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ENVI Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent de l'environnement et du développement durable


NUMÉRO 110 
l
1re SESSION 
l
44e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 30 mai 2024

[Enregistrement électronique]

  (1530)  

[Français]

    Bon après-midi, chers collègues et invités.
    Il n'y a heureusement pas de votes prévus à la Chambre cet après-midi, alors nous ne sommes pas contraints à une annulation ou à une interruption de la rencontre.
    Avant de commencer, j'aimerais vous faire part, et surtout aux témoins qui participent en personne, de quelques consignes au sujet de la manipulation des...

[Traduction]

    J'invoque le Règlement.
    Excusez-moi, monsieur le président, mais nous avons besoin d'interprétation.
    Une voix: Il n'y en a pas sur Zoom, seulement sur [inaudible], alors je ne sais pas où est le problème.
    Laissez-moi une seconde.
    Je pense que c'est revenu.
    Merci.
    Est‑ce que c'est revenu? C'est rétabli?

[Français]

    M. Longfield hoche la tête, alors c'est parfait.
    Voici tout simplement des consignes relatives à la manipulation des micros et des oreillettes. Si on n'est pas prudent, cela peut faire mal aux interprètes. Alors, je vais lire quelques lignes directrices.
    Veuillez garder à l'esprit les mesures préventives en place pour protéger la santé et la sécurité de tous les participants, y compris les interprètes.
    Utilisez uniquement une oreillette noire approuvée, comme celle que je porte sur l'oreille. Les anciennes oreillettes grises ne doivent plus être utilisées. Cela dit, je n'en vois pas autour de nous.
    Gardez toujours votre oreillette éloignée de tous les microphones. Lorsque vous n'utilisez pas votre oreillette, placez-la, face vers le bas, sur l'autocollant rond posé à cet effet sur la table. Cela va contribuer à protéger la santé de nos interprètes.
    Sans plus tarder, nous accueillons le premier groupe de témoins.
    Nous avons Céline Bak, du cabinet-conseil Deloitte; Faith Goodman, du Goodman Sustainability Group; Daan Van Acker, d'InfluenceMap; ainsi que Renaud Brossard et Krystle Wittevrongel, de l'Institut économique de Montréal.

[Traduction]

    Nous allons commencer par Mme Bak.
    Vous avez cinq minutes pour nous présenter votre déclaration préliminaire.

[Français]

    Je remercie tous les membres du Comité de me donner l'occasion de comparaître aujourd'hui.
    Avant de débuter, je voudrais affirmer que nous tenons ces propos sur le territoire traditionnel et non cédé du peuple anishinabe algonquin, et je suis reconnaissante du travail millénaire d'intendance de ce peuple sur ce territoire.

[Traduction]

    Au nom de l'équipe de Deloitte Canada, je suis fière de pouvoir vous exposer mes réflexions sur notre travail avec les organismes du secteur public et du secteur privé qui doivent s'adapter à des attentes en constante évolution et développer des solutions pertinentes, novatrices et durables.
    Notre réputation est fondée sur notre crédibilité, et, avec plus de 175 années d'expérience, en tant qu'entreprise canadienne appartenant à des Canadiens, nous sommes devenus ce que nous sommes aujourd'hui, grâce à la confiance que nos clients nous donnent, envers nos employés et nos valeurs.
    Pendant que le Canada se dirige vers une économie à zéro émission nette, nous travaillons avec les institutions financières pour cerner les occasions à saisir en matière de commerce durable et pour définir des divulgations qui éclairent les marchés de capitaux de manière cohérente et comparable. Nous avons aussi commencé à travailler avec les institutions financières pour aider leurs clients à planifier leur transition.
    Notre travail chez Deloitte nous amène à croire que la collaboration au sein de l'industrie des services financiers est absolument essentielle au développement du commerce et à l'augmentation de la productivité. Nombre d'organisations veulent comprendre quelle est la meilleure façon d'opérationnaliser le concept des finances durables, et nous sommes ici pour les soutenir.
    J'aimerais prendre un moment pour présenter les conclusions d'une étude originale que Deloitte a récemment réalisée sur la façon dont les entreprises qui divulguent leurs émissions de gaz à effet de serre de portée 1 et 2 investissent dans des dépenses en capital durable et génèrent des revenus durables grâce à ces investissements. Selon les résultats, il y a une corrélation positive entre la divulgation des GES de portée 1 et 2 et l'augmentation des investissements durables.

  (1535)  

    Deuxièmement, j'aimerais vous présenter les résultats d'un rapport provenant d'un autre volet de recherche de Deloitte Canada, portant sur la façon dont les marchés mondiaux des capitaux valorisent les entreprises ayant de meilleurs rendements en matière d'intensité de GES que d'autres entreprises du même secteur.
    L'intensité des GES est calculée simplement en divisant les émissions de portée 1 et 2 des entreprises par leurs revenus. Cette approche est fondée sur la notion selon laquelle les investisseurs prennent leurs décisions à la lumière des divulgations comparables et du consensus sur l'inévitabilité de la transition; cela veut dire qu'il y a une hausse des investissements dans les entreprises ayant les meilleurs rendements en matière de GES, à l'échelle mondiale, dans plusieurs secteurs économiques.
    J'aimerais vous faire part de deux aspects de cette étude.
    Tout d'abord, notre étude a permis de conclure que les entreprises canadiennes qui divulguent leurs émissions de GES font des investissements en capitaux durables six fois plus élevés que ceux des entreprises qui ne divulguent pas leurs émissions de GES. Nous avons aussi conclu que les investissements en capital génèrent, après trois ans, des revenus durables près de six fois plus élevés que ceux des entreprises qui ne divulguent pas leurs émissions de GES. Même si ces conclusions reflètent une corrélation et non pas un lien de causalité, elles nous montrent cependant que la divulgation est associée à une très forte augmentation des investissements durables, lesquelles semblent aussi porter des fruits.
    Dans notre deuxième volet de recherche, nous nous sommes penchés sur la valorisation d'une entreprise publique selon des indicateurs de rendement financiers et non financiers. Dans les cas où l'intensité des émissions de GES était un indicateur de rendement non financier, l'intensité des émissions de GES était liée à plus de 5 % de la valeur de l'entreprise, et ce, pour presque 60 % des sociétés cotées en bourse de l'Amérique du Nord, 46 % des sociétés européennes et 24 % des sociétés dans le reste du monde. Même si le lien entre l'intensité des émissions de GES, un meilleur rendement intrasectoriel et la valorisation supérieure des sociétés ouvertes n'existe pas encore dans tous les secteurs, il est présent dans le tiers des secteurs en Amérique du Nord et le quart des secteurs en Europe.
    J'aimerais maintenant discuter d'une occasion à saisir. Dans son travail avec la fonction publique et les associations de l'industrie, Deloitte a constaté que ces groupes réfléchissent activement à la possibilité de mettre sur pied des plateformes de partage d'information pour alléger le fardeau de la divulgation, accroître la comparabilité et ainsi améliorer la rentabilité et l'efficience des investissements. Une approche à divulgation unique, en particulier pour les petites et moyennes entreprises, est présentement à l'étude.
    Nous reconnaissons le rôle important du secteur financier en tant que conseiller de confiance des entreprises canadiennes, et à cet égard, nos études révèlent que nous pourrions retirer une immense valeur de la transparence du marché, qui facilite l'analyse comparative de l'intensité des GES, ainsi que des investissements durables dans le cadre de la planification de la transition. Les institutions financières du Canada ont donc une occasion à saisir en travaillant avec les sociétés cotées en bourse ainsi qu'avec les petites et moyennes entreprises pour rendre la divulgation aussi facile et efficiente que possible. En retour, cela influencera les résultats macroéconomiques et améliorera les résultats publics, pour le bien de tous les Canadiens.
    Je vous remercie, monsieur le président et mesdames et messieurs, de m'avoir accueillie ici aujourd'hui.
    Merci beaucoup.
    La parole va maintenant à Mme Goodman, pour cinq minutes.
    Monsieur le président, mesdames et messieurs, je vous remercie de m'avoir invitée à vous présenter d'autres points de vue en lien avec l'étude à venir du gouvernement sur les impacts climatiques et environnementaux reliés au système financier canadien.
    Nous convenons tous qu'il faut adopter une approche systémique macroéconomique, qui accélérera dûment les interventions et les impacts, si nous voulons atteindre les objectifs climatiques du Canada en matière de carboneutralité. Le consensus général est que les investissements dans la décarbonisation peuvent être mobilisés plus efficacement si nous recalibrons notre approche afin qu'elle soit axée sur des risques équilibrés pour les entreprises de toutes les tailles et pour tous les secteurs, donnant ainsi accès à du capital à coût moindre. Voilà ce qui alimentera la croissance et la compétitivité.
    Nous avons appris des plus éminents penseurs en matière de durabilité que la prochaine étape de l'évolution de l'action climatique et de la compétitivité dépendra de trois piliers de la politique de transition: les investissements stratégiques, les solutions aux défaillances du marché et la prise ou l'encouragement à la prise de décisions éclairées. La question est alors: comment.
    Résoudre ces défis du système financier ne représente qu'un morceau d'un très grand casse-tête. Nous aimerions donc envisager, ou présenter l'occasion d'envisager, un triple défi systémique, fondé sur les impacts stratégiques et commerciaux.
    La première occasion à saisir consiste à élargir la portée des trousses de financement et les mécanismes d'accès à ces trousses, en visant l'élaboration d'approches novatrices de financement mixte, c'est‑à‑dire des solutions adaptées aux objectifs d'entreprises de toutes tailles.
    Deuxièmement, il faut accélérer l'adoption d'ensembles de solutions axées sur l'intelligence artificielle numérique et la technologie démocratisée. Ces solutions devront suivre le rythme des pratiques exemplaires mondiales ou même les surpasser .
    Troisièment, il faut réimaginer les structures institutionnelles pour favoriser l'établissement de cadres qui joueront un rôle clé en donnant aux institutions la souplesse dont elles ont besoin pour innover avec compétence, et il faudra en même temps élargir le mandat pour englober l'environnement, l'économie et la société.
    Dans la course mondiale vers la carboneutralité, nous avons remarqué que les projecteurs étaient surtout braqués sur les grandes multinationales et leur façon de planifier la durabilité et la compétitivité. Bien que cela soit important, et même si la priorité de la présente étude fédérale est de préparer le système financier canadien, je tiens à vous dire qu'il est impératif d'adopter une perspective plus large.
    Nous devons créer un accès spécifique aux fonds de décarbonisation et aux trousses d'outils qui prennent dûment en considération les secteurs de l'économie matériellement désavantagés, comme les petites et moyennes entreprises et leurs propriétaires. Les petites et moyennes entreprises sont l'épine dorsale des chaînes d'approvisionnement et sont les moteurs de la croissance et de la compétitivité.
    L'empreinte carbonique combinée des PME est importante. Les 1,2 million de PME du Canada représentent environ 50 % du PIB et émettent environ 50 % des gaz à effet de serre provenant d'activités commerciales. Selon une étude publiée récemment par Manufacturiers et Exportateurs du Canada, seulement 11 % des petits fabricants se sont dotés d'un plan de décarbonisation. Nous n'atteindrons pas la carboneutralité sans l'aide des PME. Les PME comprennent aussi de mieux en mieux que les règles mondiales en matière de durabilité seront imposées à toutes les entreprises et que tout le monde doit être prêt.
    Que pouvons-nous faire pour relever ce triple défi? Nous croyons qu'il faut s'y attaquer par tous les côtés à la fois grâce à une approche pangouvernementale. Par exemple, arrêtons-nous un instant sur le défi des PME; nous pourrions saisir immédiatement les occasions qui s'offrent en nous inspirant des administrations qui sont des chefs de file et en intégrant une approche fondée sur la clarté, la certitude, l'égalité des chances et les principes.
    Pour revenir au modèle en trois volets que je viens de décrire, plus précisément les trousses d'outils financiers, plusieurs pays en Europe et en Asie ont décidé ces dernières années de mettre en œuvre des outils adaptés aux risques très novateurs, qui conviennent aux petites et moyennes entreprises et aux petits et moyens entrepreneurs.
    De nombreux pays ont mis en place des dispositifs d'identification numérique et d'accréditation numérique et certains pays ont une longueur d'avance pour ce qui est de positionner leurs petites entreprises en vue du commerce mondial. Nous avons beaucoup d'exemples venant de l'OCDE et du Forum sur le financement des PME, lequel relève de la Banque mondiale.

  (1540)  

    Troisièmement, nous devons réimaginer les collaborations institutionnelles, en mobilisant beaucoup, à l'échelle mondiale, les organismes à but non lucratif, les fondations entrepreneuriales, les entreprises d'intérêt pour la société et les partenariats public-privé recalibrés, le but étant, dans tout cela, d'amorcer la réflexion sur des solutions de transition et des trousses d'outils adaptées aux objectifs et prêtes à servir pour les secteurs et les entreprises de toutes tailles.
    Merci beaucoup. Je dois vous arrêter ici, mais vous aurez amplement l'occasion de nous faire part de votre point de vue quand vous répondrez aux questions.
    La parole va maintenant à M. Van Acker, pour cinq minutes.
    Bonjour, et merci de nous donner l'occasion de témoigner devant le Comité.
    Je suis gestionnaire de programme, Recherche financière, pour InfluenceMap, un groupe de réflexion international sur les changements climatiques qui étudie l'influence des entreprises et des institutions financières sur les changements climatiques.
    Nous avons assisté, au cours des dernières années, à une augmentation fulgurante du nombre d'entreprises qui reconnaissent l'importance des changements climatiques et les risques qu'ils représentent. Par-dessus tout, les entreprises prennent des engagements climatiques de premier plan à l'appui de l'Accord de Paris. Elles publient des divulgations en lien avec les changements climatiques et se fixent des objectifs de carboneutralité d'ici 2050.
    Le but des études d'InfluenceMap est de veiller à ce que ces entreprises honorent leurs engagements, en conformité avec l'orientation des Nations unies sur les engagements des entités non étatiques en faveur du zéro émission nette. Le secteur financier suit lui aussi la tendance des objectifs de carboneutralité, et un vaste éventail d'alliances climatiques ont vu le jour et comptent ent beaucoup de membres de ce secteur, entre autres l'Alliance bancaire net zéro, un regroupement d'éminentes banques mondiales qui se sont engagées à financer des actions climatiques ambitieuses dans la transition de l'économie réelle vers la carboneutralité d'ici 2050.
    Les cinq plus grandes banques du Canada — la Banque Royale du Canada, la Banque TD, Scotiabank, BMO et la Banque Canadienne Impériale de Commerce — sont membres de cette alliance. Cela veut dire qu'elles se sont engagées explicitement à effectuer la transition des émissions de gaz à effet de serre attribuables à leurs activités de prêts et d'investissements, afin que celles-ci s'harmonisent à la trajectoire vers le net zéro d'ici 2050.
    Cette année, en mars, InfluenceMap a publié une étude évaluant les activités des cinq grandes banques ayant une influence sur les changements climatiques ainsi que la mesure dans laquelle ces activités s'harmonisaient à nos propres engagements climatiques. Nous avons conclu que les principales banques du Canada n'étaient pas du tout en voie d'atteindre leurs propres objectifs de carboneutralité, principalement parce que leurs politiques de transition ne sont pas alignées sur la science, qu'elles financent de plus en plus les entreprises de combustible fossile et peu les entreprises écologiques et qu'elles s'opposent aux politiques climatiques.
    Les cinq grandes banques ont certes adopté des politiques de réduction des émissions attribuables à leurs activités de financement, mais nous avons constaté que ces politiques manquaient singulièrement d'ambition et que par conséquent elles n'étaient alignées d'aucune manière crédible sur les objectifs de carboneutralité d'ici 2050. En pratique, les politiques des banques leur permettent toujours de financer les activités qui accroissent les émissions dans les secteurs critiques pour le climat, par exemple les secteurs de l'électricité et de l'énergie.
    Pendant ce temps, les banques canadiennes, par rapport aux grandes banques européennes et américaines, ont un rendement très médiocre pour ce qui est d'adopter des politiques d'élimination progressive du financement du charbon, du pétrole et du gaz, conformes aux orientations scientifiques du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat des Nations unies. Compte tenu de ces politiques — ou devrais‑je dire de l'absence de ces politiques —, en 2022, la proportion des entreprises d'énergie fossile dans la valeur des opérations de financement des cinq grandes banques était presque trois fois supérieure à celle des principales banques américaines et européennes. D'ailleurs, entre 2020 et 2022, les cinq grandes banques ont accru leur exposition moyenne sur prêts aux entreprises d'énergie fossile, alors que les grandes banques américaines et européennes ont réduit leur financement dans ce secteur.
    Les cinq grandes banques ont également contribué 3,9 fois moins au flux d'affaires aux entreprises écologiques par rapport aux entreprises d'énergie fossile au cours de cette période de 2020 à 2022. Encore une fois, c'est un ratio beaucoup plus élevé en comparaison des grandes banques américaines et européennes, lesquelles ont financé respectivement en moyenne 2,8 et 2 fois moins d'entreprises écologiques que d'entreprises d'énergie fossile.
    Comme elles sont membres de l'Alliance bancaire net zéro, les banques ont mis l'accent sur l'importance d'avoir un cadre de politique publique pour guider la transition. Chacune des cinq grandes banques s'est engagée à « travailler sur [...] les politiques publiques afin d'aider à soutenir la transition nette zéro des secteurs économiques, en conformité avec la science ».
    Notre analyse a révélé qu'aucune des banques n'avait plaidé publiquement en faveur d'une politique climatique ambitieuse au Canada. En réalité, les banques sont principalement représentées, en ce qui concerne la politique financière, par l'Association des banquiers canadiens, qui soutient que le Canada n'a pas besoin de réglementation financière liée au climat et que la transition devrait dépendre de l'économie réelle.
    En outre, les cinq banques appartiennent toutes à des associations industrielles qui s'opposent aux politiques climatiques dans l'économie réelle, que ce soit au Canada ou à l'échelle mondiale. Il s'agit notamment de la Chambre de commerce du Canada et du Conseil canadien des affaires, lesquels ont aussi défendu une plus grande production canadienne de combustible fossile.
    Pour conclure, même si les cinq grandes banques du Canada prétendent reconnaître l'importance du rôle des banques dans la transition, elles ont pris peu de mesures volontaires pour respecter leurs propres engagements climatiques, en l'absence de réglementation financière liée au climat.
    Merci.

