Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
Je vous souhaite la bienvenue à la troisième réunion du Comité permanent de l'industrie et de la technologie de la Chambre des communes.
Conformément à l'article 108(2) du Règlement et à la motion adoptée par le Comité le jeudi 20 janvier, le Comité se réunit pour commencer son étude sur les minéraux critiques.
La réunion d'aujourd'hui se déroule sous forme hybride, conformément à l'ordre de la Chambre adopté le jeudi 25 novembre 2021. Les membres peuvent y participer en personne ou au moyen de l'application Zoom.
Je profite de l'occasion pour rappeler à tous les participants et observateurs qu'il n'est pas permis de faire des captures d'écran ou de prendre des photos de leur écran.
Compte tenu de la pandémie, et à la lumière des recommandations des autorités sanitaires ainsi que de la directive émise par le Bureau de régie interne le 19 octobre 2021, pour assurer la bonne santé et la sécurité de tous, il est recommandé que toux ceux qui participent à la réunion en personne suivent les conseils suivants: toute personne qui présente des symptômes doit participer à la réunion au moyen de l'application Zoom et ne pas y assister en personne; chacun doit maintenir une distance physique de deux mètres; chacun doit porter un masque non médical lorsqu'il circule dans la pièce; et toutes les personnes présentes doivent maintenir une bonne hygiène des mains en utilisant le désinfectant à l'entrée de la salle. Les salles des comités sont nettoyées avant et après chaque réunion. En tant que président, avec l'aide du greffier qui est présent à Ottawa, je ferai appliquer ces mesures durant toute la réunion.
J'aimerais aussi profiter de l'occasion pour présenter et remercier les témoins qui se joignent à nous de façon virtuelle: M. Jeffrey B. Kucharski, professeur associé à la Royal Roads University; M. Guy Saint‑Jacques, ancien ambassadeur du Canada en République populaire de Chine; M. Wesley Wark, agrégé supérieur au Centre for International Governance Innovation; M. Flavio Volpe, représentant de l'Association des fabricants de pièces d'automobile; et M. Nikos Tsafos, titulaire de la chaire James R. Schlesinger en énergie et en géopolitique pour le Center for Strategic and International Studies.
Chers témoins, je vous rappelle que vous aurez cinq minutes pour faire vos remarques. Par la suite, les députés pourront vous poser des questions.
Enfin, j'en profite pour informer mes collègues députés que j'aimerais prendre cinq ou dix minutes à la fin de la réunion pour adopter le rapport qui a été soumis et distribué aux membres. Il s'agit du rapport du sous-comité qui s'est tenu hier. Je demande donc aux membres de garder cela en tête.
Sans plus tarder, je donne la parole à M. Kucharski, pour ses remarques.
Bonjour, mesdames et messieurs les députés. C'est un honneur de pouvoir m'adresser à vous aujourd'hui.
Le lithium figure sur la liste de 31 minéraux considérés par le Canada comme critiques pour la prospérité économique durable du pays et de ses alliés et pour le positionner en tant que chef de file de l'exploitation minière. Neo Lithium n’est pas la première société canadienne d’extraction de lithium acquise par une entreprise chinoise. J'ai déposé plusieurs exemples d'entreprises canadiennes d'extraction de lithium achetées par des entreprises chinoises ces trois ou quatre dernières années.
La politique industrielle du gouvernement chinois, appelée « Fabriqué en Chine 2025 », vise la domination mondiale de la Chine dans les secteurs de la fabrication de produits de haute technologie, dont les batteries, les véhicules électriques et les technologies liées aux énergies renouvelables. La stratégie derrière cette politique repose entre autres sur la mobilisation des entreprises d’État pour acquérir de la propriété intellectuelle, des technologies et des actifs à l’étranger dans le but de supplanter l’Occident. Garantir l’accès au lithium et à d’autres réserves de minéraux critiques est essentiel à la concrétisation de « Fabriqué en Chine 2025 ».
Je n'avance pas que cette transaction aurait dû être bloquée parce que le lithium de cette entreprise aurait inéluctablement été utilisé au Canada. À l'heure actuelle, il n'y a pas d'industrie nationale du lithium qui pourrait s'en prévaloir, mais il n'y en aura jamais si nous permettons la vente de toutes nos entreprises d'extraction de lithium et n'adoptons pas une stratégie pour la création d'une chaîne d'approvisionnement nationale. Si nous permettons la vente de notre industrie du lithium, nous minons également notre soutien au développement de technologies dont nous aurons besoin dans notre transition vers les énergies propres.
Le problème vient en partie de l'évaluation au cas par cas de ces acquisitions par le gouvernement. Comme l'a dit le ministre, c'est le bien-fondé de chacune qui est évalué. Le hic, c'est qu'on semble faire abstraction de la vue d'ensemble. Cette acquisition s'inscrit en effet dans une tendance plus large d'acquisitions au Canada par les entreprises chinoises dans ce secteur.
Comment le Canada arrivera-t‑il à établir une chaîne d'approvisionnement en lithium, voire pour tout autre minéral critique, quand il permet l'acquisition d'actifs d'entreprises canadiennes par un pays qui souhaite consolider sa dominance dans le secteur? Si chaque transaction est évaluée en vase clos, sans tenir compte des acquisitions antérieures ni de ce que le pays doit faire pour créer une chaîne d'approvisionnement fiable à long terme, comment peut‑on s'attendre à jouer un jour un rôle dans ce secteur?
J'estime que le gouvernement devrait revoir le processus d’examen relatif à la sécurité nationale et fournir des lignes directrices plus détaillées quant au type d’investissements et au genre de situations qui pourraient automatiquement entraîner un examen relatif à la sécurité nationale. Par exemple, les acquisitions par des entreprises d'État ou contrôlées par celui‑ci, surtout les entreprises chinoises, devraient-elles faire automatiquement l'objet d'un examen relatif à la sécurité nationale? Et il y a aussi la question de la concordance de notre examen relatif à la sécurité nationale avec la stratégie canadienne en matière de minéraux critiques.
Voilà qui conclut ma déclaration. Merci beaucoup de votre attention.
Bonjour, mesdames et messieurs, membres du Comité permanent de l'industrie et de la technologie.
Je vous remercie de m'avoir invité à témoigner devant vous aujourd'hui.
Je vais faire ma présentation en anglais, mais je serai heureux de répondre à vos questions dans les deux officielles.
[Traduction]
D'abord, j'aimerais traiter de la politique de développement économique de la Chine. Depuis le début des années 2000, la Chine incite ses entreprises d'État à investir à l'étranger pour garantir un approvisionnement à long terme en pétrole, en gaz naturel et en minéraux, y compris en minéraux critiques. J'aimerais préciser que la majorité des quelque 90 milliards de dollars investis par la Chine au Canada ont trait à ces ressources. Et, en toute justice, j'ajouterais que beaucoup de collectivités ont bénéficié de ces investissements.
Comme on l'a déjà dit, la Chine applique une stratégie de double circulation qui vise, d'une part, à réduire sa dépendance par rapport aux technologies et produits étrangers — ce qui est manifestement le but de la politique Fabriqué en Chine 2025, axée sur l'autosuffisance accrue de la Chine dans 10 secteurs technologiques clés — et, d'autre part, à faire d'elle un pays exportateur net de haute technologie. Comme on l'a dit, cela comprend les nouveaux véhicules, les batteries électriques et l'énergie renouvelable. Cette politique rend encore plus nécessaire l'accès garanti aux minéraux critiques, dont le lithium.
Pour atteindre ces objectifs, la Chine offre à ses entreprises d'État des subventions, des crédits d'impôt, des prêts bon marché et ainsi de suite. Nous savons également qu'elle ne respecte pas les règles du commerce international. Par exemple, les entreprises étrangères sont désavantagées en Chine. Elles demeurent exclues de beaucoup de secteurs ou y ont un accès extrêmement restreint. Pour la Chine, le commerce est également une arme, comme on a pu le voir après l'arrestation de Meng Wanzhou. Le Canada a perdu 4,5 milliards de dollars en exportations vers la Chine en 2019. Plus récemment, l'Australie a fait l'objet de droits de douane injustifiés dans cinq secteurs parce qu'elle a demandé une enquête exhaustive sur l'origine de la COVID‑19.
Cela dit, la Chine voit le Canada comme un fournisseur fiable de minéraux. Nos exportations en Chine en 2021 établiront probablement un record, puisque, en novembre, elles étaient en hausse de 17,5 % par rapport à l'année dernière, à 26,6 milliards de dollars, ce qui n'est que 1,12 milliard de dollars de moins que le record précédent, établi en 2018. Cette hausse est en grande partie due à l'augmentation des exportations de charbon à coke, de cuivre et de minerai de fer. Je soulignerais également que nombre de minières chinoises privées sont cotées en bourse au Canada, puisqu'il est plus facile d'y rechercher du capital que chez elles.
Maintenant, permettez-moi de parler de l'acquisition de Neo Lithium par la Zijin Mining Group Ltd. Pour moi, la question clé est de savoir où se trouvent les activités de Neo Lithium. Elle n'a pas de mine au Canada, mais détient un projet minier en Argentine. J'avoue que j'ai du mal à cerner la menace directe à la sécurité nationale que pose cette acquisition. En outre, nous avons une politique de libre marché, et les entreprises peuvent gérer leurs affaires comme bon leur semble.
Le gouvernement aurait‑il dû se préoccuper davantage de cette affaire, de cette acquisition? Je crois que cela soulève une question plus générale et importante: quelle est la politique du gouvernement fédéral pour soutenir la production de minéraux critiques au Canada et quelles mesures concrètes le pays peut‑il prendre avec ses alliés, par exemple, dans le cadre de l'initiative américaine de gouvernance des ressources énergétiques ou le plan d’action Canada–États-Unis pour la collaboration dans le domaine des minéraux critiques? Voilà où nous devrions investir plus d'attention et d'efforts.
Merci pour votre attention. Je serai heureux de répondre à vos questions.
Monsieur le président, membres du Comité, je suis heureux de pouvoir témoigner dans le cadre de votre étude importante sur l'examen en matière de sécurité nationale de l'acquisition de Neo Lithium par l'entreprise chinoise Zijin Mining.
Je ne vais pas m'attarder au moment où la transaction a eu lieu ni à ses détails, car je crois que le Comité les connaît bien, mais je serai heureux d'y revenir pendant la période de questions.
Je n'irai pas par quatre chemins: selon moi, la décision de ne pas soumettre cette transaction à un examen officiel approuvé par le gouverneur en conseil en matière de sécurité nationale était une erreur. Il convient par ailleurs de souligner que le ministre ne s'est même pas prévalu de la période supplémentaire de 45 jours prévue par la loi pour établir si l'acquisition par Zijin Mining pouvait porter atteinte à la sécurité nationale.
La décision annoncée est finale, mais il me semble que ce dossier est une source de leçons importantes en prévision de futurs examens relatifs à la sécurité nationale. J'aimerais poursuivre en cernant rapidement au Comité quatre de ces leçons.
La première a trait à la vision stratégique, à laquelle les autres témoins ont fait référence. J'estime que l'examen relatif à la sécurité nationale doit être encadré par une stratégie nationale cohérente en matière de sécurité économique. Cette stratégie demeure embryonnaire et n'est donc pas en place. On nous a également promis une stratégie sur les minéraux critiques, qui se fait attendre elle aussi. Cette stratégie sera importante pour traiter du potentiel canadien, surtout dans le Nord, mais aussi pour détailler l'approche canadienne dans ses efforts conjoints avec les États-Unis, et pour tenir compte des tendances troublantes déjà soulignées quant à la concentration mondiale du traitement des minéraux critiques, où la Chine est confortablement en avance, pour ne pas dire qu'elle en détient le quasi-monopole. L'absence d'un tel cadre stratégique nourrit la confusion autour de la tenue d'examens relatifs à la sécurité nationale au titre de la Loi sur Investissement Canada.
La concrétisation des intentions est le deuxième élément que je soulignerais. La mise à jour des Lignes directrices sur l'examen relatif à la sécurité nationale des investissements a été publiée le 24 mars 2021. Elles stipulent que le gouvernement examinera de plus près tous les investissements étrangers effectués par des investisseurs d'État et que le ministre peut tenir compte de l' « incidence possible de l'investissement sur les minéraux critiques et les chaînes d'approvisionnement en minéraux critiques ». Le lithium figure bien entendu dans la liste des minéraux critiques dressée par le gouvernement.
Dans la lettre de mandat du ministre de l'Innovation, des Sciences et de l'Industrie, publiée le 16 décembre 2021, on trouve diverses directives pertinentes, y compris l'utilisation de la Loi sur Investissement Canada « pour assurer la protection et la mise en valeur de nos minéraux critiques ». La conception d'une stratégie canadienne sur les minéraux critiques est demandée. On y parle aussi de la promotion de la sécurité économique, de la nécessité de moderniser la Loi sur Investissement Canada pour renforcer le processus d'examen en matière de sécurité nationale et de la protection des entreprises à forte intensité de propriété intellectuelle. Toutefois, il m'apparaît y avoir des écarts majeurs entre ces promesses et énoncés de politiques récents et leur mise en œuvre. Il faut remédier à cette situation de toute urgence.
