels d'approvisionnement en eau. Ces renseignements nous permettraient d'évaluer l'incidence de la tarification de l'eau sur son utilisation et le niveau de recouvrement des coûts pour la prestation durable de ces services. Ce dernier élément est essentiel pour relever le grand défi du remplacement des infrastructures vieillissantes partout au Canada. Les tarifs de l'eau ne permettent pas de couvrir les coûts d'amortissement de cette infrastructure. En 2021, les pertes attribuables aux fuites dans les réseaux de distribution d'eau représentaient 17 % de toute l'eau produite au Canada. Cela représente 828 millions de mètres cubes d'eau potable, ce qui est suffisant pour répondre aux besoins de 10 millions de Canadiens pendant toute une année.
De même, avec l'augmentation de la population et une contamination croissante de l'eau douce par des produits chimiques émergents très préoccupants, il est de plus en plus nécessaire de nous doter d'un système de traitement des eaux usées plus avancé. Même si plus de 80 % des ménages canadiens sont raccordés à un réseau d'égouts municipal, les niveaux de traitement varient considérablement d'une province à l'autre. De nouveaux modèles d'affaires durables, fondés sur des principes économiques solides, sont nécessaires pour mieux reconstruire les infrastructures hydrauliques à l'avenir, gérer nos ressources en eau douce de façon durable et assurer l'approvisionnement en eau pour tous les Canadiens.
Je vous remercie de votre attention.
:
Merci, monsieur le président.
Je vous remercie de cette invitation et de l'occasion de contribuer à l'étude de ce comité sur l'eau douce.
[Traduction]
Je suis conseillère stratégique — et anciennement directrice générale de la Direction de l’évaluation et de la protection environnementales et radiologiques — à la Commission canadienne de sûreté nucléaire et je suis accompagnée aujourd'hui de ma collègue Melissa Fabian Mendoza, directrice de la Division de l’évaluation des risques environnementaux.
Nous nous joignons à vous aujourd’hui depuis nos domiciles, qui se trouvent sur le territoire traditionnel non cédé du peuple algonquin Anishnaabeg.
La CCSN reconnaît l’importance et la valeur de l’eau douce pour les Canadiens ainsi que les Nations et communautés autochtones. Bien que nos exigences réglementaires s’appliquent à un large éventail de sujets techniques et à toutes les composantes de l’environnement, pour les besoins de ce comité, j’expliquerai comment notre cadre de réglementation et nos processus protègent l’eau douce en lien avec les installations et les activités nucléaires.
Le cadre de réglementation de la CCSN fournit aux demandeurs et aux titulaires de permis des exigences claires et de l’orientation à suivre, notamment dans nos documents d’application de la réglementation sur la protection de l’environnement, de concert avec la série de normes de l’Association canadienne de normalisation — ou Groupe CSA — relatives à la protection de l’environnement. Ces documents se trouvent sur le site Web de la CCSN. Par exemple, la série N288 du Groupe CSA comprend des exigences et de l’orientation relatives aux évaluations des risques environnementaux et aux programmes de surveillance de l’environnement. Nous intégrons les pratiques exemplaires nationales et internationales dans notre cadre de réglementation.
Pour tout nouveau projet, les promoteurs sont tenus de réaliser une évaluation environnementale, conformément à la législation en vigueur. Le personnel de la CCSN collabore avec d’autres ministères fédéraux tels qu’Environnement et Changement climatique Canada, Santé Canada et le ministère des Pêches et des Océans afin de procéder à l’évaluation technique des demandes sur la base des meilleures données scientifiques et de recherche disponibles.
Dans le cadre de cette évaluation, les demandeurs doivent fournir suffisamment de données de référence, de scénarios et de programmes pour démontrer que le projet n’aura pas d’incidences négatives importantes sur l’environnement, y compris sur l’eau douce. L'obligation de consulter définit également des obligations juridiques liées aux répercussions négatives sur les droits constitutionnels potentiels ou établis des peuples autochtones, que la Commission doit respecter. La Commission doit évaluer ces droits potentiels, en tenir compte et, le cas échéant, prendre des mesures d’accommodement.