  (1545)  

[Français]

    Merci, monsieur Van Acker.
    Pour l'Institut économique de Montréal, est-ce que c'est M. Brossard qui va prendre la parole ou est-ce que le temps de parole sera partagé en deux?
    Je vais présenter l'allocution, ensuite Mme Wittevrongel et moi pourrons répondre aux questions à tour de rôle.
    C'est parfait.
    Vous pouvez commencer. Vous disposez de cinq minutes.
     Merci, monsieur le président.
    Bon après-midi à tous et à toutes.
    Je tiens d'abord à vous remercier de nous recevoir afin de traiter d'un sujet aussi important que celui-ci.
    À l'Institut économique de Montréal, nous sommes de grands admirateurs d'un penseur français qui s'appelle Frédéric Bastiat. Celui-ci disait que, ce qui distingue le bon économiste du mauvais économiste...

[Traduction]

    J'invoque le Règlement.
    Quelqu'un vient‑il d'invoquer le Règlement?
    Il n'y a pas d'interprétation en anglais.

[Français]

    Nous allons réessayer.
    Est-ce que vous entendez l'interprétation en anglais de ce que je dis, monsieur Ali?

[Traduction]

    Oui. J'entends maintenant. Merci.

[Français]

    Veuillez continuer, monsieur Brossard.
     Merci.
    Selon Frédéric Bastiat, ce qui distingue le bon économiste du mauvais économiste, c'est que ce dernier s'en tient à l'effet visible des politiques publiques, tandis que l'autre tient compte également des effets prévisibles. Dans la discussion actuelle sur le climat et le secteur financier, ce qui est visible, ce sont les grandes institutions financières, comme les banques et les compagnies d'assurances, ainsi que les grandes entreprises publiques. Ce qu'on ne voit pas, mais qui subira pourtant des conséquences de manière prévisible, ce sont les petites et moyennes entreprises. Notre intervention d'aujourd'hui vise à nous assurer que vous, chers législateurs, ne les oubliez pas lors de vos prises de décisions.
    Dans le secteur de la finance, on observe beaucoup de pressions de la part d'organismes réglementaires ou de consultants pour imposer une divulgation obligatoire des renseignements environnementaux, sociaux et de gouvernance dans les rapports annuels des entreprises cotées en Bourse. Ce sont les fameux rapports ESG.
    Un des aspects de ces rapports, le volet environnemental, est celui qui retient notre attention ici. On y calcule trois types de portée d'émissions. Afin de bien les comprendre, prenons l'exemple d'un fabricant de pièces aéronautiques à Mirabel. Il faut d'abord que ce fabricant mesure les émissions directes qui découlent de son processus de fabrication. C'est ce qu'on appelle les émissions de portée 1. Ensuite, il doit comptabiliser les émissions générées par l'exploitation de ses installations. On parle du chauffage, de la climatisation, de l'électricité, etc. Essentiellement, pour lui, cela veut dire qu'il doit demander à Hydro‑Québec, par exemple, quelle est l'intensité en carbone de sa production d'électricité. Cela correspond aux émissions de portée 2. Finalement, le fabricant doit calculer et présenter les émissions associées à ses produits pour toute leur durée de vie, du fournisseur au consommateur, jusqu'à leur élimination. Cela inclut donc l'ensemble des émissions, de la mine où on a extrait la bauxite jusqu'à l'utilisation de l'avion, et jusqu'au recycleur où le véhicule finira ultimement, à la fin de sa durée de vie utile. C'est ce qu'on appelle les émissions de portée 3.
    Outre le fait qu'il y a une double comptabilité évidente en ce qui a trait aux émissions de portée 2 et 3, comme celles-ci se réfèrent aux émissions de portée 1 d'une autre entreprise, il y a aussi une question de coûts et de complexité des calculs qui retient notre attention.
    Bien que le Bureau du surintendant des institutions financières, le BSIF, n'ait pas cru bon d'estimer les coûts que cela entraînerait pour les PME canadiennes, la U.S. Securities and Exchange Commission a estimé qu'il en coûterait entre 490 000 $ et 640 000 $ en devise américaine pour implanter de tels processus dans les PME dès la première année. Je ne sais pas si vous connaissez beaucoup de propriétaires de PME, mais je peux vous dire que ceux avec lesquels nous parlons n'ont pas de tels montants qui dorment dans leur compte de banque pour payer une armée de consultants en ESG.
    Certains diront que, puisque ces exigences ne s'appliqueraient qu'aux sociétés cotées en Bourse, les petites entreprises ne seront pas touchées. Or, non seulement cela impliquerait de faire abstraction des centaines de PME qui sont cotées à la Bourse de Toronto et qui seraient touchées, mais plusieurs autres entreprises seraient touchées de manière indirecte.
    Pour bien comprendre comment ces entreprises seraient touchées, revenons à notre exemple de fabricant de pièces aéronautiques. Il s'agit peut-être d'une PME, mais ces fabricants sont généralement de grands constructeurs, comme Bombardier. Les relations d'affaires de l'entreprise dépendent des prix, de la qualité et de la fiabilité de ses produits. C'est ainsi qu'elle reste concurrentielle. Par contre, lorsque Bombardier devra rendre compte de ses émissions de portée 3, il lui faudra obtenir ces données de la part de ses fournisseurs, qui devront ensuite en demander à leurs propres fournisseurs. Par conséquent, même si les PME ne sont pas directement visées par ces exigences réglementaires, elles pourraient quand même devoir en payer le prix et s'y conformer afin de conserver les grandes entreprises parmi leur clientèle.
    Alors que vous étudiez la relation entre la finance et le climat, nous vous encourageons toujours à garder en tête la façon dont bon nombre de restrictions visant les grandes entreprises finissent par se répercuter indirectement et de manière disproportionnée sur les PME, et ce, malgré vos meilleures intentions en tant que législateurs.
    Merci.

  (1550)  

    Merci beaucoup.
    Monsieur Deltell, c'est vous qui allez ouvrir le bal aujourd'hui. Vous avez la parole pour six minutes.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Chers collègues, c'est toujours agréable de vous voir.
    Mesdames et messieurs, soyez les bienvenus à votre Parlement canadien.
    Nous reconnaissons tous que les changements climatiques ont des conséquences réelles et qu'il faut y faire face. L'objectif que nous avons tous est de réduire la pollution et les émissions pour assurer un meilleur avenir à nos enfants. Chacun a sa vision du chemin à prendre pour atteindre cet objectif.
    Je tiens d'abord à parler à Mme Bak.
    Je vous ai entendue prononcer les premiers mots de votre allocution dans un français impeccable, alors permettez-moi de vous parler en français.
    Vous avez mentionné que les entreprises qui divulguaient leurs informations étaient six fois plus performantes et généraient six fois plus de revenus durables que celles qui ne le faisaient pas. J'aimerais juste savoir comment vous avez fait le calcul pour en arriver à ce résultat.
    Est-ce que vous prenez toutes les industries et toutes les compagnies, peu importe lesquelles, ou est-ce que vous les catégorisez? On aura compris qu'une entreprise de haute technologie est susceptible d'avoir une empreinte environnementale beaucoup plus légère qu'une entreprise qui produit du fer, par exemple, pour des pièces très précises. Alors, faites-vous une distinction entre ces entreprises?
    Nous nous appuyons sur une base de données qui comprend tous les secteurs de l'économie et qui présente des données sur les investissements durables. Tous secteurs confondus, nous observons que les investissements durables faits par les entreprises qui font la divulgation de leurs émissions de portée 1 et 2 sont six fois plus importants que les investissements durables des entreprises qui ne font pas la divulgation de leurs émissions de portée 1 et 2.

  (1555)  

    On compare donc des pommes avec des pommes. On ne considère pas les entreprises de haute technologie comme étant dans une autre catégorie.
     Absolument, on compare des pommes avec des pommes, à l'échelle planétaire comme au Canada.
     Comment calculez-vous les émissions?
    Je m'explique. Nous savons tous que c'est un problème de productivité, d'une certaine manière. Si une entreprise augmente sa productivité, elle peut augmenter son efficacité tout en baissant son empreinte carbone. S'il faut normalement quatre heures à une entreprise pour produire quelque chose, mais que, en étant plus efficace, elle réussit à réduire ce temps à deux heures, elle peut produire deux fois plus de cette chose en une journée.
    Est-ce que vous calculez l'empreinte carbone par unité produite ou pour l'ensemble produit en une journée?
    Évidemment, si une entreprise produit deux fois plus d'un produit, son empreinte totale sera plus grande. Cependant, si sa production est deux fois plus rapide, elle est beaucoup plus efficace.
    Alors, comment calculez-vous l'efficacité et l'empreinte carbone d'une entreprise?
    Dans la deuxième partie de notre recherche, nous avons regardé très simplement les émissions divisées par les revenus. C'est normalisé selon le secteur.
    Je pense que cela répond à votre question. L'efficacité en matière d'émissions de carbone est calculée sur l'ensemble de l'activité économique de l'entreprise.
    Mes prochaines questions s'adressent à M. Brossard, de l'Institut économique de Montréal.
    Bonjour, monsieur Brossard.
     L'Institut économique de Montréal est situé au Québec. Chaque année, HEC Montréal publie des chiffres sur l'énergie au Québec. Selon les chiffres publiés au début de cette année, le Québec a consommé, pendant la dernière année indiquée, 19 milliards de litres de pétrole, ce qui représente une augmentation de 7 %. Donc, tant et aussi longtemps que nous aurons besoin de pétrole, il va falloir en produire quelque part.
    À votre connaissance, si jamais on demande aux banques de ne plus soutenir le secteur énergétique canadien, qu'arriva-t-il à nos producteurs, qui contribuent à fournir les 19 milliards de litres de pétrole consommés annuellement par les 8 millions de Québécois? Je rappelle que cette consommation est en augmentation. Qu'est-ce qui risque d'arriver à ces entreprises si les banques n'ont plus le droit de les financer ou ne sont plus invitées à assurer leur financement?
    D'abord, les coûts de financement de ces entreprises canadiennes risquent d'augmenter, parce qu'elles vont perdre accès à un financement stable provenant d'une source qui est intéressante et qui se montre désireuse de les financer.
    Par contre, une telle mesure risque de ne changer absolument rien à la consommation canadienne de pétrole, étant donné que, peu importe si le pétrole est produit ici ou ailleurs, les gens ont quand même besoin de se rendre au travail et de mettre de l'essence dans leur véhicule.
    Une mesure de ce genre apporte donc énormément de douleurs économiques et très peu de gains environnementaux, comme nous nous plaisons à le dire.
     Rappelons-nous qu'au Québec, il y a eu une augmentation de 7 % en une année. Les citoyens ont besoin de produits pétroliers au quotidien, tous les ans.
    Monsieur Brossard, il y a la divulgation obligatoire et la divulgation volontaire. Quelle est votre opinion là-dessus?
     Nous n'avons absolument aucune opinion sur la divulgation volontaire. En fait, nous pensons que, si les entreprises sont prêtes à dévoiler leurs chiffres d'elles-mêmes, c'est parce qu'elles y voient un avantage. Si elles décident de le faire, c'est tant mieux.
    Selon nous, c'est plutôt l'obligation de divulguer qui pose problème, en réalité, puisqu'elle viendrait imposer des coûts assez importants aux entreprises. Ce qui pose problème surtout, comme nous l'expliquions dans notre allocution, c'est que ces coûts se répercuteraient sur les fournisseurs de ces entreprises.
    On sait qu'au Canada, il y a un problème de productivité. Celle-ci est à la baisse, ce qui a un effet direct sur notre niveau de vie. On sait aussi que nous avons de la misère à attirer l'investissement nécessaire pour faire croître cette productivité.
    Par comparaison, chez nos voisins du Sud, la U.S. Securities and Exchange Commission s'est penchée sur la question de la divulgation des émissions de la portée 1, 2 et 3 et a établi que les émissions de la portée 1 et 2 devaient être divulguées, mais elle n'était pas prête à imposer la divulgation des émissions de la portée 3, qui est la plus coûteuse.
     Merci.
    Je passe maintenant la parole à Mme Chatel.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je remercie les témoins. Je leur souhaite la bienvenue dans le cadre de cette étude très importante sur la finance verte. Le Comité a déjà tenu quelques rencontres à ce sujet, et nous comprenons que le Canada accuse un retard. Nous devons donc en faire plus si nous voulons que le Canada reste compétitif, et ce, dans tous les secteurs.
    Madame Bak, votre étude est très intéressante. Elle révèle que les entreprises canadiennes qui investissent dans la divulgation et la transparence à l'égard de leurs investisseurs touchent plus de revenus que les autres entreprises.
    Pouvez-vous nous en dire plus à ce sujet? Cela s'applique-t-il à tous les secteurs?
    Ces données m'intéressent vraiment.