Le troisième élément porte sur la tenue de plus d'examens relatifs à la sécurité nationale au titre des dispositions de l'article 25.3 de la Loi sur Investissement Canada ou LIC. Le rapport annuel concernant l'application de la LIC pour l'exercice 2019-2020 indique que, depuis 2009, moins de 1 % des dossiers d'investissement ont été assujettis à un décret en vertu de la LIC. Ils sont donc rares, mais ne devraient pas l'être, surtout dans un contexte où la nature des menaces à notre sécurité économique est en mutation et à la lumière des avantages associés à un examen plus en profondeur. Tout investissement étranger direct susceptible de compromettre la sécurité nationale, comme dans le cas de Neo Lithium, devrait à tout le moins être soumis à la période supplémentaire d'examen de 45 jours prévue à l'article 25.2 de la LIC, afin que l'on puisse adéquatement établir si un examen approfondi relatif à la sécurité nationale s'impose.
Le quatrième et dernier élément est celui de la transparence accrue. Le processus d'examen relatif à la sécurité nationale au titre de la LIC est une entreprise opaque. Il est rare qu'on dise quoi que ce soit aux Canadiens sur le raisonnement qui sous-tend les décisions prises à toutes les étapes du processus d'examen relatif à la sécurité nationale. À mon avis, les explications fournies par le secrétaire parlementaire au Comité la semaine dernière n'étaient pas convaincantes et devraient faire l'objet d'un examen critique. Comme la décision sur Neo Lithium le montre, une plus grande transparence mène à la contestation, qui s'avère utile, et à la prévention possible de résultats décevants et d'un raisonnement bancal. J'ajouterais qu'une plus grande transparence dans la communication des facteurs décisionnels des examens relatifs à la sécurité nationale serait conforme à l'engagement du gouvernement sur la transparence en matière de sécurité nationale annoncé en 2017.
(1445)
En conclusion, l'examen relatif à la sécurité nationale au titre de la LIC doit être repensé de toute urgence afin d'assurer une plus grande sécurité économique au Canada. Je suis persuadé que le gouvernement a abordé l'acquisition de Neo Lithium d'après un cadre beaucoup trop étroit, qu'il a mal évalué son incidence sur la sécurité nationale et économique, tant actuelle que future, et qu'il a failli à concrétiser ses engagements stratégiques, en plus d'être dans une longue période de transition politique au moment d'examiner la transaction. Bref, toutes ces circonstances ont, selon moi, mené à la mauvaise décision.
Je remercie le président et les membres de m'avoir invité à nouveau à témoigner devant le Comité.
Je suis très heureux d'avoir été précédé par mon ancien professeur à l'Université de Toronto, où l'une de mes premières leçons en relations internationales a porté sur la crise du détroit de Taïwan. Cela a été ma première véritable incursion dans la dynamique de l'équilibre des forces entre les États‑Unis et la Chine. Presque 30 ans se sont écoulés depuis la crise et voici où nous en sommes en raison de la prédominance de cette interaction sur la politique industrielle et étrangère du Canada et, plus particulièrement, sur notre stratégie en matière de minéraux critiques.
Je pense que vous m'avez invité ici parce que le monde se tourne vers l'électrification. Dans l'industrie du transport, mon association représente des fabricants qui expédient 35 milliards de dollars de produits par année et qui emploient 100 000 personnes. Les fournisseurs canadiens de pièces et de systèmes aux États‑Unis et au Mexique emploient 86 000 personnes de plus. Il s'agit d'un élément central de l'électrification et de la danse à laquelle se livrent les grands pays du monde et les fabricants d'automobiles, qui sont tous dans la course vers un avenir carboneutre.
Si nous voulons que le Canada continue à jouer un rôle de premier plan dans le secteur de l'automobile — et nous nous classons actuellement au 10e rang des producteurs mondiaux d'automobiles, et ce, même si nous n'avons pas de constructeur automobile canadien —, nous devons faire deux choses. Nous devons être en mesure d'assurer la transition des entreprises qui fournissent 35 milliards de dollars de produits par année aux constructeurs automobiles actuels vers les nouvelles chaînes d'approvisionnement en composants de véhicules sans émissions. Trente pour cent des appareils assemblés dans les usines canadiennes sont des groupes motopropulseurs traditionnels, des moteurs à combustion interne et des transmissions. Nous devons miser sur les entreprises locales qui feront la transition vers la fabrication de moteurs, de boîtes de vitesse électroniques et de batteries.
En ce qui concerne les batteries, nous devons extraire, traiter et convertir localement les minéraux essentiels en composants déployables. Avant d'occuper mon poste actuel et dans le cadre de mon cheminement professionnel, c'est‑à‑dire entre ma première rencontre avec le professeur Wark et celle d'aujourd'hui, j'ai enseigné le commerce international au Collège Humber, j'ai travaillé dans ce domaine au Canada en tant que directeur national du plus grand promoteur européen de projet d'énergies renouvelables, j'ai travaillé en étroite collaboration avec le ministre du Développement économique et du Commerce international à l'échelle provinciale pendant une crise financière mondiale et j'ai été un intervenant clé de l'industrie dans les deux plus importantes négociations commerciales auxquelles le Canada a participé au cours des 5 à 10 dernières années, soit le Partenariat transpacifique et l'ACEUM.
Dans tous ces cas, la Chine a été le plus grand perturbateur du marché, l'éléphant dans la pièce et le facteur dont nous devions tenir compte lorsque nous saisissions des occasions dans le cadre de la sphère américaine.
Nous sommes ici en raison de l'entente conclue par Neo Lithium et de la question d'un examen de la sécurité nationale. Je laisserai les experts se pencher sur les principes de l'examen de la sécurité nationale et j'ajouterai notre point de vue sur la question sur le plan des composants.
Les actifs déployables potentiels se trouvent dans une mine en Argentine. C'est du carbonate de lithium plutôt que de l'hydroxyde de lithium, le produit chimique qui est préféré. Même si nous ne produisons pas encore des éléments de batterie au Canada qui pourraient aller dans les batteries utilisées dans les véhicules électriques et nous ne construisons pas encore ces véhicules électriques, nous pensons qu'il y aura une véritable capacité d'ici 18 à 36 mois, notamment au Québec.
Le mot magique dans les stratégies en matière de minéraux critiques pour le secteur de l'automobile est local. Nous avons besoin d'extraire des minéraux critiques. Nous avons besoin de traiter des minéraux critiques. Nous avons besoin de fabriquer des éléments de batterie et ensuite d'assembler des batteries, car nous avons tous souscrit au nouvel ACEUM au Canada et ses règles d'origine comprennent une équation pour calculer le pourcentage de contenu régional qui doit être respecté pour les composants des véhicules électriques et les batteries. Tous ces éléments sont axés sur l'approvisionnement à l'échelle locale. Aucun lithium ou autre matériau critique ne peut provenir de l'extérieur de l'Amérique du Nord et être exporté de la région sans droits de douane.
Il n'y a aucun avantage pour l'industrie automobile canadienne et ses fournisseurs à s'approvisionner en lithium à l'extérieur de l'Amérique du Nord et il n'y a aucun avantage rentable à assumer les coûts d'importation. Il s'agit des composants les plus coûteux du véhicule, tant sur le plan du traitement que de l'assemblage, et ce sont également les produits les plus gros et les plus difficiles à transporter de leur lieu de production au lieu d'assemblage final.
(1450)
De plus, les entreprises s'appuient sur un comportement réglementaire prévisible et stable. Certaines personnes dans notre secteur ont estimé que le fait de bloquer cette entente permettrait de bloquer la vente d'actifs étrangers.
Il existe de nombreux moyens de contribuer à la lutte contre la domination croissante de la Chine dans ce domaine. Étant donné la fragilité actuelle du commerce entre nos deux pays dans le secteur de l'automobile, notre industrie ne recommande pas au Canada de se battre pour des actifs qui se trouvent à l'autre bout du monde.
Monsieur le président, je vous remercie de m'avoir invité à témoigner devant le Comité.
Je m'appelle Nikos Tsafos. Je suis titulaire de la chaire James R. Schlesinger en géopolitique et énergie du Center for Strategic and International Studies à Washington, D.C. J'ai passé ma carrière à l'intersection de l'énergie et de la géopolitique, et je suis donc reconnaissant d'avoir l'occasion de partager quelques réflexions sur l'importance des minéraux critiques pour la transition énergétique. J'aimerais vous faire part de quatre points.
Premièrement, nous ne pouvons pas réduire les émissions de gaz à effet de serre sans minéraux critiques. Ces deux éléments vont de pair. Selon certaines estimations, la demande mondiale de minéraux critiques pourrait sextupler d'ici 2050. Pour certains produits, comme le cobalt, le nickel et le lithium, la croissance prévue est encore plus grande. Quels que soient les chiffres réels, la direction que prendront les choses ne fait aucun doute. Selon les technologies actuelles, la décarbonisation est impossible sans davantage d'exploitation minière.
Deuxièmement, les minéraux critiques deviendront progressivement plus importants que les hydrocarbures. À l'heure actuelle, le commerce international de l'énergie traite principalement du pétrole et du gaz. Un jour, le commerce des minéraux critiques supplantera celui des combustibles fossiles. Les gens comme moi qui étudient la sécurité énergétique et qui s'intéressent actuellement au Moyen‑Orient ou à la Russie s'intéresseront un jour au triangle du lithium en Amérique du Sud. Ils se concentreront sur l'Australie, le Chili, l'Indonésie et la République démocratique du Congo. Nous aurons besoin de nouvelles cartes mentales pour traiter ce monde et y penser.
Ces flux mondiaux créeront de nouveaux liens et de nouvelles dépendances. Nous pouvons également nous attendre à ce qu'ils créent des tensions. Qui peut exploiter cette ressource? Qui en bénéficie? Qui en assume les coûts? Nous pouvons déjà voir les fissures de l'exploitation minière partout dans le monde, de la Serbie à la Bolivie et de l'Indonésie au Nevada, ici aux États‑Unis. Il s'agit d'une histoire mondiale, mais les politiques et les tensions sont locales.
Troisièmement, la Chine s'est déjà placée dans une position dominante dans le domaine des minéraux critiques. La Chine produit certains minéraux, mais sa domination découle réellement de la partie de la chaîne de valeur qui touche à la transformation. C'est en Chine que les produits de base sont transformés en produits utiles. Cette capacité accorde à la Chine et à l'industrie chinoise un avantage concurrentiel dans de nombreux secteurs qui seront essentiels à la transition énergétique. Nous ne pouvons pas parler des minéraux critiques sans parler de la Chine.
Cela m'amène à mon quatrième et dernier point. L'Occident a vraiment besoin d'une stratégie pour les minéraux critiques. Pour autant que je sache, le but ultime est clair. Nous voulons un approvisionnement adéquat de minéraux critiques qui sont produits de manière responsable et dont les coûts et les bénéfices sont répartis équitablement entre les entreprises, les gouvernements et les populations locales. Nous avons également besoin de chaînes d'approvisionnement résilientes et non de chaînes d'approvisionnement situées exclusivement en Chine. Il y a beaucoup de travail à faire à cette fin — pour accroître l'offre et renforcer les capacités et la gouvernance —, mais notre objectif le plus important est de faire en sorte que les entreprises occidentales aient accès aux minéraux nécessaires à l'économie verte.
Il est impossible d'exclure la Chine des chaînes d'approvisionnement, mais des chaînes d'approvisionnement dominées par la Chine sont inacceptables. Les minéraux critiques et les industries qui en dépendent sont trop importants pour être laissés à eux-mêmes. Les gouvernements occidentaux doivent s'attaquer ensemble à ces questions, car les enjeux sont trop importants pour qu'ils adoptent une autre approche.
Je vous remercie de me donner l'occasion de m'adresser au Comité sur ce sujet important. J'ai hâte de répondre à vos questions.
Ma première question s'adresse à vous, monsieur Wark. Vous avez exprimé de sérieuses inquiétudes quant au fait que le gouvernement ne suit pas ses politiques déclarées. Pendant la pandémie de COVID, le gouvernement a supposément renforcé ses politiques visant à protéger notre approvisionnement en minéraux critiques et notre accès à ces minéraux. Le Canada a également travaillé avec les États‑Unis afin d'établir une approche plus cohérente en ce qui concerne l'approvisionnement et les chaînes d'approvisionnement qui fournissent des minéraux critiques à bon nombre de nos industries, y compris l'industrie automobile.
Croyez-vous que la transaction de Neo Lithium est conforme aux lettres de mandat des ministres ou aux politiques qui sont actuellement en place pour protéger les minéraux critiques?
Monsieur le président, merci de me donner la possibilité d'y répondre.
