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Je vous souhaite un bon lundi matin à tous et à toutes. Soyez les bienvenus à la 127
e réunion du Comité permanent de l'industrie et de la technologie de la Chambre des communes.
La réunion d'aujourd'hui se déroule dans un format hybride, conformément au Règlement.
Comme le stipule l'ordre de renvoi du mercredi 7 février 2024, le Comité entreprend l'étude du projet de loi .
Nous recevons aujourd'hui M. Jagmeet Singh.
Monsieur Singh, je vous remercie de vous joindre à nous pour nous présenter votre projet de loi.
Avant de commencer, je demande à tous les participants de prendre connaissance des consignes touchant l'utilisation des oreillettes qu'ils trouveront sur un petit carton devant eux. Il y va de la santé et de la sécurité de tous, surtout de celles de nos interprètes.
Sans plus tarder, je cède la parole à M. Singh.
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Merci, monsieur le président.
Je suis extrêmement content d'être ici. Je vous remercie de me donner l'occasion de présenter mes pensées sur mon projet de loi.
[Traduction]
Je sais que peu de Canadiens considèrent que la concurrence est un enjeu pertinent dans leur vie; malgré tout, je crois que cela a une importance fondamentale pour les Canadiens et les Canadiennes. J'ai en tête deux exemples qui mettent en relief l'importance du projet de loi: l'alimentation, et les frais de téléphonie cellulaire et d'accès à Internet.
À l'heure actuelle, notre pays fait face à un très grave problème en matière d'alimentation, comme vous le savez, monsieur le président. Le recours à l'aide des banques alimentaires a atteint un sommet au Canada. Un Canadien sur quatre doit sauter des repas parce que la nourriture coûte si cher. Les Canadiens savent, quand ils vont au supermarché, qu'ils n'ont jamais payé autant pour leur épicerie, alors qu'ils voient de l'autre côté les présidents d'entreprise et leurs sociétés réaliser des profits monstres. Les Canadiens se font escroquer et arnaquer. Cela doit cesser.
Nous savons que cela n'est pas la première fois pour les Canadiens. En 2018, les grandes chaînes d'épicerie et les producteurs de pain avaient travaillé main dans la main pour arnaquer les Canadiens avec le stratagème de fixation du prix du pain. Nous savons que cela a coûté très cher. On a volé aux Canadiens quelque 5 milliards de dollars, et pourtant, la plus grosse amende infligée à l'un des principaux conspirateurs dans cette stratégie de fixation du prix du pain — la boulangerie Canada Bread — était de 50 millions de dollars.
Au regard des 5 milliards de dollars de bénéfices que ces entreprises ont collectivement arrachés aux Canadiens, une amende de 50 millions de dollars représente une tape sur les doigts. Cela doit cesser.
Nous savons que c'est en protégeant les consommateurs et en luttant contre la cupidité des entreprises que nous pourrons abaisser le coût de la nourriture et le coût de la vie pour les Canadiens.
Cela vaut tout aussi bien pour les frais de téléphonie cellulaire et d'accès à Internet. Les frais de téléphone cellulaire et d'accès à Internet au Canada sont parmi les plus élevés au monde, ce qui n'a rien de surprenant: les fusions successives ont entraîné une concentration massive des services de téléphonie cellulaire et d'accès à Internet chez seulement trois grands fournisseurs au pays. Il s'agit de Rogers, Bell et Telus.
La fusion récente entre Rogers et Shaw a seulement empiré les choses. Cela ne va qu'augmenter les coûts pour les consommateurs et leur donner encore moins d'options. Encore une fois, la vie n'en sera que moins abordable. C'est un autre exemple de la cupidité des entreprises.
Cette fusion n'aurait jamais dû se faire. Mon projet de loi prévoit des mesures qui nous permettront de veiller à ce que cela n'arrive plus ou à ce que cela ne soit plus aussi simple.
Nous savons que le coût de la vie augmente et nous savons que cela est dû aux pressions de la cupidité des entreprises. Avec mon projet de loi, j'espère y mettre un frein. Si nous empêchons les grandes sociétés d'arnaquer leurs clients, les coûts diminueront pour les Canadiens.
Je crois que le rôle du gouvernement est de renforcer et de protéger les droits des consommateurs et de les protéger contre l'exploitation. Voilà ce que j'espère faire grâce à mon projet de loi.
Je vais maintenant vous donner quelques détails plus précis qui, je l'espère, orienteront vos questions.
Depuis le dépôt de mon projet de loi, nous avons été en mesure de pousser le gouvernement à apporter des modifications importantes à ses projets de loi existants afin de protéger les consommateurs. J'aimerais passer en revue les changements qui ont été faits aux projets de loi et .
Les néo-démocrates ont proposé des amendements visant précisément à augmenter les sanctions en cas de comportement anticoncurrentiel et à ce qu'il soit plus facile pour le Bureau de la concurrence de poursuivre ces grandes sociétés quand elles escroquent les Canadiens.
Nous avons aussi modifié certaines définitions précises de manière à ce que les prix abusifs soient considérés comme une infraction.
Nous avons aussi veillé à ce que le Bureau de la concurrence puisse ouvrir des enquêtes afin de véritablement cerner les problèmes qui surviennent, exiger la production de documents et lutter contre la cupidité des entreprises.
Grâce aux modifications que nous avons poussé le gouvernement à apporter, il serait plus difficile pour les sociétés de fusionner, comme dans le cas de Rogers et Shaw.
Trois enjeux restent à régler, principalement dans deux domaines.
Premièrement, il y a la fixation du prix du pain, dont j'ai déjà parlé. Ce problème n'est toujours pas visé comme il devrait l'être par le gouvernement libéral. Le gouvernement a refusé de mettre en place des sanctions plus sévères.
Si les entreprises commettent un crime, elles doivent être pénalisées. Ce que nous voulons, dans les cas où les grandes sociétés conspirent pour arnaquer les Canadiens, c'est qu'elles reçoivent des amendes sévères et importantes. Cela est cependant absent du projet de loi.
Nous pensons que certaines fusions, si elles causent préjudice aux Canadiens, devraient être carrément interdites. Il ne s'agit pas d'évaluer si la fusion serait nuisible ou pas, ou si elle devrait être autorisée ou pas. Si un certain seuil est atteint, ces fusions devraient être purement et simplement interdites, mais le gouvernement rejette cette modification.
Je tiens à souligner que je crois que le gouvernement peut être une force bienveillante pour les Canadiens. Il peut lutter contre la cupidité des entreprises et rendre la vie abordable.
Les libéraux et les conservateurs ont fermé les yeux sur la cupidité des entreprises pendant des décennies. Ils ont délibérément omis de renforcer les droits des consommateurs et de donner au Bureau de la concurrence les outils dont il a besoin pour lutter contre la cupidité des entreprises. Avec ce projet de loi, j'espère rectifier la situation. Nous y avons apporté des modifications importantes, conformément aux amendements, et nous espérons ainsi terminer le travail.
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Merci beaucoup, monsieur le président.
Monsieur Singh, vous affirmez que vous défendez l'équité pour les gens et pour les Canadiens, et vous affirmez ici aujourd'hui que vous défendez la concurrence.
Depuis que vous avez conclu votre entente avec le gouvernement libéral — et cela fait maintenant plus de deux ans et demi —, nous avons assisté à trois fusions: la Banque Royale du Canada a acheté la Banque HSBC Canada — c'est‑à‑dire que la première banque du Canada a acheté la septième en importance —, Rogers a acheté Shaw, et WestJet a acheté Sunwing.
Ces fusions ont été faites au détriment des Canadiens. Les Canadiens et les Canadiennes souffrent.
Pourquoi n'avez-vous pas défendu les Canadiens en vous opposant à ces fusions?
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... vous vous adressez au porte-parole de l'opposition, du Parti conservateur, en matière de concurrence, parce que notre chef a jugé que la concurrence était un enjeu suffisamment important et que quelqu'un devait s'en occuper. Quand nous parlons de ce que vous auriez pu faire, vous étiez dans une tout autre position: vous auriez pu empêcher le gouvernement d'autoriser ces trois fusions qui ont nui aux Canadiens.
On dit que vous êtes le maître des contradictions. Vous défendez l'intérêt de ces sociétés, qui n'ont fait que grossir...
M. Jagmeet Singh: Je ne défends pas leur intérêt, je leur tiens tête.
M. Ryan Williams: ... depuis que vous êtes au pouvoir, et les consommateurs, pour leur part, ont moins de pouvoir. Nous savons que les prix ne diminuent pas. Nous ne voyons pas de concurrence. Vous avez présenté un projet de loi, et nous avons proposé beaucoup de changements. Vous et moi avons tous deux proposé une modification à la défense fondée sur l'efficience, que le gouvernement actuel nous a volée.
Vous ne défendez pas l'intérêt des Canadiens. Plutôt, les Canadiens ont l'impression que vous les avez trahis. Ils n'ont pas l'impression que vous tenez tête aux sociétés. Ils ne croient pas que des mesures seront prises, et les gens font seulement confiance aux actes...
Monsieur Singh, un autre changement que nous réclamons ici au Canada serait le système bancaire ouvert. Si nous envisageons de réduire la part du marché des banques au Canada, un système bancaire ouvert est la solution. Au Royaume-Uni, où un système bancaire ouvert a été mis en œuvre, cela a permis à la moyenne des gens au Royaume-Uni d’économiser 400 $ par année. Il n'y a pas de frais de transactions, pas de frais mensuels et pas de frais de découvert dans un système bancaire ouvert, même avec seulement 14 % de parts du marché.
Il a fallu six ans pour que le gouvernement présente un projet de loi. Il a choisi un organisme de réglementation et lui a à peine donné une somme dérisoire, 1 million de dollars, pour la mise en place de la réglementation. L'organisme de réglementation, l'Agence de la consommation en matière financière du Canada, a récemment témoigné devant un comité sénatorial.
Savez-vous à combien des 27 000 plaintes elle a répondu depuis 2019? Pouvez-vous seulement me donner un chiffre?
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Merci, monsieur le président, et merci à M. Singh de sa présence ici aujourd'hui.
