Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
La réunion d'aujourd'hui se déroule sous forme hybride, conformément à l'ordre adopté par la Chambre le jeudi 23 juin 2022.
Permettez-moi de présenter mes excuses aux témoins d'aujourd'hui pour le retard, en raison des votes à la Chambre. Je les remercie de leur patience.
Par ailleurs, je remercie les témoins d'être parmi nous en ce beau lundi après-midi.
Aujourd'hui, nous recevons par vidéoconférence l'avocate-conseil Laura Black, qui comparaît à titre personnel, Kate McNeece, qui est associée en droit de la concurrence, antitrust et de l'investissement étranger chez McCarthy Tétrault, et l'honorable Christian Paradis, qui est avocat et ancien ministre.
Avec nous à Ottawa, nous avons Bob Fay, directeur général de l'économie numérique au Centre for International Governance Innovation, et Tim Gilbert, associé directeur chez Gilbert's LLP. Je les remercie de leur présence en personne.
Comme il y a un bon groupe de témoins, je cède sans plus tarder la parole à Mme Black pour cinq minutes.
Bonjour. Je suis honorée de pouvoir me joindre à vous aujourd'hui pour parler de l'examen des investissements étrangers.
Jusqu'en octobre de l'année dernière, j'étais directrice de la politique et des relations internationales au bureau de la sécurité des investissements — c'est‑à‑dire le CFIUS — au sein du département du Trésor américain. Comme vous le savez sans doute, le comité sur les investissements étrangers aux États-Unis, mieux connu sous le nom de CFIUS, est le comité interorganismes qui examine les investissements étrangers sous l'angle des risques pour la sécurité nationale. Dans mes fonctions précédentes, j'ai dirigé le processus de rédaction de l'ébauche et de la version finale des règlements visant à mettre en œuvre les nouveaux pouvoirs du CFIUS en vertu d'une loi de 2018, et j'ai également dirigé la fonction de mobilisation internationale pour le CFIUS, dans le cadre de laquelle le Canada a été un excellent partenaire des États-Unis.
Je pratique actuellement le droit au sein du cabinet Akin Gump Strauss Hauer & Feld à Washington. Aujourd'hui, je m'exprime à titre personnel.
En créant et en mettant en œuvre un mécanisme d'examen des investissements étrangers, les pays à économie ouverte tentent d'atteindre un double objectif: protéger la sécurité nationale tout en maintenant un environnement ouvert pour les investissements.
Au cours des dernières années, des gouvernements partout dans le monde ont créé ou renforcé leurs mécanismes d'examen, par exemple, pour exiger davantage de dépôts obligatoires afin de s'assurer qu'ils ont la possibilité d'examiner les transactions à haut risque, et aussi pour tenir compte du fait qu'une fois que des informations techniques matérielles non publiques sont communiquées, un dessaisissement ultérieur ne peut pas réparer les torts causés à la sécurité nationale. Ces mécanismes varient d'un pays à l'autre et, bien entendu, chaque pays doit déterminer lui-même les limites à ne pas franchir.
Je crois savoir que les membres du Comité ont demandé, à titre de référence, comment le CFIUS avait abordé certaines questions, et je vais vous fournir des renseignements généraux sur cinq éléments pertinents.
Le premier concerne les dépôts obligatoires. Aux États-Unis, le dépôt est généralement volontaire, les parties bénéficiant d'une règle refuge à l'égard de tout examen ultérieur une fois que le CFIUS a autorisé une transaction. Des modifications récentes ont rendu les dépôts obligatoires préalables dans deux cas: les investissements dans lesquels un gouvernement étranger acquerrait des « intérêts considérables » dans certaines entreprises disposant de technologies pointues, d'infrastructures essentielles ou de données personnelles sensibles — qu'on appelle les entreprises TID — et certains investissements de sociétés privées dans des entreprises américaines disposant de « technologies pointues ».
