:
Je déclare la séance ouverte.
Je vous souhaite la bienvenue à la 79e réunion du Comité permanent de l'industrie et de la technologie de la Chambre des communes.
Conformément à l'ordre de renvoi du lundi 17 avril 2023, nous poursuivons l'étude du projet de loi . Aujourd'hui, nous procédons à l'étude article par article.
La réunion d'aujourd'hui se déroule sous forme hybride, conformément à l'ordre de la Chambre du jeudi 23 juin 2022.
Nous accueillons M. Mark Schaan, sous-ministre adjoint principal, Secteur des stratégies et politiques d'innovation, à Innovation, Sciences et Développement économique Canada; M. Jamieson McKay, directeur général, Stratégie, innovation et politique du ministère de l'Industrie; ainsi que M. Mehmet Karman, analyste principal de politiques du ministère de l'Industrie.
Je remercie les trois témoins de leur présence.
[Traduction]
Comme l'article 1 est réservé, nous allons passer au nouvel article 1.1.
[Français]
Monsieur Perkins, vous avez la parole.
:
Je vous remercie, monsieur le président. Je vais présenter cet amendement, le CPC‑1.
Si je comprends bien, le projet de loi, dans sa forme actuelle, n'apporte pas de modification à la définition de l'« entreprise d'État » dans la Loi sur Investissement Canada. À mon point de vue, et à notre point de vue, un amendement s'impose parce que la définition actuelle est trop vague. Les entreprises actives dans des pays autoritaires sont souvent forcées de répondre aux demandes de l'État — comme c'est le cas en Chine à l'égard du Parti communiste chinois —, même si elles ne sont pas directement contrôlées par l'État.
Cette préoccupation fait écho à de nombreux témoignages entendus lors de nos réunions. Charles Burton, par exemple, a souligné qu'il n'y a aucune entreprise chinoise qui soit indépendante du régime unipartite chinois. M. Burton a fait valoir que si des sociétés comme Huawei ne s'identifient pas comme des entreprises d'État chinoises, elles fonctionnent de la même manière que les institutions de la République populaire de Chine. L'organigramme de Huawei montre que lorsqu'il s'agit de prendre des décisions, la branche du Parti communiste chinois de l'entreprise a priorité sur le conseil d'administration, et que la raison d'être de l'entreprise ne se limite pas à la rentabilité économique, mais qu'elle sert aussi d'autres objectifs géostratégiques du régime chinois, qui constituent une menace pour la sécurité nationale du Canada.
Ces préoccupations font donc en sorte que, selon nous, la définition actuelle d'une entreprise d'État devrait être élargie pour inclure toute entreprise ou unité dont le siège se trouve dans des États autoritaires comme la Chine.
Cela étant dit, j'aimerais poser une question aux représentants du ministère, si je peux me permettre. Je ne sais pas qui est le mieux placé pour y répondre.
Êtes-vous d'accord pour dire que la définition proposée donnerait au ministre davantage d'outils pour examiner les propositions d'acquisitions par des entreprises basées en Chine, étant donné que la définition traditionnelle de l'entreprise d'État touche non seulement cette loi, mais aussi le droit commercial international?
La Chine a adopté en 2019, si ma mémoire est bonne, sa loi sur la sécurité nationale et le renseignement, qui exige que toutes les entreprises en Chine servent les intérêts de la Chine, y compris par le vol de technologies et l'espionnage. C'est pourquoi des entreprises comme Hytera ont été bannies aux États-Unis et accusées d'espionnage. Toutefois, quand on regarde les informations communiquées par Hytera aux bourses chinoises, Hytera se présente comme une entreprise indépendante, au sens où nous l'entendons, mais dans les faits, elle a été un outil efficace pour faire de l'espionnage et s'adonner au vol de technologies dans des pays ouverts et démocratiques.
:
Je vous remercie, monsieur le président, de la question, et de l'occasion qui m'est donnée de soulever quelques éléments par rapport à cet amendement.
Je vais porter deux éléments précis à l'attention du Comité. Premièrement, la définition d'une entreprise d'État qui se trouve actuellement dans la Loi sur Investissement Canada permet déjà au gouvernement d'examiner les investissements concernant des entreprises d'État qui auraient leur siège dans un pays comme celui décrit par le député, sans prévoir de paramètres — subjectifs dans une certaine mesure — qui soulèveraient un certain nombre de préoccupations liées à nos obligations commerciales.
