:
La séance est ouverte. Bonjour, tout le monde.
Bienvenue à la réunion numéro sept du Comité permanent de la sécurité publique et nationale de la Chambre des communes.
La réunion d'aujourd'hui se déroule sous forme hybride, conformément à l'ordre de la Chambre adopté le 25 novembre 2021. Les membres participent en personne ou à distance avec l'application Zoom. Les délibérations seront diffusées sur le site Web de la Chambre des communes. À titre indicatif, la diffusion Web montre toujours la personne qui parle plutôt que l'ensemble du Comité.
Les députés qui participent en personne doivent faire comme ils le feraient habituellement si tous les membres du Comité se réunissaient en personne dans une salle de comité. Gardez à l'esprit les directives du Bureau de régie interne concernant le port du masque ainsi que les protocoles en matière de santé.
Avant de prendre la parole, attendez que je vous nomme. Si vous participez par vidéoconférence, cliquez sur le micro pour désactiver le mode sourdine. Les micros des participants qui se trouvent dans la salle seront comme d'habitude contrôlés par l'agent des délibérations et de la vérification. Lorsque vous avez la parole, veuillez parler lentement et clairement. Lorsque vous ne parlez pas, mettez votre micro en mode sourdine. Je vous rappelle que tous les commentaires des députés et des témoins doivent être adressés à la présidence.
En ce qui concerne la liste des intervenants, le greffier du Comité avisera la présidence, du mieux qu'il le peut, si vous levez la main, et nous ferons de notre mieux pour maintenir l'ordre de parole établi pour tous les députés, que vous participiez à la réunion en personne ou à distance.
Tout d'abord, je tiens à informer les députés que, dans le cadre de l'étude du Comité sur les plateformes de financement participatif et le financement de l'extrémisme et conformément à la motion adoptée par le Comité le mardi 1er février, nous avons invité GoFundMe à venir témoigner, et notre invitation a été acceptée. Je peux confirmer que GoFundMe a accepté de comparaître devant le Comité le jeudi 3 mars 2022.
Conformément à l'ordre adopté par la Chambre des communes le mardi 7 décembre 2021 et à la motion adoptée le mardi 14 décembre 2021, le Comité reprend son étude sur le contrôle des armes à feu, le trafic illégal des armes et l'augmentation des crimes commis par armes à feu par des personnes issues des gangs de rue.
Nous accueillons aujourd'hui par vidéoconférence M. Fady Dagher, directeur du Service de police de l'agglomération de Longueuil; M. Benoit Dubé, inspecteur-chef, directeur des Enquêtes criminelles de la Sûreté du Québec; et M. Michael Rowe, sergent d'état-major du service de police de Vancouver.
Les témoins auront un maximum de cinq minutes pour présenter leur déclaration préliminaire, puis nous passerons à la période de questions. Les témoins peuvent partager entre eux le temps qui leur est accordé pour leur déclaration, s'ils le souhaitent.
Bienvenue à vous tous.
J'invite maintenant le directeur Dagher à nous présenter sa déclaration préliminaire. Vous avez un maximum de cinq minutes. Vous avez la parole.
Je vais essayer de parler en français, et parfois en anglais.
Merci de me recevoir.
[Français]
En ce qui concerne la violence et les crimes commis par armes à feu au Québec actuellement, mon collègue M. Benoît Dubé pourra vous parler de l'aspect répressif, sur lequel il a beaucoup plus d'expertise. On a mis en place des unités, dont celle de Longueuil, au sein de laquelle mon équipe collabore avec M. Dubé.
Aujourd'hui, je vous parlerai du travail des policiers. Je suis policier depuis 30 ans et chef de police depuis 5 ans. Le travail que nous accomplissons dans les municipalités est un travail de prévention.
[Traduction]
Bien avant qu'un crime ne soit commis, nous travaillons avec la collectivité. Quand les enfants sont très jeunes, nous faisons auprès d'eux un travail de prévention, avec la collectivité et les agents de police.
[Français]
Nous avons remarqué que, plus nous travaillons avec les jeunes, plus nous pouvons prévoir les problèmes avec des partenaires clés. Ce ne sont pas seulement les policiers qui interviennent, mais bien les membres de toute la communauté.
[Traduction]
Ça prend un village pour maintenir l'ordre dans une collectivité. Le service de police ne peut tout simplement pas prévoir chaque acte de violence qui sera commis dans la collectivité.
J'ai lu à propos de votre programme « Rethink, Refocus, Reintegrate » — donc, Repenser, recentrer et réintégrer —, que le gouvernement a financé. J'ai aussi lu à propos du programme TMS, le programme Thérapie multisystémique, et à propos du programme de leadership et de résilience, le Leadership and Resiliency Program, que vous avez mis en œuvre et qui sont financés par votre gouvernement. Ce sont d'excellents programmes, à mon avis, en particulier en raison de leurs excellents indicateurs de leur efficience, mais il y a toujours un « mais ».
La police de Longueuil essaie de travailler de la même façon. Nous nouons des contacts. C'est une nouvelle approche que nous essayons. C'est aussi une nouvelle approche sociale pour le service de police: pouvoir interagir avec la collectivité pour autre chose que les appels d'urgence, de s'intégrer à la collectivité et de pouvoir prévoir tous les cas de violence.
Je peux vous le dire, même dans nos collectivités — avec une population d'environ un demi-million d'habitants et avec des milliers d'agents de police —, même dans certaines zones très riches de Longueuil, il y a de la criminalité et de jeunes enfants qui ont des armes à feu à l'école, dans leur casier. C'est stupéfiant de voir à quel point cela change la mentalité des jeunes. Ils veulent se protéger. C'est la première fois que nous voyons une telle tendance vers la violence.
Si nous n'interagissons pas dans les classes avec les enfants dès leur jeune âge, tout ce que nous pourrons faire, c'est réagir, et ce n'est pas ainsi que la police de Longueuil veut travailler. Nous voulons réprimer ce problème, et nous voulons le faire proactivement.
[Français]
Je m'arrête ici. Nous pourrons en discuter par la suite.
:
Je vous remercie, monsieur le président.
J'aimerais d'abord saluer l'ensemble des membres du Comité et les remercier de m'offrir l'occasion de comparaître devant le Comité aujourd'hui.
Je m'appelle Benoît Dubé, et je suis directeur des Enquêtes criminelles à la Sûreté du Québec depuis 2020. Auparavant, j'ai consacré la majeure partie de ma carrière à la lutte contre le crime organisé, soit depuis 2003.
La Sûreté du Québec est notre corps de police provincial, qui est notamment responsable d'assurer la coordination de la lutte contre le crime organisé dans l'ensemble du Québec, et ce, en collaboration avec nos partenaires municipaux, autochtones, provinciaux, nationaux et internationaux.
La lutte contre le crime organisé et contre les différentes sphères d'activités criminelles qui y sont généralement associées est au cœur des priorités de la Sûreté du Québec ainsi que de celles de nos partenaires.
En 2017, nous avons revu la structure de nos unités d'enquête afin d'être en mesure d'agir de manière simultanée et coordonnée à tous les niveaux hiérarchiques des réseaux criminels qui font l'objet d'une enquête, soit celui des acteurs les plus influents, ainsi que les niveaux régional et local. C'est ce que nous appelons, dans notre jargon, une stratégie à trois niveaux.
Afin d'orienter et d'optimiser le choix des projets d'enquête, nous avons également intégré des équipes de renseignement en matière de crimes organisés directement dans les unités d'enquête, ce que nous appelons les services de police axés sur le renseignement.
Au cours des deux dernières années, nous avons pu bonifier cette structure grâce à l'obtention d'un financement supplémentaire des gouvernements fédéral et provincial. En novembre 2019, dans le cadre du Fonds d'action contre la violence liée aux armes à feu et aux gangs, nous avons pu mettre en place deux nouvelles équipes, l'une dédiée aux dossiers d'importation, de fabrication et de trafic d'armes à feu, et l'autre, aux dossiers des disparitions et des meurtres liés au crime organisé.
À cela s'ajoutent les mesures qui sont en cours de déploiement et qui font suite au lancement, l'automne dernier, de l'opération Centaure par le gouvernement du Québec. Dans le cadre de cette opération, nous avons notamment bonifié l'équipe dédiée aux dossiers des armes à feu, qui est devenue une équipe mixte réunissant des membres de la Sûreté du Québec, ou SQ, du Service de police de la Ville de Montréal, ou SPVM, de la Gendarmerie royale du Canada, ou GRC, ainsi que de l'Agence des services frontaliers du Canada, ou ASFC. Cette équipe se nomme maintenant Équipe intégrée de lutte contre le trafic d'armes, ou EILTA, et elle est située dans la région de Montréal. Nous sommes également en train de mettre sur pied une EILTA à Québec, de concert avec le Service de police de la Ville de Québec.
