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Chers collègues, bonjour.
[Français]
Je déclare la séance ouverte.
Je vous souhaite la bienvenue à la 111e réunion du Comité permanent de l'industrie et de la technologie de la Chambre des communes.
La réunion d'aujourd'hui se déroule sous forme hybride, conformément au Règlement.
Conformément à l'ordre de renvoi du lundi 24 avril 2023, le Comité reprend l'étude du projet de loi .
Je souhaite la bienvenue aux témoins.
Nous recevons tout d'abord M. Momin Malik, qui est titulaire d'un doctorat et chercheur en sciences des données. Il témoigne à titre personnel et se joint à nous par vidéoconférence.
Nous recevons également Mme Christelle Tessono, qui est chercheuse en politiques technologiques à l'Université de Toronto. Elle aussi se joint à nous par vidéoconférence.
Finalement, nous recevons M. Jim Balsillie, qui est présent dans la salle et que je remercie d'être venu témoigner à nouveau devant le Comité.
Sans plus tarder, je passe la parole à M. Malik pour cinq minutes.
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Monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du Comité, merci de me donner l'occasion de m'adresser à vous cet après-midi.
Je m'appelle Momin Malik. Je suis chercheur dans le domaine de l'intelligence artificielle en soins de santé, chargé de cours à l'Université de Pennsylvanie et chercheur principal à l'Institute in Critical Quantitative, Computational, & Mixed Methodologies.
J'ai fait mon doctorat à la School of Computer Science de l'Université Carnegie Mellon, où je me suis intéressé surtout au lien entre l'apprentissage automatique et les sciences sociales. Par la suite, j'ai fait un stage postdoctoral au Berkman Klein Center for Internet & Society de l'Université Harvard sur l'éthique et la gouvernance de l'IA, l'intelligence artificielle.
Mes recherches portent en ce moment sur la vérification de la validité statistique de l'équité de l'IA, la reproductibilité de l'apprentissage automatique et l'application clinique des résultats de la recherche en soins de santé.
Quant à la forme, au contenu et aux problèmes que présente la version actuelle de Loi sur l'intelligence artificielle et les données, je vais m'en remettre à ma collègue, Christelle Tessono, qui a été l'auteure principale du rapport présenté au Comité l'an dernier, auquel j'ai contribué. Je serai en mesure de répondre aux questions sur les aspects techniques et les définitions de l'intelligence artificielle, ce sur quoi mes propos porteront surtout.
Dans mon travail, je soutiens qu'il faut comprendre l'IA non pas en fonction de ce qu'elle semble faire ou aspire à faire, mais plutôt de sa façon de le faire. Je me propose donc de parler de l'IA comme une instrumentalisation des corrélations statistiques. Par exemple, les modèles de langage sont fondés sur les modalités d'agencement des mots pour former des séquences. Les corrélations entre les mots sont au cœur de toutes ces technologies et des grands modèles de langage.
Nous savons tous qu'une corrélation n'est pas une relation de cause à effet. L'innovation de l'IA qui dépasse ce que les statistiques ont toujours fait consiste non pas à utiliser des corrélations pour comprendre et intervenir, mais plutôt à les utiliser pour essayer d'automatiser les processus. Des modèles peuvent maintenant utiliser les corrélations observées entre les mots pour générer du texte synthétique.
Soit dit en passant, pour prendre en charge les volumes gigantesques de texte nécessaires pour obtenir des résultats convaincants, il faut d'énormes efforts humains, et les entreprises ont dans une large mesure confié cette tâche à des travailleurs mal rémunérés et victimes d'exploitation dans des pays du Sud.
En ce sens, les systèmes d'IA peuvent se comparer à une illusion sur scène. Ils nous impressionnent comme un magicien pourrait le faire en faisant semblant de léviter, de téléporter des objets ou de faire apparaître un lapin. Si nous regardons ce qui se passe sous un autre angle, nous apercevons le soutien matériel, le double, le compartiment caché. Dans les cas extrêmes, qui sont loin d'être la moyenne, nous pouvons voir aussi voir qu'ils ratent, qu'ils fonctionnent mal, qu'ils ne sont pas à la hauteur de la tâche.
Les préjudices découlant de l'utilisation des corrélations par l'intelligence artificielle ont un précédent historique important dans les secteurs de l'assurance et du crédit. Depuis plus d'un siècle, les sciences actuarielles recueillent d'énormes quantités de données, en subdivisant les populations selon divers facteurs: âge, sexe, race, richesse, géographie, état matrimonial, etc., afin d'établir des durées de vie moyennes et de prendre des décisions en conséquence pour offrir des polices d'assurance vie et en fixer les primes.
Cela se fait depuis longtemps. Je connais très bien le contexte américain. Dans les années 1890, par exemple, les compagnies d'assurance du Massachusetts n'offraient pas de polices d'assurance-vie aux Noirs, soutenant qu'ils avaient une espérance de vie moindre. C'était tout de suite après l'émancipation. Cette pratique a été rejetée à l'époque et, plus tard, il est devenu illégal d'utiliser le facteur racial. Néanmoins, des caractéristiques en corrélation avec la race, comme le code postal, sont toujours utilisées et il est toujours légal de s'en servir aux États-Unis — et, d'après ce que je comprends, au Canada aussi —, et cela finit par désavantager ceux qui, souvent, sont le moins en mesure de payer.
En général, les personnes marginalisées risquent davantage d'être mal loties. En utilisant les corrélations de la sorte, nous risquons de pratiquer une optimisation qui consolide un statu quo injuste et des inégalités.
Le système de soins de santé du Canada diffère nettement de celui des États-Unis, et le Canada en est fier à juste titre. Il s'agit d'un exemple de collectivisation du risque, tandis que le secteur privé pratique une optimisation qui le sert au mieux, mais qui n'est peut-être pas à l'avantage du grand public.
J'exhorte le Comité à tenir compte de cette perspective historique et à essayer de voir comment l'intelligence artificielle peut échouer et causer des préjudices, et à prévoir la réglementation en conséquence.
Tout comme dans les domaines essentiels à la vie, à la dignité et au bonheur, comme les soins de santé, la justice pénale et d'autres domaines, la réglementation gouvernementale a un rôle crucial à jouer. La meilleure façon de cerner les problèmes existants et de trouver comment la réglementation peut les résoudre est d'écouter les groupes marginalisés, de consulter sérieusement la société civile et de consulter aussi suffisamment des experts techniques qui sont en mesure d'établir des liens significatifs pour le travail du Comité.
Merci d'avoir pris le temps de m'écouter. Je serai heureux de répondre à vos questions.
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Monsieur le président et mesdames et messieurs les membres du Comité, merci de m'avoir invitée à vous parler cet après-midi.
Je m'appelle Christelle Tessono, et je suis chercheuse en politique de la technologie et je fais des études supérieures à l'Université de Toronto. Au cours de ma carrière universitaire et professionnelle à la Chambre des communes, à l'Université Princeton, et maintenant avec la coalition Right2YourFace et The Dais, j'ai acquis des compétences dans un large éventail de dossiers de gouvernance de la technologie numérique, notamment l'intelligence artificielle.