Bien que d'autres transactions concernant des technologies soient assujetties au régime volontaire du CFIUS, l'obligation de dépôt n'est déclenchée qu'en ce qui concerne une transaction particulière pour laquelle une autorisation gouvernementale serait nécessaire pour exporter la technologie de l'entreprise américaine à l'acquéreur étranger ou à certains de ses actionnaires. Ainsi, les transactions susceptibles d'être plus risquées sont celles qui doivent faire l'objet d'un dépôt obligatoire avant la clôture. D'autres pays, comme le Royaume-Uni, le Japon et la France, ont adopté une approche sectorielle plus large en matière de dépôt obligatoire.
Le deuxième élément concerne la portée de la réglementation. Dans le cas du CFIUS, les grandes lignes de ses pouvoirs sont précisées dans la loi, et de nombreux termes clés sont définis dans les règlements, qui peuvent être mis à jour plus facilement. En particulier lorsque les dépôts sont obligatoires, la meilleure pratique consiste à fournir autant de détails que possible.
Le troisième élément concerne les mesures provisoires. La loi de 2018 a codifié les pouvoirs du CFIUS d'imposer des mesures provisoires pendant l'examen d'une transaction. À l'instar des raisons justifiant l'obligation de dépôt, ces mesures peuvent prévenir les atteintes à la sécurité nationale pour lesquelles il n'est pas possible de revenir en arrière, notamment en empêchant l'accès à certaines technologies. Le CFIUS n'y a eu recours que très rarement, toutefois. Il négocie fréquemment des accords d'atténuation des risques identifiés.
Le quatrième élément est la confidentialité. La législation relative au CFIUS prévoit une exemption explicite à ses exigences de confidentialité pour la communication d'informations à des gouvernements alliés.
Le cinquième élément concerne les États étrangers exemptés. Je noterai ici une différence. Comme au Canada, le régime du CFIUS s'applique aux investissements provenant de tous les pays étrangers, et il n'y a pas de liste d'interdictions. Toutefois, la loi de 2018 donne au CFIUS le pouvoir discrétionnaire d'accorder des exemptions à certains investisseurs. Actuellement, les investisseurs ayant un lien étroit avec le Groupe des cinq, y compris le Canada, sont exemptés de la compétence du CFIUS sur les investissements non contrôlés et de toutes les exigences en matière de dépôt obligatoire. Toutefois, ils restent soumis à la compétence générale du CFIUS en ce qui concerne les transactions susceptibles d'entraîner un contrôle.
Enfin, je noterai également que le Congrès a accordé au CFIUS une augmentation significative de ses ressources parallèlement à l'élargissement de sa compétence. Pour en revenir au thème de la protection de la sécurité nationale et de l'ouverture des investissements, cela a permis au CFIUS de consacrer davantage de ressources à la gestion des risques tout en traitant plus rapidement les transactions bénignes.
J'attends avec impatience vos questions. Bien que je ne sois pas une experte du processus canadien, je serai heureuse de vous faire part de mon expérience sur les enjeux liés à la sécurité des investissements.
Bonjour, madame la présidente, et membres du Comité.
Je m'appelle Kate McNeece et je suis associée au sein du groupe du droit de la concurrence, antitrust et de l'investissement étranger du cabinet d'avocats McCarthy Tétrault. Je vous remercie de m'avoir invitée à venir témoigner aujourd'hui.
Avant de commencer ma déclaration, je tiens à préciser que je témoigne à titre personnel. Les opinions exprimées aujourd'hui sont les miennes et non celles de mon cabinet d'avocats ou d'un quelconque client de McCarthy Tétrault. Toutefois, mes observations s'appuient sur l'expérience que j'ai acquise en aidant des investisseurs étrangers — y compris des entreprises d'État — et des entreprises canadiennes à s'y retrouver dans les examens au titre des dispositions de la Loi sur Investissement Canada relatives à l'avantage net et à la sécurité nationale.
