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PROC Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre


NUMÉRO 117 
l
1re SESSION 
l
44e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 30 mai 2024

[Enregistrement électronique]

(1000)

[Traduction]

    Bonjour, chers collègues.

[Français]

     Bonjour à tous.

[Traduction]

    Mesdames et messieurs, nous nous réunissons pour la 117e séance du Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre.
    Nous disposons encore de trois heures ce matin, et jusqu'au début de l'après-midi.
    Je remarque que certains membres du Comité ont été surpris d'apprendre qu'il y avait un petit déjeuner ce matin. J'ai l'impression que c'est peut-être l'une des heures de réunion les plus matinales, alors j'espère que tout le monde profite du changement au plan de repas.
    Nous accueillons ce matin des témoins du Bureau de la traduction.

[Français]

     Je vais les présenter et leur céder la parole dans un instant.

[Traduction]

    Je rappelle à mes collègues et aux témoins que lorsque vous n'utilisez pas votre oreillette, vous devez la placer sur l'autocollant à votre gauche ou à votre droite afin de respecter la santé et le bien-être de nos interprètes — ce que vous comprendrez parfaitement, bien sûr.
    Sur ce, chers collègues, nous poursuivons notre étude. Il s'agit de la deuxième réunion consacrée à notre examen de la Politique de prévention de la violence et du harcèlement en milieu de travail à l'intention des députés de la Chambre des communes. J'ai trouvé la dernière réunion extrêmement enrichissante, productive et respectueuse. J'espère que nous pourrons continuer sur cette voie.
    Sans plus tarder, j'aimerais souhaiter la bienvenue aux représentants du Bureau de la traduction: le président-directeur général, M. Jean-François Lymburner; le vice-président du Service au Parlement et interprétation, M. Matthew Ball; et la vice-présidente des Politiques et services intégrés, Mme Annie Trépanier.
    Nous accorderons 10 minutes tout au plus à votre groupe pour faire une déclaration préliminaire.
    Sur ce, je vous cède la parole, monsieur Lymburner.

[Français]

    Bonjour à tous.
    Je souligne la présence de mes collègues Annie Trépanier et Matthew Ball, les deux vice-présidents du Bureau de la traduction qui m'accompagnent aujourd'hui.
    Je reconnais que nous sommes réunis sur le territoire traditionnel du peuple algonquin.
    Monsieur le président et honorables membres du Comité, je vous remercie de cette invitation à contribuer à votre examen de la Politique sur la prévention du harcèlement et de la violence en milieu de travail des députés de la Chambre des communes.
    Nous sommes heureux de pouvoir faire le point avec vous aujourd'hui sur la relation de longue date entre les députés et nos employés. Je tiens à souligner que nous célébrons le 90e anniversaire de la création du Bureau de la traduction. En effet, il y a maintenant 90 ans que nous offrons des services linguistiques de qualité qui, je le rappelle, sont essentiels au bon fonctionnement du Parlement.

[Traduction]

    Bien que nos traductrices, traducteurs et terminologues aient rarement la chance de côtoyer les parlementaires pour qui ils et elles travaillent, c'est plutôt le contraire dans le cas de nos interprètes, qui passent le plus clair de leurs journées, et souvent de leurs soirées, en présence des élus.
    Depuis l'inauguration de l'interprétation simultanée à la Chambre des communes il y a 65 ans, on voit — et surtout on entend! — les interprètes du Bureau dans la plupart des rencontres parlementaires.
    J'en profite d'ailleurs pour saluer Mathieu, Kristen et Caroline, qui sont en cabine pour notre rencontre d'aujourd'hui.
    Monsieur le président, les interprètes n'ont pas de lien hiérarchique direct avec les députés: ils ne font pas partie du personnel politique ou parlementaire, mais plutôt de l'administration publique centrale. Et bien que les députés soient leur public cible principal, ils transigent rarement avec eux, sauf les quelques fois où ils sont appelés à se tenir à leurs côtés pour offrir ce qu'on appelle l'interprétation chuchotée. En général, les interprètes sont isolés dans leur cabine, et les greffières et greffiers de l'Administration de la Chambre des communes leur servent d'intermédiaires avec les députés.
    Néanmoins, les députés ont un impact direct sur les conditions de travail des interprètes par leur discipline durant les rencontres interprétées. Certains comportements de base, comme le fait de respecter le droit de parole, facilitent grandement le travail des interprètes, en plus de prévenir les incidents acoustiques qui peuvent se produire lorsque plus d'un micro est ouvert en même temps.
(1005)

[Français]

    À ce sujet, les honorables membres de votre comité ne sont pas sans savoir que plusieurs directives, procédures et mesures ont été mises en place, depuis quelques années, pour favoriser la qualité du son et ainsi protéger l'ouïe et la santé des interprètes.
    En effet, il y a plus de 10 ans déjà que les interprètes ont commencé à faire état de symptômes liés à l'interprétation simultanée lors de rencontres virtuelles et hybrides. Depuis lors, nous n'avons jamais cessé nos démarches afin de mieux comprendre et prévenir les risques pour les interprètes, avec l'aide de l'Administration de la Chambre des communes, qui est responsable du soutien technique lors de l'interprétation.
     En nous inspirant des nombreux rapports d'études que nous avons obtenus et de ce que nous avons appris lors de nos consultations à l'étranger, nous avons mis en place plusieurs mesures de protection. Le Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre en a d'ailleurs fait état en mai 2020 et encore en janvier 2023 dans ses rapports intitulés « Fonctions parlementaires et pandémie de la COVID‑19 » et « L'avenir des délibérations hybrides à la Chambre des communes ».
    Permettez-moi de résumer certaines de ces mesures. Entre autres, les consoles d'interprétation sont conçues pour protéger l'ouïe des interprètes. De plus, un technicien est maintenant affecté à chaque rencontre où il y a de l'interprétation simultanée. Des tests de son doivent aussi avoir lieu avant chaque rencontre. Enfin, toute personne qui prend la parole virtuellement, comme c'est le cas ici aujourd'hui, est dans l'obligation d'utiliser un microphone de qualité ISO, à défaut de quoi ses interventions ne seront pas interprétées.

[Traduction]

    Nous avons également créé un poste de directeur des Affaires parlementaires et du Bien-être des interprètes afin de veiller à l'efficacité et au renforcement des mesures de protection. Au courant de la dernière année, notre directeur a collaboré avec l'Administration de la Chambre des communes à établir des protocoles pour officialiser la prévention et la gestion des incidents acoustiques.
    Il a aussi dressé un plan d'amélioration continue, dans le cadre duquel nous avons reçu cette année les résultats des trois nouvelles études, à savoir deux études sur le son transmis aux interprètes, et une sur l'évolution de leur ouïe. Nous avons très hâte de connaître les nouvelles recommandations que nous feront les experts d'ici la fin de l'année.
    Je suis heureux de signaler, monsieur le président, que tous ces efforts portent leurs fruits. Alors que 128 incidents acoustiques avaient été signalés en 2022, on en a recensé 74 en 2023, et que 10 jusqu'à présent cette année.
    Bien sûr, des incidents se produisent encore. Le son est quelque chose de très complexe qu'il est difficile de contrôler parfaitement, et il existera toujours un risque d'incident acoustique. Néanmoins, nous sommes déterminés à poursuivre notre travail d'équipe avec l'Administration de la Chambre et des experts en la matière pour réduire ce risque au minimum.
    Tout récemment encore, à la suite d'une instruction reçue du Programme du travail d'Emploi et Développement social Canada, de nouvelles directives concernant la manipulation des oreillettes, comme il a été mentionné ce matin, ont été instaurées pour éviter les retours de son appelés effet Larsen.

[Français]

    Le Bureau de la traduction sait à quel point ces mesures peuvent complexifier le déroulement de vos réunions. Nous sommes reconnaissants à vos honorables collègues de la bonne grâce avec laquelle ils s'y soumettent.
    Nous sommes aussi conscients de la frustration que les députés peuvent ressentir lorsque, malgré toutes les précautions, une réunion doit être interrompue parce que le son n'est pas de qualité suffisante pour permettre l'interprétation.
    Pour une personne qui n'a jamais interprété, il peut être difficile de concevoir qu'un problème de son apparemment mineur puisse empêcher l'interprétation. Cependant, puisque les interprètes doivent parler et écouter en même temps, il leur faut une qualité de son qui va bien au-delà des besoins des participants. Un simple grésillement, qu'un participant ordinaire remarquera à peine, peut causer des maux de tête et des troubles de l'ouïe aux interprètes.
    C'est la raison pour laquelle nous avons donné à nos interprètes la directive de s'interrompre en cas de problème de son.

[Traduction]

    Je ne cacherai pas que cette décision est souvent mal accueillie. Même si le greffier sert alors d’intermédiaire entre les députés et les interprètes, certains députés peuvent exprimer du mécontentement, et les interprètes peuvent être ou se sentir ciblés.
    Mais au bout du compte, malgré les désagréments, une chose est claire: un interprète ne peut pas interpréter ce qu’il n’entend pas, et ne devrait jamais se mettre en danger en tentant de le faire pour éviter les critiques. C’est pourquoi notre protocole stipule clairement que si une pression est exercée sur un interprète pour l’inciter à ne pas interrompre le service ou à le reprendre malgré la mauvaise qualité du son, il doit contacter immédiatement ses supérieurs, qui interviendront pour corriger la situation.
    Cela dit, jusqu’à présent, grâce à l'excellente collaboration des greffières et greffiers ainsi que des présidentes et présidents des comités, les interactions se sont déroulées dans un climat de respect.

[Français]

    Il n'en demeure pas moins que l'existence d'outils, comme la politique que vous examinez actuellement, est très utile pour désamorcer les conflits qui peuvent survenir dans le contexte des réunions parlementaires, où les émotions sont parfois à fleur de peau. Bien que nous n'ayons jamais eu à en faire usage, nous sommes reconnaissants aux honorables députés de l'avoir mise en place et nous remercions le Comité de solliciter nos commentaires relativement à sa mise en œuvre.
    Nous nous ferons maintenant un plaisir de répondre à vos questions.
(1010)

[Traduction]

    Merci beaucoup.

[Français]

     Merci beaucoup.
    Cela me fait plaisir de savoir qu'il y a eu une amélioration exceptionnelle après l'instauration des nouvelles règles. Il ne fait aucun doute que les interprètes font un travail très important pour nous. Nous les en remercions.

[Traduction]

    Chers collègues, nous allons maintenant passer à notre première série de questions.
    Monsieur Duncan, je crois que vous souhaitez prendre la parole. Vous disposez de six minutes.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je remercie nos témoins d'être ici ce matin. Je souhaite un joyeux 90e anniversaire à l'organisation et à votre équipe, et je vous remercie du travail que vous réalisez.
    Je dis toujours que je dois m'assurer de m'exprimer lentement. Je parle parfois le « duncanais », comme le dirait notre famille de l'Est de l'Ontario. Plus je passe de temps ici, plus j'en suis venu à respecter le travail que vous faites, jour après jour.
    Vous avez fait référence à des rapports que le Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre a publiés précédemment. J'aimerais donc revenir là‑dessus et poser quelques questions de suivi, simplement pour préciser certaines choses.
    Vous y avez fait allusion dans votre déclaration préliminaire, mais c'est l'aspect hybride des rencontres et la technologie supplémentaire de Zoom lors des réunions qui ont donné lieu à l'augmentation écrasante du nombre de blessures en milieu de travail, ou à une grande partie des inquiétudes de votre personnel. Est‑ce exact?
    C'est absolument vrai, monsieur le président.
    Je pense qu'au début de la pandémie qui nous a tous frappés il y a quelques années seulement, nous n'avions probablement aucune idée de ce qu'était MS Teams ou Zoom, ou même qu'il était possible de communiquer avec la famille et les amis, et aussi dans le cadre du travail. De plus, les systèmes étaient très différents. Nous avons fait beaucoup de chemin, et je pense que ces outils font maintenant partie du fonctionnement de la plupart des milieux de travail dans le monde. J'ai entendu dire que dans environ 90 % des réunions partout dans le monde, il y a maintenant au moins une personne qui se branche à partir d'un lieu différent, que ce soit en ville, à quelques coins de rue, ou à l'autre bout du pays.
    Nous avons beaucoup amélioré notre compréhension de la technologie, et les entreprises se sont également ajustées pour pouvoir évaluer la qualité du son. Vous avez également pris conscience de l'incidence de comportements, comme le fait de parler sans microphone. Je vois de plus en plus de gens utiliser leur casque d'écoute. Aujourd'hui, nous avons des participants en ligne, et ils portent leurs écouteurs. Il y a quelques années, ce n'était même pas une pratique normale. Je pense assurément que nous sommes bien meilleurs.
    Cela dit, si l'on regarde les chiffres qui figuraient dans un rapport, le Bureau a reçu 90 rapports d'incidents de mars 2020 à septembre 2022. En revanche, avant la pandémie, alors que la connexion virtuelle ou à distance n'était pas une option, il n'y a eu qu'une seule plainte au cours des cinq années précédentes. Là où je veux en venir...
    Le travail que nous accomplissons ici est intéressant — il en a été question à notre réunion précédente —, et il est différent de la plupart des milieux de travail à bien des égards, étant donné que les idées s'opposent parfois aussi au sein du Comité. Il est vrai que les gens ont des options de travail à distance, mais ce qui diffère un peu, c'est le style, l'organisation des réunions et les passions qui se soulèvent ici.
    J'ignore si vous êtes en mesure de ventiler un peu les données, mais pouvez-vous nous en dire un peu plus sur les différents types de réunions hybrides au cours desquelles ces blessures sont signalées? Les incidents qui se produisent — qu'il s'agisse de blessures, de plaintes ou de problèmes soulevés — sont-ils d'ordre technique, ou sont-ils attribuables au fait que plusieurs personnes parlaient? Avez-vous une ventilation de l'origine exacte de ces plaintes?
    C'est une très bonne question, monsieur le président. Je vais effectivement essayer de décortiquer les données.
    Vous avez mentionné ce qui se passait avant la pandémie. J'ai également dit dans ma déclaration préliminaire que nous évaluons la situation depuis 10 ans. Vous vous souvenez peut-être que j'ai joué au football canadien, et les gens sont beaucoup plus conscients maintenant des problèmes liés aux commotions cérébrales. L'effet est similaire lorsque l'oreille est exposée à un bruit assourdissant, qui peut créer... Je pense que les données et la science s'améliorent et permettent de comprendre ce qui se passe. Comme pour les commotions cérébrales, personne ne s'en souciait à l'époque où je jouais, mais je pense qu'il y a désormais beaucoup de protocoles en place. La raison pour laquelle il n'y avait pas de données auparavant est peut-être que le problème a été mis en lumière lors de la pandémie.
    Pour ce qui est de la ventilation — j'aime vraiment la question, monsieur le président, parce que nous les appelons des « incidents acoustiques » —, le son ressemble à une chaîne d'approvisionnement, mais c'est une chaîne acoustique. Le problème pourrait être attribuable à bien des choses. S'il y a un participant à distance, comme c'est le cas aujourd'hui, quelque chose peut se produire dans son immeuble qui lui fait perdre sa connexion, de sorte que nous ne l'entendons plus. Pour nous, il pourrait s'agir d'un incident acoustique, mais qui ne cause pas de blessure ou ne nuit pas à l'audition de l'interprète. Cela dit, celui‑ci ne sera pas en mesure d'interpréter s'il n'entend pas le son. Il s'agit donc d'une interruption de service pour nous. Nous en faisons le suivi.
    Il y a ensuite... Je ne sais pas, mais certains d'entre vous assistaient peut-être à des réunions il y a quelques semaines lorsqu'une alerte a sonné sur nos téléphones. Il s'agissait d'un essai du système d'alerte partout au Canada. Croyez‑le ou non, il y avait beaucoup de réunions partout au Canada. Tout le monde avait son téléphone et, soudain, il y a eu un son puissant. Pour les interprètes qui écoutaient activement, cela aurait pu créer un certain malaise, et nous avons des moyens de le mesurer.
    Comme nous l'avons mentionné, nous sommes passés de 128 cas en 2022 à 78 l'année dernière, et nous en avons maintenant 10. En contrepartie, les incidents qui restent sont principalement attribuables au comportement humain. En fait, lorsque vous ramenez l'oreillette vers le microphone, c'est ce qui cause ce qu'on appelle « l'effet Larsen ». C'est essentiellement un joli nom pour le son de la rétroaction acoustique. Ce son peut être extrêmement dommageable pour l'ouïe. C'est pourquoi, même si nous n'avons que quelques incidents en ce moment, ce sont ceux que nous aimerions vraiment prévenir en travaillant avec nos collègues. Voilà un type d'incidents.
    Lorsque le son est très faible, il se peut aussi que les interprètes travaillent, mais sans pouvoir entendre, ce qui aura probablement un effet sur eux. Ce n'est pas aussi immédiat que l'effet Larson, mais nous répertorions ces cas également. Ils font partie de la famille des incidents acoustiques.
(1015)
    Je sais que mon temps est limité. Je pense que je peux poser une autre question.
    J'aime le football... c'est un bon exemple. Peut-être que la différence faisant en sorte que le problème revient constamment est la suivante. Lorsque vous jouez une partie de football, tout le monde est sur le terrain. Ici, lorsque nous essayons de faire notre travail, les gens sont à la maison, dans un bureau ou n'importe où, où ils peuvent porter ou non le casque d'écoute approuvé.
    Voici le dernier point que j'aimerais que vous commentiez. D'après les études précédentes, je pense que la façon la meilleure et la plus sûre de faire votre travail, c'est lorsque nous nous réunissons en personne ici, dans la salle. Ce contexte permet de contrôler, d'un point de vue technologique... C'est ici que vous avez le meilleur contrôle. Si vous vous fiez à Zoom ou à d'autres outils, peu importe où les gens se trouvent, leur connexion Internet, les appareils qu'ils utilisent ou la façon dont ils participent à la réunion... En fin de compte, ce qui est préférable et sécuritaire pour vous, c'est quand nous nous réunissons en personne dans la mesure du possible. Est‑ce exact?
    Très rapidement, je dirais que c'est juste. Nous aimons vraiment les rencontres en personne, parce que nous travaillons à partir de la cabine, mais il pourrait tout de même y avoir des incidents en présentiel. Je voulais simplement le souligner. C'est là que l'effet Larsen se produit, alors qu'en ligne, différents types de problèmes peuvent survenir.
    Merci beaucoup, monsieur Duncan.

[Français]

