Bienvenue à la 59e réunion du Comité permanent de la sécurité publique et nationale de la Chambre des communes.
Soulignons tout d'abord que nous nous réunissons sur le territoire traditionnel non cédé du peuple algonquin. Pour ma part, je participe à la séance depuis le territoire traditionnel non cédé de la Première Nation Kwikwetlem.
Conformément à l'ordre adopté par la Chambre le 23 juin 2022, la réunion d'aujourd'hui se déroule en mode hybride. Des députés y participent en personne ici même et d'autres le font à distance au moyen de l'application Zoom.
Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement et à la motion adoptée par le Comité le vendredi 3 février 2023, nous reprenons notre étude des effets des amendements retirés G‑4 et G‑46 relativement au projet de loi , Loi modifiant certaines lois et d'autres textes en conséquence (armes à feu).
Nous recevons aujourd'hui deux groupes de témoins. Nous allons tout de suite présenter le premier.
Pendant la première heure, nous accueillons la cheffe Jessica Lazare, du Conseil mohawk de Kahnawake. Nous accueillons également, par vidéoconférence, Ken Kyikavichik, grand chef du Conseil tribal des Gwich’in.
Je m'excuse si j'ai mal prononcé votre nom. Je ferai de mon mieux, et je vous remercie de votre compréhension.
Chacun d'entre vous disposera de cinq minutes pour faire sa déclaration liminaire, après quoi nous enchaînerons avec une période de questions.
Je vous souhaite la bienvenue. J'invite maintenant le grand chef Kyikavichik à faire sa déclaration liminaire. Vous disposez de cinq minutes. Allez‑y, monsieur.
Distingués membres du Comité, bonjour.
Je m'appelle Ken Kyikavichik, et je suis le grand chef du Conseil tribal des Gwich'in des Territoires du Nord-Ouest. J'ai été élu en septembre 2020 pour un mandat de quatre ans, et je suis ici pour parler au nom des quelque 3 500 personnes qui participent à l'Entente sur la revendication territoriale globale des Gwich'in, un traité moderne que nous avons signé avec le Canada en avril 1992.
Je vous remercie de me donner l'occasion de m'adresser au Comité sur ce sujet très important. Les Gwich'in sont la Première Nation la plus septentrionale de l'Amérique du Nord. Nous appartenons à la famille des peuples autochtones appelés Athapascans, qui comprend les Esclaves, les Tlichos, les Hans, les Tutchones, les Apaches, les Navajos et d'autres groupes vivant au Canada et aux États-Unis. Les Gwich'in vivent dans 11 communautés différentes, et leur territoire s'étend de l'intérieur de l'Alaska jusqu'à la vallée du Mackenzie, dans les Territoires du Nord-Ouest, et incluent le Nord du Yukon.
Depuis des millénaires, les Gwich'in vivent un mode de vie nomade et tirent principalement leur subsistance de la chasse aux caribous de la harde de Porcupine. Nous coexistons avec ces ressources vitales en respectant nos valeurs: l'honneur, la gentillesse et le rire; nos histoires; l'honnêteté et l'équité; le partage et la bienveillance; et enfin, et surtout, le respect.
C'est d'ailleurs sur cette valeur de respect que je vais axer mon exposé. Il est à la base du point de vue du Conseil tribal des Gwich'in sur les modifications du projet de loi et la stratégie du gouvernement fédéral en matière d'armes à feu.
Comme nous le savons tous, une série de massacres, survenus notamment à l'École polytechnique en 1989, à l'Université Concordia en 1992, à Vernon, en Colombie‑Britannique, en 1996 et, plus récemment, à Mayerthorpe en 2005, sur la Colline du Parlement en 2014 et en Nouvelle-Écosse en 2020, a entraîné la mort tragique d'agents de la Gendarmerie royale du Canada et d'autres citoyens canadiens.
Ce sont les individus qui ont commis ces meurtres atroces qui sont à blâmer pour ces actes de violence insensés. La maladie mentale, la misogynie et l'intention criminelle sont à l'origine de ces tragédies. Or, l'accès à certaines des armes à feu mentionnées dans le projet de loi, telles que les armes de poing et les fusils d'assaut automatiques, devrait tous nous préoccuper.
Par conséquent, nous sommes d'avis que les modifications proposées dans le projet de loi ne vont pas assez loin en ce qui concerne la révocation des permis pour les agresseurs connus ou potentiels en vertu des dispositions de signalement d'urgence. Nous suggérons une suspension automatique de 60 jours ou de 90 jours en fonction de la gravité de la situation. Cela est particulièrement important dans les cas de violence conjugale.
Bref, le Conseil tribal des Gwich'in soutient la restriction des armes d'assaut automatiques de grande puissance qui sont généralement utilisées dans un contexte militaire. Ces armes ont trop souvent accaparé les autorités sur qui nous comptons pour assurer la sécurité publique. Nous ne pouvons tolérer que ça continue. C'est la raison pour laquelle je suis ici aujourd'hui.
Pour nous, il est important de trouver un équilibre entre l'intérêt public et le partenariat découlant du traité que nous avons conclu avec la Couronne pour garantir le maintien de nos droits de récolte sur l'ensemble de notre territoire visé par la revendication des Gwich'in, qui s'étend sur quelque 90 000 kilomètres carrés. Les armes à feu dont nous avons absolument besoin pour exercer nos droits inhérents et issus de traités sont généralement des fusils à verrou ou à levier ou des fusils de chasse à pompe. Les fusils de calibre .243, .270, .308, .30‑30, .30‑06 ou .6,5 Creedmoor sont généralement utilisés pour les gros animaux tels que le caribou, l'orignal ou l'ours, tandis que les fusils de chasse de calibre .12 sont généralement utilisés pour les oiseaux migrateurs tels que les canards et les oies. Les fusils plus petits, par exemple de calibre .22 — parfois en version semi-automatique — ou .410 ou les fusils de chasse de calibre .20 sont utilisés pour le petit gibier comme les lapins, les rats musqués et les perdrix.