J'ajouterais que la loi permet aussi déjà au ministre de considérer un investisseur comme une entreprise d'État, même s'il ne s'identifie pas comme tel. Dans les articles 26 et 28 de l'actuelle Loi sur Investissement Canada, le ministre a le pouvoir de considérer un investisseur comme une entreprise d'État, même si l'investisseur ne se présente pas comme tel.
Deuxièmement, il faut savoir que l'élément fondamental de la loi à l'heure actuelle est qu'elle est neutre à l'égard des technologies et des pays, ce qui permet au ministre d'examiner soigneusement les entreprises d'État, sans risquer de déclencher des irritants commerciaux ou sembler être préjudiciable à un pays en particulier, ce qui contreviendrait à nos accords internationaux. Une définition qui incluerait de tels paramètres pourrait être perçue de cette façon et pourrait soulever des inquiétudes à l'égard du Canada sur la scène internationale.
Ce sont là les éléments que je voulais signaler au Comité.
:
Je vous remercie, monsieur le président.
En tant que Britanno-Colombien, je voudrais simplement faire remarquer qu'il y a eu un certain nombre d'exemples vraiment horribles de ce qu'ont fait des entreprises d'État dans ma province. Je pense que l'ancienne première ministre provinciale Christy Clark, à un moment donné... À un certain moment de notre histoire, nous accueillions à bras ouverts toutes formes d'investissements étrangers provenant d'entreprises d'État ou d'entreprises affiliées au régime de Pékin en Chine.
Ce qui me préoccupe, en tant que Britanno-Colombien, et où je pense qu'en toute bonne foi nous pouvons arriver à quelque chose... Nous avions un entrepôt à Surrey qui était considéré comme faisant partie de l'initiative La ceinture et la Route. Cet entrepôt ne serait visé par aucune des dispositions de la loi actuelle. C'est la raison pour laquelle notre parti croit fermement que nous devons élargir le pouvoir discrétionnaire du ministre pour éviter que des acteurs étatiques ne cherchent à atteindre des objectifs qui vont à l'encontre du bien-être du Canada et de nos intérêts stratégiques.
Je veux donner au ministre, dans ce contexte, quel que soit le parti politique au pouvoir, la capacité de contrer les effets négatifs que des entreprises d'État ont eus dans ma province.
L'autre exemple que je donnerai est celui d'une société affiliée au régime de Pékin qui gérait des centres de soins dans ma province, avec d'horribles conséquences. Elles ont fini par être prises en charge par les autorités sanitaires parce que les conditions y étaient affreuses.
Enfin, nous avons besoin que le ministre jouisse d'un plus vaste pouvoir discrétionnaire en ce qui concerne les entreprises d'État, car la Colombie-Britannique possède des terres agricoles stratégiques qui sont actuellement rachetées par ces entreprises.
Je ne vois pas en quoi le fait que le Canada adopte une position plus ferme à l'égard des entreprises d'État nous attirera des ennuis ou fera en sorte que nous contreviendrons à nos obligations dans le cadre de l'OMC.
Les fonctionnaires pourraient-ils nous dire si la Chine a déjà pris des mesures contre le Canada à l'OMC? Le gouvernement chinois a‑t‑il déjà pris des mesures contre la province de la Saskatchewan — comme je l'ai évoqué lors de notre dernière réunion sur le sujet — relativement aux gestes qu'elle a posés pour empêcher les entreprises d'État ou les acteurs étrangers d'acheter des terres agricoles dans cette province? Y a‑t‑il des cas que vous pouvez citer?
:
Je vous remercie, monsieur le président.
Je vais mentionner quelques autres éléments, et sans doute rappeler un élément que j'ai déjà cité.
Comme je l'ai mentionné, dans le cadre de la loi actuelle, les articles 26 et 28 prévoient que le ministre a le pouvoir de considérer un investisseur comme une entreprise d'État, même si l'investisseur ne s'identifie pas comme tel. La définition d'entreprise d'État qui est déjà incluse dans la loi, qui est neutre du point de vue juridique, nous permet de continuer à désigner une entreprise comme entreprise d'État et à l'assujettir aux dispositions de la loi qui s'appliquent à ces entreprises. C'est pourquoi les investissements des entreprises d'État sont couramment examinés dans le cadre de la loi et le sont davantage, en fait, que les investissements privés.