Pour reprendre ce que j'ai dit dans mon témoignage, je ne trouve pas que la décision de ne pas mener un examen formel de la sécurité nationale était appropriée dans le contexte de cette acquisition, d'une valeur de près d'un milliard de dollars selon les médias. Je dirais en particulier qu'il me semble que certaines des lignes directrices déjà établies par le gouvernement sur la façon dont il veut aborder cette question, en dehors des promesses qu'il a faites de créer des choses comme une stratégie de sécurité économique, de renforcer les ressources de l'examen de la sécurité nationale et d'élaborer une stratégie des minéraux critiques... Vous savez, ce sont toutes des promesses importantes, mais comme je l'ai dit dans mon témoignage, je pense qu'il y a un écart significatif entre les promesses et leur réalisation dans la réalité, et je crains qu'il ne s'élargisse.
En réponse à votre question, je voudrais juste faire une remarque particulière, qui renvoie également à certains des autres témoignages que le Comité a entendus. Je ne considère pas qu'il soit terriblement pertinent dans le cadre d'un examen de la sécurité nationale que Neo Lithium possède un actif minier important en Argentine et qu'elle soit engagée dans un projet pilote d'usine d'extraction.
Conformément à mes propres commentaires sur la nécessité d'adopter une approche plus large, plus stratégique et plus axée sur l'avenir à l'égard des examens de la sécurité nationale, je crois qu'il est primordial de comprendre ce que l'on perd lorsque l'on permet à une entreprise canadienne, ou à une entreprise qui fait du commerce au Canada et qui est basée en partie au Canada, de passer aux mains d'une entreprise d'État chinoise. Nous perdons des capacités futures. Nous perdons de la propriété intellectuelle, du savoir-faire technologique et un avenir inconnaissable, éléments essentiels au développement économique du Canada et à notre transition vers une économie verte. Je pense que tous les témoins que vous avez entendus en conviendront. Dans ce contexte, je pense que l'étroitesse de l'approche apparemment adoptée dans ce processus d'examen a été pleinement exposée et s'est avérée inappropriée.
Monsieur Kucharski, vous avez mentionné que d'autres transactions relatives au lithium ont eu lieu au cours des trois ou quatre dernières années. Savez-vous si l'une d'entre elles a fait l'objet d'un examen de la sécurité nationale?
Oui, j'en connais quelques-unes. J'ai fait quelques recherches de base sur d'autres acquisitions dans le secteur du lithium au Canada et j'ai trouvé deux ou trois exemples, que j'ai mentionnés dans mon mémoire au Comité.
Je ne sais pas encore si ces acquisitions ont fait l'objet d'un examen de la sécurité nationale. Je n'ai pas trouvé de référence à des examens entrepris dans ces cas, mais je ne connais pas tous les faits à ce sujet. J'aimerais en fait me pencher un peu plus sur la question.
Monsieur Tsafos, vous venez des États-Unis, mais je crois que vous avez un vif intérêt à ce que les États-Unis collaborent avec leurs alliés afin d'assurer leur approvisionnement en minéraux critiques pour nos industries clés. Étant donné que cette transaction a été approuvée sans examen de la sécurité nationale, pensez-vous que cette décision de ne pas procéder à un tel examen était conforme aux accords que les gouvernements américain et canadien ont conclus en matière de coopération dans ce domaine?
Comme vous l'avez souligné, je vis aux États-Unis — je ne suis pas Canadien — et je répondrai donc à cette question avec un certain recul. Le point clé que j'aimerais soulever est la question plus générale qui se pose ici: devrions-nous nous soucier de savoir qui est en possession du lithium et qui en produit dans le monde? Je pense qu'au cours des deux dernières années, en particulier aux États-Unis, on a pris conscience que l'indifférence face à cette question, le fait de ne pas y prêter attention, a coûté très cher.
Je serai très franc: Washington n'a pas encore proposé de stratégie globale pour traiter les minéraux critiques, les sauvegarder et les obtenir. C'est une partie du travail que notre groupe de réflexion essaie de faire ici à Washington. À mon avis, cette stratégie supposerait de travailler avec des alliés clés comme le Canada, l'Australie et les pays de l'Union européenne pour essayer de réfléchir à la manière dont ces chaînes d'approvisionnement peuvent évoluer au fil du temps afin d'être beaucoup plus diversifiées par rapport à la Chine qu'elles ne le sont aujourd'hui.
Ce serait la position stratégique que j'attendrais des États-Unis. Nous avons vu diverses institutions américaines, y compris la Development Finance Corporation, accorder des fonds à des entreprises qui tentent de diversifier ces chaînes d'approvisionnement. Ce serait un objectif fondamental des États-Unis à poursuivre en partenariat avec des alliés comme le Canada.
C'est un marché mondial. C'est la même chose que pour le pétrole. Si quelque chose se produit quelque part dans le monde, nous sommes tous concernés. Au fil du temps, c'est ce qui va se passer avec ces minéraux critiques. Nous ne le voyons peut-être pas aujourd'hui, car ils ne représentent qu'une petite partie du marché, mais c'est ce vers quoi nous nous dirigeons. La question stratégique qui se pose est la suivante: devons-nous nous soucier de savoir qui possède ce marché de plusieurs centaines de milliards de dollars et l'accès aux minéraux critiques qui renforceront une douzaine d'industries à l'avenir? Devons-nous nous soucier de savoir qui contrôle ces industries? Je pense que oui.
Merci aux témoins de prendre le temps de partager leurs connaissances et leur point de vue. Nous leur en savons gré.
Je voudrais juste faire le lien avec ce que M. Kucharski et M. Wark ont mentionné au sujet des lignes directrices de la Loi sur Investissement Canada pour un examen de la sécurité nationale. Je suis heureux de vous annoncer que ces lignes directrices ont été mises à jour en mars 2021. Les nouvelles mises à jour tiennent compte de l'incidence potentielle des investissements et des dessaisissements de minéraux critiques. Les changements répondent également aux préoccupations qui découlent des investissements visant des domaines technologiques sensibles dans les minéraux critiques et également aux investissements réalisés par des investisseurs appartenant à l'État et même influencés par l'État.
L'examen ministériel qui a, en fait, été mené sur la transaction a bénéficié de ces mises à jour et de ces changements. Dans ce contexte, un examen de la sécurité nationale n'a pas été lancé. Je pense qu'il est important de le souligner.
Je dirai que tous les membres de ce comité veulent que le Canada tire le meilleur parti possible de ses minéraux critiques, notamment en participant activement à la transition vers une économie verte dans laquelle les batteries auront un rôle à jouer. C'est, bien sûr, la raison pour laquelle nous sommes impatients de réaliser notre étude sur les minéraux critiques, qui servira ensuite à élaborer la stratégie sur les minéraux critiques. Nous sommes tous pressés de nous y mettre. Cette étude attend en coulisses.
Je vais maintenant parler du lithium, si vous me le permettez.
Monsieur Kucharski, j'aimerais vous demander de répondre à deux questions. J'estime que le lithium est un minéral spécialisé qui est lié et adapté très précisément aux besoins des consommateurs. Il diffère d'un produit de base flexible, comme le minerai de fer, par exemple, qui pourrait prendre de nombreuses formes. L'hydroxyde de lithium, par opposition au carbonate de lithium ou à la saumure de lithium, est le type de lithium privilégié pour les véhicules électriques. À titre d'exemple, Tesla construit actuellement une raffinerie d'hydroxyde de lithium au Texas, à côté de son usine de batteries. Elle l'approvisionnera exclusivement en lithium de roche dure.
Primo, est‑ce que toutes les sources ou tous les types de lithium ont la même valeur stratégique pour le Canada? Secundo, selon vous, si la vente n'avait pas eu lieu, le Canada aurait‑il eu un recours pour que les mineurs argentins qui extraient du lithium en Argentine soient obligés de le vendre au Canada?
Je ne suis pas ingénieur minier, donc je ne peux pas répondre à des questions techniques précises sur les différences entre l'hydroxyde de lithium et le carbonate de lithium, mais je crois savoir que ces deux éléments peuvent être utilisés et convertis en matériaux utilisés dans les batteries au lithium-ion. Je pense que d'autres intervenants de ce groupe l'ont également dit. Je considère donc qu'il s'agit dans les deux cas d'intrants de lithium pour la production de batteries électriques et donc des minéraux critiques soumis au champ d'application de la loi.
Pourriez-vous me rappeler rapidement votre seconde question?
Bien sûr. Cette transaction a notamment fait craindre que le Canada renonce en quelque sorte à l'utilisation de ce lithium à des fins canadiennes — dans son industrie automobile, par exemple. C'est ce que nous a dit un des autres témoins. Aurions-nous eu un levier pour garder ces minéraux au Canada si nous avions empêché cette transaction?
Oui, je pense que M. Wark l'a également mentionné, mais il ne s'agit pas seulement du simple fait que les actifs — ou la mine en tant que telle — se trouvaient en Argentine. Non, le Canada ne peut pas ou ne devrait pas obliger une entreprise à ramener toute cette production au Canada — bien sûr que non.
Cependant, cette question s'inscrit dans un schéma plus large. Nous avons vu l'acquisition d'autres entreprises canadiennes de lithium, peut-être sans examen de la sécurité nationale. Nous constatons la domination de la Chine dans ce domaine. Nous constatons les efforts déployés par le Canada et nos partenaires et alliés pour renforcer l'approvisionnement en minéraux critiques afin de ne pas dépendre uniquement de la Chine et de ne pas être soumis à la coercition économique ou à d'autres moyens de pression exercés par ce pays, ce qu'il a déjà fait par le passé, notamment à l'encontre du Japon en 2010.
Ce que je veux dire, dans un contexte plus général, c'est que nous avons potentiellement perdu de la propriété intellectuelle, des connaissances en matière de gestion et une entreprise faisant partie d'une chaîne d'approvisionnement pour nous aider à construire notre propre chaîne d'approvisionnement ici au Canada.
Peut-être qu'à court terme, nous ne pourrons pas ramener ce lithium au Canada. Je ne le sais pas avec certitude, mais des entreprises comme celles‑là sont des éléments constitutifs d'une chaîne d'approvisionnement, alors je pense que le fait de permettre à ces entreprises de passer un examen de la sécurité nationale me semble étrange. Si vous prenez la situation stratégique dans son ensemble et pensez à ce que nous voulons faire à long terme, il me semble que nous aurions pu examiner cette acquisition dans un contexte stratégique plus vaste de construction de chaînes d'approvisionnement ici au Canada.
Si j'ai bien compris votre témoignage, la Chine a un plan efficace en matière de minéraux critiques et de développement de la haute technologie.
Le Canada et les États‑Unis — je me permets de les inclure — devraient-ils développer un plan stratégique commun en matière de minéraux critiques et de développement de la haute technologie?
Je pense que la réponse courte est, oui, quand il y a lieu de le faire. Il est ici question de nombreuses technologies, de nombreux minéraux. Certains pays les possèdent, d'autres pas. Certains pays ont des compétences industrielles que d'autres n'ont pas. Je ne pense pas que la réponse soit « chacun pour soi ». Nous pouvons tirer profit du commerce et de la collaboration, mais il me semble qu'il vaut la peine de chercher à avoir des compétences industrielles et des chaînes d'approvisionnement sérieuses qui ne sont pas dominées par la Chine ou qui ne passent pas exclusivement par elle.
Comme nous le faisons valoir ici aux États-Unis, cela ne signifie pas que tout doit être produit aux États-Unis, mais si vous devez produire à l'étranger, vous pourriez le faire avec des investisseurs américains, des investisseurs canadiens et d'autres investisseurs occidentaux. Il existe de multiples façons de contribuer à une chaîne d'approvisionnement qui ne se limite pas à la production nationale.
Selon vous, le gouvernement canadien devrait-il mieux soutenir les entreprises canadiennes qui exploitent des gisements de minéraux critiques à l'extérieur du Canada? Ce soutien devrait-il s'étendre davantage à l'approvisionnement et à la chaîne de valeur?
Vous avez déjà glissé un mot à ce sujet, mais j'aimerais en entendre davantage.
Oui, je peux peut-être parler aussi un peu du point de vue des États-Unis, parce que je pense que cela correspond un peu plus à mon expérience.
Le défi majeur avec la Chine à l'heure actuelle est qu'elle domine la transformation, soit l'étape où le minéral devient quelque chose d'utile. En conséquence, aujourd'hui, même aux États-Unis ou au Canada, si vous extrayez un minéral, il devra peut-être aller en Chine pour acquérir de la valeur. Vous devez réfléchir à votre position tout au long de la chaîne de valeur. Parfois, l'extraction elle-même ne vous apporte pas beaucoup de diversification si vous n'avez qu'un seul acheteur, la Chine, et que vous devez lui envoyer toutes vos matières premières.
Je pense qu'il est important de réfléchir à l'ensemble de la chaîne de valeur, et c'est là qu'il est possible de collaborer. Un pays peut détenir les minéraux. Un autre pays peut avoir les capacités de transformer les minéraux en produits utiles. Un troisième pays peut avoir les industries finales, qu'il s'agisse des industries de l'automobile ou des batteries. C'est le type de collaboration dont nous avons besoin, mais elle doit s'étendre à l'ensemble de la chaîne de valeur. L'extraction n'est que le début. Ce n'est pas là que réside la plus grande partie de la valeur; elle réside plutôt dans la capacité à accéder au minéral et, dans le cas du lithium, à le transformer en une batterie pour véhicule électrique.