Je trouve cela un peu ironique d'entendre les conservateurs parler de 400 $ d'économies par année, alors qu'ils refusent d'aider les familles à sauver de l'argent sur les frais de garderie, sur les soins dentaires et sur l'assurance-maladie, ou d'aider à nourrir les enfants qui ont faim, ou qu'ils s'opposent à la Prestation canadienne pour les personnes handicapées, et je pourrais continuer comme cela longtemps. La liste est interminable, en plus de l'Allocation canadienne pour enfants et de bien d'autres mesures.
Monsieur Singh, je sais que vous dites que vous nous avez poussés à faire certaines choses, et je vais évidemment devoir exprimer mon désaccord à ce sujet, parce que le gouvernement du Canada a présenté à maintes reprises des révisions de la Loi sur la concurrence — les projets de loi , et —, et je crois que notre collaboration avec le NPD quant à certains de ces changements a vraiment porté des fruits. Je pense que c'est une approche que nous devrions tous adopter dans le cadre de nos travaux parlementaires, parce que si nous sommes ici, c'est vraiment pour servir les Canadiens.
Nous comprenons bien la concurrence dans le marché. Plus il y a de concurrence, plus il y a d'options et meilleurs sont les prix. Nous le disons depuis le jour un. Je sais que nous ne sommes peut-être pas du même avis à certains égards, mais c'est la position du gouvernement.
Monsieur Singh, je vais prendre un peu de recul: je serais curieux d'entendre votre approche quant à la réforme de la concurrence, et je sais aussi que vous êtes un ancien avocat de la défense et défenseur de la Charte des droits et libertés.
Diriez-vous que vous êtes favorable aux principes de la justice naturelle, protégés en vertu de la Charte?
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Je crois savoir où le député veut en venir, avec ces questions.
En tant qu'avocat, je peux vous dire que ce que nous avons constaté, c'est que donner un pouvoir discrétionnaire complet aux juges pour imposer les peines a mené à l'affaire dont je vous ai parlé, les 5 milliards de dollars que les grandes sociétés ont soutirés aux Canadiens avec le stratagème de fixation du prix du pain. La plus grosse amende qu'un juge a imposée dans cette affaire s'élevait à 50 millions de dollars, une tape sur les doigts au regard de 5 milliards de revenus nets.
Ce que j'espère faire, c'est de mettre en place des lignes directrices pour les juges. Les juges respectent les lignes directrices. Ils vont respecter la jurisprudence. L'amende la plus élevée était de 50 millions de dollars. Cela n'aura pas un effet dissuasif assez important.
Nous avons dit que le juge devrait avoir un pouvoir de dissuasion, imposer une amende représentant jusqu'à 10 % du revenu de l'entreprise. Dans le cas de Loblaws, qui affiche des revenus de 60 milliards de dollars, le juge pourrait imposer une amende de 6 milliards de dollars. Ça, c'est de la dissuasion. Sans lignes directrices, les juges n'iront pas plus loin que la jurisprudence, qui dit présentement que 50 millions de dollars est l'amende la plus élevée qui peut être imposée. C'est très loin d'être suffisant.
Je veux que ce soit clair. Même si nous avons été en mesure de pousser le gouvernement à apporter des modifications relativement aux activités anticoncurrentielles, le gouvernement a tout de même refusé d'apporter ces changements relativement à la collusion, au complot ou à la fixation des prix, et la fixation des prix est justement ce dont je parle, par rapport à la fixation du prix du pain.
Nous avons des preuves de ce qui s'est passé en 2018. Les libéraux et même, en toute franchise, les conservateurs ne veulent pas s'attaquer à la fixation des prix. Voilà ce que je propose de faire dans ce projet de loi, de s'attaquer à un problème qui reste à régler, de prendre des mesures contre la fixation des prix ou le complot ou contre les sociétés qui conspirent pour escroquer les Canadiens. Nous avons besoin de sanctions sévères dans ce genre de cas, et ces sanctions ne sont actuellement pas dans la loi du gouvernement. Mon projet de loi corrigerait cela et servirait à protéger beaucoup plus les consommateurs.
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Merci, monsieur le président.
Monsieur Singh, soyez le bienvenu au Comité. C'est un plaisir de vous voir.
Je vous félicite pour le dépôt de votre projet de loi.
Évidemment, vous avez mis l'accent sur les épiceries, puisque c'était le dossier de l'année. On comprend que c'est important, mais votre projet de loi modifierait les règles sur la concurrence pour l'ensemble des industries, alors je me permettrai de vous parler, comme l'a fait mon collègue conservateur, du système bancaire ouvert.
Vous savez qu'aujourd'hui, les banques sont appelées à devenir des manufacturiers de produits financiers, et les interfaces sur lesquelles les clients vont aller les acheter et les utiliser sont des applications. Il faut donc une loi et une réglementation pour encadrer tout cela, effectivement. Vous savez que le budget, que vous avez appuyé, contenait une intention de réglementer le système bancaire ouvert. Vous savez aussi, puisque vous êtes un homme d'une grande culture, qu'au Québec, notre plus importante institution financière, Desjardins, relève du gouvernement du Québec.
Le projet de loi du gouvernement semble contenir l'intention d'imposer un cadre et de mettre le revolver sur la tempe de Desjardins en lui disant tout simplement de choisir entre se conformer au cadre fédéral et être isolé de son côté. Il ne semble y avoir eu aucune coordination avec le gouvernement du Québec pour harmoniser tout cela.
Quelle est votre position? Seriez-vous prêt à appuyer un projet de loi sur le système bancaire ouvert à l'égard duquel il n'y a eu aucune coordination avec le gouvernement du Québec pour tenir compte du plus important employeur au Québec et de notre plus importante institution financière?
Appuieriez-vous un tel projet de loi?
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On attendra votre réflexion là-dessus. Merci beaucoup.
Un bon nombre des dispositions de votre projet de loi sont déjà appliquées, puisqu'elles faisaient partie de projets de loi qu'on a adoptés précédemment, comme les projets de loi et . Cependant, il reste une partie qui ajouterait beaucoup de contraintes aux autorités de la concurrence.
Essentiellement, avec les modifications législatives qui ont été apportées jusqu'à maintenant, le Bureau de la concurrence doit non seulement chercher des gains d'efficience avant d'autoriser une transaction, mais, par ailleurs, on doit maintenant pouvoir prouver que le consommateur a bénéficié des gains d'efficience. Votre projet de loi, quant à lui, ajoute une contrainte liée à la structure du marché, et non à la conséquence d'un fusionnement. Si la part de marché combinée résultant d'un fusionnement dépasse 60 %, on l'interdira, et si elle se trouve entre 30 % et 60 %, il y aura une enquête, si je comprends bien.
Que ferait-on, par exemple, dans les cas où il y a ce qu'on appelle un monopole naturel, dans des régions éloignées? Il y a des chaînes d'épicerie dans des régions très éloignées qui ont de la difficulté à rester ouvertes et, si elles ne fusionnent pas pour prendre le marché, elles feront faillite et les gens n'auront plus de nourriture.
Savez-vous que la rigidité de votre projet de loi empêcherait des gens de manger, dans certaines régions? Y avez-vous pensé?
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Merci, monsieur le président. C'est un plaisir d'être ici.
Merci de votre présence, monsieur Singh.
Je trouve curieux que mes collègues conservateurs aient oublié leur propre histoire. Je me rappelle l'époque des conservateurs sous Peter MacKay et David Orchard, de leur prise du pouvoir et ce qui a suivi, et même de l'administration Harper, où ils avaient juste assez de députés à la Chambre des communes pour bloquer ou renverser un gouvernement, parce que ce n'était pas le leur. Ils sont allés voir le lobby comme ils l'avaient fait la dernière fois, comme lors de la dernière législature, au lieu d'agir et d'essayer d'être constructifs.
Je pense que ce projet de loi est important parce que, malgré les désaccords autour de la table à propos de certaines choses, il y aura toujours des raisons de ne pas agir.
Le Comité a cependant un bon bilan, pour ce qui est d'agir de manière bipartisane pour débattre publiquement de certains de ces enjeux. En ce qui concerne les chaînes d'épicerie en particulier, c'est notre comité qui a d'abord demandé aux présidents et directeurs généraux de témoigner ici, non seulement par rapport à la fixation du prix du pain, mais aussi parce qu'ils avaient mis fin aux primes liées à la pandémie le jour même, intégralement.
Pourriez-vous nous parler un peu plus du problème de la fixation du prix du pain? Il s'agit tout de même d'un aliment de base dans la vie des gens, ici au Canada.
Quelle aurait été l'incidence de ce projet de loi sur la fusion entre Rogers et Shaw, qui a été autorisée? Si nous avions eu cette protection, quel aurait pu être le résultat?
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Merci beaucoup de la question.
Encore une fois, fondamentalement, je ne peux m'imaginer rien de plus important pour les Canadiens que de pouvoir acheter de la nourriture. C'est une nécessité. Tout le monde en a besoin. Ce que nous voyons très clairement, quand on regarde la situation d'un bout à l'autre du pays, c'est que les Canadiens qui vont à l'épicerie se font escroquer une fois rendus à la caisse. Ils le savent. Quand on a posé la question aux Canadiens, ils ont dit très clairement qu'ils sentaient que la cupidité des entreprises était la principale raison de la hausse des prix.
Le projet de loi vise cela directement. Nous allons viser directement les grandes chaînes d'épicerie du pays — les Loblaws, Métro, Sobeys, Walmart et Costco — et leur faire comprendre directement qu'ils ne peuvent pas escroquer les consommateurs. Le projet de loi créerait des protections supplémentaires.
L'élément manquant, comme je l'ai souligné aux libéraux, est que même si nous avons réussi à les convaincre de modifier les sanctions pour les activités anticoncurrentielles, ils ont refusé de renforcer les sanctions relatives au complot ou lorsque les grandes sociétés conspirent pour escroquer les Canadiens. Le stratagème de fixation du prix du pain, dont j'ai déjà parlé, était que les grandes chaînes d'épicerie et les grands producteurs de pain commerciaux ont conspiré pour augmenter le prix du pain. Ils en ont été reconnus coupables et ils ont donc dû payer des amendes. L'amende la plus sévère a été imposée à la Boulangerie Canada Bread, à hauteur de 50 millions de dollars seulement. Au regard de l'argent qu'ils ont fait et de l'énormité de l'escroquerie pour les Canadiens, il s'agit d'une tape sur les doigts.
