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La séance est ouverte. Bienvenue à la 121
e réunion du Comité permanent de la sécurité publique et nationale de la Chambre des communes.
La réunion d'aujourd'hui se déroule en mode hybride. J'aimerais rappeler aux participants les points suivants. Veuillez attendre que je vous nomme avant de prendre la parole. Tous les commentaires doivent être adressés à la présidence. Je rappelle également aux collègues qu'ils doivent lever la main pour demander la parole, que ce soit en personne ou sur Zoom. Le greffier et moi-même gérerons de notre mieux l'ordre des interventions.
Nous entreprenons aujourd'hui l'étude sur l'ingérence russe et les campagnes de désinformation au Canada. Je présente mes excuses au Comité, car l'avis a été envoyé ce matin. Bien qu'il soit valide selon les règles, ce n'est pas la meilleure façon de faire. J'avais l'intention de l'envoyer vendredi, mais à cause d'une erreur de ma part, cela n'a pas été fait, alors veuillez m'en excuser.
Conformément à l'article 108(2) du Règlement et à la motion adoptée le 19 septembre 2024, le Comité entreprend son étude sur l'ingérence russe et les campagnes de désinformation au Canada.
Je souhaite maintenant la bienvenue à nos témoins pour la première heure. De l'Alliance démocratique des Canadiens russes, nous accueillons Yuriy Novodvorskiy, fondateur et administrateur, et Guillaume Sirois, avocat. Du Congrès des Ukrainiens Canadiens, nous accueillons Alexandra Chyczij, présidente.
J'invite maintenant MM. Novodvorskiy et Sirois à faire une déclaration préliminaire d'un maximum de cinq minutes. Allez‑y, s'il vous plaît.
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Je vous remercie de votre invitation et de vous pencher sur la menace pour la sécurité nationale que représentent la propagande et la guerre cognitive russes.
Je m'appelle Yuriy Novodvorskiy. Je suis le directeur de l'Alliance démocratique des Canadiens russes. Je suis accompagné de notre conseiller juridique, Guillaume Sirois.
L'ADCR est une organisation sans but lucratif dirigée par des bénévoles et créée à la suite de l'invasion criminelle de l'Ukraine par la Russie. Sa mission principale est d'appuyer le développement de la communauté russo-canadienne autour des idéaux de la démocratie, des droits de la personne, des libertés civiles et de la primauté du droit. L'opposition à l'invasion de l'Ukraine et au régime de Poutine est l'un des principaux objectifs de notre organisation, de même que le soutien aux prisonniers politiques en Russie.
J'aimerais me concentrer aujourd'hui sur trois points clés.
Premièrement, la Russie se livre activement à une guerre cognitive contre le Canada et ses alliés.
Deuxièmement, cette guerre cognitive a des répercussions importantes sur la stabilité de la société civile et des institutions au Canada.
Troisièmement, cette menace n'a pas été prise au sérieux depuis trop longtemps, et nous faisons maintenant face aux effets conjugués d'années de propagande russe.
Je terminerai mon exposé par une série d'appels à l'action immédiats.
La Russie mène depuis des années au Canada des campagnes de propagande visant à semer la division sociale et à miner la confiance dans nos institutions, y compris les médias. Le but de ces campagnes est de créer une société divisée et méfiante que la Russie peut plus facilement manipuler et contrôler. La Russie cherche à influencer la façon dont les Canadiens pensent et votent et, au bout du compte, à façonner les politiques du Canada pour faire avancer ses propres intérêts stratégiques. Il s'agit notamment de rétablir un ordre mondial conforme à ses valeurs autoritaires, de démanteler l'OTAN, de lever les sanctions et de mettre fin au soutien du Canada à l'Ukraine. Ces efforts ciblent la communauté russo-canadienne et l'ensemble de la population canadienne, comme en témoigne l'opération Tenet Media.
Bien que le Canada ait fait preuve d'une plus grande résilience à l'égard de la propagande russe que nos voisins américains, nous commençons déjà à en voir les effets. Le soutien à la guerre en Ukraine diminue, la radicalisation et les divisions sociales augmentent, et la confiance dans nos institutions démocratiques s'effrite. Ce sont des objectifs stratégiques pour la Russie depuis au moins l'annexion de la Crimée, en 2014. Cette propagande, notamment l'opération Tenet Media, et pendant les deux dernières élections générales, a ciblé directement le , surtout en raison de son appui à l'Ukraine et de sa condamnation des violations des droits de la personne commises par la Russie.
De plus, ce discours est notamment repris par certains médias et au moins un parti politique au Canada, qui a reçu près d'un million de votes en 2021, et qui est sur le point d'en recueillir encore plus aux prochaines élections. Même si les éléments marginaux n'arrivent pas à leurs fins, les grands partis pourraient être tentés de courtiser leurs électeurs en adoptant une position moins ferme en faveur de l'Ukraine, par exemple. Comme nous l'avons vu aux États-Unis, il ne s'agit pas de savoir si ces narratifs feront partie du discours national dominant, mais quand ce sera le cas. D'ici là, il sera peut-être trop tard.
Les vidéos de Tenet Media au sujet du Canada ont fait les manchettes, mais elles ne représentent que la pointe de l'iceberg de la propagande russe au Canada. La Russie mène sa guerre cognitive au Canada depuis près d'une décennie. On ne devrait pas permettre à un pays étranger de façonner les pensées et les politiques des Canadiens, surtout lorsqu'il s'agit d'un problème qui dure depuis si longtemps.
Les vidéos de Tenet Media sur le Canada ont été visionnées plus d'un demi-million de fois. Si une puissance étrangère avait affrété un avion-cargo pour larguer 500 000 dépliants de propagande au‑dessus de Vancouver, de Toronto, d'Ottawa et de Montréal, critiquant les politiques canadiennes et le et minant notre société et nos institutions, quelle aurait été la réaction? L'opération Tenet Media est bien pire que cela.
Nos institutions ne sont pas équipées pour réagir à ces menaces de la Russie, ni même pour les détecter. Nous avons appris l'existence de l'opération Tenet Media à la suite d'une mise en accusation aux États-Unis, et notre gouvernement ne veut rien nous dire de plus que ce qui est déjà public. Sans nos alliés américains, cette campagne de propagande n'aurait peut-être jamais été détectée. À l'exception des condamnations publiques, notre gouvernement n'a apparemment rien fait en représailles. Les déclarations publiques ne dissuadent pas Vladimir Poutine.
Par conséquent, l'ADCR a les appels à l'action suivants à vous soumettre.
Premièrement, nous devons nous attaquer à ce problème en tant que menace nationale. Ce n'est pas seulement de la désinformation ou de la propagande. C'est une guerre cognitive qui cible tous les Canadiens, et en particulier la communauté russo-canadienne.
Deuxièmement, un organisme ou une institution devrait être clairement chargé de la défense contre cette menace et de la réponse à y apporter, de la coordination avec les autres acteurs concernés, comme les autres pays démocratiques, le SCRS, le CST, Affaires mondiales Canada, les partis politiques et la société civile.
Troisièmement, nous devons demander à la commission sur l'ingérence étrangère d'examiner et d'évaluer les événements liés à Tenet Media. L'ADRC a déjà fait cette demande il y a des semaines, mais nous attendons toujours une réponse, et aucun témoin lié aux activités de Tenet Media n'a été cité à comparaître devant la commission.
Enfin, les plateformes de médias sociaux fournissent l'infrastructure qui a rendu possible une grande partie de cette guerre cognitive. Par conséquent, elles devraient être tenues de respecter des normes plus élevées en matière de rapports et de gestion de l'ingérence étrangère.
En conclusion, nous devons reconnaître la gravité de cette menace et prendre des mesures immédiates pour contrer les stratégies de guerre cognitive de la Russie. Notre sécurité nationale, notre cohésion sociale et nos valeurs démocratiques en dépendent.