Notre peuple a besoin d'armes suffisamment durables pour faire face aux conditions de l'Arctique qui résistent aux corps étrangers tels que le sable, la boue et les saules, et qui peuvent être facilement transportées sur des motoneiges ou des bateaux le long des vastes réseaux hydrographiques de Nagwichoonjik, ou fleuve Mackenzie; de Teetl'it Gwinjik, ou rivière Peel; ou du delta du Mackenzie dans les Territoires du Nord-Ouest.
Les fusils SKS et les autres fusils à longue portée semi-automatiques figurent sur la nouvelle liste proposée en décembre 2022. Ces armes sont courantes dans nos communautés. Je pense notamment au fusil qu'utilisent depuis toujours les Rangers canadiens, soit le modèle Lee-Enfield de calibre .303. Ces modèles précis devront faire l'objet d'un examen, comme je l'ai expliqué lors d'un appel auquel j'ai participé le 31 janvier avec le et d'autres dirigeants autochtones des Territoires du Nord-Ouest.
Si certains de ces modèles sont visés par cette mesure législative, il serait intéressant pour nos membres et nos communautés qu'on mette en place un programme de rachat adéquat afin de compenser toute perte qui pourrait résulter de l'adoption de ce projet de loi. Nous aimerions également voir des exceptions pour certains modèles qui sont essentiels à la chasse et à l'intendance des Gwich'in, comme nous l'avons dit plus tôt.
Nous ne remettons pas en question l'objectif visé par ces modifications. Cependant, il faut absolument poursuivre les discussions et les consultations avec les nations autochtones telles que les Gwich'in et les Canadiens en général. C'est un dossier qui nous tient vraiment à cœur car, pour de nombreux Canadiens autochtones et non autochtones, l'exploitation respectueuse des ressources naturelles de ce pays et la possibilité de parcourir nos terres avec fierté et en toute sécurité sont des besoins et des droits fondamentaux, au même titre que les droits inscrits dans nos traités ou reconnus par la common law. Il convient toutefois de trouver un juste équilibre entre la sécurité publique et nos droits d'exercer ce privilège de coexister dans ces habitats que nous considérons comme notre chez-nous.
Cela dit, j'aimerais vous dire hai', ou merci, pour votre attention et cette occasion qui m'a été donnée de m'adresser à vous aujourd'hui.
:
[
Le témoin s'exprime en mohawk.]
[Traduction]
Je suis la cheffe Jessica Lazare, du Conseil mohawk de Kahnawake.
[Le témoin s'exprime en mohawk.]
[Traduction]
Je suis heureuse d'être ici pour présenter notre point de vue au sujet du projet de loi.
Nous ne dirons jamais assez à quel point la chasse et la récolte font partie intégrante de notre identité. Aujourd'hui, j'expliquerai concrètement en quoi ce projet de loi porte atteinte à nos droits. Le projet de loi pourrait limiter davantage le droit déjà restreint des Autochtones de s'adonner à une pratique culturelle profondément enracinée. Je parlerai également du manque de consultation des communautés autochtones et de l'incidence de cette lacune sur l'élaboration de votre projet de loi.
Les activités de récolte sont profondément ancrées dans la culture et l'identité kanien'kehá:ka ou mohawk. En tant que peuple onkwehonwe, c'est‑à‑dire « peuple d'origine », nous pratiquons la chasse et la récolte depuis toujours. Ces pratiques sont bien ancrées dans nos cérémonies et découlent des rôles et des responsabilités qui font partie de qui nous sommes et que nous inculquons à nos enfants dès la naissance.
Il y a six ans, mon fils a reçu son nom lors d'une cérémonie...
:
[
Le témoin s'exprime en mohawk.]
[Traduction]
Je m'adresse à vous au nom du Conseil mohawk de Kahnawake. Je suis ici pour vous présenter notre point de vue au sujet de votre projet de loi.
Nous ne dirons jamais assez à quel point la chasse et la récolte font partie intégrante de notre identité. Aujourd'hui, j'expliquerai concrètement en quoi ce projet de loi pourrait porter atteinte à nos droits.
Le projet de loi pourrait limiter davantage le droit déjà restreint des Autochtones de s'adonner à une pratique culturelle profondément enracinée. Je parlerai également du manque de consultation des communautés autochtones et de l'incidence de cette lacune sur l'élaboration de votre projet de loi.
Les activités de récolte sont profondément ancrées dans la culture et l'identité kanien'kehá:ka ou mohawk. En tant que peuple onkwehonwe, c'est‑à‑dire « peuple d'origine », nous pratiquons la chasse et la récolte depuis toujours. Ces pratiques sont bien ancrées dans nos cérémonies et découlent des rôles et des responsabilités qui font partie de qui nous sommes et que nous inculquons à nos enfants dès la naissance.
Il y a six ans, mon fils a reçu son nom lors d'une cérémonie traditionnelle. On lui a notamment dit que, le moment venu, ses oncles allaient lui enseigner notre mode de vie et lui apprendre comment assumer ses rôles et ses responsabilités inhérents. Ils vont l'emmener chasser. Mon fils pourrait devenir père un jour, subvenir aux besoins d'une famille et compter sur le soutien des autres hommes de sa famille pour s'acquitter de ce rôle.
Dans notre culture, on nous apprend à concilier nos rôles et nos responsabilités en tant qu'êtres humains avec ceux des autres êtres vivants ici sur la Terre mère. Nous mettons en pratique ces connaissances et cette compréhension au quotidien.
Cette compréhension de nos rôles et de nos responsabilités ainsi que le respect du cycle de la vie contribuent à faire de nous ce que nous sommes en tant que peuple onkwehonwe. Ce cycle et cet équilibre ont été interrompus par la colonisation, et nos pratiques ont évolué depuis l'époque des arcs et flèches. Nous utilisons désormais des armes à feu pour nous acquitter de nos obligations liées au maintien de cet équilibre.