Le lithium n'est pas vraiment payant. Certes, il y a de l'argent à gagner avec le lithium, mais c'est dans le produit final qu'il se trouve.
Selon vos observations, le Canada a-t-il une vision ou une stratégie nationale en matière de minéraux critiques?
De quelle façon le gouvernement du Canada pourrait-il favoriser le développement de cette stratégie, selon vous? Quelles seraient les étapes à suivre afin de mettre en place une stratégie nationale efficace?
Je ne prétendrai pas être placé pour critiquer la stratégie canadienne sur les minéraux critiques ou être un expert en la matière, mais je dirai que ce que nous avons constaté à bien des endroits — pas seulement aux États-Unis, que je connais très bien, ou en Europe, que je connais aussi très bien — c'est que nous avons tendance à penser à la transition énergétique et à essayer de mettre en place les produits finaux que nous voulons. Nous voulons des véhicules à énergie solaire, éolienne ou électrique, mais nous négligeons de penser à la chaîne d'approvisionnement qui permettra de fabriquer ces produits finaux. Nous accordons une subvention à ceux qui installent un panneau solaire ou une éolienne ou qui achètent une voiture électrique, mais nous ne mettons pas autant l'accent sur l'industrie pour nous assurer que le reste de la chaîne est construit dans le pays ou dans des pays alliés.
Je pense qu'il s'agit d'une lacune dans de nombreux pays, à l'exception peut-être de l'Australie, qui est un important producteur de nombre de ces minéraux critiques. C'est un domaine qui mérite une attention particulière.
Il faut aussi s'attacher, bien sûr, à trouver le bon équilibre entre les populations locales — en particulier les Premières Nations dans le cas du Canada ou les Aborigènes dans le cas de l'Australie — et les investisseurs étrangers pour fixer des normes environnementales élevées. Il est plus difficile d'y parvenir dans l'Ouest que dans certains pays qui n'adhèrent peut-être pas aux mêmes types de normes auxquels nous aimerions qu'ils adhèrent. Je pense qu'il s'agit là d'un autre domaine dans lequel le gouvernement doit réaliser un travail essentiel: s'assurer que nous pouvons rehausser les normes, mais sans le faire au détriment de la production, ce qui est parfois le cas.
Croyez-vous que le montant de la transaction de près de 1 milliard de dollars pour l'acquisition de Neo Lithium est un montant juste? Selon vous, est-ce que la Chine aurait payé davantage pour cette acquisition si le Canada avait manifesté de l'intérêt?
Je ne prétendrai pas avoir fait preuve de diligence raisonnable sur le projet afin d'être en mesure de proposer un prix équitable pour la transaction, mais je dirai deux choses. Premièrement, en ce qui concerne les prix du lithium, si vous regardez le graphique, vous constaterez qu'ils ont beaucoup augmenté, donc cette transaction serait très différente aujourd'hui de ce qu'elle était il y a trois, six mois ou un an.
Le point le plus important est que les prévisions montrent que les prix de ces minéraux critiques seront 30, 40, 50 ou 60 fois plus chers qu'ils ne l'étaient. Pour le lithium, l'Agence internationale de l'énergie pense que les prix pourraient être cent fois plus élevés qu'à l'heure actuelle.
Lorsque vous multipliez un marché par cent, il est très difficile de comprendre aujourd'hui à quoi ce marché ressemblera. Il est question d'une valeur énorme, et il est aussi question du développement des ressources dans de nombreux endroits où nous ne pensons pas que cette opération soit actuellement rentable. Si vous devez multiplier un montant par 100, vous devez vous tourner vers des ressources qui ne sont pas économiques aujourd'hui, de sorte que la valeur change au fil du temps. Nous l'avons vu avec les hydrocarbures. Nous allons voir la même chose avec les minéraux critiques.
Il y a 17 ans, j'ai demandé au Comité de se pencher sur cette question, car la China Minmetals Corporation dépensait 7 milliards de dollars pour racheter Noranda. Le premier ministre de l'époque, Paul Martin, pensait que c'était une bonne idée. C'était la première entreprise d'État à faire une telle chose. Le ministre de l'Industrie de l'époque, David Emerson, avait exprimé des réserves, pour ensuite reculer. Depuis, nous avons eu d'autres incidents liés à la Chine. Ma préoccupation que j'ai soulevée, à l'époque, portait sur nos sociétés de capital-investissement et d'autres acheteurs inconnus.
Ma première question s'adresse à M. Wark et à M. Kucharski.
Ne devrait‑il pas y avoir aussi une certaine transparence à cet égard, ou du moins un examen quelconque? Comment devons-nous composer avec cela, lorsque nous avons des co‑investisseurs? Je ne parle pas seulement de la Chine. Ce sont des gouvernements non démocratiques qui ont acheté des entreprises canadiennes. Ce que nous avons vu, c'est que les gouvernements successifs n'ont cessé de relever le seuil de déclenchement des examens. En même temps, à mon avis, nous risquons actuellement de perdre de jeunes entreprises sans examens ou vérifications, des processus qui sont sous-financés.
Il est tout simplement ironique, dans tout cela, que nous agissions ainsi en raison des véhicules électriques et des préoccupations connexes. Si on revient en arrière, comme je l'ai indiqué, il était même inacceptable que les Canadiens détiennent des actions de Petro-Canada, pour nos véhicules, lorsque nous l'avons vendue. Ensuite, si on fait un saut rapide jusqu'à aujourd'hui, nous avons même été obligés d'acheter des pipelines.
Et nous voilà encore en train de discuter du secteur de l'automobile et des conséquences sur le transport. Voici donc ce que j'aimerais savoir: devrions-nous ouvrir cela quelque peu, mais avec plus de rigueur, au lieu de nous concentrer uniquement sur la Chine?
Messieurs Wark et Kucharski, allez‑y, s'il vous plaît.
Je dirai simplement que je pense que, lorsqu'ils répondront aux questions demain, les fonctionnaires conviendront probablement que le processus d'examen de la sécurité nationale doit être plus robuste. On n'y accorde probablement pas les ressources nécessaires. Les évaluations du renseignement sur ces investissements directs étrangers sont très difficiles et très longues, et nous devons évidemment examiner ces questions avec nos alliés. C'est d'ailleurs une des raisons pour lesquelles je suis si surpris par la grande confiance démontrée par le gouvernement, au point où il n'a pas jugé bon de prolonger le délai avant la tenue d'un examen complet de la sécurité nationale pour une seconde période de 45 jours, comme il peut le faire.
J'aimerais également revenir sur votre commentaire au sujet de la perte de jeunes entreprises, car je pense que c'est très important, notamment dans l'industrie des minéraux critiques. Ce que nous perdons, avec le rachat de Neo Lithium par la Chine, à un prix assez extraordinaire, c'est une jeune entreprise. Neo Lithium est une petite entreprise minière. Son projet en Argentine est une sorte de projet pilote, une usine pilote d'extraction. L'entreprise a reconnu, comme le démontrent clairement ses documents transactionnels, qu'elle avait besoin de plus de capitaux ou d'un partenaire afin de pouvoir vraiment lancer ce projet.
Ce partenaire, elle l'a trouvé en une société minière chinoise et non en une société occidentale. Je pense qu'il est important — et cela aurait dû être un facteur important pour la tenue d'un examen de la sécurité nationale — de réfléchir à ce fait, ainsi qu'à l'importance de la perte de la capacité de cette jeune entreprise, car cela ne concerne pas qu'un actif minier en Argentine. Comme je l'ai indiqué, c'est une question de savoir-faire technologique et de propriété intellectuelle, ainsi qu'une question d'avenir, et nous nous sommes privés de cela faute d'avoir réfléchi à ces questions de façon plus approfondie.
J'ajouterais que, dans le cas présent, la société acheteuse, Zijin Mining, est une société contrôlée par l'État, ce qui aurait dû déclencher automatiquement un examen de la sécurité nationale, à mon avis. Sur le plan législatif — les lignes directrices —, j'aurais tendance à me concentrer principalement sur les entreprises d'État, chinoises ou autres, mais particulièrement les entreprises chinoises, en raison de la domination de la Chine dans le secteur des minéraux critiques, et aussi parce que la Chine a exploité sa position dominante, non seulement dans le secteur des minéraux critiques, mais aussi par rapport à la demande dans sa propre économie, pour contraindre ou influencer d'autres pays. Donc, le comportement de la Chine nous préoccupe particulièrement.
Comme je l'ai dit dans ma déclaration d'ouverture, je pense que les entreprises d'État ou les entreprises contrôlées par l'État, en particulier les sociétés de Chine, devraient automatiquement entraîner un examen relatif à la sécurité nationale. J'estime que dans ce cas précis, un examen aurait dû être effectué.
Nous savons que les entreprises d'État et les entreprises contrôlées par l'État bénéficient d'avantages injustes par rapport aux entreprises privées comme les entreprises canadiennes qui doivent rivaliser sur le marché pour obtenir des capitaux. Elles ont accès à des capitaux bon marché. Elles ont accès à des subventions. Elles sont sous l'influence du gouvernement, du régime, qui a ses propres priorités stratégiques et qui peut par conséquent, influencer l'utilisation des actifs.
Pour diverses raisons, je pense que c'est justifiable. Merci.
J'aimerais inclure M. Volpe dans cette discussion.
Monsieur Volpe, votre témoignage était vraiment excellent. Je pense qu'il est probablement parmi les plus pertinents, d'un point de vue pratique, quant à la question dont nous sommes saisis. Comme vous l'avez mentionné, nous avons glissé au 10e rang mondial pour la construction automobile. Je me souviens de l'époque où nous étions en troisième position. En outre, nous n'avons plus les décideurs nationaux que nous avions avant. Nous n'avons même pas beaucoup de dirigeants d'entreprise, comme c'était le cas auparavant, alors que des PDG canadiens dirigeaient certaines entreprises établies ici. Certains ont été formés au Canada, puis sont devenus des PDG aux États-Unis et ailleurs.
Je suppose que l'avenir de notre industrie automobile pourrait résider hors des systèmes conventionnels, comme vous l'avez indiqué, qui dominent toujours le paysage, et l'adoption d'une stratégie ne se limitant pas à l’extraction et l’expédition des ressources, c'est‑à‑dire d'inclure le lithium et d'autres minéraux dans notre positionnement pour obtenir des investissements.
Dans quelle mesure est‑il important d'avoir une politique ne se limitant pas à l’extraction et l’expédition de ressources à d'autres constructeurs automobiles dans le monde, sans parler des États-Unis? Cela pourrait être le Mexique. Cela pourrait être l'Europe. Cela pourrait être la Chine; peu importe. Dans quelle mesure est‑il important que le Canada ait une politique nationale solide qui n'est pas axée sur l’extraction et l’expédition des ressources?
Je suis désolé, monsieur Masse. Nous vous avons déjà accordé une minute supplémentaire pour vos questions. Je suis certain que nous aurons l'occasion de revenir sur cette importante question adressée à M. Volpe lors de votre prochaine intervention.
Monsieur Wark, la semaine dernière, BNN Bloomberg a souligné que les Canadiens et les fonds d'investissement au Canada semblaient bouder leur propre pays en choisissant de placer, au cours des 11 premiers mois de 2021, 144 milliards de dollars à l'étranger alors que notre magnifique grand pays est assis sur une panoplie de ressources pouvant assurer le succès économique du Canada pendant des décennies.
Comment expliquez-vous que ce soit des compagnies étrangères qui voient un intérêt à investir dans l'industrie minière au Canada plutôt que les Canadiens eux-mêmes? Ma question va dans le même sens que celle que M. Masse a posée précédemment.
Merci, monsieur le président. Je vais répondre très brièvement.
Je ne suis pas économiste, mais si je ne me trompe pas, les autres témoins d'aujourd'hui ont indiqué que le Canada, comme beaucoup d'autres pays, a beaucoup tardé à penser à la chaîne de valeur des minéraux critiques et à la transition vers une économie verte. Nous essayons, espérons‑le, de rattraper notre retard.
Ce rattrapage consiste notamment , à créer une capacité canadienne afin de trouver des gisements de minéraux critiques, d'extraire et de traiter les minéraux, puis de les intégrer dans les chaînes d'approvisionnement mondiales. Nous avons d'autres forces — extraction de minéraux plus traditionnels —, mais nous ne nous sommes pas encore tournés vers la création d'une capacité canadienne afin d'alimenter le marché mondial, à l'avantage du Canada.
Selon moi, permettre à une petite société minière ayant en Argentine un important projet expérimental, pour l'appeler ainsi, de passer aux Chinois est indicateur d'une politique héritée du passé: pour ce qui est des minéraux critiques, nous n'avons pas adéquatement réfléchi à notre capacité de créer au pays des connaissances et des capacités adaptées à la nouvelle économie. Voilà la voie à suivre. Voilà la question importante à poser chaque fois que Ressources naturelles Canada présentera une stratégie sur les minéraux critiques. Il est à espérer que cela fera partie intégrante d'une stratégie sur les minéraux critiques, mais pour le moment, nous n'avons vu aucune stratégie à cet égard.
