:
Je déclare la séance ouverte.
[Traduction]
Bienvenue à la 36e réunion du Comité permanent de l'industrie et de la technologie de la Chambre des communes.
Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement et à la motion adoptée par le Comité le lundi 26 septembre, notre réunion portera sur le thème des appels frauduleux au Canada.
[Français]
La réunion d'aujourd'hui se déroule sous forme hybride, conformément à l'ordre adopté par la Chambre le jeudi 23 juin 2022. D'ailleurs, je suis désolé de me joindre à vous virtuellement aujourd'hui. Je préfère toujours être là en personne, mais cela m'est impossible aujourd'hui.
Cependant, nous avons la chance de recevoir plusieurs témoins qui se joignent à nous en personne au cours de la première heure aujourd'hui, dont des représentants de la Gendarmerie royale du Canada: le superintendant Denis Beaudoin, directeur, Criminalité financière; le sergent Guy Paul Larocque, officier responsable intérimaire du Centre antifraude du Canada; et M. Chris Lynam, directeur général, Coordination nationale contre la cybercriminalité.
Lors de la deuxième heure, nous recevrons M. Randall Baran‑Chong, cofondateur de Canadian SIM-swap Victims United; M. Kevin Cosgrove, éducateur en sécurité numérique et conseiller civil; et finalement, M. John Mecher, enquêteur de la GRC à la retraite. Ces derniers témoigneront à titre personnel.
Sans plus tarder, je cède la parole aux représentants de la Gendarmerie royale du Canada pour cinq minutes.
Monsieur le président, distingués membres du Comité, je suis heureux de me joindre à vous aujourd'hui pour discuter de l'importance des appels frauduleux et autres escroqueries au Canada, ainsi que des efforts que la GRC a entrepris depuis la dernière fois où nous nous sommes rencontrés à ce sujet en mai 2020.
Je m'appelle Chris Lynam. Je suis le directeur général du Groupe national de coordination contre la cybercriminalité, le GNC3, et du Centre antifraude du Canada, le CAFC, de la Gendarmerie royale du Canada, la GRC. Se joignent à moi aujourd'hui le sergent Guy Paul Larocque, qui est officier responsable intérimaire du CAFC, ainsi que le surintendant Denis Beaudoin, le directeur, Criminalité financière au sein des Opérations criminelles de la Police fédérale.
Avant de parler des appels frauduleux et des autres escroqueries qui touchent les Canadiens, j'aimerais décrire brièvement les mandats du CAFC et du GNC3. Premièrement, le CAFC comprend un partenariat de longue date entre la GRC, la Police provinciale de l'Ontario et le Bureau de la concurrence Canada. Le CAFC travaille en étroite collaboration avec ses partenaires canadiens et internationaux chargés de l'application de la loi pour lutter contre la fraude par marketing de masse et d'autres types de fraude, notamment les appels frauduleux.
En 2021, le CAFC a aligné ses activités opérationnelles sur celles du GNC3, un autre service national de police de la GRC axé sur la lutte contre la cybercriminalité. Alors que le CAFC se concentre sur la fraude et les escroqueries en ligne, le GNC3 se concentre davantage sur la lutte contre la cybercriminalité axée sur la technologie, comme les rançongiciels, les atteintes à la protection des données et autres cyberintrusions. Le CAFC et le GNC3 travaillent en étroite collaboration étant donné les liens étroits entre la fraude et la cybercriminalité et son objectif de fournir des services hautement coordonnés à la communauté canadienne et internationale d'application de la loi.
Depuis notre dernière comparution devant le Comité en 2020, le CAFC et le GNC3 ont constaté une augmentation importante des activités frauduleuses au Canada. En 2021, le CAFC a reçu des rapports indiquant que les victimes avaient subi des pertes de 379 millions de dollars dues à la fraude. Il s'agit d'une année historique sur le plan des pertes de ce type qui ont été signalées, avec une augmentation de 130 % par rapport à l'année précédente. En même temps, le CAFC estime que seulement 5 à 10 % des victimes signalent ces fraudes à la police.
Parmi les pertes liées à la fraude signalées par les victimes en 2021, plus de 70 % étaient cybernétisées, ce qui signifie que l'activité frauduleuse a été commise par l'intermédiaire d'Internet ou de plateformes numériques connexes comme le courriel ou les médias sociaux. Ces tendances et la convergence de la fraude cybernétique avec d'autres activités de cybercriminalité soulignent l'importance de la collaboration entre le CAFC et le GNC3, et la nécessité pour les organismes canadiens d'application de la loi de s'adapter continuellement et de suivre la cadence.
Malgré l'augmentation des escroqueries en ligne, les Canadiens continuent d'être ciblés par des appels frauduleux.
[Français]
En 2021, le Centre antifraude du Canada, le CAFC, a reçu plus de 32 000 signalements de tentative de fraude dont la victime a été contactée par téléphone par le fraudeur. Les appels téléphoniques frauduleux peuvent inclure, entre autres, des tentatives de criminels prétendant représenter des forces de l'ordre ou l'Agence du revenu du Canada, des banques ou d'autres institutions financières.
[Traduction]
Détrompez-vous, il est incroyablement difficile d'enquêter et d'appréhender les fraudeurs et les cybercriminels. Souvent, nous avons affaire à des milliers de victimes, à de multiples autorités policières, à des infrastructures de cybercriminalité et à des preuves numériques dans des pays étrangers.
[Français]
En revanche, ces défis ont également servi de catalyseur pour les services de police canadiens. Nous nous sommes adaptés, nous avons accéléré nos efforts de collaboration avec des partenaires aux vues similaires, et nous avons adopté une approche plus globale quant à la lutte contre la fraude et la cybercriminalité.
Divers programmes de la GRC continuent de jouer un rôle clé dans plusieurs opérations internationales de lutte contre la cybercriminalité et la fraude. Cependant, nous reconnaissons également que la fraude sous toutes ses formes est un défi omniprésent et durable et que nous ne pouvons simplement pas procéder à des arrestations pour échapper à ce problème. Notre réponse à la fraude nécessite des efforts plus importants.
[Traduction]
Par exemple, dans certains cas et lorsque cela est possible, nous travaillons en étroite collaboration avec des partenaires nationaux et internationaux pour aider au recouvrement de fonds dérobés par des stratagèmes de fraude. En 2021, le CAFC a collaboré à 36 cas de gel ou de recouvrement de fonds totalisant environ 3,4 millions de dollars.