Le mandat de ces équipes est d'établir les dossiers d'importation, d'approvisionnement et de fabrication d'armes à feu. Pour renforcer simultanément la capacité d'enquête aux niveaux régional et local, des ressources ont également été ajoutées dans l'ensemble de nos six escouades régionales mixtes et dans les équipes d'enquête locales, qui sont réparties un peu partout dans la province.
Dans le cadre de l'opération Centaure, ces équipes ont respectivement pour mandat d'établir les dossiers de distribution et de possession simple d'armes à feu. Ainsi, nous travaillons à la fois sur l'approvisionnement, la distribution et la possession d'armes, appliquant ainsi notre stratégie à trois niveaux que j'ai mentionnée plus tôt.
Bien entendu, la collaboration de nos partenaires est primordiale pour assurer le succès des activités déployées dans le cadre de la lutte contre la violence armée. À l'heure actuelle, nos différentes équipes d'enquête mixtes bénéficient de la participation de la GRC, de l'ASFC, de la Police provinciale de l'Ontario, ou PPO, et de 26 corps de police municipaux, dont sept qui viennent de se joindre à nous dans le cadre de l'opération Centaure.
La Sûreté du Québec procède, elle aussi, à la déconcentration des ressources au sein des organismes partenaires, soit la GRC, l'Équipe nationale de soutien à l'application de la Loi sur les armes à feu, ou ENSALA, la Police provinciale de l'Ontario, à l'échelon de l'Unité de lutte contre les bandes de motards, le Service de police mohawk d'Akwesasne, pour l'intensification de l'échange de renseignements, et le département de la Sécurité intérieure des États‑Unis.
Je tiens à souligner que le gouvernement du Québec a également annoncé d'autres investissements destinés à diverses entités participant à l'opération Centaure, dont la Direction des poursuites criminelles et pénales ainsi que le Laboratoire des sciences judiciaires et de médecine légale.
Comme vous pouvez le constater, plusieurs mesures ont été mises en place au cours des dernières années afin d'accentuer la lutte contre le crime organisé et la violence armée.
Pour vous donner une idée de l'ampleur de ces mesures, à la Sûreté du Québec, nous parlons d'une structure qui est passée d'environ 245 ressources policières d'enquête à 330 ressources, ce qui représente une augmentation de près de 35 % en deux ans à peine. Inévitablement, l'ajout de toutes ces nouvelles ressources génère plus d'opérations et d'arrestations.
:
Bonjour, tout le monde. Merci beaucoup de me donner l'occasion de m'adresser à vous tous aujourd'hui.
Je suis présentement affecté à la section du crime organisé du service de police de Vancouver. Depuis mai 2021, je dirige une équipe spéciale responsable de la lutte contre la violence des gangs à Vancouver. Cette équipe spéciale a pour mandat de cibler les gens et les groupes impliqués dans les guerres de gangs dans le Lower Mainland. Nous enquêtons aussi sur la possession, le trafic et la fabrication d'armes à feu.
Nous utilisons une combinaison d'enquêtes proactives et réactives pour cibler tous ceux qui commettent des actes de violence liés aux gangs dans notre collectivité. Par exemple, nous avons mis au point un protocole pour cibler de manière proactive les membres des gangs qui, selon nos informations, planifient des homicides. Depuis mai dernier, cette technique nous a permis d'intervenir auprès des gangs avant qu'ils ne puissent passer à l'acte et ne commettent sept homicides.
La guerre de gangs qui sévit dans le Lower Mainland implique environ 48 gangs dans cette région de la Colombie‑Britannique. Ces 48 gangs ont formé trois factions qui sont présentement en guerre l'une contre l'autre. En 2021, dans toute la région du Lower Mainland, cette guerre de gangs a causé 46 homicides — dont 70 % par armes à feu — et 11 fusillades non mortelles.
Pour vous donner une idée du travail que fait le service de police de Vancouver, ou SPV, par rapport aux armes à feu, en 2021, plus de 1 500 armes à feu et répliques d'arme à feu ont été saisies par le SPV ou lui ont été remises. Jusqu'ici, en 2022, environ 76 armes à feu ont été saisies par le SPV ou lui ont été remises. Depuis mai 2021, notre équipe spéciale a saisi plus de 30 armes à feu directement reliées à la guerre des gangs, dont six ont été identifiées comme étant des « armes fantômes », c'est‑à‑dire des armes de fabrication privée. En 2021, le SPV a présenté des demandes de dépistage des armes à feu dans le cadre de 60 enquêtes. Selon les résultats, 26 armes à feu provenaient du Canada, 21 provenaient des États‑Unis, et 26 n'ont pas pu être liées à une source connue.
Le SPV participe aussi à des programmes de prévention visant la violence des gangs. Nous aiguillons les personnes impliquées dans la guerre des gangs vers des programmes communautaires dont le but est de soutenir les gens et de leur permettre de quitter le gang avant d'être eux-mêmes victimes de la violence. Par exemple, l'Unité mixte d'enquête sur le crime organisé de la Colombie‑Britannique a un programme appelé « end gang life » — finie, la vie de gang — grâce auquel elle offre du soutien aux membres de gangs qui veulent abandonner ce genre de vie. Le SPV a aussi deux équipes en uniforme du Groupe des crimes de gangs, qui sont chargées d'aller sur le terrain et d'interagir directement avec les membres de gangs. Ces équipes établissent des relations professionnelles avec les membres des gangs et tentent de trouver des candidats potentiels qui pourraient être aiguillés vers des programmes de traitement communautaires.
Dans mon expérience en tant que responsable des enquêtes sur les armes à feu et la violence des gangs, j'ai remarqué quelques tendances actuelles qui, à mon avis, sont pertinentes pour l'étude du Comité.
Par exemple, une tendance que nous observons ici à Vancouver présentement est l'utilisation d'« armes fantômes ». Dans le contexte de la guerre des gangs, nous voyons de plus en plus d'armes fantômes, surtout entre les mains de ceux qui participent activement à des complots pour meurtre ou de gens que nous croyons être des tueurs à gages. Les armes fantômes peuvent être fabriquées avec une imprimante 3‑D ou modifiées à partir de ce qu'on appelle un pistolet de type Polymer80. Certains types de pistolets à air comprimé de haute qualité peuvent facilement être convertis en armes à feu complètement fonctionnelles. Les armes fantômes peuvent aussi être fabriquées à partir de diverses pièces provenant d'autres armes à feu, ce qui donne une arme avec plusieurs numéros de série. Tous ces facteurs font qu'il est impossible de dépister ces armes à feu en utilisant les systèmes traditionnels.
Les nouveaux matériaux pour l'impression 3‑D permettent de fabriquer des armes à feu durables, capables de tirer des centaines de projectiles sans s'enrayer. Par exemple, l'une de mes équipes a récemment terminé une enquête où elle a exécuté des mandats de perquisition dans une maison privée. À l'intérieur, nous avons trouvé une installation moderne de fabrication d'armes à feu, capable de produire des armes à feu par impression 3‑D. Ils avaient des silencieux, et ils convertissaient des pistolets à air comprimé. Ils transformaient des pistolets à air comprimé en armes à feu complètement fonctionnelles.
Une autre tendance avec laquelle nous devons composer est l'utilisation de chargeurs à grande capacité. Les chargeurs sont modifiés pour contenir plus que la limite de cinq balles prévues par la loi. Avec ces chargeurs, l'utilisateur peut tirer plus de balles sans avoir à recharger son arme. Pour fabriquer des chargeurs à grande capacité, il suffit de modifier un chargeur acheté légalement ou d'utiliser l'impression 3‑D.
Nous avons aussi observé une tendance à la hausse des accessoires interdits pour les armes à feu. Nous avons constaté une augmentation relativement à l'utilisation et à la possession de silencieux, qui permettent de réduire le bruit d'un coup de feu. Les silencieux sont interdits au Canada, mais peuvent être achetés aux États‑Unis, où la vente est permise par la loi, et ils sont ensuite importés illégalement au Canada. On peut aussi les fabriquer à partir d'autres articles, par exemple un piège pour solvants, qui peut être facilement converti en silencieux.
Enfin, nous avons remarqué que les gens fabriquent des silencieux en utilisant du matériel obtenu légalement, comme des métaux de base, et des imprimantes 3‑D pour fabriquer les pièces permettant de réduire le bruit des coups de feu.
:
Je vous remercie, monsieur le président.
Je remercie les témoins d'être avec nous aujourd'hui. Nous leur en sommes très reconnaissants. Je remercie particulièrement M. Dubé d'avoir accepté notre invitation.
Monsieur Dubé, j'aimerais que vous nous donniez plus de détails sur les résultats et les succès de l'opération Centaure.