Mes observations porteront surtout sur la Loi sur l'intelligence artificielle et les données, et elles s'appuient sur l'analyse soumise au comité de l'industrie l'an dernier. Ce mémoire a été rédigé conjointement avec Yuan Stevens, Sonja Solomun, Supriya Dwivedi, Sam Andrey et Momin Malik, qui fait partie du même groupe de témoins que moi aujourd'hui. Dans notre mémoire, nous faisons état de cinq problèmes clés liés à la LIAD, c'est‑à‑dire la Loi sur l'intelligence artificielle et les données, mais je vais traiter surtout de trois d'entre eux.
Premièrement, la LIAD ne tient pas compte des risques liés aux droits de la personne que présentent les systèmes d'intelligence artificielle, ce en quoi elle s'écarte de la Loi sur l'intelligence artificielle de l'Union européenne. Le préambule devrait, à tout le moins, reconnaître les répercussions disproportionnées bien établies que ces systèmes ont sur des groupes qui ont toujours été marginalisés, comme les Noirs, les Autochtones, les personnes de couleur, les membres de la communauté LGBTQ, les personnes économiquement défavorisées, les personnes handicapées et d'autres groupes en quête d'équité.
Bien qu'elles prévoient une annexe énumérant les catégories de systèmes qui peuvent être visées par la loi, les modifications proposées par le ministre sont loin de suffire. Il y aurait plutôt lieu d'amender la LIAD pour y faire figurer des ensembles clairs d'interdictions visant les systèmes et les pratiques qui exploitent les groupes vulnérables et nuisent à la sécurité et aux moyens de subsistance, à l'instar de l'interdiction de la loi de l'Union européenne sur l'IA ciblant les systèmes qui occasionnent des risques inacceptables.
Un deuxième problème que nous avons souligné est que la LIAD ne crée pas un régime de surveillance et d'application de la loi pour le marché de l'intelligence artificielle. Dans sa version actuelle, cette loi ne contient aucune disposition prévoyant une surveillance solide et indépendante. Elle propose plutôt des vérifications appliquées par le secteur même à la discrétion du ministre de l'Innovation, lorsqu'il soupçonne une infraction à la loi.
Bien que le texte crée le poste de commissaire à l'intelligence artificielle, celui‑ci n'est pas un acteur indépendant, car il est nommé par le ministre et est soumis à son pouvoir discrétionnaire. Le manque d'indépendance du commissaire à l'IA affaiblit le cadre réglementaire et ne protège donc pas la population canadienne contre les préjudices algorithmiques.
Même si les modifications proposées par le ministre accordent des pouvoirs d'enquête au commissaire, c'est loin d'être suffisant. Je crois plutôt que le commissaire devrait être nommé par le gouverneur en conseil et avoir le pouvoir de mener des audits proactifs, de recevoir des plaintes, d'appliquer des sanctions et de proposer des règlements et des normes pour l'industrie. Les moyens d'application de la loi devraient comprendre le pouvoir d'interdire, de restreindre, de retirer ou de rappeler les systèmes d'IA qui ne respectent pas l'ensemble des exigences de la loi.
Troisièmement, la LIAD n'a pas fait l'objet de consultations publiques. C'est une lacune flagrante qui est à l'origine des nombreux problèmes graves de la loi. Dans le mémoire quelle a présenté au comité de l'industrie, l'Assemblée des Premières Nations rappelle au Comité que le gouvernement fédéral a adopté le plan d'action de la Loi sur la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones, qui exige du gouvernement « le respect des droits des Autochtones est systématiquement inscrit dans les lois fédérales et les politiques élaborées en consultation et en collaboration avec les peuples autochtones concernés ». La LIAD n'a pas fait l'objet d'une telle consultation, ce qui est un manquement de la part d'un gouvernement qui a pris un engagement envers les peuples autochtones.
Si nous voulons que les consultations publiques soient au cœur de la gouvernance de l'IA au Canada, la loi devrait conférer à un comité parlementaire le pouvoir de faire examiner, réviser et mettre à jour la LIAD au besoin et de prévoir des audiences publiques annuelles ou à un intervalle de quelques années, et cela à partir d'un an après l'entrée en vigueur de la LIAD. Le ministre de l'Industrie devrait être tenu de répondre dans les 90 jours à ces examens d'un comité et de proposer des modifications législatives et réglementaires visant à corriger les lacunes relevées par ce comité.
De plus, je suis en faveur de l'ajout de dispositions qui élargissent les fonctions de rapport et d'examen du commissaire à l'IA, ce qui pourrait comprendre, sans s'y limiter, la présentation de rapports annuels au Parlement et la capacité de rédiger des rapports spéciaux sur des questions urgentes.
Conclusion? La réglementation de l'intelligence artificielle doit nous protéger contre un nombre croissant de préjudices algorithmiques que perpétuent ces systèmes. La LIAD, dans son état actuel, n'est pas à la hauteur de cette tâche. Conformément aux mémoires et aux lettres ouvertes présentés au Comité par la société civile, je recommande instamment de plutôt retirer la LIAD du projet de loi pour l'améliorer au moyen d'un examen attentif et de consultations publiques.
Il y a d'autres problèmes dont je voudrais parler, notamment le fait que les institutions gouvernementales échappent à l'application de la LIAD.
Je me ferai un plaisir de répondre aux questions concernant les modifications proposées par le ministre et d'approfondir les points que j'ai soulevés dans mes observations.
[Français]
Puisque je viens de Montréal, c'est avec grand plaisir que je répondrai à vos questions en français.
Je vous remercie de votre temps.
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Monsieur le président Lightbound et honorables députés, bonne Saint-Valentin.
Je vous remercie de me donner l'occasion de comparaître de nouveau et d'ajouter à mon témoignage précédent en expliquant mes préoccupations au sujet de la Loi sur l'intelligence artificielle et les données, dont les lacunes sur le plan du processus et du fond ont été bien documentées par les témoins experts. Les propositions subséquentes du ministre ne font que renforcer ma principale recommandation: il faut tout reprendre depuis le début. Il faut retourner à la table à dessin, mais pas pour qu'ISED, Innovation, Sciences et Développement économique Canada, puisse le rédiger seul. L'adoption précipitée d'un texte aussi imparfait ne fera qu'aggraver les craintes des citoyens à l'égard de l'IA, car la LIAD ne fait que prouver que les décideurs politiques ne peuvent pas prévenir efficacement les préjudices déjà existants ou émergents qui proviennent des nouvelles technologies.
Mettre l'accent sur des préjudices existentiels non quantifiables, indéterminés et non identifiables, c'est se laisser leurrer par l'industrie. Les récits des risques existentiels détournent l'attention des préjudices actuels comme la surveillance de masse, la mésinformation et l'atteinte à l'autonomie personnelle et aux marchés équitables, entre autres choses. Voici, selon une perspective de haut niveau, certaines des lacunes fondamentales de la LIAD.