  (1600)  

    L'analyse que nous avons faite porte sur toutes les entreprises du Canada qui, selon ce qu'il nous est possible de discerner, ont fait des investissements de capitaux durables.
    En 2019, les investissements de capitaux durables faits par les entreprises qui, par coïncidence, faisaient la divulgation de leurs émissions ont été, en moyenne, six fois plus élevés que ceux des entreprises qui ne faisaient pas une telle divulgation.
    Nous avons aussi pu observer que, trois ans après ces investissements, ces mêmes entreprises avaient des revenus durables presque six fois plus élevés que ceux des entreprises qui n'avaient pas fait de divulgation des émissions de la portée 1 et 2.
    C'est impressionnant, madame Bak.
    Cela veut dire que, si le gouvernement canadien va de l'avant en ce qui concerne la taxonomie et la divulgation pour les entreprises, nous allons nous assurer d'une économie croissante. En fait, nous allons stimuler la croissance de nos entreprises.
     Le passé n'est pas garant de l'avenir. Évidemment, il s'agit d'une décision politique. Le gouvernement doit prendre position.
    Notre recherche nous offre quand même une perspective qui laisse entrevoir que les entreprises qui font des divulgations ont l'occasion de se comparer à leurs pairs en ce qui concerne leur intensité carbone et, potentiellement, la proportion de leurs investissements de capitaux destinée à faire croître les qualités durables de l'entreprise.
    Un des témoins a parlé du fait que les PME canadiennes font partie de chaînes de production et de valeur planétaires. En faisant ces divulgations, elles sont donc en mesure de comprendre comment elles se comparent à leurs pairs sur le plan de l'intensité carbone. Autrement dit, on compare des pommes avec des pommes. Ensuite, les équipes de gestion décident des investissements qu'elles veulent faire pour essayer d'aller chercher les marchés qui seraient rentables pour elles.
    C'est donc un mouvement circulaire: après la divulgation, la prise de décisions en matière d'investissements mène à de nouvelles affaires et, par ricochet, cela peut mener à plus d'investissements.
    Merci beaucoup.
    Je note que la divulgation a effectivement un coût pour les entreprises. Cependant, l'inaction a un coût aussi, et c'est la perte d'investissements et d'opportunités. C'est donc très important d'analyser la question dans son ensemble.
    À propos des petites et moyennes entreprises, je vais maintenant m'adresser à Mme Goodman.
    Tout à l'heure, vous ainsi qu'un autre témoin avez parlé de l'importance de tenir compte des petites et moyennes entreprises. Vous avez mentionné des données de l'OCDE et fourni des exemples. Nous ne sommes pas les seuls à effectuer la transition verte. Plusieurs pays vont aussi de l'avant et obtiennent d'excellents résultats. Je pense qu'il faut adopter des pratiques exemplaires.
    Pouvez-vous nous parler des pratiques exemplaires de soutien aux PME dans le cadre de la transition, pour qu'elles ne manquent pas les opportunités dont on parlait tout à l'heure?

[Traduction]

    Merci de la question.
    Je pense que, comme d'autres témoins l'ont mentionné, les règles mondiales concernant la durabilité exercent une pression sur les chaînes d'approvisionnement.
    Nous savons tous que l'Union européenne a déposé ses cadres de travail et ses modèles. Pour les PME faisant partie des chaînes d'approvisionnement mondiales, le concept des divulgations, des investissements durables et de la préparation est un fait accepté. Cela se passe maintenant. Comme d'autres témoins l'ont mentionné, cela concerne les émissions de portée 1, de portée 2 et de portée 3.
    Je voulais insister sur le fait que les PME représentent une part réelle et très importante du PIB canadien, y compris leurs émissions combinées de gaz à effet de serre. Elles émettent près de 50 % des émissions de gaz à effet de serre provenant des entreprises. Nous devons trouver des solutions adaptées aux objectifs des entreprises de toutes tailles.

  (1605)  

    Je vais devoir vous arrêter.
    La parole va maintenant à Mme Pauzé.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Je remercie tous les témoins d'être parmi nous, que ce soit sur place ou à distance.
    Madame Bak, comme nous n'avons pas beaucoup de temps, pouvez-vous nous brosser un portrait rapide des meilleures politiques mises en place à l'international et dont le Canada pourrait s'inspirer? Il peut s'agir de mesures législatives ou de mesures réglementaires. Selon ce que disait M. Van Acker tantôt, nous ne semblons pas avoir de telles mesures.
    Je vais m'en tenir aux résultats de notre recherche, qui offre une certaine perspective.
    D'une part, les divulgations sont associées à une plus grande tendance aux investissements. D'autre part, la performance en matière d'intensité carbone, dans plusieurs secteurs, est maintenant associée à une meilleure valorisation par les marchés de capitaux. On retrouve dans différents pays des politiques qui peuvent appuyer ces deux conditions. Je laisserai au gouvernement le soin de prendre acte de ces politiques.
    Qu'avez-vous à nous dire sur l'importance de la prévisibilité des règlements? Je pense que, pour une entreprise, c'est quelque chose qui est très important. Pouvez-vous nous parler de l'effet positif que peut avoir la prévisibilité lorsque des acteurs économiques mettent en œuvre des politiques ESG?
     La prévisibilité est un concept important dans ce milieu, qui est en évolution et qui est complexe.
    Dans notre recherche, nous avons observé que c'est souvent dans les secteurs où une réglementation est déjà en place depuis quelque temps que les entreprises ayant la meilleure performance en matière d'intensité carbone ont aussi la meilleure valorisation. Ces deux choses vont donc ensemble.
    Je vous remercie.
    Monsieur Van Acker, tantôt, vous avez brossé un portrait plutôt sombre de ce que le Canada ne faisait pas. Vous avez parlé de ce que les banques canadiennes ne faisaient pas, comparativement à ce qui se passe à l'international.
    J'ai compris que votre organisme, InfluenceMap, était très crédible et qu'il faisait de grandes études. Dans votre rapport de 2024 intitulé « Canada's Big Five Banks: Heading to Net Zero? », on souligne que les banques canadiennes n'arrivent pas à mettre en place des stratégies crédibles en matière de climat. C'est donc dire qu'au Canada, on n'est pas capable, mais qu'ailleurs, on l'est.
    Pouvez-vous, s'il vous plaît, décrire les différentes façons choisies par les banques canadiennes quand vient le temps de présenter leurs démarches en lien avec leurs produits et leurs politiques?

[Traduction]

    Bien sûr. Merci.
    Nous avons constaté que les banques intègrent dans une certaine mesure les facteurs climatiques dans leurs divulgations et dans leurs processus d'avant-plan, en parallèle avec les engagements nets zéro de première ligne qu'elles ont déjà fixés. Cependant, cela semble plus ou moins se limiter à une surveillance de haut niveau par la direction et les cadres et à la divulgation de certaines pratiques de gestion des risques. Cela ne semble pas déboucher réellement sur des paramètres concrets et des plans de transition qui auraient pour effet d'harmoniser de manière crédible les activités bancaires avec les objectifs nets zéro.
    Ensuite, si nous creusons plus loin dans les activités financières proprement dites — même si je crois avoir donné une description détaillée plus tôt —, nous voyons un décalage énorme entre la façon dont les banques financent l'économie et l'éventuelle trajectoire vers le net zéro d'ici 2050. Les banques canadiennes sont vraiment dépassées par les banques américaines et européennes à cet égard.

  (1610)  

[Français]

    Je m'excuse, monsieur Van Acker, mais je n'ai pas pu entendre les derniers mots de votre réponse. Pouvez-vous les répéter?

[Traduction]

    Bien sûr.
    J'ai dit que, si on regarde les activités financières proprement dites — concrètement, les activités bancaires liées aux prêts et aux investissements —, nous ne voyons effectivement pas le niveau d'ambition climatique auquel on s'attendrait, compte tenu de leurs propres engagements d'avant-plan. Elles sont vraiment dépassées par leurs homologues internationaux qui se sont fixé des engagements similaires.

[Français]

     Si je comprends bien ce que vous dites, les banques ont des engagements climatiques, mais elles ne sont pas crédibles, parce qu'elles ne sont pas capables de remplir leurs engagements.
    Est-ce parce qu'on manque de transparence? Quelle est la raison derrière tout cela?

[Traduction]

    Vous avez abordé la transparence. Il ne fait aucun doute qu'une plus grande transparence économique du côté de l'entrepreneuriat peut aider à stimuler le financement vert et le financement de la transition. Il semble cependant que les banques maintiennent leurs relations existantes — ou traditionnelles — avec des industries problématiques et qu'elles financent toujours des entreprises polluantes.
    À cet égard, nous savons que d'autres banques, même dans des régions où les niveaux de transparence économique sont similaires, financent plus d'entreprises vertes et d'entreprises de transition en même temps qu'elles poursuivent leurs activités déjà en cours.
    Merci.
    La parole va à Mme Collins.
    Merci, monsieur le président.
    Ma première question s'adresse à Mme Bak. J'aimerais revenir sur une question que ma collègue du Bloc a posée.
    Vous avez parlé un peu de cohérence et de prévisibilité. Pouvez-vous nous dire comment les mesures législatives et réglementaires peuvent aider les entreprises qui hésitent peut-être à faire le saut, relativement aux politiques ESG?
    Le secteur est en constante évolution, et je pense que c'est complexe pour les entreprises de s'y retrouver. Je crois cependant qu'il y a une considération importante dont n'importe quelle entreprise doit tenir compte: ce que font ses concurrents et ses pairs. Dès que le PDG, le conseil d'administration ou la direction d'une entreprise voient que leurs pairs adoptent une pratique donnée, alors celle‑ci devient pertinente. Ce genre de choses peuvent arriver selon la région, selon le secteur ou selon d'autres dimensions également.
    Merci.
    Ma prochaine question s'adresse à M. Van Acker.
    Vous avez brossé un sombre portrait du décalage entre les engagements net zéro des grandes banques canadiennes et leurs progrès vers l'atteinte de leurs objectifs.
    Si on réfléchit à ce que les élus et les gouvernements peuvent faire pour amener les grandes banques sur la bonne voie, quels rôles devraient jouer les plans de transition climatique, et quelles mesures devrons-nous prendre pour nous assurer que ce genre de stratégies et d'autres sont mises en œuvre?
    C'est une excellente question, et évidemment une question cruciale pour les gouvernements.
    D'abord et avant tout, je tiens à dire que notre expertise est avant tout en recherche financière. Je n'ai pas autant d'expertise en matière de politiques.
    Toutefois, d'après ce que nous voyons à l'échelle mondiale, les plans de transition sont manifestement un élément clé, et les gouvernements peuvent jouer un rôle crucial en aidant à orienter le secteur financier — y compris les banques — pour qu'elles harmonisent leurs activités de financement avec les objectifs de carboneutralité et, par conséquent, qu'elles facilitent ces activités dans l'économie réelle. Un élément clé de cette approche serait d'accroître la transparence et la divulgation, de définir ce qui est une activité durable et ce qui ne l'est pas, et déterminer comment les entreprises et le secteur financier aident à financer ces activités.
    Voilà le rôle clé que les gouvernements peuvent jouer pour faciliter les plans de transition.
    Merci.
    J'ai aussi trouvé intéressant ce que vous avez dit au sujet du lobbying exercé par les grandes banques, des organisations dont elles sont membres et du lobbying qu'elles exercent ou pas.
    Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur ce lobbying, sur ces pressions politiques de la part des plus grandes banques du Canada et nous expliquer comment leur comportement pourrait miner leurs engagements envers la carboneutralité?

  (1615)  

    Oui, bien sûr.
    De manière générale, nous savons que les institutions financières ne font pas autant de lobbying direct dans le secteur financier. C'est‑à‑dire qu'elles ne se mêlent pas elles-mêmes beaucoup des enjeux de politique. Plutôt, elles semblent s'en remettre de plus en plus aux associations de l'industrie pour faire cela en leur nom.
    Il en va de même pour les banques canadiennes, autant en ce qui concerne les associations financières que les associations du secteur de l'économie réelle que j'ai mentionnées. Même si les banques elles-mêmes affirment qu'elles appuieraient un cadre de politique publique qui orienterait la transition, même si elles disent que c'est essentiel, le lobbying semble miner cette affirmation. Le fait de bloquer et d'atténuer les politiques climatiques, autant en ce qui concerne l'économie réelle que la réglementation financière, ne s'aligne certainement pas sur la trajectoire vers la carboneutralité d'ici 2050.
    J'ai l'impression que ce que vous dites à propos des grandes banques pourrait aussi s'appliquer aux grandes entreprises pétrolières et gazières du Canada. Nous savons que ces organisations font elles-mêmes du lobbying, mais elles dépendent aussi beaucoup des organisations de l'industrie pour exercer des pressions en leur nom. Publiquement, elles peuvent dire qu'elles appuient la transition vers une économie durable, mais ensuite, elles mobilisent activement leurs organisations industrielles pour qu'elles exercent des pressions contre ce genre de politiques.
    Nous savons aussi que les gens au sommet de ces organisations — les grandes banques et les grandes entreprises pétrolières et gazières — sont souvent interchangeables. Ils passent d'une entreprise à l'autre.
    Pouvez-vous nous parler de ce recoupement entre les grandes sociétés pétrolières et les grandes banques du Canada?
    Votre question est très pertinente pour le Canada.
    À la lumière de notre rapport, les chiffres que j'ai cités montrent que l'exposition des banques canadiennes sur leurs activités de prêt aux combustibles fossiles est beaucoup plus élevée que celle dans bon nombre des autres économies que nous avons analysées. Évidemment, il y a un important secteur des combustibles fossiles au Canada. Une part importante de ces prêts, la proportion élevée des prêts qui vont aux entreprises d'énergie fossile, va spécifiquement aux entreprises canadiennes nationales du secteur pétrolier et gazier. Il semble bien qu'il y a des liens étroits entre le secteur bancaire canadien et le secteur des combustibles fossiles.
    Cela soulève une question de conflit d'intérêts, si les gens au sommet des grandes banques canadiennes utilisent les organisations de l'industrie...
    Combien de secondes me reste‑t‑il?
    Plus ou moins 30.
    D'accord.
    S'ils utilisent les organisations de l'industrie pour saper les politiques climatiques et s'ils ont ce genre d'interrelation étroite avec les secteurs pétroliers et gaziers, quels conseils donneriez-vous aux décideurs politiques pour corriger ce problème?
    Votre conseil devra être bref.
    Mon conseil serait d'accroître la transparence et les divulgations en ce qui concerne le lobbying en général, les liens avec les associations industrielles et l'harmonie avec les positions.

[Français]

    Merci.
    Je vais demander à M. Kram de lancer le deuxième tour de questions. Les interventions seront de quatre minutes. Dans le cas de Mme Pauzé et de Mme Collins, je vais leur allouer deux minutes.