Au sujet des questions de préjudice à l'égard de pays potentiels, je voudrais souligner deux choses. Premièrement, dans de nombreux cas qui concernent une entreprise d'État, ou des cas qui concernent la Loi sur Investissement Canada, il s'agit d'une affiliation avec un investisseur qui ne faisait pas partie de l'entreprise d'État en question. En fait, l'investisseur que nous voyons souvent comme partie potentielle à une transaction canadienne est un membre en règle de l'OMC et un partenaire commercial respecté, un allié, qui lui peut avoir une affiliation avec une entreprise d'État dans le cadre d'un ensemble plus large d'investissements.
Nous devons faire attention au fait qu'en mentionnant précisément un pays dans la loi, au lieu de laisser au ministre le pouvoir discrétionnaire existant, nous pouvons être considérés comme portant préjudice à un investisseur. Dans un certain nombre de cas, des pays ont pris des mesures de représailles concernant des décisions d'investissement, et ont pris d'autres mesures de représailles au sein de leur économie.
:
Merci, monsieur le président.
Si, au moment où on se parle, les articles 26 et 28 de la loi sont si bien écrits, pouvez-vous nous donner des exemples où le ministre a eu à les interpréter et à les appliquer? Pouvez-vous aussi nous donner des exemples où le ministre avait le pouvoir nécessaire d'invoquer le fait qu'une entreprise venait d'un pays non favorable au Canada? Avez-vous des exemples concrets de cela?
Au cours des dernières années, on a vu plusieurs cas d'entreprises canadiennes, particulièrement en télécommunication et en technologie, qui se sont fait exclure de relations d'affaires aux États‑Unis. Y a-t-il un décalage entre notre loi actuelle et les lois américaines, par exemple? Serait-ce plutôt parce que le ministre n'a pas voulu appliquer les articles 26 ou 28 et prendre une décision lui-même, sans que la définition d'entreprise d'État soit changée? En fait, on propose de la changer au moment où on se parle pour l'améliorer ou, du moins, pour y inclure ce qu'on pense être une amélioration. C'était ma première question.
Ma deuxième question porte sur l'unité. Selon notre interprétation de sa définition dans le projet de loi actuel, une unité est une entreprise ayant son siège dans un État étranger où les droits et libertés démocratiques fondamentaux ne sont pas reconnus. À votre avis, est-ce problématique? Cela pourrait-il donner au ministre une raison de décider si cette entité ou entreprise peut faire affaire ou non au Canada?
:
Je vous remercie de ces questions.
Il y a, ici, deux ou trois aspects importants qui méritent d'être considérés.
Premièrement, le député a souligné les démarches d'autres pays pour exclure les organisations ou les sociétés dans un secteur particulier. C'est important de noter que ces démarches législatives, incluant la loi sur les télécommunications de l'Angleterre et l'approche des télécommunications au Canada, sont neutres sur le plan géographique. Elles permettent donc aux gouvernements d'exclure les acteurs qui sont des fournisseurs à risque élevé, comme le fait la définition d'entreprise d'État dans la Loi sur Investissement Canada, qui comprend une neutralité des technologies et une neutralité des pays.
Deuxièmement, la définition d'entreprise d'État, dans la Loi sur Investissement Canada, est suffisamment large pour permettre au ministre d'utiliser les dispositions, maintenant qu'elles existent, pour exclure ou accepter des investissements faits par les entreprises d'État. Cela n'exige pas l'application des articles 26 et 28 à cause de la latitude que donne la définition dans la Loi. Le problème que pose l'inclusion d'aspects qui sont peut-être subjectifs ou qui ont une définition non standard met le Canada à risque d'être perçu par les autres pays comme ayant des préjudices. C'est la raison pour laquelle la définition reste large et ne mentionne pas une géographie particulière. On n'y mentionne pas des aspects non standards, comme des comportements nuisibles, parce que ceux-ci sont maintenant définis dans la loi.
:
Monsieur le président, je voudrais souligner deux éléments importants. Le premier est que la définition large et normalisée de l'entreprise d'État que l'on trouve actuellement dans la loi permet d'examiner plusieurs questions importantes que le député a soulevées, et qu'elle donne donc au ministre la capacité de le faire.