Merci.
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Merci, monsieur le président et membres du Comité, de me donner l'occasion de m'adresser à vous ce matin.
La communauté canado-ukrainienne est la cible de la désinformation soviétique et, maintenant, russe depuis des décennies. Beaucoup de Canadiens ont de la difficulté à comprendre que ce n'est pas notre pays d'origine qui s'en prend à notre diaspora. Notre gouvernement ukrainien ne nous cible pas. C'est un gouvernement étranger, le gouvernement russe, qui a fait de nous l'objet de sa désinformation.
Comme mes amis y ont fait allusion, le SCRS a identifié la Russie comme un acteur étranger de la désinformation. Dans son rapport, il dit que « La Russie continue aussi de tenter de discréditer la communauté ukrainienne du Canada, prétendant faussement qu'elle est composée de néo-fascistes qui contrôlent la politique étrangère du Canada. » Il en dit plus, mais je suis sûre que vous avez lu le rapport.
Lorsque notre service de renseignement tire ces conclusions, pourquoi le Canada demeure‑t‑il un refuge pour les agents russes? L'une des raisons, c'est que certains politiciens, conseillers en politique étrangère et employés d'Affaires mondiales Canada ont une vision naïve de la Russie et de la menace qu'elle représente pour le Canada et nos institutions démocratiques.
Pendant plus d'une décennie, notre communauté a préconisé l'interdiction de RT, la télévision russe. Cela ne s'est produit qu'un an après l'invasion complète de l'Ukraine. RT a finalement été sanctionnée par le Canada — avec d'autres institutions russes, comme le laboratoire d'idées de Poutine, le club Valdai —, mais aucune mesure n'a été prise par le gouvernement à l'égard de ceux qui, au Canada, collaborent avec ces institutions. De nombreux collaborateurs canadiens de RT sont autorisés à opérer en toute impunité. En fait, certains d'entre eux sont invités à comparaître devant des comités parlementaires canadiens. D'autres reçoivent des subventions des contribuables canadiens pour produire des films de propagande russe.
Nous savons également que le Canada est une destination de choix pour les agents dormants russes. Il ne semble pas y avoir de détection ou de prévention de l'espionnage étranger au Canada. Ils viennent ici parce que nous leur permettons d'établir facilement leur identité, tout en poursuivant leurs activités d'espionnage. Ils se rendent ensuite dans d'autres pays alliés, en se faisant passer pour des citoyens d'un partenaire allié fiable. Ce sont maintenant des Canadiens.
Vous connaissez l'histoire de la famille Vavilov et, bien sûr, Mikhail Mikushin, qui a récemment participé à l'échange d'Evan Gershkovich. C'était un colonel du renseignement militaire russe, un atout précieux de Poutine.
La Russie coopère avec des personnes faisant autorité, influentes et persuasives, comme des universitaires, des journalistes et des influenceurs des médias sociaux, ceux que Staline appelait des « idiots utiles », pour répéter et amplifier ses narratifs. Lorsque ces narratifs reprennent mot pour mot ce que disent l'ambassade de Russie et Poutine, pourquoi personne ne demande pourquoi?
Nous savons que nous sommes ici pour discuter de l'opération Tenet ou Doppelganger menée par RT, dans laquelle était impliquée une entreprise canadienne appartenant à deux Canadiens et faisant appel à des influenceurs sociaux canadiens. Ils ont produit des vidéos sur des thèmes canadiens, sur des sujets brûlants propres à semer la discorde. Une fois qu'ils ont retenu l'attention d'un auditoire effrayé et mécontent, ils ont attribué les problèmes économiques et tout ce qui ne va pas dans le monde au soutien que le Canada apporte à l'Ukraine — remplie de nazis, soit dit en passant. Le gouvernement n'a rien fait. Cela crée une culture d'impunité qui normalise ce comportement qui consiste à qualifier les Ukrainiens de nazis. Malheureusement, cela représente aussi une menace pour notre communauté. Nous avons fait des sondages et constaté une augmentation importante du nombre d'incidents haineux contre les Ukrainiens. Nous avons demandé à deux ministres de la Sécurité publique successifs de dénoncer et de condamner ce comportement, mais ils restent silencieux.
Nous savons que pendant des décennies, l'Union soviétique a eu recours à des « mesures actives », ou des opérations visant à discréditer notre diaspora après la Seconde Guerre mondiale, parce qu'elle était très critique à l'égard du régime soviétique. Elle nous voyait comme une menace. Une de ces opérations, malheureusement, a été la Commission Deschênes. Les preuves provenant d'Operation Payback montrent une campagne visant à enflammer la population canadienne en prétendant à tort que le tristement célèbre Dr Mengele se cachait au Canada. Cette campagne a été lancée par un représentant canadien du Centre Simon Wiesenthal, Sol Littman, qui a délibérément semé de fausses histoires. Une fois que la population canadienne a été suffisamment enflammée, le gouvernement Mulroney a mis sur pied une commission d'enquête qui a innocenté tout le monde, à l'exception de 29 personnes.
Cependant, aujourd'hui, nous entendons des appels répétés en faveur de la divulgation des noms de ces personnes, plus de 800 d'entre elles, qui ont plusieurs générations de descendants.
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Merci, monsieur le président.
Je suis heureuse de voir que mes collègues conservateurs prennent cette étude si au sérieux, et j'espère sincèrement qu'ils ne chercheront pas à la clore ou à la limiter, car nos premiers témoins ont déjà souligné des sujets de préoccupation assez importants. Je pense qu'il est impératif que ce comité fasse ce travail. Je serais très déçue, après cette série de questions, de voir les conservateurs limiter cette étude ou essayer de ne pas la laisser continuer alors que c'est notre première journée. Nous verrons bien, je suppose. Je suppose que nous verrons si les paroles que nous venons d'entendre sont suivies de gestes concrets.
Pour ce qui est de mes questions — et cela s'adresse aux deux organisations — en tant que députée, au niveau local, j'ai vraiment pu constater un changement dans la perception du public à l'égard de l'invasion de l'Ukraine. Par exemple, je me souviens d'avoir participé à des vigiles, au début de la guerre, dans ma collectivité d'Uxbridge, qui compte une importante population ukrainienne, et de la rapidité avec laquelle l'appui à l'Ukraine a commencé à s'effriter dans les médias sociaux. Lors de nos premiers débats sur l'Accord de libre-échange Canada-Ukraine, les choses se sont déroulées plutôt bien. L'accord semblait avoir l'appui de tous les partis. Ensuite, les choses ont commencé à changer.
Cela s'explique en grande partie par l'évolution du discours en ligne dans les comptes de médias sociaux. Lorsqu'on a appris que des influenceurs avaient peut-être été payés par la Russie pour se faire passer pour des organisations canadiennes ou des pages de médias sociaux canadiens, on a commencé à faire le lien entre les deux. En tant que simple députée, je pouvais très bien voir ce changement, par exemple avec les Ukrainiens de ma circonscription, mais de façon générale, j'entendais des gens commencer à défendre la Russie, ou je voyais des drapeaux russes sur la Colline et des manifestations contre tout...
Ma première question est la suivante — et j'aimerais avoir votre point de vue à tous les deux à ce sujet —, croyez-vous que les influenceurs qui avaient des comptes financés, ou prétendument financés, par la Russie ne savaient pas vraiment qui payait, ou y a‑t‑il un monde dans lequel les gens ne sauraient pas que la Russie envoie de la propagande?
De même que si ça marche comme un canard et cancane comme un canard, si vous répétez de la propagande russe et que vous prétendez ensuite ne pas avoir su qu'on vous payait pour répéter de la propagande russe... Avez-vous vu d'autres exemples de gens qui ont prétendu ignorer qui payait la note? Je vais peut-être commencer par cela, si vous n'y voyez pas d'inconvénient.