Notre projet de loi contient des lignes directrices claires pour les juges afin qu'ils imposent des sanctions plus strictes et plus sévères. Nous savons que, au Canada, un pays assujetti à la common law, les sanctions doivent respecter la jurisprudence. Présentement, le précédent a été établi à 50 millions de dollars. C'est l'amende la plus élevée, mais ce n'est tout simplement pas suffisant. Nous avons créé des lignes directrices expliquant au juge la sanction maximale qu'il peut imposer. Parmi ce que nous avons élaboré, je pense qu'il y a deux points très importants: premièrement, 10 % des revenus de l'entreprise. Pour une entreprise comme Loblaws, qui a 60 milliards de revenus, l'amende maximale peut s'élever à 6 milliards de dollars. En fournissant à un juge des lignes directrices claires sur la sanction maximale qu'il a le droit d'imposer, nous pourrons imposer des sanctions plus sévères qui auront un effet dissuasif pour ces entreprises.
Un autre exemple de ce que nous avons prévu est le triple des bénéfices accumulés. Si, collectivement, ces sociétés ont fait 15 milliards de dollars, alors, collectivement, le juge peut imposer une sanction de 15 milliards de dollars en amendes. Encore une fois, cela aura un effet dissuasif très important. Si une entreprise sait qu'elle risque de perdre des milliards de dollars en amendes, elle ne va pas escroquer les Canadiens. C'est un point important.
Vous avez mentionné la fusion entre Rogers et Shaw. Pour que ce soit clair, le Bureau de la concurrence a essayé de l'empêcher. Nous avons demandé directement au ministre de l'empêcher, mais les libéraux ont refusé d'empêcher la fusion, alors qu'ils auraient dû le faire. Cette fusion est mauvaise pour les Canadiens, elle est mauvaise pour la concurrence. Elle réduit les options et les choix et va faire augmenter les prix.
Notre projet de loi, dans lequel nous avons réussi à forcer le gouvernement à inclure certaines de ces mesures, nous permettrait de veiller à ce que, dans le cas d'une fusion où la société se retrouverait avec 30 % des parts d'un marché, l'entreprise devrait se plier à un processus très difficile où elle devra convaincre que la fusion est pour le bien des Canadiens ou pour le bien des consommateurs. C'est un seuil très difficile à atteindre. Dans le cas de la fusion entre Shaw et Rogers, la société n'aurait pas réussi à prouver que le seuil était respecté.
À propos de cette fusion, les parts du marché étaient de près de 60 %, mais pas exactement. Si cela avait été 60 % ou plus, alors la fusion serait immédiatement interdite. C'est une protection que nous devons avoir. Nous devons aussi avoir en place des mesures strictes pour empêcher la formation d'oligopoles, parce que nous savons ce que cela entraîne. Que ce soit les chaînes d'épicerie ou les télécommunications, les Canadiens se retrouvent avec moins de choix et des prix plus élevés. C'est une escroquerie.
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Merci, monsieur le président.
Merci, monsieur Singh, d'être présent.
Dans votre déclaration préliminaire, évidemment, vous avez beaucoup parlé du prix des aliments. C'est l'un des fondements de cette initiative. Cependant, pendant neuf ans, le NPD a voté en faveur de chaque budget qu'a présenté , et les Canadiens sont plus misérables et affamés que jamais. Par exemple, la laitue a augmenté de 94 % durant cette période, les oignons, de 69 % et le chou, de 70 %, depuis votre accord avec les libéraux. Une étude de l'Université Dalhousie réalisée par le « Professeur d'alimentation », comme il se fait appeler, montre que la taxe sur le carbone augmente de 34 % le prix des aliments en gros.
Ma question est simple: Allez-vous finalement admettre que les taxes sur le carbone augmentent le prix des aliments?
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Eh bien, vous venez de dire une ou deux choses qui sont complètement fausses.
Pendant neuf ans, nous n'avons pas appuyé tous les budgets. Ce n'est pas vrai.
En ce qui concerne les coûts que doivent assumer les Canadiens, on leur a posé exactement cette question: Selon vous, essentiellement, qu'est‑ce qui fait augmenter votre facture d'épicerie?
M. Rick Perkins: [Inaudible]
M. Jagmeet Singh: On a posé la question aux Canadiens, et ils ont répondu que ce qui faisait augmenter le prix de leurs aliments, c'était surtout la cupidité des entreprises.
Nous avons aussi effectué une enquête. Nous avons demandé au Bureau de la concurrence d'étudier la question, et il est très clair que ces sociétés volent les Canadiens. En fait, les économistes ont dit clairement...
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Merci, monsieur le président.
Merci, monsieur Singh, d'être ici aujourd'hui.
Je ne tenterai pas de mettre les projecteurs sur la politique et sur la vie que nous vivons ici, à Ottawa, ni sur les partis que nous représentons. Je veux mettre les projecteurs sur les gens et sur l'équité.
Lorsque le gouvernement a présenté le projet de loi et le projet de loi , c'est exactement ce que nous avons fait: nous avons mis l'accent sur les gens et sur l'équité dans le cadre de la réforme de la concurrence. Dans une certaine mesure, je pense que c'est ce que vous essayez de faire ici aussi, et je l'apprécie.
Cela dit, grâce à ces projets de loi, nous avons des études de marché établies et solides et le pouvoir de contraindre. Nous avons sévi contre les comportements anticoncurrentiels et la collaboration intersectorielle. Nous avons éliminé la défense des gains en efficience, renforcé le droit à la réparation, les dispositions antiécoblanchiment et l'examen des fusions et réprimé les pratiques déloyales en matière de prix — y compris l'affichage de prix partiels — en plus de renforcer les sanctions pécuniaires.
J'ai lu votre projet de loi d'initiative parlementaire, et j'apprécie son intention, mais je souligne aussi ce que nous avons accompli grâce aux projets de loi et .
Ce que je veux vraiment, c'est aller un peu plus dans le détail, monsieur Singh, et parler de l'aspect commercial, et non pas politique.
Vous avez mentionné certains éléments manquants de ce projet de loi. Corrigez-moi si j'ai tort, mais vous avez dit qu'il n'y avait pas de sanctions plus sévères. Donc, ma première question, c'est: quel genre de sanctions plus sévères aimeriez-vous y voir, outre ce qui a été indiqué dans ces deux projets de loi? Ma deuxième vise à savoir si certaines fusions devraient être interdites à partir d'un certain niveau.
Pourrions-nous avoir un peu de détails? Franchement, j'aimerais que nos discussions donnent des résultats et j'aimerais accomplir ce que nous, le Comité — et je présume nous tous —, voulons accomplir en ce qui concerne l'équité, et, encore une fois, lier tout cela aux gens que nous représentons.
Je pense qu'il est important de se rappeler qui ce projet de loi concerne. Il concerne les gens. Il concerne les gens qui se rendent à l'épicerie et qui se font voler. Il concerne les gens qui paient des factures de téléphone cellulaire et des frais Internet parmi les plus élevés dans le monde, sachant que les Canadiens ont besoin d'aide. Ce projet de loi vise à protéger les gens, protéger les consommateurs et imposer des sanctions plus sévères.
Même si je suis d'accord pour dire que nous avons pu demander des amendements qui ont réglé un certain nombre de changements, y compris la capacité du Bureau de la concurrence d'enquêter sur de possibles comportements anticoncurrentiels et d'imposer des sanctions plus sévères le cas échéant, l'élément manquant c'est celui dont j'ai parlé. C'est lorsque nous voyons l'un des exemples les plus flagrants de grandes sociétés qui volent les Canadiens, c'est lorsqu'il y a de la collusion entre les sociétés ou qu'elles travaillent ensemble pour augmenter le prix du pain. On appelle cela la « fixation des prix ». On pourrait aussi appeler cela un « complot ». On appelle aussi cela de la « collusion ». Ce comportement, celui des grandes sociétés qui travaillent ensemble pour voler les Canadiens, n'a pas été examiné précisément par les libéraux. Nous avons demandé des changements, et ils n'ont pas été acceptés.
Ce que nous avons inclus dans mon projet de loi vise justement à régler le problème que j'ai mis en lumière: dans un des cas les plus inacceptables de collusion, la fixation du prix du pain, la sanction la plus élevée était de 50 millions de dollars pour la Boulangerie Canada Bread. Cette somme de 50 millions de dollars n'est qu'une tape sur les doigts pour cette société, compte tenu de la somme totale des revenus qu'ont pu faire tous les partenaires en collusion avec elle. La somme volée aux Canadiens s'élevait à 5 milliards de dollars.
Mon projet de loi vise à fournir des lignes directrices au juge qui serait saisi d'une affaire aussi grave que celle‑là afin qu'il sache quelles mesures il peut prendre. Il peut demander jusqu'à 10 % des revenus d'une entreprise. Il peut demander le triple des bénéfices qu'elle a réalisés. Ce sont des mesures dissuasives importantes. Ce sont des sanctions importantes qui dissuaderaient ces entreprises de voler les gens. C'est ce que nous avons inclus.
L'autre mesure que nous avons incluse concerne le cas où une fusion entraînerait la détention de 60 % des parts de marché ou plus. Dans ce cas, cette fusion serait immédiatement interdite.
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Je comprends la nécessité d'abaisser le seuil de 35 % à 30 % et de mener une étude. Pour ce qui est du seuil de 60 %, je pense qu'il s'agit d'un aspect de la loi qui n'aura probablement jamais de mordant.
J'ai une dernière question à vous poser, monsieur Singh. Mon temps de parole est compté — vous savez ce que c'est de ne pas faire partie de l'opposition officielle.