Un autre aspect essentiel de la lutte contre la fraude et la cybercriminalité est la prévention, l'information et la sensibilisation. C'est une heureuse coïncidence que je puisse m'adresser à vous pendant le mois d'octobre, mois de la sensibilisation à la cybersécurité. L'un des thèmes clés de nos activités de prévention ce mois‑ci est le matériel de sensibilisation et de prévention sur les techniques d'hameçonnage, ou phishing, utilisées par les fraudeurs. Nos efforts de prévention se poursuivent tout au long de l'année, avec un autre mois notable en mars consacré à la prévention de la fraude. L'année dernière, pour le mois de la prévention de la fraude, nous avons mis l'accent sur la sensibilisation aux escroqueries par usurpation d'identité.
En conclusion, nos efforts au cours des dernières années ont été importants. Insuffisants, mais significatifs, et nous restons déterminés à trouver de nouvelles façons de protéger les Canadiens et de réduire la victimisation associée à la fraude et à la cybercriminalité.
J'aimerais vous remercier de m'avoir donné l'occasion de m'adresser à vous aujourd'hui. Nous sommes prêts à répondre à vos questions.
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Je ne crois pas que nous aurons besoin de nouveaux cadres. Je peux vous parler de certains mécanismes déjà en place.
Comme l'a mentionné le surintendant Beaudoin, il y a une collaboration à l'échelle nationale et internationale. C'est une bonne partie du mandat du CAFC et du GNC3, qui collaborent avec les partenaires chargés de l'application de la loi au Canada pour établir des liens entre leur travail et celui des organismes étrangers. La collaboration avec d'autres pays peut être bilatérale ou multilatérale.
Par exemple, dans le domaine de la cybercriminalité, nous collaborons activement avec le Centre européen de lutte contre la cybercriminalité. Le Centre a établi un groupe de travail conjoint, le Joint Cybercrime Action Task Force, formé de 18 États membres de l'Office européen de police, Europol, ainsi que du Canada, des États‑Unis et de l'Australie. Par l'intermédiaire du quartier général d'Europol, nous restons constamment en contact pour la conduite d'enquêtes internationales.
C'est un très bon exemple de collaboration multilatérale. Elle nous permet de faire avancer les enquêtes et, même si elle ne mène pas à l'arrestation ou à la poursuite de cybercriminels ou de fraudeurs, nous pouvons nous en prendre à leurs infrastructures. Et je peux vous dire qu'il y a eu un bon nombre de victoires sur ce front.
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Oui, tout à fait. Si vous me le permettez, je vais revenir sur l'une de vos questions. Je m'en voudrais de laisser le Comité sous l'impression que la police ne fait pas tout en son pouvoir pour mener des enquêtes contre les fraudeurs et les cybercriminels. Une partie très importante du mandat du CAFC et du GNC3 consiste à aider les organismes canadiens d'application de la loi à mener ces enquêtes, de même que la conduite du volet des services de police fédéraux de la GRC. De nombreuses enquêtes sont en cours. Je voulais simplement souligner que nos activités sont plus larges.
Pour ce qui a trait à l'échange d'information entre le CRTC et d'autres organismes, nous nous conformons aux pouvoirs que nous avons en la matière. Nous pouvons communiquer certains éléments d'information au CRTC et vice versa. La plupart des organismes vous diraient qu'il est toujours possible de faire mieux en matière d'échange d'information, mais nous en faisons déjà beaucoup dans ce domaine.
Quant aux organismes du secteur privé comme les entreprises de télécommunications et les établissements financiers, nous devons respecter le fonctionnement des autorités policières. Si nous avons besoin de renseignements de l'une d'elles, il faut généralement obtenir une ordonnance de communication ou suivre un autre processus en place.
Nous recevons souvent des demandes de banques qui pensent qu'elles ou leurs clients ont été victimes d'un crime. Nous avons des contacts réguliers. Nous avons parlé de ce que nous faisons pour les informer d'incidents qui à notre avis pourraient viser des clients de ces établissements.
Bref, de manière générale, nous pouvons toujours apporter des améliorations en matière d'échange d'information.
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Merci, monsieur le président, et merci à nos témoins. Je sais que M. Lemire reviendra bientôt et je tiens à dire que ses interventions sont toujours fort appréciées.
La dernière question était très intéressante. Pourquoi ce sujet se retrouve‑t‑il devant le comité de l'industrie? C'est quelque chose qui m'exaspère depuis que je siège à ce comité, et cela fait quelques années. Nous parlons d'un secteur réglementé dans lequel nous laissons des criminels s'adonner à leurs activités sans vraiment être inquiétés. Le secteur des télécommunications… Rien de tout cela ne serait possible et les citoyens n'auraient pas ces problèmes sans la mise aux enchères des fréquences, le libre-accès à notre infrastructure et la réglementation par le CRTC. C'est le cadre idéal pour ce genre d'activités. Cela dit, je salue les efforts déployés, pas seulement maintenant devant notre comité, mais depuis quelques années pour changer les choses.
Ce qui me préoccupe et dont j'aimerais discuter dans le cadre de cette étude est la grande similarité avec la criminalité en col blanc. Cela me semble évident, mais je crois que c'est loin d'être le cas pour le Parlement, à bien des égards. Nous traquons les travailleurs et les criminels urbains, mais je me demande si la législation est assez sévère.
Je vais donner un bref exemple. Dernièrement, à cause de Rogers, les citoyens ont perdu l'accès au service 911… Selon des témoignages que nous avons entendus, il n'y a eu aucune entraide entre les entreprises de télécommunications pour garantir l'accès au service 911. N'est‑ce pas le moment de montrer les dents et d'élargir les pouvoirs ou d'améliorer ce qui doit l'être pour que la GRC et d'autres forces policières puissent exiger une meilleure coopération des entreprises de télécommunications?
J'aimerais entendre ce que vous avez à dire à ce sujet.
Il est certain que les aînés forment une population que les fraudeurs semblent toujours viser. Ils sont souvent perçus comme des proies faciles.
Si je regarde nos données statistiques, les pertes associées aux personnes âgées — chez nous, ce sont celles de 60 ans et plus — représentent environ 30 % des pertes qui nous sont signalées sur une base annuelle. C'est quand même assez important.
Au Centre antifraude du Canada, un programme en place offre du soutien aux aînés. Lorsque c'est détecté par nos analystes à la réception des plaintes, les personnes plus vulnérables ou à risque sont redirigées vers l'Unité de support aux aînés du CAFC.