    Madame Fortier, vous avez la parole pour six minutes.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je remercie beaucoup les témoins de leur présence aujourd'hui.
    Avant de commencer mon intervention, je voudrais vous remercier de votre professionnalisme et de votre travail, car on vous demande de fournir tous les jours un travail de haute qualité. Encore une fois, je vous en remercie.
    J'ai personnellement la chance de pouvoir travailler dans les deux langues, mais je me sers parfois du service d'interprétation. C'est un service vraiment important pour s'assurer que l'information est transmise. Je peux vous dire que vous faites un bon travail.
    Revenons à la question à l'étude. Nous examinons présentement la Politique sur la prévention du harcèlement et de la violence en milieu de travail des députés de la Chambre des communes, et je voudrais me concentrer sur cet exercice où nous aimerions connaître votre opinion et vos observations à ce sujet.
    Je me demandais si vous pouviez décrire un ou deux scénarios où le comportement d'un député pendant une séance de comité pourrait causer du mal aux interprètes.
    J'aimerais aussi savoir si ce type de situation est fréquent.
    C'est l'information que j'aimerais obtenir de votre part aujourd'hui.
    Ce sont d'excellentes questions.
    D'entrée de jeu, il est important de préciser que le Bureau de la traduction fait partie de l'administration publique et que, à ce titre, il suit le Code de valeurs et d'éthique du secteur public. Le Bureau de la traduction fait partie de la famille de Services publics et Approvisionnement Canada, qui a aussi un code de conduite. Ces deux codes régissent les cas de violence et de harcèlement non seulement à l'intérieur du ministère, mais aussi avec le public ou avec les clients. Il faut savoir que de 90 à 100 ministères et agences utilisent les services du Bureau. Il peut s'agir de services de traduction, mais le cas qui nous interpelle aujourd'hui est celui de l'interprétation.
    Nous ne vous cacherons pas que les interprètes sont assez invisibles, ici. Souvent, il peut se passer des choses derrière la vitre de la cabine des interprètes. Lors d'une réunion du Comité de liaison, nous avons rencontré les présidents de comité et nous avons pu discuter avec eux des façons d'avoir une meilleure communication afin que, lorsqu'il se passe quelque chose dans la cabine des interprètes, le président ou le greffier en soit informé.
    Pour ce qui est des comportements, je peux vous donner un exemple. Vous avez sans doute déjà entendu parler de gens qui parlent en tournant le fil de leur oreillette. Ce n'est pas nécessairement fait de façon volontaire. Souvent, c'est un tic nerveux lors d'un débat. C'est comme lorsque certaines personnes manipulent nerveusement un crayon. Ce genre de comportement peut absolument compromettre le travail des interprètes. De plus, cela peut être perçu non pas comme un manque de respect, mais comme un manque de connaissance des dangers de l'effet Larsen. C'est pour cette raison qu'il y a aujourd'hui des autocollants indiquant comment procéder.
    Dans certains cas, la réunion de comité a dû être interrompue. Nous avons parlé des gens en ligne. Il y a eu un cas où, même si le témoin avait un bon micro, il n'y avait pas de son. Nous ne pouvons pas interpréter ce que nous n'entendons pas. Dans ce cas, nous devons interrompre la rencontre. Quand le service d'interprétation redevient fonctionnel après une interruption, on sent l'empressement du Comité à voir la réunion continuer. Parfois, vous avez des débats très engagés pendant les séances de comité.
    C'est ce genre de situation qui peut arriver. Jusqu'à présent, nous avons réussi à en discuter.
    Je vais demander à M. Ball, qui est un interprète de carrière, de vous en parler davantage.
(1020)
    Je vous invite à nous donner un exemple rapidement, monsieur Ball. Ensuite, j'aurai une autre question.
    Les interprètes sont conscients de leur rôle dans le débat politique du Canada. Nous travaillons dans un environnement hautement politisé. Dans la joute du débat politique, les émotions sont fortes. Lors d'une interruption du service d'interprétation, il y a souvent des gens qui vont critiquer ou qui seront fâchés. Cependant, il s'agit d'une situation que nous gérons très bien. Les interprètes savent qu'ils sont soumis à une pression énorme.
    Les interprètes savent que, comme cadre responsable de leurs services, je les soutiens, les épaule et les appuie si jamais ils doivent interrompre leur interprétation. Nous avons également un code déontologique: un interprète qui n'entend pas ne peut pas fournir un service, et il doit alors interrompre son interprétation.
    Pour ma part, je siégeais à des comités avant d'être ministre et, maintenant que je suis revenue en comité, je remarque qu'il y a parfois un niveau élevé de toxicité dans les conversations.
    Seriez-vous d'accord pour dire que cela a augmenté? Quel est l'impact de cette situation sur le travail des interprètes? Comment peut-on gérer cet aspect?
     Je vais demander à M. Ball de répondre.
    Merci de la question. C'est une question très intéressante. Vraiment, j'aurais du mal à m'exprimer là-dessus.
    L'interprète est votre voix à vous, les députés. Il se met dans votre rôle. Vous le savez plus que moi, vos émotions jouent dans vos déclarations et dans vos réponses. Cependant, l'interprète, ce n'est pas vous. L'interprète sait se séparer de vous, les députés, et de votre rôle. Il est là pour vous représenter. D'ailleurs, il se met à la première personne et parle en utilisant le pronom « je », en votre nom.
    Je ne pense pas que la situation que vous décrivez soit un problème.
    L'interprète n'a pas nécessairement l'attitude ou le comportement de l'interlocuteur. Si quelqu'un parle vraiment fort, l'interprète ne va pas nécessairement parler très fort. L'interprète ne va pas prendre les émotions d'un député, par exemple. J'imagine que, dans la façon de faire son travail, il va interpréter les mots, mais pas nécessairement les actions ou les humeurs. Est-ce que je me trompe?
     Non, vous ne vous trompez pas. Je pense que la question est bonne.
    Il y a deux écoles de pensée quant aux émotions dans l'interprétation. Je dirais qu'il y a une école un peu plus traditionnelle, européenne, où on donne les mots de façon monotone. On ne se met pas dans les émotions. Je pense que, maintenant, beaucoup de clients aiment avoir une interprétation plus émotive, qui fait comprendre les émotions derrière les mots. J'étais moi-même enseignant à l'Université d'Ottawa. Pour moi, interpréter des propos, ce ne sont pas les mots; ce sont les idées qui sous-tendent les mots, ce sont les émotions, et tout ça.
    Alors, je pense que c'est bien qu'un interprète puisse rendre un peu d'émotion derrière votre prestation et vos déclarations en tant que députés. Cela dit, il n'est pas dans vos émotions; il les représente.
    Si j'ai l'occasion d'en reparler plus tard, j'aimerais qu'on approfondisse cette question. J'aimerais savoir comment on fait maintenant, selon cette école de pensée, et si vous avez des suggestions à nous faire dans le cadre de notre étude.
    Merci.
    Merci, madame Fortier.
    Madame Gaudreau, je vous cède la parole pour six minutes.
     Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je salue mes collègues, je salue les interprètes et je salue les témoins. C'est rare que je participe aux réunions à distance.
    À la lumière de ce que j'ai entendu, je veux vraiment me concentrer sur un aspect avec les témoins.
    Depuis plusieurs minutes, nous parlons de santé physique. Nous avons parlé de l'effet Larsen. Nous venons tout juste de parler de la modulation de l'interprétation, lorsque celle-ci rend un peu plus les émotions.
    Dans le cas qui nous occupe, nous sommes en train d'évaluer la Politique sur la prévention du harcèlement et de la violence en milieu de travail des députés de la Chambre des communes. Je me mets dans la peau des interprètes. Je crois que vous allez pouvoir répondre à ma question: doivent-ils interpréter tous les mots des parlementaires, quels qu'ils soient, y compris les mots injurieux ou irrespectueux?
    Je peux répondre à la question en premier, puis je vais demander à M. Ball d'ajouter ses commentaires.
    Une chose que nous ne voulons pas, c'est que les interprètes ajoutent des mots qui n'ont pas été dits. Nous en avons parlé. S'ils n'entendent pas quelque chose, même s'ils pensent peut-être comprendre ce qui voulait être dit, ils ne vont pas rendre des mots qui n'ont pas été mentionnés.
    Lorsque les mots sont prononcés, il est possible que, dans certains cas, les interprètes fassent un résumé des propos. Il faut dire que cela va très vite et qu'il n'y a pas vraiment de délai. Ils écoutent et ils parlent en même temps. Alors, les interprètes peuvent parfois faire un peu une synthèse des propos tenus.
    Pour ce qui est des mots particuliers, je demanderais à M. Ball d'ajouter des commentaires.
    Monsieur Ball, vous souvenez-vous de cas où certains mots ont été omis?
(1025)
    En fait, il est important que l'interprète traduise tous les mots qui ont été dits. Effectivement, comme M. Lymburner vient de le dire, il faut faire attention de ne pas ajouter des mots. Il y a des moments très importants dans le débat politique. Il y a des mots qui sont non parlementaires. L'interprète doit quand même les rendre, parce que, sinon, les gens qui parlent l'autre langue ne les auraient pas entendus. Nous avons vu souvent des cas à la Chambre des communes, dernièrement, qui ont donné suite à des décisions importantes.
    Monsieur Ball, ce que j'entends, c'est qu'il n'y a pas une politique relative à une restriction de mots, c'est-à-dire que l'interprète ne pourrait pas indiquer que les propos sont inaudibles pour l'interprète dans un cas où il les aurait bel et bien entendus, mais qu'il ne voudrait pas les interpréter dans l'autre langue.
    Tout à fait. Si l'interprète entend les propos, l'interprète doit les rendre.
     Alors, supposons que, demain matin, je suis interprète et que j'entends des mots injurieux, misogynes ou autres. Qu'est-ce que je fais?
    Comment les interprètes vivent-ils les incidents comme ceux qui sont survenus? Il y a des dommages collatéraux. Je veux que vous soyez très honnêtes à propos de cela. J'ai beaucoup d'inquiétude à ce sujet.
    Je comprends la nature de la question. Il y a plusieurs aspects que j'aimerais aborder.
    Premièrement, il y a l'intensité du travail. Je pense que vous avez vu récemment que notre volume de travail était à la hausse pour la traduction de vos documents, les heures d'interprétation et les diverses demandes des comités. Ce travail se fait durant des périodes assez courtes. Nous ne cacherons pas que nous pouvons sentir la tension lors de certains événements ou de certaines rencontres. Évidemment, cela se sent, et je pense...
    Je m'excuse de vous interrompre, mais je n'ai pas beaucoup de temps.
    Ma question concerne la santé mentale des interprètes, qui doivent parfois rendre des propos sur lesquels ils sont en désaccord et qui vont contre leurs valeurs. Le travail d'interprète a beaucoup évolué. On interprète maintenant les propos avec plus d'émotions et je l'apprécie. Je suis aussi comédienne dans la vie et je comprends que ça reste une interprétation, mais j'aimerais savoir comment les interprètes se sentent dans de pareilles circonstances.
    Ici, nous voulons mettre en place une politique qui, dans le fond, aura des conséquences sur l'ensemble du personnel. Je pense notamment aux interprètes. Que vous disent-ils, quand la situation dégénère? Disons-le, ça ne va pas bien, en ce moment.
    Je comprends la question en ce qui concerne la santé mentale.
    Je pourrais ajouter que la principale conséquence sur nos interprètes en matière de santé mentale, c'est l'inquiétude de voir survenir un incident acoustique.
    Les interprètes font preuve de professionnalisme et comprennent comment peuvent être les discussions, que ce soit à n'importe quel comité ou lors de la période des questions orales à la Chambre, par exemple. Je n'ai pas senti cette préoccupation que vous soulevez. Il faut dire que nous soutenons beaucoup tous les efforts en matière de santé mentale au ministère et au Bureau de la traduction.
    À mon avis, ce qui affecte le plus la santé mentale des interprètes, c'est le fait de ne pas savoir aujourd'hui s'il y aura un effet Larsen qui aura peut-être des conséquences sur leur ouïe.
    Madame Gaudreau, il vous reste 60 secondes.
    D'accord, merci.
    Je vous explique où je veux en venir. Aux fins de notre étude, je pense que nous aurions besoin d'avoir un portrait de la situation. On pourrait mener un sondage auprès des interprètes pour savoir comment ils vivent le fait qu'ils doivent faire leur travail dans un autre contexte, qui est non respectueux, où ils peuvent avoir à interpréter des propos vexants. Aux fins de notre étude, il nous serait important d'avoir le son de cloche de vos interprètes, c'est-à-dire de savoir comment ils se sentent.
    Je me mets présentement dans leur peau. Je sais qu'ils me regardent en ce moment. Je me mets à leur place et, en ce qui me concerne, je me soucierais en priorité de ma santé physique. Il n'en demeure pas moins que j'aimerais bien savoir comment les interprètes se sentent lorsqu'ils reviennent à la maison après avoir interprété des débats irrespectueux.
    Est-ce possible pour vous d'obtenir cette information?
    Nous avons des services au sein du ministère...
    Il faudrait répondre rapidement, monsieur Lymburner.
    D'accord.
    Nous pouvons regarder si nous avons de la rétroaction en ce sens du côté de nos interprètes. J'inclurais aussi les traducteurs, parce que c'est la même chose pour eux. Nous avons aussi des interprètes à la Cour suprême, où il y a plein de dossiers comme ça.
    Encore une fois, je reviens sur la notion de professionnalisme des interprètes. Ils sont habitués à travailler dans toutes les situations.
(1030)
    Je vous remercie beaucoup, monsieur le président.
     Merci, madame Gaudreau.

[Traduction]

    Madame Mathyssen, vous avez la parole pour six minutes.
    Je vous remercie, monsieur le président.
    Je tiens à remercier les témoins.
    J'aimerais poursuivre dans le même ordre d'idées. Le groupe de témoins de la dernière réunion nous a parlé des impacts. Vous vous occupez non seulement de l'interprétation, mais vous faites aussi partie de cette institution. En tant qu'ancienne membre du personnel, j'ai toujours été stupéfaite de voir à quel point il y avait des répercussions, même si je n'étais pas directement dans la ligne de tir à proprement parler. Il y a sur la Colline un sentiment qui se traduit vers le bas — excusez le jeu de mots — et vers les autres.
    Je comprends qu'il y a une tentative de garder ses distances, et que les interprètes sont isolés, mais y a‑t‑il une formation particulière à ce chapitre? Ce volet fait‑il partie de la formation suivie pour devenir interprète?

[Français]

    Étant donné que la question porte sur la formation, je vais demander à M. Ball d'y répondre.

[Traduction]

    Oui, c'est un volet du travail de l'interprète de prendre ses distances par rapport au discours. En tant qu'interprètes, nous sommes tous des fonctionnaires. Notre travail consiste à représenter fidèlement et avec exactitude vos pensées aux auditeurs de l'autre groupe linguistique. Cela fait partie de la formation universitaire.
    Il est vrai que les interprètes doivent parfois entendre des choses horribles. Le débat politique n'est probablement pas la pire des choses qui viennent aux oreilles de beaucoup d'interprètes. Cet élément fait bel et bien partie de la formation. Les interprètes forment une communauté. Ils se parlent par la suite. S'il y a une réunion particulièrement difficile, ils discutent entre eux dans la cabine et font un bilan. Je le sais parce que je l'ai vécu.
    De ce point de vue, je ne m'inquiéterais pas outre mesure de leur santé mentale. Je suis d'accord avec mon patron — pas seulement parce qu'il est mon chef — pour dire que ce qui les préoccupe le plus, ce sont les enjeux de santé et de sécurité. Comme M. Lymburner l'a dit, nous avons fait de grands progrès, ce qui semble les rassurer. Je crois que du point de vue de la santé mentale, c'est la santé et la sécurité qui sont les plus importantes à nos yeux.
    Comme je l'ai dit plus tôt, la plupart des interprètes comprennent qu'ils travaillent dans un environnement hautement politisé. Ils sont capables de faire une distinction entre eux et ce qu'ils disent dans le microphone venant de vous. Cet élément ne m'inquiète pas outre mesure et fait partie du travail. Quand on devient interprète, on accepte cette réalité.
    J'aimerais parler des mesures de soutien en santé mentale auxquelles vous avez brièvement fait allusion à la fin de la dernière question. Il y a certainement une meilleure compréhension au fil du temps, même au cours de la dernière année environ, des problèmes de santé mentale ou de leurs répercussions. C'est vrai pour quiconque dans n'importe quel milieu de travail, mais en particulier dans celui‑ci.
    Pourriez-vous nous donner un peu plus de détails? Compte tenu de la meilleure compréhension de la santé mentale et de l'évolution de notre savoir, comment vous assurez-vous que tout est en place pour les interprètes? Y a‑t‑il quelque chose que nous pouvons faire pour que les mesures correspondent davantage aux besoins au sein de cette institution?
    C'est une très bonne question, monsieur le président. Ce que nous avons fait, comme je l'ai mentionné dans ma déclaration préliminaire, c'est que nous avons créé un poste de directeur responsable du bien-être des interprètes. Cela ne s'est jamais fait auparavant dans l'histoire du Bureau de la traduction. Nous avons mis en poste une personne dont c'est le seul objectif — et la santé mentale fait assurément partie du bien-être. Il y a de nombreux éléments à prendre en compte.
    Nous avons un grand nombre de discussions. Nous rencontrons les interprètes, les réunissons pour obtenir leurs commentaires, et nous assurons d'avoir des plans pour améliorer nos services.
    Je tiens à souligner que nous faisons 50 000 heures d'interprétation chaque année pour le Parlement, ce qui est formidable. Il y a beaucoup de choses qui vont bien.
    Encore une fois, il s'agit de prédire tout type d'incident. Je dirais que ce qui cause le plus de stress à l'heure actuelle au travail... Si vous vous rendez au travail à pied et que vous ne savez pas si quelque chose va vous arriver aujourd'hui, c'est une source d'anxiété, mais ce n'est pas la seule cause.
    La relation avec nos collègues de la Chambre des communes et du Sénat est primordiale. Ce que nous faisons est un sport d'équipe, car beaucoup de gens qui ne font même pas partie de la même organisation se rassemblent tous pour appuyer notre travail ici.
    Nous y accordons beaucoup d'attention. J'ai mentionné l'ombudsman de Services publics et Approvisionnement Canada, ou SPAC, qui est un service extraordinaire auquel les interprètes peuvent s'adresser. De plus, à cause de ce qui s'est passé...
    Et, bien sûr, nous avons aussi des directives de Travail Canada.
    La situation est très grave, alors nous voulons nous assurer que tout le monde comprend ce que nous faisons. Notre principal outil consiste à être transparents et à discuter.
(1035)
    En ce qui concerne la façon dont les députés peuvent faire mieux et s'améliorer, je pense à certains exemples... Je joue avec un stylo; je ne joue pas avec l'oreillette, mais j'ai certainement vu des cas où des députés criaient délibérément dans leur micro à la Chambre des communes. C'est un spectacle. C'est l'effet qu'ils veulent produire. Que faites-vous dans ces cas‑là? Comment gérez-vous la situation? Y a‑t‑il un protocole? A‑t‑il été utilisé dans ces cas particuliers?
    Monsieur le président, dans le cadre des mesures que nous avons mises en place, le son est aussi contrôlé derrière la fenêtre. Nous essayons de faire tout ce que nous pouvons pour atténuer ces situations. Les interprètes peuvent également ajuster le volume avec lequel ils doivent travailler, c'est certain.
    Monsieur Ball, voulez-vous ajouter quelque chose?
    Comme vous le savez, notre but n'est ni d'entraver vos débats ni de nuire au travail des députés.
    Nous comprenons que les instructions et les directives qui ont été mises en place ont peut-être une incidence sur ce que les députés pensent du service. Mais en réalité, nous avons demandé aux interprètes de préserver leur santé et leur sécurité. Si quelqu'un crie dans le microphone, ils devront évidemment baisser le volume.
    Nous comprenons qu'en fin de compte, les députés croient probablement qu'il est plus important d'avoir des interprètes en santé qui peuvent continuer à les soutenir avec une capacité suffisante, plutôt qu'il manque peut-être un mot parce que le volume a été baissé.
    Nous sommes là pour soutenir les interprètes et nous assurer qu'ils travaillent de la façon la plus sécuritaire possible.
    Merci, madame Mathyssen.

[Français]

    Monsieur Berthold, vous avez la parole pour cinq minutes.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Cinq minutes, ce n'est pas beaucoup.
    J'aimerais d'abord souligner les 90 ans d'existence du Bureau de la traduction et les 65 ans pour ce qui est de la traduction obligatoire des débats. C'est extrêmement important, surtout pour un Québécois comme moi, qui s'exprime en français 99 % du temps en comité ou à la Chambre. Je trouve intéressant de savoir que mes collègues peuvent entendre, comprendre et ressentir mes propos. En effet, j'étais très content d'en savoir davantage sur cette nouvelle façon de voir l'interprétation et sur la capacité des interprètes de transmettre également l'émotion des personnes dont ils interprètent les propos. J'ai eu l'occasion, lors de rencontres internationales, d'écouter de l'interprétation à l'européenne. Or, je peux vous dire qu'il est beaucoup plus intéressant d'entendre des extraits de nos débats, dans lesquels les interprètes mettent un peu d'émotions. Je ne parle pas ici d'émotions extrêmes, mais d'un peu d'émotions. Les interprètes font de l'excellent travail, je tiens à le souligner. Je les en remercie beaucoup.
    Comme député, j'avais l'habitude de parler très vite, mais je crois avoir ralenti considérablement mon débit après avoir pris connaissance du travail des interprètes. J'ai eu l'occasion à quelques reprises d'échanger avec quelques-uns d'entre eux. Pour une question de 35 secondes à la Chambre des communes, je suis passé de 130 ou 135 mots à 100 ou 105 mots. Je pense que tout le monde en a été très heureux.
    Je tiens à souligner que vous faites de l'excellent travail.
    Cela dit, j'aimerais savoir combien de plaintes au sujet de l'interprétation vous avez reçues de la part des députés au cours des cinq dernières années.
    Je vous remercie beaucoup de ces commentaires élogieux pour les services du Bureau de la traduction.
    Depuis mon arrivée, l'accent a été mis principalement sur les incidents de nature sonore. Cependant, on m'a aussi rencontré souvent pour discuter de préférences ou me faire part de certains commentaires. Je dois dire que c'est un nombre assez faible. J'ai même eu des commentaires de gens qui aiment beaucoup la nouvelle oreillette, alors que d'autres ne l'aiment pas du tout. Il est donc assez difficile d'avoir...
    Donc, il n'y a pas eu...
    Je m'excuse, il ne faut pas parler en même temps. Je vais essayer de faire attention à cela.
    Ce que je voulais savoir, c'est si vous aviez reçu des plaintes officielles de la part de députés en ce qui concerne votre travail.
    Nous avons reçu quelques plaintes officielles en ce qui concerne la traduction de certains documents où on a trouvé des erreurs. Vous en êtes certainement au courant.
    Pour ce qui est de l'interprétation, je pourrais demander à M. Ball s'il a d'autres exemples à vous fournir. De mon côté, les commentaires que j'entends depuis mon arrivée concernent parfois le ton de la voix des interprètes ou le fait qu'un interprète parle plus fort qu'un autre, par exemple. J'entends souvent ce genre de commentaires, mais rien de majeur ne nous a été souligné. Je crois que nos interprètes sont parmi les meilleurs au monde, car l'examen est assez difficile à réussir.
    Cela dit, il y a des préférences. C'est comme pour les livres audio: certains aiment ça, mais d'autres trouvent ça un peu ennuyant. C'est selon les préférences de chacun.
    Comme on le voit, c'est parfois difficile de ne pas parler l'un par-dessus l'autre quand on essaie d'avoir une conversation. C'est ce que je voulais illustrer. C'est parfois difficile pour un député comme moi de ne pas interrompre son interlocuteur. Parfois, lorsque je veux amener le témoin à parler de quelque chose, je n'ai pas le choix, je dois l'interrompre, même si je souhaiterais ne pas avoir à le faire. C'est un des problèmes que nous avons comme députés, lorsque nous parlons avec un témoin et qu'il prend un peu de temps à répondre à notre question. Cela dit, ce n'était pas votre cas tout à l'heure. Quoi qu'il en soit, cela illustre la nature de la conversation. Je voulais vraiment que nous parlions de cette relation.
    Il n'y a donc pas eu de plaintes de la part de députés vis-à-vis des interprètes pour des cas de harcèlement ou des choses du genre.
    Par contre, sans nommer personne ni faire de liens, pouvez-vous me dire si des interprètes ont fait des plaintes au sujet de députés en ce qui concerne du harcèlement ou des sujets connexes?
(1040)
     À ma connaissance, il n'y a pas eu de plaintes officielles.
    Il faut dire que, comme je l'ai indiqué au début, le Code de valeurs et d'éthique du secteur public et le code de conduite du ministère favorisent beaucoup la résolution informelle de conflits. Il peut s'agir de personnes qui n'ont pas été entendues, mais cela repose sur des perceptions. Par exemple, on peut voir à l'écran que la personne qui parle se trouve dans sa voiture. L'interprète peut indiquer qu'il n'entend pas bien ce qui se dit, alors que d'autres personnes qui se trouvent dans la salle peuvent répliquer qu'elles entendent pourtant bien cette personne, pour leur part. Cela peut faire sentir à l'interprète que son jugement n'a pas été respecté, en quelque sorte. J'ai déjà entendu des cas comme celui-là.
    Pour ce qui est des plaintes officielles, Mme Trépanier, qui est au Bureau de la traduction depuis plus longtemps que moi, pourrait vous donner plus de détails.
    Je n'ai pas eu connaissance de plaintes officielles non plus.
    Le travail d'interprétation n'est pas facile, comme M. Lymburner l'a mentionné. Les interprètes doivent constamment s'en remettre à leur jugement pour déterminer s'ils peuvent ou non interpréter les propos. Je peux vous assurer que tous les interprètes viennent au travail en ayant le désir de faire leur travail. Ce n'est jamais agréable pour un interprète d'avoir à interrompre les propos de quelqu'un ou de dire qu'il ne peut pas les interpréter parce qu'il ne les entend pas bien. Je peux vous confirmer que ce n'est pas avec plaisir qu'ils le font.
    Je...
    Monsieur Berthold, vos cinq minutes sont malheureusement écoulées.
    Je voulais juste leur dire merci.
    Absolument, je vous permets de le faire.
     Merci beaucoup de votre travail.
    Ayant moi-même travaillé longtemps dans l'industrie du son, comme animateur de radio et comme disque-jockey le soir et les fins de semaine, dans un environnement très sonore, je comprends l'importance d'avoir un bon équipement.
    En ce qui concerne l'oreillette, c'est très difficile lorsqu'on porte des lunettes, car elle est alors très serrée. C'est seulement un petit commentaire personnel.
     Merci, monsieur Berthold.
    Madame Romanado, vous avez la parole pour cinq minutes.
     Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je remercie les témoins d'être ici ce matin.