D'abord, je veux mentionner que nous avons accueilli, il y a quelques jours, des représentants du Service de police mohawk d'Akwesasne et du Conseil des Mohawks d'Akwesasne, qui sont venus nous parler de la situation particulière de leur territoire, dont la géographie est unique. Ce territoire relève à la fois de l'Ontario, du Québec et des États‑Unis, donc de plusieurs corps policiers.
J'ai l'impression que l'opération Centaure est un espace de collaboration entre différents corps policiers. Cependant, il y a des problèmes et les trafiquants tirent avantage de l'existence des différentes autorités. On comprend qu'il n'y a peut-être pas suffisamment de collaboration et d'échange de renseignements ou de ressources sur le terrain pour réussir à faire cesser le trafic d'armes. Quelque 500 armes par semaine peuvent passer par le territoire, mais on n'est pas en mesure d'arrêter ce trafic.
J'aimerais avoir vos commentaires là-dessus, monsieur Dubé.
:
Merci beaucoup, monsieur le président.
À l'instar de mon collègue, je veux aussi vous remercier du fond du cœur d'être avec nous. C'est important que vous fassiez partie de cette discussion.
J'aimerais m'adresser d'abord à vous, sergent Rowe. Pour commencer, je veux vous remercier de tout ce que vous et le SPV faites. Je suis très heureux que vous fassiez partie de ma circonscription de Vancouver Granville.
Vous avez dit que des gens ont la capacité de fabriquer par eux-mêmes des armes à feu. Je voulais dire que je suis allé au Best Buy, juste derrière le quartier général du SPV, et j'ai vu qu'il était possible d'acheter exactement le genre de machine dont vous avez parlé. Je me demandais donc, en vous écoutant, d'où proviennent réellement ces armes et sur quoi nous devrions axer nos efforts...
Diriez-vous, pour commencer, que la première préoccupation concerne les armes qui sont ici, qui sont fabriquées et vendues illégalement au Canada, ou si le problème est surtout à la frontière? J'aimerais connaître votre point de vue sur le sujet.
Je vais ensuite avoir une autre question pour vous au sujet de la fabrication de ces armes et des mesures que nous pourrions prendre.
:
Je vous remercie, monsieur le président.
J'ai une autre question pour M. Dubé.
Monsieur Dubé, les armes à feu sont devenues un fléau, particulièrement à Montréal ou, du moins, dans le Grand Montréal. En 2021, la vice-première ministre du Québec, Mme Geneviève Guilbault, a annoncé l'opération Centaure, dotée d'un financement de 90 millions de dollars. Ensuite, un plan de prévention de quelque 52 millions de dollars a été annoncé.
On sait qu'il y a du financement fédéral derrière tout cela, mais il reste que le Québec semble un peu plus proactif que le fédéral dans la lutte contre le crime par armes à feu.
Étant donné que c'est le gouvernement fédéral qui gère les frontières, croyez-vous qu'il pourrait mettre en place des changements législatifs pour le contrôle des armes à feu? Considérez-vous qu'il pourrait être un peu plus proactif dans ce dossier?
:
Merci, monsieur le président.
Sergent Rowe, je vais m'adresser à vous durant mes deux minutes.
Nous avons entendu dire plus d'une fois, au cours de l'étude, qu'il y a des liens complexes entre le trafic de drogues et le trafic d'armes à feu. Je sais qu'à Vancouver et en Colombie-Britannique, nous sommes l'épicentre de la crise actuelle des opioïdes. Nous savons que l'arrivée de substances comme le fentanyl et le carfentanil a eu pour effet d'accroître la toxicité des drogues en circulation. Elles créent maintenant une plus forte dépendance, et elles peuvent être transportées en des quantités relativement plus petites, parce qu'elles sont plus puissantes.
Dans le temps qui nous reste, pouvez-vous nous expliquer un peu comment, au cours des six dernières années, l'arrivée du carfentanil et du fentanyl a transformé le trafic de la drogue et nous dire quelle incidence cela a eue sur les activités des gangs dans toute cette région?
:
Je souhaite de nouveau la bienvenue à tout le monde. Nous allons reprendre la séance.
Pendant cette deuxième heure, nous accueillons par vidéoconférence et à titre personnel M. Salomon Friedman, avocat criminaliste et M. Michael Spratt, associé, AGP Criminal and Appeal Lawyers. Nous accueillons M. Jeff Latimer, directeur général, Santé, justice, diversité et population de Statistique Canada et Mme Lucie Léonard, directrice du Centre canadien de la statistique juridique et de la sécurité des collectivités. Ils auront jusqu'à cinq minutes pour présenter leur déclaration préliminaire.
Bienvenue à tous.
J'invite maintenant M. Friedman à présenter sa déclaration préliminaire.
Vous avez la parole, monsieur.
Bonjour, monsieur le président et mesdames et messieurs les membres du Comité. Merci de m'avoir invité à comparaître devant vous aujourd'hui. C'est toujours avec plaisir que je comparais devant votre Comité et que je soutiens votre travail. C'est particulièrement le cas en ce qui concerne l'importante étude sur le contrôle des armes à feu et le trafic illégal des armes dont vous êtes saisis.
Comme certains d'entre vous le savent peut-être, je suis avocat criminaliste à Ottawa. En plus d'être spécialiste agréé en droit pénal par le Barreau de l'Ontario, je suis également spécialisé dans le droit sur les armes à feu. Je suis le coauteur du seul texte au Canada sur le sujet, intitulé Annotated Firearms Act. J'ai fait des recherches, plaidé et parlé abondamment sur le sujet.
Je défends également les propriétaires d'armes à feu par ailleurs respectueux de la loi, qui sont aux prises avec le système de justice pénale en raison de notre système de réglementation des armes à feu, complexe, en constante évolution et difficile à prévoir, au Canada.
Dans le cadre de votre travail important, je vous demanderais de prendre en considération trois points généraux.
Premièrement, toute approche visant à lutter contre la violence liée aux gangs doit adopter une approche holistique. Si vous vous concentrez sur un instrument choisi au moment de l'infraction, le problème vous aura échappé depuis longtemps. Il faut plutôt examiner les questions difficiles et complexes suivantes: pourquoi cette jeune personne s'est-elle retrouvée là où elle est? Quelles sont les voies qui lui ont été fermées? Qu'est‑ce que nous, en tant que société, devons faire pour nous assurer que la criminalité n'est pas une option plus attrayante qu'une vie prosociale? Ce ne sont pas des questions faciles. Elles concernent des questions liées à la discrimination, à la marginalisation, à la santé mentale, à la toxicomanie et autres. Ne vous laissez pas distraire par le barillet au moment de l'infraction et ne perdez pas de vue la situation dans son ensemble. Selon moi, les solutions temporaires et les proclamations politiques ne remplacent pas les politiques fondées sur des données probantes.
Deuxièmement, il faut s'assurer que les décisions que vous prenez s'appuient non seulement sur des preuves solides, mais également sur une bonne interprétation de ces preuves. Un exemple qui me vient à l'esprit, c'est l'affirmation souvent mentionnée selon laquelle 70 % des armes à feu liées à des actes criminels et qui sont traçables proviennent du Canada. Cette statistique est un bon exemple d'un chiffre qui est à la fois vrai, faux et trompeur. Pour commencer, cela comprend seulement [difficultés techniques] qui sont traçables. Il s'agit donc par définition d'un chiffre qui sera orienté vers les armes à feu au Canada, étant donné qu'elles sont beaucoup plus faciles à retrouver. Ce chiffre ne tient pas compte des armes à feu dont les numéros de série sont effacés ni les armes à feu étrangères impossibles à repérer.
Ensuite, la définition d'une « arme à feu liée à un acte criminel » se renforce elle-même davantage et brouille notre objectif. Les « armes à feu liées à un acte criminel » font généralement référence aux armes à feu — y compris, soit dit en passant, les armes à plomb et les répliques d'armes à feu —, saisies par la police dans l'exercice de ses fonctions. Cela comprend les saisies liées aux infractions et à la sécurité publique. Cette définition ne fait pas de distinction entre une arme de poing utilisée dans une fusillade entre gangs et une centaine d'armes à feu sans restriction entreposées en toute sécurité, saisies chez un collectionneur d'armes âgé, qui fait l'objet d'une vérification du bien-être par la police, car sa fille n'a pas eu de ses nouvelles depuis plusieurs jours.
Vous pouvez maintenant comprendre pourquoi ce chiffre de 70 % peut être vrai à première vue, mais qu'il n'est pas réellement pertinent en ce qui concerne les questions urgentes dont est saisi votre Comité, y compris la source des armes à feu utilisées dans les homicides commis par des gangs.
Troisièmement, le Canada a terriblement besoin de repenser de fond en comble sa façon de classifier [difficultés techniques] les armes à feu. Selon moi, deux choses s'imposent de toute urgence. Nous avons besoin d'un système de classification qui est fondé sur des données probantes, qui classe les armes à feu par fonction, et non pas par apparence. Une classification légale ne doit pas reposer sur une crosse en bois, par opposition à une crosse en plastique noir. Notre système actuel, qui cumule les décrets, est non seulement irrationnel, mais aussi essentiellement considéré comme injuste et imprévisible.