Pour ce qui est de la décision, imaginons que toutes les protections et les atténuations sont en place pour permettre la poursuite de l'investissement. Je ne parle pas de la présente disposition, mais d'autres dispositions dont le Comité entendra parler aujourd'hui, notamment la possibilité de prendre des engagements contraignants dans le cadre des dispositions de la loi qui portent sur la sécurité nationale. Les engagements ont été régulièrement utilisés dans le cadre de la loi pour garantir qu'un certain nombre de facteurs importants sont effectivement pris en compte, notamment la mise en place d'un conseil d'administration canadien et d'une équipe de gestion canadienne.
On exige que les investissements respectent plusieurs des éléments qui, selon moi, se trouvent au cœur des commentaires que j'ai entendus, à savoir qu'il doit y avoir un mécanisme contraignant par lequel l'investisseur peut être tenu responsable de ses actes. Nous croyons que c'est le cas dans le cadre des dispositions d'engagement qui existent maintenant dans les articles qui portent sur l'avantage net et qui s'appliqueront, si le projet de loi est adopté, aux dispositions de la loi qui portent sur la sécurité nationale.
:
Ce que vous laissez entendre, c'est que le ministre dispose déjà d'un large pouvoir discrétionnaire. Il est autorisé à prendre en compte un large éventail de considérations. Il peut imposer des conditions, mais rien ne l'y oblige. Rien ne l'oblige à le faire.
Mon collègue, M. Vis, vient de citer des exemples d'entreprises qui ont abusé de leur privilège d'être en activité au Canada. Anbang est l'une des entreprises auxquelles il a fait référence. HD Mining est un autre exemple classique qui a fait venir des travailleurs chinois au lieu d'employer des Canadiens dans ses activités.
Je pense que les Canadiens en ont assez que le Canada fasse preuve de mollesse lorsqu'il s'agit d'investisseurs étrangers qui abusent de leurs privilèges au Canada.
La disposition que nous avons ici ajoute simplement à la définition d'une entreprise d'État « une unité ayant son siège dans un État étranger où les droits et les libertés démocratiques fondamentaux ne sont pas reconnus ». Je pense que c'est un élément fondamental pour les investissements que nous voulons voir au Canada. Il s'agit d'un engagement clair en faveur des valeurs chères aux Canadiens.
En passant, je comprends les inquiétudes concernant les conséquences que cela pourrait avoir sur nos obligations au sein de l'OMC. Je comprends cela. Toutefois, je pense que vous aurez remarqué que bon nombre de ces pays qui pourraient avoir des entreprises d'État et des investisseurs problématiques au Canada sont des pays qui bafouent régulièrement les règles de l'OMC. Je l'ai constaté personnellement pendant les quatre ans et demi que j'ai été ministre responsable du commerce. On voit cela tout le temps. Il s'agit d'un mépris délibéré des règles de l'OMC, car ces pays savent qu'ils peuvent s'en tirer impunément.
L'argument que vous avez avancé est que nous voulons être sûrs d'être irréprochables, et que s'il existe une chance que cela soit contesté, parce que ce n'est pas aussi clair que nous le voudrions... Je pense que nous trompons les Canadiens lorsque nous ne formulons pas clairement les principes démocratiques fondamentaux que nous attendons des investisseurs étrangers. J'encourage mes collègues à la table à prendre cela au sérieux.
Je ne pense pas que la proposition que vous avez devant vous aujourd'hui doive nous inquiéter outre mesure quant à la manière dont elle sera considérée à l'OMC.
Je dirais également que votre allusion au fait de vouloir éviter les mesures subjectives peut aller jusqu'à un certain point, mais qu'à un moment donné nous devons dire: « Vous savez quoi? Nous allons l'essayer pour voir ce qu'il en est. Nous allons l'inclure. » Les investisseurs ont la possibilité de contester ces mesures dans le cadre soit de nos accords de libre-échange, soit des règles de l'OMC, mais je pense que nous trompons les Canadiens en n'osant pas et en nous cachant chaque fois qu'il y a quelque chose qui peut ou ne peut pas être mis en œuvre ou autorisé par l'OMC.
Je pense qu'il vaut la peine d'inclure cette disposition sous forme d'amendement au projet de loi présenté par le gouvernement. J'espère que mes collègues prendront dûment en considération cette demande.
:
Je veux juste m'assurer que... L'un des concepts que j'ai expliqués a été compris, à savoir que la subjectivité elle-même n'est pas une source potentielle de préoccupation du point de vue de la valeur ou du sentiment qu'elle exprime.