[Traduction]

    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Merci à tous les témoins d'être avec nous aujourd'hui.
    Je vais m'adresser d'abord à vous, madame Goodman, parce que je crois que vous êtes la première à avoir mentionné les petites et moyennes entreprises.
    Y a‑t‑il présentement un programme fédéral de remboursement de la taxe sur le carbone qui inciterait les petites entreprises à réduire l'intensité des émissions de leurs activités?
    Il existe tout un éventail de programmes fédéraux, et certainement toute une gamme d'outils. Comme tout le monde le sait, des sociétés d'État comme Exportation et développement Canada et la Banque de développement du Canada offrent tout un assortiment de programmes aux PME.
    Le point essentiel sur lequel je voulais insister, par rapport au financement de la transition, aux politiques climatiques et à cette approche équilibrée pour l'économie, l'environnement et la société, c'est qu'il ne faut pas oublier les PME. Leur empreinte carbonique cumulative est importante. Leur contribution cumulative au PIB est très importante.
    Si nous nous penchons sur ce que font les autres pays, surtout pour les PME — leurs institutions, leurs trousses d'outils et leur virage numérique — nous comprenons que ces considérations sont aussi importantes pour nous. Nous réfléchissons aux politiques, à l'élaboration et à la mise en œuvre des politiques, et j'allais mettre l'accent sur l'expérimentation. Que font les autres pays? Quelles leçons le Canada peut‑il en tirer? Inutile d'attendre. Il y a beaucoup de choses que nous pourrions faire.
    Incidemment, j'ai aussi mentionné le Forum sur le financement des PME, qui relève de la Banque mondiale et qui a réalisé d'excellentes études mondiales sur l'accès au financement, l'accès aux marchés, l'accès aux compétences et les environnements favorables. Il y a des idées très concrètes sur ce que nous pouvons faire dès maintenant.
    C'est là une occasion très concrète pour le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux de travailler de manière cohérente sur le défi des PME.

  (1620)  

    Avez-vous des recommandations précises quant aux changements qui pourraient être apportés aux programmes fédéraux existants, en ce qui concerne la taxe sur le carbone et les initiatives vertes pour les PME?
    L'une des principales occasions à saisir, pour tous les gouvernements, est celle qui consiste à examiner quelles sont les pratiques exemplaires des autres administrations en matière d'accès au financement. Pendant que nous parlons de politiques de transition, nous pensons à cette énorme cohorte de PME et d'entrepreneurs qui, eux, doivent réfléchir aux règles mondiales qui leur seront imposées, par exemple les règles sur la durabilité de la chaîne d'approvisionnement.
    La compétitivité est importante: pour être compétitif, vous devez regarder ce que font vos pairs, et vous avez besoin de financement. Nous savons tous que l'accès à du financement à faible coût est un avantage concurrentiel. C'est un enjeu très important, auquel nous devons réfléchir.
    Ces dernières années, à mesure que les PME progressaient dans les objectifs en matière de durabilité, comme je l'ai dit, elles ont invoqué des problèmes relativement aux ressources, comme l'accès aux talents, l'accès au temps, l'accès au financement, disant que c'est un obstacle considérable. Je recommanderais de porter une grande attention à cet enjeu.
    Merci.
    Je vais maintenant m'adresser à M. Van Acker.
    Monsieur Van Acker, vous avez dit que les cinq grandes banques du Canada financent toujours les sociétés charbonnières, pétrolières et gazières, présumément parce que cela est rentable. Je me demandais une chose: si les cinq grandes banques cessaient de financer les sociétés pétrolières, gazières et charbonnières, quel serait l'impact, en perte de profits et en perte de revenus?
    Il vous reste 10 secondes.
    C'est une excellente question. Nous ne recommandons pas de cesser immédiatement le financement. Nous recommandons simplement qu'elles se fient aux trajectoires fondées sur la science pour y mettre un terme progressivement, comme le font de nombreuses autres banques.
    Monsieur Longfield, vous avez la parole pour quatre minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Merci aux témoins.
    Dans le peu de temps que nous avons, j'aimerais m'adresser d'abord à Mme Goodman.
    J'ai déjà fait partie d'une PME, et je devais présenter un rapport environnemental à mon conseil d'administration. J'étais directeur général de la filiale canadienne d'une entreprise britannique. Le rapport concernait nos activités en matière d'efficacité énergétique, de traitement des eaux et de gestion des déchets, qui nous aidaient à être plus compétitifs sur la scène mondiale, mais il y a aussi, comme vous l'avez dit, que nous devions montrer que nous faisions ces activités si nous voulions participer à la chaîne d'approvisionnement.
    Je me demandais comment, du point de vue des politiques, nous pourrions adopter quelque chose qui obligerait les PME à réaliser des enquêtes comme celles que je présentais au siège social du Royaume-Uni. Serait‑il possible de le faire par l'intermédiaire de Statistique Canada?
    Une des leçons que nous pouvons tirer des autres pays, c'est que, dans les pays dirigeants, les PME ont accès à des cadres qui peuvent les aider à savoir ce qu'elles doivent signaler. Encore une fois, cela se fait sur une base volontaire. Cependant, si une PME ne fait pas partie de la chaîne d'approvisionnement, cela se fait sur une base volontaire.
    Je pense que ce qui est important, et ce qui sous-tend le thème de votre question, c'est que, à mesure que les règles mondiales deviennent effectivement plus claires — et même dans le cas du Canada, les règles du conseil des normes internationales d'information sur la durabilité, l'ISSB, et du Conseil canadien des normes d'information sur la durabilité s'établissent graduellement —, la portée 3 arrive. Pendant que les PME réfléchissent à ce qu'elles doivent faire, il est très important qu'elles pensent aux façons de prendre de l'avance, de planifier leur horizon d'investissement et d'accéder à du capital.
    Merci.
    Vous avez parlé de la certitude. Lorsque nous voyons, sur la scène politique, les conservateurs dire qu'ils veulent supprimer la taxe sur le carbone et que nous pensons aux répercussions que cela pourrait avoir sur les entreprises qui tentent d'être concurrentielles mondialement sur un marché qui demande des preuves de progrès vers la carboneutralité, il y a un conflit. Pourriez-vous nous en parler?
    Je pense, comme j'y ai fait allusion dans mes commentaires initiaux, que quand les PME pensent à la compétitivité, c'est souvent à la compétitivité à l'échelle mondiale et aux liens avec les chaînes d'approvisionnement nécessaires à leurs activités. Je pense que j'envisagerais le problème en me demandant ce que je dois faire pour accéder au financement, aux marchés, aux compétences, aux connaissances et à un environnement favorable, un environnement numérique.
    Je pense que tous ces leviers pris ensemble montrent que les PME finiront par devoir participer au progrès, dans ce dossier. Je pense que c'est un enjeu complexe, mais dans mes commentaires préliminaires, j'ai vraiment souligné qu'il ne fallait pas oublier les PME; elles sont une cohorte importante.

  (1625)  

    Absolument. Merci de votre commentaire.
    Madame Bak, je vais m'adresser à vous.
    Je pense aux systèmes de gestion de la qualité. Lorsque la série de normes ISO 9000 a été établie, puis les normes ISO 9001 et ISO 14000, les entreprises les ont perçues comme des coûts, mais en fin de compte, elles ont vu qu'il y avait des avantages sur le plan des finances et de la chaîne d'approvisionnement. Y a‑t‑il une situation similaire ici, en ce qui concerne la responsabilisation et la transparence sur les marchés du carbone?
    Vous avez 20 secondes.
    Notre recherche donne à penser que oui; le nombre de secteurs récompensés par les marchés des capitaux leur bon rendement au chapitre des GES est déjà important, et qu'il pourrait augmenter au fil du temps.

[Français]

    Merci.
    Madame Pauzé, vous avez la parole pour deux minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Il y a une question que j'aimerais poser aux trois témoins qui sont ici présents. Nous avons deux minutes en tout et pour tout.
    Quand nous avons commencé cette étude, j'ai évoqué le retard qu'accuse le Canada dans le dossier, comparativement à d'autres États. Les choses se sont accélérées en Europe peu de temps après l'Accord de Paris; c'est quand même l'Europe et c'est un exercice fédératif.
    D'après vous, quels sont les obstacles en terrain canadien? Que risque le Canada si un régime robuste alignant le système financier sur nos objectifs nationaux tarde à se concrétiser?
    J'invite M. Van Acker, Mme Bak et Mme Goodman, dans cet ordre, à répondre à la question.

[Traduction]

    Le risque lié aux changements climatiques entraîne des risques financiers non négligeables, que ce soit des risques de transition ou des risques physiques, pour le secteur financier. Si le système canadien ne s'adapte pas et qu'il se retrouve à la traîne derrière d'autres économies en tentant de s'adapter à ce risque de transition, cela pourrait certainement se traduire en coûts financiers importants.
    Notre recherche donne à penser que le coût du capital est plus bas pour les entreprises qui ont un meilleur rendement que leurs pairs parce que leurs évaluations sont meilleures. Par conséquent, si d'autres retards surviennent, il est possible que le coût du capital pour les entreprises canadiennes qui ne sont pas en tête de file augmente.
    Pour la cohorte dont je parlais plus tôt, les PME, la certitude et la clarté sont importantes, tout comme des règles du jeu équitables et des solutions adaptées. Cependant, j'ai aussi dit que c'est plus que cela: il est aussi question des institutions qui régissent les politiques et les mettent en œuvre, des expériences que nous faisons et de la façon dont nous tirons profit des pratiques exemplaires des autres pays et dont nous les appliquons ici.
    La concurrence, c'est important, tout comme l'accès à du capital à faible coût, mais c'est beaucoup plus que du financement.

[Français]

    Merci.

[Traduction]

    J'ai aussi mentionné la numérisation et l'intelligence artificielle. Ces outils sont extrêmement habilitants.
    Merci.
    Madame Collins, vous avez deux minutes.
    Madame Goodman, si vous voulez prendre 15 secondes de plus pour finir votre commentaire sur la certification et l'intelligence artificielle, vous le pouvez.
    J'ai mentionné le travail d'une entité appelée le Forum sur le financement des PME, qui fait partie de la Banque mondiale, parmi de nombreuses autres entités. Il a fait de l'excellent travail pour comprendre quels pays sont en tête et comment ils ont aidé des segments clés de l'économie, comme les PME, par exemple. Il a étudié les pays qui sont rapidement passés à la numérisation et à la certification.
    Il y a vraiment un lien entre des politiques intelligentes, l'environnement numérique et les institutions — les partenariats public-privé — qui favorisent aussi cela. J'ai mentionné le morceau de casse-tête dans mes commentaires, plus tôt. C'est beaucoup plus que du financement. C'est tout ce que je viens de mentionner.
    J'aimerais comprendre la différence entre les certifications par des organisations sans but lucratif, comme la certification B Corp, et les règles et normes établies par le gouvernement.
    Je pose la question à Mme Bak, pour commercer, puis à Mme Goodman, si vous avez des réponses.

  (1630)  

    Je ne connais pas très bien le domaine de la certification, donc je ne peux pas répondre. Merci.
    En lien avec la question que vous m'avez posée plus tôt, nous avons parlé du fait que la certification numérique, en d'autres termes, n'était pas l'équivalent d'un point repère. Les points repère sont-ils importants? Au bout du compte, oui, parce qu'ils permettent à n'importe quelle PME ou à n'importe quelle entreprise de savoir où elle se situe par rapport à ses concurrents.
    Vous avez posé une question sur la certification B Corp et les autres modèles. Il y a une foule de modèles à l'échelle mondiale. Lorsque j'ai parlé de solutions « adaptées », ce que je voulais vraiment souligner, c'est que, pour de nombreux points repères, les accréditations...
    Merci beaucoup. Nous allons devoir nous arrêter là.
    ... et les certifications dépendent du secteur et de la taille de l'entreprise.
    Nous allons devoir céder la parole à M. Leslie, pour quatre minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Je vais m'adresser pour commencer à M. Brossard.
    Il est indiqué dans un document rédigé par votre institut que, si les entreprises doivent divulguer leurs informations ESG ou leurs rapports sur la durabilité, cela créerait « artificiellement des gagnants et des perdants ». Il est aussi indiqué que « de nombreuses entités, notamment les petites et moyennes entreprises, ne disposent pas de ressources suffisantes pour être en mesure de se conformer entièrement ». Dans vos déclarations préliminaires, vous avez aussi dit que la US Securities and Exchange Commission estime qu'une proposition de divulgation semblable aux États-Unis coûterait entre 490 000 et 643 000 dollars américains pour la première année de conformité, mais certains pensent que ces coûts pourraient en fait être beaucoup plus élevés.
    Pourriez-vous nous dire, avec le plus de précision possible, quels sont réellement ces coûts et nous expliquer comment ils seront transférés à l'entreprise, s'ils vont demeurer dans cette entreprise ou s'ils seront transférés aux clients ou aux consommateurs?
    Bien sûr. Merci de la question.
    En ce qui concerne la nature de ces coûts, une bonne part servira à payer des consultants, et cela ne durera qu'un certain temps. Comme beaucoup de petites entreprises n'ont pas l'expertise à l'interne pour pouvoir faire ce genre de comptabilité, elles devront embaucher des consultants qui pourront leur expliquer les différentes étapes. Elles devront ensuite mettre en place de bons paramètres pour évaluer leurs processus afin que, par la suite, elles puissent savoir quel est le volume approximatif d'émissions produit par chaque activité. Essentiellement, ce sont des frais de consultation.
    Excusez-moi, je ne me rappelle pas la deuxième partie de votre question. Pouvez-vous me la rappeler?
    Bien sûr. Je voulais simplement savoir si l'entreprise absorbera l'Intégralité de ces coûts ou si vous prévoyez qu'ils seront transférés à ses clients le long de la chaîne d'approvisionnement ou directement aux consommateurs.
    Simplement dit, une partie importante de n'importe quel coût imposé à l'entreprise sera transféré aux consommateurs. Bien entendu, une partie de ces coûts est transférée, aux propriétaires de l'entreprise, qui réalisent un peu moins de profits, mais habituellement, ils trouvent une façon d'augmenter les prix afin de les transférer aux consommateurs.
    Vous avez parlé de consultants. J'ai entendu ce que l'on a dit ici aujourd'hui au sujet des PME, dont beaucoup sont actives à l'échelle mondiale, ou du moins à l'échelle nord-américaine, et beaucoup pourraient avoir produit ce qui se trouve ici devant moi. Il s'agit peut-être d'une entreprise uniquement nationale. Il pourrait s'agir d'une très petite entreprise, ce qui est légitime.
    Vous avez parlé des limites de capacité, mais il semble que, en général, il ne s'agit que d'un groupe informel de consultants qui concoctent des façons de vérifier les choses, alors que, en fin de compte, selon moi, on ne sait pas vraiment si cela va réduire ou non les émissions.
    Pensez-vous que ce soit une façon de réellement réduire les émissions?
    Je ne pense pas que cela nous permettra de réellement réduire les émissions de façon notable, si ce n'est que, en imposant des coûts excessifs aux petites entreprises , on finira par en faire fermer un nombre suffisant.
    En réalité, lorsque les entreprises ont été consultées à ce sujet, beaucoup de petites entreprises ont dit que cela ne devrait pas s'appliquer à elles. Bien entendu, les consultants chargés de produire ces rapports militent habituellement n faveur de ces tâches supplémentaires.
    En soi, la divulgation volontaire des émissions de différentes portées n'est pas une mauvaise chose, loin de là. Cela peut être une bonne chose, et c'est pourquoi certaines entreprises choisissent de le faire, mais rendre la divulgation obligatoire serait très, très dispendieux pour beaucoup des petites entreprises visées ou ces coûts se retrouveraient dans les chaînes d'approvisionnement des autres entreprises visées.
    Est‑il juste de dire que la divulgation volontaire, c'est peut-être avantageux sur le plan de la concurrence, mais la rendre obligatoire pour toutes les PME et les grandes entreprises entraînerait plus de coûts que de bénéfices pour le Canada?
    Veuillez répondre rapidement.