Fait plus important encore, il nous faut un cadre juridique qui fasse la distinction entre ce que la Cour suprême a appelé l'extrémité réglementaire du spectre et l'extrémité criminalité véritable du spectre. Actuellement, toutes les infractions liées aux armes à feu sont des infractions au Code criminel. Une personne du Manitoba vivant dans une région rurale, qui laisse son fusil dans son armoire de chasse fermée à clé, sans verrouiller la gâchette de son arme, et un membre d'un gang, qui a une arme de poing glissée dans sa ceinture sont soumis au même régime juridique.
Il est grand temps de mettre en place un régime réglementaire autonome pour les infractions sans violence liées aux armes à feu. Ce régime permettra de s'assurer que la sanction pénale s'applique seulement aux infractions répréhensibles sur le plan moral. Cela permettrait de désengorger nos tribunaux criminels, qui sont dépassés, et contribuerait grandement à rétablir la confiance de plus de deux millions de propriétaires d'armes à feu respectueux de la loi et munis d'un permis en la sagesse et le bon sens de leurs législateurs.
Ce ne sont pas des questions faciles, et comme pour tant de questions difficiles, je vous exhorte à examiner objectivement les preuves, à prendre des décisions et à formuler des recommandations en fonction non pas de considérations politiques, mais d'une bonne politique juridique.
Merci beaucoup de votre temps. Je serai heureux de répondre à toutes vos questions.
:
Merci beaucoup, monsieur le président, et bonjour. Je remercie tous les membres du Comité de m'avoir invité à comparaître aujourd'hui.
Pour vous donner un bref aperçu, je suis associé chez Abergel Goldstein and Partners, ici à Ottawa, et je suis presque exclusivement spécialisé en droit pénal depuis 2005. Tout comme M. Friedman, je suis un spécialiste agréé par le Barreau de l'Ontario. J'ai représenté un grand nombre de personnes accusées d'infractions liées aux armes à feu. Certains de mes clients étaient effectivement innocents, d'autres ont été reconnus non coupables, certains ont plaidé coupables et d'autres ont été reconnus coupables après avoir été jugés. La plupart d'entre eux étaient racisés ou souffraient d'un problème de toxicomanie ou de santé mentale, ou luttaient contre la pauvreté.
Avant de parler de mon expérience et de quelques solutions, j'aimerais revenir un peu en arrière et examiner quelques données. Je suis très heureux qu'il y ait un amendement et que quelques experts de Statistique Canada soient ici. Cela écourte ce que j'allais dire sur ce point, parce que, historiquement, nous vivons dans l'une des périodes les plus sûres de l'histoire du Canada. Le taux de criminalité, y compris les crimes graves et les crimes violents, est à la baisse décennie après décennie. Même s'il est vrai qu'il y a eu une augmentation récente des infractions liées aux armes à feu, l'utilisation des armes à feu dans des homicides est demeurée relativement stable au cours des 20 dernières années, et elle est nettement inférieure à ce qu'elle a été depuis le milieu des années 1970. Il semble qu'il y a eu une diminution de près de 10 % des homicides liés aux gangs en 2020.
Les statistiques — je suis vraiment loin d'être un expert dans ce domaine, mais elles reflètent ce que je vois dans les tribunaux — n'appuient pas nécessairement le principe selon lequel il y a une vague de nouvelles infractions liées aux armes à feu au Canada. Cela dit, les statistiques sont une piètre consolation pour les personnes qui sont directement touchées par ces infractions, et les personnes raisonnables peuvent être en désaccord quant à l'ampleur du problème. Je pense que nous pouvons tous convenir qu'une infraction violente liée aux armes à feu est une infraction liée aux armes à feu de trop.
Cela étant dit, je peux vous dire que certaines des solutions n'en sont pas vraiment. Vous pouvez les retirer de votre liste. Une solution dépassée, que les hommes politiques mettent de l'avant après des incidents très médiatisés liés aux armes à feu, c'est une mise en liberté sous caution plus stricte. Le maire de Toronto, M. John Tory, a affirmé que les gens sont libérés sous caution 20 minutes après leur arrestation pour un crime commis avec une arme à feu, et M. Doug Ford a également pris ce train en marche, disant que de nombreux criminels déclarés coupables de crimes commis avec des armes à feu retournent dans les rues le jour suivant.
Pour être franc, M. Tory et M. Ford mentent. Ce n'est pas vrai et ce n'est appuyé par aucune donnée. Sans piétiner la Charte des droits et libertés, on ne peut pas durcir la mise en liberté sous caution pour les infractions liées aux armes à feu. Dans les cas liés aux armes à feu, le fardeau est déjà inversé pendant l'audience sur la libération sous caution, de sorte que les personnes accusées qui sont présumées innocentes doivent justifier leur mise en liberté. Les conditions imposées à la mise en liberté sont strictes, la police surveille ces conditions, et les procureurs ne consentent jamais ou n'acceptent jamais la libération des personnes accusées d'infractions liées aux armes à feu, à moins que, comme nous l'avons vu récemment, ces personnes accusées ne soient des agents de police.
L'imposition d'une mise en liberté sous caution plus stricte n'est pas la réponse, et les peines minimales ou les peines plus sévères ne le sont pas non plus, comme l'ont préconisé l'ancien chef conservateur, M. Erin O'Toole, et le maire d'Ottawa, M. Jim Watson. Rappelons que la Cour suprême du Canada a jugé que les peines minimales obligatoires dans le contexte des armes à feu sont inconstitutionnelles, et nous avons vu qu'elles ont été invalidées dans le cas de diverses infractions commises à l'échelle du pays.
Même si les peines minimales obligatoires s'appliquaient — si vous invoquez la disposition de dérogation ou recommandez de le faire —, les preuves montrent clairement qu'elles ne fonctionnent pas. Elles ne découragent pas les actes criminels. Elles ne permettent pas d'accroître la sécurité publique. En fait, il semble qu'elles pourraient en réalité augmenter le taux de récidive et qu'elles touchent de façon disproportionnée un grand nombre de groupes historiquement marginalisés et défavorisés. Elles sont également extrêmement coûteuses.
Les solutions concrètes sont beaucoup plus complexes et auront, malheureusement pour vous, un coût politique. Une des grandes solutions est de changer la façon dont nous abordons les lois sur les drogues au Canada. Presque toutes les infractions liées aux armes à feu que j'ai vues sont liées d'une façon ou d'une autre à des crimes liés à la drogue. C'est le système de lutte antidrogue et des poursuites connexes mis en place au Canada, lequel rend les stupéfiants illégaux, qui contribue à l'utilisation des armes à feu. Les armes à feu suivent les profits. Un système de légalisation et d'approvisionnement sûr serait la solution à tous les problèmes, notamment en aidant à régler celui des infractions liées aux armes à feu.
De plus — et j'espère que j'aurai l'occasion de vous en parler un peu plus —, il faut s'assurer que la réadaptation et la réinsertion sociale sont possibles pour toutes les personnes qui le souhaitent. Récemment, j'avais eu un jeune client qui a été reconnu coupable d'infractions liées à des armes à feu, et nous avions dû supplier et faire des pieds et des mains pour obtenir les programmes dont il avait besoin.
Enfin, dans les deux secondes qu'il me reste, je dirai que l'une des bonnes façons de réduire la violence liée aux armes à feu, c'est de limiter la disponibilité des armes de poing. Il ne s'agit pas de déléguer les responsabilités aux municipalités. Il s'agit de faire un choix politique difficile et d'interdire les armes de poing. C'est difficile, et ces solutions sont difficiles à mettre en œuvre, mais je vous exhorte à les examiner.
:
Merci beaucoup, monsieur le président et mesdames et messieurs les membres du Comité.
J'aimerais tout d'abord vous remercier de me donner l'occasion de présenter nos statistiques les plus récentes sur les crimes violents commis à l'aide d'une arme à feu.
Les renseignements que je vous fournirai aujourd'hui s'appuient sur les données de deux enquêtes de Statistique Canada: le Programme de déclaration uniforme de la criminalité, qui recueille des renseignements détaillés sur tous les crimes signalés à la police, et l'Enquête sur les homicides, qui recueille des renseignements plus détaillés qui portent exclusivement sur les infanticides, les homicides involontaires et les meurtres au premier et au deuxième degré.
Je me concentrerai sur les données de 2020, qui sont les données les plus récentes disponibles. En guise de contexte, à la suite des observations d'un autre témoin, je voudrais expliquer que, pendant la première année de la pandémie, en 2020, tous les crimes déclarés par la police, y compris les crimes violents, ont diminué pour la première fois en cinq ans. Avant la pandémie, la criminalité augmentait année après année pendant cinq ans.