J'aimerais parler de Glentel. Comme vous le savez, Bell et Rogers ont formé une coentreprise, et cette dernière va bientôt avoir le monopole quant à la vente de forfaits cellulaires dans les épiceries Loblaws. Votre projet de loi s'attaque à la structure de marché, mais il semble que, même après les projets de loi et , il existe encore des comportements qui semblent anticoncurrentiels, mais qui sont encore permis.
Quelle est votre opinion sur ce modèle d'affaires? Que pensez-vous de l'idée que deux concurrents forment une coentreprise et détiennent le monopole dans une grande chaîne d'épicerie?
Trouvez-vous que ce sont des pratiques anticoncurrentielles? Pensez-vous qu'on devrait même aller plus loin que ce que les projets de loi C‑56 et C‑59 ont déjà accompli?
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Merci, monsieur le président.
En fait, je suis heureux que vous ayez soulevé ce point, parce que, en tant que néo-démocrates, nous nous opposions à un certain nombre de ces prises de contrôle. Revenons sur certaines de ces prises de contrôle; rappelons-nous, nous avons perdu Future Shop au profit de Best Buy. Nous étions contre. Nous avons perdu Zellers, racheté par Target. Puis, Target a cessé ses activités au Canada, après que Zellers a établi un syndicat et donné à ses travailleurs un salaire supérieur au salaire minimum ainsi que des avantages sociaux. Target a été tout simplement éjecté du marché canadien. C'est pour cette raison que nous étions contre. Une autre prise de pouvoir importante au Québec a été l'achat de Rona par Lowes, achat auquel nous nous sommes opposés. La part de marché que vous avez mentionnée, 60 %, c'est en fait une façon de prévoir les choses. Je comprends que, quand vous regardez ce qui reste dans le marché, il y a Telus, Bell, Rogers, Vidéotron et Cogeco; ce sont donc les pièces du casse-tête importantes qui restent, et un seuil de 60 % est possible si nous ne faisons rien. Pouvez-vous en dire plus sur le fait que oui, nous ne pouvons pas prédire l'avenir, mais nous pouvons envoyer des messages aux sociétés pour leur dire que les consommateurs canadiens ne peuvent tout simplement plus être traités comme une colonie.
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C'est un excellent exemple. J'en ai parlé brièvement en répondant à la question précédente, mais cela me donne l'occasion d'en parler davantage.
En ce qui concerne le seuil de 60 % — pas seulement dans le secteur des télécommunications, mais aussi de l'épicerie —, compte tenu des énormes parts de marché que chaque société possède, aujourd'hui, s'il y a d'autres fusions, le seuil de 60 % serait atteint. Le message que nous envoyons avec ce projet de loi, c'est que, non, ce n'est pas permis. Vous ne pouvez pas fusionner si cela lèse les Canadiens.
Ces fusions seront interdites d'emblée. Cela empêcherait ces entreprises de même envisager ce genre de fusions. Je pense que c'est très important, malheureusement, compte tenu de la concentration des choses, en ce moment.
Comme vous l'avez mentionné dans votre question, monsieur Masse, le marché des télécommunications est déjà si concentré que toute fusion supplémentaire atteindrait facilement ce seuil. Nous voulons dire que non, cela ne doit pas se produire.
Monsieur Masse, je vous remercie d'avoir souligné toutes les fusions auxquelles s'opposaient les néo-démocrates. Nous pouvons clairement voir que les libéraux et les conservateurs ont toujours permis ces fusions. Ils ont eu l'occasion de s'y opposer et ne l'ont pas fait. Cela a nui aux Canadiens. Cela a causé du tort aux Canadiens.
C'est pourquoi je présente aujourd'hui un projet de loi qui empêcherait cela dans les faits.
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Monsieur Singh, j'aimerais revenir sur la question des cellulaires.
Après la fusion Rogers-Shaw, je vous ai demandé si vous saviez à quel point les prix avaient augmenté et à quel point les revenus des services sans fil avaient augmenté, par consommateur. Je n'ai pas eu de réponse.
C'est 1 % pour l'année, sur des prix déjà au plus haut, alors que le gouvernement avait promis qu'il réduirait les prix de 50 %. En fait, il a dit qu'il l'avait fait.
Au bout du compte, nous voyons un gouvernement qui promet des choses et qui ne tient pas ses promesses. Nous voyons que vous le soutenez et que vous n'en faites pas assez pour le forcer à agir. Vous en avez le pouvoir, monsieur.
Quand vous avez comparu devant le Comité du patrimoine canadien, la semaine dernière, Mirko Bibic, le PDG de Bell, était en face de vous. Vous ne lui avez même pas posé de question au sujet des nouveaux taux de Loblaws et des produits de la marque sans nom qui sont offerts par l'entremise de Bell.
Où situez-vous la limite, monsieur, quand allez-vous demander au gouvernement de mettre un terme à des fusions qui lèsent les Canadiens?
Comme vous l'avez dit, il ne suffit pas de présenter des projets de loi ou de poser une question au Parlement; il faut aussi savoir où est la limite que le gouvernement ne doit pas dépasser si vous voulez pouvoir déclarer que vous défendez les Canadiens? Nous n'avons pas vu cela.
:
Excellent. Merci, monsieur le président, et merci à M. Singh d'être venu témoigner devant le Comité.
Je souhaite discuter du chevauchement entre ce que le gouvernement a déjà présenté et ce projet de loi. Manifestement, nous avons adopté des réformes importantes avec le projet de loi . Il permet aux organismes de réglementation de tenir les entreprises responsables de leurs actes, et il défend les droits des Canadiens. Nous avons donné plus de pouvoirs au Bureau de la concurrence afin qu'il mène des enquêtes plus efficaces. Nous avons facilité le blocage des fusions qui ne sont pas dans l'intérêt des Canadiens et nous sommes passés à l'action contre des collaborations qui étouffent la concurrence et réduisent les choix des consommateurs.
S'il manquait quelque chose au projet de loi , à mon avis cela a été efficacement ajouté dans le projet de loi , dont les amendements ont résulté en une loi sur la concurrence plus moderne et efficace. Entre autres choses, ces amendements aident à empêcher les fusions préjudiciables et les collaborations anticoncurrentielles, et ils tiennent les grandes firmes responsables de leurs actes.
J'aimerais parler de votre témoignage en réponse aux questions de M. Badawey. Vous avez dit que votre projet de loi met peut-être davantage l'accent sur la fixation des prix et les pénalités, mais, quand je consulte le projet de loi , qui date de 2022, je lis ceci:
La section 15 de la partie 5 modifie la Loi sur la concurrence afin de renforcer les pouvoirs d'enquête du commissaire de la concurrence, d'ériger en infraction criminelle la fixation des salaires et les accords connexes, d'augmenter les amendes maximales et les sanctions administratives pécuniaires, de préciser que la divulgation incomplète des prix est une indication fausse ou trompeuse, d'élargir la définition d'agissement anti-concurrentiel, de permettre l'accès privé au Tribunal de la concurrence pour remédier à un abus de position dominante et d'améliorer l'efficacité des exigences en matière de transactions devant faire l'objet d'un préavis et d'autres dispositions.
Quand je consulte ces projets de loi côte‑à‑côte, il paraît manifeste que ce que le projet de loi propose est déjà intégré.
Quels sont vos commentaires à ce sujet?
:
Je soulignerais d'abord que les modifications apportées aux projets de loi et étaient des amendements apportés par le NPD pour traiter spécifiquement de pénalités plus importantes et de comportements anticoncurrentiels. Ces amendements ont été adoptés, et nous sommes heureux d'avoir pu insister sur ces sujets.
Cette approche du comportement anticoncurrentiel n'est pas reflétée dans l'approche de la fixation des prix. Ce n'est pas la même approche. Même lorsque vous avez cité le projet de loi , il n'a pas la même rigueur à propos des comportements anticoncurrentiels qu'à propos de la fixation des prix.
En particulier, quand il est question de fixation des prix, nous parlons d'une situation où les sociétés sont de connivence, travaillent ensemble et complotent afin de hausser toutes ensemble les prix. Je pense en particulier à la fixation du prix du pain. Ce sujet, la fixation du prix du pain, n'a pas été examiné. C'est l'un des exemples récents les plus inacceptables de grandes sociétés qui escroquent les Canadiens. Cette question spécifique reste à régler. Ce que je demande, c'est de prévoir des pénalités claires pour régler le cas. Voilà le domaine où nous avons proposé des amendements que les libéraux ont rejetés.
Les libéraux ne se sont pas montrés disposés à réagir à cette récente et inacceptable manœuvre des sociétés qui se sont acoquinées pour arnaquer les Canadiens avec le prix du pain. Voilà ce contre quoi je me bats, et cela n'a pas été spécifiquement examiné.
Nous établissons des lignes directrices pour que les pénalités règlent le problème. L'amende de 50 millions de dollars, la plus élevée dans l'un des cas les plus scandaleux, était beaucoup trop modeste. C'était à peine une tape sur les doigts. Les lignes directrices que nous fournissons donneraient aux juges des moyens de sévir plus musclés, par exemple des amendes allant jusqu'à 10 % du revenu de la société, ce qui, dans le cas d'une entreprise telle que Loblaws, équivaudrait à 6 milliards de dollars. C'est ce que je veux dire quand je parle de solutions musclées.
:
Je ne suis pas avocat en droit de la concurrence, mais, selon ce que je connais de ce domaine, la fixation des prix est un comportement anticoncurrentiel.
Nous sommes tous deux avocats. D'après ma lecture parallèle de ces projets de loi, ils couvrent largement les mêmes sujets. Certaines améliorations sont apportées par le projet de loi , mais je crois que le gouvernement a vraiment bien travaillé le dossier au fil des ans. Ces trois projets de loi en témoignent.
J'ai des questions sur l'exception relative aux gains en efficience. Votre projet de loi va abroger cette exception, mais voit ensuite la comparaison entre l'efficacité et la concurrence comme un facteur pouvant entrer dans la prévention ou l'édulcoration substantielle des critères de concurrence.
Peut-être qu'une conséquence inattendue de cela est que votre projet de loi permettrait tout de même aux fusions anticoncurrentielles de résister à une contestation fondée sur les gains en efficience, mais sur une base discrétionnaire.