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Même si, à l'heure actuelle, ce sont encore des allégations, une simple recherche sommaire montrerait que ces points de vue viennent du gouvernement russe. Souvent, si ce n'est pas mot pour mot, l'idée est exactement la même. L'idée vient du Kremlin et s'est propagée dans les canaux de propagande du gouvernement russe.
Pour répondre à ce qui a été dit plus tôt, je suis d'accord avec Mme Chyczij. L'ADCR est insatisfaite de la réponse du gouvernement canadien à la désinformation qui s'est répandue dans les médias sociaux canadiens, mais aussi en ce qui concerne l'application des mesures qui ont été adoptées, y compris les sanctions.
Nous nous demandons comment ces sanctions sont appliquées, pourquoi les violations des sanctions semblent... Ces enquêtes semblent provenir des États-Unis, et non du Canada.
Même si une bonne partie de la désinformation semble se faire aux États-Unis, en raison de l'interdépendance des écosystèmes canado-américains, les récits qui en émanent se répandent et finissent par se retrouver au Canada et avoir une incidence sur le discours national ici.
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Merci, monsieur le président.
Madame et messieurs les témoins, je vous remercie d'être parmi nous, aujourd'hui.
Comme les témoignages le montrent, la question de l'ingérence, notamment l'ingérence russe, est une question importante et inquiétante.
Je ne sais pas si vous connaissez d'autres États qui pratiquent de l'ingérence au Canada. À votre avis, y a-t-il une différence importante entre les pratiques, une façon de reconnaître le type d'ingérence?
En fait, dans ce cas-ci, nous savons que cela vient de la Russie. Y a-t-il une différence entre l'ingérence russe et, par exemple, l'ingérence chinoise ou indienne, ou encore celle d'autres États? À votre avis, y a-t-il quelque chose de particulier qui nous permettrait de reconnaître les types d'ingérence?
Monsieur Novodvorskiy, avez-vous des commentaires à faire à ce sujet?
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Merci beaucoup, monsieur le président.
Merci à tous nos témoins d'être ici aujourd'hui. Nous vous en savons gré.
Personne ici n'a jamais entendu parler de la désinformation. J'aimerais pouvoir vous montrer ce que je trouve chaque jour dans ma boîte de réception. Honnêtement, je pense que si l'on examine un certain nombre de théories du complot... de multiples diagrammes de Venn pourraient être établis à partir de ce dont nous parlons aujourd'hui.
De mon point de vue, c'est en partie frustrant. Le Comité et la question de l'ingérence étrangère sont au cœur des préoccupations depuis quelques années. En fait, le Comité a mené une étude en 2022. Le rapport a été déposé à la Chambre des communes en mars 2023. Il s'agissait d'examiner la position du Canada en matière de sécurité par rapport à la Russie. Nous avons examiné toutes sortes de domaines où la Russie a participé à des activités d'espionnage en matière de cybersécurité et à des campagnes de désinformation et de mésinformation, et nous avons formulé une série de recommandations dans ce rapport. C'était il y a environ un an et demi.
Je vais peut-être poser cette question à l'Alliance démocratique des Canadiens russes, parce que dans votre déclaration préliminaire, vous vouliez que nous considérions ce problème comme une menace à la sécurité nationale. Vous vouliez qu'une institution unique soit responsable de ce dossier. Nous avons recommandé au gouvernement d'examiner l'ampleur de la désinformation russe ciblant le Canada, c'est‑à‑dire les acteurs, les méthodes, les messages et les plateformes en cause.
En réponse, le gouvernement a dit que, dans le budget de 2022, il s'était engagé à fournir 13,4 millions de dollars sur 5 ans pour renouveler et élargir le Mécanisme de réponse rapide du G7. Pourriez-vous nous dire ce que vous en pensez, parce que si nous avons fait une recommandation et qu'ils y ont donné suite, j'aimerais avoir votre avis sur les résultats obtenus, afin que nous puissions peut-être mettre à jour notre recommandation dans ce rapport.
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Je suis d'accord avec mon collègue.
Pour ce qui est du Mécanisme de réponse rapide du Canada, le MRR, ils sont actifs et essaient de cerner ces menaces, mais Lauren Chen, qui a aidé à mettre sur pied Tenet Media, a été très active lors de l'élection générale de 2021 pour amplifier le contenu lié au Parti populaire du Canada, le PPC et discréditer le Parti conservateur et le Parti libéral.
Elle a organisé un débat avec Maxime Bernier et un candidat du PPC, qui a été vu 16 000 fois le 10 septembre de cette année électorale. Le MRR n'a pas détecté cette opération, ni celle de Tenet Media. Donc, même s'ils essaient de détecter ces menaces, ils n'y arrivent pas, pour quelque raison que ce soit, d'après ce que nous avons constaté.
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Merci, monsieur le président, et merci aux témoins d'être ici aujourd'hui. C'est très intéressant. J'ai bien aimé quand Mme Alexandra Chyczij a parlé de la Finlande. Récemment, dans le cadre de mes autres fonctions en tant que militaire canadien, j'ai eu le plaisir de rencontrer un colonel de la Finlande et de discuter de la préparation militaire et de la cyberpréparation de ce pays par opposition à celle de notre pays, et j'en suis ressorti très impressionné.
Toutefois, pour revenir à la question, en fait, en juin 2022 devant ce comité, l'ancien ministre avait témoigné. Il était ministre de la Protection civile à l'époque, mais pendant la campagne électorale de 2021, il était ministre de la Sécurité publique. À l'époque, j'étais très préoccupé, et je le suis encore aujourd'hui, par l'ingérence étrangère dans nos élections. Je lui ai demandé à brûle-pourpoint, comme le montre le compte rendu: « Votre gouvernement a‑t‑il déterminé que la désinformation lors des élections fédérales de 2021 provenait de sources étrangères? »
Voici ce qu'il a répondu: « Je peux vous dire — et j'ai vérifié en prévision de votre question — que je n'ai reçu aucune information selon laquelle la Russie aurait participé à des efforts d'ingérence étrangère lors des dernières élections fédérales. »
J'ai alors dit:
Je comprends cela, mais si la Russie voit qu'il est possible pour un pays d'influencer nos élections, elle pourrait être incitée à le faire elle-même.
Votre gouvernement a‑t‑il décelé de l'ingérence étrangère dans les élections fédérales de 2021?
Il m'a répondu que ses agences étaient très vigilantes et qu'elles n'avaient pas décelé d'ingérence étrangère.
Nous savons maintenant que ce n'était pas le cas, et qu'il y a bel et bien eu ingérence étrangère dans nos élections. Avez-vous été surprise d'apprendre que, dès 2022, des ministres du gouvernement affirmaient qu'il n'y avait pas d'ingérence étrangère dans notre pays? Est‑ce que cela vous surprend?
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Eh bien, je ne vais pas révéler mon âge, mais je me souviens d'être allée à l'école dans les années 1980. Les universitaires qui enseignaient l'histoire, qu'il s'agisse de Russes, d'Européens de l'Est ou d'autres, avaient tous fréquenté l'école universitaire soviétique. Ils passaient tous leurs étés à Moscou à boire et à manger avec des gens du KGB, et ils revenaient et répétaient, en fait, la pensée soviétique.
Le monde universitaire s'inquiète du fait que les études slaves et de l'Europe de l'Est ont été colonisées par les Russes. Nous devons donc commencer par nos établissements d'enseignement, commencer à les décoloniser et à se concentrer non pas sur la vision impérialiste russe du monde, mais sur les autres pays voisins de la Russie, notamment l'Ukraine.
Nous avons des politiciens, du personnel et des conseillers à Affaires mondiales Canada qui ne semblent pas voir la menace que constitue la Russie. Lorsque l'invasion à grande échelle de l'Ukraine a commencé, beaucoup d'entre eux se sont demandé ce qui s'était passé et ils semblaient complètement surpris.