Monsieur Wark, j'aimerais vous poser une autre question.
Lors de votre allocution, vous avez été très critique envers le gouvernement, qui, selon vous, aurait dû procéder à un examen beaucoup plus exhaustif en vertu de la Loi sur Investissement Canada.
Selon vous, le gouvernement aurait pu évaluer l'impact de l'acquisition de la mine Neo Lithium par une compagnie chinoise. Vous semblez dire que l'élection a fait que le ballon est passé entre les jambes du gouvernement. Les Canadiens ne voulaient pas d'une élection, mais elle a quand même eu lieu.
La nouvelle est sortie le 12 octobre, et le ministre a été nommé le 25 octobre. Le gouvernement aurait donc eu 45 jours pour procéder à l'examen en question, mais cela n'a pas été fait.
Selon vous, pourquoi le gouvernement n'a-t-il pas profité de cette occasion pour effectuer cet examen?
Monsieur le président, je vais répondre le plus rapidement possible.
Je pense que la transition politique dans laquelle nous étions a probablement eu une incidence sur le degré d'attention que nous avons accordé à cette transaction, notamment à l'échelon politique.
J'ajouterais qu'une des raisons pour lesquelles j'estime que nous devons accroître le nombre d'examens de la sécurité nationale — ou du moins utiliser la totalité de la période de 90 jours prévue par la Loi sur Investissement Canada pour l'examen des acquisitions de nature délicate —, c'est que l'acquisition d'information et de renseignements, leur analyse, la consultation des alliés et la prise de décisions éclairées constituent une tâche difficile, complexe et longue. Nous avons besoin des ressources et du talent nécessaires pour nous acquitter de cette tâche, et nous devons y consacrer du temps.
Honnêtement, je dirais que je suis plutôt stupéfait que le gouvernement était si certain de ses conclusions, au terme de la période de 45 jours suivant l'annonce de l'acquisition, soit du mois d'octobre au début décembre, qu'il a estimé qu'il n'était même pas nécessaire d'en faire plus. Je pense que nous devons simplement réfléchir à cette acquisition et éviter de porter un jugement hâtif sur cette question manifestement stratégique, les enjeux de nature délicate et la sécurité économique future du Canada. Nous devons prendre notre temps pour le faire, et je crains que nous n'ayons pas pris le temps qu'il fallait.
Je ne veux pas préjuger des conclusions possibles d'un examen de la sécurité nationale. Je dis simplement qu'il aurait fallu prendre plus de temps et accorder à cette question une attention beaucoup plus sérieuse qu'elle a eue, et les explications offertes par le gouvernement jusqu'à maintenant me semblent tout à fait insatisfaisantes et extrêmement ciblées.
Monsieur Kucharski, je comprends ce que vous dites au sujet des entreprises d'État. Lors de la dernière session, le Comité a unanimement recommandé la tenue automatique d'un examen relatif à la sécurité lorsqu'une entreprise d'État ou contrôlée par l'État est en cause. Je suis aussi favorable à l'idée d'une stratégie plus vaste plutôt qu'au cas par cas. Évidemment, je suis d'avis que nous devons être particulièrement prudents dans le cas de pays qui ont utilisé le commerce comme une arme dans le passé.
Je tâcherai d'être clair sur les détails lorsque je plongerai dans les particularités de la question.
Monsieur Volpe, pour m'assurer d'avoir bien compris votre témoignage, vous avez indiqué que l'approvisionnement à l'échelle locale est important. Vous avez dit que le mot magique à retenir est « local ». Est‑ce exact?
Je pense que nous nous regardons beaucoup le nombril par rapport au potentiel d'utiliser le lithium d'Argentine. Je le fais tous les jours. J'ai participé à la réécriture de l'ACEUM. Nous ne pouvons pas utiliser le lithium d'Argentine dans la production de véhicules au Canada, aux États-Unis ou au Mexique tout en respectant les règles d'origine de l'ACEUM. On parle d'une utilisation hypothétique qui, en pratique, n'arrivera jamais...
Tous les constructeurs automobiles et les fournisseurs de pièces cherchent à savoir qui peut fabriquer la batterie la plus durable et offrant la plus longue autonomie. Voilà pourquoi la chimie est importante et pourquoi il est important de tenir compte de la formule de chaque entreprise. Si les entreprises disent qu'elles ne l'utiliseront pas, elles ne l'utiliseront pas.
Monsieur Wark, c'est un plaisir de vous revoir. La dernière fois que nous avons eu l'occasion de discuter, je pense que nous en étions à la création d'un comité de la sécurité nationale, qui a récemment été démantelé, malheureusement.
Lorsqu'on regarde cette transaction précise, je ne suis pas certain, d'après ce que M. Volpe a dit, qu'il y a un lien évident avec notre sécurité économique. Essentiellement, cela dépendra de la nature de la stratégie sur les minéraux critiques, je pense, ainsi que de l'aspect local. Cela dépend du type de lithium et de notre capacité d'ajouter de la valeur dans la chaîne d'approvisionnement, pour revenir au point de M. Tsafos, et du rôle que jouera le Canada. Il est fort possible, j'en conviens, qu'une stratégie plus large soit nécessaire.
Dans ce cas particulier, je pense que votre principale critique était qu'on aurait dû prendre plus de temps et avoir une idée plus réfléchie et plus claire de la stratégie. Je suppose que ma question est la suivante: qu'avions-nous besoin de savoir de plus?
Nous connaissons le type de lithium dont il s'agit, et nous savons qu'il a moins d'importance sur le plan stratégique. Nous savons, selon le témoignage de M. Volpe, que l'aspect local a son importance. Nous savons qu'il s'agit d'une société cotée en bourse, bien qu'un des principaux actionnaires soit une entreprise contrôlée par l'État. Que devons-nous savoir de plus pour prendre cette décision? Si l'agence de sécurité nationale a effectué un examen approfondi et estime qu'il n'est pas nécessaire d'aller plus loin... Nous en saurons plus demain ou vendredi, je pense, sur cette question précise. Aidez-moi à formuler des questions en vue de la comparution des fonctionnaires. Quels renseignements supplémentaires aurait‑il fallu demander? Que devrions-nous savoir de plus?
Monsieur Erskine-Smith, je suis ravi d'avoir à nouveau l'occasion de discuter avec vous. C'est un plaisir de vous voir.
Monsieur le président, je répondrai très rapidement. Je répondrai notamment à l'affirmation de M. Erskine-Smith, soit que nous avions tous les renseignements nécessaires et que le gouvernement a pris une bonne décision en décidant de ne pas faire un examen relatif à la sécurité nationale.
Je pense que l'idée selon laquelle le carbonate de lithium est un dérivé du lithium moins important que l'hydroxyde de lithium est très contestée. C'est certainement le cas dans les documents internes de Neo Lithium. L'idée a sans aucun doute été contestée lors de certaines discussions d'experts tenues en public sur l'avenir du carbonate de lithium et de ses applications. Je souligne que le projet d'usine pilote de Neo Lithium en Argentine produisait, selon l'entreprise, du carbonate de lithium à un niveau de pureté de 99 % pour utilisation dans les batteries. Encore une fois, ce n'est pas mon champ d'expertise, mais je pense que l'opinion tranchée avancée par le gouvernement, selon laquelle le carbonate de lithium n'a aucune valeur stratégique, comme l'a laissé entendre M. Fillmore, je pense, est probablement incorrecte...
Je comprends. Vous semblez toutefois tendre vers un argument visant à expliquer pourquoi cela n'aurait pas dû être approuvé du tout plutôt que vers l'idée d'un délai supplémentaire. Je suppose que je cherche à préciser pourquoi il aurait fallu plus de temps.
M. Nathaniel Erskine-Smith: Ma dernière question s'adresse à M. Tsafos, et porte sur la stratégie globale. On parle d'une transaction précise, mais il s'agit d'une question beaucoup plus large et de la façon dont le Canada et les États-Unis collaborent avec leurs alliés pour accroître la « résilience » de la chaîne d'approvisionnement. Je crois que ce sont les termes que vous avez utilisés.
Quels conseils donneriez-vous au Comité, qui fera des recommandations au gouvernement pour que le Canada travaille de façon constructive avec ses alliés, notamment les États-Unis, en vue de bâtir des chaînes d'approvisionnement plus résilientes, en gardant en tête ce qu'a dit M. Volpe?
Une courte réponse sur la façon de régler ce problème... Merci, monsieur le président.
Très rapidement, je dirais qu'il faut améliorer l'infrastructure de l'information.
Lorsqu'un événement se produit dans le marché du pétrole et du gaz, nous savons ce qu'il signifie, puisque nous travaillons dans ce domaine depuis longtemps. Ce sont de nouveaux marchés pour les décideurs et les représentants élus. Il est difficile pour eux de bien comprendre ce qui se passe. C'est mon premier point.
Deuxièmement, je crois qu'il faut trouver une façon d'investir dans les chaînes d'approvisionnement et non seulement dans le produit final. C'est essentiel.
Troisièmement, je crois qu'il faut avoir une discussion honnête sur le seuil maximal et les situations où il faut dire non. Si nous traitons toutes les transactions de façon individuelle en nous disant qu'elles ne renverseront pas la balance, nous allons nous réveiller un matin et réaliser que la Chine possède 80 % du marché. Nous devons adopter une approche mieux coordonnée pour atteindre notre objectif.
D'abord, je vous remercie de votre témoignage. Vous avez mentionné que seulement 1 % des acquisitions des entreprises canadiennes par des entreprises étrangères avaient été soumises à un examen de sécurité nationale. Cela me semble très peu.
Cela vous inquiète-t-il? Par ailleurs, doutez-vous de l'efficacité d'un processus d'examen national en vue de la sécurité nationale au Canada?
Monsieur Lemire, je vous remercie de votre question.
[Traduction]
Monsieur le président, très rapidement, je dirais que l'examen de la sécurité nationale est considéré comme étant un outil important que possède le gouvernement pour protéger la sécurité nationale du Canada, y compris sa sécurité économique. Nous n'avons pas encore établi la définition de la sécurité économique, et c'est important de le faire, à mon avis.
Comme je l'ai dit plus tôt, étant donné les changements géopolitiques et les changements à l'économie mondiale, je crois qu'il faut avoir davantage recours à l'ensemble des dispositions de l'examen de la sécurité nationale et les utiliser dans un contexte stratégique afin d'éviter de faire du cas par cas, comme l'a dit M. Tsafos, pour nous rendre compte qu'une grande partie du marché nous a échappé.
Je dirais aussi que l'examen de la sécurité nationale ne doit pas se centrer uniquement sur les composantes locales et internes. Je comprends l'importance du caractère local pour l'industrie de la fabrication de pièces d'automobile canadienne, mais il a beaucoup moins d'importance pour la sécurité nationale du Canada, à mon avis, et je crois qu'il faut en tenir compte.
La transparence est l'une des questions que je trouve importantes dans le cadre de la Loi sur Investissement Canada.
Selon vous, le gouvernement devrait-il faire preuve de plus de transparence et expliquer publiquement les éléments sur lesquels il s'est basé pour prendre sa décision de procéder ou non à l'examen de la sécurité nationale?
Monsieur le président, je dirai simplement ceci: je crois qu'il faut absolument accroître la transparence, et ce, pour deux — ou trois — raisons.
La première est dans l'intérêt public, pour que les Canadiens comprennent mieux comment le gouvernement utilise cet outil. La deuxième, c'est la responsabilisation, surtout de la part du Parlement; c'est ce qui se passe à l'heure actuelle. La troisième, c'est la communauté des investisseurs. Bien franchement, selon les membres de la communauté, il y a eu beaucoup de plaintes et de confusion au sujet des lignes directrices et de la façon de les mettre en œuvre. Je crois qu'une plus grande transparence à cet égard aiderait tous les secteurs — la responsabilisation parlementaire, la connaissance du public et la communauté des investisseurs — à mieux comprendre ce qui est en jeu. Je ne vois pas pourquoi nous ne pourrions pas accroître la transparence en ce qui a trait aux décisions qui sont prises.
Je vais céder rapidement la parole à M. Volpe pour qu'il ait le temps de répondre à ma question.
Comment pouvons-nous miser sur nos minéraux en tant qu'actifs canadiens pour accroître l'investissement dans le secteur automobile? Nous n'avons pas autant de nouvelles installations ou d'agrandissements que les autres, et cela m'inquiète. J'aimerais entendre vos commentaires à ce sujet. Comment pouvons-nous profiter de cette occasion pour accroître notre base de production?
Selon la définition, ces actifs ne sont pas canadiens, puisque le terme fait référence à la façon dont nous allons chercher les pièces qui sont conformes à nos accords commerciaux. Il n'y a rien que nous aurions pu tirer de la mine en Argentine — si c'était profitable, et ce ne l'est pas — qui aurait pu nous permettre de le faire. Il faut que notre stratégie sur les minéraux essentiels se centre sur l'extraction et la transformation ici, au Canada.