Avant de parler des crimes commis avec une arme à feu, j'aimerais souligner que mes remarques excluent les données du Québec. Malheureusement, des problèmes techniques dans les données du Québec sur les armes à feu nous empêchent de les inclure dans nos données nationales.
En 2020, les crimes violents à l'aide d'une arme à feu ont représenté moins de 3 % des crimes violents déclarés par la police. Cependant, au cours des cinq dernières années précédant la pandémie, le nombre de crimes liés aux armes à feu augmentait d'année en année. En 2020, il y a eu 8 344 victimes de crimes violents à l'aide d'une arme à feu, sans compter le Québec. En 2020, le taux pour 100 000 habitants était similaire à celui de 2019.
Dans les régions urbaines, les crimes violents commis avec une arme à feu impliquent essentiellement les armes de poing, alors que, dans les régions rurales, l'arme à feu la plus couramment utilisée est la carabine ou le fusil de chasse. Dans certains grands centres urbains, les armes de poing étaient utilisées dans la grande majorité des crimes, y compris à Toronto, dans 86 % des cas, à Windsor, 80 % et à Ottawa et Barrie, 78 %.
J'aimerais fournir quelques renseignements précis sur les homicides et l'utilisation des armes à feu. Le taux national d'homicides a augmenté pour la deuxième année consécutive, en 2020, pour atteindre son taux le plus élevé depuis 2005. En 2020, la police a déclaré 743 homicides, soit 56 de plus qu'en 2019. Sur ces 743 homicides, 37 %, soit 277, ont été commis avec une arme à feu. Il s'agit d'une légère hausse par rapport à 2019.
Le taux des homicides commis avec une arme à feu a augmenté de manière générale au cours des huit dernières années. Les armes de poing sont toujours l'arme à feu la plus utilisée; près de la moitié des homicides sont commis avec une arme de poing. Les gangs étaient impliqués dans 39 % des homicides commis avec une arme à feu en 2020. C'est la proportion la plus faible enregistrée depuis 2015. Cependant, les armes à feu sont utilisées dans la grande majorité des homicides liés aux gangs, et il s'agit le plus souvent d'une arme de poing.
Pour conclure, Statistique Canada reconnaît qu'il y a toujours d'importantes lacunes en matière de renseignements dans les données nationales, y compris l'origine de l'arme à feu, et nous continuons de travailler en collaboration avec nos partenaires pour cerner ces besoins essentiels en matière de renseignements et d'y répondre.
Merci beaucoup.
C'est bon d'entendre que Statistique Canada reconnaît qu'il s'agit d'un problème, parce qu'il est, bien sûr, impossible d'élaborer une bonne politique sans données fiables.
Encore une fois, les services de police saisissent des armes à feu pour toutes sortes de raisons. Elles sont toutes tout à fait légitimes. Ils peuvent recueillir une arme à feu sur une scène de crime ou recevoir une plainte pour tapage, y aller et enquêter. J'ai donné l'exemple d'un collectionneur d'armes à feu âgé qui pourrait perdre ses facultés et qui ne devrait plus posséder ces armes à feu. Les services de police les saisissent et les ramènent au détachement. Dans ces deux cas, l'exercice du pouvoir de saisie est tout à fait valide et prévu à différents endroits dans le Code criminel.
Quand il s'agit d'élaborer une politique, ces armes à feu ne sont pas les mêmes. Une arme à feu peut ne jamais avoir été impliquée dans un affrontement violent; l'autre aurait pu l'être, mais elles sont toutes mises dans le même sac.
Je pense que ce qui est réellement important, c'est que, tout d'abord, Statistique Canada doit prendre les devants à ce chapitre. Nous avons des preuves empiriques provenant de personnes des services de police. Je vais vous donner un exemple. J'ai participé à un procès pour meurtre avec une arme à feu, dans lequel la Couronne, à un moment donné des procédures, a en fait présenté des statistiques du Service de police d'Ottawa sur la saisie des armes à feu liées à un acte criminel et la prolifération des armes à feu liées à un acte criminel, à Ottawa. Ces statistiques sont recueillies à l'échelle locale par les services de police. Ils n'utilisent pas des définitions uniformes d'un service à l'autre. Par exemple, quand je me suis renseigné sur la définition d'une arme à feu liée à un acte criminel, le Service de police de Toronto m'a donné une réponse différente de celle du Service de police d'Ottawa.
Nous avons besoin de définitions uniformes. Bien sûr, aucun organisme n'est mieux placé pour le faire que Statistique Canada.
:
Merci, monsieur le président.
J'aimerais commencer par M. Spratt.
Tout d'abord, c'est toujours un plaisir de vous voir. Cela fait quelques années. J'avais l'habitude de vous voir plusieurs fois témoigner devant le comité de la justice.
J'aimerais porter à votre attention le fait qu'il semble y avoir plusieurs catégories de violence liée aux armes à feu. D'abord, il y a la violence des personnes impliquées dans la criminalité, indissociable des activités d'une entreprise criminelle; deuxièmement, la violence familiale et troisièmement, les activités de type idéologique et extrémiste.
Seriez-vous d'accord avec ces catégories? Si c'est le cas, diriez-vous qu'il y aurait différentes exigences quant au contrôle de l'accès aux armes à feu dans ces différentes circonstances?
:
Je vais juste revenir brièvement sur ce que M. Spratt disait concernant l'accès aux armes à feu.
Il importe de se rappeler que, pour posséder légalement une arme à feu à autorisation restreinte — et les armes de poing sont en grande partie à autorisation restreinte; certaines sont interdites, la plupart sont à autorisation restreinte — vous devez, bien sûr, vous soumettre à un examen approfondi, y compris à une vérification des antécédents et des références. En fait, votre nom est recherché quotidiennement dans une base de données, la base de données PIAF, qui fait apparaître des alertes en cas de problèmes de santé mentale, de criminalité, de violence familiale, etc. Par conséquent, il existe actuellement des contrôles très stricts en ce qui concerne les personnes qui peuvent légalement posséder une arme à feu.
Le problème avec les armes de poing — et c'est là que nous obtenons d'autres statistiques contradictoires — c'est qu'il y a une statistique de l'UPCA, l'Unité provinciale de contrôle des armes à feu, la force opérationnelle conjointe sur les armes à feu de l'Ontario, qui a constaté en 2018 que 77 % des armes de poing utilisées dans les infractions provenaient des États-Unis, ce qui, bien sûr, permet de contourner complètement tout régime de réglementation.
Vous avez posé une question sur l'aspect de la réglementation. C'est une question vraiment intéressante — du moins, elle l'est quand on est féru de droit comme M. Spratt et moi — parce que la définition d'« arme à feu » — autrement dit, ce qui est une arme à feu — trouve évidemment son origine dans le Code criminel, mais le gros du travail est fait, comme c'est souvent le cas, par nos tribunaux. Nous avons une jurisprudence abondante sur cette question, la question même qui devrait être capitale pour les organismes de réglementation des armes à feu, à savoir: quand un morceau de métal devient‑il une arme à feu? Quand un ensemble de pièces devient‑il une arme à feu, et à quel stade ces pièces sont-elles réglementées?
De façon générale, l'ASFC et la GRC ont adopté certaines interprétations à des fins d'application de la loi, mais il n'y a pas de réponse claire dans la législation. Que ce soit le Comité ou le ministère de la Justice, je pense que c'est une chose sur laquelle il faut se pencher pour trouver une définition, une réponse à ce qui devrait être une question simple: quand un objet devient‑il une arme à feu?
Ce n'est pas une question simple, mais elle doit absolument être examinée dans le contexte du Code et de la réglementation sur les armes à feu.
:
Je vous remercie, monsieur le président.
Je remercie les témoins d'être avec nous aujourd'hui et je leur souhaite la bienvenue au Comité. Je les remercie de nous offrir leur expertise sur le sujet.
M. Friedman, j'ai trouvé extrêmement intéressants vos propos sur la définition des armes à feu, sur ce qui fait qu'un objet devient une arme à feu. Je crois comprendre que, en général, vous n'êtes pas nécessairement favorable à ce que l'on instaure plus de lois ou de règlements.
Serait-il préférable de mieux définir les armes à feu directement dans le Code criminel plutôt que d'établir une liste d'armes à bannir?
On pourrait, par exemple, définir ce qu'est une arme à feu de type militaire et tout ce qui englobe les armes à feu. Même si l'on dresse une liste des armes à bannir, des armes similaires sont toujours sur le marché et ne se retrouvent pas sur cette liste.
Ne serait-il pas plus productif de mieux définir les armes à feu et de légiférer dans ce sens?
:
Fantastique. C'est une excellente question. Donc, [
difficultés techniques]. Chaque fois que vous voulez régler un problème juridique, vous devez regarder comment nous en sommes arrivés là.