  (1635)  

    Absolument.
    Madame Taylor Roy, vous avez la dernière intervention de cette série de questions.
    Le président: J'ai réalisé mon erreur.
    Mme Leah Taylor Roy: Il y a eu beaucoup de discussions au sujet de la nécessité de la divulgation et de la question de savoir si les entreprises devraient divulguer l'information ou non, mais selon moi, il est trop tard. La divulgation est nécessaire pour que nos entreprises aient la clarté et la certitude dont elles ont besoin, et ce, pour de nombreuses raisons.
    Chaque témoin a fait allusion à différentes choses: les augmentations du coût du capital si vous ne divulguez pas; la disparition possible des marchés, surtout s'ils font partie de votre chaîne d'approvisionnement; la profitabilité, car le rendement de l'investissement pourrait être inférieur. À mon avis, il faut se demander comment aider les entreprises à se conformer efficacement à ces exigences, sans augmenter démesurément leur fardeau.
    Madame Goodman, vous avez parlé de certaines pratiques exemplaires cernées lors des forums de la Banque mondiale sur les petites et moyennes entreprises. Avez-vous des exemples de boîtes d'outils, de l'utilisation de l'IA ou de la numérisation qui pourraient aider ces petites et moyennes entreprises à divulguer leurs émissions et à aller dans la bonne direction?
    Comme je l'ai dit, à mesure de l'établissement des règles mondiales se préparent, les chaînes d'approvisionnement devront en faire plus en matière de durabilité — le E, le S, le G. C'est déjà commencé. Il est certain que l'Union européenne mène ce dossier.
    Je vais utiliser l'exemple des PME. Il y a un élément clé dans leur vision et auquel il faut penser au moment d'élaborer les politiques.
    Tout d'abord, savent-elles que,si elles participent, cela leur donnera un avantage sur le plan de la concurrence? Puis, ont-elles les compétences, les connaissances et l'expertise nécessaires pour s'embarquer dans l'aventure? Comment calculent-elles le carbone? Comment calculent-elles le carbone à distance? Comment intègrent-elles les facteurs ESG à leur feuille de route pour remplir les obligations relatives à la chaîne d'approvisionnement mondiale à laquelle elles appartiennent? Une fois que la feuille de route des facteurs ESG est faite, comment font-elles pour établir leur pro forma et décider de ce que sera la technologie de décarbonisation?
    Puis, où obtiennent-elles le capital? Quel est son prix? Si elles n'ont pas beaucoup d'actifs ou qu'elles n'ont pas eu de flux de rentrées par le passé, la banque pourrait ne pas vouloir les finances. Quels sont les mécanismes?
    Quand j'ai parlé du travail de l'OCDE et du Forum sur le financement des PME, ce dont je parlais vraiment, c'était de la diversification des options et des trousses d'outils d'un bout à l'autre du spectre. Nous parlions plus tôt de points repères...
    Madame Goodman, je sais que je n'ai que deux ou trois minutes. Je ne veux pas vous interrompre, car vous donnez d'excellents conseils, et je sais qu'ils nous seront utiles. Nous pourrons peut-être y revenir.
    Je voulais aussi vous poser une question que m'a inspirée un commentaire d'un membre d'en face, M. Deltell, au sujet de l'utilisation des combustibles fossiles au Québec, du fait que cette utilisation augmente et que, si nos banques ne financent pas les pétrolières, nous allons devoir importer davantage de combustibles fossiles de l'étranger.
    Étant donné le mécanisme d'ajustement à la frontière actuellement appliqué et la nécessité évidente de réduire notre utilisation des combustibles fossiles, puisque leur financement est interdit partout dans le monde, je me demandais si le programme de tarification de la pollution en vigueur au Canada ne devrait pas être accompagné d'un mécanisme de financement durable, de façon que, si les investissements diminuent, la demande de combustibles fossiles va diminuer en même temps, de sorte que, au bout du compte, nous ne nous retrouverons pas avec ce genre de déconnexion.
    Est‑ce que quelqu'un peut faire un commentaire sur la façon dont ces deux choses pourraient fonctionner ensemble?
    Je ne peux pas faire de commentaires précisément sur ce sujet, qui n'entre pas dans mon champ de compétence, mais je crois que nous avons tous évoqué la notion de clarté, de certitude et d'égalité des règles du jeu. L'environnement est concurrentiel partout dans le monde, peu importe la taille de l'entreprise, ce qui fait que, peu importe les politiques futures, elles donneront aux entreprises de toutes tailles de la certitude, de la clarté et de la transparence...
    Merci.
    ... ainsi que des règles du jeu équitables.

[Français]

    Ainsi se termine la discussion en compagnie du premier groupe de témoins.
    Je remercie les témoins d'avoir été parmi nous aujourd'hui pour exprimer leur point de vue.
    Je remercie les membres du Comité de leurs excellentes questions.
    Nous allons faire une petite pause pour accueillir le deuxième groupe de témoins.

  (1635)  


  (1640)  

    Je souhaite la bienvenue au groupe de témoins que nous recevons pour la deuxième moitié de la séance.
    Nous avons le plaisir d'avoir parmi nous la sénatrice Rosa Galvez. Elle a déposé un projet de loi devant le Sénat qui concerne le sujet de notre étude.
    Sénatrice Galvez, vous avez la parole pour cinq minutes.
    Monsieur le président, membres du Comité, c'est un honneur pour moi d'avoir l'occasion d'échanger avec vous sur les impacts climatiques et environnementaux reliés au système financier canadien.
    Comme vous le savez, les changements climatiques s'accélèrent à un rythme alarmant, et ils ont déjà un impact dévastateur sur l'économie et la stabilité financière du Canada.
    En tant que bailleurs de fonds des activités économiques, les institutions financières sont en première ligne face aux risques climatiques. Le secteur de l'assurance est particulièrement vulnérable et continue pourtant à financer les combustibles fossiles. Les régimes de retraite canadiens ont augmenté leurs investissements à l'étranger, notamment dans les énergies propres, alors que stagnent les investissements ici, au Canada.
    Entre 2020 et 2022, les cinq grandes banques canadiennes ont augmenté leur exposition au financement des combustibles fossiles de 15,5 % à 18,4 %, soit plus du double de l'exposition de leurs homologues européennes et américaines.
    Les investissements risqués dans les combustibles fossiles réalisés par nos institutions financières représentent un risque évident pour le climat et alimentent la crise climatique. La prise en compte à la fois des impacts des changements climatiques sur nos institutions financières et des impacts des institutions financières sur les changements climatiques est appelée la double matérialité. J'encourage ce comité à explorer ce concept dans le cadre de son étude.
    Bien que les banques canadiennes se soient engagées à atteindre un bilan carboneutre d'ici 2050, un rapport récent montre que les cinq grandes banques favorisent les investissements dans les combustibles fossiles au détriment des énergies propres dans une proportion de 3,9‑1. En revanche, les investissements mondiaux dans le secteur de l'énergie ont favorisé les énergies propres par rapport aux combustibles fossiles dans un rapport de 1,7‑1. Le Canada est à contre-courant des tendances mondiales.
    Le gouvernement canadien a fourni un soutien financier public de plus de 18,55 milliards de dollars aux entreprises de combustibles fossiles en 2023 seulement, ce qui est en contradiction directe avec ses engagements en matière de climat et va à l'encontre des marchés sains et des libres marchés.
    Malgré leurs engagements en matière de carboneutralité, les institutions financières canadiennes, publiques et privées, augmentent leur soutien aux combustibles fossiles. S'appuyer sur des mesures volontaires n'aidera pas à atteindre nos objectifs. En fait, ces entreprises ne sont pas fiables et elles risquent constamment de faire marche arrière, comme l'a démontré la Banque de Montréal, ou BMO, qui a récemment révoqué ses politiques de prêt contre le charbon pour satisfaire l'idéologie politique de l'État de la Virginie‑Occidentale.
    Nous devons assumer notre responsabilité parlementaire dans la conception d'un système financier qui s'aligne sur l'intérêt public et, par voie législative, offrir des conditions de concurrence équitables à toutes les institutions financières dans la transition vers une économie à faibles émissions de carbone.

  (1645)  

[Traduction]

    J'ai fait une telle proposition avec le projet de loi S‑243, la Loi sur la finance alignée sur le climat, ou CAFA en abrégé, présenté au Sénat en mars 2022 et actuellement étudié par le Comité sénatorial des banques. Certaines mesures proposées dans CAFA pourraient inspirer l'étude de votre comité.
    La CAFA établirait une obligation pour les administrateurs des institutions financières et des grandes sociétés d'État de s'aligner sur les engagements en matière de climat. En 2019, le Conseil d'action en matière de finance durable a recommandé au gouvernement canadien de préciser que l'obligation fiduciaire n'exclut pas la prise en considération des facteurs pertinents liés au changement climatique et que les meilleures pratiques internationales exigent de plus en plus cette prise en considération.
    Par le biais d'exigences en matière de rapports annuels, la CAFA exigerait des sociétés sous réglementation fédérale, des institutions financières et des grandes sociétés d'État l'élaboration de plans d'action fort nécessaires, de plans de transition et de rapports d'étape sur le respect des engagements en matière de climat.
    La CAFA alignerait la supervision des marchés par le Bureau du surintendant des institutions financières sur les engagements en matière de climat. Elle établirait la nécessité d'exigences en matière d'adéquation des fonds propres qui soient proportionnelles aux risques climatiques macroprudentiels générés par les institutions financières.
    La CAFA exigerait aussi la nomination d'au moins une personne ayant une expertise en matière de climat au sein des conseils d'administration des sociétés d'État, et elle empêcherait les conflits d'intérêts associés à la nomination de personnes ayant des intérêts privés liés aux entreprises de combustibles fossiles. Aujourd'hui, sept des onze plus grands fonds de pension du Canada comptent au moins un membre de leur conseil d'administration qui est en même temps administrateur ou cadre d'une entreprise de combustibles fossiles.
    Enfin, la CAFA exigerait la publication d'un plan d'action gouvernemental pour aider à aligner les produits financiers sur les engagements climatiques.
    Monsieur le président...
    Je suis désolé, madame la sénatrice, mais nous allons devoir arrêter ici.
    Thank you. Merci. Meegwetch.
    Je vous remercie.
    Nous aurons l'occasion de préciser tout cela.
    C'est maintenant au tour de M. Bruce Pardy, de l'Université Queen's.
    Monsieur Pardy, vous avez cinq minutes pour votre déclaration préliminaire.
    Si votre objectif était d'empêcher les entreprises canadiennes de réussir dans l'économie mondiale, comment vous y prendriez-vous? Voici quelques idées.
    Vous pourriez imposer à ces entreprises et aux consommateurs des taxes qu'aucune autre nation n'impose. Vous pourriez créer des obstacles réglementaires pour empêcher la réalisation des projets, tandis que les autres pays qui ont des ressources naturelles à profusion et des dossiers déplorables sur le plan environnemental nous coiffent au fil d'arrivée. Pendant que vous y êtes, vous pouvez aussi apposer votre signature sur des accords internationaux qu'aucun autre pays n'a signés. Enfin, vous pourriez trouver une façon de priver vos industries primaires de tout capital. C'est un peu l'idée que vous explorez ici.
    Il me semble que vous cherchez le moyen de faire des banques et des autres institutions financières, des caisses de retraite et, au bout du compte, des entreprises canadiennes elles-mêmes, des agences climatiques; vous voulez les obliger à publier leurs risques touchant le climat, comme le BSIF le voudrait; vous voudriez que les banques imposent des normes climatiques à leurs clients; vous voudriez que les caisses de retraite se retiennent de financer les retardataires au chapitre du climat; vous voudriez enfin limiter ou refuser le crédit consenti à certaines entreprises en fonction de leur respect des priorités du gouvernement. Ce sont de très mauvaises idées.
    Si vous voulez vraiment réduire les émissions carboniques mondiales, voici deux choses que vous devriez faire, pour commencer.
    Premièrement, vous devriez libérer le potentiel du gaz naturel canadien. Vous devriez permettre qu'il soit exploité, produit et exporté sans être assujetti à de trop lourdes règles, chinoiseries administratives, taxes sur le carbone et évaluations environnementales sans fin. Le gaz naturel canadien remplacerait des volumes énormes de charbon qu'utilisent la Chine, l'Inde et de nombreux autres pays, et qui sont responsables de la plus grande partie des émissions carboniques de notre planète.
    Ensuite, vous devriez libérer le potentiel de l'énergie nucléaire. Contrairement à l'énergie solaire et à l'énergie éolienne, l'énergie tirée des centrales nucléaires est une solution de rechange réelle aux combustibles fossiles, pour la production d'électricité. L'énergie nucléaire produit une alimentation électrique de base, contrairement à l'énergie solaire ou à l'énergie éolienne. En faisant cela, vous contribuez à la prospérité du Canada, alors que vous cherchez plutôt ici à contrôler et diriger les marchés financiers et l'économie elle-même.
    On ne peut pas gérer les économies de marché libre. Au Canada, nous n'avons pas vraiment une économie de marché libre. Nous avons plutôt des bureaucraties qui s'incrustent dans toutes les facettes de l'activité économique. Les gouvernements gestionnaires cherchent par la contrainte à imposer les résultats qu'ils recherchent. Cela ne fonctionne pas.
    Il n'est pas nécessaire de dire aux entreprises qu'elles doivent porter attention au risque; elles le font déjà. Une entreprise qui livre concurrence sur les marchés commerciaux sait ce que veut dire le risque. Les sociétés cotées en bourse sont déjà obligées de communiquer les risques importants touchant leurs activités. Pour la plupart des entreprises, le risque climatique le plus important n'est pas matériel ou environnemental: il est gouvernemental. C'est le risque qui découle des changements des exigences réglementaires qui coupent sous leurs pieds l'herbe des fondements juridiques. Vous êtes leur principal risque.
    Ce sont les autres pays producteurs de ressources naturelles qui mangent notre part du gâteau. Les investissements étrangers disparaissent. Le PIB par habitant est en chute libre. La productivité également.