Était‑ce le but de votre projet de loi?
:
Le but est de combler une brèche qui permet aux sociétés de fusionner, même si cela nuit aux Canadiens.
S'il y a un amendement qui renforcerait le projet de loi dans le but de protéger les Canadiens contre les abus, je suis prêt à l'entendre. Pour le moment, c'est une question qui n'a pas été examinée et qui doit l'être.
Je tiens à répéter que, bien qu'il existe trois projets de loi, et bien que les néo-démocrates aient obligé le gouvernement à adopter des amendements solides qui renforceront la protection, la nature spécifique d'un complot ou d'une collusion n'est toujours pas définie. Les comportements anticoncurrentiels dont il est question ne règlent pas directement ce qui s'est passé avec la fixation du prix du pain. C'est ce à quoi je veux en venir, avec ce projet de loi, le cas le plus scandaleux, dont les Canadiens se souviennent encore. Ils se rappellent que, quand la décision de 2018 a révélé que ces entreprises étaient de connivence et avaient manigancé pour les voler, les pénalités étaient aussi bénignes qu'une tape sur les doigts. Il faut remédier à cela.
Voilà pourquoi ce projet de loi est très explicite et clair quant à la fixation des prix, et aux scénarios de collusion et de complots, où les grandes sociétés escroquent les Canadiens.
:
Chers collègues, je vous demanderais de reprendre votre place pour que nous ne perdions pas trop du temps prévu à l'horaire.
[Traduction]
Chers collègues, je vous demande de prendre place. Nous reprenons la réunion.
Avant de passer aux témoignages sur le projet de loi , vous avez reçu une copie du budget pour notre étude du projet de loi C‑352, qui est 10 500 $. Nous l'avons fait circuler. Ai‑je votre consentement unanime pour l'adopter?
(La motion est adoptée.)
Le président: Merci beaucoup.
[Français]
Je vous remercie de vous joindre à nous pour cette première rencontre du Comité sur le projet de loi C‑352. Nous accueillons M. Pierre Larouche, professeur en droit et innovation, Faculté de droit de l'Université de Montréal.
Soyez le bienvenu, professeur.
Nous accueillons aussi, du Bureau de la concurrence Canada, M. Matthew Boswell, commissaire à la concurrence, et M. Anthony Durocher, sous-commissaire, Direction générale de la promotion de la concurrence.
En dernier lieu, nous accueillons, de l'Association du barreau canadien, M. Antonio Di Domenico, secrétaire, Section du droit de la concurrence et des investissements étrangers.
[Traduction]
Je vous remercie de vous être joints à nous.
Sans plus attendre, je donne la parole à M. Larouche, pour cinq minutes.
La parole est à vous.
:
Merci, monsieur le président.
Je vous remercie de cette invitation à comparaître devant votre comité.
Je me présente brièvement. Je suis professeur titulaire en droit et innovation à la Faculté de droit de l'Université de Montréal. J'ai 30 ans d'expérience en droit de la concurrence et en gouvernance économique, acquise en partie en pratique privée, mais surtout comme professeur de droit de la concurrence, en Europe. J'ai enseigné en Europe pendant 15 ans. J'ai enseigné au Collège d'Europe à plusieurs fonctionnaires de la Commission européenne qui travaillent aux grandes affaires de concurrence. J'ai enseigné le droit de la concurrence américain lors d'une année sabbatique à l'Université Northwestern. Je suis à l'Université de Montréal depuis sept ans, où je continue de travailler dans ce domaine. J'ai repris contact avec le droit canadien.
C'est avec plaisir que je vous parle ce matin. J'aimerais peut-être commencer par une note un peu théorique sur tout cela. Il y a beaucoup de bonnes intentions derrière toutes les modifications qui sont proposées à la Loi sur la concurrence, comme le projet de loi , qui a été adopté, et le projet de loi , qui est à l'étude. Cependant, si on compare le droit canadien à celui d’autres pays de l'Organisation de coopération et de développement économique, ou OCDE, il ressort du lot à deux égards: d'abord, la loi est très longue et très complexe; ensuite, le cadre institutionnel est déficient. En conséquence, le droit de la concurrence canadien est faible et difficile à appliquer. Les parties défenderesses, les entreprises, peuvent facilement se défendre, et elles réussissent généralement à éviter l'application de la loi.
La loi étant longue et complexe, selon moi, il faudrait cesser de toujours y ajouter des détails. Il faudrait plutôt retourner vers de grands principes, avoir de grandes positions claires sur le plan politique et donner plus d'espace au commissaire et au Bureau de la concurrence pour qu'ils puissent faire leur travail.
Quant au cadre institutionnel au Canada, le Bureau devrait avoir des pouvoirs de décision comme cela se fait partout en Europe, même au Royaume‑Uni, et pour une partie des compétences des autorités américaines. Selon moi, si on regarde ce qui s'est passé récemment en droit canadien, surtout avec la fusion entre Rogers et Shaw, le tribunal a constitué le principal problème. Celui-ci devrait agir seulement comme instance d'appel ou, encore mieux, faire du contrôle judiciaire sur la base d'une décision du Bureau.
Je vais maintenant vous parler des deux questions plus précises qui vous occupent aujourd'hui au sujet du projet de loi C‑352 et que M. Singh a mentionnées tout à l'heure. La hausse des peines en vertu de l'article 45 est une bonne idée en soi, mais cela montre, encore une fois, combien la loi canadienne est complexe, forçant un choix entre les articles 45 et 90. Il faudrait évidemment que les peines soient élevées en vertu de l'article 45, mais cela relève du droit criminel et c'est moins évident. Une peine adéquate, comme on le mentionne ici, équivaudrait à 10 % des recettes globales. Idéalement, si on regarde la pratique de la Commission européenne et des autorités américaines, le niveau de la peine doit se situer autour du niveau de profit de l'entreprise pour que cela fasse vraiment mal; elle se situe généralement autour de 5 à 6 % des revenus. Ainsi, en adoptant une peine maximale de 10 %, le Canada est dans la bonne ligue, et cela veut dire que les pénalités devraient atteindre assez facilement les centaines de millions de dollars.
Par contre, en ce qui concerne la deuxième proposition, soit les seuils de parts de marché pour le contrôle des concentrations, selon moi, c'est un point de référence qui est un peu dépassé. Il est préférable d'avoir un bon test général et de laisser le Bureau faire son travail. Les parts de marché peuvent être trompeuses dans les deux sens. D'une part, il peut y avoir le cas exceptionnel d'une fusion avec des parts de marché élevées, où il serait quand même possible de prouver que c'est bon pour le consommateur. D'autre part, surtout, il y a aussi des fusions avec des parts de marché moins élevées, qui peuvent être nocives pour le consommateur lorsque, par exemple, les deux parties qui fusionnent sont des concurrents proches sur le marché.
Ce sont des éléments qui font tout à fait partie de l'analyse contemporaine du droit de la concurrence et qu'on n'aborde pas avec des seuils de parts de marché. Ceux-ci créent évidemment l'illusion que le seul problème découle de fusions horizontales, alors qu'il y a des fusions verticales ou des fusions en conglomérat qui peuvent aussi être problématiques.
Voilà donc mes commentaires en introduction.
Je vous remercie encore de m'entendre aujourd'hui.
:
Bon après-midi, monsieur le président. Merci de m'avoir invité à témoigner devant vous aujourd'hui.
[Français]
Je m'appelle Matthew Boswell, et je suis le commissaire de la concurrence. Je suis accompagné de mon collègue Anthony Durocher, qui est le sous-commissaire de la Direction générale de la promotion de la concurrence.
Nous sommes heureux d'être ici, aujourd'hui, pour discuter du projet de loi . Grâce à plusieurs textes législatifs, la politique de la concurrence au Canada est en train de connaître une mise à niveau générationnelle. Nous sommes reconnaissants envers les membres de ce comité et d'autres personnes qui ont particulièrement insisté sur la nécessité de renforcer la concurrence dans l'économie canadienne.
Comme vous le savez sans doute, la plupart des éléments importants contenus dans le projet de loi ont été intégrés dans des lois antérieures et à venir, soit les projets de loi , et . Ces modifications donnent suite à un nombre important de recommandations du Bureau et harmonisent davantage notre cadre de la concurrence avec les meilleures pratiques internationales.
[Traduction]
Tout comme la concurrence sur les marchés oblige les entreprises à offrir des produits et des services qui répondent toujours mieux aux besoins des consommateurs, la concurrence sur le marché des idées mène à de meilleures politiques publiques. Selon moi, les parrains du projet de loi et ceux des autres projets de loi émanant de députés présentés cette session‑ci méritent des félicitations pour avoir amené à des améliorations notables de la loi sur la concurrence. Ces améliorations incluent, entre autres choses, une refonte complète de nos critères en matière d'abus de position dominante, y compris des pénalités plus sévères, l'ajout de présomptions structurales réfutables dans les examens de fusions et de solutions plus musclées contre les fusions anticoncurrentielles, la possibilité pour le commissaire de la concurrence de mener des études de marchés et la protection de ce dernier contre le paiement des dépens des parties adverses devant le Tribunal de la concurrence.
À mon avis, il y a très peu d'éléments dans le projet de loi qui n'ont pas déjà été traités dans d'autres lois. Dans le cadre de la modernisation de la Loi sur la concurrence, les questions qui restent ne sont pas pressantes, mais certaines pourraient sûrement servir à améliorer la Loi sur la concurrence. Nous serions heureux de discuter de ces quelques questions.
Il y a aussi certains aspects du projet de loi qui, de mon point de vue, représenteraient un pas en arrière, au vu de réformes antérieures, par exemple la réintroduction d'un maximum sur les amendes infligées aux cartels. Nous serions ravis de discuter aussi de cela, bien entendu.
Durant la réunion d'aujourd'hui, ou encore lors d'une future comparution devant votre comité, il pourrait aussi être productif de discuter de ce que j'appelle souvent « l'éléphant dans la pièce » au Canada, à savoir les obstacles réglementaires à la compétition, dans notre pays.