Par ailleurs, le développement des terres a eu des répercussions cumulatives sur les voies migratoires, qui sont plus isolées, ce qui a eu une incidence sur les lieux de chasse et causé une diminution des aires de reproduction. Cela nuit aux écosystèmes.
La perte de notre culture attribuable à la restriction de nos droits n'est pas une théorie, mais un fait réel. Ma famille et moi, ainsi que ma communauté et mes communautés sœurs du Caucus iroquois en sommes témoins. Les restrictions de nos droits dans le cadre du régime d'octroi de permis actuel sont déjà inacceptables, et des restrictions supplémentaires risquent de porter un coup fatal à nos pratiques culturelles.
L'étalement urbain et la construction près de Kahnawake font en sorte que nous ne pouvons plus chasser là où nous habitons; nous ne pouvons pas non plus nous déplacer avec nos armes à feu pour chasser à Tioweró:ton, un territoire de chasse situé dans les Laurentides qui appartient également à la communauté de Kanesatake.
Nous devons souvent faire de nombreuses heures de route et nous absenter du travail pour gérer les récoltes annuelles dans des délais serrés. Ce projet de loi et ses modifications limiteront davantage le droit de nos familles de chasser à des fins de subsistance au cours de chaque cycle de récolte essentiel. Il aura un impact à la fois sur nos méthodes de chasse et sur notre taux de réussite. Par conséquent, il compromet la sécurité alimentaire et les moyens de subsistance des communautés et des familles.
Dans ce contexte, et d'après mon expérience, la possibilité de tirer des coups de feu consécutifs peut faire la différence entre abattre un animal qui nourrira ma famille pendant l'hiver et blesser un animal qui, au mieux, sera retrouvé après quelques heures ou, au pire, se sauvera pour aller mourir dans le bois. On ne veut pas non plus gaspiller la viande.
Nous sommes conscients que certaines des interdictions et suspensions d'armes à feu comprennent une exception pour les chasseurs de subsistance, pourvu qu'ils démontrent qu'ils ont besoin d'une arme à feu pour chasser. Cependant, nous voudrions souligner que ces exceptions ne reconnaissent pas et ne respectent pas la réalité des membres de ma communauté et du Caucus iroquois.
En raison de l'absence de consultation, on ne tient pas compte des réalités des peuples autochtones qui se déplacent avec leurs armes à feu pour assurer leur subsistance. Le gouvernement doit veiller à ce que les droits et les réalités des Autochtones soient reconnus et pris en compte.
Le racisme systémique au sein des services de police est également problématique pour de nombreuses communautés autochtones. Les exemptions ne sont accordées que lorsque les services de police sont correctement formés pour comprendre notre réalité. L'incapacité des autorités provinciales et fédérales à former les policiers de l'extérieur se répercute déjà sur les membres des communautés, qui se heurtent à des problèmes. Ils doivent notamment établir et documenter leurs droits en tant que chasseurs de subsistance et pour le transport d'armes à feu afin de pouvoir chasser dans d'autres régions du Canada.
Le projet de loi ne prévoit aucune exception pour l'exercice de nos droits inhérents, et aucune consultation n'a été tenue pour nous demander notre avis. On ne reconnaît pas que les interdictions et les permis portent déjà atteinte à nos droits, et on n'a rien fait pour tenter de nous aider à déterminer les exigences ou les modèles qui doivent être protégés pour garantir un équilibre entre notre sécurité et notre subsistance. Par conséquent, le Caucus iroquois demande une rencontre avec le Comité. Il revient aux Mohawks de Kahnawake, et non au gouvernement du Canada, de décider de ce qui est bon pour nous.
Nous avons confié l'application de la loi à la police locale de Kahnawake, les gardiens de la paix. J'aimerais également souligner que ce projet de loi imposera un fardeau administratif à nos forces de l'ordre, qui doivent déjà composer avec un sous-financement chronique, un manque de personnel et l'attitude intransigeante du gouvernement à l'égard de nos propositions en faveur d'un contrôle des armes à feu adapté à notre culture.
De plus, l'incohérence du projet de loi et de ses modifications ainsi que l'absence de reconnaissance de nos droits témoignent de l'absence de consultations approfondies auprès des communautés autochtones.
Les amendements retirés auraient interdit un large éventail de carabines de chasse, de fusils de chasse et d'autres armes d'épaule utilisées par nos chasseurs. Ce ne sera pas mieux avec les définitions évolutives. Celles‑ci limiteront notre capacité à accéder aux nouvelles armes à feu, comme d'autres témoins l'ont déjà souligné. Même un examen sommaire des amendements retirés nous a permis de relever d'importantes incohérences dans les armes à feu sélectionnées.
Lorsque l'on parle d'armes à feu, il ne faut pas oublier que c'est la personne qui détient l'arme à feu qui en fait un outil de subsistance ou une arme. Nous vous demandons de vous attaquer aux véritables problèmes à l'origine de la violence liée aux armes à feu et de ne pas empêcher les populations autochtones de préserver leur mode de vie durable qui se perpétue depuis des générations.
Il faut trouver un moyen de soutenir la formation sur le maniement sécuritaire des armes à feu, de sensibiliser les gens à la violence liée aux armes à feu et de traiter les problèmes de santé mentale qui conduisent à la violence armée. Il faut démontrer que le maniement d'une arme à feu s'accompagne d'une grande responsabilité.
Niiowén:nake.
:
Merci beaucoup, monsieur le président, et merci cheffe Lazare.
C'est probablement l'un des meilleurs témoignages que nous ayons entendus jusqu'à maintenant. Il était sincère et authentique, et il traitait des questions qui ont été soulevées, alors je vous remercie d'avoir souligné les répercussions que ce projet de loi aura sur vous et votre communauté.
J'aimerais revenir à ce que vous avez dit au début de votre déclaration concernant les exemptions accordées aux Autochtones dans le décret de mai 2020.
