SECU Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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Comité permanent de la sécurité publique et nationale
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TÉMOIGNAGES
Le mardi 4 juin 2024
[Enregistrement électronique]
[Traduction]
Je déclare la séance ouverte.
Bienvenue à cette 111e réunion du comité permanent de la Chambre des communes.
Conformément à l'ordre de renvoi du Comité du mercredi 29 mai 2024 et à la motion adoptée par le Comité le lundi 27 mai 2024, le Comité reprend son étude du projet de loi C‑70, Loi concernant la lutte contre l'ingérence étrangère.
Avant que nous commencions, j'aimerais demander à tous les membres et aux autres participants en personne de consulter les cartes qui sont sur les tables afin de prendre connaissance des instructions visant à prévenir les incidents de rétroaction acoustique.
Prenez note des mesures préventives suivantes qui ont été adoptées pour protéger la santé et la sécurité de tous les participants, dont les interprètes: n'utilisez que l'oreillette noire approuvée; les anciennes oreillettes grises ne doivent plus être utilisées; tenez votre oreillette éloignée de tous les microphones à tout moment; lorsque vous n'utilisez pas votre oreillette, placez‑la face cachée sur l'autocollant placé sur la table à cet effet.
Merci de votre coopération.
La réunion d'aujourd'hui se déroule en format hybride.
J'aimerais rappeler quelques consignes à l'intention des membres du Comité et des témoins. Avant de prendre la parole, veuillez attendre que je vous désigne par votre nom. Je vous rappelle aussi que toutes vos interventions doivent se faire par l'intermédiaire de la présidence.
J'ai quelques observations à faire sur le sujet particulier du projet de loi C‑70.
Je rappelle aux membres que les amendements au projet de loi C‑70 doivent être soumis au greffier du comité avant 16 heures, heure normale de l'Est, le vendredi 7 juin 2024. Il est important de noter que, conformément à l'ordre adopté par la Chambre le 30 mai, l'échéance de 16 heures pour la présentation d'amendements est ferme. Cela signifie que le Comité ne tiendra compte d'aucun amendement soumis au greffier après l'heure limite ou proposé par l'assemblée lors de l'examen article par article.
J'aimerais maintenant souhaiter la bienvenue à nos témoins.
Nous accueillons M. Thomas Juneau, professeur agrégé d'affaires publiques et internationales à l'Université d'Ottawa. M. Dan Stanton, ancien gestionnaire des opérations au Service canadien du renseignement de sécurité. Par vidéoconférence, nous entendrons M. Benjamin Fung, professeur et titulaire d'une chaire de recherche du Canada à l'Université McGill. Toujours par vidéoconférence, nous entendrons M. Javad Soleimani, qui est directeur à l'Association des familles des victimes du vol PS752.
Je vous souhaite à tous la bienvenue et vous remercie de vous être joints à nous aujourd'hui. Vos interventions nous seront très utiles, j'en suis certain.
J'invite maintenant M. Juneau à nous livrer sa déclaration liminaire, d'une durée maximale de cinq minutes.
Monsieur Juneau, nous vous écoutons.
[Français]
Merci beaucoup, monsieur le président.
Aujourd'hui, je vais analyser le projet de loi C‑70 sous l'angle de la transparence.
J'ai présidé, pendant trois ans, le Groupe consultatif sur la transparence de la sécurité nationale, un organisme indépendant qui conseille le sous-ministre de Sécurité publique Canada et la communauté du renseignement.
Nous avons produit trois rapports, entre 2019 et 2022, dont un qui portait sur les relations entre les agences de sécurité et de renseignement et les communautés minoritaires. Il s'agit d'un sujet pertinent pour le Comité. J'ai quitté la présidence du Groupe, mais je continue mes recherches sur les questions de transparence.
En général, la transparence est un outil que les démocraties sous-utilisent dans la lutte contre leurs adversaires. Plus de transparence, jusqu'à un certain point, bien entendu, améliore notre sécurité nationale. Ce n'est pas un obstacle, bien au contraire.
Dans le contexte de la lutte contre l'ingérence étrangère, la transparence doit occuper une place centrale. Notre première ligne de défense contre l'ingérence est souvent la résilience sociétale. La confiance de la population envers les institutions en est un ingrédient essentiel, et la transparence est essentielle au développement de cette confiance. La transparence est aussi essentielle pour sensibiliser le public, la société civile et le secteur privé, qui ont tous un rôle à jouer devant la menace de l'ingérence. L'absence de transparence, un important problème aujourd'hui, nuit à notre capacité de nous protéger contre l'ingérence.
Au Canada, la situation en matière de transparence et de sécurité nationale est bien meilleure aujourd'hui qu'il y a 10 ou 20 ans, mais on peut faire beaucoup mieux.
Je vais aborder la partie I du projet de loi C‑70 sur la modernisation de la Loi sur le Service canadien du renseignement de sécurité, ou SCRS.
Le premier élément qui m'intéresse est de permettre au SCRS de mieux communiquer avec des acteurs à l'extérieur du gouvernement fédéral. Le Service est sérieusement handicapé, étant donné que les cibles de l'ingérence étrangère sont souvent à l'extérieur du gouvernement fédéral. Cependant, une transparence accrue est essentielle dans l'exercice de ces nouveaux pouvoirs éventuels. Dans le cadre du travail du Groupe consultatif sur la transparence en matière de sécurité nationale, nous avons entendu le témoignage de plusieurs activistes de la société civile. La méfiance à l'endroit du SCRS demeure très élevée. Il faut patiemment construire les ponts.
Concrètement, qu'est-ce que cela veut dire? Sur le coup, la transparence doit être pratiquée de manière plus large. La communication avec de nouveaux partenaires, notamment dans la société civile, doit se faire de façon proactive et soutenue, et pas seulement de façon réactive ou passive. Cette communication sera le résultat de l'exercice de ces nouveaux pouvoirs. On doit créer des liens de confiance, comprendre ces nouveaux partenaires et transmettre réellement de l'information, et pas seulement symboliquement. Après coup, le SCRS doit être transparent avec les Canadiens et bien expliquer ce qui a été fait, pourquoi cela a été fait, et divulguer les résultats.
Il est facile de le dire, mais je reconnais qu'il très difficile de le mettre en pratique. Cela prend des ressources additionnelles, qui manquent cruellement au SCRS, en ce moment. Cela prend aussi un changement de culture, sans quoi cela ne fonctionnera que partiellement au mieux, parce que le SCRS, malgré les progrès réalisés, demeure aujourd'hui une organisation beaucoup trop insulaire.
Le projet de loi C‑70 conférerait aussi des nouveaux pouvoirs au SCRS en matière d'enquêtes, de collecte de données et de gestion de données. La transparence est essentielle, ici, aussi. Il faut s'assurer que les mécanismes pertinents de responsabilité et de reddition de comptes sont adaptés aux nouveaux pouvoirs. Par exemple, le rapport annuel du SCRS devrait inclure le plus d'informations possible sur l'utilisation de ces nouveaux pouvoirs. Le SCRS pourrait aussi communiquer de manière proactive non seulement avec la population et avec ses partenaires, notamment dans la société civile et les médias, mais aussi avec les parlementaires, au sujet de l'utilisation de ces nouveaux pouvoirs. C'est essentiel, encore une fois, pour gagner la confiance du public et pour permettre le bon fonctionnement des mécanismes de reddition de comptes.
Ensuite, le projet de loi C‑70 va aussi mener à la création du poste de commissaire à la transparence en matière d'influence étrangère. Là encore, la transparence est essentielle. Concrètement, les procédures à suivre pour s'inscrire devront être transparentes, claires et simples, et non lourdes et bureaucratiques, y compris sur le plan des mécanismes éventuels, pour recevoir et gérer les plaintes. Le Groupe consultatif sur la transparence en matière de sécurité nationale a souvent entendu, au sein des communautés minoritaires notamment, le reproche voulant que différents mécanismes de ce type ne soient pas suffisamment accessibles. Il devra aussi y avoir une dimension importante d'éducation du public, par exemple, par l'entremise de bulletins et d'avis.
Encore une fois, il est beaucoup plus facile de le dire que de le faire. Il faut les bonnes personnes ayant les bonnes compétences et l'autorité et les mandats nécessaires. Dans les faits, ce n'est pas toujours disponible à Ottawa. Tous ces éléments sont essentiels pour le bon fonctionnement des mécanismes de reddition de comptes, notamment pour aider à renforcer la sensibilisation et, encore une fois, pour améliorer la résilience sociétale.
Enfin, il sera essentiel de réviser cette loi tous les cinq ans pour l'améliorer et l'adapter. De plus, idéalement, le processus de révision devra comporter un élément public et transparent pour satisfaire, encore une fois, à tous les objectifs en matière de résilience sociétale et de sensibilisation, qui ont été mentionnés précédemment. Cet engagement doit être contraignant, si possible, et respecté.