La Loi sur la concurrence est un outil fondamental pour protéger et promouvoir une plus grande concurrence au Canada, mais ce n'est pas le seul outil. Afin de tirer à profit des progrès gigantesques accomplis grâce à la Loi sur la concurrence, nous tous dans le secteur public, dans tous les ordres de gouvernement, devons examiner ce qui peut être fait de plus au sujet de la réglementation et des politiques qui freinent la concurrence au Canada, souvent de façon non intentionnelle. Nous savons que l'intensité concurrentielle du Canada a diminué ces deux dernières décennies. Il faudra une approche pangouvernementale pour renverser cette tendance, et le gouvernement fédéral devra travailler de pair avec les administrations municipales, provinciales et territoriales.
Une concurrence accrue est la clé pour pallier les problèmes liés à l'abordabilité, améliorer le choix des consommateurs et encourager une croissance forte et inclusive à long terme et, plus important encore, répondre aux besoins pressants du Canada en matière de productivité accrue.
La politique sur la concurrence au Canada est à un point tournant. Il nous faut en profiter. Le consensus n'a jamais été aussi unanime: le Canada a besoin de plus de concurrence. Il est temps pour les gouvernements de tout le Canada de travailler de concert afin de faire de la concurrence une priorité économique nationale.
[Français]
En conclusion, le Bureau de la concurrence est déterminé à appliquer la loi d'une façon transparente et fondée sur des principes et des données probantes. Nous avons été inébranlables dans nos efforts pour mettre en œuvre les outils nouveaux et améliorés que le Parlement nous a accordés. Nous resterons fidèles à cette approche.
Je vous remercie de nous avoir donné l'occasion de comparaître devant vous aujourd'hui.
Nous serons heureux de répondre à vos questions.
[Traduction]
Merci. Nous avons hâte d'entendre vos questions.
:
Merci, monsieur le président.
Je tiens à vous remercier, au nom de la section de l'Association du Barreau canadien, de m'avoir invité à comparaître aujourd'hui. Nos membres ont une vaste expérience dans la fourniture de conseils à un vaste éventail de clients concernant des questions de concurrence. Nous vous remercions de nous fournir la possibilité d'être entendus.
Pour donner une vue d'ensemble, un bon nombre des questions abordées dans le projet de loi ont été traitées dans le projet de loi , qui a reçu la sanction royale en décembre 2023, ou sont contenues dans le projet de loi , qui est actuellement soumis au Sénat. J'aimerais parler aujourd'hui de deux propositions du projet de loi C‑352, à savoir les dispositions sur l'interdiction d'un fusionnement et les présomptions structurelles, aux articles 8 et 9 du projet de loi, et l'inclusion des gains en efficience comme facteur pour évaluer les effets concurrentiels des fusions et des collaborations de concurrents civils, aux articles 7 et 10 du projet de loi.
Pour commencer avec la disposition sur les fusions et l'interdiction, le projet de loi créerait une ligne claire arbitraire qui empêcherait le Bureau de la concurrence Canada et le Tribunal de la concurrence d'évaluer les effets concurrentiels des fusions avec des parts de marché combinées de 60 % ou supérieures à 60 %. La proposition ne tiendrait pas compte ou ne ferait pas de distinction entre les différents niveaux de concentration, même si la cible acquise avait, par exemple, une part de marché de 1 %.
Cette mesure serait sans précédent et ferait du Canada une exception mondiale. Les lois sur la concurrence et les lois antitrust à l'échelle mondiale reconnaissent que, à elles seules, les parts de marché et la concentration ne permettent pas de déterminer le pouvoir des marchés et les effets concurrentiels. Comme la Loi sur la concurrence le reconnaît déjà, une conclusion concernant l'effet concurrentiel d'une fusion doit évaluer des facteurs importants comme la probabilité d'entrée et d'expansion, le rôle joué sur le marché par l'entité acquise, la présence d'autres concurrents vigoureux et efficaces sur un marché, et la nature du changement et de l'innovation sur un marché, entre autres choses. Dans notre mémoire, il serait inapproprié de limiter la capacité du Bureau de la concurrence et du Tribunal de la concurrence d'effectuer une analyse du pouvoir des marchés et des effets concurrentiels fondés sur les faits et les preuves à leur disposition.
Le fait que le projet de loi mette l'accent sur les parts de marché et la concentration en excluant d'autres facteurs pose également trois autres problèmes importants.
Premièrement, l'approche éliminerait entièrement l'analyse de ce qui compte le plus, soit les conditions concurrentielles avant et après la fusion, en faveur d'un accent mis uniquement sur les statistiques des parts de marché qui ne sont pas en soi déterminantes des effets sur les marchés.
Deuxièmement, dans de nombreux cas, il n'est pas possible de tirer fiablement une conclusion factuelle concernant les parts de marché en fonction des parts de marché actuelles d'une entreprise.
Troisièmement, les parties à la fusion ne disposent souvent pas des données requises pour déterminer ce qu'est leur part de marché dans tout marché antitrust pertinent. Le Bureau de la concurrence recueille ces renseignements dans le cadre de son examen, mais à moins qu'il ne prévoie communiquer cette information aux parties à la fusion ou à leur conseil dans le cadre du processus d'application de la loi, ce qu'il ne fait actuellement pas à moins d'y être contraint dans le cadre d'un litige, les parties à la fusion sont confrontées à d'importants problèmes d'application régulière de la loi.
Pour ce qui est des dispositions sur les présomptions structurelles, la section de l'ABC n'appuie pas l'inclusion de présomptions structurelles dans la Loi sur la concurrence. Nous convenons que les niveaux de concentration et de parts de marché peuvent fournir un mécanisme de sélection préliminaire utile pour repérer les fusions problématiques possibles. Toutefois, nous ne pensons pas qu'une fusion doive être présumée causer des effets anticoncurrentiels en raison de la seule part de marché.
De plus, l'inclusion des présomptions structurelles dans la Loi sur la concurrence, qui est une loi, ne permettra pas d'harmoniser la loi canadienne avec la loi américaine. C'est important. Aux États-Unis, les présomptions structurelles ont été introduites dans des lignes directrices non législatives sur l'application de la loi, qui sont de nature flexible et préférables à une loi fixe. Cela ne fait partie d'aucune loi américaine. Si des présomptions structurelles sont introduites, nous pensons que le meilleur endroit où les introduire serait dans les lignes directrices sur l'application de la loi relative aux fusions du Bureau de la concurrence, comme l'approche qui continue d'être employée aux États-Unis.
Enfin, pour ce qui est des gains en efficience, le projet de loi propose d'inclure les gains en efficience comme facteur législatif explicite à l'article 93 et au paragraphe 90.1(2) de la Loi sur la concurrence pour évaluer si une fusion ou une collaboration d'un concurrent civil est susceptible d'amoindrir ou d'empêcher de façon importante la concurrence.
La section de l'ABC approuve cette inclusion. Il est bien reconnu au Canada et à l'échelle mondiale que les gains en efficience sont un facteur pertinent pour évaluer les effets concurrentiels, parce qu'ils peuvent entraîner des fusions et des collaborations entre compétiteurs qui sont proconcurrentielles, qui augmentent la productivité et qui profitent aux consommateurs. Le Bureau de la concurrence a plaidé pour que les gains en efficience fassent partie de la liste des facteurs que le Tribunal de la concurrence peut prendre en considération lorsqu'il évalue les effets concurrentiels. D'ailleurs, ce changement permettrait également de renforcer l'approche actuelle du Bureau dans son évaluation des effets concurrentiels des fusions et des collaborations entre concurrents civils.
Merci de m'avoir donné l'occasion de vous présenter nos observations.
:
Merci à tous les témoins d'être ici aujourd'hui.
Je pense que, peu importe de quelle région du pays vous venez, les Canadiens se demandent, dans le contexte de cette loi, pourquoi diable ils doivent payer autant pour leur épicerie.
J'ai regardé en détail pendant la première heure de notre réunion aujourd'hui le rapport du Bureau de la concurrence intitulé « Le Canada a besoin de plus de concurrence dans le secteur de l'épicerie ». Deux points principaux qui étaient en quelque sorte abordés seront difficiles à atteindre, selon moi, et pourraient même être contradictoires.
En plus de certaines autres études réalisées par le Bureau de la concurrence, le rapport décrit que lorsque les plus grandes sociétés d'une industrie consolident leur position, leur part de marché, elles sont moins susceptibles d'être remplacées ou de faire face à des défis importants pour ce qui est de leur part de marché. Le rapport signale également que nous devons encourager la croissance dans l'entrée de nouveaux concurrents.
Dans le contexte des épiceries, toutefois, ce que j'ai lu essentiellement ce matin, c'est que le Bureau de la concurrence souligne qu'il sera difficile de voir de la concurrence dans notre secteur de l'épicerie au Canada.
Serait‑ce une juste hypothèse, monsieur Boswell?
:
Merci, monsieur le président.
D'abord, nous devons reconnaître que, sur le plan de sa population, le Canada est petit, avec 40 millions de personnes, mais sur le plan géographique, nous sommes un très grand pays.
Notre voisin du Sud a une forte population, une grande économie, etc., ce qui fait que nous nous retrouvons en quelque sorte dans une situation particulière, à savoir si l'on doit permettre ou non à des entreprises de prendre de l'expansion et de servir les Canadiens d'un bout à l'autre de ce vaste pays.
Monsieur Larouche, je suis heureux d'entendre vos commentaires sur la durée et la complexité. Les seules personnes qui profitent de la complexité sont les avocats, et cela ne fait qu'ajouter au coût de l'administration des lois sur la concurrence dans le secteur public et dans les rapports avec ces grandes sociétés.
Vous avez également parlé du cadre institutionnel. J'ai un très grand nombre de projets de loi concernant cette question particulière. Dites-vous que nous devrions peut-être commencer de zéro un tout nouveau projet de loi? Ce n'est pas comme si c'était possible, mais je le dis tout de même.
:
J'approuve cette approche, garder la loi et la législation adoptée par l'intermédiaire du Parlement le plus souple possible, et déléguer l'autorité pour le règlement. Il peut y avoir une flexibilité, selon les besoins du marché ou les changements de circonstances.