En ce qui concerne les projets existants, le personnel de la CCSN exerce une surveillance continue de la conformité, notamment en procédant à des inspections des programmes de protection de l’environnement des titulaires de permis, en analysant les mises à jour cycliques des évaluations des risques environnementaux et en examinant les données de la surveillance de l’environnement qui doivent être soumises conformément aux exigences du permis.
En outre, la CCSN dispose d’un Programme indépendant de surveillance environnementale, ou PISE. Ce programme donne un aperçu de l’état de l’environnement autour des installations nucléaires. Nous prélevons et analysons des échantillons d’eau, de végétation et d’air dans les zones accessibles au public autour des installations nucléaires. Le plan d’échantillonnage du PISE s’appuie également sur les renseignements fournis par les Nations et communautés autochtones intéressées, afin de s’assurer que nous prélevons des échantillons de matières qui revêtent une importance pour la communauté. Les résultats du PISE sont accessibles au public sur notre site Web, tandis que d’autres données, telles que les données sur les effluents et les émissions déclarées par la CCSN, se trouvent sur le portail du Gouvernement ouvert et sur la plateforme Sciences et données ouvertes.
Enfin, j’aimerais souligner que nous avons une initiative conjointe avec Environnement et Changement climatique Canada, appelée Réseau régional d’information et de surveillance dans le bassin versant de la rivière des Outaouais. Cette initiative a pour but d’améliorer la disponibilité des données sur la surveillance environnementale accessibles au public et des connaissances autochtones à l’égard du bassin versant de la rivière des Outaouais, ou Kichi Sibi.
Nous reconnaissons l’intérêt du Comité à l’égard de la récente autorisation donnée par la Commission aux Laboratoires Nucléaires Canadiens pour la construction d’une installation de gestion des déchets près de la surface, qui servira au stockage définitif des déchets radioactifs de faible activité sur le site des Laboratoires de Chalk River. Veuillez noter qu’en raison du contrôle judiciaire en cours relativement à cette décision, nous ne pouvons pas discuter librement de tous les aspects de ce projet. La Commission et nous-mêmes apprécions l’orientation donnée par la Cour dans ce dossier.
En conclusion, la CCSN est déterminée à s’assurer en tout temps que les installations et les activités nucléaires canadiennes ne posent aucun risque déraisonnable pour les ressources en eau douce du pays.
[Français]
Nous nous ferons un plaisir de répondre à vos questions. Merci.
:
Merci pour cette question. Je vais peut-être commencer avant de demander à ma collège de nous faire part de ses réflexions à ce sujet.
Remettons les choses dans leur contexte. Les rayonnements et les substances nucléaires sont réglementés, parce que ce sont des substances dangereuses. Nous ne les interdisons pas, cela dit, car nous reconnaissons qu'elles présentent des avantages. C'est la différence entre la réglementation et l'interdiction.
En ce qui concerne la réglementation des substances ou des activités nucléaires, nous disposons d'un cadre réglementaire très robuste. Comme je l'ai dit, nous n'examinons pas seulement les répercussions sur l'eau douce ou sur l'environnement, mais nous procédons aussi à une analyse de tous les risques. Je sais que ce comité s'intéresse également à l'analyse du changement climatique et à tout ce qui s'ensuit, alors peut-être pourrions nous en parler davantage.
Pour revenir à votre question sur la pollution qui se déverserait dans la rivière des Outaouais à partir de l'installation de gestion des déchets près de la surface, tous les projets doivent démontrer l'atténuation de tout risque d'exposition. Des mesures d'atténuation sont prévues dès le stade de l'évaluation environnementale. On examine la situation pour déterminer les programmes et la surveillance nécessaires. On se demande comment prévenir les déversements et comment les nettoyer s'il y en a, afin d'éliminer ou à tout le moins d'atténuer autant que possible les risques pour l'environnement et le public.
Je vais peut-être m'arrêter là et voir si ma collègue souhaite ajouter quelque chose.
:
Merci beaucoup, monsieur le président.
Je remercie les témoins d'être des nôtres aujourd'hui.
J'ai moi aussi des questions à poser aux représentantes de la Commission canadienne de sûreté nucléaire.