Il s'agit d'un programme assez particulier et assez spécial dans la mesure où nous avons des aînés bénévoles qui viennent nous aider à faire cette partie du travail. Ces personnes sont souvent à la retraite et viennent de l'industrie, soit du domaine des télécommunications, du secteur bancaire ou d'autres secteurs. Des enseignants à la retraite nous soutiennent aussi. Ces personnes assurent le suivi d'appels auprès des aînés. De plus, elles nous aident aussi à faire des présentations à des groupes cibles, souvent auprès des groupes d'aînés.
Notre programme est principalement centré en Ontario. Nous visons présentement à étendre ce programme d'est en ouest pour assurer une meilleure présence au Canada. L'Ontario est la province qui a le bassin de victimes le plus important étant donné qu'elle est la plus populeuse. À cet égard, nos efforts sont bien dirigés de ce côté.
Nous faisons d'autres efforts pour tenter de minimiser les répercussions de la fraude, que ce soit par nos campagnes de sensibilisation sur les médias sociaux ou par les nombreuses réponses médiatiques que nous recevons.
Par exemple, au cours de la dernière année, seulement au centre antifraude, nous avons reçu près de 400 demandes médiatiques. La communauté médiatique nous aide beaucoup à véhiculer notre message et à tenter de joindre le plus grand nombre de personnes vulnérables possible.
Le plus important, et c'est souvent le plus difficile, c'est d'encourager les victimes à reconnaître qu'elles sont victimes de fraude et à signaler leur cas aux autorités. Signaler la fraude demeure un élément clé. Notre but est de comprendre les stratagèmes qui ciblent les Canadiens et les Canadiennes afin de pouvoir ajuster nos messages en conséquence.
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Pour ce qui est de la sensibilisation, nous avons des exposés proactifs qui sont présentés en personne, dans la mesure du possible. Évidemment, comme l'a expliqué M. Lynam, la COVID a mis un frein à nos efforts, mais nous avons quand même trouvé des moyens de communiquer. Nous avons eu des exposés virtuels quand il n'était pas possible de les présenter en personne. Nos aînés bénévoles ont maintenant commencé les rendez-vous en personne.
Pas plus tard que la semaine dernière ou celle d'avant, un de mes agents de communications a présenté un exposé devant de nouveaux arrivants. C'était vraiment bien de pouvoir les familiariser avec toutes les menaces frauduleuses qui existent et de les aider à les contrer.
Je reconnais que la prévention restera essentielle. Nous ne ferons jamais assez de prévention. Nous pouvons toujours faire plus, et ce sera toujours un défi de réussir à communiquer avec le plus de personnes possible.
Au centre, nous avons notamment repris le mot-clic #ParlerA2. L'idée est que si vous parlez à deux personnes d'une histoire de fraude ou d'une menace de fraude et qu'elles en parlent à deux autres, le message sera diffusé plus largement.
Vous avez mentionné les aînés victimes de fraude, qui peuvent être plus vulnérables et avec qui il peut être plus difficile de communiquer. C'est pourquoi nous demandons à leur famille de nous aider à faire de la sensibilisation et à avoir ces conversations avec eux.
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Le dernier rapport que nous avons adopté contenait trois recommandations qui pouvaient vous concerner.
D'abord, la Recommandation 1 parlait des données:
Que le gouvernement du Canada travaille avec le Centre antifraude du Canada, Statistique Canada, les gouvernements provinciaux et les services policiers chargés de l’application des lois de partout au pays pour améliorer la disponibilité et l’accessibilité des données sur les appels frauduleux au Canada.
La Recommandation 2 parlait des données et de l'information:
Que le gouvernement du Canada travaille avec le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes, les fournisseurs de services de télécommunications et les services de police dans le but d’augmenter et d’améliorer l’information mise à la disposition des Canadiens concernant les appels frauduleux.
Finalement, il y avait la Recommandation 5:
Que le gouvernement du Canada présente un projet de loi pour faciliter l’échange d’informations confidentielles entre la Gendarmerie royale du Canada, le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes et d’autres instances gouvernementales au pays, afin d’assurer la coordination d’interventions efficaces contre les appels frauduleux tout en garantissant la protection de la vie privée.
Il était donc question du partage de données, de l'information et, particulièrement, de l'échange d'informations confidentielles.
Le gouvernement vous a-t-il sollicités, depuis deux ans, pour améliorer les pratiques? A-t-il assumé un rôle de direction? Finalement, ces recommandations ont-elles été mises en place?
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Je vous remercie, monsieur le président.
La prévention est essentielle à bien des égards. M. Mecher va témoigner. Il était enquêteur à la GRC dans des affaires de fraude. Il a travaillé sur le dossier de la Western Union. Il a fait un travail formidable et il témoignera devant le comité.
Nous avons envoyé un courriel aux députés pour qu'on en parle. Une dizaine d'autres députés ont répondu. Nous l'avons envoyé deux fois. Il est toujours difficile d'en faire une priorité.
En 2018, le ministre de la Sécurité publique de l'époque, Ralph Goodale, a organisé un sommet ici, à Ottawa, sur les armes à feu, les drogues, la contrebande, etc. Dites-moi sincèrement, pensez-vous qu'un sommet soit une bonne ou une mauvaise idée? En sommes-nous à un point où nous avons besoin d'un sommet sur la fraude ou quelque chose comme cela pour réunir les élus provinciaux, municipaux, fédéraux et autres afin d'avoir quelque chose de plus solide pour les relations publiques?
Je ne veux pas de réunions pour le plaisir d'en tenir, loin de là. J'en ai assez comme cela. Ce qui m'a plu dans le sommet organisé par M. Goodale, c'est qu'il a réuni beaucoup de personnes qui n'avaient pas travaillé ensemble auparavant. Les aspects formels et informels sont venus après.
Étant donné votre temps et l'engagement que cela représente, serait‑il utile pour le pays d'organiser maintenant un sommet sur la fraude et la cybersécurité?
Vous ne m'insulterez pas si vous répondez seulement par un non.
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Merci, monsieur le président.
Je remercie également les témoins.
Monsieur Lynam, plus tôt, vous avez utilisé les mots « défi omniprésent et durable ». Si j'ai bien compris, il s'agit d'un défi qui perdure. Entendons-nous bien: les technologies d'aujourd'hui font que ce défi va demeurer, inévitablement.
Sachant cela, quels sont vos objectifs?
Tantôt, vous avez mentionné que les pertes relatives aux fraudes s'élèvent à 379 millions de dollars et que la récupération s'élevait à 3,4 millions de dollars. Pouvons-nous associer ces deux chiffres? La récupération ne représente même pas 1 % des pertes.