Je suis président du comité d'Investir au Canada pour la mise en point des batteries, au sein du Conseil du Patenariat du secteur canadien de l'automobile. Monsieur Masse, vous avez participé à ces réunions au fil des années. Le gouvernement fédéral y participe, tout comme les gouvernements provinciaux de l'Ontario et du Québec, les assembleurs, les fournisseurs de pièces, les universitaires et les représentants syndicaux. Nous avons d'importantes discussions stratégiques et nous créons des politiques. M. Fast a siégé à cette table pendant plusieurs années.
Nous avons une stratégie sur les minéraux essentiels, la création et l'assemblage des batteries, et l'emplacement ici, au Canada. Je suis désolé, mais je n'entends rien de cela dans les réflexions au sujet des intérêts théoriques en matière de sécurité nationale associés à l'Argentine.
Nous devons continuer de faire ce que nous faisons déjà: viser des investissements majeurs et créer le marché de l'avenir qui attirera les assembleurs d'automobiles et de batteries, qui devront respecter les règles de conformité de l'ACEUM sur l'origine et la source au Québec. Les membres de l'industrie savent que les commandes sont passées 18, 36 ou 72 mois à l'avance. En même temps, nous accélérons la production de véhicules électriques.
Pour nous qui sommes dans l'industrie, c'est... Nous tentons de déterminer aujourd'hui si nous aurions pu avoir plus de temps et si nous aurions dû procéder à un examen de la sécurité nationale. Il me semble que l'on parle ici de déterminer les résultats à l'avance. On dit qu'il s'agissait d'une erreur sur le plan de la sécurité nationale, mais dans les faits, sur le plan technique, de quoi s'agit‑il? Où cela se trouve-t‑il? Peut‑on l'utiliser? Si oui, est‑ce que ce serait profitable?
Il n'y a aucun risque ici. C'est comme si l'on prenait le risque de se faire imposer une pénalité dans le seul but de faire fâcher l'opposition.
Il faut se centrer sur des choses plus importantes, comme le potentiel minier et le potentiel d'extraction au Canada — et surtout au Québec —, qui est bien réel.
Merci beaucoup et merci à tous les témoins d'être avec nous aujourd'hui.
Mes premières questions s'adressent à M. Wark.
Vous avez parlé du calendrier d'acquisition de Neo Lithium, qui a été rendu public en début d'octobre 2021. Dans votre discours préliminaire, vous avez dit qu'une période de transition politique prolongée avait peut-être donné lieu à un examen insuffisant de cette transaction. Est‑ce que vous faites référence ici aux élections éclair?
Nous nous rappelons probablement tous le calendrier des dernières élections, qui étaient terminées lorsque la transaction a été annoncée à ISDE.
Le problème a trait à la période suivant les élections, lorsque le nouveau gouvernement a créé un nouveau Cabinet; les ministères et organismes se centraient sur les séances d'information sur la transition et sur le moment où les ministres du Cabinet recevraient leur lettre de mandat. C'est de cette période de transition politique que je parle.
Comment cela a‑t‑il pu nous éloigner d'un examen national de la sécurité? Les ministères et organismes ont continué de faire leur travail, mais ils ne pouvaient pas se concentrer pleinement sur cette question. Ils n'ont peut-être pas pu obtenir la pleine attention des ministres du Cabinet, qui n'avaient pas encore été nommés. Leur attention était peut-être ailleurs. Ils se sont dépêchés — inutilement, à mon avis — de tout faire à l'intérieur d'une première période de 45 jours sans envisager la possibilité d'une deuxième période de 45 jours.
Si vous n'êtes pas familier avec ce concept, en vertu de la Loi sur Investissement Canada, il faut un échange de lettres entre le ministre de la Sécurité publique et le ministre de l’Innovation, des Sciences et de l’Industrie pour qu'il y ait un deuxième délai de 45 jours. Ils doivent recevoir des notes d'information claires et examiner le dossier de manière exhaustive, ce qui n'a probablement pas été fait, puisqu'il n'y a pas eu de deuxième période de 45 jours.
La situation a eu une incidence sur ce qui s'est passé. Il est difficile de mettre le doigt dessus. Le moment n'était pas le bon pour une telle prise de contrôle et l'examen approfondi qu'elle nécessite.
Très bien. Merci. Ce sont de très bons renseignements. Je vous remercie pour ces précisions.
Le Comité a étudié la Loi sur Investissement Canada et ses modifications possibles à l'été 2021, et a présenté un rapport associé à des recommandations à l'intention du Parlement. L'une des recommandations était la suivante:
Que le gouvernement du Canada dépose un projet de loi modifiant la Loi sur Investissement Canada afin de ramener à zéro le seuil d’évaluation actuel pour la prise de contrôle potentielle par des entreprises contrôlées ou détenues par un État étranger, de façon à ce que chaque transaction fasse l’objet d’un examen, tant en ce qui a trait au critère de l’avantage net qu’à celui de la sécurité nationale.
Dans une optique de sécurité, est‑ce que le gouvernement fédéral aurait dû mettre en œuvre cette recommandation?
J'aimerais rappeler aux membres du Comité que le critère de l'avantage — qui comporte divers seuils selon le type de transaction effectuée — n'est pas lié au processus d'examen de la sécurité nationale. Toutefois, dans un monde idéal, les deux processus devraient être utilisés de façon plus rapprochée, et la stratégie sur la sécurité économique pourrait en tenir compte. Le fait est que l'examen de la sécurité nationale, selon ses diverses étapes, doit être réalisé sans égard au seuil d'investissement. Il a donc été réalisé dans le cas présent.
Bien que la proposition du Comité soit intéressante, je ne crois pas qu'elle s'applique à l'examen de la sécurité nationale.
À titre de précision, les recommandations relatives à la Loi sur Investissement Canada ont été présentées au Parlement en 2021, mais le travail a été fait en 2020.
Le gouvernement dit qu'il effectue un contrôle de sécurité, mais pas d'examen approfondi. Pouvez-vous nous expliquer la différence entre le contrôle et l'examen? Est‑ce qu'un contrôle est suffisant, selon vous, monsieur Wark?
Pour résumer la Loi sur Investissement Canada, je dirais qu'il y a trois étapes. La première étape est celle de l'examen de la sécurité nationale, qui doit être réalisé dans les 45 jours suivant l'avis d'investissement. Après cette première étape, on peut soulever certaines questions, comme la possibilité que l'investissement représente un risque possible pour la sécurité nationale. Les représentants du gouvernement parlent alors d'investissements « susceptibles de porter atteinte à la sécurité nationale ».
Après cette période initiale de 45 jours, la Loi sur Investissement Canada prévoit une période de 45 jours supplémentaire pour poursuivre l'examen d'un investissement qui est susceptible de porter atteinte à la sécurité nationale. C'est un échange de lettres entre le ministre de la Sécurité publique et le ministre de l’Innovation, des Sciences et de l’Industrie, en vertu de l'article 25.2, qui déclenche cette période.
À la fin de ce processus à deux étapes possibles, le ministre de l’Innovation, des Sciences et de l’Industrie, en consultation avec le ministre de la Sécurité publique, doit déterminer s'il procède à un examen complet de la sécurité nationale, ce qui donne aux organismes beaucoup plus de temps pour examiner en profondeur un investissement et déterminer s'il porte atteinte à la sécurité nationale.
J'espère que mes explications vous sont utiles. Il y a une étape où l'on se demande si l'investissement est susceptible de porter atteinte à la sécurité nationale et une autre étape où l'on détermine si l'investissement porte atteinte à la sécurité nationale, par l'entremise d'un examen officiel.
Merci beaucoup, monsieur le président. J'aimerais remercier tous les témoins pour leur présence aujourd'hui.
Ma première question s'adresse à M. Volpe.
J'écoute votre témoignage et je suis un peu surpris d'apprendre qu'à l'heure actuelle, aucun fabricant automobile ne produit de batteries de véhicules électriques. Vous avez dit qu'il faudrait attendre encore 18 à 36 mois avant le début d'une telle production.
C'est exact. C'est une question de demande, pour le moment. Sans égard à nos ambitions, la demande représente environ 3 % à l'heure actuelle, et les décisions en matière de production sont prises par les sociétés japonaises et américaines qui fabriquent les véhicules ici, au Canada.
Quelles sont les recommandations que peut faire le Comité au gouvernement afin de veiller à ce que l'industrie soit un chef de file en ce qui a trait à certaines technologies ou soit prête à prendre une importante part du marché?
Nous avons une quantité enviable de minéraux essentiels au Canada. Nous avons des sociétés en amont qui pourraient se charger de l'assemblage des batteries, comme Martinrea, qui réalise un projet conjoint avec NanoXplore, pour former une entreprise de fabrication de batteries au Québec, VoltaXplore. Ces entreprises ont besoin d'aide avec la transformation.
Il faut tourner notre attention vers l'industrie minière canadienne. Qui est propriétaire des mines? À qui appartiennent les ressources à extraire? Ce qui manque...
Nous avons beaucoup de ressources. Nous n'avons pas les capitaux...
M. Han Dong: D'accord.
M. Flavio Volpe: ... nécessaires pour prendre ces ressources et les transformer. Nous travaillons actuellement avec le gouvernement du Québec et le gouvernement de l'Ontario au déploiement de ces capitaux ou à l'élaboration d'une stratégie pour atteindre cet objectif.
Monsieur Tsafos, selon des experts du marché du lithium, l'approvisionnement en lithium pour le marché nord-américain devrait se faire dans des mines et des usines nord-américaines. En matière de sécurité et de chaîne d'approvisionnement, quels sont les avantages de miser sur des sources nord-américaines plutôt que de dépendre de sources étrangères?
En tant qu'étudiant en sécurité énergétique, je dirais que nous avons appris au fil des ans que les chaînes d'approvisionnement locales et la production locale présentent certains avantages par rapport aux chaînes d'approvisionnement internationales. Les liens sont moins nombreux. Les risques d'effets causés par des événements qui peuvent se produire très, très loin sont moindres. Cependant, pour être intellectuellement honnête, je dirais que la concentration en un seul endroit chez nous comporte aussi des risques. L'objectif est vraiment la résilience; il n'y a pas que l'approvisionnement national. Si vous produisez tout chez vous, mais que tout provient d'une partie du pays susceptible d'être touchée par un événement, vous n'aurez plus de production.
Il y a un avantage à la production nationale. Vous la contrôlez. Vous savez ce qui se passe. Vous avez des règles et des règlements. Vous pouvez exercer une surveillance. Vous avez des outils pour encourager l'offre. Ce sont tous de grands avantages, mais la solution, comme l'histoire nous l'a enseigné, est vraiment la diversification, la résilience et la redondance. Si vous avez cela, l'approvisionnement national est un avantage supplémentaire, à mon avis, mais ce n'est pas une panacée.
Monsieur Kucharski, les minéraux utilisés dans la fabrication des batteries électriques étant si critiques, devrions-nous cesser, comme vous l'avez dit, toutes les transactions ou la plupart des transactions, quels que soient les types de gisements minéraux et les rôles dans la chaîne d'approvisionnement canadienne en minéraux critiques, la nature des entreprises canadiennes et l'emplacement réel des gisements miniers? Devrions-nous cesser toutes les transactions?
Non, je ne dis pas du tout que nous devrions mettre fin à toutes les transactions. Je dis que je crois qu'un projet d'acquisition par une entreprise détenue ou contrôlée par l'État devrait automatiquement déclencher un examen relatif à la sécurité nationale. Je ne dis rien quant à ce que le résultat final de cet examen serait ou devrait être. Je dis simplement que je pense que nous devons revoir le processus d'examen et veiller à ce que les entreprises détenues par l'État fassent l'objet d'un examen minutieux de ce type de transactions.
Je pense à nouveau aux recommandations que le Comité devrait faire au gouvernement. Faut‑il inclure un principe ou des éléments particuliers dans ces examens? Avez-vous des suggestions à faire au Comité?
Oui. Je dirais simplement que le gouvernement devrait envisager de rendre obligatoire un examen relatif à la sécurité nationale si la société qui fait l'acquisition est une société détenue ou contrôlée par un État étranger.
Monsieur Wark, pouvez-vous expliquer en termes simples pourquoi une entreprise détenue par le gouvernement chinois voudrait acquérir un énième fournisseur de lithium alors qu'elle raffine déjà 80 % du lithium mondial?
Je vous remercie de votre question. C'est une question fascinante et il serait probablement préférable de l'adresser à Zijin Mining, la société qui a acquis Neo Lithium pour un milliard de dollars.