Comme on le sait, ma circonscription longe la rivière des Outaouais. À Sheenboro, on fait pratiquement face à Chalk River. C'est donc un sujet très important chez moi. Personne n'aime l'idée d'avoir des déchets radionucléaires près de notre rivière que nous aimons tant, moi la première. J'ai effectué une visite sur place et ce que je comprends, c'est que les déchets sont là, sur le bord de la rivière, exposés en ce moment aux incidents météorologiques extrêmes. Il y a donc de l'inquiétude.
Je voudrais moi aussi parler du projet d'installation de gestion de déchets près de la surface, l'IGDPS. D'abord, j'aimerais que vous confirmiez quels sont les déchets qui seront effectivement entreposés. Ensuite, cela améliorera-t-il la situation actuelle, à savoir que les déchets sont là, sous la forme d'un édifice des années 1970, sur le bord de la rivière? Ce que je comprends, c'est qu'ils seront détruits parce qu'ils ont été contaminés et que ces matériaux-là seront ceux qui vont être entreposés de manière plus sécuritaire. Ce projet améliorera-t-il la situation actuelle sur le site?
:
Je vous remercie de la question.
Je vais répondre en anglais pour être certaine d'utiliser la bonne terminologie, celle avec laquelle nous travaillons.
[Traduction]
En ce qui concerne la discussion que vous venez d'avoir, nous ne serons pas en mesure de parler de l'installation de gestion des déchets près de la surface en détail, non seulement en raison du processus de consultation, mais aussi parce que la décision de la Commission parle d'elle-même. Le compte rendu de la décision contient une mine d'informations sur tous les aspects que vous recherchez, à savoir ce que proposent les LNC, la façon dont le personnel de la CCSN a mené son évaluation technique, et, en fin de compte, le raisonnement justifiant la décision de la Commission. Cela dit, nous pourrions assurément parler de la méthode de travail du personnel de la CCSN de façon générale.
Pour revenir à votre question sur ce qui se trouve présentement sur le site de Chalk River, oui, vous avez raison. Il y a des déchets radioactifs de faible activité partout. Ils se trouvent dans différentes zones et sont présentement gérés de manière sécuritaire sur le site. Les LNC sont tenus d'avoir un programme de gestion des déchets radioactifs, peu importe où ils se trouvent, que ce soit dans une installation d'élimination, dans des sacs ou dans des bâtiments. Les déchets radioactifs qui se trouvent présentement sur le site de Chalk River sont gérés de façon tout à fait sécuritaire.
Est‑il possible de faire mieux? Je pense que nos titulaires de permis devraient toujours chercher à s'améliorer. Je vais m'arrêter là pour voir s'il y a d'autres questions.
:
Merci, monsieur le président.
J'ai aussi des questions pour les responsables de la Commission de sûreté nucléaire, mais ça ne prendra pas beaucoup de temps.
Mesdames, je commencerai en disant que j'ai lu dans vos notes d'allocution que vous êtes sur le territoire traditionnel non cédé du peuple anishinabe algonquin. Quand j'ai lu cette phrase, j'ai immédiatement pensé à la communauté de Kebaowek, une Première Nation algonquine qui revendique de véritables consultations au sujet du projet d'enfouissement de déchets nucléaires à Chalk River. Vous déclarez que vous êtes sur leur territoire traditionnel non cédé, mais je pense que votre organisation pourrait commencer par agir avec plus de sensibilité à leur endroit. Ce serait plus crédible. Je ne m'étendrai toutefois pas là-dessus.
Il y a beaucoup d'éléments sur lesquels je voudrais avoir des précisions. J'aimerais notamment que vous fassiez parvenir au Comité une réponse écrite sur le Programme indépendant de surveillance environnementale, le PISE, dont vous avez parlé dans votre allocution. Parce que vous dites que ce programme est indépendant, j'aimerais que vous nous expliquiez par écrit en quoi il est indépendant, comment il fonctionne et à qui il se rapporte. Vous dites aussi que des Autochtones seront impliqués dans ce programme indépendant de surveillance environnementale, mais le seront-ils vraiment?
Madame Tadros, dans votre allocution d'ouverture, vous avez déclaré intégrer les meilleures pratiques nationales et internationales dans votre cadre de réglementation. Si le Cabinet demandait à l'Agence internationale de l'énergie atomique d'effectuer un examen ARTEMIS, accueilleriez-vous favorablement cette démarche? Je vous demande de répondre seulement par oui ou par non, parce que j'ai d'autres questions à poser, cette fois à M. Lasserre.