Est-ce possible? Mon calcul est-il bon?
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Bonjour. Je m'appelle Randall Baran-Chong et je suis le cofondateur de Canadian SIM-swap Victims United.
Je remercie le comité de m'avoir invité à comparaître de nouveau devant lui. La dernière fois, le confinement a été annoncé l'après-midi même. J'espère donc que ma présence n'augurera pas l'arrivée d'une autre pandémie.
Pour vous rafraîchir la mémoire, la transférabilité des numéros, autorisée à partir de 2007, visait à permettre aux clients de changer de fournisseurs de services de télécommunications tout en conservant leur numéro de téléphone, mais des fraudeurs exploitent cette possibilité pour se transférer la propriété d'un numéro de téléphone, souvent en manipulant le représentant du service à la clientèle d'une entreprise de télécommunications.
Une fois en possession de votre numéro de téléphone, ils utilisent des méthodes d'authentification par message texte et SMS et cliquent sur « Mot de passe oublié » pour accéder aux comptes de la victime et en prendre le contrôle. Quand on y pense, cela peut aller de votre courriel aux portefeuilles de cryptomonnaies, en passant par les services bancaires et le stockage infonuagique. Dans notre organisation, qui compte plus de 20 défenseurs des victimes, nous avons des personnes qui ont été dépossédées de toutes leurs données et à qui on a volé des centaines de milliers de dollars. Pour ma part, j'ai vu mon moyen de subsistance menacé par une extorsion.
Que s'est‑il passé depuis cette dernière réunion fortuite? Dans son rapport de novembre 2020, le comité — qui compte de nouveaux visages aujourd'hui — formulait deux principales recommandations, que je paraphrase. L'une était qu'une audience soit organisée et, à défaut, qu'une mesure législative soit proposée.
Le ministre a répondu en disant que nous faisons confiance au CRTC et au Conseil de la transférabilité des numéros sans fil, qui est composé des entreprises de télécommunications elles-mêmes, pour gérer la situation et s'autoréglementer et qu'une mesure législative est inutile, car le transfert non autorisé est considéré comme un crime.
Je peux parler pour presque toutes les victimes dans notre groupe en disant que notre problème, ce n'est pas la répression de la criminalité ou les criminels eux-mêmes. En revanche, nous nous méfions des entreprises de télécommunications et de leur organisme de réglementation. Ce sera probablement une première dans ces lieux, mais je vais paraphraser le rapper Ice‑T et dire que nous ne détestons pas le joueur, mais le jeu.
Ce que je veux dire par là, c'est que nous savons que les criminels chercheront toujours les points faibles à exploiter, mais que c'est au système, aux entreprises de télécommunications que nous confions la protection de nos données personnelles, et elles calculent ce que cela coûte de prévenir les fraudes en comparaison du coût proche de zéro des sanctions en cas d'échec, et l'organisme de réglementation qui a pour rôle de protéger le public nous laisse tomber. En fait, jusqu'ici, les entreprises comme l’organisme de réglementation se préoccupent peu des victimes, ne compatissent pas à leur sort et les ignorent.
Depuis notre dernière réunion, voici ce qui a été révélé: la fraude est plus fréquente qu'on ne le pensait.
Mme Gray y a fait allusion. Une demande d'accès à l'information présentée par un journaliste de Globe Telecom — qui, ironie du sort, a fini par être victime d'une fraude liée à un échange de carte SIM — a révélé 24 627 cas, pour être exact, de transferts non autorisés sur les 10 mois allant d'août 2019 à mai 2020. Cela correspond à 1 % des transferts.
Si nous comparons avec les fraudes à la carte de crédit, seulement 0,17 % des transactions sont frauduleuses. Au plus fort de la fraude, 2,5 % des transferts étaient frauduleux. Son ampleur peut être massive. Des accusations ont été portées contre deux Canadiens, un à Montréal et un à Hamilton. Il leur est reproché d'avoir volé entre 40 et 50 millions de dollars en cryptomonnaies et par des fraudes à la carte de crédit au Canada et aux États-Unis.
Pendant ce temps, d'autres victimes dans nos groupes essaient de récupérer des millions en fonds volés parce que les représentants du service à la clientèle des entreprises de télécommunications donnent des renseignements personnels aux fraudeurs, ce qui leur permet de procéder au transfert non autorisé de numéro.
Enfin, les entreprises de télécommunications ont appliqué volontairement la réglementation, sans succès au début. Après plusieurs tentatives infructueuses pour régler le problème, elles ont mis en place des notifications par texte vers l'été 2020. Solution qui ne donne toujours rien. Nous le savons à cause des victimes découvertes après. Il y a un groupe de 14 victimes dont nous savons qu'elles essayaient de récupérer plusieurs millions de dollars en 2021. Les entreprises de télécommunications n'ont pas réussi à empêcher l'exploitation de leurs représentants et elles n'envoient pas toujours de notification.
Le fait est que nos identités numériques et nos numéros de téléphone sont de plus en plus exposés. Votre SIM est le nouveau numéro NAS — cela jusqu'à ce que l'authentification à deux facteurs par SMS soit remplacée systématiquement.
Le deuxième point est que la sécurité de notre identité numérique dépend de la résistance du maillon le plus faible et, dans ce cas, les représentants des services à la clientèle des entreprises de télécommunications sont le maillon le plus faible de la ligne de défense de nos numéros de téléphone.
Des enquêtes ont révélé que les conversations téléphoniques et les journaux de clavardage des représentants des services à la clientèle font l'objet d'une ingénierie sociale qui incite à fournir des renseignements aux fraudeurs. Cela en dit long sur le manque de formation, les incitatifs inappropriés qui font passer le rendement avant la protection des clients, et l'absence de mesures punitives pour les entreprises de télécommunications elles-mêmes en cas de manquement.
Enfin, les progrès et les pratiques en ce qui concerne les transferts non autorisés demeurent opaques. Le fait que nous n'ayons pas pu produire de chiffres et qu'il soit seulement possible d'en produire en présentant des demandes d'accès à l'information en dit long à ce sujet. Il n'y a pas de communication proactive de données sur les taux de pratique et sur leur efficacité.