Nous savions que le gouvernement excellait dans l'adoption de mauvaises mesures législatives, mais en voilà encore une fois la preuve. Les libéraux disent souvent une chose et agissent autrement.
Voici un bon exemple. Le décret de mai 2020 prévoyait des exceptions visant l'utilisation continue des armes à feu par des Autochtones qui s'adonnent à la chasse pour subvenir à leurs besoins. Les libéraux ont ensuite fait l'étalage de cette exception — une amnistie, en quelque sorte — prévue pour les Autochtones qui exercent leurs droits en vertu de l'article 35.
Toutefois, cette amnistie comporte des limites. Vous en avez parlé brièvement. Je ne vais pas lire tout le passage, mais on dit dans la loi que l'amnistie permet à la personne, « si l'arme à feu visée était, le 30 avril 2020, une arme à feu sans restriction, de l'utiliser pour la chasse dans le cadre de l'exercice de droits reconnus et confirmés par l'article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982 ou pour la chasse afin de subvenir à ses besoins ou à ceux de sa famille, et ce, jusqu'à ce que la personne puisse obtenir une autre arme à feu pour cette utilisation », ce qui est selon moi, une façon de se défiler.
Les libéraux font de beaux discours. Avec l'inclusion de cette petite phrase, il n'y a rien qui enfreint l'article 35, mais les chasseurs autochtones risquent d'être tenus criminellement responsables s'ils se font prendre en possession d'une arme prohibée et qu'ils n'en ont pas obtenu une nouvelle.
Qu'en pensez-vous? Que dites-vous à votre communauté? Est‑ce que cela suscite des préoccupations chez les chasseurs autochtones de votre communauté?
J'ai aussi bien aimé lorsque vous avez dit que les mesures proposées dans le projet de loi n'amélioreraient pas la sécurité publique. On s'attaque au mauvais problème. Le projet de loi nuit plutôt aux chasseurs autochtones de votre communauté, ainsi qu'aux tireurs sportifs, aux chasseurs et aux agriculteurs de partout au pays.
Récemment, j'ai vu que le gouvernement du Québec avait débloqué des fonds pour s'attaquer à ce qu'il considère comme étant le véritable problème, c'est‑à‑dire la contrebande d'armes en provenance des États-Unis. Il y consacre plus de 6 millions de dollars sur un certain nombre d'années. Le ministre de la Sécurité publique au Québec a parlé des fonds qui étaient nécessaires pour accroître la sécurité.
Comme nous l'avons souvent dit au Comité et à la Chambre, si nous voulons réellement renforcer la sécurité publique, nous devons tout d'abord mettre fin à la porosité de la frontière et y affecter plus de ressources pour empêcher la contrebande d'armes à feu au pays, au lieu de nous en prendre aux propriétaires canadiens d'armes à feu respectueux des lois, y compris les communautés autochtones, qui ne posent pas de risque pour la sécurité publique.
Que pensez-vous de l'initiative du Québec? Quelles mesures votre nation recommanderait-elle au gouvernement fédéral pour rendre notre frontière plus étanche et mettre fin à la contrebande d'armes à feu illégales au Canada? Comme l'ont indiqué les forces de l'ordre au pays, il s'agit d'un problème de taille.
J'aimerais revenir au projet de loi .
Lorsque ma collègue Mme Damoff vous a posé des questions, vous avez répondu qu'on n'en savait pas assez au sujet de la liste et qu'il y avait un manque d'information. On ne sait donc pas quelles armes devraient, selon vous, faire partie de la liste et quelles armes ne devraient pas en faire partie.
Je cherche à comprendre une chose. Si vous êtes contre le projet de loi, c'est que vous êtes contre certains de ses éléments. J'aimerais que vous nous en parliez plus en détail. Généralement, quelles armes utilisent vos membres lors de la chasse? Y a-t-il certaines armes que vous désirez voir exempter? Comment voyez-vous cela, en général?
Je comprends que le projet de loi ne fait pas l'affaire de tout le monde. Cependant, si le Comité tient des réunions supplémentaires, c'est justement pour essayer de trouver des solutions pour améliorer le processus.
Il me semble que le message principal que vous voulez transmettre, c'est qu'on doit mieux consulter toutes les personnes touchées par le projet de loi C‑21.
Cela mis à part, avez-vous des recommandations à nous faire?
Évidemment, le retrait de ces amendements aurait un effet énorme, mais s'ils étaient adoptés, l'idée que cela puisse pousser des gens à la famine serait difficile à supporter.
Ce n'est pas moi qui le dis. C'est Bobby Patton, qui est membre de cette communauté. Les membres d'en face peuvent bien rire et faire des commentaires. Pourquoi ne pas lui téléphoner pour lui parler directement?
Ma deuxième question s'adresse au grand chef.
Grand chef, vous avez dit que vous êtes favorable au gel des armes de poing. Je voudrais juste avoir une précision de votre part. Des représentants de l'Institut de la fourrure du Canada lors d'une réunion, ainsi que d'autres trappeurs nous ont dit que les trappeurs utilisent souvent des armes de poing pour leur protection. N'est‑ce pas le cas dans votre région? Nous avons entendu des témoignages contradictoires à ce sujet.
:
Nous reprenons la réunion.
Je souhaite la bienvenue à nos nouveaux témoins.
Nous accueillons aujourd'hui, par vidéoconférence, Mme Lynda Kiejko, olympienne, à titre personnel.
Nous devions aussi entendre le témoignage de M. Simon Chapman, mais il a eu un problème d'équipement et ne pourra pas participer. Je crois qu'il nous fera parvenir un mémoire.
Nous accueillons également, de la Fédération québécoise des chasseurs et pêcheurs, M. Marc Renaud, président, et Mme Emily Vallée, coordonnatrice aux communications.
Chaque groupe aura cinq minutes pour une déclaration liminaire. Nous commencerons ensuite les rondes de questions.
Sans plus attendre, j'invite Mme Kiejko à faire son exposé pendant un maximum de cinq minutes.
La parole est à vous.