Ce que je faisais valoir, c'est que la définition actuelle — c'est-à-dire « une unité contrôlée ou influencée, directement ou indirectement, par un gouvernement ou un organisme visés à l’alinéa a) », qui renvoie à la définition — est suffisamment générale pour l'application de la loi, et que les dispositions en question visent à définir ce qu'est une entreprise d'État aux fins de l'application de la loi. Cela n'a donc aucune incidence sur les mesures qui peuvent devoir être prises dans ces cas, si ce n'est que ces unités sont considérées comme des entreprises d'État.
Cette définition — et c'est ce que j'essayais de souligner — est en fait très générale, et elle nous permet d'envisager tous ces comportements. C'est la raison pour laquelle nous nous sommes sentis à l'aise avec le fait que cette définition est très générale.
:
Merci, monsieur le président.
Pour que les téléspectateurs comprennent bien, je dirai que M. Fast a été ministre du Commerce international et qu'il a négocié l'accord de libre-échange avec l'Union européenne; il connaît donc ces accords sur le bout des doigts.
Monsieur Schaan, je comprends ce que vous dites — à savoir que le gouvernement estime que les dispositions actuelles sont adéquates. Nous n'allons pas passer autant de temps à débattre chaque amendement. Cependant, il y a en quelque sorte la question de savoir ce qu'est une entreprise d'État. Cette définition est fondamentale — à mon avis — du point de vue des pouvoirs confiés au ministre dans quelques-uns des autres amendements que nous avons présentés, y compris ceux liés au seuil et au remplacement du mot « may » par « shall » dans la version anglaise de la disposition. M. Fast a indiqué ce caractère fondamental. Je voudrais juste vous poser une question parce que vous avez fait allusion aux accords commerciaux.
Le Congrès national populaire de Chine a adopté en 2017 une loi sur le renseignement national — que vous connaissez certainement — qui oblige tous les ressortissants chinois, dans leur pays et à l'étranger, à collaborer, sur demande, avec des agents de l'État chinois afin de servir les intérêts de l'État chinois en obtenant ou subtilisant des données confidentielles et en compromettant des infrastructures dans le monde entier. Il s'agit là d'un élément fondamental qui contraint des entreprises, qu'elles appartiennent techniquement à l'État, qu'elles exercent leurs activités en Chine ou que leur siège social soit en Chine, à prendre les mesures qui ont conduit aux accusations que nous avons observées dans le monde entier.
Dans le cadre des accords commerciaux que le Canada a signés par l'intermédiaire de différents gouvernements — car c'est l'une des situations où l'on affirme respecter ces accords —, d'autres pays ont-ils adopté des lois obligeant leurs entreprises, qu'elles soient publiques ou privées, à espionner les pays où elles exercent leurs activités en dehors de leur pays d'origine et à voler leurs technologies?
:
Cela ne répond pas à ma question. Je vais vous donner un exemple plus précis, car je présume que vous étiez au service du ministère au moment où certaines de ces décisions ont été prises. Ces dispositions confèrent des pouvoirs au ministre, mais, comme l'a dit M. Fast, elles ne l'obligent pas à faire quoi que ce soit.
Comme nous le savons, Sinclair Technologies a été achetée par Norsat à Vancouver en 2011, puis elle a été rachetée par Hytera. Lors de cette transaction qui a été effectuée en 2019, c'est-à-dire deux ans après l'adoption de la loi, le ministre d'ISDE avait, en vertu de la loi en vigueur, le pouvoir de procéder à un examen complet de la sécurité nationale — non pas un examen superficiel, mais un examen complet — et de demander au ministre de la Sécurité publique de procéder à cet examen. Les produits de cette société chinoise, qui appartient essentiellement à l'État, sont interdits aux États-Unis parce que l'entreprise exerce des activités dans le secteur des télécommunications et qu'elle se livre à l'espionnage. Selon cette évaluation complète et détaillée... Pourtant, le ministre Bains a choisi de ne pas procéder à cet examen et a permis à cet achat d'aller de l'avant en se contentant de déclarer très superficiellement que cette transaction était acceptable. Bien que le pouvoir soit conféré dans cette définition, et dans les définitions ultérieures, il n'est pas utilisé. L'exposition subie ultérieurement par nos industries, y compris la GRC et l'Agence des services frontaliers du Canada, qui ont par la suite acheté du matériel auprès de cette société, est le résultat de ce manque de recours à l'article existant. C'est la raison pour laquelle nous plaidons en faveur d'un renforcement de la définition d'« entreprise d'État » et de certaines autres dispositions.