Premièrement, le projet de loi est antidémocratique. Le gouvernement a présenté sa proposition de réglementation de l'IA sans consulter le public. Comme Andrew Clement l'a fait remarquer lors de votre séance du 31 janvier, les consultations subséquentes ont révélé des affirmations exagérées au sujet de réunions pour lesquelles on a encore fait appel de façon disproportionnée aux points de vue de l'industrie plutôt qu'à ceux de la société civile.
Deuxièmement, ce qu'on avance au sujet des bienfaits de l'IA n'est fondé sur aucune preuve. Un récent rapport sur l'écosystème de l'IA au Québec montre que la promotion actuelle de l'IA au Canada ne donne pas les résultats économiques qu'on prétend. La LIAD réitère bon nombre des affirmations outrancières de l'industrie selon lesquelles l'avancement de l'IA peut apporter de vastes avantages à la société sans pour autant justifier ces affirmations.
La déclaration du ministre voulant que l'intelligence artificielle offre une multitude d'avantages aux Canadiens n'est appuyée que par une seule source: Scale AI, un programme financé par ISDE et le gouvernement du Québec. Plutôt que de présenter des rapports crédibles sur la façon dont les projets identifiés ont profité à de nombreux Canadiens, les articles produits comme références ne sont que des annonces de projets récemment financés.
Troisièmement, l'innovation en matière d'IA n'est pas une excuse pour précipiter la réglementation. Ce ne sont pas toutes les innovations en matière d'IA qui sont bénéfiques, comme en témoignent la création et la diffusion d'images pornographiques hypertruquées non seulement de célébrités, mais aussi d'enfants. C'est un facteur important à considérer, car on prétend que la LIAD est nécessaire pour équilibrer innovation et réglementation.
Quatrièmement, le risque de préjudices est en revanche bien documenté, mais il n'est pas pris en compte dans la proposition actuelle. Les systèmes d'IA, entre autres caractéristiques, ont montré qu'ils facilitent la discrimination en matière de logement, font des associations racistes, empêchent les femmes de postuler certains postes en rendant les listes de postes visibles pour les hommes seulement, recommandent des peines d'emprisonnement plus longues pour les membres des minorités visibles et n'arrivent pas à reconnaître le visage des femmes à la peau foncée. Il y a d'innombrables incidents de préjudice supplémentaires, dont des milliers sont catalogués dans la base de données des incidents liés à l'AI.
Cinquièmement, à propos de l'utilisation de l'intelligence artificielle, la LIAD insiste trop sur les préjudices causés aux personnes plutôt qu'aux groupes ou communautés. La mésinformation et la désinformation facilitées par l'IA présentent de graves risques pour l'intégrité des élections et la démocratie.
Sixièmement, Innovation, Sciences et Développement économique Canada est en conflit d'intérêts, et la LIAD lui donne un chèque en blanc en matière de réglementation. Le ministère met de l'avant des lois et règlements visant à atténuer les multiples préjudices potentiellement graves causés par les développements techniques de l'IA, tout en investissant dans l'IA et en en faisant la promotion, notamment en finançant des projets d'IA pour les défenseurs de la LIAD, comme M. Bengio. Comme Teresa Scassa l'a montré par ses recherches, la proposition actuelle ne concerne pas l'agilité, mais se distingue par le manque de substance et de crédibilité.
Voici mes recommandations.
Retrancher la LIAD du projet de loi et lancer des consultations dans le respect de la transparence et de la démocratie. Pour réglementer sérieusement l'IA, il faut des propositions de politique et une consultation publique inclusive et authentique éclairée par des rapports d'experts indépendants.
Il faut reconnaître à chacun le droit de contester l'AI qui le touche et de s'y opposer et pas seulement le droit à la transparence des algorithmes.
Il faut que le commissaire à l'intelligence artificielle et aux données soit indépendant du ministre, qu'il soit un mandataire du Parlement doté des pouvoirs voulus et d'un financement adéquat. Cette fonction exige un engagement plus sérieux que ce qu'on observe dans les cas du Bureau de la concurrence et des organismes de protection des renseignements personnels.
Bien d'autres dispositions de la LIAD laissent à désirer. Elles sont toutes décrites en détail dans le mémoire que le Centre pour les droits numériques a remis au Comité, Not Fit for Purpose. La précipitation inexplicable du , qui veut faire adopter cette proposition à toute vapeur, est profondément inquiétante. Le Canada risque d'être le premier pays au monde à créer la pire réglementation sur l'intelligence artificielle.
Les grands modèles de langage, les GML les plus avancés, intègrent des centaines de milliards de paramètres tirés de données de formation contenant des billions d'unités. Leur comportement est souvent imprévisible et peu fiable, comme l'expert en intelligence artificielle Gary Marcus l'a bien établi.
Le coût et le pouvoir de calcul des GML sont très élevés, et le domaine est dominé par les grandes entreprises technologiques, comme Microsoft, Google, Meta, etc. Qu'il s'agisse de la façon dont ces entreprises bâtissent leurs modèles ou des risques qu'ils présentent, il n'y a aucune transparence. L'explicabilité de ces modèles est un problème non résolu, et la situation empire avec la taille des modèles construits. Les avantages allégués des GML reposent sur des suppositions, mais les préjudices et les risques, eux, sont bien documentés.
Je conseille au Comité de prendre le temps d'étudier les GML et de soutenir cette étude en faisant appel aux compétences voulues. Je me ferai un plaisir d'aider à organiser des forums d'étude, car j'ai de solides réseaux dans l'industrie et la société civile. Comme dans le cas de la LIAD, il est essentiel de comprendre toute la gamme des répercussions de la technologie si nous voulons aborder de façon souveraine, à notre manière, une réglementation capable d'appuyer l'économie canadienne et de protéger nos droits et libertés.
À propos de capacité souveraine, je m'en voudrais de ne pas dire ma déception de voir le courtiser Nvidia et lui offrir son soutien. Imaginons que nous ayons un ministère qui appuie de tout son poids les entreprises de l'infonuagique et des semi-conducteurs pour faire avancer l'économie et la souveraineté du Canada.
Les Canadiens méritent une approche de l'IA qui renforce la confiance dans l'économie numérique, appuie la prospérité et l'innovation canadiennes et protège les Canadiens, non seulement comme consommateurs, mais aussi comme citoyens.
Merci.
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Je vous remercie de la question.
Tout d'abord, je dirais que cette mesure n'a pas de légitimité démocratique si tous les intervenants n'y ont pas participé, et cela ne s'est pas encore produit.
La deuxième chose, c'est que, comme je l'ai dit, le risque existentiel est un moyen de détourner l'attention des risques à court terme, que les autres témoins nous signalent, et c'est une véritable tactique.
Je dirais — et c'est le point le plus important, qui a fait partie de mon parcours d'apprentissage — que ceux qui ne veulent pas d'une mesure efficace ont, comme vous pouvez le voir, déployé d'énormes efforts pour ne pas parler des droits. Nous sommes dans une ère nouvelle et, si nous étions en train de rédiger notre Charte des droits, nous intégrerions ce genre de droits à l'ère de l'information: le droit à la dignité, le droit à la vie privée, la liberté de penser, ainsi que le droit de ne pas être désinformé ou manipulé.