Il s'agit de remplacer ces personnes par des gens qui comprennent ce qu'est la Russie aujourd'hui. La Commission d'Helsinki recommande au gouvernement des États-Unis et à d'autres gouvernements de procéder à une réinitialisation, et je ne parle pas ici de la réinitialisation russe de l'administration Obama. Nous devons repenser complètement notre approche à l'égard de la Russie et la considérer comme une menace à la sécurité mondiale.
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Merci, monsieur le président.
Le Service canadien du renseignement de sécurité a souvent comparu devant le Comité pour faire le point sur ses activités. Bien sûr, une grande partie de ce qu'ils font de par sa nature même n'est pas déclarée. Ils doivent fonctionner dans un contexte très clandestin. Ils doivent être très conscients que leurs sources pourraient être compromises et que leur vie pourrait être mise en danger s'ils révélaient trop de renseignements.
Cependant, au cours de la session du printemps, il y a eu un rare moment d'unité lorsque toute la Chambre des communes s'est réunie très rapidement pour adopter le projet de loi qui, entre autres choses, a mis à jour une loi analogique dans un monde numérique. Cela a permis au SCRS d'être un peu plus proactif dans la façon dont il communique des renseignements à d'autres entités. J'ai eu des rencontres avec des représentants du SCRS depuis que cette loi a reçu la sanction royale. Le service est encore en train de s'entendre sur la façon de mettre en œuvre certaines mesures, mais il est certes un peu plus proactif.
En ce qui concerne le travail que font nos organismes de sécurité et de renseignement — et cela comprend les fonctionnaires de Sécurité publique Canada —, si on le compare à certains exemples européens, avez-vous des souhaits quant à la façon dont ces organismes pourraient être un peu plus proactifs avec la population canadienne, de façon apolitique, pour souligner la gravité de la menace et les mesures qui doivent être prises pour la contrer? Pourraient-ils être un peu plus proactifs lorsque nous réussirons à mettre fin à certaines de ces campagnes?
Je vais peut-être commencer par vous, et nous pouvons demander à tous de commenter rapidement.
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Nous reprenons nos travaux.
Nous accueillons, Marcus Kolga, chercheur principal au Macdonald-Laurier Institute, qui est ici à titre personnel, et Aaron Shull, directeur général et avocat général du Centre for International Governance Innovation.
Nos deux témoins comparaissent par vidéoconférence.
Avant de passer aux déclarations des témoins, je tiens à rappeler que nous avons demandé à tous ceux qui ont des recommandations et des suggestions à formuler pour le rapport de l'étude sur l'industrie automobile de nous les faire parvenir, espérons‑le, d'ici aujourd'hui. Le plus tôt sera le mieux, car les analystes doivent les intégrer au rapport. Pourrions-nous faire cela?
Je demanderais également au greffier de rappeler aux gens qu'ils doivent proposer des témoins pour cette étude d'ici vendredi, si possible, afin que nous puissions organiser cela également.
Nous passons maintenant à M. Kolga, pour une déclaration d'un maximum de cinq minutes.
C'est à vous.
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Merci, monsieur le président et membres du Comité, de me donner le privilège et l'occasion de témoigner devant vous aujourd'hui. Je tiens tout d'abord à vous remercier d'avoir reconnu la grave menace que l'information russe et les opérations d'influence de la Russie posent pour notre démocratie et notre société.
Depuis 15 ans, je me consacre à la surveillance et à l'exposition de la guerre de l'information russe et des campagnes d'influence ciblant le Canada et nos alliés. Ce n'est pas une question partisane. La protection de la souveraineté cognitive du Canada et de l'intégrité de notre environnement de l'information est essentielle à la défense de notre démocratie et au maintien de la cohésion sociale.
La mise en accusation du 4 septembre 2024 par le département de la Justice des États-Unis souligne l'ampleur de cette menace, mais ce n'est que la pointe d'un iceberg beaucoup plus vaste. Depuis plus d'une décennie, les Canadiens collaborent avec des médias d'État russes comme RT et Sputnik News, ainsi qu'avec des plateformes comme le Centre de recherche sur la mondialisation de Montréal, que le département d'État américain considère comme un pilier clé de l'écosystème russe de désinformation. Ils favorisent également la répression transnationale russe et collaborent en la matière, ciblant des militants canadiens comme moi, des communautés et même des parlementaires.
De plus, des Canadiens continuent de collaborer avec des groupes de réflexion sanctionnés par le Kremlin, comme le Club Valdaï et le Conseil russe des affaires internationales, qui ont joué un rôle central dans le blanchiment de la désinformation et dans les efforts visant à influer sur les politiques et les opinions au Canada par l'entremise des influenceurs qui y étaient liés. Ces entités contrôlées par le Kremlin, y compris RT, ne sont pas que des outils de propagande. Ils sont conçus pour utiliser l'information comme une arme afin de manipuler notre compréhension du monde qui nous entoure, de miner notre démocratie et d'éroder notre tissu social. Ils ne sont pas non plus restreints par des frontières physiques.
Une déclaration sous serment du FBI publiée en même temps que l'acte d'accusation du 4 septembre par le Département de la justice renferme les procès-verbaux détaillés de réunions de haut niveau et des documents stratégiques de la Russie. L'un des plus proches conseillers de Vladimir Poutine, Sergey Kiriyenko, a participé à ces réunions, soulignant l'importance de ces opérations à titre personnel pour Poutine. Parmi les documents contenus dans la déclaration sous serment figurent des instructions aux agents de propagande russes de surveiller les environnements d'information occidentaux pour déceler les conflits, les points de friction et les crises nationaux, et de créer artificiellement et d'intensifier les tensions dans les pays alliés avec les États-Unis. Dans ces documents, on demande aux agents de créer de faux récits et mensonges, qui sont ensuite relayés par des influenceurs occidentaux et des plateformes médiatiques étatiques comme RT. Affaires mondiales Canada a maintenant désigné RT comme une branche de l'appareil de renseignement de la Russie qui participe à des manipulations psychologiques et à des opérations de désinformation, tandis que ses cyberacteurs ciblent les pays occidentaux, y compris les infrastructures essentielles canadiennes.
La mise en accusation aux États-Unis révèle la participation importante de Canadiens aux activités de RT. On y allègue qu'une entreprise mise sur pied par deux Canadiens a reçu 10 millions de dollars de RT pour créer une plateforme de transmission de ces récits à des auditoires canadiens et américains. Bien que cela puisse sembler une somme importante, ce n'est qu'une fraction des 3 milliards de dollars que la Russie dépense annuellement en opérations d'information à l'échelle mondiale. L'acte d'accusation allègue que les Canadiens produisaient du contenu pour RT dès mars 2021 et que RT a acheminé de l'argent à ces personnes par l'intermédiaire de sociétés fictives du Royaume-Uni pas plus tard que cette année. RT a été ajouté à la liste des entités qui font l'objet de sanctions du Canada en juillet 2022, ce qui soulève de sérieuses questions sur les violations potentielles des lois canadiennes en matière de sanctions. Le Comité devrait demander si la GRC enquête sur ces Canadiens et d'autres personnes qui collaborent avec des entités contrôlées par le Kremlin.