  (1650)  

    Les Canadiens s'appauvrissent. La prospérité du Canada vacille. Nous voyons à quel point cela arrive vite.
    Je vous remercie.
    Merci, monsieur Pardy. Vous vous êtes arrêté à cinq minutes pile.
    Je donne maintenant la parole à Mme Ellen Quigley, de l'Université Cambridge.
    Vous avez cinq minutes, allez-y.
    Bonjour, je m'appelle Ellen Quigley et je suis professeure-chercheuse ainsi que conseillère spéciale du dirigeant principal des finances de l'Université de Cambridge. Cependant, je suis ici à titre personnel, en tant qu'universitaire.
    Il est plus de 22 heures, chez moi, mais il vaut la peine de travailler tard pour avoir la chance de discuter avec vous. J'ai un grand message à vous communiquer, aujourd'hui: nous accusons du retard, mais nous pouvons prendre la tête.
    Je vais d'abord parler de notre retard. En tant que pays, nos émissions ne cessent d'augmenter, alors que les pays riches auxquels on peut se comparer, y compris les États-Unis, voient leurs émissions diminuer depuis quelques années. L'exposition de nos grandes banques au financement des combustibles fossiles est bien supérieure à celle de nos pairs internationaux, comme on vient de l'entendre dire, et représente de 14 à 23 % de leurs actifs totaux. Ce sont des chiffres renversants, et les organismes de réglementation auraient dû déjà lever le sourcil. Si ces chiffres sont si élevés, c'est précisément parce que les banques et les investisseurs du monde entier ont déjà quitté le secteur pétrolier et gazier du Canada — je parle en particulier de Barclays et de HSBC —, ce qui fait que ce secteur est maintenant de plus en plus un secteur d'activités provincial, littéralement, et qu'il est de plus en plus tributaire de nos propres institutions financières nationales.
    Nous devrions nous demander pourquoi les investisseurs étrangers jugent que nos réserves représentent un trop gros risque et à quel niveau de risques concentrés nous sommes prêts à faire face.
    Par-dessus tout cela, notre réputation sur la scène internationale risque d'être sérieusement entachée. Je dois avouer que je suis gênée, aujourd'hui, de me présenter en tant que Canadienne, lorsque je travaille à l'étranger, puisque nous sommes de plus en plus — et, je le crains, avec raison — considérés comme un paria du climat.
    Les conséquences néfastes sur le climat de nos activités sont disproportionnées, et elles augmentent, mais notre risque financier augmente au même rythme. La plus forte augmentation de nos émissions est liée aux acteurs pétroliers et gaziers, et notre pétrole et notre gaz sont des produits relativement coûteux, à forte intensité d'émissions, et ils sont principalement destinés à l'exportation. Dans deux articles universitaires évalués par les pairs, un ancien collègue de l'Université Cambridge, M. Mercure, avec ses coauteurs, déclarait que le Canada est particulièrement vulnérable au risque d'actifs délaissés, selon les normes internationales, surtout si l'on calcule le risque per capita.
    Toutefois, puisque je suis née et que j'ai grandi dans les Prairies, je m'inquiète aussi de la possibilité que les travailleurs et les collectivités soient délaissés si nous poursuivons à exploiter les combustibles fossiles encore aujourd'hui. Ces risquent continueront d'augmenter si l'on ne peut même pas en rendre compte, puisque nous n'avons pas encore les lois et les règlements nécessaires pour le faire.
    Toutefois, nous avons ici la Loi sur la finance alignée sur le climat, la CAFA, qui nous permettrait de dépasser les autres administrations et de devenir le chef de file mondial en matière de finances climatiques. La CAFA respecte les exigences des autres administrations — ces exigences vont de toute façon devenir bientôt incontournables, surtout que la réglementation de l'UE englobe maintenant un mécanisme d'ajustement carbone à la frontière — et les mesures intergouvernementales, et elle représente également un pas vers l'avant de plus grâce auquel le Canada va rétablir sa réputation en tant qu'atout fiable dans ce domaine. Le Canada est reconnu comme une autorité réglementaire particulièrement habile, dans le système bancaire, et il fait aussi l'envie du monde quand il est question de gouvernance des caisses de retraite. La CAFA devrait être une caractéristique positive de plus, lorsque les autres pays regarderont ce que fait le Canada du côté des lois et des règlements touchant le secteur financier.
    Oui, c'est ce que j'ai dit: les observateurs du futur vont juger que nous avons été clairvoyants en adoptant cette loi, parce que nous y reconnaissons que le climat est un risque systémique auquel il faut voir à l'échelon macroprudentiel. À mon avis, nous serions vraiment bien avisés de l'adopter tout de suite; cependant, il y a un corollaire: nous serions stupides de ne pas l'adopter, puisque nous sommes l'une des économies les plus exposées du monde. Personnellement, j'adorerais voir le Canada reprendre sa position de tête, et cela serait possible grâce à la CAFA.
    Un dernier mot, au sujet des plans de transition. Je sais que le gouvernement fédéral est en train de réglementer la divulgation, comme il est indiqué dans le dernier énoncé économique de l'automne, et qu'il prévoit présenter des options. Il devrait impérativement en profiter pour définir et réglementer des plans crédibles pour la transition.
    Mes propres recherches portent entre autres sur la crédibilité des cibles en matière climatique et des plans de transition établis par les gestionnaires des banques et des caisses de retraite. Pendant mes travaux, j'ai relevé tellement d'échappatoires et de possibilités de fraude que j'ai rédigé un article, à paraître bientôt, dans lequel j'inclus des cartes de bingo pour aider les gens à cerner les plus courantes. Les plans de transition ne valent même pas le papier sur lequel ils sont imprimés, car il faut qu'ils soient réglementés et normalisés. À l'heure actuelle, leur qualité n'est pas suffisante pour qu'ils soient utiles aux investisseurs. La CAFA réglerait également cet enjeu‑là, et c'est pourquoi il se peut que le monde entier s'en inspire.
    Comme je l'ai dit, nous accusons présentement un retard, mais la CAFA nous donne l'occasion de passer directement en tête. Ce faisant, nous disposerions d'un cadre plus robuste pour comprendre et prévenir les risques systémiques liés au changement climatique auxquels nous faisons face aujourd'hui.
    Je vous remercie.

  (1655)  

    Merci.
    Je crois que la discussion, cet après-midi, sera animée et stimulante.
    Dernier témoin, mais non le moindre, c'est maintenant au tour du surintendant des institutions financières, M. Peter Routledge.
    Pourriez-vous redresser un peu le bras de votre micro, s'il vous plaît? Monsieur Tardif, pourriez-vous faire de même, s'il vous plaît?
    Allez‑y, monsieur Routledge. Vous avez cinq minutes.
    Monsieur le président, messieurs et mesdames les membres du Comité, je vous remercie de m'avoir invité à contribuer à votre étude sur les impacts climatiques et environnementaux reliés au système financier canadien. Je suis venu en compagnie de mon collègue, Stéphane Tardif, directeur général, Division du risque climatique, du BSIF.
    Le Parlement a donné au Bureau un mandat fondé sur deux grands principes: le BSIF doit s'assurer que les institutions financières sont en bonne santé financière et qu'elles se protègent adéquatement contre toutes menaces à leur intégrité ou à leur sécurité, y compris l'ingérence étrangère. Si une institution ne respecte pas ces principes, nous obligeons sa direction et son conseil d'administration à prendre promptement des mesures correctives.
    Le BSIF suit un modèle de réglementation fondé sur des principes, et il définit les principes prudentiels généraux que nous demandons aux institutions financières de respecter. Contrairement à bon nombre de nos homologues ailleurs dans le monde, nous n'obligeons pas les institutions que nous réglementons à suivre des règles précises, parce que nous préférons publier des lignes directrices où sont exposées les saines pratiques de protection des créanciers, des déposants et des titulaires de police. Nous croyons que ce modèle fondé sur les principes favorise une plus grande résilience des institutions et coûte moins cher aux entreprises que nous réglementons.
    Selon le BSIF, les risques que représente le changement climatique pour les institutions que nous réglementons équivaut à un risque financier émergent, dont les coûts ultérieurs sont incertains et non linéaires. Pendant que les économies s'adaptent aux changements climatiques, nous devons également reconnaître que les institutions financières auront l'occasion de financer les mesures d'adaptation et de tirer profit de cette activité.
     Le Parlement, dans le mandat qu'il nous a donné, nous demande aussi de protéger les droits des créanciers, des déposants et des titulaires de police, tout en laissant les institutions financières se livrer concurrence et prendre des risques raisonnables. Pour favoriser une bonne gestion des risques financiers liés aux changements climatiques, sans mettre indûment des bâtons dans les roues aux institutions qui veulent investir avec profit dans les mesures d'adaptation, le BSIF a lancé une série d'initiatives pour encourager les institutions financières à augmenter leur capacité de mesure et de gestion du risque climatique. Grâce à une analyse empirique approfondie, les institutions financières canadiennes peuvent être les premières à cueillir les fruits d'une saine gestion du risque climatique.
    Pour terminer, le BSIF a le mandat explicite de stimuler la confiance du public envers le système financier canadien. Nous devons donc pour cela nous assurer que les institutions financières que nous réglementons gèrent comme il le faut les risques qui pourraient se répercuter sur leur sécurité et leur santé. Je parle ici des risques matériels et des risques associés à la transition dans le cadre des changements climatiques. Le BSIF n'a pas le mandat précis de participer à l'atteinte des objectifs en matière de changements climatiques, mais il a assez de marge de manœuvre pour s'assurer que les institutions financières réagissent de manière efficace lorsqu'une occasion ou encore une menace reliée aux changements climatiques se présente.
    Merci.

  (1700)  

[Français]

    Merci, monsieur le surintendant.
    Monsieur Leslie, c'est vous qui allez ouvrir le premier tour de questions. Vous avez la parole pour six minutes.

[Traduction]

    Merci, monsieur le président.
    Monsieur Pardy, dans votre déclaration préliminaire, vous avez dit à peu près qu'il n'était pas nécessaire de dire aux chefs d'entreprise qu'ils devaient porter attention aux risques, puisque, comme tous bons chefs d'entreprise, ils le font déjà.
    Selon votre évaluation, serait-on en droit de dire que les caisses de retraite ou les institutions financières ne portent pas suffisamment attention à la dynamique des marchés et aux risques des marchés et qu'il est important que le gouvernement élabore et impose une nouvelle réglementation dans ce domaine?
    Pas que je sache...
    J'invoque le Règlement, monsieur le président. Je n'entends rien.
    Une voix: Moi non plus.
    Voulez-vous dire que personne n'entend rien, peu importe la langue, ou que le problème est du côté des interprètes?
    Le parquet est muet.
    Le parquet est muet.
    Entendez-vous quelque chose, maintenant?
    Une voix: Non.
    D'accord, nous allons devoir recommencer du début.
    Allez‑y, monsieur Leslie, vous avez la parole.
    Merci.
    Monsieur Pardy, dans votre déclaration préliminaire, vous avez mentionné que les bons chefs d'entreprise portent déjà attention à tout ce qui concerne la dynamique du marché et les risques.
    Serait‑on en droit de dire que les caisses de retraite et les institutions financières ne portent pas attention à ces risques ou à la dynamique du marché et que le gouvernement devrait, ou doit leur imposer de nouveaux règlements?
    Pas que je sache, non. Le critère du risque, pour une caisse de retraite ou n'importe quelle entreprise, c'est sa réussite sur le marché. Une caisse de retraite qui ne porte pas attention au risque ou à la baisse de valeur de ses investissements n'est pas en très bonne santé. Pas besoin d'un règlement du gouvernement pour le savoir.
    Je crois que nous confondons deux risques différents, et c'est problématique. Il y a le risque pour une entreprise. Le risque, pour cette entreprise, tient aux activités qu'elle doit gérer. L'autre risque, c'est le risque que vous voulez leur imposer, à savoir le risque lié aux changements climatiques mondiaux.
    Je ne dis pas que cela n'est pas un risque: je dis que vous essayez d'en faire un risque propre aux entreprises, alors que, en tant que gouvernement, vous devriez établir vos propres règles plutôt que leur demander de le faire pour vous.

  (1705)  

    Ne pensez-vous pas qu'il s'agit d'un risque, lorsque les politiciens se mettent le nez dans le RPC, notre principale caisse de retraite et le principal filet de sécurité du pays, sur lequel les Canadiens comptent tous? Nous faudrait‑il aussi tenir compte de ce risque‑là, c'est‑à‑dire le fait que nous cherchons délibérément à priver de tout financement les projets énergétiques qui ont une si grande importance pour notre pays?
    Oui, je le crois.
    Vous vous en prenez à la loyauté des caisses de retraite. Vous dites vouloir offrir un bon rendement aux gens que vous allez aider lorsqu'ils auront l'âge de toucher leur pension, mais vous faites en même temps porter l'attention ailleurs. Le plus souvent, cette façon de faire diminue le rendement que vous pourriez accumuler pour le premier groupe.
    La meilleure des politiques, c'est une politique directe, une politique qui permet à une caisse de retraite de chercher à obtenir le meilleur rendement possible. Les entreprises dans lesquelles elles investissent respectent la loi. Les interventions du gouvernement ne font que semer le désordre.
    Nous avons entendu de précédents témoins dire que les stratégies d'investissement ESG ont eu de manière générale un rendement bien inférieur à celui des portefeuilles typiques, utilisant des stratégies plus diversifiées, et l'on parle d'une différence d'environ 250 points par année, sur les cinq dernières années.
    Si la coalition des libéraux et des néo-démocrates décidait d'ajouter une obligation relative aux ESG au RPC ou à toute autre caisse de retraite du pays, cela coûterait probablement aux Canadiens des dizaines de milliards de dollars en perte de revenus et en perte de sécurité pour leur retraite et leur avenir. Selon vous, le portrait est‑il juste?
    Je n'ai pas ces chiffres sous les yeux, mais je puis vous dire une chose: je n'ai rien contre les entreprises qui décident de respecter certains types de priorités, d'obtenir une certification ou de suivre des lignes directrices données. Ce n'est pas du tout ce que je dis. Tant qu'elles le font dans l'intérêt de l'entreprise, c'est magnifique.
    Ce dont nous parlons, ici, c'est un gouvernement qui impose des règles. Vous empêchez une entreprise de poser elle-même un jugement sur le risque, l'investissement, la productivité ou les profits. Vous prenez les décisions à sa place. C'est la différence entre une décision et une obligation.
    Nous avons entendu dans des témoignages précédents que c'est non pas le désinvestissement, mais l'investissement qui est l'approche la plus prudente, surtout quand on sait que d'autres pays vont être des sources d'approvisionnement en carburant ou en énergie à la place du Canada.
    Serait‑il juste de dire que cette approche va exactement dans l'autre direction? Ne devrions-nous pas investir dans les nouvelles technologies propres pour réduire les émissions de nos sources d'énergie particulières tout en conservant les investissements au Canada?
    Comme je l'ai mentionné plus tôt, le secteur de l'énergie du Canada est en réalité une formidable source de solutions pour la réduction des émissions carboniques mondiales. Il n'est pas la principale source du problème; Il pourrait plutôt être une excellente source de solutions.
    Le fait est que nous agissons par réflexe et que nous pensons qu'il ne faut rien élaborer de nouveau, dans notre pays. Ce n'est pas ce que font les autres pays. Les autres pays qui disposent de ressources naturelles exploitent à fond leurs mines de charbon. En Chine et en Inde...
    Je suis certain qu'on vous l'a déjà dit: c'est surtout la Chine. La Chine est de loin le plus grand producteur de carbone de la planète. Ses obligations au titre de l'Accord de Paris sont essentiellement nulles. Si nous exportions du gaz naturel en Chine, nous obtiendrions une rentabilité bien supérieure à celle que nous donnerait l'une ou l'autre des dispositions que vous envisagez de mettre en œuvre.
    Il y a quelques années, la Cour suprême a déclaré, dans un de ses arrêts, que « les administrateurs ont une obligation fiduciaire envers la société, et uniquement envers la société ». Une obligation liée aux ESG imposée par un gouvernement à des entreprises privées ne contreviendrait-elle pas aux obligations fiduciaires?
    Tout à fait. Le résultat, c'est une loyauté divisée, comme je l'ai mentionné plus tôt. Pour protéger les investisseurs, dans notre économie, il faut que les administrateurs et les membres du conseil d'administration — vous en avez parlé — remplissent leur obligation fiduciaire à l'endroit de la société. Ce que les tribunaux ont dit, c'est que cette obligation fiduciaire signifie que l'objectif est toujours de maximiser les profits de l'entreprise, pour le bénéfice des actionnaires.
    Merci.
    Si le gouvernement exige au contraire un partage de la loyauté et demande aux administrateurs et au conseil d'administration de servir un autre maître, alors...
    Nous devons nous arrêter...
    ... la fortune des investisseurs fondra.
    Nous devons nous arrêter ici; c'est au tour de M. van Koeverden.