Dans le cas du projet de loi C‑59 et du Comité de parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement, nous avons dépassé la période de cinq ans, il y a deux ans, et cette révision n'a toujours pas eu lieu, ce qui est très dommage.
Je vous remercie de votre attention.
[Traduction]
Merci, monsieur Juneau.
Nous passons maintenant à M. Stanton, pour une déclaration liminaire d'une durée maximale de cinq minutes.
Merci, monsieur le président. Bonjour à tous les membres du Comité.
Je vais parler de la divulgation des renseignements, du nouveau régime proposé par le projet de loi C‑70, ainsi que de la criminalisation des services du renseignement étrangers. Je vais me faire l'écho, d'une certaine manière, des observations de Thomas Juneau concernant la transparence. Je dois à cet égard vous informer que nous n'avons pas eu le temps de collaborer là‑dessus et que ce recoupement est une pure coïncidence.
La modification proposée à l'article 19 de la Loi sur le Service canadien du renseignement de sécurité va élargir la gamme et la portée des divulgations par rapport à ce qu'elles sont actuellement. Cela concerne une chose dont j'ai eu personnellement l'occasion de faire l'expérience. J'ai été agent du renseignement au sein du Service canadien du renseignement de sécurité, le SCRS, pendant 32 ans et j'ai eu à composer avec le régime de divulgation.
Bien sûr, la proposition mise de l'avant sous la rubrique où il est question de renforcer la résilience aux menaces est que le SCRS puisse divulguer des renseignements à des personnes qui n'appartiennent pas aux ministères fédéraux. Nous entendons parler du secteur privé. Nous entendons parler des universités, et en particulier de celles qui font de la recherche dite sensible. Nous entendons parler d'autres ordres de gouvernement, y compris des organes gouvernementaux autochtones, des administrations municipales et des forces de l'ordre. Une orbite plus large est proposée lorsqu'il s'agit de communiquer des renseignements dans l'intérêt de la sécurité nationale.
Il s'agira d'une refonte importante du mandat du SCRS et de la sécurité nationale. Je souligne que cela va bien au‑delà de l'ingérence étrangère. Cela couvre d'autres programmes au sujet desquels le SCRS recueille des renseignements. D'une certaine manière, c'est le gouvernement qui va décider de la façon dont ces renseignements devront être divulgués.
Personne ne va ouvrir les robinets et déclassifier les renseignements, mais je pense que, dans divers secteurs, il y a beaucoup d'attentes pour que cela se produise. Nous aurons toujours le principe du besoin de connaître. Nous devrons toujours avoir des personnes qui ont la cote de sécurité voulue pour recevoir ces informations. Elles devront dans les faits avoir la cote de sécurité nécessaire. On devra vérifier leurs antécédents. On devra veiller à ce que ces renseignements soient protégés physiquement et d'un point de vue informatique. On ne peut pas communiquer des renseignements à de nouveaux partenaires en prenant le risque de les voir publier une semaine plus tard sur les réseaux sociaux.
Je vois la proposition d'un bon œil. Je pense que cela va vraiment améliorer la capacité du gouvernement de voir et d'évaluer les menaces, que cela va rendre le processus plus holistique. Cela va en outre donner beaucoup plus de poids au SCRS. À l'instar de mon collègue, je crois que cette modification va améliorer la transparence du gouvernement.
L'autre aspect que je voulais aborder est la criminalisation des services de renseignements étrangers et les mesures pour contrer les agissements de ces services. Cela concerne l'article 50. Pour l'amendement, nous parlons de ce qui pourrait être désigné en tant que Loi sur l'ingérence étrangère et la protection de l'information. Je suis très enthousiaste à ce sujet. Lorsque j'ai témoigné en comité, il y a un an — c'était en mars —, l'une des observations que j'avais faites était que, contrairement au terrorisme et à l'espionnage, nous ne disposons pas de marteau législatif pour frapper l'ingérence étrangère. Il n'y a en fait aucune conséquence juridique d'importance pour ceux qui facilitent l'ingérence étrangère. Or, ces nouvelles dispositions changent la donne, et je m'en réjouis. Grâce à ces modifications, le gouvernement sera en mesure d'engager des poursuites, qu'il s'agisse de répression transnationale ou d'ingérence dans nos processus démocratiques.
Je trouve également intéressant que ce projet de loi prévoie une application extraterritoriale pour l'ingérence étrangère et la répression transnationale. C'est tout à fait logique, car le mandat du SCRS en matière de renseignement de sécurité ne se limite pas au Canada; le SCRS travaille dans le monde entier. À bien des égards, cela complétera les activités énumérées à l'alinéa 2b) en ce qui concerne la collecte de renseignements sur la répression transnationale et sur l'ingérence dans une élection, et permettra d'intenter des poursuites.
Je vais citer un passage précis: « Malgré le paragraphe 26(1), la personne qui commet à l'étranger un acte prévu au paragraphe (1) est réputée l'avoir commis au Canada si, [...] la victime est au Canada » ou si « la victime est à l'étranger ».
Si la victime se trouve en Inde ou en République populaire de Chine, elle peut toujours être poursuivie au Canada. Le fait que cette activité ou un aspect de cette activité se déroule à l'étranger n'est pas une protection.
Le projet de loi prévoit la même chose en ce qui concerne les conséquences de l'influence sur les processus politiques du gouvernement. Le paragraphe 20.4(1) proposé se lit comme suit:
20.4 (1) Commet un acte criminel quiconque, sur l'ordre d'une entité étrangère ou en collaboration avec elle, a une conduite subreptice ou trompeuse en vue d'influencer un processus politique ou gouvernemental [...]
et continue:
2) Quiconque commet l'infraction prévue au paragraphe (1) est passible de l'emprisonnement à perpétuité.
C'est grave. C'est ce que l'on voit avec l'espionnage et c'est ce que l'on voit avec le terrorisme. Je suis ravi que cela fasse partie du dossier de l'ingérence étrangère. Les amendements particuliers à la Loi sur la protection de l'information offriront des sanctions pénales contre l'ingérence étrangère clandestine que des États étrangers conçoivent pour nuire aux activités de l'État canadien, à ses intérêts ou à l'exercice de nos droits démocratiques. Cela permettra de porter des accusations d'ingérence étrangère au Canada, ce que nous n'avons jamais eu la possibilité de faire et qui — je crois que tout le monde en conviendra — est plutôt pertinent de nos jours.
Enfin, je tiens à mentionner que certains ajustements ont été apportés aux pouvoirs du SCRS à l'article 16. Cela concerne l'ingérence étrangère non liée à une menace. Je suis ravi de ces modifications. Je sais que cela donne au SCRS une vision beaucoup plus holistique de son mandat en matière de renseignement étranger. Je sais que le projet de loi a ses limites, mais j'aimerais qu'à un moment donné, le gouvernement supprime les articles 12 et 16, qui font état d'une classification anachronique qui date de la guerre froide. Je pense que ce changement signifie que le gouvernement reconnaît que nous n'avons pas besoin de collecter au Canada ce qui est considéré comme des renseignements étrangers.
C'est tout, et je vous remercie.
Merci.
Nous allons maintenant passer à M. Fung.
Monsieur Fung, veuillez y aller de votre déclaration préliminaire. Vous avez cinq minutes.
Monsieur le président, distingués membres du Comité, bonjour.
En tant que professeur et titulaire d'une chaire de recherche du Canada à l'Université McGill, je focalise mes travaux sur l'intelligence artificielle, la cybersécurité et l'analyse des médias sociaux. J'aimerais exprimer mon inquiétude au sujet de l'ingérence étrangère dans les établissements universitaires canadiens.
Permettez-moi pour commencer de vous faire part d'une expérience personnelle. Au cours des dernières années, une importante entreprise chinoise de 5G, que j'appellerai « Entreprise H », m'a contacté à plusieurs reprises avec diverses propositions de collaboration en matière de recherche. Elle m'a proposé un poste de consultant au sein de son équipe d'intelligence artificielle, avec un salaire trois fois supérieur à celui que je gagnais en tant que professeur. Bien que j'aie rejeté son offre, l'entreprise a continué de me contacter régulièrement au cours des dernières années. L'année dernière encore, ces gens ont explicitement exprimé leur intérêt pour mes travaux sur l'analyse des logiciels malveillants. Permettez-moi d'insister à nouveau sur ce point: l'entreprise dont je parle s'intéresse tout particulièrement aux virus informatiques. Il ne fait aucun doute que cela suscite des inquiétudes en matière de sécurité nationale.
Une autre tactique utilisée consiste à proposer des contrats de recherche par l'intermédiaire d'organisations externes appartenant à des professeurs. Cela permet de contourner tout processus d'approbation universitaire ou gouvernemental. Je suis certain qu'Entreprise H n'est pas la seule organisation étrangère contrôlée par l'État à opérer sous le couvert d'une société canadienne.