La mise en accusation du Département de la justice et la déclaration sous serment du FBI sont très révélatrices. Elles montrent clairement que les opérations russes ciblent le Canada, une menace qui persiste depuis près de 90 ans. Le cas le plus alarmant des opérations de renseignement russes au Canada, et dont on a trop peu fait de cas, est peut-être celui du colonel Mikushin du service du renseignement militaire, le GRU. Pendant plus d'une décennie, Mikushin a fréquenté l'Université Carleton et l'Université de Calgary. Il a même écrit un article pour la revue Canadian Naval Review et a été bénévole pour une campagne politique canadienne. Ce qui est le plus troublant, c'est que ce ne sont pas le SCRS, le Centre de la sécurité des télécommunications, le CST, ou la GRC qui ont découvert récemment que Mikushin est un colonel du GRU, mais bien le renseignement norvégien. C'est la Norvège qui l'a découvert, et non le Canada. Le service fourni par Mikushin aux opérations de renseignement de la Russie était si important pour Vladimir Poutine qu'il a été inclus dans le swap de prisonniers du mois d'août, retournant en Russie aux côtés des autres assassins et pirates informatiques du GRU de Poutine.
Il est peu probable que Mikushin ait été le seul agent de renseignement russe à travailler au Canada et que les Canadiens à la solde de Tenet Media ne soient pas les seuls Canadiens à collaborer avec la chaîne RT et d'autres médias du Kremlin. Pour arriver à perturber, décourager et faire cesser ce genre d'opérations, nous devons obliger ces médias et leurs collaborateurs canadiens à rendre des comptes, en menant des enquêtes sur eux et en les dénonçant, en appliquant nos lois en vigueur, en mettant en œuvre de nouveaux outils législatifs comme le Registre de transparence en matière d'influence étrangère et le projet de loi et en cessant d'ignorer délibérément cette menace.
Merci. Je suis maintenant prêt à répondre à vos questions.
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Je vous remercie, monsieur le président.
Je remercie également les membres du Comité. Je suis ravi de vous revoir.
Je vais commencer par rappeler ce que nous savons tous, à savoir que les campagnes de désinformation russes représentent une grave menace pour notre démocratie et qu'elles s'inscrivent dans ce que nous appelons une chaîne de destruction calculée de la désinformation. Cette opération consiste d'abord par détecter les vulnérabilités sociétales, puis à élaborer du contenu trompeur afin d'exploiter ces faiblesses. Propagés au moyen de robots et de faux comptes, ces discours mensongers acquièrent une importance indue et sont relayés par des influenceurs involontaires. En manipulant la réaction du public, ces acteurs sèment la discorde et la confusion, tout en atteignant leur objectif, celui de miner nos processus démocratiques.
Le Canada a réagi en mettant en place diverses mesures. L'une d'elles est le mécanisme de réponse rapide, qui exerce une surveillance et traite les cas de manipulation de l'information par un État étranger. Nous avons également le programme de contributions en matière de citoyenneté numérique, mis en place par Patrimoine canadien, qui appuie ces efforts en faisant la promotion de la culture numérique et en sensibilisant le public.
Nous devons toutefois redoubler d'efforts pour renforcer nos défenses. Premièrement, en élargissant notre régime de sanctions en coordination avec nos alliés, nous pourrons imposer des sanctions concrètes aux entités qui perpétuent la désinformation. Deuxièmement, en utilisant les cybercapacités offensives du Centre de la sécurité des télécommunications, nous pourrons perturber les réseaux de désinformation à la source, en nous inspirant du modèle efficace que l'Agence de sécurité américaine, la NSA, a utilisé durant la période précédant les dernières élections aux États‑Unis. Enfin, nous devons nous doter d'une stratégie nationale de résilience numérique mobilisant toutes les sphères de la société.
Cette stratégie nécessiterait la collaboration des gouvernements provinciaux et territoriaux afin d'intégrer la culture numérique dans les programmes scolaires pour faire en sorte que les élèves acquièrent, dès leur jeune âge, les compétences de pensée critique nécessaires pour s'orienter dans le monde numérique. De plus, la mise en place de programmes flexibles d'éducation des adultes, qui seraient dirigés par les établissements d'enseignement avec le soutien d'organismes communautaires, permettrait de fournir aux populations vulnérables et au grand public les outils nécessaires pour détecter et contrer la désinformation.
Le lancement de campagnes de sensibilisation, sous la coordination de pôles communautaires comme les bibliothèques et les établissements culturels locaux, renforcerait ces efforts et ferait en sorte que la littératie numérique devienne une priorité nationale.
Permettez‑moi de m'attarder un moment sur ce point. La littératie numérique doit devenir une priorité nationale. En favorisant la collaboration entre le gouvernement, les organisations de la société civile et les établissements d'enseignement, nous pourrons créer un front unifié et résilient contre la manipulation de l'information par des acteurs étrangers, tout en aidant les Canadiens à analyser d'un œil critique l'information qu'ils reçoivent et en réduisant l'impact de la désinformation au sein de la société.
De récentes analyses du renseignement, notamment le rapport du SCRS sur la guerre menée par Moscou en Ukraine et ses répercussions sur les activités d'ingérence russes au Canada, mettent en évidence le risque auquel nous faisons face. Même si le Canada se distingue des autres pays occidentaux par sa forte exposition aux activités d'influence étrangères menées par la Russie, ces opérations persistent et ciblent des groupes précis, notamment la diaspora russe du Canada, dans le but de promouvoir la désinformation sur le conflit en Ukraine.
Selon le SCRS, la Russie fait appel à des agents pro‑russes et à des influenceurs, volontaires ou non, pour amplifier les messages visant à discréditer les politiques du Canada à l'endroit de l'Ukraine et à dénigrer la diaspora ukrainienne. Ces tentatives sont particulièrement inquiétantes, en raison de l'importance de la population russophone au Canada et des efforts ciblés du Kremlin pour exploiter les divisions au sein de la société canadienne. Le SCRS souligne également que, même si les activités d'influence de la Russie à l'étranger ont diminué dans certaines régions à cause de sa perte de réputation dans les pays occidentaux, nous ne pouvons pas nous permettre de sous‑estimer cette menace constante. Les acteurs étatiques russes demeurent déterminés à relayer des informations mensongères dans le but de miner la cohésion sociale et la confiance dans les institutions canadiennes et de contrer la position ferme du Canada à l'égard de l'Ukraine.
Notre compréhension de cette menace ne cesse d'évoluer, et les recherches récentes nous apportent de précieux renseignements. Le rapport intitulé Canadian Vulnerability to Russian Narratives About Ukraine, rédigé par mon collègue Marcus Kolga, révèle qu'un pourcentage élevé de Canadiens, soit 71 %, a été exposé à au moins un message mensonger propagé par le Kremlin. Bon nombre de ces gens croient en ces discours ou ne sont pas certains qu'ils sont mensongers. Cela met en évidence le besoin urgent de mettre en place des programmes exhaustifs d'éducation aux médias et de sensibilisation accrue du public afin de contrer la propagation de la désinformation russe au Canada.
Je vous remercie, monsieur le président. Je répondrai volontiers aux questions.
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La répression transnationale russe constitue en effet une menace persistante et croissante pour notre démocratie. On parle de répression transnationale quand un régime étranger utilise la coercition, les menaces, l'intimidation et la violence pour discréditer et faire taire les critiques du régime, notamment les activistes, les groupes minoritaires et même les parlementaires. C'est ce qui se passe au Canada. Dans les pires cas, le Kremlin a tenté d'empoisonner ses détracteurs, comme les Skripal au Royaume‑Uni, ou se livre à des actes de brutalité, par exemple contre le collègue d'Alexeï Navalny, Leonid Volkov, en Lituanie.
Au Canada, nous avons constaté que le gouvernement russe surveillait des groupes de la diaspora, lançait des campagnes visant à discréditer des parlementaires et déployait des efforts pour fomenter la haine à l'endroit de la diaspora ukrainienne. J'ai moi‑même été maintes fois la cible du Kremlin et de ses agents et influenceurs au Canada qui cherchaient à m'intimider et à me discréditer. Les médias d'État russes publient régulièrement des articles à mon sujet. D'anciens diplomates, universitaires et fonctionnaires canadiens liés à des groupes de réflexion du Kremlin, comme le club de Valdaï, de même que des entreprises russes et un organisme de promotion commerciale, ont déjà tenté de me discréditer et de salir ma réputation au moyen de campagnes de lettres toxiques. J'ai été l'un des premiers Canadiens à figurer sur la liste des sanctions du Kremlin.