Si ce pouvoir existe, pourquoi n'est‑il pas utilisé — et vous direz peut-être que cette information est assujettie au secret du Cabinet, ou quelque chose d'autre de ce genre —? Bien entendu, il y a d'autres cas. La mine Tanco au Manitoba, la seule entreprise canadienne productrice de lithium, a été achetée par Sinomine sans aucune... Le même ministre a choisi de ne pas soumettre l'entreprise d'État chinoise Sinomine, qui acquérait notre seule mine de lithium en production, à un contrôle détaillé de la sécurité publique. Je dirais également que, dans le cadre de l'examen du critère de l'avantage prévu par la loi, les ministres choisissent de ne pas procéder à ce contrôle.
:
Merci, monsieur le président.
Je commencerai ma déclaration en disant que nous voulons tous une politique publique claire qui n'introduit pas d'ambiguïté. Il s'agit simplement d'un amendement technique qui, je crois, nous aidera à atteindre nos objectifs en matière de clarté et d'efficacité du projet de loi que nous, les députés assis à la table, partageons tous.
Elle lève une certaine confusion quant aux types d'investissements qui seraient soumis à l'article 15. Nous savons que ce sont les types d'investissements visés par les alinéas 11a) et 11b) qui sont soumis à l'article 15, mais compte tenu de leur formulation actuelle, ces dispositions pourraient être contestées par un investisseur. Nous souhaitons préciser que l'article 15 s'applique clairement aux alinéas 11a) et 11b).
Cela dit, j'invite M. Schaan à nous éclairer un peu plus à ce sujet.
:
Merci, monsieur le président.
La modification de l'article 15 qui est proposée précise que les investissements qui sont soumis aux nouvelles exigences en matière d'avis préalable à la clôture décrites à l'article 2(1) ne seront pas sujets à des examens en vertu de l'article 15, mais que l'article 15 continuera de s'appliquer aux transactions visées aux alinéas 11a) et 11b) non modifiés de la loi.
Cette modification a pour but d'éviter que l'article 15, qui autorise l'examen des investissements liés aux entreprises culturelles, n'englobe par inadvertance des investissements soumis à l'examen en vertu de la nouvelle exigence en matière d'avis préalable à la clôture.
Il s'agit d'un mécanisme technique, car il aurait pu y avoir une confusion dans le cas où une transaction aurait été considérée comme visée par deux parties différentes de l'article 11, ce qui aurait permis d'affirmer que la transaction n'était pas assujettie à l'article 15, compte tenu de sa formulation originale, ce qui n'était pas le but des modifications.
:
Merci, monsieur le président.
Cet amendement vise l'ajout de certains éléments au paragraphe 15(1), lequel a déjà été créé par le projet de loi . Nous proposons ainsi l'ajout d'un paragraphe 15(2) qui prévoirait ce qui suit:
(2) Malgré les paragraphes 14(3), 14.1(1) et (1.1) et 14.11(1) et (2), un investissement est sujet à l’examen au titre de la présente partie si, à la fois:
a) l’investisseur non canadien est une entreprise d’État ou est contrôlé par une entreprise d’État;
b) le gouverneur en conseil, sur la recommandation du ministre, juge qu’il est d’intérêt public de soumettre cet investissement à l’examen;
c) le gouverneur en conseil prend un décret d’examen dans les vingt et un jours qui suivent la date où l’investisseur non canadien dépose un avis d’investissement auprès du directeur.
Le projet de loi , dans sa forme actuelle, et la Loi sur Investissement Canada prévoient à mon sens deux régimes d'examen indépendants au titre de toute transaction, à savoir un examen relatif à la sécurité nationale et une mesure de l'avantage net.
Si j'ai bien compris, une formule permet d'établir le seuil à partir duquel un examen de l'avantage net est requis pour une entreprise d'État.
Monsieur Schaan, je crois que vous nous avez indiqué lors d'une séance précédente que ce seuil s'établissait à 512 millions de dollars pour cette année. Dans les cas où les investissements sont tout au moins égaux à ce seuil, l'entreprise d'État doit soumettre une demande pour que l'on procède à un examen de l'avantage net, et la transaction doit être approuvée par le . C'est ce que j'ai cru comprendre, en espérant que je ne fasse pas fausse route. Si c'est ce que souhaite le ministre de l'Industrie — car il a en fait le choix —, l'investissement peut également être soumis à un examen relatif à la sécurité nationale, pour autant que le seuil soit atteint, après consultation avec le . C'est la manière dont les choses fonctionnent selon moi.