En tant que scientifique, j'espère vraiment que ce projet de loi pourra remédier à ce risque pour la sécurité nationale. Je prie instamment le gouvernement de publier une liste des organisations ou entreprises qui sont actives au Canada alors qu'elles sont contrôlées ou influencées par des gouvernements étrangers, ou de mettre en place un mécanisme qui permettra aux universités de savoir quelles sont ces entreprises et celles qui présentent un risque pour la sécurité nationale. Cette transparence aidera les chercheurs canadiens à éviter de compromettre leurs collaborations.
En 2024, le gouvernement canadien a publié une liste d'organismes de recherche nommés dans trois pays étrangers. Il s'agit d'une mesure louable visant à protéger nos contributions scientifiques. Toutefois, il est essentiel de comprendre que les projets de recherche menés dans n'importe quelle université chinoise peuvent être réutilisés à des fins militaires. Le facteur déterminant n'est pas l'organisation collaboratrice, mais l'application potentielle de la technologie elle-même. Par conséquent, en ce qui concerne le caractère sensible des sujets de recherche, l'évaluation doit être menée au niveau du pays.
Ma deuxième préoccupation est que les consulats chinois au Canada entretiennent des liens étroits avec de nombreuses associations d'étudiants chinois dans les universités canadiennes, comme en témoignent les activités que ces consulats et ces associations organisent conjointement. Par exemple, la première activité organisée dans le cadre de l'orientation des étudiants chinois est souvent une réunion avec le consulat chinois plutôt qu'une rencontre avec les administrateurs ou les professeurs de l'université elle-même. Cet arrangement envoie un message clair aux étudiants étrangers chinois: « Soyez dociles. Big Brother vous surveille depuis Pékin. » Cette pression peut amener les étudiants à divulguer de l'information sur leurs travaux de recherche, leurs camarades de classe ou leurs professeurs à des gouvernements étrangers. Si ce projet de loi est adopté, il est essentiel que les administrations des universités informent leurs étudiants étrangers de ses dispositions. Ce projet de loi permettra aux étudiants de rejeter en toute confiance les demandes des gouvernements étrangers.
Je soutiens le projet de loi avec les amendements suivants.
Tout d'abord, je propose de supprimer la sanction administrative pécuniaire. Je n'ai peut-être pas bien compris cette partie, mais j'ai l'impression que cette sanction n'est pas assez sévère.
Deuxièmement, le gouvernement du Parti communiste chinois achète actuellement du temps d'antenne aux stations de radio chinoises au Canada pour diffuser sa propagande. Je me demande s'il n'y aurait pas lieu d'exiger que ces médias chinois s'enregistrent au Canada.
Troisièmement, je soutiens l'idée d'un enregistrement à deux volets, comme au Royaume‑Uni. Cela permettra au gouvernement canadien d'imposer des restrictions plus ciblées à certaines entités.
Quatrièmement, avec les progrès de la technologie de l'intelligence artificielle, les activités d'ingérence étrangère sont vouées à une évolution rapide. J'estime par conséquent qu'il sera probablement nécessaire de prévoir une révision périodique plus fréquente de cette loi.
Merci beaucoup.
Merci, monsieur.
Nous allons maintenant donner la parole à M. Soleimani. Monsieur Soleimani, vous avez un maximum de cinq minutes pour nous faire part de votre déclaration liminaire.
Veuillez commencer, je vous prie.
Je vous remercie de me donner cette occasion de m'exprimer.
Le 8 janvier 2020, j'ai perdu ma femme, Elnaz, lors de la tragédie du vol PS752, abattu par le Corps des Gardiens de la révolution islamique, ou CGRI, et les missiles du régime iranien.
Avant la présente réunion, j'ai contacté plusieurs membres actifs de la communauté irano-canadienne, et aujourd'hui je vais vous parler de faits vécus concernant les menaces qu'exerce le régime iranien en sol canadien.
Tout d'abord, en mars 2020, c'est‑à‑dire trois mois après l'écrasement, Hassan Rezaeifar, l'enquêteur principal dans l'affaire du vol PS752 en Iran, m'a contacté. Au cours d'une longue conversation, que j'ai enregistrée, il m'a invité à le rencontrer en Iran ou en France et m'a ensuite sommé de supprimer une publication de mon compte Instagram critiquant le gouvernement iranien. J'ai refusé et, peu de temps après, ma famille a été contactée par les services du renseignement de sécurité iraniens. Fait important à souligner, Rezaeifar était l'un des principaux responsables de l'effacement au bouldozeur du site de l'écrasement et de la destruction des preuves.
Deuxièmement, les familles des victimes du vol PS752 ont subi d'énormes pressions de la part du régime iranien, notamment des convocations, des détentions et des tortures physiques. Certaines familles se sont vu interdire de quitter l'Iran, et un juge iranien a déclaré de façon explicite que le régime iranien pouvait cibler et expulser ceux qui, au Canada, s'opposent à lui.
Troisièmement, le CGRI perpétue la terreur et les menaces en Iran et ailleurs dans le monde. Or, des membres du Basij, une branche du CGRI, étudient, travaillent et vivent au Canada sans être inquiétés. Les agents et les partisans du régime ont sommé les Canadiens d'origine iranienne dans tout le pays de rester silencieux sous peine de représailles. Les contacts entre le CGRI et les familles des Canadiens d'origine iranienne qui ont protesté contre le régime montrent clairement que les agents du régime surveillent activement les Canadiens d'origine iranienne et font rapport à leur sujet.
Quatrièmement, il existe des preuves fiables que le régime iranien a activement promu son programme au Canada par l'intermédiaire de divers centres et groupes islamiques, à la fois dans les universités et au sein des communautés à travers le pays. Il convient d'enquêter sur ce point.
Cinquièmement, les autorités canadiennes ont hésité à inscrire le CGRI sur la liste des organisations terroristes, alléguant que le régime iranien et ses membres font ici d'importants investissements dans le secteur immobilier et les entreprises et que la désignation du CGRI en tant qu'organisation terroriste pourrait donner lieu à une situation chaotique. Dans ces conditions, nous ne devrions pas être surpris que l'ancien chef de la police de Téhéran, connu pour avoir réprimé des manifestations, séjourne au Canada en toute liberté.
Sixièmement, en juillet 2021, après avoir appris que le régime iranien prévoyait d'enlever Masih Alinejad, un éminent militant irano-américain, et trois autres personnes au Canada, les services de sécurité canadiens ont contacté certains Canadiens d'origine iranienne, dont moi, pour assurer notre sécurité. Cet incident montre que nos services de sécurité n'étaient pas au courant des menaces qui planent sur le pays.
Septièmement, les autorités canadiennes ont conseillé à certains membres actifs de la communauté irano-canadienne d'être moins actifs ou de faire profil bas pour éviter d'attirer l'attention. Ces conseils soulèvent de sérieuses inquiétudes quant à la sécurité publique et nationale au Canada.
En conclusion, l'ingérence étrangère du régime iranien au Canada est indéniable. Malgré les preuves évidentes d'une menace pour la sécurité nationale, les responsables canadiens ont hésité à désigner le CGRI comme organisation terroriste. Or, il est essentiel que le Canada désigne le CGRI comme organisation terroriste dans les faits et pas seulement de manière symbolique au moyen de motions non contraignantes.
Merci beaucoup.
Merci beaucoup, monsieur le président.
Je tiens à remercier nos témoins, qu'ils soient présents dans la salle ou par vidéo, de s'être manifestés à la dernière minute pour parler d'une question aussi importante.
Je sais que j'ai l'impression d'être très loin de nos témoins, mais j'essaierai de poser mes questions de la manière la plus personnelle possible.
Avant de commencer, monsieur Soleimani, je vous présente mes plus sincères condoléances pour votre perte. Je ne peux pas imaginer ce que c'est que de perdre quelqu'un d'aussi proche et d'aussi aimé, et de venir ici pour en parler alors que le changement que l'on sait nécessaire n'a pas été fait.
Je n'avais pas prévu de vous poser cette question, mais je vais vous la poser quand même. Selon vous, quel effet cela a‑t‑il eu que nous, parlementaires canadiens, n'ayons pas reconnu le CGRI en tant qu'organisation terroriste, et ce, malgré de multiples votes et de la volonté du Parlement d'aller dans ce sens?
Merci beaucoup.
Comme je l'ai déjà dit, désigner le CGRI par des motions non contraignantes n'est pas efficace. C'est pourquoi nous voyons des dirigeants du CGRI au Canada en ce moment même. Nous pouvons facilement voir des membres actifs du Basij, une branche importante du CGRI, venir au Canada pour étudier, travailler et vivre, et aussi pour signaler et dénoncer des Canadiens d'origine iranienne au régime iranien.
Il est clair que ce que nous avons fait jusqu'à présent ne peut pas mettre fin aux opérations du CGRI au Canada, et je ne comprends pas pourquoi les autorités canadiennes n'ont pas inscrit le CGRI sur la liste des organisations terroristes. Je comprends que l'on cherche à éviter d'embêter des personnes innocentes qui ont fait leur service militaire obligatoire en Iran, mais ce ne serait quand même pas sorcier. Il existe des moyens légaux de résoudre ce problème et d'inscrire le CGRI sur la liste des organisations terroristes sans avoir d'incidence sur les gens qui n'ont rien à se reprocher.