En 2019, j'ai reçu de nombreux courriels de menace de mort contre ma famille et moi‑même provenant d'adresses IP au Canada et à Moscou. Quand j'ai demandé l'aide de la GRC, on m'a dit de signaler ces menaces aux forces de l'ordre locales qui, elles, m'ont dit de les signaler à GRC, qui m'a ensuite orienté vers le Service canadien du renseignement de sécurité. Comme nous le savons tous, le SCRS est un trou noir qui se concentre surtout sur la collecte de renseignements. Heureusement pour moi, au bout de quelques mois, un agent de la région de York s'est intéressé à mon dossier et a ouvert une enquête. Un coupable a été identifié, un nationaliste russe radicalisé qui vivait entre Thornhill et la Floride. Par chance, le service de police régional de York nous a invités à participer, ma famille et moi, à une séance d'information sur les droits des victimes et nous a donné un numéro de téléphone à composer en cas d'urgence.
Je dois également mentionner que pour la communauté ukrainienne, les tactiques d'incitation à la haine de la Russie ont donné lieu à des actes de vandalisme contre des membres de la communauté ukrainienne, notamment des entreprises, des domiciles et même des véhicules. Des étudiants ont été victimes d'intimidation et le Congrès des Ukrainiens canadiens a même été obligé d'établir une ligne téléphonique d'urgence nationale d'aide aux victimes.
Des parlementaires ont également été ciblés par la répression transnationale. En 2018, la , et sa famille ont été la cible d'une campagne de désinformation qui déformait et manipulait des faits historiques dans le but de ternir sa réputation, celle de toute sa famille et, en fait, celle de toute la communauté ukrainienne. Un article a d'abord été diffusé dans un blogue de Moscou qui était géré par un prétendu ex‑agent du KGB. Cet article a ensuite été relayé dans la constellation des plateformes intermédiaires en ligne alignées sur le Kremlin. Ces mensonges ont fini par se métastaser dans nos médias nationaux, qui ont volontairement relayé cette opération de désinformation russe très bien orchestrée contre elle. Cela ressemble un peu à la campagne du Global Times lancée par la Chine, en 2021, contre l'ancien chef du Parti conservateur, Erin O'Toole. En passant, c'est mon organisation, DisinfoWatch, qui a été la première à dénoncer cette campagne.
La campagne contre Mme Freeland démontre également que la Russie se livre à ce jeu entre les campagnes électorales, et non pas seulement durant, afin d'influer sur les résultats électoraux. C'est un fait important qui a clairement échappé à la commission chargée d'enquêter sur l'ingérence étrangère dans nos élections. Sur le plan de la sécurité nationale, il s'agit là d'une grave menace, parce que nous laissons actuellement la porte grande ouverte à la Russie, à la Chine et à l'Iran pour venir cibler et attaquer nos citoyens et nos résidents. Nous devons redoubler d'efforts pour protéger ces collectivités vulnérables.
Le contenu et la nature de ce film ont largement été commentés dans les médias au cours des dernières semaines. Il y a cependant un point qui n'a pas été suffisamment bien expliqué, c'est le manque flagrant de rigueur du processus d'approbation du financement pour ce genre de projets, même pour les festivals de films qui décident de présenter des films comme celui‑ci. Nous fermons les yeux sur la menace posée par les activités d'information russes, la façon dont elles tentent de nous manipuler et la façon dont elles y parviennent.
En ce qui concerne ce film, il aurait suffi d'une simple vérification des antécédents de la cinéaste. Le fait qu'elle ait réalisé 12 films pour la chaîne RT au cours de la dernière décennie — depuis environ six ans — aurait dû sonner l'alarme. Comme je l'ai mentionné dans ma déclaration préliminaire, nous savons que RT est un prolongement de l'appareil de renseignement de la Russie. Là encore, il aurait suffi de lancer le nom de la cinéaste dans Google pour vérifier.
Par contre, nous devrions soutenir d'excellents journalistes russes, notamment Dmitry Muratov, le rédacteur en chef de Novaya Gazeta, qui est à Toronto aujourd'hui à titre de conférencier à un gala de l'organisation Journalistes pour les droits humains. Il a le courage de dénoncer le Kremlin, malgré toutes les menaces qui pèsent contre lui, et il continue de vivre à Moscou.
Des centaines de journalistes russes indépendants vivent à l'étranger et méritent notre soutien. Ils sont prêts à dire la vérité sur la guerre et ils le font. Ils ont été forcés de s'exiler.
Nous pourrions faire beaucoup plus. Je le répète, nous devons faire preuve de prudence quand nous finançons quelqu'un qui propose un contenu au sujet de la Russie.
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Merci de votre question. Moi aussi, je suis ravi de vous revoir.
C'est une excellente question. Je pense que nous ne sommes pas vraiment capables de mesurer directement l'impact de ces messages. Vous avez raison de dire que les médias d'État russes et leurs influenceurs, tant à l'extrême gauche qu'à l'extrême droite — il est important de noter qu'ils sont des deux côtés de l'échiquier politique —, ciblent les enjeux les plus polarisants au sein de la société aujourd'hui. Ils ciblent les deux extrêmes et utilisent des influenceurs, des plateformes intermédiaires et des médias d'État, comme la chaîne RT, dans le but de semer la discorde dans les deux pôles et de démanteler la cohésion de notre société.
Les documents mentionnés dans l'affidavit du FBI — et je recommande fortement à tous les membres du Comité de prendre connaissance de cet affidavit et des documents qui y sont mentionnés — énoncent clairement ces objectifs qui correspondent tout à fait à ce que j'ai dit tout à l'heure. C'est ce que cherchent ces influenceurs. Ils scrutent notre espace médiatique. Ils fouillent les médias sociaux pour trouver des sujets précis, puis ils élaborent des messages au Kremlin et avec les organisations qui travaillent avec eux pour s'attaquer à ces messages. C'est vraiment ce qu'ils ont fait.
Dans l'affidavit en question, qui est lié à l'affaire Doppelganger, l'une des principales tactiques consistait à créer de faux médias d'information. D'après moi, cela n'a probablement pas eu beaucoup d'impact et je pense que nous y avons accordé trop d'attention. Par contre, nous ne nous sommes pas concentrés sur le rôle que jouent les influenceurs dans ces campagnes.
Selon l'affidavit, près de 2 000 influenceurs occidentaux ont été utilisés pour amplifier ces messages. Je sais que des influenceurs canadiens en sont de ce nombre, tant à l'extrême gauche qu'à l'extrême droite. L'acte d'accusation visant Tenet Media nous apprend clairement que des Canadiens contribuent à l'amplification de ces messages.
C'est là que se trouve la véritable menace. Nous ne savons pas quel en est l'impact, mais un élément important de la désinformation russe consiste à effacer toute empreinte de l'État russe et de faire en sorte que ces messages soient amplifiés au sein de notre propre écosystème.
En terminant, j'ajoute que dans le cadre d'une étude que nous avons réalisée avec Digital Public Square, en 2023, nous avons constaté que 200 000 comptes Twitter faisaient activement la promotion de ces messages auprès d'auditoires canadiens, et que plus de 90 % d'entre eux étaient des comptes d'extrême gauche et d'extrême droite. Ces chiffres nous permettent donc d'évaluer l'impact.
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Je suis tout à fait d'accord pour dire qu'une agence, une unité au sein du gouvernement, pour soutenir les victimes de la répression transnationale serait extrêmement utile.
Lorsque ce type d'attaque se produit, c'est psychologiquement éprouvant. Il est très difficile d'y faire face. Des réputations sont entachées. Il y a des répercussions sur les membres de la famille. Pour l'instant, il n'y a aucun soutien pour les victimes.