Mon nom est Lynda Kiejko. J'ai participé deux fois aux Jeux olympiques dans la discipline du tir au pistolet. Je suis également présidente de l'Alberta Handgun Association, une organisation qui encourage et promeut l'International Shooting Federation, autrement dit le style olympique de compétition. Je viens d'une famille d'athlètes olympiques et de tireurs au pistolet. Mon père et l'une de mes sœurs ont tous deux participé aux Jeux olympiques.
Je suis très reconnaissante d'avoir l'occasion de témoigner devant le Comité aujourd'hui. Toutefois, je suis aussi très fâchée et triste. Je suis en colère parce que l'argent de mes impôts est gaspillé pour des politiques qui n'améliorent pas la sécurité publique. Je suis en colère parce que je m'efforce de respecter une loi qu'on ne cesse de modifier. Ces modifications ont des répercussions directes sur moi et sur les gens comme moi.
Comme tous les athlètes, je suis très fière de représenter mon pays sur la scène internationale. Je suis triste qu'en raison de l'interdiction des armes de poing, du décret, du projet de loi et du projet de loi à l'étude, je ne puisse pas représenter le Canada sur la scène mondiale. Les athlètes qui viendront après moi n'auront même pas la possibilité de concourir, car ils n'auront pas accès aux armes à feu de compétition.
Je suis furieuse que l'actuel gouvernement ne se préoccupe pas véritablement de la sécurité. Si on faisait un effort pour accroître la sécurité publique, je ne serais probablement pas ici en tant que témoin. Si la sécurité publique vous tenait à cœur, les mesures que vous prenez ne me toucheraient pas, moi qui suis une propriétaire d'arme à feu ayant fait l'objet d'un contrôle. Vos mesures viseraient les criminels. À mes yeux, rien de ce qui est proposé dans le projet de loi ou les amendements retirés n'améliorerait sensiblement la sécurité publique.
Les criminels ont un comportement criminel. Peu importe la loi, les criminels continueront à faire ce qu'ils font. Au lieu de réduire la criminalité, vos interdictions d'armes de poing, vos décrets et l'étalage de vertu dont vous faites preuve pour montrer que vous agissez ont augmenté de six semaines les formalités administratives auxquelles je dois me conformer pour représenter le Canada à l'étranger. À l'heure actuelle, je paie le gouvernement pour avoir le privilège de rentrer chez moi avec mes armes, qui sont ma propriété, à chaque fois que je rentre au Canada. Ni vous, ni ma collectivité, ni mes enfants n’êtes plus en sécurité depuis la mise en place de ces formalités administratives. Il s'agit d'un gaspillage d'argent public. Au lieu de me préparer à affronter mes pairs de l'Ukraine, de la Grèce, de la Corée du Sud et de la France — parmi beaucoup d'autres —, je remplis des formulaires pour avoir le privilège de ne pas être arrêtée ou de voir mon équipement de compétition confisqué à la frontière à mon retour au pays.
Ces mesures m'enlèvent également toute possibilité de m'initier à la chasse, un sport que pratiquait mon père et qui est une tradition foncièrement canadienne. Non seulement je dois avoir mon permis de possession et d'acquisition, ou PPA, mais je dois aussi suivre un cours de sécurité pour les chasseurs et planifier les détails de l'endroit où je vais chasser. L'interdiction des fusils semi-automatiques supprime cette possibilité. Presque tous les chasseurs utilisent des fusils semi-automatiques ayant la même capacité de chargeur que mon arme de poing de compétition. Le cours que doivent suivre les détenteurs d'un PPA, en plus des cours d'éducation à la chasse, rend les chasseurs et les tireurs de compétition plus sûrs avec les armes à feu que la majorité de la population. Mes antécédents, en tant que détentrice d'un PPA, sont constamment vérifiés.
J'ai de jeunes enfants. La sécurité des armes à feu est très importante pour moi. Mes armes à feu ne menacent pas la sécurité publique, pas plus que moi, mes coéquipiers, ma famille ou mes amis. Les mesures prises par l'actuel gouvernement détruiront le tir de compétition au Canada, dont les adeptes sont beaucoup plus nombreux que les quelques rares athlètes qui se rendent aux Jeux olympiques. Elles détruiront notre culture de la chasse, qui nous permet de subvenir aux besoins de nos familles.
En tant que Canadiens, nous sommes tous fiers de voir l'un des nôtres concourir sur la scène internationale et ramener une médaille à la maison. Cela ne sera plus le cas dans les sports de tir en raison des interdictions déjà mises en place ou actuellement proposées. La suppression d'un outil ne diminue pas la violence. Mon équipement sportif et mes outils de chasse ne constituent pas une menace à la sécurité publique.
Merci beaucoup.
:
Monsieur le président et chers membres du Comité, je m'adresse à vous en tant que président de la Fédération québécoise des chasseurs et pêcheurs. Cet organisme à but non lucratif a pour mission, entre autres, de représenter des chasseurs et des pêcheurs et de promouvoir des pratiques sécuritaires.
Notre filiale éducative, Sécurité nature, est le mandataire du gouvernement pour donner les formations d'initiation à la chasse et le cours canadien de sécurité dans le maniement des armes à feu. Chaque année, environ 60 000 participants suivent nos formations.
Comme nous enseignons la manipulation sécuritaire des armes à feu depuis 1994, année où le cours a été créé, nous avons toujours misé sur l'éducation et la prévention plutôt que sur le contrôle des armes à feu. Nous mettons nous-mêmes la main à la pâte en allant au-delà de nos obligations de formation: nous mettons en œuvre des campagnes de sensibilisation à la manipulation sécuritaire des armes, et nous avons mis à la disposition des chasseurs un site Web consacré aux méthodes de transport et d'entreposage des armes, en plus d'autres mesures ponctuelles comme la distribution de verrous de pontet.
Notre position globale sur le contrôle des armes est de limiter les contraintes qui s'adressent à des propriétaires légitimes, chasseurs ou tireurs sportifs, qui ont suivi une formation et qui détiennent un permis de possession et d'acquisition.