Il est intéressant de savoir que Zijin Mining a commencé par exploiter des mines d'or en Chine, comme vous pouvez le constater en consultant son histoire. Elle s'est développée à l'étranger, principalement dans l'extraction de l'or et d'autres métaux de base. À ma connaissance, d'après la documentation publique disponible sur Zijin, le rachat de Neo Lithium par Zijin est la première acquisition de ce type qu'elle ait réalisée. Je ne peux pas parler au nom des administrateurs de la société, des propriétaires et de tout ce qui passe pour des actionnaires dans le contexte d'une entreprise d'État chinoise, mais je suppose qu'ils ont fait preuve de diligence raisonnable et réalisé un examen préalable de la mine argentine, comme l'indiquent les documents publics de Neo Lithium sur la transaction. Je présume simplement qu'ils ont examiné cet actif, qu'ils ont pensé à l'avenir, qu'ils ont réfléchi à la manière dont ils voulaient se positionner en tant qu'exploitant minier mondial et en tant que futur champion industriel chinois potentiel, comme le veut la stratégie chinoise, et qu'ils ont pensé que c'était une acquisition extrêmement importante pour eux.
Je dois dire que si nous devons penser à l'investissement étranger direct dans le cadre d'une stratégie de sécurité nationale et de sécurité économique, nous devons également faire ce qu'on appelle, sur le plan du renseignement, une « évaluation nette », ce qui signifie essentiellement que vous réfléchissez à votre propre intérêt dans cet investissement et que vous vous demandez également pourquoi une société étrangère serait également intéressée par cet investissement. J'espère — et c'est peut-être une question à poser aux fonctionnaires lorsqu'ils comparaîtront demain — qu'on s'est penché comme il se doit sur ce point, ce qui me semble implicite dans votre question.
J'ai une autre question pour vous, monsieur Wark. Si cela fait manifestement partie de leur stratégie à long terme, pouvez-vous penser à une bonne raison pour laquelle cela ne déclencherait pas un examen relatif à la sécurité nationale de notre part?
Je suis désolé, monsieur le président, mais je ne vois aucune raison valable. Il ne s'agit pas de préjuger du résultat d'un examen de la sécurité nationale, mais de dire que cette acquisition est délicate sur les plans politique et économique et qu'elle nécessite une profonde réflexion plutôt qu'un jugement précipité rendu en 45 jours.
Monsieur Wark, dans votre déclaration liminaire, vous avez mentionné que « moins de 1 % des dossiers d'investissement » ont fait l'objet d'un examen relatif à la sécurité nationale. De plus, dans le rapport de la Loi sur Investissement Canada, on souligne que la majorité des examens de ce type concernaient des acquisitions par des entités chinoises.
J'ai une question en deux volets. Pourquoi y a‑t‑il si peu d'examens relatifs à la sécurité nationale, et pourquoi, parmi les examens réalisés, la Chine est-elle à ce point surreprésentée?
Je ne suis pas sûr d'avoir une bonne réponse à vous donner sur la raison pour laquelle nous n'avons pas réalisé beaucoup d'examens relatifs à la sécurité nationale dans le passé. Je pense que la meilleure réponse que je puisse donner est que cela ne faisait pas partie de la tradition. Cela ne faisait pas partie de notre façon d'envisager les investissements étrangers directs. Nous voulions maintenir, pour le Canada, l'image d'un pays ouvert aux investissements étrangers directs, que nous considérions comme importants pour notre prospérité économique. Bien que cela soit toujours valable, ce qui a changé, c'est le contexte géopolitique et le contexte de sécurité économique dans lequel nous évoluons maintenant. Donc, quels que soient nos calculs passés à cet égard, je pense que nous devons adopter une approche différente à l'avenir.
Pour être juste à l'égard des fonctionnaires concernés, je dois dire que la réalisation d'une évaluation appropriée de ces investissements par les services de renseignement est une entreprise très complexe qui nécessite beaucoup de ressources. Je pense, pour être franc, que le Canada n'a pas investi beaucoup de ressources dans ce que j'appellerais « le renseignement économique ». Ce n'est pas prioritaire pour le milieu canadien du renseignement. Nous devrons peut-être nous orienter davantage vers cette activité à l'avenir, mais je ne pense pas que nous puissions y consacrer beaucoup de ressources pour le moment.
Ma prochaine question s'adresse encore à vous, monsieur Wark. En juin de l'année dernière, la Maison-Blanche a publié un rapport intitulé Building Resilient Supply Chains, Revitalizing American Manufacturing, and Fostering Broad-Based Growth.
Selon ce rapport, « la demande mondiale de lithium », l'un des intrants « les plus importants » des « batteries de véhicules électriques, devrait augmenter de plus de 4 000 % d'ici 2040 ». On poursuit en disant que « les États-Unis doivent s'assurer d'un approvisionnement fiable et durable en minéraux et métaux critiques pour garantir la résilience pour l'ensemble des besoins des États-Unis en matière de fabrication et de défense... ».
Si le Canada perdait ses approvisionnements en lithium, pouvez-vous préciser ce que cela signifierait concernant les occasions perdues, étant donné l'intégration des chaînes d'approvisionnement canadiennes et américaines?
Ma première question s'adresse à M. Tsafos. Vous avez dit que, dans ce dossier, la valeur réside surtout dans la capacité d'accéder au lithium. Pouvez-vous m'aider à mieux comprendre ce que vous entendez par là?
La façon dont je vois les choses est que vous passez progressivement des matières premières à quelque chose de transformé. Vous transformez ensuite cette matière en batteries. La batterie est intégrée à un véhicule. En fin de compte, vous faites beaucoup d'argent sur le véhicule. Il y a de la valeur qui s'accumule tout au long de la chaîne.
L'enjeu pour les États-Unis et le Canada est de savoir où entrer dans la chaîne pour pouvoir créer de la valeur par eux-mêmes. Si la Chine contrôle les quatre premières parties de la chaîne et se contente de vous vendre une batterie que vous mettez dans votre voiture, une grande partie de la valeur de cette batterie revient à la Chine.
Ce que je voulais dire, c'est que si vous regardez les chiffres dans mon témoignage, vous verrez que BloombergNEF, qui est l'un des consultants en énergie les plus connus, donne le prix de départ possible du lithium et révèle que le lithium extrait, d'une valeur de 11 milliards de dollars, se retrouve finalement dans une industrie automobile de 7 billions de dollars. Le lithium lui-même a de la valeur, mais la question est de savoir qui peut accéder à ce lithium et le transformer en un produit utile. C'est là que réside l'avantage concurrentiel.
S'il s'agissait d'un marché ouvert et que vous pouviez obtenir du lithium où vous voulez, personne ne s'en soucierait. Cependant, ce n'est pas un marché ouvert; c'est un nouveau marché et un marché en croissance. L'accès à cette ressource minérale est donc très important par rapport à d'autres produits de base qui sont abondants et que vous pouvez vous procurer sur le marché ouvert.
On a dit qu'il est très important de penser à l'ensemble de la chaîne de valeur. Pourriez-vous nous faire part de vos réflexions à ce sujet? En particulier, qu'est‑ce que cela signifie pour le Canada?
Supposons que nous prenions ce que nous faisons dans le secteur automobile, qui consiste principalement à fabriquer des véhicules à moteur à combustion interne sur des plateformes partagées dans le monde entier, et que, dans le monde entier, nous passions d'un point de vue réglementaire à des pourcentages obligatoires du marché des véhicules à émission zéro à une politique industrielle. Nous parlons tous des sociétés planifiées qui sont détenues par le gouvernement chinois, mais les Américains, selon la plupart des définitions, suivent également la voie de la politique industrielle dans ce domaine. Ils consacrent des milliards de dollars à différentes parties de cette chaîne de valeur.
La façon dont tous les pays qui sont dans le secteur de l'automobile font face à la concurrence est également importante. La transition, qui est en partie réglementée et en partie cofinancée par des pays qui nous font concurrence, consiste à passer à des émissions zéro. Cela nécessite des minéraux critiques et le déploiement de plateformes à haute tension qui vont favoriser l'intelligence artificielle, l'apprentissage automatique et les technologies autonomes connectées.
Le Canada, 10e constructeur mondial et fabricant de 2 % des véhicules dans le monde, ne compte aucun constructeur automobile d'origine, alors nous devons nous concentrer sur notre secteur d'activité. Nous sommes très présents dans le secteur des pièces automobiles. Nous sommes très présents dans le domaine de la technologie. De nombreuses études indépendantes réalisées dans le monde entier ont toujours classé le Canada comme l'un des principaux acteurs potentiels en ce qui concerne les minéraux critiques. Il s'agit pour nous de connaître notre place.
Dans le cas du lithium canadien, comme du cobalt canadien, du graphite canadien et de tous les autres minéraux critiques, nous devons définir ce qu'ils sont. Ils sont canadiens si nous pouvons les trouver au Canada. Ils ne sont pas canadiens, du point de vue du déploiement ou de la conformité réglementaire, s'ils se trouvent à l'étranger. C'est d'autant plus vrai que les gouvernements canadiens successifs nous ont fait signer des accords commerciaux successifs qui définissent les produits par pays d'origine. La stratégie consiste à déterminer où nous pouvons intervenir.
Le Canada peut intervenir dans le domaine de la technologie, en particulier dans la technologie de la mobilité. Le Canada est tout à fait présent dans le domaine des pièces à valeur ajoutée et a le potentiel de surpasser certains des autres acteurs de ce groupe de 10 en étant l'un des 3, 4 ou 5 principaux acteurs dans la fabrication de batteries. Il s'agit de savoir si vous pouvez extraire le lithium au Canada, le traiter au Canada pour le transformer en cellules, puis en batteries qui vont dans les plateformes des véhicules électriques fabriqués au Canada et qui sont ensuite activées par la technologie intelligente autonome connectée canadienne...
Monsieur Volpe, je vous remercie de votre présentation, et j'aimerais aller un peu plus loin.
Vous avez parlé de la stratégie locale, et vous l'avez établie davantage. Est-ce important que la transformation soit à proximité de la ressource, particulièrement dans une région minière? Par ailleurs, cela a-t-il un avantage stratégique pour le Québec et pour le Canada?
Du point de vue de la rentabilité, c'est presque nécessaire. Vous parlez de grandes quantités de matériaux qui sont transformés en petites quantités de composants utilisables. Ces matériaux sont volumineux et ne se transportent pas facilement ou à peu de frais. L'industrie automobile mondiale est basée sur la livraison juste à temps. Les constructeurs automobiles essaient de prendre les plus gros composants et de les localiser près de l'endroit où se fait l'assemblage final.
Le Québec, comme l'Ontario dans une grande mesure, est très bien placé pour être un contributeur rentable dans cet espace. Nous avons signé l'accord USMCA-CUSMA, qui stipule, en fait, que les produits doivent provenir d'Amérique du Nord pour être admissibles.
Je vais maintenant poser une question à M. Saint‑Jacques.
La Chine est le plus important fournisseur mondial de minéraux critiques et, comme on peut le voir, elle vise à dominer le domaine des technologies. Quand la Chine fait l'acquisition d'un gisement de lithium comme Neo Lithium, est-ce fait dans un but d'affaires ou dans une perspective géostratégique?
Monsieur le président, je serais ravi de répondre rapidement, si c'est approprié, et les autres témoins voudront peut-être exprimer leur propre opinion.
Très rapidement, je dirais que dans le contexte chinois, il est important de comprendre qu'il est presque impossible de distinguer les calculs purement commerciaux de la stratégie et de la politique de l'État. L'économie et la structure politique de la Chine sont très différentes de celles des sociétés capitalistes occidentales. Vous pouvez sonder les détails de ce qui est stratégique et de ce qui est économique dans ses investissements et ses politiques, mais il est très difficile de faire une distinction générale entre les deux.
Je m'adresse de nouveau à M. Volpe. Hier encore, la General Motors a annoncé un autre investissement de 4 milliards de dollars pour des usines à Orion. Je pourrais prendre ma voiture et rouler pendant une heure d'ici jusqu'à Lansing, dans le Michigan, où ils vont construire une nouvelle usine de batteries avec un investissement de 2,6 milliards de dollars. Ils ont aussi investi 150 millions de dollars récemment dans l'État de New York pour des pièces électriques.
Nous nous faisons manger la laine sur le dos. C'est vraiment mauvais comme décisions d'investissement. Comment pouvons-nous renverser la situation en utilisant nos minéraux critiques pour nous assurer que nous obtenons réellement la valeur ajoutée ici? C'est très robuste au Michigan, à Détroit en particulier, depuis plusieurs années. Comment faire pour que nous ne soyons pas aussi susceptibles de perdre, non seulement en Argentine — pays qui, comme vous l'avez montré, n'est pas du tout lié à ce problème —, mais aussi en ce qui concerne d'autres industries manufacturières que nous voyons juste à côté de chez moi?
Monsieur Masse, vous êtes un réel défenseur de votre région. Nous nous entendons sur bien des sujets depuis longtemps.
Je vais reformuler votre question en vous demandant ce que les intervenants du Michigan se sont dit l'année précédente, selon vous, quand nous avons obtenu des investissements de 6 milliards de dollars pour la construction de véhicules électriques et de batteries à Windsor, Oakville et Woodstock.
Je crois que vous avez raison. Nous sommes en compétition avec le Michigan plus qu'avec quelconque région au sud de l'équateur. Nous devons être vigilants dans ce genre de dossiers. La stratégie à long terme des constructeurs implique de pouvoir extraire et transformer des ressources tangibles ici au Canada; c'est ce qui explique en partie la situation du Canada et la motivation des compagnies qui se sont engagées à construire des véhicules ici.