  (1710)  

    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Monsieur Pardy, j'ai ici quelques citations qui vous sont attribuées. Je lis: « Rien ne justifie que le Canada impose quelque forme que ce soit de cibles en matière de réduction des émissions. » En voici une autre: « La théorie des changements climatiques anthropiques, c'est comme un zombie: elle ne mourra pas, peu importe les faits. » Sont-elles de vous?
    Je ne me souviens pas de la seconde, mais je me souviens très bien de la première.
    Croyez-vous que les changements climatiques sont dus aux émissions de gaz à effet de serre produites par l'activité humaine?
    Je ne suis pas un scientifique, monsieur. Je suis un avocat.
    D'accord; j'allais vous poser la question.
    Je ne suis pas ici pour parler de données scientifiques...
    D'accord, c'est bon; j'en suis fort aise.
    ... ou de la science...
    Attendez. Laissez-moi...
    Non, c'est bon.
    D'accord, ça va.
    J'allais vous demander si vous aviez suivi des cours universitaires en sciences du climat ou de l'environnement. Vous avez répondu à la question.
    Heureusement, il y a ici de nombreux experts, je vais donc m'adresser à Mme Ellen Quigley.
    Madame Quigley, croyez-vous que les changements climatiques sont dus aux émissions de gaz à effet de serre produites par l'activité humaine?
    Il ne s'agit pas de croire; c'est un fait scientifiquement établi.
    Merci beaucoup. Je suis d'accord. Je comprends.
    Nous avons beaucoup de travail à faire, au Canada, comme vous l'avez très justement souligné.
    Madame Quigley, croyez-vous qu'il faut mesurer les émissions de gaz à effet de serre par pays, per capita ou selon le PIB, quand on veut savoir dans quelle mesure un pays respecte ses cibles en matière de réduction des émissions?
    C'est exactement à cela que j'ai pensé quand il a été question de la Chine. Nos émissions per capita sont beaucoup plus élevées que celles de la Chine, et c'est un peu ce qui explique la mauvaise réputation du Canada à ce chapitre, car le Canada est par ailleurs un pays respecté.
    Merci de le dire.
    Pourriez-vous nous éclairer sur les raisons pour lesquelles le Canada aurait l'un des pires résultats du monde au chapitre des émissions per capita?
    Les émissions augmentent, mais c'est sans commune mesure avec leur augmentation dans les autres pays riches. La principale raison pour laquelle nos émissions augmentent, c'est parce que notre secteur pétrolier et gazier augmente lui aussi. Même si, bien sûr, d'autres pays dans le monde extraient encore du pétrole et du gaz, leur croissance est sans commune mesure avec notre niveau de croissance.
    Merci, madame Quigley.
    J'ai lu quelque part que la production de gaz naturel au Canada, l'an dernier, a atteint un record, et pourtant, les témoins qui comparaissent devant notre comité, entre autres, ont souligné que le Canada était incapable d'extraire des choses comme le gaz naturel.
    Pensez-vous que le Canada est incapable d'extraire des choses comme le gaz naturel, dans son économie fondée sur les ressources naturelles?
    Non. Il est évident que le Canada est très bon, dans cela, mais j'aimerais rappeler que les émissions de méthane associées au gaz naturel doivent être intégrées à nos analyses. Ces émissions peuvent être pires que dans le cas du charbon, tout dépendant du niveau de fuite du méthane, qui est un gaz à effet de serre extrêmement puissant.
    En effet, je me souviens l'avoir appris en secondaire 3, dans mes cours de sciences.
    Merci beaucoup.
    Monsieur le président, dans le temps qui me reste, j'aimerais présenter une motion, si vous le permettez. Êtes-vous d'accord? Ai‑je assez de temps?
    Vous avez trois minutes.
    D'accord, excellent. J'aurai peut-être un peu de temps, avant de terminer.
    Le directeur parlementaire du budget a publié, le lendemain du budget fédéral de 2024, une brève mise à jour sous la rubrique « Analyse complémentaire », sur son site. Cela date du 17 avril 2024. Il y est question de son rapport fréquemment cité, intitulé « Une analyse distributive de la tarification fédérale du carbone dans le cadre du plan "Un environnement sain et une économie saine" ».
    Le personnel de son bureau a constaté que, dans le scénario contrefactuel, on avait supprimé la taxe sur les carburants et le système de tarification fondé sur le rendement, le STFR. Par conséquent, les estimations des coûts nets pour les ménages intégraient les incidences financières et économiques, lesquelles avaient été publiées dans les rapports de mars 2022 et de mars 2023. Elles reflètent les incidences économiques au sens large d'une tarification du carbone équivalente à celle du gouvernement fédéral.
    Essentiellement, il semble que le directeur parlementaire du budget a par inadvertance exagéré l'incidence de la tarification du carbone sur les budgets des ménages. Malgré cela, le rapport indique quand même que 8 familles canadiennes sur 10, au moins, retireront davantage de la taxe sur le carbone que ce que leur coûte la tarification de la pollution.
    Voici ma motion. Je propose:
Que le Comité invite le directeur parlementaire du budget pendant une heure pour discuter de ses récentes conclusions sur son rapport et de la manière dont il prévoit corriger les faits dans son rapport de l'automne.
    Vous proposez cela?
    Oui.
    D'accord. Vous avez encore du temps pour poser quelques questions.
    Je vais céder mon temps au président.
    Merci, monsieur le président.
    Merci.

[Français]

    Madame Pauzé, vous avez la parole.
     Merci, monsieur le président.
    Je voudrais remercier tous les témoins.
    Avant de poser une question, je vais revenir sur ce que vous avez dit dans votre allocution d'ouverture, monsieur Pardy. Je n'ai jamais entendu autant de négationnisme climatique. Surtout, j'étais près d'être insultée quand vous avez dit que le sujet de notre étude était une menace à la prospérité économique du pays. Je suis ici dans un cadre professionnel et, au contraire, je vise à ce que les citoyens et les citoyennes de ma circonscription et de ma nation aient un environnement sain et à ce que les changements climatiques n'aient pas de répercussions sur leur santé, bien que ce soit déjà le cas.
    Cela dit, ma question s'adresse à vous, madame Quigley.
    Les citoyens sont de plus en plus préoccupés par l'écoblanchiment, et ce, à juste titre. D'ailleurs, dans le cadre d'un sondage publié en novembre 2023, 78 % des Canadiens interrogés — je répète: 78 % — se sont dits en faveur d'une réglementation en matière d'écoblanchiment dans le secteur financier, 76 % ont dit appuyer les démarches de la finance durable de leur banque et 65 % se sont dits favorables à ce que leur fonds de pension fasse la même chose.
    D'après vous, madame Quigley, les Canadiens ont-ils raison de ne pas faire confiance aux initiatives de divulgation volontaire d'information sur le climat?

  (1715)  

[Traduction]

    Je pense avoir changé de langue d'interprétation, à mi‑chemin, et je crains qu'il y ait là un terme en français que je ne comprends pas. J'espère avoir bien compris la question.
    Je crois que ce que le public veut, ce sont des données probantes qui le confirment. J'ai examiné des études pour évaluer, sur 118 ans, le coût du désinvestissement pour les portefeuilles d'investissement, et je n'ai relevé pour ainsi dire aucune incidence. Cela peut se faire en temps opportun ou non. Il est évident que, si ce pourcentage‑là de la population est d'accord, je ne m'en ferais pas, personnellement, à propos des effets sur le rendement financier, mais tout dépend du moment du désinvestissement.
    Je suis désolée. C'était bien votre question?

[Français]

    Ma question visait plutôt à savoir si les Canadiens ont raison d'être méfiants de l'écoblanchiment que peuvent faire les pétrolières, les banques et toutes les entreprises. N'ont-ils pas raison de ne pas faire confiance aux initiatives de divulgation volontaire d'information?
    Actuellement, certains prônent un cadre de divulgation volontaire. Ne vaudrait-il pas mieux avoir un cadre qui serait plutôt réglementaire?

[Traduction]

    C'est une question des plus importantes.
    Oui, quand il s'agit de divulgation volontaire, les chiffres sont systématiquement inférieurs. En fait, des universitaires de ma connaissance ont même étudié les données communiquées dans le cadre du CDP, le carbon disclosure project — ce sont à peu près nos meilleures données —, et ils y ont repéré des erreurs de calcul élémentaires, des choses comme cela. Les renseignements donnés selon le principe de la divulgation volontaire ne sont pas fiables.
    Franchement, pour en revenir aux commentaires précédents sur les coûts, puisqu'il est impossible de cacher ces informations au monde entier, nous sommes de plus en plus obligés de le faire étant donné nos relations avec les autres régions du monde qui ont déjà commencé à le faire. En fait, à mon avis, cela coûterait moins cher d'adopter une politique de divulgation volontaire qui s'aligne sur ce que font les autres pays.
    Les régimes de divulgation volontaire qui ne sont pas harmonisés, c'est une recette parfaite pour augmenter les coûts et obtenir des informations qui ne sont pas fiables ou utiles ou qui ne servent à rien dans les décisions relatives à des investissements.

[Français]

     Merci de votre réponse.
    J'aimerais maintenant m'adresser à vous, honorable sénatrice Galvez.
    Il est notoire que plusieurs conseils d'administration, banques, fonds de pension et sociétés d'assurances comptent parmi leurs administrateurs des personnes issues de l'industrie pétrogazière. Vous l'avez d'ailleurs évoqué dans vos propos d'ouverture.
    Croyez-vous qu'il s'agit d'une réalité qui a pour effet de ralentir, voire d'empêcher la mise en place effective des mécanismes réglementaires que l'État devrait instaurer?
    Cela n'aide certainement pas la cause. Quand des membres de la direction portent deux ou trois chapeaux à la fois, il devient très difficile d'être loyal à l'un et à l'autre.
    Plusieurs rapports décrivent cette situation. D'ailleurs, lors d'une réunion confidentielle, on m'a informée que les membres du côté des pétrolières, des banques, des fonds de pension et des compagnies d'assurances pouvaient remplir à eux seuls une salle de 500 places. Il est très courant de voir une rotation de ces mêmes personnes.
     Merci.
    Madame Collins, vous avez la parole.

  (1720)  

    Mon temps de parole n'est pas terminé, monsieur le président.
    Vous avez raison. Je m'excuse.
    Je fais bien de vous surveiller, monsieur le président.
    Je suis allé un peu trop vite. Je vous offre toutes mes excuses.
    Veuillez continuer, madame Pauzé.
     Merci.
    Madame Galvez, vous n'avez pas eu le temps de terminer votre allocution. J'aimerais vous donner la chance de le faire. Vous en étiez à parler de ce qui se passe ailleurs.
     Je voulais dire que nous sommes en retard par rapport à l'Europe, par rapport aux États‑Unis, et même par rapport à la Chine. Chaque pays a sa propre approche: la Chine promulgue des décrets, l'Europe utilise beaucoup la réglementation et les Américains injectent beaucoup d'argent. Bien que ces trois approches soient différentes, elles permettent d'atteindre le même résultat, c'est-à-dire que ces pays amorcent la transition vers une économie faible en carbone. Nous, les Canadiens, sommes dans l'attente de voir ce qu'il en est, et cela fait beaucoup de tort à notre compétitivité.
     Il vous reste tout juste assez de temps pour un bref commentaire, madame Pauzé.
    Dans ce cas, je vais vous poser ma prochaine question tout de suite, et vous pourrez y répondre tantôt.
    Quels sont les mécanismes en place ailleurs dans le monde pour éloigner les conflits d'intérêts de la table des administrateurs?
    Nous pourrons y revenir lorsque j'aurai encore deux minutes de temps de parole.
    C'est parfait, merci.
    Madame Collins, vous avez la parole.

[Traduction]

    Merci, monsieur le président.
    Cela fait maintenant deux semaines de suite que les conservateurs invitent au Comité des témoins qui s'opposent à toute mesure rigoureuse de lutte aux changements climatiques.
    M. Pardy a publié un article où il critiquait la déclaration de la Cour suprême selon laquelle les changements climatiques sont une menace à l'existence même du Canada. Voici ce qu'il a publié sur X: « Vous pouvez croire ou non aux changements climatiques anthropiques, mais rien ne justifie que le pays se dote de quelque cible que ce soit touchant les réductions des émissions. » Je trouve révoltant, pour être honnête, que mon collègue conservateur, M. Leslie, ait permis à cette personne, par ses questions, d'ajouter son témoignage à notre rapport.
    Je vais adresser mes questions à la sénatrice Galvez.
    Pour commencer, je tiens à vous remercier. Merci d'avoir proposé la Loi sur la finance alignée sur le climat. C'est un texte législatif important.
    Le Bureau du surintendant des institutions financières, le BSIF, est ici. Il nous a présenté sa ligne directrice B‑15, qui demande aux institutions financières d'améliorer leur gouvernance et leurs pratiques de gestion du risque, mais il s'est bien gardé de leur demander de respecter les engagements du Canada en matière de lutte contre les changements climatiques. Pourriez-vous nous dire pourquoi il ne va pas jusque‑là?
    Je remercie le BSIF d'avoir publié cette ligne directrice, mais malheureusement, elle est bien timide. Elle ne nous fera pas bouger. La transparence, c'est l'équivalent d'un diagnostic. C'est comme si vous disiez à un patient: « Vous avez le cancer. Au revoir, à la prochaine. » Il faut prendre des mesures d'atténuation, il faut gérer et il faut réduire les émissions.
    C'est comme cela que nous gérons les risques. Nous devons exercer un contrôle, nous devons les atténuer et, au bout du compte, nous devons les éliminer. Pour les éliminer, nous devons réduire les émissions. Pour réduire les émissions, nous avons besoin du secteur financier. Et le secteur financier doit respecter nos engagements touchant le climat — pas plus de 1,5 degré, et la carboneutralité d'ici 2050.
    Merci.
    Je m'adresse maintenant à notre collègue du BSIF. Pourriez-vous nous dire rapidement ou nous expliquer pourquoi vous n'avez pas voulu en faire plus pour respecter cette norme importante?
    Merci de la question.
    Comme je l'ai dit dans ma déclaration préliminaire, le Parlement nous a donné un mandat spécifique. En un mot, il nous demande de faire en sorte que le public fasse confiance au système financier canadien. Il ne nous a pas demandé de suivre un programme quelconque touchant le climat.
    Puisque j'ai été nommé par décret, j'ai le devoir de suivre les instructions du Parlement, point final. Cependant, notre mandat nous impose aussi de nous assurer que les institutions financières sont en bonne santé financière. Nous avons publié la ligne directrice B‑15. Il y est question de gestion du risque et de gouvernance, mais on y trouve aussi des obligations de divulgation des risques climatiques et la mise à l'essai de différents scénarios, entre autres choses.
    Nous avons élaboré la directive B‑15 parce que les changements climatiques représentent une menace à long terme pour la santé financière des institutions financières. Nous avons l'intention de continuer d'aider les institutions financières à mieux gérer les risques climatiques en considérant qu'il s'agit d'un risque financier et d'une menace à leur santé financière.
    Je m'adresse maintenant à la sénatrice Galvez. Quand vous entendez cela, que voudriez-vous répondre? Pourriez-vous nous dire aussi pourquoi la Loi sur la finance alignée sur le climat est si importante?