Essentiellement, nous en sommes arrivés là avec l'adoption de la Loi sur les armes à feu originale en 1992, qui délimitait ce qu'étaient les armes à feu sans restriction, les armes à feu à autorisation restreinte et les armes à feu prohibées. Ensuite, au lieu de revenir pour adopter une nouvelle loi — ce qui signifiait des choses désagréables comme un débat politique à la Chambre des communes sur la classification des armes à feu —, les gouvernements successifs, tant libéraux que conservateurs, ont recouru au gouverneur en conseil pour adopter des règlements qui ajoutaient des armes à feu à cette liste ou en retiraient.
Ce que je veux dire ici, c'est qu'il importe peu que vous souhaitiez un contrôle plus strict ou plus souple des armes à feu. Ce dont vous avez besoin, c'est d'un débat politique ouvert et transparent à ce sujet. Vous ne pouvez le faire, à mon avis respectueux, qu'au Parlement. Cela ne fait pas avancer l'élaboration d'une politique rationnelle de dire simplement que cette année, nous avons ajouté 1 500 armes à feu à la liste et que le prochain gouvernement va en retirer 800. Ma proposition, c'est que, au lieu de cela, vous classiez les armes à feu en fonction de leur danger inhérent, de leur utilisation et d'autres critères fondés sur des données probantes.
Vous avez tout à fait raison, madame la vice-présidente. À partir d'aujourd'hui, assis ici en 2022, vous pouvez prendre deux armes à feu et les aligner côte à côte. Elles tireront une balle exactement du même calibre à la même cadence de tir avec un mécanisme de mise au feu similaire. L'une d'entre elles est interdite et a déjà fait l'objet de nombreuses peines minimales obligatoires, comme une peine d'emprisonnement de plus de quatre ans. L'autre est sans restriction. Toute personne titulaire d'un permis peut la posséder et l'utiliser non seulement pour le tir sur cible, mais aussi partout où il est légal de décharger une arme à feu, y compris pour la chasse.
La légitimité de ce type de système est assez difficile à justifier pour les propriétaires d'armes à feu qui disent que l'arme qu'ils ont achetée il y a une semaine est interdite aujourd'hui, mais qu'elle n'est pas différente de l'arme qui se trouve à côté dans le coffre, laquelle est sans restriction.
Si vous voulez avoir confiance en votre système de réglementation des armes à feu, vous devez commencer par une politique rationnelle, fondée sur des données probantes. Pour ce faire, nous devons repenser la façon dont la Loi sur les armes à feu classe les armes à feu.
:
Je comprends. Merci beaucoup, monsieur Spratt.
Monsieur Friedman, j'aimerais m'adresser à vous, car j'ai été très intéressé par votre témoignage concernant le débat en cours sur la classification. Vous avez parlé de la fonction d'une arme à feu par rapport à son apparence. Avez-vous des suggestions à faire à notre comité à ce sujet? Par exemple, si vous regardez les carabines semi-automatiques, certaines, bien sûr, peuvent être dotées d'un chargeur à grande capacité, ce qui les rend beaucoup plus mortelles, tandis que d'autres carabines semi-automatiques ne peuvent pas en être munies. Elles ont une limite stricte quant au nombre de cartouches qu'elles peuvent contenir.
Comme beaucoup de mes électeurs, j'aimerais avoir un débat raisonnable sur la façon dont nous classons les armes à feu. Dans la minute qu'il me reste, avez-vous des suggestions à nous faire sur la manière dont ce système devrait être réformé?
:
C'est une question intéressante. Je dirai ce qui suit. Il est regrettable que la rhétorique politique incendiaire ait pris la place d'un débat politique éclairé.
Je pense que le Comité est un excellent exemple de ce qui peut se produire lorsque nous examinons réellement les aspects juridiques, réglementaires et techniques de ces armes à feu. L'affirmation selon laquelle ces armes ont été conçues pour tuer le plus grand nombre de personnes en un minimum de temps est fausse. Cela est confirmé par le fait que nous équipons volontiers nos policiers de ces armes à feu. Nous les leur donnons parce qu'elles sont efficaces et fiables, et nous savons qu'elles fonctionnent bien dans toutes les conditions.
Le a également déclaré: « Vous n'avez pas besoin d'un AR‑15 pour abattre un cerf. » De toute évidence, comme il s'agit de quelqu'un qui ne comprend ni les règlements sur la faune ni la Loi sur les armes à feu... il saurait que le calibre d'une balle tirée par un AR‑15 est en fait considéré comme trop faible pour abattre un cerf, et qu'il est donc interdit de s'en servir pour chasser le cerf dans pratiquement toutes les provinces. Ces armes à feu sont régulièrement utilisées par les agriculteurs pour lutter contre la vermine ou les prédateurs.
Je pense que ce que nous devons faire, c'est retirer la rhétorique politique. Nous n'avons pas besoin d'avoir un débat incendiaire. Nous n'avons pas besoin de diviser les gens ou de diaboliser un groupe par rapport à un autre. Nous devons avoir une discussion fondée sur des données probantes quant à la direction que nous voulons donner à la politique sur les armes à feu dans notre pays. Je pense que c'est ce que les Canadiens attendent. C'est ce qu'ils méritent.
:
Nous reprenons nos travaux.
Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement et à la motion adoptée par le Comité le mardi 1er février 2022, le Comité commence son étude sur les plateformes de financement participatif et le financement de l'extrémisme.
Nous accueillons aujourd'hui Barry MacKillop, sous-directeur, Renseignement, et Annette Ryan, directrice adjointe, Partenariats, politiques et analyse, du Centre d'analyse des opérations et déclarations financières du Canada.
Vous aurez jusqu'à cinq minutes pour présenter vos déclarations liminaires, après quoi nous passerons à une période de questions. Les témoins peuvent choisir de partager leur temps avec d'autres témoins s'ils le souhaitent.
Je vous souhaite la bienvenue.
J'invite maintenant M. MacKillop à faire une déclaration liminaire de cinq minutes maximum.
La parole est à vous, monsieur.
:
Merci, monsieur le président de nous avoir invités à prendre la parole devant le Comité aujourd'hui.
[Français]
Je voudrais présenter très brièvement cet après-midi le mandat du Centre d'analyse des opérations et déclarations financières du Canada, ou CANAFE, suivant la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes, ainsi que le rôle précieux que nous remplissons pour aider à protéger la population et l'économie du Canada.
Le mandat de CANAFE consiste à faciliter la détection, la prévention et la dissuasion du blanchiment d'argent et du financement des activités terroristes.
[Traduction]
En tant que l'un des 13 ministères et organismes fédéraux qui jouent un rôle clé dans le cadre du régime canadien de lutte contre le blanchiment d'argent et le financement des activités terroristes, le CANAFE a été établi en tant qu'unité administrative du renseignement financier, et non pas comme organisme d'application de la loi ou d'enquête. Nous ne possédons aucune autorité pour geler ou saisir des fonds ni pour annuler ou retarder des transactions financières. Le Parlement du Canada l'a fait très délibérément afin de s'assurer que nous aurions accès aux renseignements nécessaires pour appuyer les enquêtes sur le blanchiment d'argent et le financement des activités terroristes menées par les services de police, les organismes d'application de la loi et les organismes de sécurité nationale du Canada, tout en protégeant la vie privée des Canadiens. En tant qu'organisme de réglementation de la lutte contre le blanchiment d'argent et le financement des activités terroristes au Canada, le CANAFE est chargé de veiller à ce que des milliers d'entreprises se conforment aux exigences de la loi, notamment les entités financières, les casinos, les entreprises de transfert de fonds et les sociétés immobilières.
Je tiens à souligner que les sites de financement participatif ne sont pas un secteur d'activité réglementé par la loi. Toutefois, lorsque ces sites transigent avec ou par des entreprises assujetties à la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes et à ses règlements, ces transactions financières seraient couvertes par la loi.
Dans le cadre de leurs obligations, les entreprises assujetties à la loi sont tenues d'établir un programme de conformité, d'identifier les clients, de tenir des registres et de déclarer certains types de transactions financières au CANAFE, notamment les télévirements internationaux totalisant 10 000 $ ou plus au cours d'une période de 24 heures, les transactions importantes en monnaie virtuelle totalisant 10 000 $ ou plus au cours d'une période de 24 heures et les opérations douteuses, qui ne comportent pas de seuil monétaire pour la déclaration.