Je dirais également qu'il y a des centaines, voire des milliers, de victimes de la répression transnationale au Canada à l'heure actuelle. Nous avons vu comment le gouvernement chinois a ciblé sa propre diaspora et comment il a ciblé les activistes ouïghours et tibétains dans ce pays.
Le seul soutien dont ils disposent, c'est lorsque nous nous parlons. Nous avons un réseau informel et nous essayons de faire tout ce que nous pouvons pour nous entraider. Le gouvernement a vraiment un rôle à jouer pour soutenir ces victimes, mais aussi pour appliquer les lois en vigueur en mettant en œuvre le projet de loi , qui assurera un certain degré de protection aux victimes de la répression transnationale.
Je dirais également que le Canada a un rôle à jouer dans la création d'un réseau international de nations où il y a des victimes qui sont la cible de répression transnationale. Le Canada n'est pas le seul pays où il y a des victimes. Nous savons que des citoyens britanniques et suédois, entre autres, ont été pris pour cible. Travailler ensemble, peut-être dans le cadre du G7 ou de l'OTAN, pourrait être utile pour créer ce réseau international et un front international, comme une coalition, pour faire reculer la répression transnationale.
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J'ai eu le privilège de travailler avec des militants des droits de la personne et avec des journalistes indépendants russes depuis une vingtaine d'années. La plupart de ces journalistes, qui étaient autrefois basés à Moscou — que ce soit il y a 15 ans ou même il y a deux ans, avant le début de l'invasion à grande échelle — ont été contraints de fuir la Russie.
Il s'agit de médias tels que Novaya Gazeta, Echo of Moscow, Mediazona, Proekt Media et TV Rain. Ils sont nombreux. Ils sont basés dans des villes comme Riga, Vilnius, Varsovie et Berlin. Ils opèrent à partir de ces villes, essayant du mieux qu'ils peuvent de contourner les censeurs de l'État russe et de diffuser les faits et la vérité en Russie. La vérité et les faits sont toxiques pour le régime de Poutine.
À l'heure actuelle, le Canada soutient de façon assez importante ces médias en finançant de la formation et en appuyant la création de contenu, mais nous devons faire beaucoup plus. Nous devons travailler avec nos alliés pour garantir la pérennité de ces médias. Tous leurs revenus en Russie se sont complètement taris. Nous devons travailler avec nos alliés pour nous assurer qu'ils sont en mesure de poursuivre leurs efforts, encore une fois, pour promouvoir les faits et la vérité en Russie. Ce sont les faits et la vérité qui conduiront finalement à un changement vers la démocratie en Russie et à une paix durable en Europe.
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Merci, monsieur le président, et merci aux deux témoins d'être ici aujourd'hui.
L'ingérence étrangère a évidemment été un sujet brûlant cette année. Nous avons eu droit aux révélations explosives du rapport du Comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement, et nous avons également vu la Chambre des communes s'unir dans une rare manifestation de soutien unanime à un texte législatif important, le projet de loi . Nous avons certainement hâte de savoir comment nos organismes de renseignement et de sécurité se serviront de cette loi pour renforcer leurs capacités.
J'aimerais revenir un peu en arrière parce que, bien entendu, messieurs Kolga et Shull, vous avez tous deux été de très bons témoins dans le cadre de notre précédente étude sur la position du Canada en matière de sécurité vis‑à‑vis de la Russie. Votre témoignage en 2022 a certainement aidé le Comité à formuler beaucoup de recommandations au gouvernement. C'est dans ce contexte que j'aimerais que vous interveniez tous les deux.
Y a‑t‑il autre chose que vous aimeriez dire au Comité? Si vous comparez les recommandations que nous avons formulées dans ce rapport, qui a été présenté à la Chambre des communes en mars 2023, et où nous en sommes aujourd'hui, y a‑t‑il quelque chose de plus sur lequel vous souhaiteriez que le Comité se concentre, alors que certaines de ces recommandations sont encore en cours d'élaboration? Y a‑t‑il quelque chose que nous devrions souligner dans ce contexte?
Monsieur Kolga, je vais commencer par vous, puis je passerai à M. Shull.
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Je vais essayer d'être bref.
Je pense que le gouvernement a fait des progrès, et même des progrès importants, en ce qui concerne les opérations d'influence étrangère. Je pense que le mécanisme de réponse rapide d'Affaires mondiales Canada en est un excellent exemple. Il a démarré assez lentement, il y a six ou sept ans, mais il a vraiment fait preuve de beaucoup d'audace dans ses efforts pour exposer aux Canadiens des récits d'information et des tactiques étrangères afin de les sensibiliser. C'est exactement ce qu'il faut. C'est cette audace à exposer clairement ces récits et ces tactiques qui contribuera à sensibiliser les gens.
Le projet de loi , comme vous l'avez mentionné, est un pas dans la bonne direction. Nous ne savons toujours pas comment cela sera mis en œuvre.
Le groupe précédent a mentionné le fait que des changements majeurs ont été apportés à la Loi sur le SCRS. Il est extrêmement important de permettre au SCRS de communiquer les menaces qu'il détecte et observe aux groupes ethniques vulnérables, par exemple. Il est extrêmement important qu'ils puissent communiquer avec des organisations de la société civile comme DisinfoWatch pour nous faire savoir ce qu'ils voient, afin que nous puissions dénoncer certains de ces récits et tactiques.
Il sera également essentiel de veiller à ce que le registre pour la transparence en matière d'influence étrangère soit correctement mis en œuvre, afin de protéger les Canadiens contre ce type d'opérations et contre la répression transnationale.
La dernière chose que je dirai, c'est que nous devons appliquer nos lois sur les sanctions. Comme je l'ai mentionné dans ma déclaration préliminaire, dans l'affaire Tenet Media, nous savons maintenant, grâce aux États‑Unis et au ministère de la Justice, que deux Canadiens ont reçu des financements et des fonds directement de RT — enfin, par l'intermédiaire de sociétés-écrans britanniques. Ils ont reçu ce financement en 2024, selon l'acte d'accusation.
Comme je l'ai mentionné dans ma déclaration préliminaire, RT était déjà sur notre liste de sanctions en 2022. Cela soulève un certain nombre de questions au regard de la Loi sur les mesures économiques spéciales, qui nous permet d'imposer des sanctions à ces entités. On se demande si cette loi a été violée.
L'application de nos lois sur les sanctions est la première chose que nous devons faire.
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Par votre intermédiaire, monsieur le président, je voudrais remercier M. MacGregor pour sa question.
Au risque de passer pour un flagorneur, je pense que vous avez tous fait un excellent travail sur ce rapport. J'ai particulièrement aimé la cinquième recommandation, qui concernait les déductions pour amortissement et les mesures fiscales pour les contrôles de base sur le cyberespace.
Je voudrais évoquer un point plus important qui n'a pas été abordé lors de cette discussion. Il s'agit de ce dont M. Kolga a parlé lorsqu'il a été ciblé. Un éminent Canadien est pris pour cible, et personne ne sait qui doit intervenir en premier. Nous ne pouvons pas accepter cela. Nous devons examiner le fonctionnement de la GRC. Bien que j'aime l'idée que le commissaire assume une certaine responsabilité, dans sa forme actuelle, cela ne fait pas partie de son mandat.
C'est une activité criminelle. Traitons‑la comme telle. À quoi ressemblerait une GRC repensée si elle suivait l'exemple du FBI, en mettant davantage l'accent sur la sécurité nationale, en renforçant ses capacités de contre-espionnage et en améliorant sa capacité à coordonner et à collaborer avec ses alliés? À la question « Qui est responsable? » lorsque ce type d'événement se produit, chaque personne connaît la réponse.
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Il s'agit probablement de deux ou trois choses.