Une audience est nécessaire pour mieux comprendre la situation et les ripostes et pour permettre aux victimes de s'exprimer. Deuxièmement, nous devons codifier des règles qui rendent les pratiques cohérentes et durables, y compris en ce qui concerne la transparence des paramètres. Troisièmement, nous devons adopter des mécanismes d'application en cas de non-conformité, comme je le proposais en 2020 quand l'Australie a instauré des amendes pour non-conformité allant jusqu'à 250 000 dollars australiens.
Ces trois recommandations sont toutes approuvées par les plus de 12 500 Canadiens qui ont signé une pétition OpenMedia à cet effet.
N'attendons pas une autre pandémie pour agir contre ce type de fraude. Je répondrai volontiers à vos questions et suis ouvert à des solutions.
Je vous remercie.
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Bonjour à toutes et à tous.
Je remercie les membres du Comité de m'offrir cette occasion de parler aujourd'hui.
Je m'appelle Kevin Cosgrove. Je suis technicien de réseau, éducateur et je fais la promotion de la sécurité numérique dans le comté de Windsor-Essex, en Ontario. Je travaille dans le domaine des TI depuis près de 30 ans, mais à présent, je travaille plus avec de vraies personnes, par des contacts, dans toute notre collectivité. Je travaille avec les services de police sur la fraude numérique et j'éduque le public dans ce domaine.
Je donne des cours chaque semestre à des aînés plus précisément. Comme nous le savons, les aînés sont une cible importante de la fraude en ligne, numérique et téléphonique. D'après les statistiques que je reçois à ma petite échelle, près de 25 % des victimes sont des aînés. Chaque année, nous passons du temps avec la police locale à expliquer aux aînés comment éviter d'être victime de fraude.
Je sais que le Comité se concentre certainement sur des choses à un niveau plus élevé — qui concernent les entreprises de télécommunications et d'autres choses à l'échelle internationale —, mais je suis le gars en première ligne que la petite dame âgée vient trouver pour me raconter qu'elle est victime d'une arnaque, qu'elle a besoin de ce type d'aide et qui me demande qui elle devrait appeler.
Ma plus grande frustration en travaillant à l'échelle locale et en tant qu'éducateur qui se concentre tout particulièrement sur ces questions, c'est que l'information existe déjà et qu'elle est diffusée. La GRC, notamment, a une quantité phénoménale d'information. Quand je parle aux personnes qui suivent mes cours, cependant, aucune n'en a entendu parler. Ce n'est pas que la GRC ne fait pas un bon travail ou ne fait aucune activité de sensibilisation, mais quand je parle aux gens, ils ne sont pas au courant.
Comme le Comité le sait, la GRC a une publication fabuleuse intitulée Le petit livre noir de la fraude. C'est une merveilleuse publication, et elle existe depuis des années. Depuis près de 20 ans que je fais cela, je ne connais qu'une personne qui en a vu une copie papier. Voilà bien le problème, entre autres, avec certains de nos programmes. Une partie de l'information et de la sensibilisation faites par la GRC ne touche pas tout le monde.
Évidemment, il y a aussi parfois un décalage quand la GRC n'est pas la principale autorité dans un endroit et qu'elle s'en remet plus à la police locale pour s'en occuper. Celle‑ci fait son propre travail. En fait, chaque petite région à qui nous avons affaire essaie de réinventer la roue, au lieu d'adopter une réponse concertée pour certains aspects.
Quand je donne des cours à des aînés et que je distribue de l'information dans la collectivité, je cherche en priorité à ce que ce soit accessible. Quand j'ai commencé, il y a près de 20 ans, j'ai remarqué que l'accent sur les détails et les définitions, par exemple, complique les choses pour le simple citoyen qui prend une brochure et essaie de la comprendre. Je ne dénigre pas une partie de l'information publiée, mais une femme de 84 ans n'a rien à faire des différences entre l'hameçonnage, l'hameçonnage par SMS, le harponnage et le harponnage de baleine. Peu lui importe ce genre de détails. Elle a besoin d'information pour être en sécurité sans lire un message d'intérêt public dans une brochure qui ne choisit pas la bonne solution pour éduquer le public.
Je suis tout à fait prêt à répondre à vos questions. Je pense que j'avais quelques questions pour la GRC quand j'étais assis derrière, mais il ne m'appartient pas de les poser.
Je vous remercie de m'avoir invité.
Il a été question tout à l'heure de STIR/SHAKEN et des progrès accomplis par rapport à cette technologie. Même si je suis un civil, je parle avec des analystes des renseignements criminels du CAFC et du groupe des crimes financiers à Windsor. D'après eux, les types d'appels que cible spécifiquement la technologie STIR/SHAKEN ont diminué. Les gens ne signalent plus qu'ils ont reçu des appels téléphoniques s'annonçant comme venant de Revenu Canada. Il leur arrive de voir le même appel téléphonique s'afficher avec un numéro d'interurbain, mais pour ce qui est des appels frauduleux s'affichant comme venant de la police ou de Revenu Canada, il y en a beaucoup moins, d'après ce qu'on m'a dit.
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Bonjour. Je vous remercie, monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du Comité.
Je m'appelle John Mecher — ce qui rime avec « teacher » — et j'ai été membre de la GRC pendant plus de 32 ans, dont 10 ans environ passés à enquêter sur des fraudes, surtout dans la région métropolitaine de Toronto. J'ai enquêté sur différentes fraudes, y compris la fameuse arnaque liée à l'Agence du revenu du Canada. Après avoir pris ma retraite en 2019, j'ai continué de travailler bénévolement pour sensibiliser à la fraude.
Bien que je sois prêt à discuter de nombreux aspects de la fraude, y compris des occasions manquées par le gouvernement et par les organisations, j'ai choisi de me concentrer sur un élément fondamental de la prévention de la fraude. Pour être précis, je parlerai de la différence entre « la sensibilisation à la fraude » et ce que j'appelle « la véritable sensibilisation à la fraude ».
Tout d'abord, il est toujours bon de rappeler les pertes, qui continuent d'augmenter d'année en année et qui atteignent actuellement un niveau record. D'après le Centre antifraude du Canada, l'an dernier, ces pertes se chiffraient à plus de 383 millions de dollars. Pire encore, ce montant, d'après le Centre antifraude du Canada, ne représente que 5 % des pertes réelles.
La fraude perpétrée au Canada rapporte plusieurs milliards de dollars à des fraudeurs du monde entier. Ces mêmes fraudeurs s'en prennent généralement à ce que j'appelle les victimes traditionnelles de la fraude, comme les aînés, les nouveaux arrivants, les réfugiés et les personnes ayant une déficience intellectuelle. Je peux donner plusieurs exemples flagrants de fraudeurs qui prennent pour cibles des membres de ces communautés, mais je vous rappelle que, si les circonstances s'y prêtent, pratiquement tout le monde peut se faire avoir.