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C'est une question tout à fait pertinente et je vous en remercie.
J'ai évoqué le sujet très rapidement, dans la mesure où il fait partie d'un débat récurrent au Canada. Cela fait plusieurs décennies qu'on se demande s'il y a effectivement des pressions de la part de nos voisins américains pour acheter une partie de la ressource en eau douce du Canada.
Je pense que ces craintes sont en bonne partie nourries par des rapports qui circulent et qu'elles ont été répercutées par les médias. Il est vrai aussi qu'il y a eu des consultations, des réflexions de la part d'États américains, d'organismes professionnels comme la National Association of Conservation Districts, mais aussi d'entreprises d'ingénierie, qui voyaient évidemment un intérêt à promouvoir cette idée.
Bref, plusieurs acteurs ont contribué à alimenter l'idée qu'il était possible qu'il y ait une demande de la part des Américains pour améliorer leur situation plus critique en matière d'approvisionnement en eau en se tournant vers le Canada, un pays où ce mythe de l'abondance de l'eau prévalait. Les Américains, plutôt que de s'imposer des restrictions et une meilleure gouvernance de la ressource, ce qui demande des efforts, pourraient se dire qu'ils n'ont qu'à se tourner vers le Canada. Je vous disais que ce débat existe depuis des décennies.
Pour autant, il n'y a jamais eu à ma connaissance de demande formelle de la part d'un quelconque gouvernement américain pour essayer d'acheter de l'eau au Canada. L'inquiétude a cependant donné lieu à des projets de loi pour essayer d'améliorer la gouvernance de l'eau et de limiter la possibilité d'exporter de l'eau du Canada vers les États‑Unis. Cependant, ce dossier est dynamique dans la mesure où, comme je l'évoquais, on est également confronté aux États‑Unis aux effets des changements climatiques et à la raréfaction relative de la ressource.
Cela dit, la possibilité de se tourner vers une autre source — essentiellement, le Canada — se pose toujours dans le débat public, surtout dans l'Ouest américain. Je ne suis pas en train de dire qu'il y a péril en la demeure. Je dis simplement que cela fait encore partie des possibilités qui sont envisagées dans le débat public dans l'Ouest des États‑Unis.
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Merci, monsieur le président.
Je remercie les témoins d'être des nôtres.
J'aimerais d'abord m'adresser aux témoins de la CCSN.
La CCSN a déclaré que les LNC avaient consulté et accommodé les groupes autochtones de manière adéquate pour Chalk River, alors que 10 des 11 communautés algonquines reconnues par le gouvernement fédéral s'opposent au projet depuis des années. Dans le cadre de notre étude parlementaire sur les déchets nucléaires, nous avons entendu des témoignages à ce sujet. Or, le projet a été approuvé en janvier. On peut vraiment se demander comment la CCSN se conforme à la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones et comment ces communautés vont pouvoir exercer leur consentement libre, préalable et éclairé lors de la présentation de projets.
Je comprends que vous ne pouvez probablement pas trop en parler, mais si vous avez un bref commentaire à faire, n'hésitez pas, je vous prie.
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Ce débat sur la pertinence de tarifier l'eau plutôt que de la privatiser, pour conserver et mieux gérer la ressource, est relativement ancien. Il est vrai que beaucoup d'études et, en particulier, beaucoup de gestes en matière de gouvernance de l'eau, en particulier en Europe, incluent la tarification, non seulement parce que l'eau est privatisée, mais aussi parce que c'est un levier pour changer les comportements et faire payer le coût de la ressource aux utilisateurs. C'est l'idée de l'utilisateur-payeur et du pollueur-payeur.