Merci.
Je m'adresse à M. Stanton, et peut-être que M. Juneau pourra intervenir.
Le professeur Fung a parlé de ce que j'appellerais un mécanisme insidieux d'interférence. Il s'agit de quelqu'un qui se trouve sur un campus universitaire ou... J'ai enseigné dans une université, dans trois facultés différentes, et je n'ai jamais vu cela. Or, d'après ce que disait le professeur Fung, c'est quelque chose de fréquent.
Est‑ce une chose dont vous avez déjà entendu parler, monsieur, en tant que personne ayant travaillé pendant un certain temps à un rang aussi élevé au sein du SCRS?
Je suppose que la question est de savoir si la personne présente sur un campus serait considérée comme une menace pour la sécurité nationale. Elle doit forcément remplir ce critère aux termes de la partie 2, si le Service fait déjà enquête à son sujet.
Je présume que si une situation comme celle décrite par M. Fung survenait et que le Service, après vérification, parvenait à établir un lien quelconque avec un État étranger, il procéderait alors à une enquête. L'accent serait mis sur la menace. La personne en question ferait l'objet d'une enquête.
La présence de tels individus dans des universités... Les campus universitaires sont des institutions névralgiques, mais les institutions névralgiques au Canada ne sont aucunement des sanctuaires propices aux menaces, et ces personnes seraient donc poursuivies, peu importe le secteur.
Je vous remercie.
Monsieur Juneau, avez-vous quelque chose à ajouter?
Vous n'en avez pas. D'accord.
J'ai déjà posé cette question et j'ai entendu toutes sortes de réponses. Elle porte sur le commissaire qui serait nommé en vertu de cette loi concernant l'influence étrangère et la transparence.
Selon toute vraisemblance, le commissaire serait indépendant du gouvernement, mais pas complètement, puisqu'il pourrait faire partie du gouvernement. En l'occurrence, le commissaire serait nommé par décret. Je crois qu'il y aurait des consultations avec la Chambre des communes et le Sénat, mais la nomination ne nécessiterait pas l'approbation de la Chambre et du Sénat.
Avez-vous des observations à faire sur ce point et sur l'indépendance du commissaire éventuel dont il est question dans le projet de loi?
Si je peux intervenir rapidement à ce sujet, je pense qu'il est absolument essentiel que le commissaire soit entièrement indépendant et qu'il soit perçu comme tel, compte tenu de la nature délicate de l'enjeu et des conséquences très négatives de la perception d'un manque d'indépendance. Si une telle impression, aussi erronée soit‑elle, demeure le sentiment dominant, cela nuira beaucoup au travail du commissaire, qui dépendra beaucoup de la confiance et de la perception d'indépendance.
J'ajouterais qu'en ce qui concerne la nomination de cette personne, les consultations seront essentielles, mais il devrait s'agir de consultations publiques. Elles devraient être menées publiquement et en toute transparence pour qu'il y ait, je le répète, un consensus quant à la légitimité de cette fonction.
Merci, monsieur le président.
Je tiens à remercier les témoins de comparaître aujourd'hui pour discuter de cette question très importante.
Mes questions s'adressent à M. Stanton.
Monsieur Stanton, à la suite du meurtre tragique de M. Hardeep Singh Nijjar — un Canadien en sol canadien, un de mes concitoyens — dans un lieu de culte de ma circonscription, Surrey—Newton, j'ai présenté une motion d'initiative parlementaire, la motion M‑112, demandant au gouvernement de prendre des mesures pour lutter contre l'ingérence étrangère, qu'il s'agisse d'intimidation, de violence ou d'ingérence.
Par la suite, le gouvernement a présenté le projet de loi C‑70 pour lutter contre l'ingérence étrangère. Nous ne pouvons pas nier qu'il y a eu, et qu'il y a probablement encore, des agents au Canada qui travaillent pour le compte d'États étrangers afin de miner notre souveraineté et nos institutions démocratiques.
Croyez-vous que les modifications apportées au Code criminel et à la Loi sur la protection de l'information suffiront pour répondre aux préoccupations liées aux menaces transnationales et à la violence contre les Canadiens? Sinon, que pouvons-nous faire d'autre?
C'est une bonne question.
Je dirais, monsieur, que oui, le projet de loi répond à ces préoccupations, mais quand je songe au cas tragique de M. Nijjar, je considère cet acte davantage comme un assassinat d'État, un meurtre d'État. Je ne mâcherai pas mes mots.
Nous pouvons qualifier cela de répression transnationale, mais l'expression « ingérence étrangère » est utilisée de façon assez générale. Pour beaucoup de Canadiens, l'« ingérence étrangère » évoque toutes sortes de choses. Dans ce cas‑ci, nous avons affaire à un changement considérable dans les opérations d'un service de renseignement étranger hostile, sans compter les questions liées à la souveraineté du Canada et, bien entendu, le meurtre d'un Canadien.
Je ne peux pas dire que les dispositions prévues dans le projet de loi auraient empêché une telle situation de se produire, mais je dirais qu'elles auraient probablement atténué l'étendue des menaces transnationales, qui ont pu se multiplier, se perfectionner et contribuer à ce qui s'est passé.
C'est en quelque sorte une demi-réponse. Je pense que les mesures sont bonnes, mais je ne crois pas qu'elles auraient empêché la tragédie qui s'est produite.
Je crois comprendre que des agents de gouvernements étrangers ont peut-être joué un rôle par l'entremise d'une chaîne de commandement. Il risque d'être très difficile de remonter à la source de cette chaîne de commandement pour retrouver des personnes à l'étranger. Le projet de loi C‑70 en fait‑il assez pour contrer et décourager l'ingérence étrangère et pénaliser ceux qui ne sont pas au Canada, mais à l'étranger, ou aurions-nous à prendre d'autres mesures pour y arriver?
Je dirais que, dans un monde idéal, ces gens feraient l'objet d'une enquête par les forces de l'ordre et seraient passibles de poursuites devant les tribunaux. Si des preuves venaient à confirmer que ces agents ou intermédiaires étrangers étaient liés à cet incident de quelque façon que ce soit, je préférerais que les sanctions soient déterminées dans le cadre de notre processus d'application régulière de la loi et à l'issue d'une poursuite en bonne et due forme.
Je ne comprends pas assez bien la Loi sur la sécurité de l'information pour savoir en quoi consisteraient les peines. Les dispositions pourraient peut-être s'appliquer à quelqu'un qui n'a pas directement participé au crime, mais qui en a peut-être facilité la perpétration. Oui, ils se trouvent à l'étranger, mais ils pourraient être visés par le projet de loi.
J'ose espérer que, si justice doit être rendue dans cette affaire, ce le sera par l'entremise de nos tribunaux et de notre Code criminel.
Monsieur Stanton, en vertu du cadre législatif proposé, ceux qui se livrent à des activités en vue d'influencer les processus gouvernementaux ou politiques au Canada seraient tenus de s'enregistrer publiquement. Quels types de sanctions ou de conséquences devrait‑on imposer à ceux qui pourraient volontairement ou sciemment ne pas s'inscrire?
Je ne connais pas trop les modalités du registre. En toute franchise, j'ai déjà dit par le passé que, selon moi, ce n'était pas un moyen efficace d'atténuer l'ingérence étrangère. Je me dois d'être franc à ce sujet. Je pense que le registre sera utile pour renforcer la Loi sur le lobbying et d'autres choses de ce genre.
Les actes les plus flagrants d'ingérence étrangère, notamment l'ingérence dans nos processus démocratiques, sont de nature clandestine. Les dispositions relatives au registre des agents étrangers visent à faire en sorte que les gens ayant des liens avec une entité étrangère déclarent leurs activités. Toutefois, ce ne sont pas eux les acteurs clandestins; ce ne sont pas eux qui répriment les communautés de la diaspora, qui tourmentent les gens, qui les harcèlent ou qui s'ingèrent dans nos élections.
Je ne suis pas un expert du registre, mais je ne compterais pas là‑dessus pour réduire la menace de l'ingérence dans notre démocratie.
Le projet de loi propose d'accroître la capacité du SCRS à recueillir et à utiliser des ensembles de données, ce qui signifie que la protection de la vie privée et des renseignements personnels sera d'une grande importance. Pourriez-vous nous faire part de vos réflexions sur les mesures prises pour veiller à ce que les données soient utilisées et protégées adéquatement?
Je dois dire humblement que je n'ai absolument aucune expérience en la matière. Je m'intéresse surtout aux sources humaines. Je n'ai pas vraiment d'expertise en ce qui concerne les ensembles de données ou leurs répercussions sur la vie privée.