Devant les vagues qu'ont soulevées les amendements au projet de loi apportés en novembre dernier, nous avons soulevé deux problèmes principaux. Le premier, c'est que les amendements, de la manière dont ils étaient rédigés, n'étaient pas suffisamment clairs. La confusion créée par la définition d'arme d’assaut et la liste d'armes prohibées démontrent que la mesure de contrôle n'a pas atteint la bonne cible. Les chasseurs et les tireurs sportifs respectueux des lois ont ressenti une grande inquiétude, tout à fait justifiée, devant ces méthodes de prohibition qui avaient le potentiel d'inclure leurs armes, celles qu'ils utilisent depuis des années pour des activités légales et sécuritaires.
Le deuxième problème est le manque de connaissances du public concernant les armes à feu, ce qui teinte les décisions politiques prises en la matière. On constate que des critères esthétiques et ergonomiques sont pris en considération pour placer des armes sur la liste des armes prohibées, plutôt que des critères objectifs basés sur la capacité de l'arme. Par ailleurs, les armes semi-automatiques sont vues comme des armes militaires par certains, alors que ce mécanisme est nécessaire pour certains types de chasse. Rappelons que la capacité du chargeur est déjà réglementée. De façon générale, la limite est de cinq cartouches, alors que, dans le cas spécifique de la chasse aux oiseaux migrateurs, la limite est de trois en vertu des lois fédérales.
Nous souhaitons que la réglementation canadienne cible véritablement les criminels plutôt que de criminaliser les propriétaires légitimes d'armes à feu.
Il faudrait d'abord créer une définition d'arme d'assaut basée sur des critères objectifs, et non sur le style de l'arme. Une telle définition, si elle est acceptée par la majorité de la communauté de chasseurs et de tireurs sportifs, devrait ensuite être appliquée de façon rétroactive à toutes les annexes d'armes prohibées. Il serait enfin possible de cesser de travailler à partir de listes constamment révisées, qui sèment l'inquiétude et la confusion.
En résumé, nous croyons fermement en l'éducation et en la prévention pour promouvoir des comportements sécuritaires avec les armes à feu. Nos membres veulent eux aussi se sentir en sécurité et souhaitent que les lois qui s'ajoutent pour améliorer la sécurité publique visent les bonnes cibles. Les chasseurs et les tireurs sportifs qui se plient aux exigences de formation et de demande de permis ne sont pas cette cible.
:
Merci, monsieur le président et merci aux deux témoins de leur présence aujourd'hui. Nous vous savons gré de votre témoignage. Le panel nous offre la perspective des tireurs sportifs et la perspective des chasseurs. Il est très utile d'entendre les deux.
Madame Kiejko, j'ai quelques questions au sujet de votre expérience.
Bien entendu, on sait que les libéraux ont imposé des interdictions d'armes à feu à maintes reprises, en commençant par le projet de loi . Ensuite, il y a eu le décret de mai 2020, qui a interdit des centaines de modèles supplémentaires. Nous avons vu ensuite ce qu'on appelle le gel des armes de poing qui, comme nous le savons, constitue une interdiction à long terme. La dernière interdiction compte certainement parmi les plus importantes interdictions de fusils de chasse de l'histoire canadienne, et nous en parlons depuis qu'elle a été annulée.
Les tireurs sportifs et les chasseurs nous disent qu'ils se sentent punis et attaqués. En tant qu'athlète olympique ayant représenté le Canada à deux reprises dans la discipline du tir sportif, et en tant que membre d'une famille de tireurs sportifs olympiques, quel impact ont eu sur vous ces interdictions successives?
:
Je dirais qu'il y a certainement un impact direct sur les tireurs de compétition en particulier. Auparavant, je n'avais pas à remplir toute une série de documents d'exportation et d'importation supplémentaires pour pouvoir quitter le pays et y revenir avec mes propres armes à feu, qui sont enregistrées au pays et ont déjà été importées. À l'heure actuelle, je dois payer pour les importer chaque fois que je reviens d'une compétition.
L'un de mes coéquipiers cherche à acquérir une nouvelle arme à feu de compétition et se heurte à des difficultés importantes. En fait, un nouvel équipement arrive sur le marché, doté d'une nouvelle technologie. Il s'agit d'un meilleur équipement; il est meilleur en compétition et plus performant, et il nous sera interdit. Nous allons avoir beaucoup de mal à les acquérir — si tant est que cela soit possible.
Il y a très peu d'importateurs qui acceptent de relever le défi d'essayer d'interpréter les règles pour trouver les exemptions prévues pour les athlètes olympiques.
Cependant, être un athlète olympique est une chose. Je veux dire que je suis la seule athlète de tir au pistolet à avoir participé aux deux derniers Jeux olympiques. Si on parle uniquement de soutenir les athlètes olympiques, nous parlons de me soutenir, et c'est à peu près tout. Cela signifie que vous interdisez à tous mes coéquipiers de participer aux Jeux olympiques.
Si nous parlons des sports olympiques, un grand nombre de personnes pratiquent ces sports, mais, à l'heure actuelle, nous supprimons la possibilité d'y participer. Nous refusons aux gens l'accès à l'équipement pour qu'ils puissent même essayer. Selon moi, il s'agit d'un impact considérable.
Pour continuer dans la même veine, je pense que les personnes qui ne connaissent pas du tout les armes à feu pensent que toutes les armes se valent. Ils pensent qu'elles sont toutes identiques et qu'une arme à feu est une arme à feu. Ce n'est absolument pas le cas. Quiconque utilise des armes à feu en est conscient.
Pour revenir à ce que vous dites, il s'agit d'un outil essentiel, évidemment, pour concourir au niveau olympique. Nous avons également l'International Practical Shooting Confederation et d'autres organismes de compétition internationaux et nationaux.