Il faut aussi se rappeler que, souvent, les conséquences pour les victimes ne se limitent pas à une perte financière. Dans certains cas, les économies d'une vie disparaissent et il est rare qu'elles soient récupérées. Hélas, les victimes subissent des contrecoups émotionnels qui vont de l'embarras à la dépression et, dans des cas extrêmes, malheureusement, bien des victimes finissent par se suicider.
Dans le cas des fraudes téléphoniques, même si ces arnaques existent depuis des décennies, nous n'avons toujours pas mis en oeuvre de mesures qui fassent qu'il soit moins facile d'accéder à nos réseaux téléphoniques. Les statistiques du Centre antifraude du Canada le confirment, puisque le téléphone est et continue d'être la méthode préférée de sollicitation en vue d'une fraude.
En outre, en pensant à l'arnaque liée à l'ARC qui est arrivée au Canada en 2014, et aux variantes qui ont suivi, je ne suis toujours pas convaincu qu'il soit considéré comme urgent de créer un obstacle à l'exploitation de nos réseaux téléphoniques. Pour cela, nous devons aussi être conscients que nous ne pouvons pas nous reposer sur les services de police — certes nécessaires — ou sur les tribunaux pour vraiment dissuader les fraudeurs. Malheureusement, il ne nous reste pas beaucoup d'options pour protéger les communautés vulnérables face aux fraudes.
Cela dit, la sensibilisation à la fraude est la solution, et il faut l'employer. Cependant, elle doit l'être de manière utile, ciblée et constante, ce qui n'est pas toujours le cas. Si le statu quo en matière de sensibilisation à la fraude fonctionnait, nous ne verrions pas les pertes augmenter d'année en année. Par ailleurs, bien que nombre de gens au Canada fassent un travail remarquable sur ce front, nous devons faire beaucoup plus et nous devons le faire maintenant.
La sensibilisation à la fraude peut se faire sur des sites Web et dans les médias sociaux, mais si les victimes potentielles ne connaissent pas ces plateformes, il est vain de croire qu'une série de gazouillis ou de messages publiés en ligne peuvent sensibiliser à la fraude. À mon avis, la règle d'or d'une véritable sensibilisation à la fraude doit être de savoir communiquer le message aux personnes qui ont le plus besoin de l'entendre. Autrement, nous continuerons de voir augmenter le nombre de victimes.
Enfin, je suis disposé à travailler avec tout parlementaire en toute impartialité, comme je l'ai fait avec sur le dossier de la Western Union, qui a été une occasion unique pour les victimes de la fraude de récupérer leur argent.
Je vous remercie.
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Merci beaucoup, monsieur le président.
Messieurs, soyez les bienvenus à votre Chambre des communes.
[Traduction]
J'ai une question pour vous trois, mais j'aimerais d'abord m'arrêter sur certains points au sujet de la GRC avec M. Cosgrove.
Votre témoignage est très intéressant. Si vous rencontrez des agents de la GRC dans le coin, vous pouvez leur parler. Ils sont très ouverts d'esprit. Ne craignez rien.
Monsieur Cosgrove, vous avez souligné que la GRC a beaucoup d'outils, mais que, malheureusement, les citoyens ne le savent pas. Est‑ce que cela veut dire qu'ils ne sont pas informés ou que la GRC cache des renseignements?
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À mon niveau, et juste du point de vue de l'éducation, je regarde ce que font le CAFC et la GRC, ainsi que leurs ressources, et les ressources sont excellentes. Je réécris parfois des choses pour mes cours ou j'utilise directement leurs documents. Il n'est pas nécessaire de réinventer la roue dans ce domaine. Je me contente de parler aux gens et beaucoup ne savent pas que ces ressources existent.
Je ne sais pas du tout pourquoi il n'y a pas assez d'information diffusée ou pourquoi il y a une séparation des compétences qui fait que le service de police local ou la GRC ne s'intéresse pas à ce qui se passe localement. Je n'en connais pas la raison exacte. La documentation existe. De votre côté, et du côté du Comité, vous vous intéressez aux données concrètes et aux chiffres. Cette information n'intéresse pas le simple citoyen.
Pour ce qui est de la prévention de la fraude, de la sensibilisation et de tout le reste, j'enseigne un programme spécial dans notre université locale. Il est destiné aux personnes à partir de 55 ans. Je donne ces cours chaque semestre depuis huit ans maintenant, et il y a toujours assez d'inscrits pour constituer une classe. Je présente aussi des exposés avec nos policiers. L'intérêt existe vraiment. Cela ne fait aucun doute. Des gens viennent me voir, et pas seulement moi, pour essayer de trouver des personnes pour leur remettre des brochures en mains propres, mais l'information est déjà disponible. On peut la trouver en ligne. On peut obtenir des brochures. On peut aller voir la police locale. Il existe un nombre illimité de façons d'éduquer les citoyens pour éviter ces problèmes, mais il semble y avoir un décalage. C'est pourquoi je cherche surtout, même en travaillant avec le député Brian Masse, à éduquer le public précisément.
Cela se passe bien. J'espère qu'au bout de quelques années, il y aura un grand trou sur la carte des signalements et des fraudes. C'est peut-être un peu optimiste, mais à mon avis, pour faire passer l'information, il n'y a pas besoin de STIR/SHAKEN. Il n'y a pas besoin de la police. Il n'y a pas besoin de la coopération de la police américaine. Si toutes les personnes à qui j'ai parlé jusqu'ici savent ce qu'est une arnaque, que ce soit par SMS, message texte, en ligne ou par appel téléphonique, elles peuvent déjà repérer la fraude. Aucune des autres méthodes n'est efficace.
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Je suppose que c'est parce que cela me touche personnellement, car je suis moi-même une victime. Depuis, j'ai pu entendre l'enregistrement de la police du représentant au service à la clientèle qui prétendait être un employé de Rogers, qui a appelé le magasin Rogers et qui a en fait obtenu mes renseignements personnels. Il a été très facile d'obtenir l'information. Le fraudeur a prétendu être cet employé et a pu fournir un numéro de client et tout le reste. Je pense que cela révèle un problème plus large au sein des entreprises de télécommunications et sur la capacité de faire de l'ingénierie sociale et d'exploiter les gens.