D'un point de vue strictement économique, il est relativement démontré que, lorsqu'on paie la ressource à des coûts variables, c'est-à-dire proportionnellement à la quantité consommée, et non selon la structure tarifaire actuelle, qui est généralement un taux fixe, on observe effectivement des changements dans les comportements. Je sais qu'il y a des endroits où il y a une tarification en proportion du volume consommé, mais, contrairement à une idée qui est largement véhiculée dans beaucoup de régions du Canada, il y a un taux fixe dans la plupart des endroits, notamment dans beaucoup de municipalités du Québec. Les gens paient parce que c'est inclus dans leurs taxes municipales, mais, souvent, ils ne le savent pas et il n'y a donc aucun effet sur la consommation liée à la tarification de la ressource en eau.
Alors, il y a tout un débat sur la pertinence politique de mettre en place cette tarification. On fait une association fréquente dans le débat public en disant que la mise en place d'une tarification pourrait être une première étape vers une privatisation qui fait peur. En effet, il y a eu beaucoup de reportages sur les excès de la privatisation telle qu'elle a été menée en Europe au cours des deux décennies précédentes. Par contre, cette association entre la tarification, qui peut très bien être pratiquée par les pouvoirs publics, et la privatisation, où on délègue effectivement la gouvernance de la ressource au secteur privé, n'est pas nécessairement justifiée. On sait que l'objectif d'une entreprise privée est de faire du profit, ce qui est tout à fait légitime, et cela fait qu'on perd parfois le contrôle de la structure tarifaire.
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Merci, monsieur le président.
Comme je le disais, il y a un élan et une vague d'appui en vue de l'élimination de la taxe sur le carbone une fois pour toutes. Des libéraux aux néo-démocrates en passant par les conservateurs, il y a maintenant un consensus émergent selon lequel l'augmentation de 23 % de la taxe sur le carbone du était inacceptable et pénalise les Canadiens ordinaires qui travaillent fort partout au pays.
Même si le député rural de aime accuser quiconque n'est pas d'accord avec lui de nier les changements climatiques, je ne pense pas qu'il dirait cela du premier ministre libéral de Terre-Neuve-et-Labrador, et j'espère qu'il n'accuserait pas les quelque 130 Premières Nations de l'Ontario qui poursuivent le gouvernement en justice au sujet de la taxe sur le carbone. Il semble garder ces propos virulents pour les députés conservateurs, qui défendent fièrement leurs électeurs et leurs points de vue.
Cela ne veut pas dire que le gouvernement libéral n'a pas attaqué le premier ministre libéral de Terre-Neuve-et-Labrador, qui vient de déclarer publiquement que...
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Merci, monsieur le président.
Ce que je veux dire dans tout cela, c'est que les conservateurs ne sont pas seuls. Il y a de nombreuses personnes de divers partis partout au Canada qui s'opposent maintenant fermement à la taxe sur le carbone.
De toute évidence, mes collègues libéraux et leur ne se soucient pas de ce que leurs électeurs leur disent. Je sais que Mme Taylor Roy, M. Longfield et M. Ali entendent clairement ce que leurs électeurs leur disent. Contrairement au , qui, comme le veut la tradition, doit appuyer son gouvernement, nous avons la possibilité de donner aux députés libéraux la liberté de cesser d'appuyer un fier socialiste et radical, qui était auparavant mieux connu pour ses arrestations pour avoir escaladé la tour du CN et grimpé sur le toit de la maison du premier ministre albertain Ralph Klein.
Au lieu de taire le débat, j'encourage mes collègues d'en face à nous dire combien d'électeurs ont écrit ou téléphoné à leur bureau pour dire qu'ils n'appuyaient pas la taxe sur le carbone. Je suis prêt à parier que c'est un chiffre élevé.
Nous avons tous été élus pour aider nos électeurs, et je pense qu'il est important que nous les écoutions. Même si nous ne nous entendons pas au sujet de plusieurs politiques, je pense qu'il y a une réelle occasion, trois semaines après la hausse de 23 % au pays — et étant donné la colère des Canadiens d'un océan à l'autre — de tenir tête au .
Je m'en voudrais de ne pas mentionner ma collègue de , qui a dit il y a quelques jours que la taxe sur le carbone n'était pas « la panacée d'une politique climatique ».
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Mon point, c'est que le gouvernement... J'ai hâte de voir ce que donnera la motion de la dernière réunion, en ce qui a trait à la modélisation et aux hypothèses, et de voir quelles seront les réductions d'émissions connexes.