Je pense qu'il faut bien comprendre les éléments fondamentaux, et pour cela déterminer dès le départ quels droits de la personne sont importants, comment les sauvegarder dans le contexte d'un préjudice réel, et comment ne pas se laisser distraire par des choses qui nous éloignent du véritable problème. Les entreprises utilisent la tactique du détournement cognitif et de la confusion pour détourner l'attention des problèmes fondamentaux.
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Merci, monsieur le président.
Je remercie mes collègues pour cela.
Je vais passer à mes questions. Je vais commencer par M. Balsillie.
Je tiens à vous remercier du travail que vous avez fait sur ce dossier et sur bien d'autres. Je suis ici depuis un certain temps, et vous avez comparu plusieurs fois devant des comités. Cela a été utile.
En ce qui concerne certaines des préoccupations que vous avez exprimées, j'aimerais comprendre les changements que vous souhaiteriez peut-être afin que le commissaire aux données soit indépendant du commissaire à la protection de la vie privée et du Bureau de la concurrence.
Des travaux sont en cours en ce qui concerne le commissaire à la protection de la vie privée dans le cadre de ce projet de loi. Ce qui me préoccupe, c'est que si nous ne faisons pas bien les choses, il ne sert à rien de passer à la deuxième partie. Peut-être pourriez-vous nous en dire un peu plus sur la façon de rendre le commissaire aux données beaucoup plus indépendant ou robuste, car vous avez raison de dire que les défis que doivent relever le commissaire à la protection de la vie privée et le Bureau de la concurrence sont attribuables au fait que les lois qui encadrent leur travail ne sont pas suffisantes, à mon avis.
Ce que j'essayais de dire, c'est que ce commissaire doit être indépendant d'ISDE et avoir plus de pouvoirs que le commissaire à la concurrence ou le commissaire à la protection de la vie privée, qui demandent plus de pouvoirs. Ils ne fixent pas la norme; ils veulent eux-mêmes une norme plus élevée. Comme je l'ai dit également, qui a eu l'idée d'un tribunal? Qui l'a suggéré et pour quelle raison? Cela ne fait qu'affaiblir les tribunaux et créer un processus intermédiaire.
De plus, je pense qu'il vaut la peine de discuter de la question de savoir si l'IA devrait être intégrée au Commissariat à la protection de la vie privée. Cette question n'a jamais été posée. Les données et l'IA se côtoient. Elles ne sont pas distinctes. La protection de la vie privée est toujours en jeu, et nous avons un organisme de réglementation existant qui veut avoir ce pouvoir et avec qui nous avons la possibilité de bâtir quelque chose.
Si j'étais chargé de concevoir cette mesure, je recommencerais les consultations sur la LIAD. Je n'inclurais pas le tribunal. Je demanderais si ce commissaire devrait faire partie du Commissariat à la protection de la vie privée et disposer de pouvoirs et de ressources accrus. Nous avons déjà un système qui fonctionne, et il suffit de corriger le texte du projet de loi , y compris en ce qui concerne la concertation avec les Premières Nations.
Nous avons ici une solution gagnante qui ne coûte pas cher et qui est retardée, mais tout cela a été lancé sans véritable réflexion.
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Je vous remercie de votre question.
L'amendement à la LIAD que le a proposé établirait une catégorie de systèmes qui seraient considérés comme ayant une incidence élevée, et cette catégorie de systèmes ferait l'objet d'une annexe, qui serait mise à jour par voie de règlement, si ma mémoire est bonne.
En revanche, l'Union européenne a, dans sa loi, des systèmes explicites qui sont considérés comme inacceptables. Il s'agit notamment de la notation sociale, de l'utilisation de systèmes d'identification biométrique en temps réel, de l'adoption de bases de données de reconnaissance faciale compilées au moyen de renseignements obtenus en ligne, des systèmes de reconnaissance émotionnelle, etc.
Nous n'avons pas ce niveau de précision dans les modifications proposées, même si nous avons une catégorie. À mon avis, les seuils établis par l'Union européenne sont plus élevés parce qu'ils créent des exigences pour des systèmes qui ne sont pas considérés comme ayant une incidence élevée au Canada.
Je préciserais qu'au Canada, il y a des systèmes qui pourraient causer des préjudices et qui sont exclus. Ces systèmes sont visés par la loi de l'UE sur l'IA et ils seront assujettis à des exigences. Les Européens ont des protections plus solides à l'égard des systèmes qui ne sont pas prévues au Canada.
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Je vous remercie, monsieur le président.
Nous n'avons pas entendu le mot « supergrappe » très souvent ces derniers temps. Comme le dit mon collègue, M. Williams, une étude est en cours. Restons‑en là.
J'ai une question à poser à Mme Tessono.
L'été dernier, j'ai participé à quelques conférences aux États-Unis sur des dossiers canado-américains. Il y avait là deux ou trois grandes sociétés qui alimentent l'IA en données. Elles ont reconnu que les données qu'elles introduisaient dans les systèmes d'IA engendraient des préjugés raciaux et autres, parce qu'elles n'ont pas les bonnes personnes pour créer un système d'IA équilibré. Par conséquent, les résultats obtenus ne sont pas équilibrés non plus.
Avez-vous des commentaires à faire sur la situation au Canada? Il y a quelques semaines, nous avons reçu ici certaines des sociétés qui ont présenté un exposé à ces conférences aux États-Unis.
Qu'en pensez-vous? Notre développement de l'IA est un peu à la traîne en matière d'équité et d'équilibre.
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Je vous remercie, monsieur le président.
Bienvenue à tous.
Ce sont les cinq dernières minutes dont je dispose pour parler du projet de loi . De toute évidence, ce projet de loi a nécessité énormément de travail. Je tiens à féliciter toutes les personnes qui y ont contribué et à remercier tous les témoins de leur présence ici. Votre participation nous est précieuse. L'intelligence artificielle a des répercussions sur chacun de nous, ici au Canada et ailleurs dans le monde, sur notre vie et notre gagne-pain, sur toutes nos activités, qu'il s'agisse de notre utilisation de Google Maps, du secteur des soins de santé et de toute autre facette de notre vie quotidienne.
C'est une bonne chose que notre gouvernement collabore avec les dizaines d'intervenants qui se sont présentés pour nous donner leur avis sur le projet de loi , qu'il les consulte et les écoute. Bien entendu, tout le monde ne sera pas d'accord avec le projet de loi. Cela fait partie de notre démocratie. C'est un droit individuel. Comme je siège au Parlement depuis plusieurs années, je comprends bien cela. Tout le monde n'est pas d'accord, mais il faut travailler, prendre des mesures et légiférer, parce que c'est ce que nous sommes, des législateurs.