La première est un manque de volonté politique et de leadership. C'est difficile à faire.
Le deuxième obstacle est constitué par les articles 91 et 92 de la Loi constitutionnelle, mais je vais éviter de vous ennuyer avec les détails. Le fait est qu'une fois que l'on entre dans cette sphère interjuridictionnelle, les choses deviennent de plus en plus délicates.
Si l'on ajoute à cela les commissions scolaires, de nombreux acteurs doivent être coordonnés. Cela rend les choses plus difficiles, mais ce n'est pas parce que c'est difficile qu'il ne faut pas le faire. Il s'agit de doter nos enfants des compétences dont ils ont besoin: logique, raisonnement, compréhension et capacité d'analyse. Ces compétences seront utiles dans ce domaine, c'est certain, mais elles le seront aussi dans la vie en général. Nous devrions leur enseigner ce genre de choses de toute façon.
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Merci, monsieur le président.
Je remercie les témoins de leur présence aujourd'hui et de la résilience dont ils ont fait preuve, en particulier M. Kolga, malgré tout ce qu'il a dû affronter.
Il est évident que la lutte contre l'ingérence est essentielle au maintien de la souveraineté et des valeurs démocratiques d'une nation.
Chacun d'entre vous peut‑il, assez rapidement, dire au Comité trois choses sur ce que nous pourrions faire pour améliorer les résultats de cette étude et nous assurer que nous sommes sur la bonne voie? Nous avons parlé de beaucoup de choses différentes, et il y a beaucoup de témoins différents ici aujourd'hui, de sorte que certaines choses se répètent.
Afin d'établir un ordre de priorité pour les trois points sur lesquels nous pourrions nous concentrer dans le cadre de notre étude, chacun d'entre vous pourrait‑il me donner un résumé très rapide?
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Monsieur Kolga, je propose d'y aller en premier.
Premièrement, j'ai parlé d'une stratégie nationale pour la littératie numérique. Une telle stratégie nécessitera un leadership politique. C'est l'une des questions les moins partisanes que je puisse imaginer: faire en sorte que la prochaine génération soit équipée pour cela. Il faut se pencher sur cette question, car nous avons un problème. Le programme de contributions en matière de citoyenneté numérique que j'ai mentionné était bon. Il s'agit simplement d'un problème de dosage. Il n'en a pas fait assez. Il n'allait pas assez loin, et il s'agissait d'un ministère gouvernemental à un niveau de gouvernement qui faisait des choses intéressantes. Nous devons le diffuser et en faire une priorité nationale.
Deuxièmement — j'ai déjà dit ce que j'en pensais — il s'agit d'examiner la GRC et de s'assurer qu'elle est équipée pour le XXIe siècle et qu'elle dispose des outils et des capacités dont elle a besoin, de déterminer si l'institution est adaptée à ses objectifs, tant en matière de contre-espionnage que de lutte contre les adversaires étatiques. Ce que M. Kolga a dit ne devrait pas se produire. Nous devons savoir qui est aux commandes dans ce pays. Si nous n'y parvenons pas, et si nous en arrivons à ce que tout le monde pointe du doigt quelqu'un d'autre, nous avons un grave problème auquel il faut remédier.
Troisièmement, il faut agir rapidement et le faire avec sérieux et détermination, parce que tout cela va empirer. Il suffit de regarder les tendances de l'IA. La situation va s'aggraver à un point impossible à imaginer, et mon troisième point est donc le suivant: examinez les points 1 et 2, et concrétisez-les avec détermination.
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Écoutez les suggestions de M. Shull, et suivez-les. C'est le premier point.
Deuxièmement, je reviendrai sur les influenceurs. Nous devons travailler avec nos alliés et trouver un moyen de les exposer. C'est la meilleure façon de nous protéger et de protéger notre démocratie contre ce genre d'opérations. Il est très important de dénoncer les influenceurs en utilisant la législation existante et en travaillant avec les journalistes et nos alliés pour y parvenir.
Nous devons interdire tous les médias d'État russes. Nous avons pris les devants en 2022, en bannissant RT de nos systèmes satellite et câble. Nous devons suivre l'exemple de l'Europe et interdire complètement RT, Sputnik et tous ces médias d'État russes sur Internet et sur nos ondes.
Je dirais également l'étude des médias — en suivant l'exemple de la Finlande, en travaillant avec les provinces pour s'assurer que nos programmes scolaires dans toutes les provinces, de la maternelle à la douzième année, incluent l'étude des médias numériques. Cela ne signifie pas seulement un cours ou une heure par année. Cela signifie qu'il faut l'intégrer dans chaque cours afin que nos enfants, nos générations futures, deviennent résistants face à ces types d'opérations d'information et de désinformation.
Comme l'a dit M. Shull, la situation ne peut que s'aggraver. Nous avons déjà vu la Russie utiliser l'IA pour commencer à produire du contenu. Elle produit du contenu à un rythme rapide dans différentes langues en Afrique et en Amérique du Sud. Elle gagne le jeu de la désinformation dans ces territoires, grâce à l'IA. Nous devons nous y préparer.
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Je dirai rapidement qu'il y a trois aspects à considérer.
Tout d'abord, les dispositions relatives aux données du SCRS ont été quelque peu nettoyées, ce qui les rendra plus efficaces.
Deuxièmement, ils vont pouvoir partager des renseignements avec les personnes qui ont été ciblées par ce type d'activité, d'une manière qu'ils n'auraient pas autrement pu faire.
Troisièmement, si quelqu'un entre dans les paramètres du registre des agents, il peut en principe se faire épingler pour cela. D'une certaine manière, c'est comme Al Capone, n'est‑ce pas? Ils n'ont pas arrêté Al Capone pour meurtre. Ils l'ont arrêté pour blanchiment d'argent. Le fait de ne pas s'enregistrer, en soi, est désormais un délit.
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Merci, monsieur le président.
Je vais être bref.
Messieurs Kolga et Shull, au fond, vous dites un peu la même chose. Vous concluez qu'il faut travailler avec nos alliés, déterminer qui ils sont et soutenir les vrais journalistes. Il faut bannir des réseaux sociaux les faux médias, si je peux m'exprimer ainsi, ou les influenceurs. Il y a plein d'idées comme cela.
Je trouve qu'il est important de donner de la formation dans les écoles. Toutefois, nous avons un problème ici, parce que la formation, l'éducation, relève des provinces, et non pas du fédéral. C'est un défi auquel il faudrait s'attaquer, mais c'est de la cuisine. Je pense que nous pouvons y arriver.
La vraie question qui me chicote depuis tantôt, et que je veux poser, particulièrement à M. Shull, qui est avocat général, est la suivante.
Comment pouvons-nous faire tout cela efficacement tout en protégeant la liberté d'expression, qui est un trésor important dans notre société? Selon moi, il y a là un problème ou, du moins, un défi.
M. Kolga pourrait répondre en premier, puis M. Shull pourrait poursuivre.
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Merci, monsieur le président.
Monsieur Shull, j'aimerais vous donner l'occasion de développer cette idée autour de votre stratégie de résilience numérique. De nombreux députés, par le biais de projets de loi d'initiative parlementaire, ont élaboré les paramètres législatifs de différentes stratégies nationales. En général, cette législation ou ce projet de loi précise les éléments de la stratégie. L'avantage de cela, c'est d'éviter les dérives politiques, parce que si la loi est adoptée, peu importe le parti au pouvoir à Ottawa, il faut respecter la loi et la maintenir.
Avez-vous une préférence? Souhaiteriez-vous que la Chambre des communes assume ce rôle, en adoptant une loi qui établisse les lignes directrices de ce type de stratégie, ou êtes-vous convaincu que le gouvernement fédéral pourrait le faire par lui-même, dans le cadre de ses relations avec les premiers ministres des provinces et les dirigeants des territoires?