[Traduction]

    Je tiens à remercier tout particulièrement les interprètes de leur travail. Soyez assurés que lorsque j'étais présidente d'un comité, s'il y avait un problème de son, nous arrêtions les délibérations. Nous ne poursuivions pas si nous ne pouvions pas avoir un son permettant aux interprètes de faire leur travail en toute sécurité.
    J'aimerais revenir brièvement sur ce que disait ma collègue, Mme Mathyssen. Dans cette enceinte, les interprètes passent leur journée à être notre voix, et certains députés parlent avec grande passion de leur sujet — ce qui arrive tant à la Chambre qu'en comité. Certains hurleront dans le micro et d'autres se disputeront entre eux. Il y a donc parfois des mots interprétés qui ne sont pas des plus agréables, qu'il s'agisse d'un son très fort ou de querelles entre députés.
    Il y a aussi parfois le sujet à l'étude. J'ai siégé au Comité des anciens combattants, où nous avons entendu des témoignages horrifiants. Dans le cadre de certaines des études que nous entreprenons au Comité de la condition féminine, nous entendons des témoignages horribles. Les interprètes sont très professionnels, mais, au bout du compte, ils rentrent chez eux et doivent se remémorer ce qu'ils ont entendu et ont eu à dire.
    Je pense que c'est là où nous essayons d'en venir. Les mots que nous utilisons, que ce soit le ton, le son ou les mots, doivent avoir une incidence sur eux. En fait, je peux me lever et quitter le débat à la Chambre si le sujet devient un peu difficile pour moi, mais les interprètes ne le peuvent pas. Je pense que c'est là où nous voulons en venir: il faut comprendre que les mots que nous utilisons et la façon dont nous les utilisons ont une incidence sur eux.
    Y a‑t‑il eu des plaintes ou des gens qui vous ont dit: « Écoutez, je ne peux plus siéger à ce comité; c'est trop lourd pour moi »? Une telle situation s'est-elle déjà produite?
(1045)
    Monsieur le président, ce n'est pas arrivé depuis que je suis au Bureau de la traduction. Or, ce que j'aimerais peut-être préciser aujourd'hui, c'est qu'il y a deux ou trois personnes dans la cabine, et qu'elles se remplacent également au cours d'une conversation. Parfois, elles se concentrent sur autre chose, de sorte qu'elles n'ont peut-être pas une vue d'ensemble.
    Du point de vue de l'énergie, lorsque vous entrez dans une pièce et qu'il y a un sujet lourd, tout le monde est touché, bien sûr, ce que nous pouvons comprendre. Nous avons tellement à cœur leur santé mentale et leur bien-être qu'ils peuvent exprimer leurs préoccupations. Ce n'est pas une chose que nous prenons à la légère. Bien sûr, nous semblons dernièrement mettre l'accent sur l'aspect physique, mais je ne pense pas que nous n'ayons jamais écarté les répercussions sur leur santé mentale.
    L'horaire est également extrêmement serré. Certains de vos comités dépassent l'heure prévue et se poursuivent après minuit, mais les interprètes sont extrêmement bien formés pour ce genre de période de travail très intense et très courte. Par la suite, ils ont d'autres mesures au cours de l'été pour se préparer, en quelque sorte.
    Je vais peut-être demander à M. Ball de répondre au sujet des cris, parce que, encore ici, il y a des limiteurs de décibel en arrière-scène qui couperont un son trop fort. Vous pourriez nous en dire plus à ce sujet.
    Si vous me le permettez, monsieur le président, c'est une question fort intéressante, et un enjeu dont nous sommes conscients. C'est un phénomène qu'on appelle le traumatisme secondaire ou transmis par personne interposée, et les interprètes le subissent.
    L'interprète en chef du Canada se trouve derrière nous, et elle fait partie d'un réseau mondial de chefs des services d'interprétation. C'est un aspect dont nous discutons à ces tables et dont nous sommes tout à fait conscients.
    Je tiens à rassurer les membres du Comité: les interprètes qui travaillent pour le Parlement comprennent les joutes oratoires du débat. Je dirais que même les députés savent probablement que, parfois, ils exagèrent un peu pour avoir un effet un peu dramatique et faire un spectacle, alors que d'autres fois, ils sont très authentiques et sincères, ce qui fait partie du travail. Je pense que tout notre personnel et nos interprètes pigistes le saisissent très bien.
    Je ne m'inquiète pas outre mesure des traumatismes par personne interposée ou secondaires. Comme M. Lymburner l'a dit, ce qui me préoccupe le plus, c'est que les interprètes se sentent en sécurité et aient un milieu de travail sain. M. Lymburner y a fait allusion en disant que c'est un sport d'équipe. J'ai déjà eu à interpréter des propos émotifs lorsque j'étais dans la cabine, et il faut parfois faire une pause. Il y a donc trois personnes dans la cabine qui se soutiennent.
    Mon temps est écoulé, mais je tenais à vous remercier de votre réponse. Au même titre que vous nous avez appris l'importance d'une bonne hygiène sonore, nous ne devons pas oublier que les mots que nous utilisons peuvent aussi blesser en quelque sorte — non seulement la personne qui les reçoit, mais aussi celle qui doit les traduire. Je vous remercie.
    Merci, madame Romanado.

[Français]

    Madame Gaudreau, la parole est à vous, mais ce sera seulement pour deux minutes et demie, malheureusement.
    Excusez-moi, monsieur le président, il y avait un petit décalage en raison de l'interprétation et je n'ai pas entendu vos propos, mais je suis arrivée à la conclusion que c'était à mon tour de prendre la parole.
    Encore une fois, je dis bravo aux interprètes.
    Combien y a-t-il eu de démissions, au cours de la dernière décennie, aux services d'interprétation du Bureau de la traduction?
    Je vais vous donner une idée du nombre d'employés. Nous avons environ 70 interprètes qui sont des employés du Bureau de la traduction. Ceux-ci assurent les 50 000 heures d'interprétation chaque année, comme je l'ai mentionné plus tôt. Nous faisons aussi affaire avec des pigistes. Il y a donc une centaine d'interprètes. Le bassin d'interprètes est assez limité, non seulement au Canada, mais aussi dans le monde.
    Évidemment, il y a aussi eu des retraites. Des gens ont-ils pris leur retraite plus tôt que prévu en raison des conditions de travail plus difficiles au cours des dernières années? C'est une possibilité.
    Pour ce qui est du nombre de démissions, je vais laisser M. Ball vous en dire davantage.
    Des démissions, il n'y en a pas eu. Notre effectif est d'environ 60 interprètes permanents, mais ils peuvent aussi occuper d'autres fonctions. Par exemple, certains ont demandé de faire de la traduction pendant un certain temps, et ce, pour plusieurs raisons. Il est donc difficile de dire...
    En fait, c'est exactement ce que j'aimerais savoir: quelles sont les raisons?
     Il y a des gens qui sont affectés à la traduction pendant certaines périodes de leur vie, par exemple parce qu'ils sont de nouveaux parents ou qu'ils veulent un horaire plus stable. Je n'ai pas les chiffres exacts. Cela dit, il y a des gens qui passent à d'autres fonctions et qui reviennent à l'interprétation plus tard. Nous pourrions trouver les chiffres sur la...
    En fait, je cherche à savoir ce qui peut causer des traumatismes aux interprètes lorsqu'ils font leur travail. Quels commentaires entendez-vous? Vous ne le savez peut-être pas, puisque vous n'êtes pas près d'eux. J'aimerais entendre le point de vue des interprètes. Après leur journée de travail, quels sont leurs sujets de conversation? Parlent-ils de leurs activités de la fin de semaine ou des propos qu'ils ont dû interpréter?
(1050)
    Ça varie d'un individu ou d'un groupe à l'autre. Les interprètes vont parfois parler de la réunion qui vient de se terminer, mais j'imagine que, la plupart du temps, ils vont parler de leur fin de semaine, de leurs enfants ou de leurs plans pour la soirée.
    Je n'ai pas d'autres questions, monsieur le président.
    Puis-je ajouter quelque chose, monsieur le président?
    Oui, mais je vous demande d'être bref.
    Il y a d'autres raisons que les conditions de travail. Je rappelle que, tout au long de la pandémie, les interprètes se sont toujours présentés sur les lieux de travail. Maintenant, certains interprètes peuvent travailler à distance. Il y a plein de raisons qui peuvent entrer en ligne de compte. Les conditions de travail sont assez intenses et c'est très rapide. Les interprètes travaillent pendant de longues heures et ils travaillent sur place, mais je pense que les interprètes font leur travail avec passion et fierté.
    Je n'en doute même pas.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
     Merci.

[Traduction]

    Madame Mathyssen, vous avez deux minutes et demie.
    Vous avez beaucoup parlé des nouvelles politiques qui sont en place et des nouvelles règles, comme l'espacement des députés et le placement des oreillettes. Tous ces éléments sont très importants.
    Ce sont des modifications essentielles pour votre milieu de travail, mais une institution empreinte de traditions, comme nous l'avons entendu à la dernière réunion du Comité, peut être réticente au changement. Des obstacles pourraient être repérés, ou il pourrait y avoir de la résistance en raison du privilège parlementaire ou de choses semblables.
    Au sein du Comité, comment pouvons-nous nous inspirer des leçons que vous avez apprises en appliquant ces règles et opérer le changement dont vous avez besoin afin que nous puissions également avoir un milieu de travail plus sain, plus sûr et plus fonctionnel?
    Je serai bref, monsieur le président.
    De nombreuses mesures visant à répondre aux directives que nous avons reçues étaient très techniques, comme vous l'avez mentionné. Certaines d'entre elles ont été mises en place au même moment. Je tiens à assurer à tout le monde que nous collaborons avec nos collègues pour voir s'il y a des mesures que nous pouvons ajuster.
    Il y a quelques semaines à peine, le mot d'ouverture du président de chaque comité était très long. Maintenant, le texte est un peu plus court. Nous pensons que les gens comprennent la plus grande distance. Encore une fois, s'il est possible d'utiliser la nouvelle technologie pour limiter les répercussions sur vous... Nous comprenons que cela peut créer une certaine frustration.
    J'aimerais revenir sur la situation où tout le monde parle en même temps. C'est probablement l'enjeu dont j'entends le plus parler. Il est alors très difficile de faire un bon travail, car beaucoup de voix se font entendre. C'est un élément que j'entends souvent.
    Encore une fois, s'il y a une interruption de service, pour que tout le monde comprenne... il y a des façons pour les gens d'obtenir l'information rapidement. Parfois, le problème vient de derrière la fenêtre. D'autres fois, il est attribuable au système audio. Cependant, je dirais qu'il faut comprendre que tout le monde veut suivre la procédure et être respectueux à ce chapitre.
    Le dernier élément se rapporte aux participants en ligne. Nous sommes en mesure d'envoyer des casques d'écoute partout dans le monde en très peu de temps. Ce sont les casques d'écoute qui ont été approuvés et qui sont conformes aux exigences ISO. Parfois, les témoins se trouvent dans des régions très éloignées du monde. Nous nous en tirons très bien. Nous pouvons faire des essais à l'avance avec vos témoins afin qu'ils puissent utiliser de meilleurs casques d'écoute pour notre travail.
    Je vous remercie.
    Je vous remercie infiniment.

[Français]

    Monsieur Berthold, vous avez la parole pour cinq minutes.
     Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je voulais prendre ces cinq dernières minutes, parce que je n'avais pas vraiment terminé. J'ai encore deux choses à mentionner.
    Voici ce que j'ai compris du sens de vos propos, après toutes les questions. Finalement, les interprètes ne veulent pas prendre part au débat ni changer le cours des discussions. Ce qu'ils veulent, c'est rendre le débat tel quel pour les gens qui écoutent. Est-ce exact?
    Oui, et ils doivent aussi le faire dans des délais très courts. Comme on peut le voir souvent, lorsque l'interprétation arrive quatre ou cinq secondes plus tard, cela rend le dialogue plus difficile.
    Alors, d'une part, il faut tenir compte de l'émotion, comme M. Ball l'a mentionné. C'est le modèle canadien de l'interprétation et c'est quand même bien. D'autre part, il faut exécuter le travail assez rapidement pour permettre la discussion en temps réel.
    Les interprètes ont leur fierté. Au début, quand je suis arrivé, je ne connaissais pas ça, mais j'ai appris que les interprètes n'étaient pas des traducteurs. C'est une des premières discussions que j'ai eues avec les interprètes. J'avais parlé d'eux en les qualifiant de traducteurs, et par la suite ils m'ont dit qu'ils ne faisaient pas de la traduction, mais de l'interprétation, pour que les gens comprennent bien dans l'autre langue. En effet, les mots ne sont pas pareils, mais l'émotion, par contre, peut être la même. Je trouve ça super intéressant.
    Madame Trépanier, quand nous sommes élus pour la première fois comme députés, nous recevons des formations. Pourrait-on envisager d'offrir aux nouveaux députés une séance de formation d'une heure sur la manière dont l'interprétation fonctionne? Ce serait souhaitable. Pour ma part, quand j'ai été élu député, j'ai appris sur le tas comment travailler avec les interprètes.
    Pensez-vous que c'est une chose que le Comité pourrait recommander?
(1055)
    Je vais passer la parole à Mme Trépanier, mais je peux vous dire que nous avons participé à plusieurs formations avec nos collègues du Bureau du Conseil privé, lors de changements de gouvernement, ou lorsque de nouvelles personnes arrivaient dans les bureaux de ministres. Cela devrait donc sûrement être offert à nos collègues de la Chambre aussi. Il devrait certainement y avoir un feuillet d'explication de base.
    Pour ce qui est d'un cours, je vais laisser Mme Trépanier vous répondre.
    Je trouve que c'est une excellente idée. Comme le PDG du Bureau de la traduction l'a mentionné, il existe des documents, mais une formation pourrait effectivement être pertinente. Merci de la suggestion.
     Ce serait bien d'en faire une formation pratique lors de laquelle on pourrait voir le travail que font les interprètes et vivre un peu ce qui se passe à l'intérieur de la boîte, comme je l'appelle. C'est en nous intéressant au travail que font ces gens et en vivant ce qu'ils vivent que nous pouvons mieux comprendre leur situation et mieux faire notre travail dans le respect des interprètes.
     Merci beaucoup.
    Nous avons justement publié quelques vidéos en ligne pour familiariser les gens avec ce qui se passe de l'autre côté et avec le travail très spécialisé des interprètes. Nous allons nous assurer de continuer à en faire la promotion.
    J'aimerais maintenant parler de l'aspect technique de la chose. Comme je l'ai mentionné tantôt, j'ai travaillé dans le domaine du son, alors j'ai un peu d'expérience là-dedans. Je sais qu'il y a des limiteurs de son pour éviter les pics sonores, par exemple. J'ai même vu, dans certains endroits, des systèmes qui ne permettaient pas d'ouvrir plus d'un microphone à la fois. Cependant, ici, n'importe qui peut ouvrir son microphone et entrer dans le débat.
    Est-ce que ce sont des choses qui sont envisagées? Sur le plan technique, quel est le plan du Bureau de la traduction pour les prochains mois et les prochaines années?
    Je ne suis pas interprète, je suis ingénieur industriel. J'ai donc fait passablement d'études dans ce domaine aussi.
    Effectivement, il y a plusieurs mesures techniques que nous envisageons. Vous avez parlé de l'oreillette, par exemple. Il existe des façons de faire en sorte qu'elle s'éteigne dès que l'utilisateur la retire. En ce qui concerne le son, la numérisation du son permet de réduire les effets Larsen et de limiter les risques. Je pense aux gens qui participent à la réunion par l'entremise de Zoom aujourd'hui. C'est quand on est dans un environnement acoustique un peu plus analogue qu'il y a un danger. C'est donc un autre élément que nous vérifions.
    Dans les concerts, par exemple, on voit que les chanteurs ont une oreillette. Celle-ci est enfoncée à l'intérieur de l'oreille, ce qui limite les effets Larsen. Ça améliore grandement la situation.
    Dans notre cas, ici, on veut que les oreillettes soient utilisées par plusieurs personnes. On pourrait envisager la possibilité d'utiliser des modèles d'oreillettes qui vous appartiendraient. À cet égard, nous travaillons avec nos collègues. De notre côté, nous ne nous occupons pas de l'audiovisuel. Nous fournissons des gens, ces êtres vivants que sont les interprètes, qui se rendent dans la salle. Cela dit, nous travaillons de concert avec les gens pour trouver ces outils technologiques qui pourraient éliminer complètement les effets Larsen. Il y en a et nous nous penchons là-dessus, parce que nous voulons diminuer les interruptions pour vous, évidemment.
    Il vous reste juste quelques secondes, monsieur Berthold.
    Vous avez quand même réussi à faire un excellent travail, parce que vous êtes passés de 128 incidents à 10 en seulement trois ans. Je vous tire mon chapeau.
    Je précise que ces 10 incidents sont liés à des comportements humains. C'est ce qui est le plus difficile à changer.

[Traduction]

    Le dernier kilomètre est toujours le plus difficile, et c'est vraiment là où nous en sommes.

[Français]

     Monsieur Berthold, je pense qu'au début de la réunion, j'ai parlé de traduction plutôt que d'interprétation. Alors, si c'est le cas, j'aimerais me corriger moi-même.
    Merci de cette précision.

[Traduction]

    Madame Romanado, vous avez la parole.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je serai brève, car je sais que nous avons très peu de temps.
    Monsieur Ball, vous avez mentionné qu'il n'y a pas beaucoup de blessures ou de plaintes attribuables à des traumatismes par personne interposée ou secondaires. J'ignore si vous avez eu l'occasion de sonder les interprètes pour voir si c'est un problème. Je vous suggère de le faire, car je suppose que des gens composent avec cela.
    L'autre chose que je dirais, même si nous n'en avons pas parlé, c'est que j'ai vu dans les débats, surtout en comité, des députés qui frappent le bureau de la main pour faire valoir un point.
    J'imagine que ce comportement peut également causer des blessures, n'est‑ce pas?
(1100)
    Je vais commencer par la dernière partie de la question.
    Un grand bruit, qui n'est pas un exemple de l'effet Larsen, pourrait certainement avoir un impact sur les interprètes. Il peut s'agir d'un ordinateur portable ou d'un microphone qui tombe, ou d'une personne qui frappe sur la table.
    Quant aux répercussions par procuration, M. Ball pourra peut-être en parler.
    Nous travaillons en étroite collaboration avec le syndicat. Il y a une association professionnelle qui représente les interprètes pigistes. La direction du Bureau est très ouverte et travaille constamment avec eux pour s'assurer que les problèmes sont réglés au fur et à mesure qu'ils se présentent.
    Pour faire écho aux sentiments exprimés plus tôt par mon patron, le plus grand problème que rencontrent le personnel et les interprètes pigistes en ce moment se rapporte à la santé et la sécurité et à la qualité du son. Nous collaborons très étroitement à ce dossier.
    Nous sommes effectivement toujours ouverts. En fait, nous avons réalisé une évaluation du milieu de travail récemment, dont nous obtiendrons aussi les résultats. S'il y a des problèmes de traumatisme par procuration, ils seront mentionnés dans ce rapport, que nous attendons bientôt.
    Merci beaucoup. Je vous en suis très reconnaissante.
    Je vous remercie, madame Romanado.
    Chers collègues, nous allons suspendre brièvement la séance pour accueillir le prochain groupe de témoins.
    Habituellement, nous insérons des pauses-santé à nos réunions pour permettre aux gens de bouger un peu et de reprendre leur souffle. Je vais nous accorder quelques minutes de plus, car il nous reste encore deux heures ce matin.
    Je voulais mentionner une chose qui pourrait être utile. Je sais qu'il peut être un peu difficile de s'y adapter, mais pour nous aider à savoir combien de temps il nous reste dans nos interventions — j'ai remarqué que Mme Gaudreau l'a fait plus tôt —, il serait utile de vous chronométrer et d'afficher l'horloge devant vous.
    Cela permettrait d'accomplir deux choses: premièrement, il n'y aurait pas d'écart entre les horloges du président et des députés et, deuxièmement, je n'aurais pas à vous interrompre, ce qui donnerait peut-être une réunion plus fluide.
    C'est ma recommandation. Je sais que la mise en œuvre pourrait prendre un peu de temps, mais je pense que cela pourrait être utile.

[Français]

    Sur ce, monsieur Ball, monsieur Lymburner et madame Trépanier, merci beaucoup d'être venus ici ce matin.