Comme vous l'avez mentionné, si notre vigilance faillit, les politiques industrielles américaines et les investissements de l'administration Biden de près de 200 milliards de dollars réservés au secteur feront de nous des perdants plus que des gagnants.
J'aimerais aussi vous rappeler que tous les véhicules assemblés au Michigan comprennent entre 30 et 40 % de pièces fabriquées en Ontario. Les annonces ne sont pas toujours noires ou blanches pour les fournisseurs canadiens de pièces d'automobiles.
Je sais, et il y a du va‑et‑vient d'un endroit à l'autre, alors je ne suis pas en désaccord, mais soyons francs. La ville de Détroit a investi plus d'argent dans le secteur automobile que le Canada en entier au cours des dernières années. C'est ce que les chiffres bruts révèlent. Pour la fabrication d'équipement d'origine en particulier, nos statistiques commerciales sont disproportionnellement faibles pour les éléments de batterie.
Vous avez raison de dire qu'il y a d'excellentes nouvelles et qu'il y a du positif, mais je veux en voir davantage.
J'aimerais revenir à un commentaire de M. Fillmore, qu'a renforcé M. Nathaniel Erskine‑Smith, voulant que le carbonate de lithium soit complètement inutile pour l'industrie des batteries pour VE. C'est tout à fait faux. Si le minéral est de qualité batterie, il est grandement utile, à un point tel d'ailleurs qu'une compagnie chinoise paie des milliards de dollars pour y avoir accès.
J'aimerais souligner que Benchmark Mineral Intelligence, l'organisme faisant figure de chef de file mondial pour le suivi et la publication de renseignements liés au marché de l'industrie de la batterie au lithium‑ion, a déclaré ce qui suit, tel que rapporté par Reuters: « Les prix du carbonate de lithium en Chine ont bondi pour atteindre un niveau record... en décembre en raison de la forte demande des fabricants de batteries alimentant les véhicules électriques. »
C'est une citation de BMI, l'organisme recueillant les informations de l'industrie. Il ne fait aucun doute que les Chinois savaient ce sur quoi ils mettaient le grappin.
Professeur Wark, vous avez piqué ma curiosité en affirmant que les explications du gouvernement pour justifier l'absence d'examen de sécurité nationale étaient « complètement insatisfaisantes ». J'espère vous avoir bien cité. Pouvez-vous nous expliquer votre point de vue?
Monsieur Fast, je vais vous répondre rapidement dans l'espoir de bien refléter ce qu'a affirmé le secrétaire parlementaire au Comité hier. J'imagine que ce que vous entendrez de la part du ministre et de ses fonctionnaires demain abondera dans le même sens.
Tout d'abord, on a avancé que le projet pilote de Neo Lithium en Argentine porte sur la production de carbonate de lithium, et non pas d'hydroxyde de lithium, et que le minéral était donc inutile, ce qui a été largement remis en question, y compris par vous et d'autres experts.
Deuxièmement, il y a la notion qu'il s'agit en fait d'une mine argentine et d'une ressource étrangère et qu'il était donc difficile pour le gouvernement d'établir un lien pertinent avec la sécurité nationale du Canada. Je crois que ces réflexions ont aussi été soulevées par M. Volpe dans son allocution. J'aimerais souligner que, selon moi, tous les intervenants participant au débat sur les minéraux critiques conviennent que le Canada doit en faire davantage pour se doter d'une industrie de minéraux critiques et d'une capacité de production de lithium, qui nous manquent à l'heure actuelle. C'est très difficile de voir comment le gouvernement y parviendra alors même qu'il permet à une entreprise chinoise de s'emparer d'un projet d'une entreprise canadienne qui est très prometteur en termes de savoir-faire technologique et de propriété intellectuelle.
Qui sait ce que l'avenir nous réserve? Je crois que M. Volpe lui-même a prononcé le mot « potentiel ». Je crois que les événements futurs devraient faire partie de tout examen de sécurité nationale. On dirait, me semble‑t‑il, que nous n'avons pas réfléchi au potentiel futur de cette compagnie en étudiant son bilan passé et la façon dont il pourrait influencer la seule chose qui compte — soit que la réalité doit être locale, locale et locale — pour reprendre l'argument de M. Volpe. Eh bien, nous ne savons pas en quoi consisteront les capacités et activités futures de Neo Lithium au Canada, mais semblerait‑il que nous avons balayé ces questions du revers de la main parce que la compagnie avait un actif à l'étranger à ce moment‑là.
Si j'ai bien compris, voilà les arguments principaux qu'a formulés le secrétaire parlementaire. À mon avis, il est difficile de croire qu'ils tiennent la route à moins qu'un examen et une réflexion beaucoup plus approfondis aient eu lieu, y compris... Comme je le disais, monsieur Fast, je suis d'avis qu'il est très important que nous réfléchissions de façon stratégique et à long terme pour saisir les aspects complexes de ces transactions. Je crois qu'il faut aussi adopter ce que j'appelle l'approche de l'« évaluation nette » qui consiste à déterminer et étudier les intérêts pour ensuite les ajouter aux intérêts que pourrait représenter l'investissement direct étranger dans un calcul stratégique. Je crois que nous ne nous sommes pas suffisamment penchés sur les raisons pour lesquelles il n'est pas anodin qu'une entreprise d'État chinoise ait acquis cet actif.
Je crois comprendre que peu de lithium se fait extraire aux États-Unis. Pour l'instant, aucune quantité n'est extraite au Canada. M. Volpe suggère que, comme le minerai ne sera pas extrait dans un de nos pays partenaires de l'ACEUM, nos règles d'origine ne feront pas partie des règles du jeu. Lui et moi pourrions probablement en débattre, mais je ne veux pas consacrer plus de temps à cette question.
Vous avez aussi demandé à partir de quel seuil ultime il faut dire non. Votre question de pure forme était : « À partir de quel seuil ultime devons-nous dire non? » Avez-vous une réponse à votre question?
Soit dit en passant, très rapidement, j'ai cherché l'information pendant que vous posiez votre question. Les données américaines sur la quantité de lithium ne sont pas publiées pour des raisons de confidentialité, mais la quantité est très faible.
Pour ce qui est du seuil, je me référerais aux outils éprouvés qu'on utilise dans d'autres secteurs pour évaluer la concentration et la diversification de l'industrie et pour mesurer la part des trois plus importants fournisseurs et des cinq plus grands fournisseurs. Il y a différentes façons d'aborder la criticité dans ce secteur, d'autant plus qu'il prend rapidement de l'ampleur. On ne peut dire tout bonnement d'une ressource aujourd'hui qu'elle n'est pas matérielle parce que, bien franchement, toutes les ressources que nous avons vont devoir gagner énormément en importance au cours des 10 à 20 prochaines années.
Nous devons faire preuve d'un peu plus d'imagination pour visualiser l'avenir de notre monde. Nous ne pouvons pas simplement nous fier à 2022 pour prédire trop en détail l'importance qu'auront ces ressources à l'avenir.
Tout d'abord, la propre étude de faisabilité de Neo Lithium de novembre 2021 souligne que les fabricants d'éléments de batterie planifient des investissements en capacité plus près des constructeurs automobiles en Amérique du Nord et en Europe.
L'industrie canadienne privilégie‑t‑elle que les fabricants d'éléments de batterie planifient de rester près des constructeurs automobiles?
C'est le coeur même du modèle d'affaires. On ne veut pas augmenter les coûts en déplaçant les plus grandes pièces à une distance telle que leur transport grugera les profits.
M. Fast prend la réalité des règles d'origine à la légère, mais lui et moi avons passé beaucoup de temps à la table de négociations du PTP, et les règles d'origine existent pour une raison. Elles définissent l'admissibilité aux tarifs douaniers du bien. Ce bien doit rester proche, monsieur Gaheer, parce qu'il est alors qualifié de nord-américain et permet ainsi d'exempter le véhicule de tarifs douaniers lorsqu'on essaie de vendre ce dernier dans un marché très concurrentiel.
Dans la même veine, la même étude suggère que les fabricants privilégient les sources locales de lithium en Amérique du Nord parce qu'elles permettent de réduire les délais d'approvisionnement et les coûts de fret ainsi que de minimiser les risques de défauts. Ces facteurs sont de plus en plus importants étant donné la durée de vie limitée de l'hydroxyde de lithium.
Êtes-vous d'accord avec la conclusion voulant que l'hydroxyde de lithium local provenant de l'exploitation minière en roche dure est la matière qui sera essentielle pour les constructeurs nord-américains et les fabricants de batteries?
Oubliez mon opinion. Pourquoi ne pas plutôt s'intéresser aux décisions sur les investissements qu'ont prises les grands constructeurs d'automobiles en Amérique du Nord qui s'engagent à faire des investissements générationnels dans la production de véhicules électriques à batterie partout en Amérique du Nord? Cela inclut le commentaire de M. Masse sur la grande proximité du Michigan. Le Michigan ne compte pas de gisements de lithium, qui sont tous au nord de cet état. Pourquoi vouloir construire des voitures au Michigan? Il faut être près de la capacité.
Même si le professeur Wark n'aime pas le mot « local », la réalité est que, sur le terrain, c'est le facteur qui influence les décisions sur les investissements. Les Américains sont obsédés par ce qui est local, et c'est la raison pour laquelle M. Masse nous invite à être prudents et à éviter que nos voisins du Sud nous dament le pion. En fait, ils ont investi des centaines de milliards de dollars dans les processus locaux parce que leurs consommateurs sont locaux.
Une grande partie de la théorie qui nous intéresse quant à ce qui devrait ou pourrait être en place pour un examen de sécurité nationale ne se crée pas en vase clos; le marché définit les paramètres. Qui dicte le marché? Présentement, ce sont les consommateurs et le gouvernement américains, et nous desservons ce marché ici au Canada.
Ma dernière question se fonde sur un commentaire de M. Wark. S'il est si illogique sur le plan économique pour le Canada d'accéder à la ressource pour nos besoins, pourquoi la Chine serait-elle intéressée? La Chine est aussi éloignée que nous de l'Argentine, sinon plus.
M. Tsafos a fait allusion à cet enjeu. Vous savez, il y a beaucoup d'interactions entre les ressources énergétiques partout dans le monde. De plus, notre dépendance aux types de minéraux critiques nécessaires aux batteries ainsi que leur utilisation dans les transports, les services publics et dans d'autres secteurs s'inscrivent très bien dans les ambitions mondiales de la Chine. Les ambitions mondiales de la Chine en Amérique centrale et en Amérique du Sud font l'objet de nombreuses études publiques. Les investissements chinois en infrastructure dans ces régions seraient probablement plus rentables si la Chine y acquérait une mine de lithium. Aussi, le lithium en Argentine est plus viable qu'à New York, en Ontario ou même au Coahuila étant donné les objectifs des constructeurs automobiles chinois en matière d'exportations et d'investissements directs étrangers dans les régions où les revenus disponibles sont inférieurs et où les consommateurs sont moins exigeants quant à l'autonomie et la durabilité des véhicules, rendant ainsi les véhicules chinois construits à moindre coût plus intéressants.
Au nom du Comité, j'aimerais remercier tous les témoins d'avoir pris le temps de discuter avec nous cet après-midi. Nous apprécions grandement votre participation. Merci beaucoup d'avoir été là. Nous échangerons peut-être avec vous à nouveau à l'avenir.
Avant de lever la séance, j'aimerais demander aux membres de rester quelques minutes de plus. Nous devons traiter certaines affaires du Comité: j'espère que le Comité souhaite adopter le rapport du sous-comité que le greffier a distribué. On m'a promis que tout le monde est d'accord. J'espère que c'est toujours le cas.
Oh non, je vois que M. Erskine‑Smith a levé la main.
Plutôt que « oh non », je vais faire preuve d'une collaboration exceptionnelle et je vais simplement proposer que le Comité adopte la motion du sous-comité et que nous nous référions au calendrier qui s'y trouve.
J'aimerais dire quelque chose que j'aurais dû mentionner plus tôt, soit lorsque la version complète a été envoyée aux membres du Sous-comité.
J'aimerais inclure la question de la transformation dans une région minière à la motion no 4, qui porte sur les minéraux critiques. Cela pourrait être inclus sous le troisième élément. Ainsi, les témoins que nous allons inviter pourraient discuter de cela.
À mon avis, l'enjeu de la transformation est central. D'ailleurs, c'est aussi ce que les témoins ont mentionné un peu plus tôt, quand je leur ai posé la question.
Enfin, je suis d'accord sur le reste de la motion, et je vais voter en sa faveur avec grand plaisir.
Monsieur Lemire, d'après ce que je peux voir, personne ne s'objecte à ce que vous proposiez cet amendement. Toutefois, je vais solliciter les conseils du greffier.
Monsieur le greffier, pouvons-nous procéder de façon aussi informelle? Il semble que oui.
Puisque qui ne dit mot consent, j'avise les membres du Comité que le rapport du Sous-comité est adopté.