Depuis que je suis devenu membre de ce comité, il y a quelques mois, et que nous sommes plongés dans l'examen de toutes les dispositions du projet de loi relatives à la vie privée, soit les parties 1 et 2, et ensuite la partie 3, la Loi sur l'intelligence artificielle et les données, je me rends compte qu'il y a beaucoup d'éléments dans tout cela. Nous savons que d'autres pays prennent des mesures, notamment l'Europe, le Royaume-Uni, les États-Unis et nous-mêmes. Je suis tout à fait d'accord sur le fait qu'un code de conduite volontaire est une bonne chose, mais nous avons besoin d'une loi. Je pense que cela fait partie du capitalisme. Les codes de conduite volontaires sont des codes à adhésion volontaire, comme leur nom l'indique, mais nous avons besoin d'une mesure législative qui a du mordant. Voilà pourquoi nous devons légiférer.
Ma première question s'adresse au témoin qui travaille à la clinique Mayo, car je crois que l'un des puissants outils de l'IA sera utilisé dans le secteur des soins de santé. À mesure que nous nous dirigeons vers une médecine plus spécialisée, un dépistage plus pointu et des diagnostics plus précis, le rôle de l'intelligence artificielle prendra de l'importance.
Monsieur Malik, pouvez-vous nous dire ce que vous pensez du rôle de l'intelligence artificielle dans le secteur des soins de santé, s'il vous plaît?
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Volontiers. Je tiens d'abord à préciser que je témoigne ici à titre personnel et non au nom de la clinique Mayo, même si j'y travaille.
Évoluant à l'intérieur de ce secteur, je suis d'avis que les prétentions en matière d'IA et les espoirs suscités dépassent largement les résultats concrets. Pour obtenir des résultats, il suffit parfois de suivre les principes de rigueur biostatistique, une démarche reconnue ou appliquée depuis les 50, 60 et 70 dernières années pour obtenir une intervention efficace qui améliore les choses d'une manière ou d'une autre. Parmi la pléthore de solutions qui sont proposées aujourd'hui, beaucoup ne correspondent pas aux besoins réels en matière de soins de santé.
Je pense qu'il faudrait recourir davantage à la biostatistique et réfléchir aux solutions qui devraient transformer les soins de santé, plutôt que de leur accoler l'étiquette IA. Il existe des études à ce sujet, je vais devoir les consulter. À titre d'exemple, un article a révélé que bon nombre des outils d'IA mis au point pour la COVID‑19 ont été tout à fait inutiles en fin de compte. Je pense que c'est la conclusion à laquelle sont arrivées bon nombre d'études qui ont examiné ce que l'IA devait prétendument faire et ce qui s'est réellement passé. L'organisme Data & Society a aussi parlé d'une application réussie, mais son succès reposait surtout sur la qualité du travail et l'engagement des intervenants que sur le modèle réel.
C'est dans ce domaine que je travaille et c'est ce que je cherche à faire, mais je ferais preuve d'une grande prudence à l'égard de ces belles paroles.
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Ça me dit que c'est le moment de remercier nos témoins.
Voilà qui conclut la partie du projet de loi qui nous correspondait. Nous avons entendu de nombreux témoins, ce qui nous sera très utile lors de notre étude article par article en avril.
Chers collègues, avant de suspendre la séance, je tiens à vous dire — tout comme à nos téléspectateurs —, que si jamais l'envie vous prend de nous soumettre un mémoire sur le projet de loi — nous aimerions le recevoir d'ici le 1er mars.
Quant aux amendements, chers collègues, il nous les faut si possible d'ici le 14 mars, afin que nous ayons le temps de les étudier et d'en discuter, et tant mieux si vous pouvez les proposer plus tôt.
[Français]
Je tiens également à remercier notre analyste Mme Savoie, dont c'est la dernière rencontre avec nous aujourd'hui.
Merci pour tout, madame Savoie.
Merci, chers collègues.
Merci encore aux témoins.
La séance est suspendue.
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Nous reprenons la séance.
Nous passons maintenant à la deuxième partie de la réunion d'aujourd'hui. Conformément à la motion adoptée par le Comité le mardi 26 septembre 2023 ainsi qu'à la motion adoptée le lundi 5 février 2024, le Comité entreprend son étude sur l'accessibilité et l'abordabilité des services sans fil et à large bande au Canada.
J'aimerais souhaiter la bienvenue aux témoins pour la première rencontre de cette étude.
Nous accueillons tout d'abord M. Pierre Karl Péladeau, qui est président et chef de la direction de Québecor. Il est accompagné de Mme Peggy Tabet, qui est vice-présidente des affaires réglementaires.
Nous recevons également M. Jean‑François Lescadres, qui est vice-président des finances chez Vidéotron.
Merci beaucoup d'être parmi nous.
Sans plus tarder, je vous cède la parole, monsieur Péladeau. Vous disposez de cinq minutes.
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Merci beaucoup, monsieur le président.
Je vous remercie de cette invitation. Nous sommes très heureux, mes collègues et moi, d'être avec vous afin de pouvoir échanger sur une considération extrêmement importante pour les Canadiens, c'est-à-dire le prix des services sans fil.
Il y a un peu plus d'un an, je me trouvais ici, devant ce comité, pour vous démontrer que Québecor était fin prête à répéter au Canada le succès connu par sa filiale Vidéotron dans le domaine du sans-fil au Québec, une activité dans laquelle nous sommes investis depuis 2006.
Nous savions que les Canadiens et les Canadiennes seraient les premiers à profiter des bienfaits de la concurrence accrue découlant de l'acquisition de Freedom Mobile par Vidéotron. Le solide plan d'expansion que nous déployons depuis celle-ci a porté ses fruits.
Freedom Mobile est devenue un moteur de changement positif dans le marché du sans-fil canadien. En quelques mois, nous avons entamé le déploiement de notre technologie 5G et apporté des améliorations importantes à notre réseau pour rehausser l'expérience client, en plus d'introduire des offres jamais vues au pays, comme les premiers forfaits mobiles 5G Canada—États‑Unis affichés sous la barre des 35 $, ou encore « Roam Beyond », un forfait mobile abordable et de grande capacité permettant l'itinérance sans frais supplémentaires dans plus de 70 destinations internationales.
Alors que l'inflation affaiblit la capacité de payer des Canadiens et des Canadiennes, ces nouvelles offres ultra-concurrentielles ont entraîné un mouvement à la baisse des prix dans l'ensemble du marché du sans-fil au Canada. Grâce à l'effet Freedom, l'indice des prix à la consommation de Statistique Canada pour les services sans fil a diminué de 26,8 % depuis un an, alors qu'il a augmenté de 3,4 % pour l'ensemble des produits et services au cours de la même période.
[Traduction]
Ces prix plus bas se traduisent par plus d'argent dans les poches des familles canadiennes. Elles pourront facilement épargner jusqu'à 1 000 $ par an, un montant qui peut servir à acheter des provisions ou à payer l'hypothèque.
De plus, contrairement à certains de nos concurrents, les trois marques de télécommunications de Québecor — Freedom, Fizz et Vidéotron — préconisent le gel des prix des services sans fil. Les clients peuvent avoir le même tarif mensuel tant qu'ils conservent leur forfait cellulaire.