[Traduction]

    Chers collègues, nous allons suspendre la séance pendant quelques minutes, puis nous reprendrons avec notre deuxième groupe de témoins.
(1100)

(1110)
    Chers collègues, nous reprenons nos travaux.
    Pour notre deuxième groupe de témoins, nous accueillons deux députées, à savoir nos collègues Iqra Khalid et Pam Damoff, qui vont présenter un témoignage.
    Je tiens d'abord à faire une petite mise en garde. Je crois comprendre que nous allons discuter de certains abus qui ont été subis soit directement par des gens autour de cette table, soit par ricochet. Je sais que pour les gens qui nous regardent, certains des propos ou des récits peuvent être troublants et avoir un effet déclenchant.
     Pour mes collègues autour de la table et le personnel dans la salle, si vous avez besoin d'aide, nous vous encourageons à tout moment à voir si le greffier ou moi pouvons vous aider. Je sais qu'un certain nombre de sujets difficiles seront soulevés, non seulement par nos collègues d'en face, mais aussi par d'autres députés à la table. Par simple courtoisie, je voulais le préciser avant que nous commencions.
    Madame Rempel Garner, je vous vois du coin de l'œil, et je vais vous céder la parole un instant.
    Monsieur le président, parfois, lorsqu'il y a un témoignage délicat devant un comité qui pourrait ébranler, les témoins ont la possibilité de parler à huis clos. Je comprends que les députées ne veuillent peut-être pas le faire, mais je tenais à le souligner aussi.
    Je vous en suis reconnaissant. Si nous en arrivons à un point où les témoins veulent passer à huis clos, j'espère que les membres du Comité ne s'y opposeront pas lorsqu'on demandera le consentement unanime nécessaire à cette fin.
    Je vous remercie de nous en avoir fait part, madame Rempel Garner.
    Madame Damoff, je vais vous céder la parole pour que vous commenciez votre déclaration préliminaire. La parole est à vous.
    Merci, monsieur le président.
    Je vous remercie de m'avoir invitée à comparaître aujourd'hui. Je m'excuse à l'avance si je me laisse emporter par l'émotion.
    Je suis profondément troublée par les graves répercussions de l'augmentation du harcèlement et des menaces sur la sécurité des députés et de notre personnel, sur la capacité des députés de remplir leurs rôles et, en fin de compte, sur l'intégrité du Parlement et la viabilité à long terme de notre démocratie. Même si j'ai travaillé pendant plus de 25 ans dans le secteur des services bancaires d'investissement immobilier, qui était dominé par les hommes, et que j'ai certes vécu de la misogynie et du harcèlement durant ma carrière précédente, cela ne se compare nullement à ce que j'ai vécu en tant que députée. L'ampleur des menaces et de la misogynie dont je suis victime, en ligne et en personne, est telle que j'ai souvent peur de sortir en public. Ce n'est pas une façon durable ni saine de vivre.
    J'ai été agressée verbalement à l'épicerie, dans ma collectivité, par un homme qui criait: « Allez vous faire foutre, vous et Trudeau. Vous irez en prison pour ce que vous avez fait. » Lors d'un événement commercial à Burlington, un homme m'a dit de façon agressive, en pointant son doigt devant mon visage, que je devais surveiller mes arrières et que j'allais recevoir ce qui m'était dû.
    La quête toxique des élus pour obtenir des mentions « J'aime » et la publication d'extraits vidéo dans les médias sociaux a empêché la tenue de conversations constructives, a exacerbé nos différences et a diminué notre capacité à faire preuve d'empathie les uns envers les autres. Dans les courriels, lors d'appels téléphoniques et dans les médias sociaux, l'un des exemples les plus flagrants de cette dégradation du discours politique est l'utilisation croissante en anglais d'un terme péjoratif de quatre lettres commençant par « c », un terme que je ne suis pas à l'aise de répéter ici au Parlement. Avant de devenir députée, tant dans ma vie personnelle que professionnelle, je n'avais jamais entendu quelqu'un me lancer ce mot, mais depuis que je suis députée, il est devenu complètement normal dans la population d'utiliser ce mot pour nous accoler une étiquette et nous rabaisser, moi et mes collègues députées.
    Aujourd'hui, je veux lire à l'intention du Comité, du Parlement et des Canadiens des extraits de messages que j'ai personnellement reçus par courriel, par téléphone et dans les médias sociaux depuis que je suis députée. Je veux aussi que vous pensiez à mes formidables employés, qui doivent subir ces injures au téléphone et lorsqu'ils lisent les propos des gens. Cela a des répercussions négatives sur leur santé mentale et sur la capacité des députés d'embaucher du personnel et de le maintenir en poste.
    Je tiens à préciser que, même si je donnerai des exemples précis de propos tenus par certains députés conservateurs, je ne veux en aucun cas laisser entendre que cela reflète la pensée de tous les députés conservateurs. En fait, l'épinglette que je porte aujourd'hui m'a été offerte en cadeau par un député conservateur. J'ai des amis en face.
    Je pense qu'il convient de mentionner qu'il existe beaucoup plus d'exemples que ceux que j'ai choisi de vous donner aujourd'hui, mais comme ils comportent des mots qui ne sont pas du tout dignes d'être prononcés au Parlement, je ne les mentionnerai pas ici.
    Voici quelques exemples: « Je ne sais vraiment pas comment vous faites, minables salopes libérales, pour vous regarder dans le miroir. Bonne chance aux prochaines élections, espèce d'ordure. » « Je vais m'en prendre à vous. C'est fini. Vous êtes cuite. » « Comment se fait‑il que vous soyez au pouvoir? Vous devriez vivre dans une porcherie, espèce de merde. » « Nous surveillons vos moindres gestes. Vous n'êtes en sécurité nulle part. Dieu veillera à ce que vous soyez jugée le jour du jugement. Ce jour viendra. Dieu vous enverra brûler en enfer. »
    Même après avoir annoncé le 1er mai que je ne me représenterai pas — précisément en raison du harcèlement, de la misogynie, des injures et des menaces explicites de violence que j'ai reçues —, j'ai été inondée de dizaines de messages haineux. En voici quelques exemples: « Démisionne maintenant, stupide vache. N'attends pas et ne va pas te cacher, salope attardée!!! » « Bon débarras, connasse. Le monde de la politique, comme vous l'appelez, est toxique parce que votre parti est corrompu. Il est un tas de merde dégoûtant. Si vous, les enfoirées, aviez gouverné comme des êtres humains, le pays ne détesterait pas les salopes corrompues et fascistes que vous êtes. Tu dois faire mieux, espèce de conne. »
    Enfin, voici un dernier exemple: « Tu es une députée et une Canadienne pitoyable. Que ta vie soit remplie de stress et d'anxiété. Que tu ne connaisses jamais la paix durant ta misérable vie. Que tu vives et meures seule dans un endroit sombre et froid. Que tu brûles en enfer, connasse. »
    Le ton et la teneur du discours public se sont tellement détériorés que je crains que la population perde confiance envers les institutions publiques; et à la détérioration du discours public s'ajoutent la désinformation et les mensonges propagés par des politiciens dans les médias sociaux. Je m'inquiète des conséquences de tout cela sur notre démocratie.
(1115)
    Les députés doivent comprendre qu'ils alimentent et exacerbent le harcèlement, les injures et les menaces à l'endroit d'autres députés lorsqu'ils répandent de fausses informations et des mensonges et qu'ils se livrent à des attaques personnelles contre d'autres députés. C'est ce que j'ai observé personnellement, à l'instar de bon nombre de mes collègues.
    Par exemple, en 2018, la députée conservatrice Rachael Thomas s'est servie de son budget de la Chambre des communes, donc de l'argent des contribuables, pour envoyer à tous les ménages de ma circonscription un dépliant sur lequel on pouvait lire « La députée Pam Damoff ne défend pas les victimes de viol et de traite de personnes à des fins sexuelles » et « Pam Damoff choisit de soutenir l'État islamique plutôt que les femmes et les filles ». La première phrase se lit comme suit: « Le gouvernement actuel est déterminé à accueillir des terroristes de l'État islamique au Canada. »
    Nous entendons souvent des députés conservateurs utiliser avec insouciance et sans fondement des termes comme « corrompu » et « trahison » au Parlement et dans leurs publications dans les médias sociaux. Les députés conservateurs Michael Barrett, Michael Cooper, Larry Brock et Damien Kurek ont accusé des membres du comité de l'éthique d'être corrompus, et M. Barrett m'a accusée personnellement d'avoir participé à une opération de camouflage. Par la suite, des députés conservateurs ont publié nos adresses électroniques dans les médias sociaux et ont encouragé le public à nous contacter.
    À cause de cela, mon personnel a dû créer un sous-dossier pour les messages misogynes dans ma boîte de réception. Je vais citer certains des messages que j'ai reçus: « Tu es une foutue menteuse minable [...] J'en ai assez de toi, espèce d'ordure [...] Comment peux‑tu dormir la nuit [...] Je sais que ton ex‑mari dort bien maintenant qu'il s'est débarrassé de toi [...] Démissionne comme députée et représentante d'Oakville [...] Tu me dégoûtes [...] Quel beau legs. » « Vous êtes des perdantes pathétiques, vous méritez la prison. Vous êtes des putains de salopes. » « Hé, foutue traîtresse [...] quitte le Canada, avant qu'on décide de s'occuper de toi comme il se doit. »
    Soit dit en passant, ce sont tous des messages différents. Ce n'est pas un seul et même message.
    Il y avait aussi ceci: « Tu es une ordure qui agit en traîtresse. Tu devrais être jetée en prison pour avoir appuyé la destruction de notre pays et de notre population. Tu es une criminelle. » Un autre message disait ceci: « Ton bien-aimé patron comparaîtra devant le tribunal de Nuremberg, comme vous devriez tous le faire. Vous êtes des êtres humains pathétiques et satanistes, et vous êtes tous finis. » Puis le dernier message disait: « Tu es une pute arrogante, élitiste et détraquée. Tu vas pourrir dans une prison à sécurité maximale quand la révolution viendra. Je te suggère de te retirer pendant qu'il est encore temps, TRAÎTRESSE! »
    Même si je suis la cible du lobby des armes à feu depuis de nombreuses années et que je reçois beaucoup plus que des « gazouillis méchants », comme il les appelle, je veux donner un autre exemple démontrant que les commentaires d'un député ont été la cause directe d'une avalanche de messages haineux publiés dans les médias sociaux, transmis par courriel et livrés au téléphone. Au cours de l'étude article par article du projet de loi C‑21, le député conservateur Blaine Calkins a publié une vidéo dans laquelle il m'accuse d'assimiler les chasseurs au tireur de Danforth, ce que je n'ai absolument pas fait. À la suite de la diffusion de sa vidéo, j'ai immédiatement reçu des messages contenant des propos menaçants et agressifs, tels que ceux‑ci: « Tu es une pauvre conne. Le gouvernement doit justifier le fait de retirer à une personne ce qui lui appartient en droit, de lui interdire de le conserver, et la peur n'est pas une justification. Je prie pour que tu meures d'une mort horrible et douloureuse, et ta famille aussi, parce que vous et ta génétique ne valez pas cher et vous devez disparaître de la surface de la Terre. » « Allez, mon Dieu, répondez à ma prière. Elle est une putain de menteuse et un gaspillage de peau humaine. » Un autre message disait ceci: « À l'époque médiévale, cela aurait été considéré comme de la trahison, on t'aurait coupé la tête et on l'aurait suspendue. » Un autre disait: « Eh bien, quelle libérale menteuse de premier ordre. Allez vous faire foutre, Pam, de préférence avec fusil d'assaut semi-automatique en guise de godemiché. » Ce message était accompagné d'une photo. En voici un dernier: « Même si tu me suçais, je ne voterais pas pour toi. »
    Même si je fais part à la police des menaces explicites de violence que je reçois, elle dit souvent qu'elles ne sont pas suffisamment graves pour qu'elle fasse quoi que ce soit. Je sais que le commissaire de la GRC a dit récemment que nous devrions envisager de fournir à la police des outils supplémentaires par le biais de la législation pour lui permettre de répondre adéquatement aux menaces à l'égard des politiciens. Je crois qu'il témoignera devant le Comité, et j'ai hâte d'entendre son témoignage.
    Je suis d'accord avec ceux qui soutiennent qu'une bonne dose de partisanerie et de critiques à l'égard du gouvernement est fondamentale et a toujours été à la base du Parlement et d'une saine démocratie, mais ce que j'ai vécu, et ce que beaucoup d'autres parlementaires et membres de notre personnel ont vécu, ne constitue pas une critique légitime de la politique gouvernementale ni un débat d'idées constructif. Je suis profondément inquiète pour notre Parlement et notre démocratie si la situation perdure.
(1120)
    Bien qu'il puisse être difficile de contrôler les paroles et le comportement des autres, je crois que collectivement, en tant que parlementaires, nous avons la responsabilité de donner le ton et de donner l'exemple quant à la façon dont nous interagissons et discutons les uns avec les autres, et de nous élever au‑dessus des attaques personnelles et de l'hostilité.
    À tout le moins, nous devons dénoncer les comportements inappropriés au sein de nos propres partis politiques, ainsi que le harcèlement et les injures de la part de députés à l'endroit d'autres députés. Je suis encouragée par le fait que des représentantes élues d’Halton ont récemment pris l'engagement public d'être solidaires et de demander à la police d'en faire davantage pour lutter contre les injures et les menaces à l'endroit des élus.
    Les parlementaires sont appelés à faire leur travail avec civilité, compassion et respect: avec respect envers autrui, envers notre rôle, envers nos fonctions, envers le processus législatif et envers l'institution qu'est le Parlement ainsi que les Canadiens.
    Je suis consciente des défis complexes auxquels nous sommes confrontés, des problèmes que nous devons surmonter et des divergences d'opinions que nous devons apaiser. Cependant, je crois que le Canada peut faire ressortir ce qu'il y a de meilleur en chacun de nous si, en tant que parlementaires, nous faisons notre part.
    Encore une fois, je tiens à remercier le Comité de m'avoir donné l'occasion de comparaître aujourd'hui, et je serai heureuse de répondre aux questions.
    Merci, monsieur le président.
    Merci beaucoup, madame Damoff, de nous avoir fait part de ces expériences très difficiles.
    Madame Khalid, la parole est à vous pour votre déclaration liminaire.
    Merci, monsieur le président et mesdames et messieurs les membres du Comité, de m'avoir invitée à comparaître aujourd'hui devant le Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre pour parler de l'examen de la Politique de prévention de la violence et du harcèlement en milieu de travail à l'intention des députés.
    Je m'excuse à l'avance si ma voix tremble aujourd'hui. Elle tremblera, mais je ne me tairai pas. Je ne me laisserai pas intimider. Je vais continuer de représenter mes électeurs du mieux que je peux.
    Monsieur le président, je tiens d'abord à saluer la femme courageuse qui est assise à mes côtés comme témoin, la députée Pam Damoff, qui a tant fait pour mettre la question du harcèlement et des menaces à l'endroit des députés, en particulier les femmes, à l'avant-plan de la conversation qu'il est essentiel de tenir en ce moment. C'est une question importante parce qu'elle touche littéralement aux valeurs fondamentales de notre démocratie canadienne.
    Pouvons-nous être en désaccord sans être désagréables? Allons-nous préserver ce à quoi ressemble la démocratie pour les générations futures?
    Si nous ne sommes pas en mesure de mettre fin au harcèlement envers autrui au nom de la partisanerie politique, nous ne survivrons pas en tant que démocratie. La prochaine génération sera complètement désengagée, désintéressée et n'aura aucune confiance envers les institutions démocratiques. Je pense qu'il est essentiel que nous le reconnaissions.
    Il y a deux semaines, une classe d'élèves de ma circonscription a assisté à la période des questions depuis la tribune. Lorsque je les ai rencontrés par après, la première chose qu'une des jeunes filles m'a demandée, c'est si les propos étaient toujours aussi violents. Elle m'a demandé comment je pouvais faire cela et pour quelles raisons je le faisais.
    Je lui ai répondu que c'était parce que quelqu'un devait le faire. Nous devons nous assurer d'avoir des discussions positives et constructives entre nous, afin de pouvoir représenter et soutenir les Canadiens comme ils le méritent. Nous sommes tous élus, les 338 députés, dans nos circonscriptions par les gens qui y vivent. Nous les représentons.
    Monsieur le président, je suis gênée par la façon dont notre comportement érode les valeurs que nous défendons. J'ai quelques exemples à vous donner aujourd'hui, monsieur le président.
    Vous a‑t‑on déjà traité de raciste simplement parce que vous faisiez votre travail? Vous a‑t‑on déjà tout bonnement traité de terroriste, comme si on vous appelait par votre nom? Vous a‑t‑on déjà craché dessus?
    Moi, oui.
    Quelqu'un m'a déjà dit: « Je veux te prendre doucement avec une scie à chaîne ». Imaginez la violence de cette idée et vouloir l'exprimer publiquement. Comment les gens peuvent-ils penser qu'ils ont le droit de faire cela?
    Le harcèlement n'a rien de nouveau pour moi. Je suis députée depuis neuf ans, et j'en fais l'objet depuis le premier jour.
    Je vais mentionner quelques incidents où des députés se harcelaient entre eux, qui ont créé, pour moi en particulier, des situations qui mettent la vie en danger.
    En 2017, j'ai déposé la motion M‑103 à la Chambre. Il s'agissait d'une motion visant à lutter dans notre pays contre tous les types de racisme et de discrimination systémiques fondés sur la religion, y compris l'islamophobie. C'était une tentative de jeter des ponts entre les communautés.
    Malheureusement, une course à la direction du Parti conservateur était en cours à l'époque, et les candidats à la direction ont commencé, par le biais des médias d'extrême droite, à faire croire que je voulais imposer la charia au pays, et qu'il ne s'agissait pas d'une motion non contraignante, mais d'une première étape, à savoir un projet de loi. C'était tout à fait faux. Ce n'était pas vrai du tout et malicieux.
    Des courriels à cet égard ont circulé dans tout le pays. Ils ont été utilisés pour recueillir des fonds pour les candidats à la direction du Parti conservateur.
(1125)
    Tout cela s'est produit parce que les députés conservateurs qui étaient candidats à la direction du parti estimaient qu'il s'agissait d'une façon de se faire de la publicité. La stratégie politique de l'agitation nuit à la façon dont nous nous comportons en tant que Canadiens et en tant que parlementaires. Nous devons penser d'abord et avant tout aux Canadiens.
    Comme je l'ai dit, outre des propos violents, j'ai reçu des menaces de mort. Entre autres, un homme m'a invitée à me familiariser avec son fusil, un autre m'a dit qu'on allait me pendre, puis un autre a divulgué mon adresse dans une émission de radio et il a dit: « Allez la tuer. Je filmerais volontiers la scène si vous allez la tuer. »
    Lorsque des députés s'attaquent entre eux dans les médias sociaux, lorsque la stratégie politique de l'agitation est mise en œuvre par les médias de droite, nous faisons indirectement ce que nous ne pouvons pas faire directement, selon les règles de la Chambre des communes. Nous nous intimidons les uns les autres pour faire de la politique partisane, et c'est tout à fait injuste envers les Canadiens. Nous nous mettons dans l'embarras devant les Canadiens. Nous pouvons faire tout le cinéma que nous voulons dans les médias sociaux, mais il reste que ces messages dans les médias sociaux, ou les lettres comme celles que ma collègue, la députée Pam Damoff, a reçues dans sa circonscription, constituent du harcèlement, et nous devons faire quelque chose à ce sujet.
    Comme je l'ai dit, de nombreux députés conservateurs — pas tous —, y compris l'actuel chef de l’opposition, ont fait des choses semblables pour cibler des députés, les intimider, les harceler et les réduire au silence, et cela a contribué à semer la division dans des collectivités, maintenant plus que jamais, et ce, dans certaines collectivités plus que dans d'autres.
    Il y a des conséquences réelles lorsque des députés décident de recueillir des fonds et de générer des clics en déshumanisant les autres par des insultes et des attaques, et je ne suis pas la seule cible. Pas plus tard que la semaine dernière, le sergent d'armes, qui a témoigné devant le Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre, nous a dit que les cas de harcèlement envers des députés, surtout en ligne, ont augmenté d'environ 700 à 800 %. Ce n'est pas nouveau, et cela ne devrait pas être banalisé.
    Monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du Comité, il faut que les gens puissent critiquer légitimement leurs représentants élus, leurs politiques et leurs positions afin de faire avancer le discours démocratique productif dans notre pays. Il faut aussi que les députés puissent participer au discours, que l'opposition puisse faire son travail et que le gouvernement puisse faire le sien. Ce que nous observons, cependant, c'est que l'intimidation, le harcèlement, les menaces et la violence, auxquels s'ajoute la misogynie envers nous en tant que parlementaires, rendent les limites floues et nous empêchent de nous acquitter de nos responsabilités envers nos électeurs.
    Le rapport du Comité sur la Politique de prévention du harcèlement et de la violence en milieu de travail à l'intention des députés doit faire état d'une distinction et d'une limite claires entre la critique légitime et le harcèlement pur et simple, en particulier entre les députés, et plus précisément envers les femmes, compte tenu de nos expériences uniques.
    Permettez-moi de dire, monsieur le président, que les gens nous regardent. Les Canadiens nous regardent, et nous devons faire mieux. Nous devons nous assurer d'agir avec respect, car si nous ne nous respectons pas les uns les autres, comment pouvons-nous nous attendre à ce que les Canadiens se respectent les uns les autres? Comment pouvons-nous continuer de jeter des ponts entre nous, et comment pouvons-nous défendre une démocratie fondée sur le respect?
    Merci.
(1130)
    Merci beaucoup, madame Khalid.
    Chers collègues, je veux juste vérifier rapidement quelque chose auprès des témoins.
    Compte tenu de la nature et du caractère délicat du sujet, vous sentez-vous prêtes à passer directement aux questions? D'accord.
    Sur ce, madame Rempel Garner, vous allez commencer notre premier tour de six minutes. La parole est à vous.
(1135)
    Merci, monsieur le président.
    Tout d'abord, je tiens à dire, sur la base de mon expérience personnelle, que le type de langage que vous avez toutes les deux subi de la part de membres du public est inacceptable. Je pense que nous pouvons tous en convenir. Je crois que la question qui se pose maintenant est la suivante: que pouvons-nous faire?
    En tant que députée de l'opposition, il m'incombe de demander des comptes au gouvernement. Pour ma part, lorsque je suis à la Chambre des communes et que je pose des questions au premier ministre, je m'appuie sur un fait tiré d'un rapport. Ensuite, il se lève et déclare que je répands de fausses informations. Vous avez toutes les deux fait de bonnes suggestions. Vous avez dit qu'il faut pouvoir adresser des critiques légitimes au gouvernement. Mais comment pouvons-nous faire cela alors que nous avons un premier ministre qui ne cesse de répéter — comme de nombreux ministres également — lorsque des préoccupations légitimes sont soulevées, au lieu de défendre la politique, qu'il s'agit de faussetés ou que les conservateurs répandent de fausses informations? Pensez-vous que cela contribue également à miner le climat qui règne durant la période des questions, comme en a parlé Mme Khalid?
    Je vous remercie de la question.
    Je me souviens d'un échange que nous avons eu, vous et moi, madame Rempel Garner, il y a quelque temps dans le cadre d'un débat d'ajournement. Je pense qu'il a suscité beaucoup d'émotions chez chacune d'entre nous. Nous parlions justement de cette question et de la façon dont nous pourrions tous nous élever au‑dessus des attaques partisanes.
    Je pense qu'il incombe à chacun d'entre nous de formuler nos questions d'une manière respectueuse, mais aussi de formuler les réponses d'une manière respectueuse. J'estime que c'est ce que j'essaie toujours de faire. Je ne vais pas essayer de faire de la partisanerie en ce qui concerne le premier ministre ou le chef de l’opposition, car je veux vraiment parler de la façon dont nous pouvons nous élever au‑dessus des attaques partisanes.
    À ce sujet, je ne vais pas me lancer dans un débat tu quoque, à savoir un débat sur qui a fait quoi. Vous n'avez pas mentionné beaucoup de noms. Je n'ai pas parlé de mes expériences, parce que je ne veux pas que ce soit cela qui ressorte d'une recherche sur Google. Je ne dis pas que faire part de son expérience n'est pas valable, mais nous devons trouver des solutions.
    Premièrement, je vous demanderais respectueusement de dire à votre caucus que, lorsque l'opposition demande de l'information, il n'est pas productif de dire qu'il s'agit de désinformation. Voilà la première chose.
    Deuxièmement, je n'ai pas révélé — je ne veux pas parler publiquement de mon expérience —, que des accusations ont été portées contre une personne, qui a immédiatement été libérée sous caution, puis elle a disparu. Il s'agissait de menaces de mort. Je me promène toujours en me demandant où se trouve cette personne.
    Que pensez-vous de la réforme du cautionnement dans le but de prévenir cela? En ce qui concerne le harcèlement en ligne, nous savons que nous ne sommes pas les seules touchées. Toutes les femmes du pays peuvent être touchées, n'est‑ce pas? La GRC a dit que les députés ont besoin d'une plus grande protection. Si on ne peut pas me protéger, comment peut‑on protéger toutes les autres? Nous savons que les femmes sont de plus en plus confrontées à ce type de violence.
    Pensez-vous que ce genre de politique de capture et de remise en liberté qui permet à des individus qui ont fait du harcèlement à plusieurs occasions d'être simplement libérés sous caution devrait faire l'objet d'une réforme? Dans certains cas, il s'agit d'individus qui vont commettre un meurtre ou des actes de violence envers des femmes.
    Si vous me le permettez, avant toute chose, par votre entremise, monsieur le président, je tiens à reconnaître le travail acharné et l'intégrité de Mme Rempel Garner. Je sais ce qu'elle doit constamment endurer.
    Que vous puissiez en parler ou non, je le reconnais et je compatis.
    Je pense que l'étude pour laquelle nous sommes ici aujourd'hui concerne la conduite entre députés. Je pense qu'il serait formidable que nous trouvions des solutions à cet enjeu précis. Celle que j'ai proposée dans ma déclaration préliminaire…
    À ce sujet, est‑ce que l'une d'entre vous a déjà reçu ou porté des accusations pour harcèlement criminel contre un autre député?
    Non.
    D'accord. Dans ce cas, je pense que j'ai entendu, dans une grande mesure, qu'il s'agit de harcèlement en ligne de la part du grand public, d'agents numériques... Nous ne le savons pas. Comment trouver une solution à ce problème?
    Franchement, je suis fatiguée de la même question qu'on me pose constamment depuis 15 ans, c'est‑à‑dire comment puis‑je faire face à la violence contre les femmes en politique? Je suis sûre que vous éprouvez toutes les deux la même chose. Penchons-nous maintenant sur les solutions. Je propose une réforme de la mise en liberté sous caution. J'aimerais également aborder d'autres domaines.
    En ce qui concerne le harcèlement répété, le gouvernement n'a pas tenté de trouver un moyen de… Lorsqu'il s'agit de harcèlement répété, il n'existe pas d'outils permettant aux forces de l'ordre d'obtenir l'identité d'une personne en ligne. C'est un processus lent et onéreux qui ouvre la voie à l'intensification de la violence.
    Avez-vous des solutions pour ce type de harcèlement — qu'il s'agisse de la réforme de la mise en liberté sous caution ou d'une autre solution — sur lesquelles le Comité pourrait se pencher?
(1140)
    J'ai déjà signalé des cas de ce type à la police. Dans certains cas, on m'a demandé ce que j'attendais de la police. À d'autres occasions, comme je l'ai mentionné dans ma déclaration préliminaire, on m'a dit que l'incident signalé n'était pas assez grave. J'ai l'impression qu'il y a un décalage entre ce que nous avons reçu…
    Je voudrais cependant faire un commentaire sur les harceleurs en série. Je sais que la députée vient de l'Alberta. Je viens de l'Ontario, et je vais donc parler de cette province. Les décisions relatives à la mise en liberté sous caution sont rendues par des juges nommés par l'autorité provinciale. Les prisons ontariennes sont débordées. Les juges hésitent donc à envoyer des individus dans des établissements gérés par la province — et non par le gouvernement fédéral. C'est un enjeu complexe. Nous avons présenté un projet de loi sur la réforme de la mise en liberté sous caution qui a reçu l'appui de tous les partis.
    Je pense que nous devrions nous concentrer sur ce que nous pouvons faire à titre personnel lorsqu'il s'agit du harcèlement entre députés.
    Il faut avoir des discussions plus vastes sur le système de justice pénale en général.
    Je vous remercie beaucoup, madame Rempel Garner et madame Damoff.
    Chers collègues, je vais faire preuve d'un peu plus de générosité et de souplesse en ce qui concerne les questions posées et les réponses données, afin de respecter la nature délicate de la discussion. Cela vaudra pour les deux côtés de la table, bien entendu. Nous tenterons de respecter le temps imparti le plus possible.
    Cela dit, madame Romanado, vous avez la parole. Vous avez six minutes.
    Je vous remercie beaucoup, monsieur le président.
    Par votre entremise, j'aimerais remercier mes collègues d'être ici aujourd'hui et de nous faire part de ce qu'elles ont vécu. Je pense que pratiquement toutes les députées ont fait face à cette situation.
    J'aimerais poser deux questions.
    J'aimerais commencer par une mise en contexte. Je suis sûre que vous savez qu'à l'heure actuelle, la Politique de prévention de la violence et du harcèlement en milieu de travail à l'intention des députés de la Chambre des communes ne s'applique pas au harcèlement entre députés. Il y a donc une lacune à cet égard. En ce moment, un député qui est harcelé par un autre député n'a aucune possibilité de recours, et nous essayons donc de combler cette lacune. J'aimerais aborder cette question, et j'aimerais entendre vos commentaires à ce sujet.
    Madame Damoff, vous avez mentionné que, lorsque vous sortez en public, vous êtes inquiète pour votre sécurité physique. Prenez-vous des mesures pour assurer votre propre sécurité lorsque vous participez à un événement? Pourriez-vous décrire ces mesures, le cas échéant?
    Par votre entremise, monsieur le président, oui, j'ai pris de telles mesures. Je suis reconnaissante de tout ce que fait la Chambre des communes, par exemple en offrant des boutons de panique et en menant des évaluations de sécurité. Le fonctionnement de mon bureau de circonscription est certainement très différent aujourd'hui de ce qu'il était lorsque j'ai été élue, en 2015.
    Dans le cadre des deux derniers événements auxquels j'ai participé — la fête du Canada et une activité de patinage familial —, les députés avaient la possibilité de faire mener une évaluation de sécurité. Dans ces deux cas, on a déterminé qu'il serait préférable d'avoir des agents de sécurité sur place. Je crois que les règles ont changé aujourd'hui, mais à l'époque, j'ai dû payer pour cela à partir du budget de mon bureau. Aucun incident ne s'est produit, mais il était néanmoins rassurant de savoir que des agents de sécurité étaient présents lors de ces événements.
    Vous avez toutes les deux mentionné vos comptes en ligne. En effet, nous avons tous des comptes de courrier électronique, des comptes en ligne, des pages Facebook, etc. Souvent, ce sont les membres du personnel parlementaire qui reçoivent ces appels téléphoniques et ces courriels et qui doivent y répondre. Ils voient donc ces messages et ces commentaires. Quel impact cela a‑t‑il sur votre personnel?
(1145)
    Cela a un impact important. Oui, les membres du personnel peuvent avoir recours à des services de santé mentale fournis par la Chambre des communes, mais à quelle fréquence le font-ils? Dans mon propre bureau, j'accorde 10 jours de santé mentale à mon personnel, sans demander de justification. Chaque fois qu'un membre de mon personnel ressent le besoin de prendre une telle journée, il devrait le faire. C'est un système fondé sur l'honneur que nous avons établi entre nous.
    J'ai vu certaines des choses auxquelles ils ont dû faire face. Je ne vérifie pas mes propres comptes de médias sociaux, car cela prendrait trop de temps. C'est mon personnel qui s'en occupe, et ce n'est pas juste qu'ils doivent faire face à tout cela.
    Je pense que nous devons améliorer la situation des membres de notre personnel, que ce soit dans les bureaux de circonscription ou sur la Colline, afin de préserver leur santé mentale, de retenir les talents et d'éviter qu'ils démissionnent parce qu'ils sont démotivés par le milieu politique, qui peut devenir très désagréable.
     Madame Khalid, vous avez mentionné quelque chose dont j'entends parler pour la première fois, soit la politique d'agitation sociale. Mardi dernier, on nous a dit qu'il y a beaucoup de publications haineuses sur les médias sociaux, mais que de nombreux sites de médias sociaux ne permettent pas de signaler ces publications, c'est‑à‑dire qu'on ne peut pas les signaler directement aux responsables des plateformes. Ces incidents ne sont pas pris au sérieux. Le sergent d’armes a dit que X ou Twitter ne répondait même plus aux appels. Après avoir assisté à une réunion du Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre, j'ai moi-même reçu une menace de mort sur l'un de mes comptes de médias sociaux à cause d'un commentaire qui avait été fait pendant cette réunion.
    Puisque les coûts associés à notre présence en ligne sont payés par les contribuables, lorsqu'il s'agit de promouvoir des publications ou d'avoir des comptes sur les médias sociaux, on a laissé entendre que les députés devraient peut-être aussi avoir un code de conduite en ligne en ce qui concerne, comme vous l'avez dit, la politique d'agitation sociale, c'est‑à‑dire lorsqu'un député ne vous attaque pas nécessairement personnellement, mais que le contenu qu'il publie est mis en ligne dans l'intention de susciter de vives réactions parmi les utilisateurs de Twitter, etc.
    Quelles seraient vos recommandations sur la manière de s'attaquer à ce problème?
    C'est une très bonne question.
    Vous savez, j'ai vécu cela la semaine dernière, lorsqu'un membre du comité sur l'éthique, M. Brock, a publié un gazouillis contre moi. C'était un gazouillis très étrange qui a provoqué de l'agitation, de façon délibérée et malveillante. Je dis souvent que le bon sens ne prévaut pas partout, n'est‑ce pas?
    À titre de députés, notre comportement est censé être assujetti à des normes plus élevées, que ce soit entre nous ou à l'égard des personnes que nous représentons et de la manière dont nous les représentons.
    Si nous devons commencer à légiférer notre propre conduite, comment pouvons-nous attendre des Canadiens qu'ils fassent mieux?
    Oui, il est peut-être temps d'adopter une loi. Un code de conduite à cet égard doit peut-être être ajouté au code de conduite des députés.
     Cette situation ne peut pas durer.
    Je vous remercie beaucoup.
    Je vous remercie beaucoup.