La conformité avec les obligations législatives et réglementaires plus larges fournit des mesures importantes pour dissuader les criminels et les terroristes d'exercer leurs activités au sein de l'économie légitime du Canada. La conformité avec la loi permet au CANAFE de recevoir l'information dont il a besoin pour produire des renseignements financiers auxquels les [difficultés techniques] organismes d'application de la loi et de sécurité nationale peuvent donner suite. Les déclarations que nous recevons des entreprises canadiennes sont analysées et évaluées, et lorsque nous avons des motifs raisonnables de soupçonner que des renseignements financiers seraient pertinents aux fins d'une enquête ou d'une poursuite pour une infraction de blanchiment d'argent ou de financement d'activités terroristes, le CANAFE produit une communication de renseignements financiers à l'intention des services de police, des organismes d'application de la loi et des organismes de sécurité nationale du Canada.
En vertu du paragraphe 55(1) de la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes, il est expressément interdit au CANAFE de discuter de l'information qu'il reçoit ou des renseignements financiers qu'il communique aux services de police, aux organismes d'application de la loi et aux organismes de sécurité nationale du Canada. Ce que je peux dire, cependant, c'est que nos renseignements financiers sont estimés par ces organismes, dont beaucoup nous ont dit qu'ils n'entameraient pas une enquête sur un projet important sans demander nos renseignements financiers.
L'an dernier, nous avons fourni plus de 2 000 communications de renseignements financiers exploitables à l'appui d'enquêtes liées au blanchiment d'argent, au financement d'activités terroristes et aux menaces à la sécurité du Canada. Depuis qu'il est devenu opérationnel en 2001, le Centre a fourni plus de 22 000 communications de renseignements financiers à la police, aux organismes d'application de la loi et de sécurité nationale du Canada, ainsi qu'à nos partenaires internationaux.
Nos communications comprennent des renseignements financiers sur un particulier ou un réseau d'individus ou d'entités soupçonnés d'être impliqués dans le blanchiment d'argent ou le financement d'activités terroristes. Elles permettent d'établir des liens entre des personnes et des entreprises qui n'ont pas été identifiées dans le cadre d'une enquête et peuvent aider les enquêteurs à affiner la portée de leurs affaires ou à tourner leur regard vers des cibles différentes. Nos renseignements financiers sont souvent utilisés par les organismes d'application de la loi pour établir des affidavits en vue d'obtenir des mandats de perquisition et des ordonnances de production.
Nos renseignements financiers peuvent également servir à identifier les produits de la criminalité et à faire progresser les connaissances du gouvernement sur les dimensions financières de certains actes criminels et de certaines menaces, notamment le crime organisé et le terrorisme. L'an dernier, nos renseignements financiers ont contribué à 376 enquêtes majeures exigeant des ressources importantes et à plusieurs centaines d'autres enquêtes individuelles aux échelons municipal, provincial et fédéral dans tout le pays, ainsi qu'à des enquêtes internationales...
:
Lorsque nous arrivons à notre seuil et soupçonnons qu'une certaine transaction serait pertinente pour une enquête sur le blanchiment d'argent ou le financement d'activités terroristes, nous avons un certain nombre d'indicateurs que nous avons mis au point au fil des ans en fonction de nos renseignements.
Nous nous sommes également appuyés sur des indicateurs existants qui ont été publiés par le GAFI, le Groupe d'action financière intergouvernemental, ainsi que par le Groupe Egmont, qui est un groupe de cellules de renseignement financier à l'échelle internationale. Nous avons également des indicateurs que nous avons élaborés avec nos partenaires nationaux et internationaux en matière de blanchiment d'argent.
Comme la plupart d'entre vous le savent probablement, le blanchiment d'argent est le résultat et l'utilisation des produits de la criminalité. En général, un crime est commis, et nous voyons souvent des transactions liées à des crimes principaux, comme la traite des êtres humains, par exemple, ou le trafic de drogue, ou le matériel d'exploitation sexuelle des enfants sur Internet et l'achat de ce matériel. La perpétration de ces crimes principaux, puis le mouvement d'argent tend à être le principal indicateur du blanchiment d'argent.
Nous avons un certain nombre d'indicateurs et nous définissons ces indicateurs lorsque nous faisons des communications pour aider les forces de l'ordre à comprendre pourquoi nous leur donnons les renseignements que nous leur fournissons.
:
Notre mandat, et nous avons été mis en place de façon très spécifique, n'est pas d'être une unité d'enquête. Il est très important de comprendre que les rapports que nous recevons de notre entité déclarante en vertu de la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes ou LRPCFAT sont des rapports de listes de mandats.
Par exemple, sur le seuil de déclaration de 10 000 $ entrant ou sortant du Canada, ou tout ce qui dépasse 10 000 $, la grande majorité des rapports que nous recevons concerne des Canadiens légitimes faisant des affaires légitimes, ou des organisations légitimes envoyant de l'argent à des fins commerciales. Nous avons un rôle à jouer dans la protection de la vie privée de ces personnes et entités.
Nous ne sommes pas un organisme d'enquête; sinon, nous ne serions pas en mesure de recevoir les rapports que nous recevons, car nous fournissons des renseignements aux organismes d'application de la loi. Ces derniers s'en servent ensuite dans le cadre de leur enquête pour élaborer et obtenir les preuves dont ils ont besoin pour aller devant les tribunaux.
Nous sommes également constitués en tant qu'agence indépendante du gouvernement. Le Groupe d'action financière exige qu'une unité du renseignement financier soit indépendante du gouvernement et qu'elle ne reçoive pas de directives, comme vous l'avez mentionné, pour enquêter sur des particuliers ou des groupes spécifiques.
Nous avons notre mandat et nous savons ce que nous devons faire. Nos entités déclarantes sont des partenaires très solides. La diligence raisonnable dont elles font preuve quotidiennement pour surveiller ces transactions et travailler avec nous pour surveiller les bonnes transactions s'est révélée extrêmement efficace. Le régime est mis en place par 13 ministères et organismes différents, chacun ayant un mandat particulier, et ils travaillent ensemble afin d'améliorer et de renforcer le régime au Canada, et de s'assurer que nous avons ce qu'il faut pour lutter contre le blanchiment d'argent et le financement des activités terroristes.
:
Les plateformes de sociofinancement elles-mêmes ne sont pas assujetties aux États-Unis, par exemple, à FinCEN. Cependant, toute personne qui fait un don sur une page GoFundMe, par exemple, le fait grâce à un processeur de paiement, ce qui suppose qu'elle doit s'identifier. Elle doit disposer d'une carte de crédit. Elle doit fournir ses renseignements personnels, afin que le don soit validé, que les fonds existent, puis que ceux‑ci soient virés à GoFundMe.
Lorsque GoFundMe verse l'argent à une cause particulière, si elle utilise un compte bancaire canadien, ce versement passe par le compte bancaire canadien. Si notre banque canadienne, par exemple, juge que ce versement est suspect ou lié au blanchiment d'argent, au financement du terrorisme ou à une activité de l'EVCI, elle nous signalera ces opérations douteuses.
Nous ne surveillons pas ce dont peut disposer GoFundMe, mais lorsque le versement est effectué, il se fait par l'intermédiaire d'une banque canadienne, lorsqu'il s'agit des pages de dons canadiennes qui ont été établies. Lorsqu'une page de dons est établie, les organisateurs de cette page doivent également s'identifier, préciser le but de la cause et la façon dont les fonds seront versés une fois qu'ils auront été amassés.
:
Je vous remercie beaucoup de la question, madame Michaud.
Nous sommes toujours en train de regarder ce que nous pouvons faire pour améliorer notre régime et découvrir d'autres secteurs qui devraient être couverts par la Loi.
C'est certain qu'il faut qu'il y ait un équilibre entre le désir d'avoir le plus de renseignements possible et la protection de la vie privée. En tant que sous-directeur responsable du renseignement, j'aimerais avoir le plus de renseignements possible. Cependant, il faut qu'il y ait toujours un équilibre entre ce qui est rapporté au CANAFE et le respect de la vie privée et des renseignements d'ordre financier des individus.
Nous sommes toujours en train de voir quels autres secteurs pourraient être couverts par la Loi afin d'améliorer notre régime. Par contre, je ne pense pas que l'on puisse ajouter des secteurs uniquement parce qu'ils sont utilisés. Il faut déterminer si un secteur donné risque de s'adonner au blanchiment d'argent ou de financer le terrorisme. Il faut savoir ce que ces plateformes pourraient nous apporter en fait de renseignements.
Je rappelle que des sites comme GoFundMe sont établis aux États‑Unis, et non au Canada. Ils ne sont donc pas assujettis à la législation canadienne, et l'inverse est aussi vrai lorsque les sites sont établis au Canada. C'est certain que l'on ne doit pas apporter des changements sans faire les études nécessaires pour savoir s'il y a une façon d'améliorer notre régime ou d'utiliser d'autres sources.
La même chose s'est produite avec les sites de cryptomonnaie. Ils n'étaient pas assujettis à la Loi et ils le sont maintenant. Ces sites nous envoient maintenant des rapports sur les cryptomonnaies. Nous cherchons toujours à faire avancer les choses et à améliorer notre système.