J'espère que nous ne ferons pas qu'ajourner le débat sans tenir compte des points de vue des chefs des Premières Nations de l'Ontario, du premier ministre libéral de Terre-Neuve-et-Labrador et des électeurs de ma circonscription, parce que j'ai le devoir de les défendre ici. Ils s'opposent vivement à la taxe sur le carbone.
En termes simples, il est temps de mettre la hache dans la taxe pour tous, pour tout et pour de bon.
Merci, monsieur le président.
:
C'est pertinent parce que la motion a été présentée pendant une réunion du Comité et non pendant les travaux, à un moment neutre. Encore une fois, les conservateurs veulent monopoliser la séance à des fins partisanes.
Les conservateurs disent que la crise du coût de la vie est attribuable à la tarification du carbone, alors qu'il s'agit d'une stratégie de réduction des émissions éprouvées, validée par 200 économistes du pays. S'ils veulent inviter des économistes qui sont d'avis que la tarification du carbone ne représente pas une bonne façon de réduire les émissions, ils sont les bienvenus. Encore une fois, ils ne font que servir les intérêts cupides des dirigeants milliardaires du secteur des hydrocarbures.
Il n'y a pas de remboursement de la taxe provinciale sur l'essence que Danielle Smith a imposée aux Albertains le 1er avril. Il n'y a pas de remise sur le supplément pour le carburant d'été ni sur les profits excessifs du secteur pétrolier et gazier. Cependant, la remise de la taxe sur le carbone comporte quatre remboursements trimestriels pour inciter les gens à consommer un peu moins d'essence et à mettre un peu plus d'argent libre d'impôt dans leur compte quatre fois par année.
Les conservateurs n'ont toujours pas de plan pour l'abordabilité. Ils n'ont pas de plan pour l'environnement. Ils ne croient pas aux changements climatiques. Ils accordent constamment la priorité aux intérêts commerciaux des dirigeants du secteur pétrolier et gazier plutôt qu'aux besoins des Canadiens ordinaires.
Pour cette raison, monsieur le président — et j'espère que je n'ai pas pris trop de temps —, je propose que nous ajournions le débat sur cette motion pour l'instant, afin que nous puissions poursuivre avec nos témoins, par respect pour eux.
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Merci beaucoup, monsieur le président.
Je remercie les témoins.
Encore une fois, je tiens à vous présenter nos excuses pour cette interruption, d'autant plus que nous avons des experts en économie comportementale et spécialistes de la modification du comportement dans la salle.
Monsieur Brouwer, j'aimerais vous adresser mes questions, car il s'agit de notre dernière réunion avec des témoins experts sur ce sujet, et que les interruptions ont été nombreuses.
M. Lasserre nous a dit que les changements climatiques exacerbent les problèmes de sécheresse et d'inondations. La gestion de l'eau joue un rôle important en ce sens, et vous avez parlé de la tarification de l'eau à titre de mesure de contrôle.
Étant donné que le député d'en face a parlé du programme de tarification de la pollution que nous avons mis en place, pourriez-vous nous dire s'il est important de mettre en place de telles mesures incitatives pour amener les Canadiens à changer leur comportement et à réduire les émissions de gaz à effet de serre? Croyez-vous que la tarification de la pollution est une politique qui fonctionne?
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Je pense qu'il y a des secteurs de l'économie qui ne comprennent que le langage de l'argent, et c'est pourquoi je suis fermement convaincu qu'il faut sensibiliser les gens à ce type d'enjeux. Lorsque j'étais enfant, on m'a appris à me brosser les dents et à ne pas laisser couler l'eau du robinet. J'ai moi-même transmis ce message à mes enfants, et je pense que c'est un moyen efficace de leur faire comprendre que l'eau est une ressource précieuse qu'il faut éviter de gaspiller.
Par ailleurs, je crois également qu'à l'heure actuelle, les gens ne paient pas pour l'eau qu'ils utilisent. Nous payons pour le traitement de l'eau, et il ne s'agit pas seulement d'un problème à l'échelle mondiale, mais aussi un problème ici même, au Canada. Il existe des technologies facilement accessibles dont nous pourrions tirer avantage, mais pour l'instant, il n'y a aucun incitatif financier à le faire.