Nous sommes des politiciens. En tant que membres de partis politiques, nous devons montrer aux gens que nous travaillons fort pour eux. De toute manière, c'est une chose différente pour un moment différent.
Pour ce qui est des parts de marché, encore une fois, je suis d'accord avec vous: nous devions conserver le bon chiffre de 30, 50 ou 60 %, sans reconnaître s'il s'agissait d'une fusion verticale ou latérale, ni la nature de l'industrie et du secteur, etc.
Y a‑t‑il quelque chose dans le domaine des parts de marché que d'autres pays font mieux et que nous pouvons adopter?
:
Merci, monsieur le président.
D'abord, je vous salue tous. C'est gentil de votre part d'être ici aujourd'hui avec nous.
Je veux revenir à votre témoignage, monsieur Larouche. Nous étudions des projets de loi, ici, qui visent à améliorer le régime concurrentiel, comme les projets de loi et . Comme vous l'avez dit, il y a toujours des ajouts qui semblent pleins de vertus, mais il s'agit toujours d'ajouts marginaux.
De ce que j'ai compris de votre témoignage, il y aurait deux façons de faire une réforme de la Loi sur la concurrence. La première serait d'établir un cadre très bien défini qui laisserait beaucoup de liberté au commissaire de la concurrence, et la deuxième serait d'ajouter sans arrêt des conditions, ce qui donnerait l'impression qu'on agit, mais qui, finalement, rendrait la Loi tellement compliquée qu'elle en deviendrait inopérante.
Récemment, j'ai discuté avec des gens du cas des États‑Unis en lien avec la question de la présomption structurelle. On me disait qu'aux États‑Unis, il y avait une présomption en faveur du consommateur et que, dans certains cas, les autorités de la concurrence n'avaient pas nécessairement à se justifier autant qu'elles doivent le faire ici, au Canada. Il semblerait que cela rend le régime plus flexible et plus rapide et que cela réduit le nombre de recours potentiels, puisque cela permet de mieux protéger les consommateurs. On sait que les intérêts des consommateurs sont très diffus, alors que les intérêts des entreprises, qui ont des moyens, sont concentrés.
Cette présomption en faveur du consommateur pourrait-elle être admise dans le régime concurrentiel canadien?
:
Oui, il pourrait l'être.
Je voudrais que ce soit clair. Ce dont vous discutez dans les projets de loi et dans celui-ci, ce sont, pour la plupart, des réformes qui vont dans le bon sens. Comme vous le dites, c'est du travail qui se fait à la pièce.
Prenons l'exemple de la fameuse exception des gains en efficience, appelée « défense fondée sur les gains en efficience », qu'on a abolie. Elle avait été mise en place en 1980. En 1980, c'était issu de la doctrine. On pensait que c'était une bonne idée, et on l'avait mise dans la loi. Il a fallu 30 ans, voire 40 ans, pour qu'on s'en débarrasse. Entre-temps, partout ailleurs, c'était un truc qui était dans les lignes directrices des autorités. Dans les années 1990, on a ajouté l'idée qu'en effet, c'était bien beau d'avoir une efficacité supérieure, mais qu'il fallait aussi prouver que les consommateurs en retiraient quelque chose, au bout du compte.
:
Mon interprétation est-elle juste? Je ne suis pas juriste, mais j'ai côtoyé des gens dans le domaine de l'économie et de la concurrence dans le secteur privé. J'ai l'impression qu'il y a tellement de contraintes, tellement d'échappatoires dans la Loi, qu'une entreprise qui a énormément de moyens pour se défendre, finalement, va toujours être en mesure de contourner la Loi dans sa forme actuelle.
C'était le premier volet de ma question. Par la suite, je vous céderai le reste de mon temps de parole pour répondre à mes questions.
Le deuxième volet de ma question est en lien avec le fameux 60 % des parts du marché.
J'ai demandé à M. Singh d'où venait le pourcentage de 60 %. Il m'a répondu qu'il avait regardé les régimes partout dans le monde. Quand on lui a demandé lesquels, il ne le savait pas. Finalement, on se rend compte qu'il n'y a pas vraiment de 60 %, que 60 % est un pourcentage arbitraire et que, finalement, il vaut mieux être conséquentialiste et essayer de regarder quel serait l'effet d'une fusion sur le prix au consommateur, à savoir comment les gains en efficience seraient redistribués.
J'ai l'impression qu'on est encore en train d'ajouter des contraintes qui vont encore possiblement complexifier le travail du régulateur. Ai-je raison là-dessus?
:
Oui, je serais porté à vous donner raison.
En c e qui a trait à la première question sur le comportement des entreprises, il faut comprendre que les entreprises font ce qu'elles doivent faire. Elles ont des textes législatifs. Elles embauchent des avocats, des consultants, puis elles invoquent des arguments. Plus il y a de textes, plus il y aura d'arguments. Surtout quand c'est dans la loi, les juges se sentent capables de l'interpréter. Cela aboutit justement à des jugements comme l'arrêt Tervita Corporation.
Quand ce sont des politiques du Bureau de la concurrence ou de l'autorité en place, les juges ont tendance à garder une certaine retenue et à donner le bénéfice du doute au Bureau. Je pense qu'il est quand même plus favorable d'avoir une loi équilibrée.
En ce qui concerne le pourcentage de 60 %, dans les autres territoires, donc l'Union européenne et les États‑Unis, en matière de contrôle des concentrations, on commence par des tests de l'indice de Herfindahl-Hirschman, ou IHH, c'est-à-dire l'ensemble des indices de concentration que nous avons en ce moment ou que nous aurons à l'adoption du projet de loi . Les parts de marché ne jouent pas un rôle énorme parce qu'elles ne sont pas un très bon indicateur.
:
Merci, monsieur le président.
Merci aux témoins d'être ici.
Je remarque une différence dans le ton de mes collègues conservateurs. Cela doit être dû à la dose de caféine qu'ils ont prise ce matin durant le témoignage du témoin précédent.
Des voix: Ha, ha!
M. Brian Masse: Je suis heureux que nous parlions de cette question ici et j'apprécie le fait que certaines modifications ont été apportées à la Loi sur la concurrence au fil des ans. L'exemption des gains d'efficience en est une que j'ai réclamée très longtemps, et il y en a d'autres.
Nous sommes ici, et je pense que le contexte est important. Je vais poser cette question de façon générale, en commençant peut-être par M. Boswell.
Il est vrai qu'il est très difficile de faire adopter un projet de loi d'initiative parlementaire. C'est l'un des outils qui s'offrent à nous en tant que députés. De plus, nous avons récemment vu que le gouvernement a modifié certaines lois, pas dans toute la mesure du possible, mais nous constatons ici des avantages et des inconvénients dans ce projet de loi.
Essentiellement, les options qui nous sont proposées en ce moment sont de modifier le projet de loi sous différents aspects et de poursuivre le travail, où il y a un bon et solide consensus sur des éléments ou, subsidiairement… En toute honnêteté, avec la date et les éléments que nous examinons, nous ne verrons probablement pas d'autres types de changements de la Loi sur la concurrence d'ici les deux à trois prochaines années. Je ne peux pas prédire l'avenir, mais je ne vois juste pas comment cela pourrait se produire étant donné que la législature tire à sa fin, qu'il y aura un autre appel électoral et que le Comité devra reprendre le dossier.
Je suis heureux d'entendre les commentaires du commissaire à la concurrence au sujet de la productivité et des gains d'efficience liés aux questions réglementaires — et c'est probablement une étude que nous pourrions même envisager de faire — mais les probabilités que nous nous attaquions à toutes ces questions sont très réduites.
En gardant cela à l'esprit, je vais commencer par vous, monsieur le commissaire.
Que faisons-nous maintenant? Envisageons-nous de modifier le projet de loi pour fournir des outils supplémentaires et renforcer la concurrence au Canada pour le moment et travailler avec ce que nous avons, ou devons-nous attendre le temps qu'il faudra et espérer, à tout le moins, nous occuper de cette question d'ici quelques années? C'est vraiment là où nous en sommes en ce moment.
Nous avons l'autre projet de loi d'initiative parlementaire au Sénat, ce qui est formidable. Nous ne savons pas de quoi il retournera, mais ce sont les étapes pratiques parmi lesquelles nous devons choisir, et ce sont les voies qui nous sont offertes.
Encore une fois, je comprends qu'il vaudrait mieux avoir un meilleur processus. Bien que notre démocratie puisse nous laisser tomber à bien des égards, je ne connais toujours pas de meilleurs processus. Les solutions de rechange qui existent ailleurs dans le monde ne sont pas meilleures.
Monsieur Boswell, allez‑y s'il vous plaît, puis nous passerons aux autres témoins. Prenez tout le temps dont vous avez besoin. Je pense que nous avons environ quatre minutes.
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Merci d'avoir posé cette question très pragmatique. J'espérais avoir l'occasion d'en parler dès le départ.
Du point de vue du Bureau de la concurrence, comme je l'ai dit dans ma déclaration liminaire, nous sommes ravis de l'attention qui a été accordée à la concurrence dans ce projet de loi d'initiative parlementaire, ainsi que dans d'autres projets de loi d'initiative parlementaire et projets de loi gouvernementaux pour modifier la loi. Je me range à l'avis de M. Larouche. C'était probablement trop complexe en 1986, lorsque, selon certains, il a été rédigé par le milieu des affaires.
Pour ce qui est du présent projet de loi, du point de vue du Bureau de la concurrence, je dirais que nous n'avons pas besoin de traiter des articles 2, 3, 5, 6, 7, 8, 9, 10 et 11. L'article 4, qui traite de l'amende prévue pour les institutions financières fédérales, est très bien pour ce qui est de la période de 14 ans, mais il devrait s'agir d'une amende à la discrétion du tribunal, et non pas d'une amende maximale, soit les 25 millions de dollars actuellement prévus.