:
Je vous remercie beaucoup de la question.
La question de l'anonymat est un peu floue, car les dons ne sont pas anonymes. Pour faire un don, les gens sont obligés d'utiliser une carte de crédit et de passer par un système de paiement par Internet, comme Stripe, pour financer une cause. Parce que le nom des donateurs n'apparaît pas toujours publiquement, les dons peuvent sembler anonymes, mais ce n'est pas le cas.
C'est un peu comme si je faisais un don pendant notre campagne de financement et que l'on me demandait si je voulais que mon nom apparaisse comme principal donateur. Si je refusais, mon don serait affiché comme étant anonyme, mais ce ne serait pas vraiment le cas.
Les entreprises qui traitent des dons, comme Stripe ou GoFundMe, savent qui fait un don. Quand GoFundMe a décidé de fermer la page de ce « convoi de la liberté » et de rembourser tout le monde, cela portait à croire qu'il avait pour ce faire toute l'information nécessaire sur les cartes de crédit et l'identité des individus. Alors, les dons ne sont pas vraiment anonymes.
:
Merci beaucoup, monsieur le président.
Le bulletin spécial que le CANAFE a produit sur l'extrémisme violent à caractère idéologique ou EVCI déclare que « les auteurs de menace associés à l'EVCI amassent des fonds au moyen d'activités commerciales telles que ... le sociofinancement... et les dons ». Le Service canadien du renseignement de sécurité a réparti la violence à laquelle s'adonnent ces auteurs en quatre catégories générales: la violence xénophobe, la violence antiautoritaire, la violence sexiste et la violence fondée sur d'autres récriminations ou idéologies.
Bien entendu, le Code criminel a une définition du terrorisme, qui est « un acte... commis... au nom — exclusivement ou non — d'un but, d'un objectif ou d'une cause de nature politique, religieuse ou idéologique [...] en vue d'intimider la population ». Dans ce contexte, les activités reconnues comme étant des actes criminels comprennent le fait de causer des « dommages matériels » considérables et le fait de « perturber gravement... ou de paralyser des services, installations ou systèmes essentiels », et je pense que n'importe quel observateur occasionnel regardant ce qui se passe à Ottawa en ce moment pourrait probablement établir un lien avec ces activités.
J'essaie de comprendre la relation entre les fournisseurs de services de paiement (par exemple, Stripe et PayPal), la plateforme de sociofinancement et enfin l'entité financière à laquelle les fonds sont finalement distribués. Par exemple, les fournisseurs de services de paiement disposent-ils de renseignements quand ils reçoivent des dons? Savent-ils pourquoi les dons sont reçus? Comprennent-ils à quelles fins ils sont reçus? Le site de sociofinancement a‑t‑il ce lien avec le fournisseur de services?
:
Cette question dépasse un peu mon domaine de compétence, mais je vous remercie de l'avoir posée.
Je ne suis pas un expert des fournisseurs de services ou de GoFundMe, mais je crois savoir que la page est créée pour une cause particulière. Lorsque les gens veulent faire un don, un service complémentaire est fourni en coulisses. Stripe, par exemple, connaît l'identité de la personne qui a fait le don. Il dispose de sa carte de crédit et de toutes ses pièces d'identité afin de valider que les fonds existent et de les transférer à la page en question. Stripe sait que les fonds sont destinés à une page précise.
Je crois savoir que Stripe, PayPal, GoFundMe et GiveSendGo ont tous des conditions générales d'utilisation dans lesquelles ils précisent clairement qu'ils ne soutiendront rien qui soit lié au blanchiment d'argent, aux activités criminelles ou au financement du terrorisme.
Je présume que bon nombre de ces fournisseurs de service — qui existent, comme dans l'exemple de Stripe, dans un million de sociétés différentes et des centaines de pays — ont leur propre programme de conformité interne et leur propre programme interne de surveillance des médias. Je suppose qu'ils sont très responsables socialement lorsqu'il est question de savoir où va l'argent. Je pense qu'ils ne voudraient pas gérer de l'argent destiné à une cause reconnue comme illégale, par exemple.
:
Elles ont des directives claires accessibles sur notre site Web. En plus de fournir ces directives, nous mentionnons également différentes raisons de soumettre des déclarations d'opérations douteuses.
De plus, nous leur présentons un certain nombre d'indicateurs très spécifiques qui les aideront dans la surveillance de ces opérations. Par exemple, nous avons cinq partenariats public-privé fructueux pour lutter contre la traite de personnes, le trafic du fentanyl, les arnaques romantiques, les systèmes bancaires clandestins et le matériel d'exploitation sexuelle d'enfants sur Internet. Nous avons mis en place ces PPP, comme nous les appelons, avec nos entités déclarantes et nous leur communiquons des indicateurs très exploitables qu'elles peuvent intégrer dans leurs propres systèmes en vue de créer des algorithmes qui les aideront à détecter les opérations douteuses pouvant être liées à ces types de crimes sous-jacents.
Nous leur avons également fourni des indicateurs liés au financement du terrorisme et des indicateurs de l'EVCI, comme l'a mentionné mon collègue pour les aider à reconnaître ces types d'opérations. Comme vous le savez, souvent, il s'agit non pas d'une seule transaction, mais d'un modèle de transactions, et nous les aidons en leur fournissant le plus grand nombre possible d'indicateurs clairs, de directives, de sensibilisation et de formation afin d'améliorer leur travail de surveillance.
Le succès que nous avons connu est démontré par l'augmentation du nombre de déclarations d'opérations douteuses que nous avons reçues d'une année à l'autre, ainsi que par l'augmentation du nombre de déclarations de renseignements transmis volontairement que nous avons reçues de la police nous demandant de l'aider dans ses enquêtes. À mesure que le nombre de ces déclarations a augmenté, nous avons été en mesure d'augmenter le nombre de nos divulgations. Il est clair non seulement que les entités déclarantes font très bien leur travail en nous fournissant ces déclarations, mais aussi que la police — nos organismes chargés de l'application de la loi et de la sécurité nationale, tant au Canada qu'à l'étranger — apprécie grandement nos divulgations et les demande aussi souvent que possible afin qu'elles les aident dans leurs enquêtes.
:
Je vous remercie de la question.
Comme je le disais plus tôt, la situation que nous vivons en ce moment est vraiment unique. Nous ne considérions pas les plateformes de sociofinancement comme des outils pouvant être utilisés pour faire du blanchiment d'argent ou pour financer des activités terroristes. Le risque qu'une personne essaie d'utiliser ces plateformes à cette fin est toujours présent, mais ce n'est pas nécessairement l'outil qu'elle choisira. En effet, il existe beaucoup d'autres façons, probablement plus faciles, de blanchir de l'argent ou d'amasser des fonds pour financer des activités terroristes. Il s'agit donc vraiment d'une situation unique.
Nous allons tirer des leçons de cet événement, et nous allons assurément continuer d'avoir des discussions avec nos partenaires internationaux.
Les plateformes qui existent sur Internet sont accessibles à tous, partout dans le monde. Elles peuvent être utilisées pour verser des fonds afin de soutenir une cause, que ce soit la cause dont il question aujourd'hui ou une autre.
Je présume que des plateformes comme GoFundMe ont pu être utilisées dans le but d'aider des gens qui voulaient sortir de l'Afghanistan, par exemple. Des gens de n'importe où peuvent soutenir une telle cause en faisant des dons. Je ne pourrais pas vous donner un pourcentage, mais je crois que les plateformes de sociofinancement ont été très utiles pour amasser des fonds afin d'aider des gens dans le besoin partout dans le monde.
Il faudrait vraiment chercher l'équilibre entre le fardeau qui pourrait être imposé et le renseignement que l'on pourrait obtenir.
:
Je vous remercie beaucoup, monsieur le président.
Au mois d'avril l'année dernière, il y a eu une atteinte à la protection des données sur le site de sociofinancement chrétien GiveSendGo. Cette atteinte à la protection des données a révélé que des millions de dollars ont été recueillis par des groupes ayant l'interdiction de collecter des fonds sur d'autres plateformes. Ils avaient été bannis en raison de discours haineux et de violence sur ces plateformes. Parmi les plus grands groupes bénéficiaires, on retrouve des groupes comme les Proud Boys, qui est désigné comme une entité terroriste.
L'atteinte à la protection des données est la seule raison qui nous a permis de le découvrir. Je me demande simplement si, en tant que décideurs politiques, nous devons anticiper le nouveau contexte qui se présente à nous. Le CANAFE est‑il en mesure de saisir les données, peut-être pas celles d'un site comme GoFundMe, mais celles d'autres plateformes qui rivalisent pour cet espace et ces fonds?
Y a‑t‑il des lacunes que nous devons corriger, en tant que décideurs, afin de pouvoir détecter ces problèmes avant qu'ils ne deviennent une simple atteinte à la protection des données?