Selon vous, le projet de loi C‑70 en fait‑il assez pour veiller à ce que les communautés de la diaspora ne soient pas stigmatisées et victimisées par les efforts de lutte contre l'ingérence étrangère?
Je pense que c'est ce que nous espérons. L'une des choses qui m'ont un peu attristé ces dernières années, en raison de tout ce qui se dit sur l'ingérence étrangère dans les comités, les médias, etc., c'est que certains Canadiens vont commencer à faire du profilage de communautés, ce qui est fondamentalement inacceptable.
C'est pourquoi, selon moi, plus nous sensibilisons les gens à cet enjeu, plus nous en parlons, et plus nous mettons en place des mesures comme cette initiative, le projet de loi C‑70, et les examens que nous avons menés, moins nous risquons de voir des stéréotypes et du profilage. Il y a eu jusqu'ici, sauf erreur, cinq commissions ou enquêtes liées à la sécurité nationale, et les Canadiens en apprennent davantage à ce sujet.
Cela a toujours été ma préoccupation. C'est en partie pour cette raison que j'en parle publiquement. Je ne veux pas qu'en raison de ce qu'on entend dans les médias, les Canadiens mettent en doute, d'une façon ou d'une autre, la loyauté ou la fiabilité d'un groupe ou d'une communauté en particulier.
[Français]
Merci beaucoup, monsieur le président.
Je remercie tous les témoins qui sont parmi nous aujourd'hui, ceux qui sont présents de façon virtuelle comme ceux qui sont là en personne.
Monsieur Juneau, je commencerai par m'adresser à vous.
Vous avez fait un plaidoyer impressionnant sur la transparence qui favorise la confiance, qui est, au fond, la capacité de se fier à d'autres sans toujours devoir exercer un contrôle.
Pour ce qui est du registre, que pensez-vous de l'idée d'une double inscription des agents étrangers? L'agent lui-même devrait donc s'inscrire, tout comme la personne qui fait l'objet de la sollicitation, de la transaction, peu importe comme on l'appelle.
Le but de cette double inscription serait évidemment de nous permettre de mieux identifier les personnes en cause, dans le cas où quelqu'un déclarait quelque chose à un bout, mais pas à l'autre bout.
À des fins de transparence, croyez-vous que cette double inscription puisse être un outil additionnel?
C'est une bonne question, et je dois reconnaître, en toute humilité, que ce n'est pas un aspect que je comprends bien. Je n'ai donc pas de position ferme, que ce soit pour ou contre. Je pense que j'aurais besoin de plus de détails sur le fonctionnement du processus.
Je sais que vous avez posé cette question, la semaine dernière, à des responsables du ministère de la Sécurité publique et de la Protection civile, durant une réunion de ce comité, et que leur réponse faisait référence à la charge de travail que cela impliquerait.
Comme je l'ai dit, je ne comprends pas assez bien cette question spécifique pour prendre position et dire que je suis pour ou contre. Toutefois, je dois tout de même exprimer une certaine sympathie, en général, pour la réponse qu'ils vous ont donnée, dans la mesure où ce ministère, comme le Service canadien du renseignement de sécurité, ou SCRS, comme d'autres ministères ou agences communautaires, souffre d'un manque sérieux de ressources humaines, financières et autres, et pas seulement pour ce qui de leurs pouvoirs; c'est ce que va améliorer, en partie, le projet de loi C‑70.
Toute nouvelle initiative, comme le projet de loi C‑70, et plus particulièrement cette notion de double inscription, implique un fardeau additionnel, et c'est un problème très réel.
De façon générale, j'aimerais signaler au Comité que cette question des ressources est un important problème.
Je suis heureux que vous rappeliez cette réponse qui a été donnée la semaine dernière, parce que l'idée de la double inscription est un peu... Le lobbyiste s'inscrit au Registre des lobbyistes, mais pas l'autre personne; le but est donc d'établir un rapport plus direct. La réponse qui avait été amenée était le fait que cela représentait un fardeau financier et organisationnel.
Par la suite, en examinant le rapport publié hier par le Service canadien du renseignement de sécurité et le Comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement, je me suis dit que nous n'avions pas les moyens de ne pas le faire. Je comprends bien la réponse du ministère. Toutefois, cela m'a étonné.
En effet, si on traite l'ingérence étrangère comme on veut le faire, le fardeau financier ne peut pas être le seul critère qui va contrebalancer la question.
Je suis bien d'accord, en général, pour dire que cela ne peut pas être le seul critère. Cependant, cela reflète tout de même une réalité et je pense que cela représente une contrainte pour le commentaire public et les idées qui sont exprimées dans les médias ou par les gouvernements, par l'opposition ou par la société civile. Cette contrainte, qui est très souvent ignorée, est, en pratique, très réelle.
J'aimerais poursuivre sur le sujet du registre. J'aime beaucoup le commentaire de M. Stanton selon lequel les agents d'infiltration étrangers ne sont évidemment pas inscrits. Pour l'instant, je fais abstraction de cela.
Croyez-vous que, pour les titulaires de charges publiques, une période de restriction de trois ans après mandat, par exemple, serait une chose louable? Cela veut dire qu'on interdirait, par exemple, aux membres du Cabinet d'être à la solde — je n'aime pas cette expression —, ou plutôt de travailler pour une entité étrangère et de bénéficier d'informations qu'eux seuls peuvent avoir.
Je suis entièrement d'accord sur la notion d'une période de restriction, en général, et spécifiquement dans le cas qui nous occupe. Je pense que c'est nécessaire. Encore une fois, pour établir un parallèle avec un point mentionné plus tôt en réponse à la question de votre collègue, il y a la question de la perception. La confiance du public est essentielle, surtout quand il n'y a pas de période de restriction. La période de restriction idéale est-elle de un, trois ou cinq ans? On pourrait en discuter, mais, de façon générale, je crois que le principe est fondamental.
Je suis d'accord sur votre notion de la perception et de la réalité en ce qui concerne la confiance. On a beau dire que le commissaire est indépendant, qu'il existe un registre et certaines dispositions, si la perception n'est pas au rendez-vous, la réalité importe peu.
En ce qui concerne l'indépendance du commissaire, vous avez déclaré de façon assez claire qu'il devait être réellement indépendant et de manière perceptible.
Pour l'instant, le mode de nomination du commissaire est problématique. À mon avis, les trois partis devraient participer au choix plutôt qu'être simplement consultés.
Vous avez parlé de la révision aux cinq ans. Si je me souviens bien, la Loi sur le Service canadien du renseignement de sécurité est entrée en vigueur en 1984, et elle a été revue en 1990. La Loi sur la protection des renseignements personnels de 1983, elle, n'a pas été revue. Il me semble que les gouvernements n'ont pas tendance à faire ces révisions.
C'est problématique parce que la Loi sur la protection des renseignements personnels existait avant la création de l'Internet.
Que pourrait-on faire pour s'assurer que ce sera fait? Faudrait-il demander un rapport annuel au commissaire?
Je pense que la production d'un rapport annuel par le commissaire est essentielle. S'il n'y en a pas, il y a un grave problème. Outre la révision aux cinq ans ou à une certaine période fixe, le commissaire doit produire un rapport annuel, le déposer au Parlement et y exposer l'ensemble de ses activités et tout ce qui se trouve normalement dans un rapport annuel.
La révision aux cinq ans est essentielle. Le projet de loi C-59, qui a été adopté, a mis sur pied le Comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement. Je cherche toujours l'acronyme en français. Le projet de loi prévoyait une révision aux cinq ans. Elle était due en 2022 et elle n'a pas encore été faite. Pour moi, c'est un problème, parce que lorsque le Comité a été créé, le monde était un peu différent. Il va l'être encore plus dans trois, dans sept et dans douze ans. Ces révisions sont fondamentales pour adapter, réformer la loi et y apporter des changements, même mineurs. De plus, c'est l'occasion de se demander si on a les bonnes ressources ou les bons pouvoirs.
Je sais que je me répète, mais la dimension publique de ces révisions est cruciale pour montrer à la population, à la société civile et aux parlementaires qu'on réfléchit à ces questions, qu'on fait les changements nécessaires, entre autres. Quand on ne le fait pas, on rate des occasions importantes.
[Traduction]
Merci beaucoup, monsieur le président.
Je remercie tous les témoins d'être des nôtres aujourd'hui. Merci beaucoup de vos témoignages jusqu'à présent.
Monsieur Stanton, je vais commencer par vous. Je suis heureux que vous ayez clarifié un peu plus, pour la gouverne du Comité, le processus de divulgation du SCRS. Il y a encore des mesures de protection très importantes qui exigent l'obtention d'une cote de sécurité, la protection des renseignements transmis et tout le reste.
Très brièvement, en ce qui concerne cette partie, pouvez-vous m'expliquer le processus au sein du SCRS? La décision de faire une divulgation est-elle prise à l'échelon de la direction?
C'est une bonne question.