Là où j'habite, ma maison disposait déjà d'un réservoir d'eaux grises pour tirer la chasse d'eau. C'est de l'eau claire comme de l'eau de roche. Nous n'avons donc pas besoin d'eau potable, très précieuse et très coûteuse, pour tirer la chasse d'eau. Par contre, la population en générale ne se sert pas de cette technologie, faute d'incitatifs financiers. C'est trop bon marché pour...
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Effectivement, ce passage se trouve à être dans la mer, donc dans l'eau. Ce n'est pas du tout la même dynamique que l'eau douce dont nous avons parlé jusqu'à présent, par contre.
Cela dit, il y a toute la question de la souveraineté que revendique le Canada sur le passage du Nord-Ouest, une question que j'aime bien explorer en ce moment. Les États-Unis sont d'accord avec le Canada pour ne pas être d'accord sur cette souveraineté et ce n'est donc pas une priorité en matière de défense.
Je m'explique. Depuis qu'il y a eu la signature en 1988 de l'accord de coopération dans l'Arctique entre le Canada et les États‑Unis, nos deux pays sont d'accord pour ne pas être d'accord. Autrement dit, Washington respecte la position du Canada, mais affirme qu'il n'est pas d'accord chaque fois que le Canada affirme sa souveraineté. De son côté, le Canada respecte la position américaine. Il y a donc une espèce d'accord pour constater qu'il y a désaccord, sans pour autant chercher à régler la question ou à forcer l'autre partie à adopter une autre position.
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Merci, monsieur le président.
Je souhaite poser ma dernière question à M. Brouwer.
La Colombie-Britannique et l'Alberta sont confrontées à des sécheresses pluriannuelles. Le système d'attribution de l'eau en Alberta fait l'objet d'une vérification minutieuse.
Compte tenu de la probabilité d'une augmentation de la fréquence des étés secs et des feux de forêt, ce qui sème l'inquiétude des populations concernées quant à l'accès à l'eau, pouvez-vous nous éclairer sur certains enjeux économiques liés à l'eau? Par exemple, comment protéger l'usage essentiel de l'eau, et notamment de l'eau potable, dans un contexte de marchandisation de cette ressource?
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Merci pour la question.
Comme vous l'avez noté, le site de Chalk River existe depuis de nombreuses années - depuis le début de la guerre froide et des travaux de recherche. Les déchets radioactifs de faible activité sont évalués sur le site de Chalk River. En effet, des inspecteurs effectuent des visites sur une base régulière pour s'assurer que les programmes de gestion et de surveillance des déchets radioactifs sont respectés. Les déchets radioactifs de faible activité se trouvent dans des articles tels que des combinaisons, des produits de nettoyage, et des têtes de vadrouille. C'est ce qui constitue l'essentiel des déchets radioactifs de faible activité découvert sur le site de Chalk River. Pourquoi ces déchets sont-ils toujours là? Lorsque l'on travaille avec des matières radioactives, il faut impérativement procéder à des opérations de nettoyage, mais cela a pour effet de contaminer d'autres objets.
Nous disposons d'un système de classification que nous avons défini dans nos documents réglementaires afin de mieux comprendre la différence entre les déchets et les résidus de faible, moyenne et haute activité, car nous avons également des mines d'uranium au Canada.
J'espère avoir répondu à votre question.
Je ne sais pas si Mme Fabian Mendoza a quelque chose à ajouter concernant l'inventaire des déchets radioactifs de faible intensité qui se trouvent sur le site de Chalk River.
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Je pense que nous n’avons plus de temps, monsieur Kram.
Je rappelle à tout le monde que le président Jimmy Carter, à l'époque où il travaillait comme physicien nucléaire dans la marine, est venu nous tirer d'affaire dans les années 1950, à un moment particulièrement difficile.
Je remercie tous les témoins.
[Français]
Professeur Lasserre, je me souviens d'avoir lu un de vos textes dans la revue Options politiques, intitulé « Transferts massifs d'eau au Canada: entre mythe et réalité ». Je vais retourner lire votre article et je vous remercie d'avoir été des nôtres.
[Traduction]
Je remercie également les membres du Comité, et je souhaite à tous et à toutes un excellent week-end.
La séance est levée.