[Français]

    Madame Gaudreau, vous avez la parole pour six minutes.
     Merci beaucoup, monsieur le président.
    Vous avez énormément de courage, chères collègues.
    Avant de poser quelques questions, je vais me permettre de vous dire à quel point j'ai honte. Ce n'est pas la première fois que je le dis: j'ai honte de nous, moi y compris. J'ai l'impression que nous sommes en train de faire un examen de conscience. Certains ont les oreilles bouchées ou n'écoutent pas l'interprétation, mais j'espère que ça percole. Nous pourrions sortir tellement d'éléments.
    Ce qui me rend tellement outrée — le mot est juste —, c'est que, même si la majorité des gens disent qu'ils ne peuvent pas tolérer la situation et qu'elle est inacceptable, elle a quand même cours à l'intérieur même de notre institution aujourd'hui. Comment se fait-il que nous acceptions de tolérer cette situation? Je m'explique. Notre examen de conscience consiste à nous demander au nom de quoi nous le faisons. Est-ce au nom du gain ou du pouvoir? La partisanerie a le dos large. Qu'est-ce que le respect?
    Aujourd'hui, nous parlons de harcèlement. Nous avons entendu des mots qui illustrent le harcèlement. Je pense entre autres à nos interprètes, qui ont dû donner l'interprétation en français de mots totalement inacceptables. Il y a urgence d'agir, et je crois que l'ensemble de l'institution est très d'accord sur cette urgence. Cela étant dit, j'entends toujours des propos qui enveniment la situation et qui contribuent aux dommages collatéraux, alors que nous avons pourtant le droit de nous exprimer et d'être respectés.
    Mesdames, je veux savoir ce que vous en pensez. Dire des mots qui ont une incidence sur les réseaux sociaux, c'est une chose, mais se faire menacer de mort est inacceptable.
    Quels comportements constituent du harcèlement? Considère-t-on comme du harcèlement le fait de ne pas écouter la personne qui parle, et ce, régulièrement, de rouler des yeux lorsqu'elle parle, de sourire de façon méprisante, de se positionner de façon à provoquer ou à intimider cette personne, qui se trouve souvent à être une femme? Est-ce seulement moi qui vis ce genre d'expérience ou le vivez-vous également? Le harcèlement ne se manifeste pas nécessairement par des mots.
    J'aimerais entendre vos commentaires sur le sujet.
(1150)

[Traduction]

     Merci beaucoup. C'est un honneur de travailler et de voyager avec vous et de savoir que lorsque les caméras sont éteintes, nous entretenons de bonnes relations les uns avec les autres. Je me souviens d'avoir acheté un morceau de gâteau à M. Michael Barrett pour son anniversaire. Je me souviens aussi que Mme Melissa Lantsman m'a apporté du poisson un jour où j'avais très faim et qu'il était très tard. Nous sommes capables d'entretenir de bonnes et solides relations les uns avec les autres. Lorsque les caméras sont éteintes, ces relations existent bel et bien. Lorsque les caméras sont éteintes, nous sommes en mesure de travailler ensemble auComité, de produire des rapports de consensus et de nous pencher sur les questions importantes.
    Je pense que le problème vient peut-être de la caméra ou du fait que nous avons la possibilité de diffuser tant de choses très rapidement grâce aux médias sociaux. Je pense que ce sont des questions que les membres du Comité devraient poser aux experts dans le cadre de cette étude.
    Si vous me le permettez, j'aimerais ajouter que selon moi, les algorithmes des médias sociaux propulsent les publications qui suscitent la controverse au premier plan et les messages positifs, ou même simplement ceux liés à la politique, ne profitent pas du même traitement. Je pense que cela influence le contenu publié par les politiciens. Les publications agressives qui incitent à la colère et qui poussent le public à communiquer avec les députés jouent un rôle important à cet égard.
    J'observe une énorme différence entre le type d'engagement qu'obtiennent mes publications comparativement à une vidéo Facebook en direct qui a été partagée 500 000 fois et dans laquelle un député affirme que les libéraux sont corrompus. Je n'obtiens sûrement pas un tel engagement lorsque je publie quelque chose sur les jeunes femmes qui participent à des programmes de leadership ou sur le fait que je suis fière d'avoir appuyé le projet de loi d'initiative parlementaire de M. Len Webber sur le don d'organes. En effet, ces publications reçoivent très peu d'attention, tandis que les publications qui incitent à la colère se retrouvent directement en tête de liste sur les médias sociaux, à cause des algorithmes.

[Français]

    Madame Gaudreau, il ne vous reste que quelques secondes.
    Je vais terminer, monsieur le président. Il me restera deux minutes et demie au prochain tour.
    J'aimerais vous dire ceci, dans le cadre de notre examen de conscience. Quand il y a consensus dans les partis politiques pour accepter des comportements inacceptables, je perçois de la connivence. J'espère que vous avez bien compris ce que je voulais dire.
    Merci, monsieur le président.
(1155)
     Merci, madame Gaudreau.

[Traduction]

    Madame Mathyssen, vous avez la parole. Vous avez six minutes.
    Je suis souvent étonnée par mes collègues, pour le meilleur et pour le pire. Aujourd'hui, vous avez fait preuve d'une force incroyable et je vous en suis reconnaissante. C'est en fait l'une des raisons pour lesquelles je tenais tant à ce que cette étude soit menée, et je suis très reconnaissante que nous ayons pu l'entreprendre.
    J'aimerais revenir sur les propos de Mme Damoff au sujet des médias sociaux et des algorithmes. Souvent, on considère qu'il est de la responsabilité de chacun de maintenir l'ordre sur les médias sociaux, mais les géants des médias sociaux ont certainement aussi un rôle à jouer et leur part de responsabilités à assumer, compte tenu des profits qu'ils réalisent.
    Le sergent d'armes, lors de la dernière réunion du Comité, a déclaré que lorsqu'il tentait d'aborder des problèmes précis avec les intervenants de Twitter, il n'avait plus accès aux mêmes voies de communication qu'auparavant.
    À titre de législateurs, que pouvons-nous faire pour améliorer la situation? En tenant compte des propos de Mme Romanado au sujet d'un code de conduite en ligne, devrions-nous prendre certaines mesures, dans nos systèmes de sécurité internes, pour surveiller ou contrôler un peu ces choses?
    Je pense certainement qu'un code de conduite serait utile, mais je ne sais pas s'il y aurait des conséquences. Lors de la dernière réunion, j'ai entendu une description du harcèlement dans d'autres endroits, et la cyberintimidation en faisait partie. Je pense toutefois que chacun d'entre nous doit également réfléchir à deux fois avant de publier quelque chose qui, nous le savons, suscitera une réaction au sein d'une entité comme le lobby des armes à feu.
    Lorsqu'on publie délibérément quelque chose qui suscite la colère au sein de la population... Je dois dire que ma participation au comité sur l'éthique m'a ouvert les yeux en raison du nombre de fois où l'on m'a traitée de personne corrompue et criminelle. C'est assez ahurissant. Vous savez, cela va au‑delà de la nature des politiques, car ce sont des attaques personnelles qui agitent le public.
    Les entreprises de médias sociaux ont leur part de responsabilité à cet égard. Même lorsque nous pouvions signaler des choses, je me souviens d'avoir signalé des gazouillis horribles et d'avoir reçu un message disant que ces gazouillis ne contrevenaient pas aux normes de la communauté. Les entreprises de médias sociaux ont une certaine responsabilité, non seulement envers les députés, mais aussi envers tous les Canadiens qui sont victimes de mauvais traitements en ligne.
    Bien entendu, à titre de députés, nous tentons également de comprendre notre rôle dans cette situation. Un grand nombre de mes collègues ont dit que lorsqu'ils ont tenté de signaler ces incidents, ou lorsqu'ils l'ont fait — j'aimerais savoir quels exemples vous avez donnés et quelle a été votre expérience —, il était évident que des organisations d'extrême droite comme Rebel News et Proud Boys, par exemple, attisaient les réactions, et la police a trouvé des liens dans leurs enquêtes sur ces organisations. Est‑ce ce que vous avez observé toutes les deux lors de vos expériences?
    Des membres de groupes d'extrême droite se sont tenus devant mon bureau et juste devant moi.

[Français]

    J'invoque le Règlement, monsieur le président. Je me fais beaucoup de soucis pour nos interprètes. Deux micros sont ouverts en même temps, alors il ne leur est pas possible de bien entendre les propos.
    D'accord. Attendez un instant, nous allons vérifier ce qui se passe.
    Madame Gaudreau, nous allons essayer de nouveau. S'il y a un problème, dites-le-nous.