Permettez-moi d'expliquer d'abord ce qui déclenche le processus. Par exemple, lorsque j'étais agent local dans la région — j'ai travaillé dans trois régions —, il m'arrivait de parler à des gens, et si une personne avait eu un contact intéressant avec quelqu'un, je faisais alors une divulgation. Je me présentais en mentionnant mon prénom et le nom de l'organisation dont je faisais partie. Au fil de l'entrevue, sans que j'en dise trop, la personne finissait par comprendre que je m'intéressais à « M. Untel ».
Pour remplir leur mandat, les gens du SCRS eux-mêmes peuvent, à divers titres, faire des divulgations. À bien des égards, l'objectif est d'exécuter le mandat; cela permet parfois de gagner un peu la confiance d'une personne ou, éventuellement, d'obtenir son aide et peut-être même, au bout du compte, d'établir une relation avec une source. Ils peuvent procéder ainsi. Cependant, les activités quotidiennes qui sont signalées au gouvernement sont communiquées à des fonctionnaires, et ce ne sera pas à un échelon élevé. Comme nous l'avons vu à l'occasion de ces enquêtes, il s'agira simplement d'un processus régulier dans le cadre duquel toutes sortes de renseignements sont envoyés à divers ministères — des évaluations, des données brutes —, et la prise de décisions se fera, tout au plus, au niveau de la gestion intermédiaire.
Les choses se corsent quand il s'agit de renseignements fournis aux forces de l'ordre. C'est à ce moment‑là que les gens commencent à être nerveux et qu'un plus grand nombre de personnes se mettent à intervenir. Un directeur général aura son mot à dire, ou une question encore plus délicate sera évidemment renvoyée à la haute direction.
Il y a donc des protocoles en place.
Je vous remercie.
Par ailleurs, dans votre déclaration préliminaire, vous avez mentionné l'expression « répression transnationale », qui correspond à ce que nous ont dit hier nos témoins représentant les Ouïghours et, bien sûr, les Tibétains. Ils ont exhorté le Comité à ajouter une définition du concept de répression transnationale. À mon avis, nous devrons probablement l'inclure dans la partie du projet de loi qui porte sur la Loi sur la sécurité de l'information, étant donné que cette partie contient déjà des modifications qui traitent de l'intimidation, des menaces ou de la violence. Il y a de nombreuses dispositions qui visent l'ingérence étrangère dans le cadre d'opérations étrangères clandestines menées dans notre pays.
Que pensez-vous d'une définition du concept de répression transnationale, ou trouvez-vous que le libellé des modifications à apporter à la Loi sur la sécurité de l'information aborde cette question dans son ensemble?
Je pense que oui. Je dois dire d'emblée que je n'ai pas de formation juridique. J'examine donc la question sous l'angle des menaces, et j'ai passé la plus grande partie de ma carrière dans le contre-espionnage.
Le SCRS a ses définitions, qui sont tirées, par exemple, de la Loi sur le SCRS. En l'occurrence, cela relèverait de l'article 2. Par répression transnationale, nous voulons dire l'ingérence étrangère qui cible, manipule, menace et potentiellement tue des membres des communautés d'émigrés. Je ne sais pas si une définition conférera au SCRS d'autres pouvoirs dont il n'a pas besoin. Je ne pense pas que cela change vraiment les choses en ce qui concerne les actes criminels et la criminalisation de la répression transnationale. Je répète toutefois que je ne suis pas avocat.
En écoutant leurs témoignages, je me suis rendu compte que tout ce qui, selon eux, devrait être inclus dans la définition de répression transnationale semble déjà être prévu dans le projet de loi, mais cela se trouve dans différents articles. Je vous remercie de nous avoir fait part de vos réflexions à ce sujet.
Monsieur Juneau, je vais me reporter à la partie 4 du projet de loi, qui établit le nouveau poste de commissaire.
Il y a eu quelques opinions divergentes sur le fait que le projet de loi ne vise aucun pays en particulier. D'autres projets de loi d'initiative parlementaire ont opté pour l'établissement d'une liste, parce que certains pays sont certainement pires, à notre avis, que d'autres, compte tenu de ce qu'ils essaient de faire ici, en sol canadien.
Que pensez-vous du fait que le projet de loi ne vise aucun pays en particulier et qu'il laisse simplement la porte ouverte à n'importe quel pays?
Je trouve qu'il y a de bons arguments des deux côtés. Je n'essaie pas d'éluder la question, mais je ne dirais pas qu'il y a une très bonne et une très mauvaise option en la matière. J'aurais tendance à dire, quoique avec beaucoup de prudence, que je suis un peu contre l'approche faisant abstraction du pays, ne serait‑ce qu'en raison de ce dont nous avons discuté dans l'une des interventions précédentes, à savoir la question de la charge de travail.
La réalité, c'est que les organismes de renseignement dans leur ensemble sont débordés. Ils se sont affaiblis. Les menaces se multiplient. Nous le savons tous. Est‑ce qu'on parviendrait à simplifier ou à rationaliser un peu le processus en dressant une liste des pays qui représentent une telle menace? Je pense que la réponse serait oui. Cela pourrait être un bon argument. L'établissement d'une telle liste susciterait évidemment la controverse. Il y aurait des désaccords, mais je pense quand même que ce serait faisable.
Le gouvernement complique toujours les choses, mais j'estime que nous devrions être en mesure d'établir et d'adopter une liste de pays qui représentent une menace d'ingérence étrangère, quitte à la modifier tous les six mois ou chaque année au fur et à mesure que la situation évolue.
Si j'en parle, c'est parce qu'en ce moment, nous avons une relation très compliquée avec l'Inde. Parfois, il peut y avoir des intérêts commerciaux plutôt que des intérêts en matière de sécurité nationale, et je m'interroge là‑dessus.
À certains égards, le fait d'avoir une liste faisant abstraction du pays est une façon d'éviter ce débat.
Merci, monsieur MacGregor.
Nous allons entamer notre deuxième tour. Nous terminerons cette série de questions avec M. MacGregor.
La parole est à M. Genuis. Vous avez cinq minutes.
Merci, monsieur le président.
Nous recevons aujourd'hui un groupe très solide, composé de témoins ayant une expérience diversifiée. Je présente d'avance mes excuses à ceux à qui je n'aurai pas le temps de poser des questions. Tant de choses intéressantes et importantes ont été dites.
Monsieur Soleimani, je vous remercie d'avoir souligné la nécessité d'inscrire le Corps des Gardiens de la révolution islamique sur la liste des organisations terroristes et d'utiliser nos lois actuelles pour lutter contre l'ingérence étrangère. Ayant moi-même proposé deux motions non contraignantes au Parlement, je suis tout à fait d'accord avec vous: les motions non contraignantes ne suffisent pas. Nous voulons que le pouvoir exécutif inscrive le Corps des Gardiens de la révolution islamique sur la liste des organisations terroristes.
En tant que députés de l'opposition, nous nous servons des outils à notre disposition pour essayer d'attirer l'attention sur le problème, l'objectif étant de pousser le gouvernement à agir. Le gouvernement a voté en faveur de ces deux motions, mais malheureusement, il n'a toujours pas agi.
Les conservateurs ont également déposé le projet de loi C‑350, qui inscrirait le Corps des Gardiens de la révolution islamique sur la liste des organisations terroristes. Nous avons essayé d'accélérer l'adoption du projet de loi, mais les libéraux ont bloqué ces efforts.
Monsieur Soleimani, j'ai été particulièrement frappé par quelque chose que vous avez révélé dans votre témoignage. Si j'ai bien compris, les forces de l'ordre au Canada demandent aux militants de la communauté iranienne de rester discrets, les encourageant essentiellement à ne pas parler ouvertement de questions importantes et à ne pas faire leur important travail qui consiste à mettre en lumière les problèmes liés aux droits de la personne en Iran, par crainte pour leur sécurité ici au Canada.
Pouvez-vous me confirmer que j'ai bien compris vos propos et nous dire qui transmet ces messages et qui les reçoit?
Merci beaucoup, monsieur Genuis.
C'était mon expérience personnelle et celle d'autres membres actifs de la communauté irano-canadienne. Alors que la révolution « Femme, vie, liberté » battait son plein, une personne des services de sécurité a communiqué avec moi. Il m'a clairement dit que la meilleure façon d'éviter d'attirer l'attention du régime iranien était peut-être de faire profil bas.
Dans ce cas, où est la liberté d'expression? Ici, au Canada, devrions-nous avoir peur du régime iranien? C'est exactement ce que veut le régime iranien. De nombreux Iraniens ne se sentent pas en sécurité au Canada. Pourquoi? C'est parce que des agents et des partisans du régime iranien sont ici. De toute évidence, ils identifient les membres actifs de la communauté irano-canadienne et les signalent au régime iranien, qui communique ensuite avec leurs familles respectives en Iran.
Il est évident que les agents du régime iranien sont parmi nous. C'est une menace à la sécurité nationale. Nous ne nous sentons pas en sécurité.