Je crois qu'une partie du problème est que si vous pensez à un incitatif, je peux vous donner un résultat. Le problème, c'est que ces préposés au service à la clientèle — et j'ai de la sympathie pour eux — ne sont pas très bien payés et ne sont pas très bien formés. Une grande partie de leurs évaluations repose sur le nombre de clients auxquels ils répondent pendant leurs quarts de travail. En quoi cela serait‑il satisfaisant? Leurs incitatifs sont plutôt de... Si quelqu'un veut faire le portage de son numéro, on le laisse faire. Ils ne veulent pas s'opposer. Ils ne veulent pas se demander s'il s'agit de la bonne personne, etc. Tant que les incitatifs feront qu'ils se concentrent sur le volume traité, les résultats opérationnels et d'autres aspects de ce genre, plutôt que sur la protection de la vie privée et des renseignements personnels des clients, je crois que le problème persistera.
En ce qui concerne la sensibilisation, la deuxième chose est, bien sûr, qu'il doit y avoir une sensibilisation plus générale à l'égard des bonnes pratiques. Laissons tomber l'authentification à deux facteurs par SMS. C'est quelque chose que la Federal Communications Commission des États-Unis encourage, car elle considère que l'échange de carte SIM avec authentification à deux facteurs par SMS est une menace à la sécurité nationale, mais il y a aussi la sensibilisation des entreprises. Par exemple, lorsque Rogers a fait sa première tentative infructueuse de notification par message texte, les clients ont cru que ces notifications étaient frauduleuses. Ils ont aussi pensé que c'était de pourriels, et les raisons pour lesquelles les clients ignoraient que les notifications visaient à les protéger, c'est que les pratiques de Rogers sont très obscures et qu'elles ne sont pas expliquées.
Il y a beaucoup de différentes possibilités, et plusieurs sont liées aux entreprises de télécommunications elles-mêmes.
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Oui, j'ai été satisfait. J'ai eu des contacts avec eux au fil des ans dans le cadre de mes programmes locaux et de mes activités de sensibilisation. Ils ont communiqué avec moi.
En ce qui concerne le soutien supplémentaire ou la possibilité de considérer l'information de base dont nous disposions et de collaborer plus étroitement, non, ce n'est pas vraiment quelque chose que j'ai vécu, que ce soit parce que nous sommes à Windsor et juste mis de côté, ou parce que c'est notre service de police local qui s'en occupe. Je ne peux pas me prononcer sur cet aspect.
Il y a des moments, en faisant ce que je fais — travailler avec nos policiers locaux, faire de la sensibilisation et collaborer avec notre université — où j'ai vraiment l'impression de mettre en oeuvre un programme communautaire qui, après 10 ans, devrait être plus qu'un programme communautaire. Un soutien accru, peu importe l'orientation, serait certainement avantageux.
J'ai examiné leur documentation. Je n'ai certainement rien à redire à ce sujet. La documentation est bonne et suffisante. Elle est très étoffée, mais la question à laquelle nous cherchons probablement à répondre aujourd'hui est de savoir si la population en général en profite.
Lorsque notre groupe a pris connaissance des recommandations figurant dans ce rapport, nous étions plutôt satisfaits, car je crois qu'elles reflétaient essentiellement ce que nous avions demandé concernant la tenue d'audiences. Dans sa réponse, le ministère a dit, je crois, qu'il ne jugeait pas approprié de tenir des audiences parce qu'il ne voulait pas obtenir l'opinion du public sur la façon dont les gens pouvaient se protéger; ce que j'ai trouvé un peu ridicule parce que la situation actuelle des entreprises de télécommunications repose sur une recommandation que nous avons faite en 2020. Cependant, parce qu'ils ont laissé traîner les choses ou qu'ils ne nous ont pas écoutés, les victimes se sont multipliées pendant ce temps.
Deuxièmement, le ministère ne comprend pas que la tenue d'audiences ne vise pas seulement, disons, à obtenir des recommandations ou autres choses du genre. Beaucoup de victimes ne se sentent pas écoutées. Vous vous souvenez peut-être que vous m'avez demandé en 2020 comment Rogers avait réagi à mon cas de fraude. Ils m'ont offert 100 $. Un de leurs représentants du service à la clientèle a communiqué mes renseignements personnels, et cela m'a fait perdre toutes mes données. Le fraudeur a menacé de ruiner ma vie, de briser ma carrière, à moins de lui donner 25 000 $. C'est ce qu'il m'a demandé, et Rogers m'a offert 100 $. C'était ses excuses.
D'autres personnes qui ont perdu des centaines de milliers de dollars ont préféré intenter des poursuites. Les entreprises ne coopèrent pas. Il faut des enquêtes criminelles pour révéler le désintéressement qui existe dans les pratiques des entreprises de télécommunications. C'est pourquoi nous continuons de croire que des audiences sont nécessaires pour avoir une transparence en ce qui concerne les chiffres. Quelles sont les pratiques? Quels sont les moyens et les différents modèles de victimisation?
Troisièmement, il faut normaliser ces pratiques. La Federal Communications Commission est également d'avis que ces pratiques ne sont ni cohérentes ni durables. Les entreprises peuvent choisir de ne pas le faire ou simplement de dire qu'il s'agit d'une simple erreur. Quatrièmement, nous avons besoin d'assurer le respect des obligations dans ce domaine, l'exemple australien montrant, selon nous, que cet aspect est essentiel pour assurer la conformité, etc.
Ce sont les trois ou quatre éléments auxquels nous tenons, et je crois que le Comité pensait de même la dernière fois.
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Oui, nous appuyons fortement cette idée. Peu importe la forme qu'elle prendra. Encore une fois, il s'agit de pouvoir se faire entendre. Parce que notre groupe est essentiellement communautaire, nous avons beaucoup appris en écoutant les différentes histoires des victimes. Je découvre des victimes en lisant des articles et je communique avec elles, ou elles viennent nous rencontrer pour nous parler des circonstances entourant ces problèmes.
Une approche publique peut aider les gens à comprendre comment la fraude elle-même se produit, ou les facteurs d'incertitude qui ouvrent la porte à la fraude, par exemple lorsque les gens reçoivent un message texte et qu'ils ne savent pas s'il s'agit d'une fraude ou non.
Deuxièmement, si vous pensez à la portabilité, c'est un jeu qui se joue à deux. Deux entreprises de télécommunications sont concernées, car il s'agit habituellement de laisser une entreprise pour passer à une autre, il doit donc y avoir des pratiques et des normes cohérentes dans l'ensemble de l'industrie.