Par rapport à l'article 12, le bureau pense — et nous l'avons ajouté dans nos recommandations adressées à IDSE — qu'une période limite de trois ans pour les transactions devant faire l'objet d'un avis est un bon pas en avant. En ce moment, elle n'est que de un an. Avec nos collègues des États-Unis, il n'y a pas de période limite pour l'examen des fusions.
Enfin, en ce qui concerne les dépens adjugés, cela a été abordé dans le projet de loi , mais j'aimerais simplement souligner que, dans notre mémoire à IDSE, nous avons parlé d'une immunisation complète. Le projet de loi C‑59 constitue un équilibre assez raisonnable, et nous sommes donc, d'une manière ou de l'autre, assez heureux du résultat. Nous croyons fermement ne pas avoir besoin de ces autres articles. Ils ont déjà été abordés dans le projet de loi , le projet de loi et, bientôt je l'espère, le projet de loi C‑59, mais ils ont servi de contribution utile au débat et à l'échange d'idées.
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D'accord. Nous pouvons également assurer un suivi à ce sujet.
Je suppose que ce que j'essaie de faire valoir ici, c'est que les choses ont évolué au fur et à mesure que le projet de loi était élaboré et créé, et c'est un processus normal ici. C'est la même chose en ce qui concerne ma position au sujet du tribunal. En parcourant le projet de loi , je suis resté ouvert, dans une certaine mesure, à la création d'un tribunal. Toutefois, d'après les données probantes qui ont été présentées — et autour de cette table, nous n'avons jamais vraiment eu affaire à des tribunaux auparavant —, je suis arrivé à certaines conclusions qui me préoccupent beaucoup. Nous avons donc laissé la porte ouverte à une modification du tribunal, mais pas à son élimination. Je veux dire, nous pourrions même nous débarrasser du tribunal ici, si le Comité décidait réellement de le faire.
De toute façon, c'est un peu là où nous en sommes. Nous sommes ici dans un environnement en constante évolution. J'espère que nous pourrons en quelque sorte continuer à ajouter des choses pendant que nous en avons l'occasion.
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Je remercie le député de sa question, monsieur le président.
Si M. Généreux est d'accord, je répondrai en anglais, car il y a des détails techniques.
[Traduction]
La combinaison des projets de loi présentés au Comité, au comité des finances de la Chambre et au Sénat au cours des dernières années aura, je crois, un impact à long terme sur certains aspects de la concurrence dans l'ensemble de notre économie. Cela ne se fera pas du jour au lendemain. C'est indéniable. De plus, nous ne voulons pas faire de promesses exagérées.
Cependant, notre pays n'a pas prêté attention à l'importance de la concurrence dans l'organisation de ses affaires économiques depuis des décennies — littéralement, des décennies. Le Canada compte de multiples oligopoles et a des problèmes très importants liés à l'intensité de la concurrence.
Il s'agit d'un élément important pour stimuler la concurrence, qui fait baisser les prix, élargit le choix des consommateurs, stimule l'innovation et stimule la productivité. Ce sont là les avantages importants à long terme d'un pays qui accorde de l'importance à la concurrence.
Peut-elle, du jour au lendemain, résoudre la crise de l'accessibilité financière que nous traversons? Non, et nous ne le promettons pas.
Il s'agit toutefois de réformes importantes qui permettent de changer complètement de cap. C'est un navire qui vogue depuis au moins 1986.
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Merci. C'est une question brève.
Monsieur le commissaire, merci d'être venu aujourd'hui. Je sais que vous lancez une étude sur l'industrie aérienne. La date limite de présentation des commentaires du public est le 17 juin. Ce sont les nouveaux pouvoirs prévus par le projet de loi , nous ne faisons donc que les mettre à l'essai.
L'une de nos préoccupations est qu'il existe une lettre du qui dit de mettre l'accent sur les services intérieurs de transport aérien, et non sur les aéroports. Évidemment, nous pensons que vous devriez examiner l'ensemble de la question. La concurrence entre les aéroports est tout aussi importante que la concurrence intérieure.
Si la question revient, les pouvoirs conférés par le projet de loi permettent-ils au de modifier le cadre de l'étude après que nous l'avons examinée ou après la consultation publique du 17, oui ou non?
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Je pense que cette approche pangouvernementale dont j'ai parlé plus tôt est quelque chose que nous devrions adopter, en tant que nation, avec le leadership du gouvernement fédéral. Lorsque j'en parle, et lorsque nous en parlons au bureau, ce n'est pas comme si nous avions créé cela de toutes pièces. C'est ce que d'autres pays ont fait et font.
Dans les années 1990, les Australiens disposaient d'une Commission de la productivité au sein de laquelle ils ont examiné 1 800 lois et règlements en vue de renforcer la concurrence dans l'ensemble de l'économie australienne au niveau fédéral, et les États australiens y ont également participé. Ces travaux ont entraîné une augmentation significative du PIB australien de 2,5 %, ce qui valait environ 5 000 $ australiens par foyer, une somme d'argent importante dans les années 1990. Voilà l'exemple australien.
Les États-Unis ont actuellement une approche pangouvernementale en matière de concurrence dans l'économie américaine. Il existe un conseil de la concurrence à la Maison-Blanche, au sein duquel tous les secrétaires des différents départements du gouvernement américain sont chargés de cerner les problèmes de concurrence dans leurs domaines de compétence et de les régler.
Nous ne parlons pas de quelque chose qui n'a pas été fait ailleurs dans le monde, mais nous devons désespérément travailler là‑dessus au Canada si nous voulons résoudre nos problèmes.
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En ce qui concerne les articles 8 et 9, je pense que ce qui se trouve actuellement dans le projet de loi avec l'IHH, est bon. C'est certainement plus conforme aux normes mondiales qu'aux seuils de parts de marché.
En ce qui concerne l'article 3, selon moi, le problème sous-jacent est cette nécessité de toujours choisir entre les articles 45 et 90.1 comme instrument. Cela ne changera pas. Ce serait alors une bonne idée de prévoir également des sanctions sérieuses dans l'article 3, mais cela poserait des problèmes devant les tribunaux, car il s'agit de dispositions pénales.
Si l'on veut avoir un niveau de sanction qui correspond à ce qui se fait ailleurs, il devrait se situer autour de 10 % comme maximum théorique. Normalement, la sanction correspondra à environ 4 à 5 % du chiffre d'affaires au niveau où devrait se situer le bénéfice. C'est la pratique. Cela signifierait qu'au Canada, si nous y allons avec un facteur de un à dix, avec l'Union européenne ou les États-Unis, nous jouerions dans la fourchette des 100 millions de dollars.
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Merci, monsieur le président.
Je ne m'attendais pas à parler de cela, mais, comme M. Williams a abordé le sujet, je vais poser une question au commissaire, M. Boswell, que je salue au passage.
Il y a trois grands aéroports dans la région de Montréal: celui de Saint‑Hubert, celui de Dorval et celui de Mirabel. Une administration aéroportuaire administre deux de ces aéroports, ce qui a eu comme conséquence qu'elle en a à peu près fermé un à la circulation du grand public, aux vols commerciaux.
Ce régime me semble être conçu par le gouvernement fédéral pour être anticoncurrentiel et pour générer des comportements anticoncurrentiels chez Aéroports de Montréal.
Cela fait-il partie des sujets qui vous intéressent maintenant que vous avez de nouveaux pouvoirs d'enquête?
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Je crois que le commissaire Boswell a tout à fait raison lorsqu'il parle d'approche horizontale ou transversale. Il y a énormément de travail à faire. La procédure d'enquête qui sera appliquée pour la première fois dans le secteur des services aériens au Canada devrait aussi permettre, si elle est utilisée comme au Royaume‑Uni, par exemple, au Bureau de la concurrence de proposer des recommandations précises sur les modifications réglementaires à apporter. C'est cela, une approche transversale. L'autorité de la concurrence peut aussi mettre le doigt sur des problèmes dans d'autres secteurs.
Au-delà de tout cela, il s'opère un changement de mentalité. Je suis de retour au pays depuis sept ans, et je trouve que c'est tranquille au Canada, que les marchés sont paresseux. Prenons l'exemple des épiceries, dont on a parlé aujourd'hui. On y voit des choses surprenantes. D'abord, les marges sont élevées. Ici, on trouve qu'une marge de 5 %, ce n'est pas beaucoup. En réalité, elles se situent à environ 2 % aux États‑Unis et à 1 % en Europe. La marge réalisée au Canada est donc très élevée.
Par ailleurs, les grands acteurs pratiquent ici des politiques identiques. Ils ont tous des supermarchés qui se ressemblent. Les gens se plaignent-ils des prix trop élevés? On ouvre alors des supermarchés où on agrandit la gamme, avec Maxi et Super C, par exemple. Aux États‑Unis et en Europe, les modèles d'affaires sont beaucoup plus diversifiés.
Il y a des entrants. Whole Foods peut se situer dans le marché haut de gamme. De temps à autre, il va mener une guerre des prix. Au bas de la gamme, il va y avoir un supermarché à prix moindres qui va de temps à autre dire qu'il offre lui aussi de la qualité. Les supermarchés ont donc chacun leur modèle d'affaires et ils s'attaquent.
Dans ces marchés, il faut arriver à une situation où les entreprises craignent ce que les autres vont faire, plutôt qu'à une situation où les entreprises peuvent prévoir facilement ce que les autres vont faire, comme c'est le cas ici aujourd'hui.
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Je le ferai, monsieur le président. Je vais donc laisser partir nos invités également.
Cependant, je veux m'assurer de consigner officiellement quelque chose au sujet des 60 %. Le Comité s'est penché sur une situation qui comportait un seuil de 60 %, et il s'agissait de Supérieur Propane. L'entreprise a utilisé la défense fondée sur les gains d'efficience, ce qui a eu des répercussions sur les collectivités rurales en particulier.
Au sein du Comité, je pense que nous aurions même fait une recommandation ou travaillé sur ce sujet dans le passé en ce qui concerne Supérieur Propane, car il s'agissait d'une question importante dont nous avons traité dans l'étude sur le sujet auparavant.
Merci, monsieur le président, et je vais laisser tout le monde disposer de ses deux minutes supplémentaires maintenant.