Oui, absolument.
Bien entendu, les gens ne se sentent pas non plus en sécurité si le message qu'ils reçoivent des forces de l'ordre — qui devraient plutôt les encourager à exercer leurs droits et les soutenir —, c'est: « N'exercez pas vos droits; gardez le silence. C'est la seule façon que vous serez protégés. » Cela me choque et m'horrifie.
Si, en tant que député, je me faisais dire par les services de sécurité de garder le silence sur certaines questions et de faire profil bas pour ma propre sécurité, ce serait clairement inacceptable. Les membres du public, les citoyens et les militants, peu importe leur origine, doivent être libres d'exercer leurs droits garantis par la Charte et avoir l'assurance qu'ils seront protégés s'ils le font.
Pourriez-vous préciser quel organisme de sécurité a transmis ce message?
Voilà qui est très inquiétant. Je pense que nous devrons faire un suivi à ce sujet.
Très rapidement, monsieur Fung, je pense que vous avez mentionné dans votre déclaration préliminaire que les médias contrôlés par des États étrangers sont déjà ici. Mon collègue Philip Lawrence a présenté un projet de loi d'initiative parlementaire, le projet de loi C‑281, qui vise à limiter la capacité des médias contrôlés par des États étrangers à obtenir des licences de radiodiffusion dans certaines situations lorsqu'il s'agit d'États autoritaires hostiles.
Que pensez-vous de telles dispositions? Devrions-nous envisager de restreindre les licences de radiodiffusion des entités qui sont contrôlées par des États étrangers hostiles?
Oui, nous devons absolument restreindre ce type de licences. À l'heure actuelle, le gouvernement chinois achète du temps d'antenne auprès de certaines stations de radio chinoises populaires dans les régions de Vancouver et de Toronto, ce qui lui permet de diffuser sa propagande.
Bien entendu, les médias sociaux, tels que WeChat et TikTok, représentent un autre moyen de diffusion à prendre en considération. Ce type de réseaux sociaux génèrent encore plus de problèmes en matière de propagande de la part de certains gouvernements étrangers.
Je vous remercie, monsieur Genuis.
Je cède maintenant la parole à M. Gaheer pour les cinq prochaines minutes.
Très bien. Je vous remercie, monsieur le président.
Je tiens d'abord à remercier tous nos témoins de s'être présentés devant le Comité.
Monsieur Stanton, mes questions vont s'adresser en grande partie à vous, et elles font suite à la question posée par M. MacGregor. Je souhaite aborder plusieurs enjeux liés aux méthodes de divulgation utilisées au sein du SCRS.
Dans votre déclaration préliminaire, vous avez évoqué toute une série de divulgations. S'il existe certains renseignements pertinents, par exemple en ce qui concerne l'ingérence étrangère, avec qui peuvent-ils éventuellement être partagés? Existe‑t‑il des limites quant aux organisations et aux individus à qui ces renseignements peuvent être communiqués? Et en dernière instance, qui a le pouvoir de décider si tel ou tel renseignement peut être divulgué?
Cela dépend de l'objectif principal.
Le SCRS recueille des renseignements en permanence. Son mandat consiste à collecter des renseignements, à présenter des rapports au gouvernement, à fournir des conseils au gouvernement, et à mener d'autres types d'activités. Toutefois, le SCRS n'a pas à systématiquement divulguer les renseignements qu'il possède. En cas de menace, de nature physique ou autre, le SCRS est évidemment tenu de divulguer les renseignements appropriés, soit directement, soit par l'intermédiaire des forces de l'ordre. Dans le jargon du SCRS, on parle dans certains cas d'enjeux de vie ou de mort.
S'il s'agit d'une question comme celle qui a été soulevée plus tôt au sein de différents comités de la Chambre au sujet des députés, par exemple, le SCRS a évidemment l'autorisation de divulguer certains renseignements. C'est ce que je veux dire. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle j'ai proposé plusieurs amendements à l'article 19. Si le SCRS ne divulgue pas toujours ce type de renseignements, ce n'est pas parce que ses agents n'ont pas le sens de l'initiative ou qu'ils sont obsédés par le secret; c'est parce que c'est la loi. Il leur est en effet interdit de divulguer certains types de renseignements à l'externe. Le SCRS doit s'assurer que ses activités sont toujours menées de manière légale.
Certaines enquêtes peuvent déboucher sur la divulgation de renseignements auprès d'autres services gouvernementaux. Le SCRS fonctionne au cas par cas. Les agents du SCRS doivent toujours justifier en quoi il serait dans l'intérêt stratégique du pays et de la population de procéder à la divulgation de certains renseignements.
L'une de mes craintes est que le SCRS possède parfois certaines pièces du casse-tête, alors que d'autres services de police en possèdent également. Ce n'est qu'en recoupant tous ces renseignements que l'on obtient un portrait complet de la situation, ou du moins un portrait suffisant pour lancer une enquête ou même déposer des accusations contre des suspects.
Pensez-vous que le projet de loi dont nous sommes saisis puisse modifier ce régime de manière à ce que davantage de renseignements puissent être divulgués?
Si l'on fournit davantage de renseignements à des organisations qui ne sont pas nos partenaires traditionnels....
Toutefois, oublions si des changements sont à venir. Les différentes organisations gouvernementales ont déjà l'habitude de partager certains types de renseignements. Il n'est pas nécessaire de mettre en place un nouveau régime de divulgation pour permettre aux agences fédérales de partager des renseignements avec un service de police municipal, provincial ou territorial. Il existe déjà des processus en matière de collecte, d'analyse et de partage des renseignements. Il n'est pas nécessaire de disposer d'un cadre ou d'une autorité pour les transmettre. L'enjeu dont il est question aujourd'hui, c'est de savoir si nos agences peuvent être autorisées à transmettre certains types de renseignements à des entités non gouvernementales, par exemple une université.
Cependant, en cas de menace pour toute une collectivité, par exemple, le SCRS doit entrer en liaison avec tous les ordres de gouvernement et toutes les entités appelées à participer à l'enquête.
Ma prochaine question a déjà été soulevée lors de témoignages antérieurs. Le SCRS pourrait‑il être autorisé à communiquer certains renseignements avec une entité étrangère, comme un consulat ou une ambassade?
Dans le cadre de différentes formes de coopération, nos services de renseignement ont conclu des accords avec des centaines d'agences étrangères, des agences de sécurité et de renseignement, ainsi que des services de police internationaux. Ces partenariats font en sorte qu'il y a beaucoup d'échanges, et bien entendu une attention particulière est portée aux enjeux liés aux droits de la personne.
Oui, nos agences partagent des renseignements avec de nombreux partenaires internationaux, quel que soit le lieu ou le moyen. C'est ce qui est, je suppose qu'on pourrait dire, sécuritaire et pratique.
Pourriez-vous nous parler un peu du système de poids et de contrepoids mis en place pour éviter que des renseignements erronés ne soient communiqués à un acteur étranger, qui pourrait les utiliser contre un citoyen canadien, voire contre sa famille à l'étranger?
Oui, tout à fait.
Le SCRS fait preuve de diligence raisonnable en ce qui concerne le type de renseignements qu'il peut transmettre à une agence étrangère qui a, par exemple, un terrible bilan en matière de droits de la personne, et il y en a beaucoup à l'étranger. Dans de nombreux cas, le SCRS ne transmettra rien si la personne en question risque de faire l'objet de toutes sortes de mesures.
Il en va de même pour la collecte de renseignements. Ils sont très sceptiques quant à savoir si ces renseignements proviennent de la coercition ou d'incitations financières. Tout dépend de la relation et de la fiabilité de l'agence étrangère. Ils sont très prudents à l'égard de toute information qui va passer par les canaux de renseignement d'un autre État et dont les implications sur la manière dont elle sera traitée échappent à leur contrôle.
Je vous remercie, monsieur Gaheer.
[Français]
Monsieur Villemure, vous avez maintenant la parole pour deux minutes et demie.
Merci beaucoup, monsieur le président.
Monsieur Stanton, selon vous, l'adoption du projet de loi C‑70 aurait-elle permis d'empêcher la situation qui s'est produite au Laboratoire national de microbiologie situé à Winnipeg?
[Traduction]
Je ne pense pas, car d'après ce que j'ai lu, il y avait des pratiques de sécurité très médiocres, c'est le moins que l'on puisse dire. Cela a permis à quelqu'un de commettre des actes d'espionnage économique ou de profiter de la situation.
Je pense que la pression s'exerce davantage sur les pratiques de sécurité interne et de sécurité physique de ce département pour signaler qu'il y avait un problème ici, et puis le CSIS est intervenu, comme vous le savez, dans l'évaluation de l'habilitation de sécurité. Ce n'est pas comme si le SCRS était venu pour mener une grande enquête; il a simplement procédé à une évaluation des habilitations, et il a découvert que tout cela existait.