[Français]
La volonté de voir s'établir une concurrence saine et durable véhiculée par les différentes instances gouvernementales a contribué à ces progrès, mais il reste du travail à faire. Les tarifs d'itinérance nationaux, par exemple, demeurent au moins six fois plus élevés que ceux qui ont cours en Europe et doivent être revus à la baisse pour que la chute des prix se poursuive dans le contexte où la consommation de données mobiles est en forte progression.
L'opposition constante des titulaires nationaux à toute initiative visant à favoriser la concurrence demeure problématique. Voici quelques exemples en ce qui concerne l'établissement des tarifs des exploitants de réseaux mobiles virtuels, ou ERMV — ce qu'on appelle plus familièrement les MVNO —, qui permettront à Vidéotron d'offrir des services sans fil à l'extérieur de son empreinte réseau. Tout d'abord, Rogers conteste devant la cour l'issue du processus d'arbitrage qu'elle avait elle-même demandé. Pour sa part, Bell refuse la date du début de la commercialisation de nos activités liées aux ERMV, alors que nos entreprises s'étaient clairement entendues sur celle-ci au préalable. En outre, l'intransigeance et les pratiques dilatoires de Telus nous forcent à tenir un autre long processus d'arbitrage pour fixer les tarifs d'accès à son réseau.
Ces exemples d'obstruction sont aussi vécus ailleurs, du côté de l'accès Internet, par exemple. En plus d'avoir fait appel d'une décision du CRTC à propos de l'accès à son réseau de fibre optique, Bell s'est récemment adressée au gouvernement pour faire annuler cette décision, qui découlait des instructions de ce même gouvernement au CRTC, soit d'adopter de nouvelles règles favorisant la concurrence, l'amélioration des services et l'abordabilité.
[Traduction]
Ce ne sont là que quelques exemples des obstacles que doivent surmonter de nouveaux joueurs comme Québecor en cherchant à offrir aux Canadiens de meilleurs services de télécommunication à de meilleurs prix. Les titulaires ne reculeront devant rien pour protéger leur monopole le plus longtemps possible, au mépris de la politique gouvernementale.
[Français]
Tous les moyens doivent être mis en place pour répondre à l'intérêt public et rendre les services de télécommunication plus abordables. Alors que Freedom Mobile respecte ses engagements de baisse de prix des services sans fil, les titulaires nationaux doivent dès maintenant respecter les règles du jeu qui leur sont imposées pour atteindre ces objectifs.
Je vous remercie énormément de votre attention.
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Merci, monsieur le président.
Merci beaucoup, monsieur Péladeau, et merci aux autres témoins de leur présence aujourd'hui.
Vous êtes ici comme l'homme très célèbre que vous êtes, non seulement en raison de votre réputation, mais aussi du fait que le a dit que vous étiez le « quatrième joueur », et que vous alliez résoudre tous nos problèmes de sans-fil ici au Canada, ce qui était formidable. Bien sûr, j'entends déjà dire que certains de vos problèmes sont les mêmes que les Canadiens ont toujours dû surmonter, non seulement dans votre secteur, mais dans tous les oligopoles que nous avons au pays.
Vous avez actuellement 2,3 millions de clients et environ 6 % du marché. Cependant, si vous voulez vraiment être un quatrième câblodistributeur au Canada, il vous faut atteindre au moins 10 %, du moins selon les recherches assez poussées que nous avons menées. Cela signifie grandir massivement. Nous sommes au courant des conditions que le a imposées à la transaction de vente Rogers-Shaw. C'est en partie parce que vous comptiez déployer la 5G. Combien d'années faudra-t‑il pour adapter la technologie 5G à Freedom partout au pays?
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Pour être sûr que nous avons les mêmes chiffres, vous avez parlé de 2,3 millions de clients. Nous en avons 3,8 millions si vous comptez Vidéotron et Freedom, et nous grandissons chaque jour.
Nous demeurons résolus à servir les Canadiens le mieux possible tout en leur offrant les meilleurs prix. Je suppose que ces chiffres montrent que l'argent est le nerf de la guerre et que les Canadiens obtiendront de nouveaux services dès que nous serons en mesure d'offrir de meilleurs prix. C'est ce que nous avons constaté depuis que nous avons pris le contrôle de Freedom.
Nous avons parlé de la 5G. C'est certainement un élément important. Nous élargissons notre réseau et nous entendons poursuivre notre croissance. Entretemps, ce qu'il nous faut... et, une fois de plus, les titulaires retardent toujours les choses. Voilà les stratégies auxquelles nous sommes confrontés depuis tant d'années. Au lieu d'un accès à l'exploitant de réseau mobile virtuel, à l'ERMV, au prix qu'il nous faut pour ensuite bâtir notre réseau en fonction de cette politique, le CRTC nous a dit qu'il s'agissait d'acheter du spectre. Vous vous souviendrez probablement que le prix en est très élevé.
Une entreprise de télécommunications a le droit d'acheter du spectre. Une fois qu'elle l'achète, elle a l'obligation de bâtir son réseau dans un délai de sept ans. Nous sommes en plein dans cette période. Nous pensons que nous devrions commencer par le service mobile virtuel. C'est aussi ce que pensait le CRTC, parce qu'on ne peut pas bâtir un réseau en deux jours ou en une fin de semaine. Il se construit jour après jour, semaine après semaine et mois après mois. En fait, c'est comme ça que ça s'est passé au Québec, car nous n'avions rien quand nous avons démarré. Nous avons commencé à bâtir notre réseau petit à petit et, aujourd'hui, nous avons déployé la technologie 5G dans toute la province.
Nous voudrions pouvoir poursuivre la stratégie que nous avons pu adopter au Québec, où nous avons commencé par la téléphonie mobile, avec ces exploitants...
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Oui. Cependant, comme je l'ai mentionné, nous avons besoin d'aide. Il est clair que le désir et la volonté sont là. Nous devrions dire au Parlement, et pas seulement au gouvernement, d'éviter que le Canada soit le pays où les gens paient les prix les plus élevés au monde. C'est inacceptable. Mais pour y arriver, il nous faut une bonne réglementation qui puisse stimuler la concurrence.
Nous pensons — et c'est ce que nous vivons maintenant, à part le fait que les titulaires nous mettent des bâtons dans les roues — que nous sommes dans la bonne voie. Le CRTC est certainement en faveur de la concurrence, et nous pensons qu'il en sera toujours ainsi. Comme vous le savez, il y aura une audience demain.
En ce qui concerne le sans-fil, nous croyons que les politiques qui s'appliquent aux Canadiens sont bonnes. Le problème, ce sont les retards causés par les titulaires. Demain, nous comparaîtrons devant le CRTC au sujet des conditions pour Internet, l'Internet filaire sur fibre optique. Comme câblodistributeurs, nous offrons le câble depuis 20 ans. Nous sommes obligés d'offrir notre réseau à nos concurrents, c'est-à-dire offrir l'accès Internet à des tiers, l'AIT comme nous l'appelons, à un prix raisonnable. Nous l'avons fait, contrairement à Bell et Telus qui refusent de le faire.