Si vous ne pouvez pas tenir l'arme à feu avant de l'acheter et si vous ne pouvez pas acheter de nouvelles pièces ou s'il est très difficile de le faire, il me semble que cela éliminera certainement le tir sportif de compétition au Canada, qui a une très longue tradition. Les conservateurs sont certainement très fiers de vous voir, madame Kiejko, en tant qu'athlète olympique représentant le Canada sur la scène mondiale.
Compte tenu de ces contraintes, pensez-vous qu'il y aura d'autres athlètes olympiques après vous? Quel impact cela aura‑t‑il sur le tir sportif olympique et de compétition au Canada?
:
Il y a la France et l'Allemagne. Oui, merci beaucoup.
Bref, le Canada ne sera plus en mesure de rivaliser avec les autres pays qui sont soutenus par leurs gouvernements — contrairement au nôtre. C'est très décevant.
Les conservateurs sont certainement très fiers que vous ayez participé aux Jeux olympiques et que vous ayez représenté le Canada avec autant de fierté et d'intégrité. Je tenais à ce que l'on sache à quel point nous sommes fiers de vous, madame Kiejko, pour ce que cela vaut.
J'aimerais aborder quelques points en conclusion.
Je crois savoir que de tous les sports olympiques, le tir sportif est l'un des plus sûrs. En outre, comme vous l'avez mentionné, vous n'êtes pas une personne violente, mais on vous traite comme si vous l'étiez.
Dans les 30 secondes qui nous restent, j'aimerais entendre vos observations là‑dessus.
:
Ce n'est pas le cas. Les champs de tir ont toujours le droit d'importer et de se procurer des pistolets.
Je pense qu'à un moment donné, la société doit décider ce qui est le plus important. Je vous félicite d'avoir représenté votre pays et je vous en remercie, mais en tant que société, nous devons également nous demander si nous voulons voir les armes de poing continuer à proliférer au pays. Vous aurez toujours la possibilité de les utiliser, madame Kiejko, mais le gouvernement a décidé de geler les armes de poing, ce qui est soutenu par la grande majorité des Canadiens d'un océan à l'autre.
Je vais m'en tenir à cela, car je veux poser une question à notre autre témoin.
Monsieur Renaud, je sais que vous avez exprimé des inquiétudes au sujet de l'amendement, de la liste de modèles qui a été proposée. Y a‑t‑il une définition qui, selon vous, serait utile au gouvernement si nous devions présenter un amendement?
:
Merci, monsieur le président.
Monsieur Renaud et madame Vallée, je vous remercie d'avoir accepté notre invitation à témoigner aujourd'hui. Je sais que votre témoignage était bien attendu par la communauté des chasseurs du Québec.
Monsieur Renaud, dans votre allocution vous avez clairement indiqué que le projet de loi présentait deux principaux problèmes, soit le fait que les amendements du gouvernement G‑4 et G‑46 n'étaient pas clairs et qu'il y avait peut-être un manque de connaissance du public sur la façon de catégoriser les armes à feu. Selon vous, on devrait plutôt se baser sur des critères ou des principes objectifs plutôt que sur des critères liés à l'ergonomie, par exemple. C'est une des réflexions que j'ai aussi et je me demande s'il y a une autre façon de classifier les armes à feu.
Le chercheur Francis Langlois, professeur à l'Université du Québec à Montréal, a proposé quelque chose d'assez intéressant, soit de classifier les armes à feu d'abord en fonction de leur maniement et ensuite de leur mécanisme de tir. Je ne sais pas si cette proposition vous est familière. En ce qui concerne le maniement, on pourrait séparer les armes en deux catégories, soit les armes de poing et les armes longues. Pour ce qui est du mécanisme de tir, on parlerait d'armes à feu à chargement manuel ou d'armes à feu semi-automatiques. Cela rendrait déjà toute la question un peu plus claire et pourrait aider la population à mieux différencier les armes prohibées des armes exemptées. Avez-vous une opinion par rapport à cette proposition?
J'ai suggéré au gouvernement d'examiner la proposition de M. Langlois. Même si le projet de loi est rédigé autrement, cela pourrait être une avenue intéressante pour tenter de démêler le tout et faire en sorte qu'une arme communément utilisée pour la chasse au Québec, ou ailleurs au Canada, n'est pas prohibée. Prenons, par exemple, la carabine SKS, conçue pour un contexte militaire. Elle serait désuète aujourd'hui dans un tel contexte. Elle pourrait donc être utilisée pour la chasse. Elle n'est pas trop chère et elle est disponible. Cela nous permettrait de ne pas la mettre dans la même catégorie que les armes utilisées dans un contexte militaire. Comprenez-moi bien, je ne dis pas qu'on doit exempter la SKS. Toutefois, je me demande s'il y a une façon de mieux classer ces armes et de ne pas toutes les mettre dans le même panier.
J'aimerais vous entendre à ce sujet, monsieur Renaud ou madame Vallée.
:
Je vous remercie beaucoup.
Monsieur Renaud, nous sommes d'accord sur une chose. Vous dites qu'il serait peut-être plus simple de ne pas avoir de liste. C'est également ce que j'ai dit au gouvernement: si nous travaillions à une définition évolutive, cette définition devrait être bonne pour les armes qui existent déjà et pour les armes qui pourraient éventuellement arriver sur le marché. Nous n'aurions pas besoin de tout mettre sur une liste.
Je comprends également que la seule et véritable liste qui sera continuellement mise à jour sera celle de la GRC, et non nécessairement celle qui se retrouverait dans le Code criminel. Alors, la mise en place de plusieurs listes n'aide pas à la compréhension de la population, à mon avis.
Si on décortique un peu l'amendement G‑4, pour ce qui est de la prohibition des armes feu pouvant tirer un projectile avec une énergie initiale de plus de 10 000 joules ou dont l'âme a un diamètre égal ou supérieur à 20 millimètres, on comprend que ces deux premières parties de l'amendement visaient des armes qui étaient déjà prohibées...