Je pense qu'il s'agit probablement d'une rupture qui dépasse le mandat du CSIS d'une certaine manière, et qu'il s'agit davantage d'un problème gouvernemental.
[Français]
Je vous remercie.
Ma prochaine question s'adresse à M. Juneau.
Monsieur Juneau, on a beaucoup parlé de transparence. J'aimerais vous parler du rapport qui a été publié hier par le Comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement.
Aujourd'hui, les gens demandaient qu'on donne le nom des parlementaires. Toutefois, la loi sur la classification des informations, entre autres, ne permet pas de le faire.
On parle du nécessaire secret à l'accomplissement de la mission du comité des parlementaires et de la volonté de transparence. Comment peut-on concilier ces deux impératifs, qui peuvent sembler paradoxaux?
C'est une excellente question, qui se pose dans tous les contextes dès qu'on parle de sécurité nationale et de renseignement, et pas seulement dans le contexte du travail du comité de parlementaires.
Il y a plusieurs éléments à cette réponse. Tout en respectant les impératifs des différents niveaux de classification, il y a une grande partie de l'information qui, d'après moi, peut être rendue publique. Cependant, elle ne l'est pas par la communauté en général, pour toutes sortes de raisons: une culture du secret, une...
C'est mon prochain point. Absolument. La surclassification est une épidémie au sein du gouvernement canadien et des autres gouvernements, aussi. Nous ne sommes pas du tout uniques à cet égard.
Une autre raison est notamment la culture d'aversion au risque, où — je le simplifie massivement — on se fait pénaliser pour avoir relâché par erreur de l'information qui n'aurait pas dû l'être, alors qu'on ne l'est pas pour en avoir surclassifié. Le système d'incitatifs penche donc complètement dans ce sens.
De plus, il peut y avoir l'absence de clarté. C'est une chose de dire aux employés du SCRS, soit le Service canadien du renseignement de sécurité, ou de la GRC d'être transparents, mais qu'est-ce que cela veut dire en pratique? Sous quelle autorité doit-on l'être? Qu'est-ce qu'on dit? Qu'est-ce qu'on ne dit pas? Est-ce qu'on est protégé par ses patrons? Est-ce qu'on est protégé par le milieu politique? Parfois, ce n'est pas la bureaucratie qui fait preuve de résistance, mais plutôt le milieu politique, non pas pour des raisons de sécurité, mais pour éviter l'embarras politique auquel la divulgation d'information pourrait mener.
La question que vous posez est donc extrêmement importante et elle est au cœur de tous les débats sur la transparence. À plusieurs égards, il y a l'aspect culturel et il y a l'aspect lié aux autorités en place.
Merci, messieurs.
[Traduction]
Nous allons maintenant conclure cette série de questions avec M. MacGregor.
Vous avez deux minutes et demie. Allez‑y, s'il vous plaît.
Je vous remercie, monsieur le président.
Monsieur Juneau, je souhaite aborder brièvement la partie 4, en particulier la définition du terme « arrangements », que l'on retrouve dans la plus récente version du projet de loi. Il est question de savoir si « Tout arrangement au titre duquel une personne s’engage à exercer, sous l’autorité d’un commettant étranger ou en association avec lui […] ».
Certaines personnes se sont inquiétées de l'existence d'une « association ». Avez-vous des inquiétudes à ce sujet? Vous avez évoqué le thème de la transparence. Pensez-vous que nous devrions clarifier davantage ce point?
Je vous prie de m'excuser, mais cela entre dans un niveau de détail technique qui dépasse mon champ de compétences. Je m'en excuse.
D'accord, c'est entendu.
J'aimerais prendre un moment pour remercier tous nos témoins de nous avoir guidés tout au long de cette étude.
Monsieur le président, je dois présenter une motion concernant l'organisation des travaux du Comité. Il s'agit d'une motion que j'ai annoncée vendredi dernier, le 31 mai. Je vais en faire la lecture:
Que, relativement à son étude du projet de loi S‑210, Loi limitant l’accès en ligne des jeunes au matériel sexuellement explicite...
Je pense qu'un ordre édicté par la Chambre des communes prévaut sur toute autre motion. Le greffier peut‑il nous donner son avis à ce sujet, s'il vous plaît?
Je ne pense pas que ce soit irrecevable, mais je vais demander au greffier.
Monsieur MacGregor a la parole. Je l'autorise à présenter sa motion.
Je ne suis pas de cet avis.
Si l'on se réfère à l'ordre de la Chambre, le Comité ne doit pas être saisi d'autres affaires tant que cette question n'est pas réglée. Le fait que la motion soit sur la table et qu'elle ait déjà été présentée au Comité n'a pas d'importance; nous ne pouvons pas en parler tant que nous n'en avons pas fini avec cette question. C'est le point que M. Caputo essayait de faire valoir et que je répéterai, car c'est la situation dans laquelle nous nous trouvons.
Nous devons honorer l'ordre que nous a donné la Chambre de ne pas consacrer notre temps à autre chose qu'à cela.
L'ordre du jour de la Chambre ne nous empêche pas de traiter d'autres questions. Il nous demande de traiter cette question de manière prioritaire. J'ai oublié la formulation exacte.
Quelqu'un d'autre souhaite‑t‑il s'exprimer au sujet de ce rappel au Règlement?
[Français]
Monsieur Villemure, la parole est à vous
Merci, monsieur le président.
M. MacGregor a utilisé son temps de parole pour déposer sa motion, alors je ne crois pas qu'il y ait de problème.
[Traduction]
Je vous remercie, monsieur le président.
Maintenant que nous avons réglé cette question, j'aimerais reprendre et...
Brièvement, monsieur, je crois que nous en avons terminé avec nos questions.
Je voudrais remercier les témoins pour leur présence et leur contribution à cette réunion et à notre étude. Je les invite à se retirer s'ils le souhaitent.
Merci beaucoup à tous et à toutes.
Monsieur MacGregor, vous pouvez y aller, je vous prie.
Merci, monsieur le président.
Je vais en faire la lecture aux fins du compte rendu. Je propose:
Que, relativement à son étude du projet de loi S‑210, Loi limitant l’accès en ligne des jeunes au matériel sexuellement explicite, et conformément au paragraphe 97.1(1) du Règlement, le Comité demande à la Chambre d’approuver une prolongation de 30 jours de séance afin de pouvoir étudier adéquatement le projet de loi, d’entendre des témoins et d’effectuer une étude article par article du projet de loi, amendements inclus, avant qu’il soit réputé avoir fait l’objet d’un rapport à la Chambre sans amendement le 7 juin 2024.
Je serai très bref, monsieur le président. Il s'agit d'une simple motion d'ordre administratif. Si nous arrivons au 7 juin, ce projet de loi sera réputé avoir fait l'objet d'un rapport à la Chambre. Je pense que nous manquerions à notre devoir si nous n'étudiions pas le projet de loi et si nous n'entendions pas d'autres témoins.
Je ne m'exprimerai plus sur cette motion. J'ai sondé la salle. Je pense que la majorité des députés est prête à voter en faveur de cette motion. Je vous serais reconnaissant de limiter vos remarques au minimum et de procéder à un vote rapide afin que nous puissions poursuivre l'examen du projet de loi C‑70 jusqu'à la fin de la semaine.
Je vous remercie.
Je suis désolé. Je recevais un conseil, non pas que je vais toujours suivre mes conseils, mais j'ai compris.
Monsieur MacGregor, avez-vous terminé votre intervention?
Monsieur Caputo, à vous la parole.
Une motion d'ajournement du débat a déjà été présentée. Je suppose que nous allons procéder à un vote par appel nominal.
D'accord, nous allons donc procéder à un vote par appel nominal.
(La motion est adoptée par 9 voix contre 2.)
Le président: Je vous remercie. Le débat est ajourné.
Voilà qui conclut nos travaux pour aujourd'hui.
Je tiens à informer le Comité que les avis seront envoyés pour demain. À ce stade, il semble qu'il y aura deux groupes de témoins. À ce stade, l'avis indique que deux témoins feront partie du deuxième groupe, mais cela devrait changer au fur et à mesure que nous recevrons des confirmations dans les prochains temps. Ce sera juste après les votes, donc vers 16 h 30.
N'oubliez pas, monsieur Larouche, qu'il est censé y avoir huit ou neuf votes. Cela prendra deux heures, donc nous devrions probablement planifier en conséquence de manière à ne pas avoir de problème de ressources. Peut-être devrions-nous le faire de 17 heures à 19 heures, au lieu de 16 h 30, et nous devrions alors obtenir la permission de prolonger la séance.
Nous disposons de toutes les ressources nécessaires pour demain.
Jeudi, on s'attend à ce qu'il y ait trois groupes de témoins. Nous commencerons à l'heure habituelle de 8 h 15. Les trois groupes de témoins sont toujours en cours de préparation en ce moment même.
Les groupes de témoins seront perturbés par des acteurs étrangers.
Un député: Oui, ce sera probablement le cas.
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