  (1725)  

    Le surintendant des institutions financières a raison. Il fait ce que son mandat lui dit de faire.
    Et c'est pourquoi nous avons besoin d'un gouvernement. C'est pourquoi nous avons besoin qu'une loi lui dise qu'il doit s'intéresser de beaucoup plus près à tout ce qui concerne le risque climatique.
    Aussi, pour ces modélisations, nous avons besoin d'une expertise en matière climatique. Les modélisations qui tiennent compte du stress lié au climat sont bonnes, mais elles ne nous rapprochent pas de notre but, la réduction des émissions. Pour cela, nous avons besoin de plans de transition et d'un rapport d'étape pour savoir si les émissions diminuent.
    Merci beaucoup.
    Un des témoins que nous avons reçus aujourd'hui nous a dit que ce type de mesure nuirait à l'économie canadienne et que les autres pays n'ont pas pris de telles mesures; pourtant, en fait, le Canada est en retard sur 40 autres pays quand il est question d'harmoniser les institutions financières et nos engagements touchant le climat.
    Pourriez-vous nous dire rapidement en quoi cela bénéficierait à l'économie canadienne?
    Tout à fait. Cela tient aux occasions. Quand il y a un risque, oui, il y a un danger, mais il y a aussi des occasions. Quand vous devez innover pour arriver à diminuer les émissions, vous créez de nouvelles technologies, et vous créez ainsi une nouvelle économie. Ce n'est pas à moi de vous dire que, si nous ne sommes plus à l'âge de pierre, ce n'est pas parce qu'il manquait de pierres.
    Des voix: Ha, ha!
    L'hon. Rosa Galvez: Nous ne sommes plus à l'âge de pierre parce que nous avons trouvé des moyens plus efficaces, plus propres, plus sûrs et moins chers de faire la même chose. Et c'était le but.
    Pourriez-vous nous en dire davantage sur les répercussions de ces robustes outils réglementaires, ou outils législatifs, sur les banques, les fonds de pension, les emplois et l'abordabilité?
    Veuillez répondre en 30 secondes, s'il vous plaît, madame la sénatrice.
    Cela se traduit par une loi sur les emplois durables. Sans argent, il n'y aura pas de Loi canadienne sur les emplois durables.
    Je vais devoir couper en deux le temps de parole pour le second tour, parce que nous n'avons pas le droit de dépasser une certaine heure.
    Vous avez deux minutes et demie, monsieur Mazier.
    Merci, monsieur le président.
    Monsieur Pardy, vous êtes avocat. C'est bien cela?
    C'est cela.
    Vous avez dit que les entreprises publiques avaient déjà l'obligation d'évaluer les risques et de les communiquer aux investisseurs. Pourriez-vous m'expliquer ce que vous voulez dire par là?
    Oui, bien sûr.
    Certaines entreprises sont cotées en bourse, et les gens achètent des actions. Par exemple, une entreprise inscrite auprès de la Commission des valeurs mobilières de l'Ontario doit respecter toute une liste d'exigences, imposées à toutes les entreprises, au chapitre de la divulgation, des risques matériels et des changements, des choses comme cela. Si l'entreprise ne le fait pas, elle aura enfreint ces règles de sécurité.
    De manière générale, une entreprise est d'abord et avant responsable aux gens qui y ont investi. C'est la définition de l'entrepreneur: quelqu'un qui prend un risque et qui le gère.
    Merci.
    Monsieur Routledge, de combien de mégatonnes le Canada va‑t‑il réduire ses émissions s'il répond aux attentes du BSIF touchant la divulgation des informations financières relatives au climat?
    Lorsqu'une institution financière commence à mesurer ses contreparties, relativement aux émissions, elle devra prendre des décisions pragmatiques et empiriques pour savoir si elle doit continuer de s'exposer à ces institutions au fil du temps. Dans la mesure où une institution décide d'abaisser son exposition aux émetteurs de gaz à effet de serre, elle attirera du capital.
    Ce n'est ni notre travail ni notre but de mesurer la réduction des émissions dans l'économie en général en forçant la divulgation. C'est notre travail et notre but de mesurer les risques auxquels s'exposent les institutions financières pour que leur conseil d'administration et leur haute direction puissent rendre des jugements sensés et fondés sur les risques.
    La réduction des émissions ne vous importe pas. Ce n'est pas l'un des résultats recherchés. D'accord.
    Monsieur Routledge, combien cela coûte‑t‑il à une institution financière pour respecter les attentes du BSIF quant à la divulgation des renseignements financiers liés au climat.
    Veuillez répondre rapidement, s'il vous plaît, si vous avez ce chiffre. Dans le cas contraire, vous pouvez nous le faire parvenir plus tard.
    Oui. Nous avons réalisé une étude sur une banque de petite et moyenne taille, et pour laquelle il serait plus difficile de respecter nos attentes ou nos règles en matière de mesure. On parle de 50 000 ou de 100 000 $...
    Pourriez-vous nous communiquer cette étude?

  (1730)  

    Pourriez-vous nous envoyer un document écrit à ce sujet, monsieur Routledge?
    Merci.
    Il y a aussi une étude de...
    Non, je suis désolé, nous devons poursuivre, monsieur...
    Veuillez nous envoyer les deux études, s'il vous plaît.

[Français]

    Madame Chatel, vous avez la parole.
     Merci beaucoup, monsieur le président.

[Traduction]

    Ma question s'adresse à M. Routledge.
    Merci d'être ici avec nous.
    À votre avis, est‑il urgent de bien comprendre la taxonomie et la divulgation, et quelles seraient les implications si nous n'avons pas ces politiques en place?
    La taxonomie et la divulgation sont deux choses différentes, mais complémentaires.
    La taxonomie, c'est ce qui nous aide à quantifier les occasions. Elle aide les institutions financières à cerner et à mesurer les possibilités d'adaptation.
    Cette mesure aide les institutions financières à comprendre la concentration des risques provenant d'une source d'énergie émettant des gaz à effet de serre. Si elles suivent l'évolution du monde, au chapitre de l'utilisation de l'énergie, elles seront mieux placées pour mesurer leur exposition et prendre de bonnes décisions en matière de gestion du risque.
    Merci beaucoup.
    Beaucoup pensent que le BSIF pourrait être l'autorité de supervision pour la proposition de taxonomie et de divulgation relativement à la finance verte et de transition.
    Qu'en pensez-vous?
    Ce n'est qu'un début, ce n'est pas encore une proposition. Je crois qu'il faut que la proposition soit officiellement soumise au BSIF. Nous devrons alors y réfléchir pour savoir s'il est approprié que nous soyons cette autorité. Naturellement, la décision revient au ministre des Finances, l'administrateur général de notre Bureau, dont le surintendant n'est que l'administrateur adjoint.
    Merci.
    Selon le BSIF, quelle est la façon la plus efficace et la plus rapide de nous assurer de mettre en place à la fois la taxonomie et la divulgation de façon à ce que le Canada soit compétitif dans la nouvelle économie?
    En ce qui concerne la divulgation, nous avançons dans nos demandes de divulgation aux institutions financières. Plus tard, cet automne, elles s'y mettront. Elles vont continuer tout au long du prochain exercice.
    Nous allons commencer par les grandes institutions, celles qui en ont la capacité. Les petites institutions auront plus de temps pour s'y mettre. Nous devons attendre que le Conseil canadien des normes d'information sur la durabilité termine l'élaboration des normes de divulgation pour aller plus loin. Mais c'est sur la bonne voie.
    La taxonomie est très importante, car cela nous aide...
    Nous allons devoir nous arrêter ici.
    ... à définir et à découvrir les occasions.
    Je dois vous interrompre, monsieur Routledge. Je suis vraiment désolé.

[Français]

    Madame Pauzé, vous avez la parole pour un peu plus d'une minute. Il faudra donc que ce soit assez rapide.
    D'accord.
    Madame la sénatrice, y a-t-il moyen d'éviter les conflits d'intérêts à la table des administrateurs?
    Oui, c'est une question de gouvernance. Il faut améliorer la gouvernance et la transparence. Les investisseurs ont besoin de transparence, de prévisibilité et de signaux clairs et précis.
     Merci de cette réponse très directe.
    J'aurais une dernière question pour Mme Quigley.
    On parle beaucoup d'analyser la question sous l'angle de la double matérialité. De notre côté, nous sommes bien sensibles à tout ce qui est préjudiciable à l'environnement, à la biodiversité et à la santé humaine.
    Pouvez-vous nous parler des liens entre ces matérialités et les occasions et les risques qu'elles comportent?

[Traduction]

    Je crois que l'on peut dire que c'est là la partie la plus intéressante du projet de loi, surtout qu'il y est question des répercussions réelles sur notre vie et sur nos économies, et ainsi de suite.
    Franchement — et je reviens avec respect sur les commentaires de M. Pardy —, il y a parfois des effets pervers quand chaque banque prend de son côté ses propres décisions au sujet du risque, parce que les banques évaluent les risques pour elles-mêmes. Ce qui devrait nous intéresser, ce sont les répercussions des banques dans leur ensemble, et c'est cela que vise la réglementation des banques: savoir quels sont les risques systémiques qui surviennent quand les institutions prennent chacune de leur côté des décisions rationnelles. Cet élément de la double matérialité est pour nous une façon de saisir cet élément systémique.
    Madame Collins, il vous reste un peu plus d'une minute.
    Merci.
    Ma question s'adresse à Mme Quigley.
    Pour commencer, je vous remercie d'être parmi les témoins la voix de la science et de la raison.
    Vous avez parlé un peu de l'écoblanchiment. Les Canadiens se préoccupent de cette question.
    Pourriez-vous nous dire rapidement comment le fait de rendre obligatoire la conformité avec des normes spécifiques d'alignement sur le climat et l'utilisation d'autres outils comme les exigences en capital aiderait à augmenter la confiance du public?
    C'est une excellente question.
    Encore une fois, c'est essentiel. Cela devrait tous vous intéresser, en tant que parlementaires, parce que les gens perdent confiance dans nos institutions publiques. Ils ne peuvent plus faire confiance aux informations qu'ils reçoivent, et pourtant, c'est sur ce fondement qu'ils prennent leurs décisions. C'est de plus en plus une préoccupation pour le public.
    Encore une fois, nous voyons que cela se fait ailleurs, et que le Canada accuse un retard. Les citoyens d'autres pays peuvent en fait faire davantage confiance aux informations que leur communiquent les entreprises.

  (1735)  

    Monsieur Kram, vous avez deux minutes et demie.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Monsieur Pardy, vous n'avez pas été en mesure, plus tôt, de compléter votre réponse à une question de M. van Koeverden, et Mme Collins a parlé d'une de vos publications sur Twitter, et vous n'avez pas eu non plus l'occasion de réagir.
    Pourriez-vous en une minute dire ce que vous lui auriez répondu?
    Oui. Merci beaucoup.
    Selon mon analyse, tout ce que M. van Koeverden peut dire au sujet des changements climatiques est vrai. Il faut accepter la proposition selon laquelle il y a des changements climatiques anthropiques et que la situation est telle que la plupart des gens le pensent. Je ne dis pas le contraire, pas du tout. Ce que je dis, c'est ceci: si nous pensons que cela est vrai, que c'est vraiment une urgence et que la planète brûle déjà, alors tout ce que vous laissez entendre est tout à fait inadéquat, et cela veut dire que, peut-être, vous n'y croyez pas vous-même.
    Je vais prendre l'analogie d'une maison en feu. Votre maison est en feu, et il n'y a pas de pompiers, pas de boyaux d'arrosage, pas d'eau. Vous vous emparez de la tasse de café de votre voisin et vous lancez son contenu sur le feu, parce que c'est du liquide. Vous vous dites: « Eh bien, j'ai fait quelque chose. » Non, ce n'est pas vrai. Vous ne faites rien. Tout cela n'aura aucun effet, parce que le Canada n'est pas la source des émissions carboniques. Oui, on émet 1,5 %, mais, comme je l'ai dit plus tôt, les principales sources d'émissions carboniques sont les autres pays très peuplés qui consomment beaucoup de charbon et qui ne sont pas soumis aux restrictions des régimes internationaux comme l'Accord de Paris.
    Si vous prenez la situation au sérieux, alors vous devez trouver une autre façon d'arriver à une solution concrète au problème concret que vous dites exister.
    Monsieur Pardy, vous avez aussi dit que nous pourrions accroître la prospérité du Canada et réduire les émissions planétaires en augmentant nos exportations de gaz naturel en Asie et en augmentant les exportations de la technologie nucléaire canadienne.
    Pourriez-vous nous expliquer en quoi cela serait bénéfique?
    Malheureusement, vous n'avez que 15 secondes pour donner ces explications.
    Ces deux choses permettraient de remplacer les activités qui produisent davantage d'émissions carboniques.
    Merci.
    Monsieur Ali, vous avez deux minutes et demie.
    Merci, monsieur le président.
    Ma question s'adresse à M. Routledge.
    Quelles sont les répercussions des changements climatiques sur le système financier dont les gouvernements ne rendent pas compte?
    Les changements climatiques sont classés en deux catégories: les risques physiques et les risques de transition.
    En ce qui concerne les risques physiques, le secteur de l'assurance nous a donné une bonne idée du taux d'augmentation des catastrophes et du coût des catastrophes qui résultent des changements climatiques. Le Bureau d'assurance du Canada fait de l'excellent travail à cet égard.
    Nous avons cependant moins de certitude quant aux répercussions possibles des risques de transition, aux répercussions des actifs délaissés, si jamais il y en a. L'objectif de nos relevés sur les risques climatiques, c'est de pouvoir commencer à mesurer de manière empirique quels sont ces risques, de façon que les conseils d'administration puissent prendre des décisions éclairées. C'est la lacune que nous avons essayé de combler en publiant notre ligne directrice B‑15.
    Merci.
    Le BSIF envisage‑t‑il de prendre d'autres mesures pour améliorer les règles exigeant la divulgation des risques liés aux changements climatiques?
    Notre priorité, c'est d'avoir de bonnes mesures. Il n'est pas facile de rendre compte des émissions de portée 1, de portée 2 et de portée 3. C'est difficile. Cela a des répercussions en aval sur les clients.
    Nous pouvons au moment opportun obliger les banques à communiquer l'information. En fait, si vous lisez notre règlement actuel, nous les obligeons déjà à communiquer des renseignements. Et même si ce règlement n'était pas là, les actionnaires et les créanciers des banques demandent ces informations. C'est pour cette raison, je crois, que le secteur ne se plaint pas trop du fait que nous réglementons les exigences en matière de divulgation, comme le prévoit la ligne directrice B‑15.

  (1740)  

    Merci.
    Comme vous le savez, les politiques sur les finances liées au climat ont des répercussions à la fois sur les investisseurs et sur les assureurs. Dans quelle mesure croyez-vous que le Canada devrait s'aligner sur les autres nations qui prennent des mesures pour soutenir les finances durables?
    Je dirais, pour répondre à cette question, que je suis surintendant d'un système financier et d'un système bancaire qui prennent des capitaux provenant de l'extérieur du pays pour les investir dans le pays. Les gens qui fournissent ces capitaux aux institutions ont pris connaissance des normes canadiennes, y compris nos normes sur les risques climatiques. Si nous avons mis de l'avant la ligne directrice B‑15, c'est entre autres pour montrer aux investisseurs que nous prenons la situation au sérieux. Nos institutions se sont dotées de politiques et de procédures pour gérer cela efficacement.

[Français]

    C'est parfait.
    Je tiens à remercier tous les témoins. Comme prévu, ce fut une discussion assez vive et fort intéressante.
    Merci de vous être rendus disponibles.
    Nous allons nous arrêter ici. Je souhaite une bonne fin de semaine à tous les membres du Comité.
    Merci.
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