[Traduction]

    Madame Khalid, vous avez la parole.
    Comme je le disais, des membres de groupes d'extrême droite se sont tenus devant mon bureau, ils se sont communiqué mon adresse personnelle entre eux, ils ont ri de moi et ils m'ont évidemment traitée de tous les noms, ils m'ont filmée pendant que je marchais dans ma collectivité, etc. Il y a indéniablement un lien. Lorsque je parle de la politique de l'agitation sociale, c'est exactement de cela qu'il s'agit.
    J'ai donné l'exemple du jour où j'ai déposé la motion no 103. La course à la direction du Parti conservateur a utilisé ma motion pour collecter des fonds pour le parti en diffusant délibérément des renseignements erronés. Plus précisément, ils ont mobilisé un grand nombre de ces groupes pour sonner l'alarme et susciter l'agitation parmi les Canadiens en montant les Canadiens les uns contre les autres. Nous, les députés, avons certainement un rôle à jouer dans la façon dont les renseignements sont diffusés et utilisés pour nos propres gains politiques.
(1200)
    Madame Mathyssen, il ne reste que quelques secondes au temps qui vous était imparti.
    Je vais les garder pour plus tard, dans ce cas.
    C'est très bien.
    Madame Rempel Garner, vous avez la parole. Vous avez cinq minutes.
    Je vous remercie, monsieur le président.
    Je veux simplement mettre les choses au clair avec mes deux collègues ici présentes. Vous ne laissez sûrement pas entendre que le Parti libéral n'a jamais fait de déclarations pour agiter les gens, n'est‑ce pas? Vous admettez que cela s'est déjà produit.
    Je pense que chaque député doit examiner ses actions, madame Rempel Garner. Je ne dirai pas que le Parti libéral a fait cela, mais je dirai qu'il y a eu des cas où des membres de mon parti ont fait certaines choses.
    J'ai posé cette question pour prouver un point, car lorsque nous ne parvenons pas à… Si vous n'êtes pas prêtes à admettre que les libéraux ont démontré ce type de comportement, je dois vous dire que j'ai été victime de ce que vous avez décrit, mais c'était de la part de vos députés.
    Ce que nous ne pouvons pas nous permettre de faire lorsque nous parlons de solutions, c'est prétendre qu'un parti est au‑dessus de tout reproche, n'est‑ce pas? Pour éviter cela, je dirais qu'il faut utiliser, pour les solutions, ce qui est déjà prévu par la loi pour les cas de harcèlement criminel et de discours haineux et, lorsqu'il y a des lacunes qui empêchent non seulement les députés, mais n'importe quel Canadien, d'avoir accès à la justice ou à des mesures de désamorçage de ces types de comportements, il faut que nous comblions cette lacune.
    Êtes-vous d'accord avec le principe selon lequel toute solution future à ce problème ne peut être dirigée par une entité partisane?
    Je suis tout à fait d'accord. Dans ma déclaration préliminaire, j'ai même dit qu'il ne s'agissait pas seulement des conservateurs. Ma collègue et moi-même ne pouvons parler que de ce que nous avons vécu, madame Rempel Garner. Nous ne pouvons pas parler de ce que vous, Mme Ferreri ou toute autre personne a vécu. Je ne peux parler que de ce qui m'est arrivé et de l'impact qui découle directement des actions d'un député conservateur. Je ne peux pas parler de ce que quelqu'un d'autre a vécu.
    Je vous remercie.
    Cependant, vous ne laisseriez pas entendre que le premier ministre est directement responsable du harcèlement que j'ai subi, n'est‑ce pas?
    J'ai tenté de rester hors de la mêlée parce que je ne cherche pas à savoir si le chef de l’opposition ou le premier ministre… Si vous souhaitez en parler, nous pouvons le faire, mais je préférerais vraiment ne pas avoir à le faire.
    Ce que j'essaie de dire, c'est que les solutions doivent être objectives et ne pas être régies par… Je crains qu'un code de conduite régi par une entité partisane ou quasi partisane ne permette pas d'atteindre cet objectif.
    En ce qui concerne les recommandations, seriez-vous pour une recommandation, en particulier à l'approche des prochaines élections fédérales, selon laquelle les images intimes créées par la technologie d'hypertrucage seraient assujetties aux mêmes sanctions que celles prévues actuellement par le Code criminel pour les images intimes traditionnelles?
    Comme je ne suis pas avocate, je me contenterai de donner mon opinion personnelle. Je sais que vous avez beaucoup travaillé — beaucoup plus que moi — sur l'intelligence artificielle et ce genre de choses, mais je serais certainement d'accord.
    Je pense également qu'il doit exister un mécanisme par lequel, dans un cas flagrant de harcèlement répété qui en arrive au point où un tribunal considère… Ou lorsqu'il y a une déclaration de culpabilité par procédure sommaire, les forces de l'ordre devraient pouvoir, en vertu d'une sorte d'ordonnance, obtenir l'identité d'un individu à partir d'une plateforme de médias sociaux, afin que des accusations puissent être portées contre cet individu. Pour l'instant, il y a une zone grise à cet égard dans la loi. Recommanderiez-vous une telle mesure?
(1205)
    La semaine dernière, les membres du comité sur l'éthique ont suivi, auprès de la GRC, une formation complète sur ses services de criminalistique numérique, et c'est une question qu'ils ont abordée avec nous.
    D'accord. Nous avons donc besoin de dispositions législatives sur cet aspect.
    De plus, lorsqu'il y a des cas flagrants de harcèlement répété en ligne — et nous ne parlons pas ici d'un seul gazouillis méchant ou d'autres choses de ce genre, mais d'un individu qui harcèle clairement une personne de façon répétée et qui profère des menaces et des paroles obscènes à son égard, quelle que soit la définition —, le tribunal doit pouvoir avoir à sa disposition un certain type d'intervention qui lui permet d'ordonner à cet individu de cesser de communiquer avec la personne visée. Ce type d'intervention n'existe pas en ce moment. Recommanderiez-vous au gouvernement d'envisager une telle mesure à ce moment‑ci?
     Oui. En fait, Julie Lalonde fait partie du prochain groupe de témoins. Je pense qu'elle serait bien placée pour répondre à ces questions. Elle a beaucoup d'expérience à cet égard.
    Encore une fois, si je cherche des solutions objectives, c'est parce que je pourrais bien être ici à parler des députés du Parti libéral que j'ai dû bloquer sur les médias sociaux parce qu'ils avaient envoyé des hordes à mes trousses. Je pense simplement que si nous nous retrouvons dans une situation où nous censurons les propos, en particulier si l'on dit que la position du gouvernement est celle qui doit être diffusée et que les critiques à l'endroit du gouvernement sont dénigrées dans une situation où elles sont légitimes, nous rendons un mauvais service à la démocratie.
     Je ne dis pas que ce que vous, moi et d'autres députés avons vécu ne pose pas de problème. J'essaie simplement de trouver des solutions objectives. Recommanderiez-vous, dans ce cas, que nous envisagions de renforcer... ou de corriger les failles dans les lois pénales, qui empêchent les forces de l'ordre d'intervenir dès le départ et qui font en sorte que ce comportement peut dégénérer en discours de haine, en menaces de violence ou en actes de violence?
     Chères collègues, j'ai laissé environ 60 secondes s'écouler pour cette question, alors je vous prie de répondre rapidement. Je suis désolé de vous presser.
     Oui.
     Eh bien, madame Damoff, vous avez fait preuve d'une rapidité exemplaire. Merci beaucoup.
    Merci, madame Rempel Garner.
     Monsieur Erskine-Smith, nous vous donnons la parole pour cinq minutes.
     Merci, monsieur le président.
    Madame Damoff, je vous remercie de votre témoignage. Les commentaires que vous avez lus sont absolument honteux.
    Je pense qu'il serait peut-être plus constructif de consacrer du temps à la question du harcèlement entre députés. Nous avons évidemment un code sur le harcèlement sexuel. Ce sont des choses inacceptables et le code est en place à juste titre.
     En même temps, la Chambre a des règles relatives au privilège qui font en sorte qu'on ne peut pas intenter une action en diffamation, par exemple, en raison de propos tenus à la Chambre des communes. Nous privilégions énormément la liberté d'expression des députés en tant que représentants de leurs électeurs.
     Comment peut‑on, à votre avis, atteindre un équilibre quant à cette notion de privilège et à la capacité d'exprimer des préoccupations et, dans certains cas, d'une manière si problématique que cela pourrait être considéré comme de la diffamation à la Chambre, mais ne donne pas lieu à une action en justice? Comment peut‑on concilier cela avec le code de conduite des députés sur le harcèlement, selon vous?
    Je vais commencer. Merci de poser cette question. Je vous en suis très reconnaissante.
     Comme je l'ai dit dans ma déclaration préliminaire, les députés ne devraient pas être autorisés à faire indirectement ce qu'ils ne peuvent pas faire directement. Le code de conduite des députés est très clair quant à la manière dont nous devrions nous comporter et à ce que nous devrions être autorisés à dire ou non à la Chambre. Nous avons les moyens, nous sommes libres de représenter nos électeurs et de faire valoir les points de vue qu'ils ont besoin que nous fassions valoir. Or, en même temps, je pense que renforcer ou peut-être clarifier réellement la règle selon laquelle on ne peut pas faire indirectement ce que l'on ne peut pas faire directement serait un bon point de départ. Comme l'ont suggéré d'autres députés, il faudrait également créer un code de conduite clair pour les médias sociaux des députés et tout ce qui se fait en ligne.
     Le fait est que nous sommes tenus à des normes supérieures, comme il se doit. Nous devons nous assurer que ce que nous faisons respecte les usages parlementaires. Je pense qu'il y a toujours ce que l'on ressent instinctivement, lorsqu'on sait que ce que l'on a fait n'est pas acceptable au Parlement. Je sais qu'il m'est arrivé — et je l'admets — de supprimer des gazouillis qui me mettaient mal à l'aise après coup. Je pense que, premièrement, nous devons nous contrôler. Deuxièmement, si nous ne pouvons pas nous contrôler, nous devons clarifier le code de conduite des députés.
(1210)
     Avez-vous quelque chose à ajouter, madame Damoff?
    Rien d'autre. C'est bien, monsieur Erskine-Smith — par votre intermédiaire, monsieur le président. Veuillez m'excuser.
    Il vous reste environ deux minutes, monsieur Erskine-Smith.
     Merci.
     Cet endroit est un cirque dans les meilleures conditions et c'est peut-être pire lorsque les choses durent trop longtemps, lorsque nous n'avons pas eu de semaines de travail dans nos circonscriptions et que nous entrons dans le mois de juin et tout le reste.
    Regardez ce qui arrive au Président de la Chambre en ce moment. Il y a certaines règles sur lesquelles les gens s'appuient pour les transformer en un cirque encore plus grand. Ne craignez-vous pas que si l'on met en place une politique sur le harcèlement, elle ne devienne à son tour un outil procédural permettant à un député de s'en prendre à un autre député et de dire « vous avez dit ceci, et je vais dire qu'il s'agit de harcèlement », et que le tout devienne un cirque à part entière?
    C'est une bonne question.
    La Chambre compte 338 députés. Nous sommes tellement privilégiés d'être ici. L'exemple que nous donnons est déterminant pour chaque Canadien. Lorsque les Canadiens — et je suis inquiète pour les jeunes en particulier — voient ce qui se passe actuellement, je crains qu'ils ne se disent: « Ils sont aussi terribles les uns que les autres. Je ne veux rien savoir. » Quant à savoir si un code de conduite peut être utilisé pour s'en prendre à quelqu'un, je pense que nous devons réfléchir à la manière de procéder. On pourrait dire la même chose au sujet du harcèlement sexuel entre députés et nous avons réussi à faire quelque chose à cet égard. Je pense qu'il y a une façon de procéder qui fera en sorte que ce ne sera pas utilisé à mauvais escient.
     Je vous remercie. Honnêtement, ce que vous avez vécu toutes les deux.... Chaque député est confronté à cela à différents égards, mais je n'ai jamais vécu quelque chose de comparable à ce que vous avez vécu toutes les deux. Il est scandaleux que quelqu'un doive écouter et lire de telles choses et vivre ce que vous avez vécu. Je vous remercie d'être ici.
    Merci beaucoup, monsieur Erskine-Smith.
    Chers collègues, avant de poursuivre, je constate que nous avons pris un peu de retard sur l'horaire prévu. Je voudrais simplement encourager les députés à contacter les membres de leur personnel ou le bureau de leur whip au cas où ils auraient besoin de partir. Comme il nous reste encore un troisième groupe de témoins, nous allons probablement dépasser de 15 à 20 minutes le temps imparti aujourd'hui. Je voulais intervenir très rapidement pour que vous ayez un peu de temps pour régler la question.

[Français]

    Madame Gaudreau, vous avez la parole pour deux minutes et demie.
    Merci, monsieur le président. Je vais être brève.
    D'entrée de jeu, je vais prendre le temps de dire ce que j'ai à dire tranquillement. J'ose espérer que ce qui vient de se passer ici aujourd'hui, étant donné tout le courage, toute l'honnêteté et toute la franchise dont on a fait preuve, ne sera pas utilisé de manière néfaste pour donner lieu, dans une semaine, à une mobilisation partisane. Si tel est le cas, j'aurai compris que la situation est encore plus grave que je ne l'avais imaginé. J'espère que mes collègues liront les comptes rendus et que ceux qui sentent que le chapeau leur fait le porteront. Nous allons peut-être réussir à changer une petite chose aujourd'hui.
    Je sais que, tantôt, j'ai peut-être mal formulé ma question. Essentiellement, je voulais savoir jusqu'où va le harcèlement, dans nos gestes et dans notre attitude. La conclusion à laquelle j'en viens aujourd'hui, c'est que l'heure est grave et qu'il y a urgence d'agir.
    J'entends parler de la possibilité de former un sous-comité impartial. Certains vont faire du chemin en disant que cela reste partisan. S'il y a quelqu'un qui peut dire qu'il n'est pas en quête du pouvoir, effectivement, on pourra s'assurer d'avoir une neutralité, pour être exemplaire. Je pense que c'est un virage à 180 degrés que nous devons faire.
    En terminant, j'ai une seule question pour ma collègue Mme Damoff.
    Est-ce qu'on peut s'imaginer qu'un homme victime de harcèlement aurait pu faire ce que vous avez osé faire le 1er mai, devant l'incapacité de tout tolérer, c'est-à-dire donner sa démission?
(1215)

[Traduction]

    Vous me donnez en fait l'occasion de parler d'un exemple de deux poids, deux mesures dont j'ai été témoin.
     Lorsque j'ai soulevé la question au comité de l'éthique, on a dit que je m'offensais facilement, que j'étais hystérique et on m'a dit que c'était le prix à payer pour être une élue fédérale.
     Puis, au début du mois, un ancien député conservateur a témoigné et il a parlé du harcèlement qu'il avait subi en ligne. Ses collègues conservateurs l'ont qualifié de héros.
    Il est désolant de constater que l'on dit des femmes qui s'expriment — et je suis sûre que mon amie et collègue ici présente a vécu la même expérience — qu'elles dramatisent. Sean Fraser m'a dit qu'il n'était pas du tout confronté à ce que j'ai vécu en ligne depuis que j'ai été élue.
     Les femmes et les hommes ne sont pas traités de la même manière et réagissent différemment au type de commentaires et d'insultes que nous recevons.
     Merci.

[Français]

     Merci beaucoup du temps supplémentaire que vous m'avez accordé, monsieur le président.
    Merci, madame Gaudreau.

[Traduction]

    Madame Mathyssen, vous avez environ deux minutes et demie. La parole est à vous.
    Merci
    Il y a bien deux poids, deux mesures, et c'est intéressant.
     On me dit souvent qu'il faut avoir une bonne carapace pour travailler au Parlement, mais que c'est ce qu'on a voulu. Je suis sûre que nous nous entendons tous pour dire que vous n'avez pas voulu cela.
     Vous avez beaucoup parlé des répercussions sur les membres de votre personnel. Je sais que nous comptons beaucoup sur eux, qu'ils sont tellement importants pour notre travail et qu'ils sont incroyables. Je m'inquiète pour les membres de mon personnel et je suis préoccupée par l'aide qui est offerte par l'intermédiaire de l'administration.
    Avez-vous réfléchi à d'autres mesures de soutien que vous souhaiteriez voir mises en place pour votre personnel, qui est également confronté à cette situation en bonne partie?
     Je vous remercie de la question.
     Je ne pense pas que le travail de notre personnel soit suffisamment reconnu. Personne dans cette salle ne pourrait faire le travail qu'il fait sans le soutien de son personnel.
    J'ai envoyé mon exposé à une ancienne collaboratrice pour qu'elle le relise hier soir. Lorsqu'elle m'a répondu, elle m'a dit: « Merci de dire tout cela. J'ai ressenti de l'anxiété, même si je suis partie il y a un certain temps. »
    C'était traumatisant, et c'est toujours traumatisant pour le personnel, surtout lorsque les appels téléphoniques au bureau de circonscription se répètent.
     Je suis sûre que c'est la même chose à London.
    Comme le disait Mme Khalid, à la lecture des courriels, je ne pense que ces personnes ont suffisamment de soutien. Je pense que la Chambre des communes a fait beaucoup de choses et je sais qu'elle est consciente du problème. Elle a organisé une formation sur le désamorçage pour le personnel afin qu'il dispose, je l'espère, des outils nécessaires pour calmer le jeu lorsqu'on reçoit de tels appels, mais c'est assez intimidant.
    La plupart de nos employés sont des jeunes. C'est assez intimidant, surtout pour ceux qui sont en première ligne, dans la collectivité, d'être confronté à une telle situation à la porte du bureau ou au téléphone, parce que bien souvent, les personnes qui appellent le font à répétition. Elles gardent leur numéro de téléphone secret pour que l'on ne sache pas qui appelle.
    J'ai dit à mon personnel de ne pas répondre aux appels téléphoniques lorsque l'indicatif régional n'est pas le nôtre, parce que ce sont souvent des appels injurieux et que, bien franchement, si quelqu'un vit dans un secteur dont l'indicatif régional est différent, ce n'est probablement pas un électeur de ma circonscription. Si c'en est un, il peut laisser un message.
    Toutefois, je pense qu'on ne prête pas assez attention à notre personnel quant à ce qui se passe dans nos bureaux.
(1220)
    Puis‑je ajouter quelque chose très rapidement?
    Tout ce qu'a dit Mme Damoff est exact. J'ajouterais un petit quelque chose. Notre personnel n'est pas assez bien payé pour s'occuper des choses dont il s'occupe. Si vous pouviez nous aider à mieux rémunérer notre personnel, je pense que nous serions en mesure de mieux les soutenir.
    Merci beaucoup à tout le monde.
    Madame Ferreri, la parole est à vous pour cinq minutes.
    Je vous remercie de m'accueillir ici aujourd'hui. Merci à nos deux témoins.
    C'est certainement quelque chose que d'être une personne en politique et si l'on est, en plus, une femme en politique, c'est différent. Je vous remercie de vos témoignages.
    Je plaisante toujours. Imaginez que nous lancions quelque chose comme les Mean Tweets, de Jimmy Kimmel et que nous tous, en tant que députés, de tous les partis, lisions les gazouillis d'insultes à notre sujet.
    L'une des choses qui sont apparues, et ma collègue l'a expliqué de manière très éloquente, c'est la question de la différence entre les critiques légitimes et le harcèlement. Je pense qu'il y a beaucoup à dire à ce sujet parce que c'est notre travail, comme elle l'a mentionné, dans l'opposition, de veiller à ce que nous maintenions les choses. Les gens ont l'impression qu'on ne les écoute pas.
    Une question que je voudrais vous poser porte sur le fait que bon nombre des messages que vous avez lus, madame Damoff, étaient très choquants et provenaient du public, et non d'autres députés. Pensez-vous que les personnes qui écrivent ces messages se portent bien?
    Par votre intermédiaire, monsieur le président, je dirais que j'ai reçu ces messages à la suite de commentaires qu'un autre député avait faits. Ce n'était pas lié à quelque chose que j'avais fait. Ce n'était pas nécessairement lié à des politiques.
     Pour répondre à votre question, toutefois, j'ai constaté que la situation s'est considérablement aggravée depuis la pandémie. Je pense que beaucoup de gens ont des problèmes de santé mentale et ont du mal à faire face aux menaces, qu'il s'agisse de menaces pour leur santé ou leur sécurité, ou de ce qui se passe dans le monde.
    Je pense que bien des gens... Je tiens également à dire que la grande majorité des Canadiens sont de bonnes personnes qui ne traitent pas les autres de cette manière, mais c'est de plus en plus courant dans la société.
    Je pense que c'est le cas, et je pense qu'il y a une grande différence entre ce que les gens disent en ligne et ce qu'ils vous disent en personne. C'est très différent.
    Pour revenir à ce que vous avez dit, êtes-vous en train de dire que les messages que vous avez lus aujourd'hui étaient directement liés à des commentaires d'un député, ou s'agissait‑il simplement de messages qui vous étaient adressés au hasard?
    Écoutez, pendant près de neuf ans, j'ai reçu, en tant que députée, des milliers de messages tout simplement horribles. Cependant, dans la plupart des exemples que j'ai donnés, un député avait publié quelque chose, ce qui a ensuite entraîné un déluge de réactions liées directement à ce que cette personne avait publié.
     Merci.
    Je pense aussi que parfois, il est important de parler des politiques. Je pense que parfois, il y a des politiques qui font que les gens ont l'impression qu'on ne les écoute pas ou qu'ils sont invisibles. Je ne cherche pas à le justifier.
    Écoutez, je suis dans la même situation. J'ai également porté plainte contre des personnes qui avaient menacé de me tuer. Or, pour revenir à ce que vous disiez, si les gens ont le sentiment que l'on ne les écoute pas, je pense que c'est un élément important de l'équation. Mme Rempel Garner en a beaucoup parlé et j'aimerais faire cette recommandation.
    La chose la plus importante que l'on me dit, c'est que personne ne répond aux questions pendant la période de questions. Nous connaissons la pire situation d'insécurité alimentaire de l'histoire, nous avons des problèmes de logement, une crise de santé mentale, des taux de suicide en hausse et toutes ces choses. Je ne cherche pas à justifier le comportement haineux des gens, mais il y a toujours une raison pour laquelle quelqu'un fait ce qu'il fait.
     À plus grande échelle, nous élevons nos enfants et nous leur disons « si tu ne peux pas dire cela à quelqu'un en personne, ne le dis pas en ligne », et dans nos recommandations, je pense qu'il est bon de revenir à l'aspect criminel de la question.
     L'une des choses qui sont revenues souvent dans le cadre de mon travail est la Charte des droits des victimes. Beaucoup de gens pensent que les criminels ont plus de droits que les victimes dans notre pays. En 2020, le Bureau de l'ombudsman fédéral des victimes d'actes criminels a demandé un examen parlementaire de la Charte canadienne des droits des victimes en citant les quatre principaux problèmes à résoudre, mais cela n'a jamais été fait. Cela n'a jamais eu lieu.
    Je suppose que ma question comporte deux volets. Qu'en pensez-vous? Devrait‑on en faire un examen? Suggérez-vous quelque chose de ce genre également?
(1225)
    Je vous dirais qu'il y a quelques mois, le député Michael Barrett a fait une vidéo en direct sur Facebook dans laquelle il nous a traitées, ma collègue et moi, de corrompues, il a divulgué nos adresses électroniques, etc. Cela a entraîné toute une série de réactions haineuses à mon égard — des gens m'ont envoyé des messages sur les médias sociaux, etc. Cependant, une dame, qui s'appelle Peggy, a fait deux heures de route pour me rencontrer à mon bureau de circonscription. Elle était très contrariée et m'a demandé pourquoi j'étais une personne corrompue, pourquoi je paralysais les travaux en comité, pourquoi je ne permettais pas que des enquêtes soient menées et pourquoi je pensais qu'il était acceptable que nous fassions telle ou telle chose.
     Je me suis assise avec elle. Nous avons discuté pendant environ une demi-heure et elle m'a fait un gros câlin avant de partir. Selon moi, cela prouve vraiment une chose. Lorsque je parle de la politique de l'agitation, il s'agit de diffuser de l'information ou de s'exprimer de manière à semer l'agitation et à rendre les gens anxieux. Cela vient s'ajouter à ce qu'ils vivent au quotidien. Je pense donc qu'en tant que députés, nous avons la responsabilité de faire attention à la manière dont nous communiquons sur les médias sociaux.
     Excusez-moi. Juste pour clarifier les choses, pensez-vous que la Charte des droits des victimes doit être modifiée?
    À ce sujet, je dois rencontrer l'ombudsman des victimes d'actes criminels. Je l'ai déjà rencontré auparavant. Il m'a rappelé que la plupart des personnes qui sont en prison sont également des victimes de violence. Je pense donc qu'il est toujours bon d'examiner nos politiques, qu'il s'agisse de la Charte des droits des victimes ou de plusieurs autres choses, mais nous ne devons pas oublier... Si vous avez rencontré l'ombudsman, vous savez qu'il a une approche très équilibrée à l'égard des victimes.
    Merci beaucoup, madame Damoff.
    Madame Romanado, c'est vous qui aurez la dernière intervention pour ce groupe. Vous disposez de cinq minutes.
     Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je voulais revenir sur ce que vous avez dit, madame Damoff, au sujet du fait qu'il existe déjà un système, c'est‑à‑dire le code de conduite pour les députés, qui porte sur le harcèlement sexuel. Ce code de conduite prévoit un mécanisme. Ce ne sont pas les partis politiques qui interviennent. Ce sont littéralement des professionnels du bureau des ressources humaines qui s'occupent des plaintes, de la médiation, etc. Nous savons donc qu'un modèle existe déjà. À l'annexe A de la politique relative au harcèlement en milieu de travail, qui ne s'applique malheureusement pas au harcèlement entre députés, on donne des exemples de comportements qui peuvent être considérés comme du harcèlement.
     Diriez-vous qu'il serait assez facile pour nous non seulement de mettre en œuvre la politique sur le harcèlement entre députés, car nous disposons déjà d'un modèle dans le cadre duquel des plaintes peuvent être déposées, mais aussi de dresser une liste de comportements qui ne seraient pas acceptables? Je pense également qu'il serait utile — et j'aimerais connaître votre avis à ce sujet — de mettre en place un processus de médiation ou de réconciliation.
     Par exemple, si un député est pris pour cible en ligne par un autre député, cela déclenche indirectement du harcèlement. S'il existait un mécanisme qui permettrait d'inviter le député à rencontrer un professionnel, un agent de médiation, et qu'on lui disait que l'on n'est pas sûr qu'il se rende compte que ce qu'il fait cause beaucoup de tort et crée une masse de haine, etc.
     Il n'y a pas de mécanisme, et notre travail se caractérise déjà par la confrontation. Recommanderiez-vous que nous mettions en place des systèmes nous permettant de réunir nos collègues pour leur dire que tel comportement est inacceptable et que l'on a besoin de leur collaboration pour que cela s'arrête? Que recommanderiez-vous? Je parle non pas de la haine indirecte, mais de la façon dont nous pouvons éviter d'en arriver là.
    Je pense que le mécanisme que vous avez décrit serait utile. Je n'aime pas dire que quelque chose est facile à faire, mais oui. Je pense qu'il serait utile.
(1230)
    En ce qui concerne les répercussions sur les familles, ma famille regarde ma page et j'essaie d'y diffuser beaucoup de choses positives. Je ne fais pas d'attaques personnelles. Je me contente de diffuser beaucoup de choses positives. Cependant, lorsque je reçois des commentaires, mon père m'appelle et me dit: « Sherry, est‑ce qu'ils te connaissent au moins? Tu es une personne tellement gentille. Pourquoi des gens disent-ils cela de toi? »
     C'est très blessant pour nos familles lorsqu'elles voient cela. Des personnes viennent me voir pour me dire qu'elles ont vu certaines des choses que les gens écrivent et se demandent si les gens me connaissent. Elles disent que je suis quelqu'un de bien. Je ne pense pas que les gens se rendent compte que lorsque cela se produit, nos familles sont également touchées.
    Lorsqu'on se demande si l'on va se présenter à nouveau ou si l'on va continuer à faire ce que l'on fait, bien souvent, la famille se demande si l'on veut vraiment continuer à endurer cette situation. Elle a une incidence sur notre capacité à faire ce que nous faisons.
     Maintenant, je me retiens à la Chambre. Il y a des moments où j'ai envie de me lever et de poser une question et je me dis que je ne vais pas le faire parce que cela ne ferait qu'attiser la haine. Mon privilège m'est en fait retiré parce que je me retiens. Je décide à quelles parties du débat je vais participer parce que je ne veux pas provoquer la haine.
    Diriez-vous la même chose?
    Je regrette, mais je suis pas mal certaine que mon fils nous regarde en ce moment. Il a 34 ans. Ce n'est pas un enfant. Je sais que ce qui m'arrive ici le dérange beaucoup plus que moi. Cela a des répercussions sur lui et sur sa famille. Je m'inquiète pour la sécurité de notre famille. Je n'ai plus de jeunes enfants à la maison, mais je me fais du souci pour les députés qui ont de jeunes enfants et qui sont victimes de violence.
    En 2018, mon fils a dénoncé quelqu'un qui m'a attaqué en ligne dans le Oakville Beaver, notre journal local. Le journal n'existe plus, mais il y a eu un reportage sur l'intimidation des députés dans la sphère politique. Je sais que cela a d'énormes répercussions sur nos familles, et ce, quelle que soit l'allégeance politique.
    Cela influe également sur ce que nous faisons et ne faisons pas. En fait, j'ai envoyé mon discours à mon fils hier soir, puis je lui ai demandé de ne pas le lire à l'avance parce que je pensais qu'il serait préférable qu'il ne l'ait entendu qu'une seule fois. Je pense que c'est plus difficile pour nos familles que pour nous en tant qu'individus. Vous avez raison; cela a une incidence sur ce que nous faisons et ne faisons pas à la Chambre, selon ce qui pourrait se produire par la suite.
    Merci beaucoup, madame Damoff.
    Chers collègues, le temps réservé au deuxième groupe de témoins est échu.
    J'aimerais m'exprimer brièvement. Je regarde autour de la table et en ligne, et je tiens à remercier Mmes Rempel Garner, Ferreri, Mathyssen, Khalid, Damoff, Romanado et Gaudreau en particulier, car je comprends que la vie en politique, aussi difficile soit-elle, est certainement plus difficile pour les femmes. Nous avons entendu des exemples aujourd'hui grâce à vos témoignages courageux. Ce ne devait pas être facile, quelle que soit son allégeance politique. Je sais que nous les hommes sommes souvent ciblés par des attaques, sans pour autant être diminués en raison de notre sexe. C'est quelque chose qui est très propre à nos collègues femmes, et je...
    J'invoque le Règlement à ce sujet. J'aimerais simplement dire, pour le compte rendu, que je n'ai pas l'impression d'avoir été diminuée en raison de mon sexe. Je tiens à ce que cela figure au compte rendu.
    Merci.
    Bien sûr. Je suis désolé, madame Rempel Garner. Je voulais m'exprimer au nom des hommes.
     L'hon. Michelle Rempel Garner: Merci.
     Le président: Chers collègues, nous allons suspendre brièvement la séance, puis nous passerons à notre dernier groupe de témoins.
    Merci.
(1230)