La politique sur le sans-fil est bonne, et nous ne demandons qu'à suivre cette voie et que le se montre favorable à la concurrence et à cette politique.
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Merci, monsieur le président.
Je remercie les témoins, et plus spécialement M. Péladeau, d'avoir comparu devant le Comité.
Nous savons que les prix des télécommunications ont tendance à être plus bas dans les régions du pays où il y a d'autres fournisseurs de services que les trois grands, surtout au Québec.
Je vais vous raconter une anecdote. Récemment, je cherchais à changer mon forfait. Je le faisais à Ottawa sur mon téléphone cellulaire. C'était un forfait excellent offert par l'un des trois grands. Or, quand j'ai entré mon code postal à la sortie, on m'a corrigé en disant que ce forfait n'était valable qu'au Québec, et que je devais plutôt passer à celui de l'Ontario. Dès que je suis passé en Ontario, le prix a grimpé considérablement. J'ai été très déçu.
Si les trois grands s'investissent vraiment pour offrir à tous les Canadiens des prix concurrentiels, pourquoi faut‑il un quatrième joueur régional pour faire baisser ces prix?
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Pour répondre à votre question, je vais vous résumer rapidement l'histoire de l'introduction de la concurrence dans le domaine du sans-fil.
À l'époque, c'était le regretté Jim Prentice qui était ministre de l'Industrie lorsqu'il y a eu un processus d'enchères, auquel nous avons participé. Il avait fait en sorte de réserver des licences du spectre pour que la concurrence puisse s'introduire. Il y avait également d'autres conditions, dont le partage des infrastructures. En effet, pourquoi construirait-on trois tours l'une à côté de l'autre, soit une pour Bell, une pour Telus et une pour Rogers, en plus d'une autre pour un nouvel acteur qui ferait son entrée dans l'industrie, alors qu'on serait en mesure de s'installer sur la même tour?
Aux États‑Unis, c'est d'ailleurs un modèle d'affaires. Les tours n'appartiennent plus aux opérateurs, mais bien à des compagnies de tours, qu'on appelle les « towercos ». Vous remarquerez que, sur ces tours, il y a des radios de toutes les compagnies.
Ici, au Canada, on a décidé de faire les choses autrement. Nous avons été obligés, pour la plupart, de construire des tours ou d'installer des radios sur les édifices. C'est sûr que ce n'est pas la meilleure des choses.
Ensuite, il y a eu l'itinérance obligatoire. En effet, lorsqu'on sortait d'un territoire, on devait pouvoir avoir accès à un autre territoire. Nous avions négocié ça avec Rogers. Freedom Mobile, de son côté, n'avait pas ce privilège, si je peux m'exprimer ainsi. Chaque fois qu'on changeait de territoire, on perdait la communication et on devait rappeler son interlocuteur. C'était une expérience client extrêmement mauvaise.
Or, tout ça a évolué. Les conditions y ont contribué. Je pense que le CRTC a bien compris les défis. On doit parfois entrer dans les détails, et les enjeux sont nombreux. Comme le dit la formule, le diable est dans les détails. Les choses évoluent au fur et à mesure de cette explication. Maintenant, le CRTC et le ministère de l'Industrie conviennent très bien de ces défis et s'engagent vers leur résolution.
Par contre, c'est toujours aux mêmes problèmes que nous faisons face: des délais implacables, des contestations judiciaires, des contestations réglementaires. Nous sommes obligés d'intenter des poursuites devant les tribunaux. Par exemple, Québecor a dû poursuivre Bell.
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Comme je le disais un peu plus tôt, nous ne sommes d'aucune façon contre la concurrence. Si des compagnies américaines ou européennes veulent venir s'installer ici, le cadre réglementaire pourrait même leur paraître favorable, d'une certaine façon.
Malgré tout, il y a de la concurrence. Vidéotron existe au Québec depuis de nombreuses années. Il y a aussi l'opérateur Eastlink Mobile dans les Maritimes. Freedom Mobile va venir s'installer. En fait, elle aurait pu s'installer plus rapidement, mais il y a eu un dédale de problèmes relativement à la propriété de Wind Mobile, qui est passée d'intérêts égyptiens à des intérêts russes. Il y a même eu un appel au Cabinet, à un certain moment, parce que les conditions de propriété canadienne n'avaient pas été remplies. Aujourd'hui, Wind Mobile est en de bonnes mains. Pardon, je parle ici de Freedom Mobile, qui était anciennement Wind Mobile. C'est un opérateur canadien qui a vocation à demeurer dans les télécommunications. Ce n'est pas une entreprise qui va procéder à une opération d'achat-revente de cet actif dans six mois ou dans trois ans.
J'ai beaucoup de respect pour les fonds institutionnels américains, comme Blackstone, mais leur mission n'est pas d'être un opérateur de télécommunications. Leur mission est d'acheter des actifs et de les revendre. Or, ce n'est pas notre mission. Notre mission fondamentale et unique, c'est d'être un opérateur de télécommunications.
Au fur et à mesure que le temps passe, nous entendons bien élargir notre réseau. D'ailleurs, aujourd'hui, nous sommes déjà en Colombie‑Britannique et en Alberta. Nous avons acheté du spectre pour être au Manitoba. Nous avons lancé récemment à Winnipeg notre marque Fizz, qui est entièrement numérique. Aujourd'hui, nous avons lancé une nouvelle offre, dont M. Lescadres pourrait rappeler les détails.
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Nous avons acheté du spectre en Alberta, en Colombie‑Britannique et en Ontario lors des enchères des licences de spectre de la bande de 3 500 mégahertz. Nous allons commencer à déployer la 5G pour ce spectre.
Il y a eu des enchères subséquentes, qu'on a appelées les enchères des licences de spectre de la bande de 3 800 mégahertz. Elles sont quand même relativement récentes. Nous n'avons même pas encore payé la totalité des coûts; nous en avons payé 20 %. Ces enchères ont eu lieu au mois de novembre et ont duré environ un mois. Les licences acquises lors de ces enchères feront également l'objet d'un déploiement de services dans les années à venir.
Le spectre est un actif, un bien public d'importance qui est incontournable pour des opérateurs de télécommunications. La technologie se déploie au fur et à mesure. Nous ne pouvons pas tout installer en même temps. Ces spectres seront utilisés pour la rapidité et le débit. Je ne suis pas ingénieur, mais, à ma connaissance, certains des spectres de basse fréquence, comme les 600 mégahertz, serviront au débit, tandis que ceux de haute fréquence serviront à la vitesse. Une combinaison des deux permet justement de transporter énormément de données numériques, donc des gigaoctets. D'ailleurs, c'est de plus en plus l'utilisation principale que nous faisons de nos appareils sans fil. Leur utilisation à des fins vocales est en déclin. Ce qui est en forte augmentation, ce sont les données numériques, que ce soit pour Netflix, des textos, des courriels ou des téléchargements. C'est ça, la grosse affaire.