:
Oui, c'est ce qui me préoccupe à propos de la définition évolutive proposée par les libéraux. En effet, même si les chargeurs de plus de cinq cartouches sont illégaux au Canada, nombre de ces armes à feu sont conçues pour recevoir des chargeurs de plus de cinq cartouches dans d'autres pays où il n'y a pas de restrictions. De nombreux fusils et carabines de chasse couramment utilisés seraient interdits si cet amendement n'avait pas été retiré.
C'est une préoccupation que nous avons quand il s'agit de rédiger une définition évolutive, et c'est pourquoi je ne pense pas que ce soit nécessaire, parce que notre pays a déjà une définition évolutive qui interdit les armes à feu entièrement automatiques à tir sélectif et les armes à feu équipées de chargeurs de grande capacité. Il s'agit d'une définition évolutive qui a largement fait ses preuves et qui n'est pas une source de discorde politique partout au pays.
Aujourd'hui, il est question de s'attaquer aux fusils de chasse semi-automatiques qui sont largement utilisés par les chasseurs, comme nous l'avons vu dans un large éventail de témoignages. Comment le gouvernement entend‑il revenir sur cette définition évolutive et la rendre plus précise? Je ne pense pas qu'il en soit capable, car toute définition sera redondante. Elle englobera déjà les interdictions perpétuelles existantes ou elle inclura un grand nombre de carabines et de fusils de chasse utilisés légitimement et couramment.
Cela aura des conséquences sur le mode de vie d'un grand nombre de personnes. Cela aura‑t‑il des conséquences sur le mode de vie des gens qui suivent vos cours et des membres de votre association? Si ces amendements étaient de retour dans le projet de loi, cela aurait‑il des répercussions sur votre mode de vie?
:
Merci de votre témoignage.
[Traduction]
Je vais continuer en anglais parce que le sujet est de nature technique et je ne suis pas suffisamment à l'aise, pardonnez-moi.
Monsieur Renaud, j'ai beaucoup travaillé avec les chasseurs du Yukon. Bon nombre des thèmes que vous évoquez ont été exprimés au Yukon également.
En même temps, je pense que toutes les personnes à qui j'ai parlé sont d'accord pour dire que la violence armée au Canada est un problème croissant et qu'il y a encore beaucoup à faire pour lutter contre ce problème dans notre pays. La question est de savoir quelles avenues nous n'avons pas encore assez explorées et vers lesquelles nous devrions nous tourner.
Vous avez dit que vous et les membres de votre fédération — qui ont suivi la formation et qui détiennent un permis de possession et d'acquisition — êtes parmi les utilisateurs d'armes à feu les plus sécuritaires du pays. Je pense que nous devons respecter cela.
En même temps, la dernière fois que j'ai siégé à ce comité, j'ai eu l'occasion de parler avec votre homologue de l'Ontario, et je lui ai demandé s'il était prêt à aborder la question d'un travail collaboratif sur la sécurité des armes à feu et la violence liée aux armes à feu dans notre pays. Même si vous avez dit que vous n'avez pas été suffisamment consultés jusqu'à présent, êtes-vous prêts à collaborer avec nous pour combler les lacunes en matière de sécurité des armes à feu au Canada en travaillant avec des groupes qui s'intéressent à tous les aspects de la question?
:
Merci, monsieur le président.
Monsieur Renaud et madame Vallée, ce que je tentais de faire tout à l'heure, en décortiquant un peu l'amendement G‑4, qui visait à modifier le projet de loi , c'était de vous le lire, parce que je me doute que vous ne l'avez pas devant vous.
Ce que j'ai entendu de la part de la communauté des chasseurs du Québec en général, c'est que l'alinéa (1.2)g) proposé à l'amendement G‑4 pose un problème.
Les alinéas (1.2)e) et (1.2)f) proposés dans cet amendement font référence à des armes qui sont déjà interdites par le Règlement désignant des armes à feu, armes, éléments ou pièces d’armes, accessoires, chargeurs, munitions et projectiles comme étant prohibés, à autorisation restreinte ou sans restriction, modifié en 2020.
L'alinéa (1.2)h) fait référence aux armes à feu fantômes ou fabriquées illégalement. Nous convenons certainement tous qu'il est important de légiférer sur le sujet.
Quant à l'alinéa (1.2)i), il fait référence à l'annexe.
Si je me reporte à ce que Mme Vallée vient tout juste de dire, il n'y aurait pas de liste d'armes, idéalement. Elle pourrait donc être simplement supprimée.
Pour revenir à l'alinéa (1.2)g) de l'amendement G‑4, qui faisait référence à « une arme à feu qui est un fusil semi-automatique ou un fusil de chasse semi-automatique », je suis d'avis qu'il contribuait à la confusion des gens, du moins en français. Les gens comprenaient qu'on voulait interdire les fusils de chasse, tout simplement, alors que ce n'était pas nécessairement le cas.
Si, dans une nouvelle définition que le gouvernement proposerait, on enlevait tout simplement la référence à « fusil de chasse », en français — je sais que ce n'est pas la même chose en anglais —, croyez-vous que cela aiderait à la compréhension générale de ce que sont les armes interdites?
Je voulais soulever une autre question qui a été signalée par des policiers et d'autres personnes de la communauté, soit celle des armes fantômes.
Présentement, à cause de certaines lacunes dans les dispositions législatives, des gens peuvent acheter des pièces d'armes à feu et des cartouches et peuvent même en devenir propriétaires. C'est sûr qu'ils ont besoin du permis de possession et d'acquisition, mais le fait d'être propriétaire n'est pas requis. Par conséquent, les gens qui possèdent des éléments criminels peuvent contourner les lois existantes, présentement.
Votre organisation est composée de gens responsables. On voit aussi que vous prenez vos responsabilités au sérieux en offrant des programmes de sensibilisation chaque année.
Que pensent vos membres et que pensez-vous de cette situation de plus en plus fréquente où les criminels utilisent des armes fantômes sans se conformer au cadre réglementaire existant, en détenant, par exemple, un permis de possession et d'acquisition d'arme à feu?