(1240)
    Chers collègues, nous allons reprendre nos travaux.
    Je reconnais que nous avons dépassé le temps imparti. J'ai fait de mon mieux pour être juste envers tous les partis en ce qui concerne le temps de parole. Cela dit, je comprends qu'il peut être difficile, vu nos emplois du temps respectifs, de rester plus tard que prévu.
    Ce que je propose, et je regarde dans la salle pour m'assurer que tout le monde est d'accord, c'est que nous fassions une série de questions complète, et ensuite nous verrons où nous en sommes, compte tenu des responsabilités des députés.
    Bien entendu, il est toujours possible pour moi et certains membres du Comité de rester, tout en reconnaissant qu'il n'y aura pas de vote sur certaines procédures ou quoi que ce soit d'autre. Nous pourrons avoir un segment informel en poursuivant la réunion avec les témoins. Nous pourrons en discuter lorsque nous serons rendus là, mais je veux essayer de respecter l'emploi du temps de tout le monde.
    Commençons. Sentez-vous libres de venir me parler maintenant pour me dire ce que vous voulez faire.
    Sur ce, je souhaite la bienvenue au prochain groupe de témoins.
    Nous accueillons Julie Lalonde, formatrice, et Sabreena Delhon, directrice générale du Centre Samara pour la démocratie.
    Madame Lalonde, vous pourrez faire une déclaration préliminaire de cinq minutes, et ce sera ensuite le tour de Mme Delhon, qui aura elle aussi cinq minutes. Nous passerons ensuite aux questions.
    Allez‑y, madame Lalonde.
    Je suis ravie que le Centre Samara ait été ajouté à la liste. J'allais parler de son travail, qui est d'une importance critique.
    Je vous remercie de l'invitation.

[Français]

    Je m'appelle Julie S. Lalonde. Je travaille depuis plus de 20 ans pour mettre fin à la violence fondée sur le genre au Canada. J'ai travaillé directement avec des victimes et survivantes en tant qu'intervenante dans des centres de soutien. J'ai élaboré plusieurs politiques et procédures pour diverses organisations. De plus, je forme des milliers de Canadiens et de Canadiennes chaque année sur leurs responsabilités comme témoins pour créer des communautés de soutien. Je n'ai jamais fait partie du personnel de députés ni travaillé en politique de manière officielle, mais j'ai formé des députés, des employés et des stagiaires de tous les principaux partis politiques, à l'échelle provinciale et fédérale.

[Traduction]

    J'aimerais vous parler aujourd'hui des préoccupations qui ont souvent été exprimées par le personnel et les stagiaires au fil des ans dans le cadre de nos formations.
    La principale préoccupation concerne la définition des enjeux véritables. J'ai observé la réunion de mardi et j'étais présente ce matin, et je constate que la conversation se poursuit ici.
    Si je vous disais: « La solution au harcèlement est orange », nous pourrions tous hocher la tête et dire « Parfait, cela semble être un plan formidable », et partir d'ici prêts à nous attaquer au problème. Or, le problème, c'est que la moitié d'entre vous penserait au fruit et l'autre moitié à la couleur, mais vous seriez tous convaincus d'être sur la bonne voie et d'être sur la même voie.
    En lisant la politique et le code de conduite et en écoutant les délibérations des réunions précédentes du Comité, comme je l'ai dit, il semble y avoir beaucoup de confusion au sujet de ce qui constitue exactement du harcèlement et de ce qu'il faut faire si cela vous arrive ou si cela arrive à quelqu'un avec qui vous travaillez. Cela m'amène à la deuxième préoccupation que j'entends souvent, surtout de la part des membres du personnel et des stagiaires, qui se demandent ce qu'il faut faire.
    Il existe encore beaucoup de confusion quant à savoir à qui exactement on doit signaler le harcèlement, à quoi ressemble la confidentialité dans ce processus, à quoi ressemble la reddition de comptes dans ce processus, etc. La connaissance est le pouvoir, et nous ne pouvons pas nous attendre à ce que les gens se manifestent en tant que victimes de harcèlement ou en tant que témoins, s'ils ne savent pas ce qui se passe par la suite. Par ailleurs, je soulignerai plusieurs fois l'importance des témoins aujourd'hui.
    La Chambre des communes a besoin de ce qu'on appelle une politique « chaque porte à laquelle on cogne est la bonne », qui encourage les gens à communiquer avec toute personne en qui ils ont confiance pour savoir comment gérer un sentiment d'insécurité ou une préoccupation.
    Enfin, j'ai entendu beaucoup de frustration de la part des députés, employés et stagiaires parce qu'on ne reconnaît toujours pas les réalités du XXI e siècle, et cela a été mentionné à plusieurs reprises. Ce qui arrive en ligne est important. Si vous deviez faire des opérations bancaires à un endroit et il est impossible de les faire en ligne, vous seriez furieux. Il est naïf de prétendre que ce qui se passe sur Internet n'est pas réel en 2024.
    Les attaques collectives coordonnées, qu'elles soient menées par des robots ou des particuliers, ont une incidence sur la capacité d'une personne à faire son travail. Les personnes qui sont en première ligne de la gestion des médias sociaux, comme on l'a mentionné plus tôt aujourd'hui, celles qui répondent aux courriels et aux appels téléphoniques et qui sont derrière vos comptes Twitter et Facebook, doivent être protégées et soutenues dans leurs rôles difficiles.
    Le travail des députés et de leurs employés exige également une grande mobilité et varie souvent d'un jour à l'autre. Il faut donc que les politiques et procédures précisent que tout harcèlement est inacceptable, qu'il se produise à la Chambre, au bureau ou lors d'un barbecue communautaire. Nous vivons à une époque de plus en plus instable, et cela doit se refléter dans vos politiques et dans votre travail ici.
    Enfin, je suis heureuse de parler des pratiques exemplaires en matière de prévention de la violence et de changement de culture, mon domaine d'expertise, mais surtout, je tiens à souligner l'urgence de bien faire les choses. Nous avons tous droit à un milieu de travail sûr et équitable, mais les députés donnent aussi l'exemple aux Canadiens. Le fait de bien faire les choses ici envoie le message que la civilité est importante, que nous pouvons être en désaccord les uns avec les autres sans nous livrer à des attaques personnelles et que les conflits peuvent être résolus de manière à ce que tout le monde puisse avancer. Créer une Chambre des communes plus sûre signifie créer une Chambre des communes plus démocratique. Nous serons alors tous gagnants.
(1245)

[Français]

     Merci.

[Traduction]

    Merci beaucoup, madame Lalonde.
    Madame Delhon, vous avez cinq minutes pour faire votre déclaration.
    Merci, monsieur le président. C'est un plaisir de m'adresser au Comité aujourd'hui.
    Je m'appelle Sabreena Delhon et je suis la directrice générale du Centre Samara pour la démocratie, un organisme de bienfaisance non partisan qui se consacre à rendre la culture démocratique du Canada plus accessible, plus réceptive et plus inclusive.
    Nous étudions l'expérience vécue par les élus depuis plus de 15 ans dans le cadre de notre projet d'entrevues de départ des députés, qui a donné lieu à plusieurs publications et deux balados. Ce matériel est une ressource clé pour les politiciens en herbe. Il est utilisé par les éducateurs des écoles secondaires et postsecondaires de tout le pays pour enseigner la citoyenneté active, et il a reçu une grande couverture médiatique. Plus de 160 entrevues de départ ont été menées auprès d'anciens députés depuis 2008. Aujourd'hui, je m'appuierai sur notre série d'entrevues effectuées auprès de la plus récente cohorte pour orienter les changements potentiels à la politique de prévention du harcèlement et de la violence en milieu de travail.
    Au cours des entrevues, d'anciens députés de tous les partis ont dit craindre que leurs conditions de travail créent des obstacles importants à la création d'un Parlement représentatif de la société canadienne. Ils demandent une modernisation sous la forme d'une plus grande souplesse, de politiques plus rigoureuses en matière de ressources humaines et de protocoles formels pour prévenir le harcèlement. Les personnes que nous avons interrogées estiment que ces changements sont essentiels pour attirer et retenir les parlementaires. C'était le leitmotiv de ce groupe, plus que pour les cohortes précédentes. Les députés ont fait part à maintes reprises de leurs préoccupations selon lesquelles le fait de ne pas améliorer le Parlement en tant que lieu de travail minerait la confiance des Canadiens à l'égard de cette institution.
    La voie à suivre ne passe pas uniquement par les politiques, mais par la création d'une culture saine qui peut renverser la vapeur de la tendance, à savoir la normalisation d'un environnement de plus en plus hostile à la fois en et hors ligne.
    Pour ce faire, il faut se poser les questions suivantes. Comment récompenser un bon comportement? Comment incite‑t‑on les partis à contribuer à la civilité et à la collégialité? Quelles autres limites saines peut-on mettre en place pour favoriser des conditions de travail plus productives?
    Je vais maintenant passer à des commentaires précis sur les conditions de travail des anciens députés. Les commentaires racistes ont été identifiés par les personnes interviewées comme un risque important lorsqu'elles siégeaient à la Chambre des communes. Ce problème a été aggravé par l'absence de mécanismes permettant de réagir, ce qui a créé un sentiment d'aliénation.
    En ce qui concerne l'équité entre les sexes, le harcèlement des jeunes députées a été soulevé comme une préoccupation par un certain nombre de nos personnes interviewées, hommes et femmes. Certaines personnes interviewées ont parlé des effets négatifs du harcèlement ou de l'intimidation pendant la période des questions, qui étaient liés au harcèlement plus général et au musellement des femmes et des groupes sous-représentés dans l'arène politique.
    L'effet du harcèlement en ligne des députés était aussi un thème récurrent. Les personnes interviewées nous ont expliqué à quel point le harcèlement avait eu des répercussions sur leur santé mentale et sur leur famille. Il s'agit d'une préoccupation particulière pour les personnes issues de communautés minoritaires qui sont la cible d'un volume élevé de violences en ligne.
    Récemment, nous avons vu de nombreux politiciens de tous les ordres de gouvernement quitter l'arène politique en raison de la haine et du harcèlement qui ont fini par pourrir leur travail. Il ne s'agit pas seulement d'avoir la couenne dure ou d'être plus résilient. Lors de nos entrevues, les femmes à qui nous avons parlé ont souvent mentionné avoir reçu des menaces de mort et avoir eu de la difficulté à obtenir la sécurité dont elles avaient besoin.
    Si des conditions de travail plus sécuritaires ne sont pas mises en place, les dirigeants dont nous avons besoin, les dirigeants qui reflètent la diversité des collectivités du Canada, ne resteront pas, ou ils cesseront tout simplement de se manifester. Le contexte que j'ai décrit ici est lourd de conséquences pour le personnel et a un effet paralysant sur la mobilisation du public. On éloigne les gens de l'engagement démocratique au lieu de les y attirer.
    Aucune des personnes interviewées ne regrette d'avoir consacré des années au service public, et elles partagent leurs histoires avec nous pour aider à faire évoluer la vie au Parlement. En cette période marquée par le recul de la démocratie à l'échelle mondiale, il n'a jamais été aussi urgent d'établir des conditions saines d'engagement civique.
    Nous sommes prêts à travailler en partenariat pour favoriser un milieu de travail plus sûr et plus inclusif, si le Comité estime que nous avons un rôle à jouer.
    Merci.
(1250)
    Merci beaucoup pour votre déclaration, madame Delhon.
    Madame Rempel Garner,c'est vous qui allez ouvrir le bal. Vous avez six minutes.
    Je pense que ce que nous devrions essayer de faire, c'est de formuler des recommandations qui opèrent des changements. L'une des frustrations que j'ai eues au cours de ma longue carrière, c'était le sempiternel thème des entrevues: que pensez-vous d'être une femme en politique, et ainsi de suite? Je n'ai pas encore eu d'entrevue pour proposer des changements en profondeur qui régleraient certains problèmes. J'ai donc des recommandations.
    Il y a environ deux semaines, la CBC a rapporté que la GRC recommandait des mesures plus rigoureuses pour protéger les députés contre le harcèlement et les violences en ligne. Ma réaction a été la suivante: si vous ne pouvez pas me protéger, comment pouvez-vous protéger les autres femmes canadiennes? Nous savons que le harcèlement en ligne est un comportement qui dégénère en violence physique. Le corollaire, c'est l'anxiété, un manque de productivité, des répercussions sur la famille et ainsi de suite. Je me concentrerai sur des recommandations sur les moyens de prévenir cela en général.
    J'aimerais que le Comité examine trois recommandations. La première est que l'échappatoire, la zone grise des lois canadiennes actuelles sur la distribution d'images intimes, qui n'inclut pas explicitement les hypertrucages, soit éliminée et que le libellé soit ajouté au Code criminel, en particulier avant les prochaines élections fédérales.
    Êtes-vous toutes les deux d'accord avec cette recommandation?
    Absolument. Je suis tout à fait d'accord.
     Mme Sabreena Delhon: Oui.
    Ma prochaine recommandation concerne deux lacunes. Tout d'abord, ce type de harcèlement provient souvent de sources anonymes. Je ne parle pas d'un seul gazouillis méchant qui s'oppose à une position stratégique ou même qui me traite de tous les noms. C'est plutôt le harcèlement répétitif de la part de la même personne. Souvent, comme l'a mentionné l'un des témoins précédents, il arrivera un moment dans la vie de toutes les femmes, et pas seulement des députées, où les forces de l'ordre diront: « Eh bien, nous ne savons pas ce que nous pouvons faire à ce sujet. » Pour revenir au point soulevé par Mme Lalonde, il est très difficile de savoir qui il faut appeler lorsqu'on est harcelé par quelqu'un en ligne.
    J'aimerais recommander que dans les cas de harcèlement répété et manifeste, moyennant une définition de ce qui constitue du harcèlement criminel, un juge peut ordonner aux entreprises de médias sociaux de fournir l'identité d'une personne afin que justice soit faite. Est‑ce quelque chose que vous recommanderiez?
    Je le recommande absolument en tant que membre de la société civile qui ne peut pas parler en public sans un agent de sécurité en raison du nombre de menaces de mort que je reçois pour mon travail visant à mettre fin à la violence contre les femmes au Canada. J'ai vu de rares occasions où des gens ont fait l'objet d'une procédure criminelle pour leur comportement, mais pour revenir à ce que vous disiez, je suis tout à fait d'accord pour dire que si un député ne peut pas obtenir justice pour quelqu'un qui les harcèle à répétition, comment pouvons-nous nous attendre à ce que justice soit faite dans le cas d'une mère célibataire de 25 ans harcelée par un partenaire intime qui utilise de faux pseudonymes en ligne?
    Il faut absolument un mécanisme plus solide. À mon avis, cela fait partie de la conversation plus élargie: les plateformes de médias sociaux sont une industrie et elles doivent être réglementées. Le fait que je ne puisse pas voir les nouvelles sur Instagram et Facebook me dit que le gouvernement a tenté de réglementer ces industries, mais qu'il n'a fait aucun progrès en ce qui concerne le sujet précis dont nous parlons aujourd'hui.
(1255)
    Je pense à des solutions faciles que le gouvernement pourrait mettre en œuvre rapidement. Je sais que le Parlement est saisi d'un projet de loi qui a fait l'objet d'un examen très controversé. Il s'agit de mettre en place une très lourde bureaucratie, ce qui prendrait des années. Le débat n'a pas encore commencé au Parlement. Je vais me concentrer sur ce que nous pourrions faire très rapidement aux termes du Code criminel actuel pour que justice soit faite. C'est la deuxième chose que je voulais dire.
    Je vais passer à Mme Delhon dans un instant, mais je veux mentionner ma dernière recommandation. Disons que la démarche porte fruit et que nous avons un outil qui permet, si un comportement en ligne avait atteint un certain seuil, d'ordonner aux plateformes de médias sociaux de divulguer l'identité du harceleur. Je ne parle pas de liberté, mais de harcèlement.
    Ensuite, il faut se demander ce qu'il faut faire à ce sujet. Dans ces scénarios, il arrive souvent que l'identité soit révélée. Les gens savent peut-être ce qui se passe, mais il y a une zone grise quant à savoir si la personne peut continuer ou non de communiquer avec vous. Souvent, un compte peut être fermé, mais un autre surgit. Il est très facile de créer une adresse courriel différente. Il est difficile de bloquer des gens qui font constamment du harcèlement.
    Dans ce scénario, lorsqu'un seuil de comportement est atteint, tel que déterminé par un tribunal, recommanderiez-vous qu'un juge puisse émettre une ordonnance de non-communication en ligne, qui devra être définie en termes légaux et qui empêcherait une personne, presque à perpétuité si le juge l'estime nécessaire, de contacter quelqu'un par quelque moyen que ce soit en ligne afin que le comportement cesse? Ce serait un outil pour empêcher le comportement de dégénérer en violence.
    Est‑ce que l'un d'entre vous le recommanderait?
    Mesdames, je suis désolé de vous bousculer, mais je vous signale qu'il vous reste environ 30 secondes pour répondre.
    Merci.
    Je dirais que oui, nous devrions imposer des conditions aux personnes qui menacent la vie des gens. Cela ne devrait pas être controversé.
    Madame Delhon.
    Je suis d'accord, et j'ajouterais qu'il doit y avoir un volet d'éducation du public, car les gens ne savent pas à qui ils doivent s'adresser pour obtenir un recours, que ce soit à la plateforme elle-même ou à la police.
    Il faudrait également éduquer les juges afin qu'ils aient le niveau approprié de littératie numérique pour naviguer dans ce domaine.
    Nous voulons également que les plateformes technologiques aient de meilleures pratiques de modération du contenu, pour que ce ne soit pas un problème en premier lieu et aussi pour réduire le nombre de fois qu'une personne peut être anonyme en ligne.
    Merci beaucoup.
    Madame Damoff, vous avez la parole pour six minutes.
    Merci.
    Je tiens à remercier les deux témoins de leur travail.
    Madame Lalonde, j'ai lu votre livre, je suis ce que vous publiez en ligne et mon personnel et moi avons suivi votre formation destinée aux témoins. Vous faites un travail extraordinaire et vous le faites malgré les menaces et le harcèlement. Je tiens à vous remercier personnellement.
    La mairesse de Burlington, en Ontario, Marianne Meed Ward, a réuni toutes les femmes élues dans la région de Halton. Elle fait ce travail depuis quelques années. Après que j'ai annoncé que je ne me représentais pas aux élections, elle a rédigé un manifeste qui a été signé, je crois, par 21 ou 22 femmes de la région de Halton. Je veux simplement la lire.
    On peut y lire ceci:
... nous, les femmes de H.E.R. (Halton Elected Representatives):
1. Joignez-vous les uns aux autres et dénoncez la violence et le harcèlement lorsque nous en sommes témoins ou que nous en sommes victimes.
2. Demandez à tous nos alliés de se joindre à nous pour soutenir les femmes en poste et dénoncer toutes les formes de mauvais traitements et de harcèlement.
3. Demandez à tous les élus de respecter les normes de conduite les plus élevées, en se concentrant sur le débat respectueux des questions et non sur les attaques personnelles.
4. Demandez aux autorités compétentes d'assurer la protection des personnes qui dénoncent les violences et qui en sont victimes, en leur fournissant le soutien et les ressources nécessaires.
    Madame Lalonde, je vais commencer par vous parce que je pense que cela touche un peu le type de formation que vous offrez aux témoins.
    Souvent, en tant que députés, nous ne dénonçons pas les auteurs de violences dans la sphère publique. Je me demande si vous pouvez nous dire ce que vous pensez de cet engagement et si vous pensez qu'il serait utile. Je céderai ensuite la parole à Mme Delhon.
    Oui, je pense que ce serait certainement utile. Tout le monde doit mettre la main à la pâte. On ne peut pas présumer qu'il y a une sorte de solution miracle qui va tout régler. Ce sera une approche à plusieurs volets.
    Je pense que cela augure très bien lorsque ces questions reçoivent l'appui de tous les partis. Le fait de dénoncer la façon dont un autre député a été traité, qu'il soit ou non membre de votre équipe, montre que le civisme est important et que le respect est mutuel.
    Pour revenir à ce que l'on disait précédemment, je sais que derrière les caméras, certains vont dîner et bavardent. Il est important que vous interagissiez ainsi les uns avec les autres, mais en le faisant de manière plus ouverte et publique et en normalisant ce genre de comportement dans les faits, on facilite les choses pour les témoins.
    Je pense que cela montre que ce n'est pas une question de partisanerie. C'est essentiellement une affaire de civisme et de sécurité. Oui, nous savons que les femmes et les personnes de couleur sont principalement ciblées en politique, mais les échanges vitrioliques sont tels que personne ne veut vraiment se joindre à ce club. Je dois vous dire que votre travail n'a absolument rien d'attirant de l'extérieur.
    C'est un problème pour la démocratie, et je vois beaucoup de positif à ce que les partis unissent leurs voix pour dénoncer de telles choses, même si cela peut sembler symbolique au départ. Je souhaiterais qu'on le fasse davantage.
    Je vais céder la parole à Mme Delhon.
(1300)
    Nos entrevues de fin de mandat nous ont appris que les députés ont un esprit de collégialité. Vous êtes amis, vous dînez ensemble et vous discutez en groupe. Les gens aimeraient en savoir beaucoup plus sur cette facette de vos interactions.
    Les engagements comme celui que vous avez évoqué, madame Damoff, sont certainement utiles, mais je ne pense pas qu'il soit toujours nécessaire de procéder à une déstratification ou à une segmentation de l'expérience en fonction de la race ou du sexe. Cela peut nous aider à établir une base de référence pour apporter des améliorations ou à situer les choses dans leur contexte, mais je pense que nous voulons voir, et que la population veut voir, tous les députés faire montre de collégialité et de civisme les uns envers les autres.
    Il n'incombe pas seulement à ceux qui subissent les pires abus de se défendre et de se protéger les uns les autres. Tout le monde a un rôle à jouer pour créer le genre d’espace de travail productif et collégial qui, nous le savons, peut exister, qui existe souvent et qui doit être plus visible pour le public.
    J'ai oublié de régler mon chronomètre, monsieur le président. Combien de temps me reste-t-il?
    C'est à cela que je sers. Il vous reste une minute et demie.
    D'accord, merci.
    Pour répondre à votre question, je pense que c'est en grande partie ce que nous avons été à même d'observer lorsque Karen Vecchio a été démise de ses fonctions de présidente du comité de la condition féminine. Nous avons alors vu des députées de tous les partis — ainsi que des citoyens, il faut bien le dire — vanter son bon travail. Comme c'est une situation plutôt rare, je prends bonne note de votre remarque à ce sujet.
    Pensez-vous qu'en notre qualité de députés, nous avons la responsabilité de donner l'exemple à la population? Une partie de ce discours va se tenir de toute façon, mais n'avons-nous pas la responsabilité de montrer la voie à suivre?
    Absolument.
    Voulez-vous que je réponde à cette question?
    Je vous en prie.
    La réponse est oui.
    Je ne veux pas vous presser, madame Delhon, mais je vous demanderais d'être aussi concise que possible. Merci.
    Oui, nous devons voir les députés adopter des comportements pouvant servir de modèles. À l'heure actuelle, les enseignants sont gênés d'amener leurs élèves à la période des questions parce qu'ils ne veulent pas les exposer à de tels comportements. Personne ne veut cela. Ce n'est pas le genre d'environnement dans lequel nous voulons que notre démocratie fonctionne. Il y a donc effectivement un rôle à jouer pour montrer la façon dont on doit se comporter en ligne et hors ligne.
    Merci beaucoup.