Troisièmement, je pense qu'il faut intervenir beaucoup plus profondément dans les processus opérationnels relativement à ces vulnérabilités au sein des entreprises. Cela ne concerne pas seulement le Canada. C'est la même chose aux États-Unis et dans d'autres pays où des échanges de carte SIM se sont produits parce que des personnes en place, ou la capacité de faire de l'ingénierie sociale dans une organisation ouvre essentiellement la chasse aux données. Je suis d'accord avec votre idée.
Certaines des frustrations que j'avais lorsque je travaillais à la GRC demeurent présentes, et cela ne m'étonne pas. C'est un peu comme une passion de vouloir essayer de sensibiliser les gens. Je n'ai jamais eu l'impression que j'aurais moi-même une grande influence. M. Cosgrove a souvent utilisé le terme « communautaire », mais j'ai continué à pousser, à pousser, à pousser et, récemment, nous avons vécu l'affaire de la Western Union. C'est la Federal Trade Commission des États-Unis qui est derrière tout cela. Pratiquement, elle a forcé Western Union à verser plus d'un demi-milliard de dollars dans le cadre d'un processus de poursuite différée, et ces fonds ont ensuite été versés à des victimes de fraudes liées à Western Union partout dans le monde, ce qui est un cadeau incroyable pour les victimes de fraude.
Cependant, la diffusion de cette information aux victimes au Canada fut le gros problème. La Commission a continué à répéter le message, sans toutefois trouver d'écho au Canada.
En mars, j'ai publié l'information du mieux que je pouvais sur ma plateforme limitée de médias sociaux. N'ayant aucun succès, j'ai finalement perdu patience et j'ai écrit à la commissaire de la GRC le 1er et le 7 juin, en sachant à ce moment‑là que l'offre de Western Union prenait fin à la fin de juin. L'offre se terminait à la fin de juin. Malheureusement, mon plaidoyer n'a abouti à rien.
J'ai expliqué qui j'étais, j'ai parlé de mon expérience auprès des victimes, de mon engagement dans la lutte contre la fraude, etc., mais il n'y a eu aucune réponse avant la fin de juin, je crois, alors que c'était pratiquement inutile. C'est à ce moment que l'information a été publiée sur le site Web du Centre antifraude du Canada. Ce qui était absurde, c'est que la publication a été faite le 26 juin, je crois, et qu'à ce moment, nous pensions alors que les demandes devaient être déposées avant la fin de juin. C'était inutile, car les victimes auraient eu besoin d'au moins une semaine pour rassembler tous les documents.
Cependant, deux jours plus tard, la Commission a annoncé qu'il y aurait une prolongation jusqu'à la fin d'août. La seule vraie façon dont j'ai pu faire avancer ce dossier fut de faire appel à M. Masse, qui s'en est ensuite occupé. Sa tribune est beaucoup plus grande que la mienne, alors je le remercie beaucoup pour ce qu'il a fait.
Ce que cela veut dire, et j'essaie de le dire le plus respectueusement possible, c'est qu'au plus haut niveau, la GRC ne comprend pas la fraude ni ses répercussions sur les victimes. C'est une frustration que j'éprouve actuellement, et c'était une frustration lorsque j'étais membre de la GRC et que j'enquêtais sur la fraude.
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Je remercie beaucoup nos témoins. Merci, monsieur le président.
J'aimerais revenir à la question des données puisque la protection de la vie privée des citoyens suscite actuellement un vif intérêt.
Voici ce que je veux dire. Il y a environ six mois, j'ai visité le cybercentre d'excellence de Vancouver. Ce centre est intégré à Mastercard et le gouvernement y a investi environ 50 millions de dollars. Son objectif est d'élaborer des techniques et des algorithmes qui aideront à déceler les transactions frauduleuses.
J'ai appris plusieurs choses. Par exemple, dans le cas de téléphones dont les numéros ont été portés ou de téléphones clonés, Mastercard peut conclure que ce n'est pas moi qui tiens le téléphone parce que la personne ne le tient pas comme je le fais habituellement. Mastercard sait quelle est ma façon de tenir mon téléphone, horizontalement ou verticalement, avec quelle force j'appuie sur les touches ou si j'écris avec mes deux pouces ou un seul doigt. Certaines des nouvelles techniques utilisées pour établir si la bonne personne tient le téléphone sont incroyables. Cela se passe du côté des banques et de la société émettrice de cartes de crédit.
Ensuite, il y a les commerçants. Les commerçants sont eux aussi concernés dans la fraude. Ils créent des profils sur nous tous en consignant l'heure à laquelle nos achats sont effectués, nos heures de magasinage, ce que nous achetons et ce genre de choses.
En fait, il y a trois parties prenantes. Les consommateurs, les banques et les commerçants participent à plusieurs différents aspects, et tout le monde détient des données. Beaucoup de données sont générées.
Je vais peut-être commencer par M. Mecher.
D'après vous, existe‑t‑il des mécanismes adéquats de rétroaction ou de partage de données entre la GRC, le CRTC, les banques et les commerçants? Faisons-nous du bon travail dans ce domaine? Y a‑t‑il des exigences en matière de déclaration? Est‑il obligatoire de signaler les transactions frauduleuses à la GRC? Les banques le font-elles de façon volontaire?
Pouvez-vous nous parler un peu de la réflexion sur le partage des données à l'ère de la protection de la vie privée?
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Je mentionnerais l'entreprise EnStream, qui est le fruit d'un partenariat entre les grandes entreprises de télécommunications. L'un des services offerts par cette société est la vérification de l'identité afin de prévenir des choses comme la fraude par échange de cartes SIM. Ce produit est vendu aux banques.
J'ai parlé à des gens qui travaillent dans les équipes de cybersécurité des banques. Ils connaissent bien la fraude liée à l'échange de carte SIM, parce que ce sont les banques qui, en fin de compte, en font les frais. Ce sont elles qui remboursent les pertes reliées aux cartes de crédit, aux autres types de vol, etc. Les entreprises de télécommunications vendent aux banques un produit qui aide les entreprises de télécommunications à repérer les fraudes. Ce genre de système pernicieux existe.
Quelques pays ont pris des mesures comme celles auxquelles vous faites allusion. Ils peuvent par exemple, bloquer les transactions bancaires après un portage. Il y aura une certaine période de gel. Ils savent que ce genre d'activités comporte un risque élevé.
Entre les banques, les entreprises de télécommunications, la protection des renseignements personnels et la sécurité, il existe des interactions qui facilitent la fraude.