L'amendement proposé ici est nécessaire du fait que, dans leur forme actuelle, ni la Loi sur Investissement Canada ni le projet de loi n'exigent le recours automatique à un examen de l'avantage net dans le cas d'un investissement par une société d'État lorsque le seuil n'est pas atteint, c'est‑à‑dire que la valeur des actifs en cause est inférieure à 512 millions de dollars. Je pense que ce seuil est effectivement établi en fonction de la valeur des actifs. En conséquence, tout investissement d'une entreprise d'État dont la valeur serait inférieure à 512 millions de dollars ne serait pas soumis à un examen de l'avantage net.
Selon l'amendement que nous proposons, le seuil ne serait jamais applicable pour les entreprises d'État, peu importe la valeur des investissements, ce qui rendrait obligatoire un examen de l'avantage net pour tous les investissements d'une entreprise d'État.
Cet amendement s'inspire des commentaires reçus de nos collègues qui ont fait valoir qu'il faut ramener à zéro le seuil applicable aux entreprises d'État afin de pouvoir mieux s'assurer que les investissements consentis par ces entreprises ne mettent pas en péril notre sécurité. La proposition fait également suite au rapport adopté à l'unanimité par le comité de l'industrie à l'issue de l'examen de la Loi sur Investissement Canada qu'il a mené il y a quelques années. Sauf erreur, c'est la première recommandation de ce rapport qui indiquait que le seuil devrait être ramené à zéro.
L'expérience nous a démontré que, comme c'est le cas par exemple dans ma province — et je crois l'avoir souligné lors de la comparution des fonctionnaires —, des entreprises d'État, et surtout celles d'États non démocratiques, acquièrent une grande quantité d'actifs canadiens en deçà de ce seuil pour prendre le contrôle de certaines industries. En Nouvelle-Écosse, ces sociétés font l'acquisition d'un grand nombre d'entreprises acheteuses de produits de la mer en payant trois, quatre ou cinq fois leur valeur, simplement pour avoir accès à la chaîne d'approvisionnement de ces produits et pouvoir en prendre le contrôle.
Nous savons par ailleurs — et des gens communiquent avec moi à ce sujet depuis que nous avons commencé à soulever la question en comité dans le contexte de ce projet de loi — que des sociétés d'État et des entreprises chinoises ont sollicité et obtenu une grande quantité de droits miniers sur le territoire des Prairies, notamment.
Nos collègues de l'Ouest nous ont également appris que des terres agricoles étaient achetées dans les Prairies suivant le même stratagème.
Dans tous les cas semblables — et ce ne sont là que quelques exemples —, on est nettement en deçà du seuil établi au moyen de la formule. À mon avis, on profite en l'espèce de notre gentillesse et de notre générosité ainsi que du fait que nous respectons l'ordre mondial. On voit ainsi différentes entreprises et entités faire fi du fonctionnement habituel d'un marché équitable et ouvert qui est fondé sur la recherche d'un bénéfice. On peut notamment considérer l'exemple de Hytera, une entreprise qui réalise rarement des profits. C'est pour cette raison que ces sociétés parviennent à obtenir des contrats d'approvisionnement gouvernementaux en présentant des soumissions à un prix inférieur à celles des entreprises canadiennes qui se doivent de réaliser des bénéfices. On acquiert des entreprises en payant quatre ou cinq fois leur valeur, comme c'est le cas dans ma province, pour des motifs qui ne peuvent pas être commerciaux, car il est impossible en pareilles circonstances de rentabiliser un investissement dans un délai raisonnable.
C'est la seule conclusion à laquelle on peut en arriver pour une entreprise comme Hytera qui ne cesse de perdre de l'argent, comme en témoignent ses états financiers qui sont du domaine public, et continue de décrocher ces contrats. Une entreprise semblable doit avoir des objectifs autres que ceux que l'on voudrait associer à un marché ouvert et équitable permettant une concurrence saine et libre afin d'optimiser les investissements consentis pour acheter les produits, conformément aux merveilleux principes de notre système capitaliste. Ce n'est malheureusement pas ce qui se produit, parce que ces entreprises profitent plutôt des seuils trop élevés.