[Français]

    Madame Gaudreau, vous avez la parole pour six minutes.
     Merci, monsieur le président.
    Au cours de la dernière heure, nous avons assisté à un acte de courage. Je ne sais pas si vous avez entendu l'ensemble des propos. On nous a donné des exemples de violence verbale misogyne.
    J'aimerais poser la question suivante à Mme Lalonde.
    Pourriez-vous nous faire part de votre point de vue sur la libération de la parole misogyne qu'on vit actuellement?
    Parlez-vous de notre liberté de parler de la misogynie?
     Non. En fait, la libération s'est transformée. Il y a des décennies, c'était quelque chose d'inacceptable. Aujourd'hui, on est ailleurs, dans la mesure où afficher qu'on est misogyne peut contribuer à une quête de pouvoir, et on le démontre.
    Comme on l'a mentionné ce matin, quand nous, les femmes, parlons de situations où nous avons subi du harcèlement, on nous dit dans certains cas que ce n'est pas vrai. On nous dit souvent que nous devons nous endurcir et trouver une façon d'y faire face. On nous dit que, si nous n'avons pas la capacité, la confiance et la résistance nécessaires, ce travail n'est pas pour nous. Par contre, quand des hommes parlent de leurs crises de santé mentale, les gens louent leur courage et leur bravoure.
    Cela aussi fait partie du problème. Non seulement nous, en tant que femmes, sommes plus souvent la cible de harcèlement, mais nous avons aussi perdu le droit d'en parler librement, sans qu'on nous dise que ce n'est pas vrai ou que nous sommes simplement trop faibles pour faire ce travail. C'est une grande partie du problème.
    Ce qui arrive souvent, c'est que les femmes décident de ne pas s'identifier au double rôle de députée et de femme, mais elles veulent qu'on les associe uniquement à leur rôle de députée. Je comprends, mais je leur dis que, devant la misogynie, elles ne doivent quand même pas oublier qu'elles sont aussi des femmes.
    Même notre liberté d'en parler est vraiment compromise, en ce moment, et cela me préoccupe énormément. Il est question ici de notre liberté de nous exprimer. Souvent, quand nous parlons de mettre fin au harcèlement, les gens se demandent ce qu'il va advenir de la liberté d'expression. Oui, mais qu'en est-il de ma propre liberté d'expression, présentement, si je ne peux pas parler de féminisme en public sans la présence d'un agent de sécurité? Qu'est-ce que ça vous dit, ça?
(1305)
    Oui. Je vous remercie.
    Ma prochaine question s'adresse à Mme Delhon.
    Je constate que vous vous intéressez de près à la politique. Qu'est-ce qui fait que ce climat est toléré, voire accepté, selon vous? Certains citoyens nous demandent de changer de comportement et d'être civilisés, alors que d'autres nous encouragent fortement à fesser dans le tas.
    À quoi est-ce dû?

[Traduction]

    L'une des causes principales est l'influence exercée par la technologie sur notre démocratie, en particulier au cours de la dernière décennie. Nous avons vu les plateformes de médias sociaux mettre au point des systèmes de recommandation qui donnent la préséance aux contenus controversés et toxiques, en puisant surtout dans le vécu des élus, des journalistes et des autres personnes que l'on pourrait qualifier d'« agents de la démocratie ». Ces gens‑là se font attaquer en ligne, et ce contenu est en fin de compte visionné bien davantage que toutes les histoires positives sur l'engagement civique dans nos collectivités.
    Nous avons également constaté que le journalisme local perd du terrain. Les salles de nouvelles locales ont été désertées au fil des dernières années, ce qui contribue aussi à changer la proportion des contenus diffusés. Ainsi, le contenu préjudiciable occupe une place disproportionnée par rapport aux normes que nous nous sommes données, et toute cette attention ne fait qu'alimenter le sentiment de tension et d'anxiété que nous éprouvons en ce moment et qui déforme notre sens des valeurs démocratiques.

[Français]

    Merci beaucoup.
    Madame Lalonde, j'aimerais savoir ce que vous pensez des effets de certains comportements non verbaux. Tout à l'heure, je donnais l'exemple d'une attitude méprisante, qui s'exerce souvent de manière discrète. Je pense aussi au fait de regarder son téléphone quand quelqu'un d'autre parle, de faire semblant qu'on n'écoute pas, ou carrément de ne pas écouter. Bref, je parle de tous ces comportements que nous pouvons constater au quotidien, et je dirais même que nous pouvons en observer présentement.
    Selon vous, est-ce que cela compte dans le harcèlement?
     Oui, absolument.
    Le langage corporel a un effet sur le plan de l'intimidation, par exemple. Ce n'est pas juste un manque de respect qui se traduit par des exemples comme ceux que vous avez donnés, comme le fait d'utiliser son téléphone quand quelqu'un a la parole, de parler à quelqu'un d'autre à côté de soi et de ne pas prêter attention. Il peut aussi s'agir de rouler des yeux ou de croiser les bras en regardant quelqu'un.
    Cela ne revient pas à dire que nous sommes des faibles. Il faut reconnaître ces choses. Nous ne sommes pas stupides, non plus. Nous savons ce qu'est l'intimidation. Certaines personnes veulent se donner bonne impression en affirmant qu'elles n'ont rien dit. Pourtant, c'est évident qu'elles ont fait quelque chose: elles ont voulu communiquer quelque chose en manquant de respect ou en faisant preuve d'impatience, par exemple.
    Nous ne sommes pas ici pour dire aux gens qu'ils ne doivent plus bouger les bras. Moi, je suis francophone, alors je parle avec mes mains, manifestement. Soyons réalistes. Nous sommes des adultes et nous devons être réalistes. Quand il est question de manque de respect, nous savons en quoi cela consiste. Cependant, on n'a pas le courage de mettre son pied à terre et de dire que c'est assez. Tant qu'on n'en arrivera pas là, rien ne va changer et on va tourner en rond. Honnêtement, je pense qu'on n'a pas le courage de vraiment finir cette discussion.
    J'espère que vous nous apporterez du courage et que le message va finir par être entendu.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
     Merci, madame Lalonde et madame Gaudreau.
(1310)

[Traduction]

    Madame Mathyssen, vous avez la parole pour une période de six minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Je remercie les deux témoins d'être des nôtres pour cette importante étude.
    Nous parlons beaucoup des règles et des outils que nous devons mettre en place. Je pense qu'il est très clair que c'est important. Mais ce qui me frustre un peu, c'est que cela semble plutôt réactif. J'aimerais parler des mesures proactives.
    Je ne peux pas l'affirmer, mais je me suis certes demandé si ce n'était qu'une question de pression exercée par les pairs. Il y a eu précédemment des échanges avec Mme Damoff concernant cette mentalité de spectateur passif. Pourriez-vous tous les deux nous en dire plus sur ce que nous devons faire d'autre pour améliorer les choses dans notre rôle de députés? Il y a bien sûr nos propres comportements que nous devons ajuster, mais que pourrait‑on faire de plus?
    Je dirais que la formation sur l'intervention des témoins devrait être obligatoire. Il faut que ce soit généralisé. Je travaille dans le cadre d'un programme offrant cette formation à des enfants de 3 à 10 ans. C'est une compétence fondamentale. C'est comme pratiquer les manœuvres de réanimation cardiorespiratoire. C'est comme la naloxone. C'est une compétence essentielle pour venir en aide à une personne en détresse.
    J'aimerais revenir sur quelque chose qui a été dit plus tôt ce matin. Les gens ne vont pas bien. Si vous prenez le transport en commun, vous pouvez voir que les gens ne se portent pas très bien. Si vous attendez trop longtemps dans un service à l'auto, les conducteurs sortent de leurs gonds plus vite que jamais auparavant. Les stratégies d'intervention des témoins sont des compétences fondamentales que nous devons uniformiser dans tous les contextes, et notamment au chapitre des interactions à la Chambre des communes entre députés, membres du personnel et stagiaires. Cela exige forcément un changement de culture. Il n'incombe pas à la personne qui a été ciblée d'être la seule à soulever la question. Chaque témoin doit se dire: « J'étais là. J'ai tout vu. Je vais dénoncer la situation en mettant la partisanerie de côté, car il est en définitive bénéfique pour tout le monde que l'on mette un terme à des agissements de la sorte. »
    En revenant au point soulevé plus tôt par Mme Rempel Garner, j'ajouterais, même si cela peut sembler réactif, que nous devons également revoir la définition du harcèlement dans le Code criminel. La mofidication de cette définition serait aussi l'occasion de sensibiliser les gens. Le harcèlement criminel, ou traque furtive, n'est illégal au Canada que depuis 1993. L'organisation que j'ai mise sur pied en janvier est la première dans l'histoire du Canada à se concentrer sur cette forme de harcèlement où la victime se sent constamment traquée.
    Il n'y a personne pour parler de la forme que cela peut prendre et pour nous aider à entrer dans les détails. C'est une occasion qui s'offre à vous. Une modification au Code criminel serait peut-être effectivement réactive, mais elle permettrait de sensibiliser les gens. Il n'est pas question ici d'individus qui peuvent nous déranger sur Internet. Nous parlons plutôt de gens qui mettent notre vie en péril et qui nous empêchent de faire notre travail. Par définition, la sensibilisation du public contribue aussi à la prévention. À mon avis, la dénonciation par les témoins et la redéfinition du harcèlement criminel sont les deux éléments qui doivent primer.
    Comme il s'agit d'un régime fondé sur l'autodiscipline, il y a des situations exigeant que l'on se montre réactif en agissant très rapidement dans le cadre d'une vision à court terme. Mais un tel environnement ne doit pas nous empêcher de marquer une pause pour bien réfléchir au genre de culture que l'on souhaite instaurer. En cette période de recul démocratique, le Canada a l'occasion d'agir en véritable chef de file. Nous pouvons ainsi prendre les devants sur la scène mondiale et établir de nouvelles normes. Les enjeux sont très élevés.
    Nos entrevues de fin de mandat nous ont permis d'entendre des recommandations simples et plutôt usuelles quant aux changements qui pourraient être apportés. Il faut faire le nécessaire d'entrée de jeu en intégrant au processus d'accueil cette formation et ces différentes composantes touchant la culture à mettre en place, et en établissant dès cette étape le code de conduite et les normes à respecter. Ensuite, il faut jumeler les nouveaux députés à ceux qui ont plus d'expérience. Il faut surtout s'assurer de garder accessibles tout au long du processus les perspectives et les possibilités qu'offrent les comportements non partisans.
    Je crois que c'est ce que faisait notre caucus à une certaine époque, mais c'est l'une des nombreuses choses qui ont été perdues pendant la pandémie et des suites de la COVID. C'est un point important.
    Mme Gaudreau a abordé la question, mais j'aimerais l'explorer plus à fond. Les deux députées qui ont témoigné avant vous nous ont donné des exemples des formes extrêmes que peut prendre le harcèlement, notamment par le biais de la violence verbale, et des conséquences graves qu'il peut avoir.
    Cependant, il y a aussi des microagressions. Pouvez-vous tous les deux nous parler de ce que vous avez constaté à cet égard, nous donner des exemples et nous dire comment nous pourrions mieux gérer le tout?
    Je peux certes répondre à cette question.
    Lors de nos entrevues de fin de mandat, nous avons parlé à des gens qui n'étaient plus en poste, et qui pouvaient donc se montrer très ouverts et avoir un certain recul leur permettant de réfléchir à ce qu'ils avaient vécu. Il n'était pas rare que l'on s'étonne d'avoir tant de choses à nous dire en constatant que personne n'avait jamais posé ces questions auparavant. Ces gens‑là ont ainsi pu tout déballer en nous parlant des diverses façons dont ils avaient pu se sentir blessés, diminués ou attaqués.
    Ce sont souvent les femmes qui minimisent l'ampleur de la violence et de l'irrespect dont elles ont été victimes. Il y a donc une forte tendance à cloisonner les enjeux. Leurs collègues masculins sont également touchés du fait qu'ils sont témoins de ces comportements et qu'ils partagent cette expérience avec des collègues qui leur tiennent à cœur.
    Si l'on pense au mieux-être à long terme, il faut considérer que bien des portes peuvent être fermées à la fin d'une carrière politique. Pour amorcer le processus de guérison et de rétablissement, on doit bien gérer la disparition du cloisonnement qui était nécessaire pour accomplir ce travail. C'est une considération clé en matière de santé mentale et de bien-être. C'est une question d'intérêt public. Comment prenons-nous soin de nos fonctionnaires une fois qu'ils ont fini de nous servir? Il y a donc aussi une obligation de diligence à prendre en considération.
    Nous ne parlons pas seulement de ce qui se passe au travail. Les campagnes électorales sont également difficiles, surtout dans la sphère numérique où elles peuvent être particulièrement marquées par les comportements malsains et la toxicité. Il y a très peu de formation et de soutien. Le travail est difficile. Ensuite, l'après-mandat est aussi incroyablement ardu. Il y a beaucoup de responsabilités dont nous devons tenir compte tout au long de ce parcours au service des citoyens.
(1315)
    Je tenais justement à rappeler à quel point notre travail peut être difficile. Nous avons parlé des répercussions sur le personnel et du soutien qui nous entoure au sein de l'institution...
    Madame Mathyssen, je suis désolé, mais je dois vous demander de poser très rapidement votre dernière question.
    D'accord.
    Alors que je faisais partie du personnel politique, j'ai moi-même suivi votre formation sur le harcèlement. Selon vous, y a‑t‑il d'autres activités de formation qui devraient être obligatoires pour le personnel qui nous apporte du soutien à ce chapitre?
    Je vous dirais très brièvement qu'il y a beaucoup de gens qui accomplissent un excellent travail pour ce qui est de l'intervention des témoins. Nous savons également que si vous n'offrez pas une formation d'appoint six à huit mois plus tard, les gens ne perdent pas nécessairement leurs compétences, mais ils perdent confiance parce qu'ils ont passé six mois à se faire dire de se taire. Il doit y avoir des échanges continus pour que les gens conservent cette confiance.
    Il faut également offrir une formation tenant compte des traumatismes aux personnes qui sont en première ligne et qui sont victimes de violence, non seulement sur les médias sociaux, mais aussi au téléphone et dans les bureaux de circonscription, afin que ces gens‑là ne s'épuisent pas et que nous puissions les garder dans le monde de la politique, là même où ils veulent être.
    Merci beaucoup.
    Mesdames Lalonde et Delhon, je vous remercie beaucoup d'avoir été des nôtres aujourd'hui.
    Chers collègues, je vous suis très reconnaissant de votre patience et de cette réunion productive que nous avons pu avoir aujourd'hui.
    Avant de lever la séance, je voudrais régler une dernière question. Je crois que tout le monde a reçu une copie du budget que nous devons approuver pour l'étude sur le cyberpiratage et celle que nous entreprenons actuellement. Je regarde dans la salle pour voir s'il n'y a pas d'objection à ce budget.
     Des députés: D'accord.
     Le président: Excellent. Le budget est donc adopté.
    Je vous souhaite à tous une excellente fin de semaine. Nous nous reverrons la semaine prochaine.
    La séance est levée.
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