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Merci, monsieur le président. Je vais partager mon temps de parole avec mon collègue M. Sorbara.
Bienvenue, monsieur Péladeau.
Ma question touche un peu aux éléments soulevés par M. Masse. En ce qui concerne l'achat de Freedom Mobile par Québecor, vous avez déclaré ceci, en août 2022: « […] nous sommes déterminés à continuer à développer les actifs de Freedom. » Vous avez ajouté ceci: « Nos solides antécédents, combinés à la solide empreinte canadienne de Freedom, nous permettront d'offrir aux consommateurs de la Colombie‑Britannique, de l'Alberta et de l'Ontario plus de choix, de valeur et d'abordabilité grâce à des forfaits multiservices à prix réduit et à des produits novateurs. »
En effet, en avril 2023, le PDG de Rogers, Tony Staffieri, a promis que les prix baisseraient pour les clients, mais Rogers a récemment annoncé des augmentations de prix.
Pouvez-vous dire aux membres de ce comité ce que Québecor a fait pour réduire les prix depuis cette déclaration en août 2022?
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Nous allons le faire avec plaisir, madame la députée.
Mon collègue M. Lescadres a déjà parlé un peu de propositions et d'offres qui ont été faites aux Canadiens. Comme je le mentionnais, tous les jours, des centaines de nouveaux clients viennent s'ajouter, systématiquement. Il suffit de regarder ce que nous appelons dans notre industrie le ratio de transfert de numéro, c'est-à-dire le nombre de clients qui s'abonnent aux services par rapport à ceux qui se désabonnent. Je pense que ça en dit beaucoup. Comme opérateur, nous perdons toujours des clients, mais l'important est d'en gagner plus que nous en perdons. C'est assez simple, n'est-ce pas? On appelle ça un ratio. Aujourd'hui, nous avons le ratio le plus élevé que nous n'avons jamais vu, c'est-à-dire que, tous les jours, nous gagnons toujours plus de clients que nous en perdons. Ça dit bien ce que ça veut dire. Ça veut dire que les Canadiens et les Canadiennes adorent les propositions de Freedom Mobile et délaissent leurs propositions précédentes pour devenir dorénavant des clients de Freedom Mobile. Pourquoi est-ce le cas? C'est parce que nous proposons dans l'ensemble du pays des forfaits 5G à des tarifs beaucoup plus bas que ceux proposés par nos concurrents.
Le marché est extrêmement concurrentiel, malgré tout. Il y a ce qu'on appelle les marques principales, comme Telus, Bell et Rogers. On peut également considérer que Vidéotron est une marque principale. Ensuite, il y a les marques défensives, dont Koodo et Fido. La marque Fizz en est une autre, mais elle est un peu différente, puisqu'elle est entièrement numérique. Autrement dit, il n'y a pas de centre d'appels chez Fizz. Si vous voulez avoir un abonnement chez Fizz, vous devez prendre votre ordinateur, aller sur le site Web et bâtir votre offre, en précisant combien de gigaoctets vous voulez, si vous voulez une boîte vocale, si vous voulez des données en itinérance, et ainsi de suite. Au fur et à mesure, le prix va changer. Vous payez, puis on va vous envoyer votre carte SIM, qui vous donnera accès aux services que vous avez commandés.
Ce sont des éléments comme ceux-là qui font que nous satisfaisons les besoins et les désirs des citoyens canadiens. Le résultat est là: notre ratio est positif en permanence.
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C'est sûr que ce serait rentable.
C'est comme quand ces opérateurs disent qu'ils vont arrêter d'investir. Nous sommes tellement habitués à ce discours, c'est toujours la même chose. Pensez-vous un seul moment qu'ils vont arrêter d'investir? Il n'y a pas une entreprise qui va arrêter d'investir, parce que, si elle le faisait, elle se ferait prendre son marché par la concurrence.
C'est d'autant plus problématique pour Bell et sa technologie d'antan. En effet, Bell a été le dernier opérateur de télécommunications à investir dans la fibre. Tous les autres opérateurs nord-américains, comme AT&T, Verizon, et même Telus, avaient investi dans la fibre bien avant. Bell est arrivée en retard. Qu'est-ce qui l'a incitée? Comme opérateur, Bell perdait des parts de marché importantes. Elle n'avait plus le choix.
Aujourd'hui, si on arrête d'investir dans la fibre, on va perdre des clients, purement et simplement.
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Merci, monsieur le président.
Merci, monsieur Masse.
Merci beaucoup, monsieur Péladeau, de votre comparution enthousiaste devant le Comité. J'aurais aimé que les trois autres soient aussi enthousiastes. Il s'est avéré un peu plus difficile de les faire venir, mais peut-être avez-vous suscité une nouvelle attention de leur part, alors merci.
Monsieur Péladeau, vous avez dit qu'au sein de votre entreprise, les prix étaient gelés. À ce stade‑ci, allez-vous réagir en baissant les prix? Même si nos prix ont baissé au Canada, les prix de Rogers, de Telus et de Bell, en tout cas, n'ont diminué que dans les mêmes proportions à l'international, et ils demeurent toujours au premier, au deuxième et au troisième rang des entreprises de téléphonie cellulaire les plus coûteuses au monde. Vous pourriez faire baisser encore plus leurs prix en étant plus concurrentiels. Je sais que vous avez une entreprise à exploiter et un rendement à produire pour vos actionnaires, mais...
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Rogers-Shaw s'intéresse davantage à Internet qu'à la câblodistribution. La firme se sépare du marché du sans-fil et nous l'acquérons. L'accès au câble et à Internet sera plus concurrentiel à l'avenir. Comme vous le savez, Telus est l'exploitant de télécommunications dans l'Ouest. Va‑t‑il imposer davantage de concurrence? Je ne sais pas. Nous verrons.
Ce facteur aura‑t‑il aussi un effet dissuasif sur la combinaison du sans-fil et du filaire? Ce n'est pas impossible. En Colombie-Britannique et en Alberta, nous avons un seul réseau sans fil. Il y a aussi une nouvelle technologie qui s'en vient et, en ce qui concerne le spectre, nous continuerons d'en avoir besoin de plus en plus. C'est ce que nous appelons l'accès fixe sans fil. Au lieu d'avoir un accès Internet filaire, vous aurez des tours capables de livrer Internet chez vous, sur votre ordinateur ou pour regarder la télévision. La technologie le permettra sans aucun doute. Encore une fois, cela aidera les Canadiens à obtenir de meilleures propositions et de meilleures innovations, et nous avons hâte de le faire.
Nous pensons qu'il faut aussi régler la question des prix convenables et réglementés pour l'accès à Internet ou au réseau filaire des titulaires Telus, Rogers et Bell, en particulier concernant la fibre optique. Elle fait l'objet d'un examen, et Bell rencontre le gouvernement, pour pouvoir dire, vous savez, le CRTC n'a pas la compétence de faire cela. C'est ce que nous voyons depuis toujours, et cela se répète encore et encore.