Je pense que pour cette raison… Je n'ai pas participé à l'étude en question, qui s'est déroulée pendant deux législatures distinctes. Je crois en effet que l'étude a été reprise après les dernières élections comme on peut le voir au début du rapport où l'on désigne deux groupes de membres du Comité et deux présidents différents. Le rapport a été présenté à l'unanimité — et je crois que M. Masse y a contribué — et c'est à l'unanimité que l'on a recommandé de ramener le seuil à zéro.
Lorsque le projet de loi a été déposé, j'ai été surpris de constater que l'on n'avait pas tenu compte de cette recommandation formulée par le Comité. J'y voyais pourtant un effort sincère non seulement pour accélérer les choses, mais aussi pour procurer au ministre la marge de manœuvre nécessaire pour régler certaines de ces questions que j'ai soulevées. On continue toutefois à s'en tenir strictement à ce seuil, même si nous estimons, et que le Comité à l'époque était du même avis, qu'il est beaucoup trop élevé, et qu'il convient de le ramener à zéro, car si l'on se contente de l'abaisser à 220 millions de dollars ou à 100 millions de dollars, par exemple, pour cette année, ces entreprises vont simplement faire des acquisitions d'une valeur moindre, voire nettement moindre comme elles le font dans ma province, pour continuer à se livrer aux mêmes manœuvres. Je ne vois pas le jour où vous établirez ce seuil à 10 millions de dollars.
Je pense que la seule solution — et c'est ce qu'on cherche à faire avec cet amendement — est de donner suite à la recommandation unanime du comité de l'industrie dans son rapport, à savoir ramener le seuil à zéro. J'aimerais maintenant que nos invités nous disent pour quelle raison ils estiment la formule actuelle plus utile — et le projet de loi ne propose pas de la modifier — pour éviter ce qui arrive actuellement lorsque ce seuil n'est pas atteint et ce qui arriverait en quelque sorte de toute manière. Selon moi, le projet de loi permet le maintien du statu quo en la matière.
:
Merci, monsieur le président.
Je peux confirmer brièvement que j'ai participé à l'étude en question. Je vais appuyer cet amendement, non seulement parce qu'il est presque identique à celui que j'ai proposé, mais aussi du fait qu'il est difficile de déterminer avec exactitude la valeur de certaines entreprises. C'est notamment ce que l'on peut constater avec les technologies émergentes. C'est aussi le cas des entreprises qui détiennent des brevets ou d'autres titres de propriété intellectuelle dont on peut très difficilement établir la valeur véritable. En outre, l'émergence de l'intelligence artificielle et de nouveaux types d'entreprises ne fait que compliquer les choses.
En ma qualité de néo-démocrate, je me dois d'être en faveur de cet amendement. J'estime que M. Perkins a bien présenté l'argumentaire à l'appui de cette proposition, mais je voudrais seulement ajouter une mise en garde quant au fait que l'évaluation des entreprises peut être un exercice fortement subjectif, surtout compte tenu de la nature de certaines industries dans lesquelles elles évoluent. C'est ce qu'on a pu constater lorsqu'Ericsson a acheté une division de Nortel. On s'intéressait en fait uniquement aux brevets. On ne voulait pas vraiment du reste des actifs, car toute la valeur résidait dans ces brevets. Il en allait d'ailleurs de même de RIM et d'autres entreprises.
C'est donc pour cette raison que je vais appuyer l'amendement proposé.
Merci, monsieur le président.
:
Merci, monsieur le président.
Je me demande si l'équipe peut répondre à deux petits points qui vont exactement dans le sens de ce dont nous discutons ici.
D'abord, cet amendement établit essentiellement à zéro le seuil de déclenchement d'un examen des bénéfices nets. La difficulté, c'est que cela va à l'encontre de nos accords commerciaux, ce qui crée un problème pour nous dans le cas, par exemple, de sociétés de gestion des caisses de retraite qui ont peut-être investi en Chine, parce que, en Chine, nous sommes une société d'État, et il pourrait y avoir des représailles. Nous ne voulons pas créer de conséquences imprévues. J'aimerais que vous y réfléchissiez, si possible.
Ensuite, pour que ce soit vraiment clair pour nous tous ici, dans le cas de... Nous venons de parler des examens des bénéfices nets. Nous parlons maintenant des examens relatifs à la sécurité nationale. Il n'y a pas de seuil. Chaque transaction fait l'objet d'un examen relatif à la sécurité nationale, n'est‑ce pas?