Comme je tiens à être brève, je vais me concentrer sur un seul aspect du projet de loi C‑34 que je trouve bienvenu: la nouvelle disposition habilitant le ministre à négocier des engagements contraignants avec l'investisseur étranger afin d'atténuer les préoccupations en matière de sécurité nationale.
En vertu de la Loi sur Investissement Canada actuelle, le gouverneur en conseil peut imposer des conditions à un investissement à l'étape finale de l'examen, mais dans la pratique, ce pouvoir n'a pas été utilisé depuis 2017. Le fait d'habiliter le ministre à envisager et à accepter des engagements contraignants au cours de l'examen principal sur la sécurité nationale peut améliorer l'efficacité du processus en réglant les questions avant la période d'examen final par le gouverneur en conseil. Toutefois, je pense que les avantages de cette disposition seront limités si elle n'est pas accompagnée d'un niveau de transparence plus élevé que celui qui existe actuellement.
Tout d'abord, lorsqu'un examen lié à la sécurité nationale est ordonné, l'investisseur reçoit généralement très peu d'information sur la nature du problème qui concerne la sécurité nationale. D'après mon expérience, l'investisseur étranger peut ne pas être en mesure de discerner la nature précise du problème ni même de savoir à quel secteur d'activité de l'entreprise canadienne il s'applique. Ce manque d'information signifie que la capacité de l'investisseur à présenter des observations au ministre ou à proposer des engagements significatifs et réalisables pour répondre à la préoccupation sera limitée, ce qui amoindrit les avantages potentiels de ce nouveau processus.
Deuxièmement, le processus d'engagements se déroulera plus facilement si l'investisseur dispose d'un contexte suffisant pour évaluer les demandes d'atténuation des risques du ministre. Si le ministre ne peut pas fournir à l'investisseur de la rétroaction significative sur les engagements qu'il propose dans le contexte de la sécurité nationale, le processus de négociation des engagements risque d'avancer lentement ou de s'arrêter complètement.
Enfin, pour des raisons de transparence et de responsabilité, il convient de rendre publics les engagements convenus avec les investisseurs étrangers. Il existe probablement de bonnes raisons politiques de ne pas divulguer les mesures d'atténuation des risques au cas par cas. Toutefois, le ministre pourrait divulguer les mesures d'atténuation des risques sur une base anonyme ou sommaire, comme le fait le CFIUS dans son rapport annuel au Congrès.
Cette divulgation améliorerait l'administration de la Loi sur Investissement Canada en fournissant une feuille de route corrective aux investisseurs — sans parler des entreprises canadiennes — qui tentent d'évaluer le risque pour la sécurité nationale posé par un investissement donné. Elle montrerait également aux investisseurs potentiels que la procédure d'engagement n'est pas utilisée comme un moyen détourné d'obtenir un type d'engagement à bénéfice net pour des investissements qui ne sont pas susceptibles d'être examinés au titre de la partie IV de la loi, et soulignerait au public les mesures prises par le gouvernement canadien pour protéger la sécurité nationale tout en veillant à ce que le Canada reste une terre d'accueil pour les investissements étrangers appropriés.
Bien entendu, il y aura des informations que le gouvernement ne pourra pas communiquer aux parties à la transaction ou au public pour des raisons de sécurité. Il peut être difficile, d'un point de vue pratique, de trouver le juste équilibre, mais en incluant dans le projet de loi C‑34 des mesures visant à améliorer la transparence — telles que l'obligation de fournir les raisons pour lesquelles un examen de sécurité nationale est ordonné, une norme juridique claire pour les engagements relativement à la sécurité nationale et l'obligation d'inclure des informations sur les mesures d'atténuation des risques dans le rapport annuel —, le Parlement peut améliorer l'efficacité de l'examen relatif à la sécurité nationale prévu dans la Loi sur Investissement Canada et souligner son engagement à l'égard de la transparence et de la primauté du droit dans l'administration de cet examen.
Je vous remercie de m'avoir donné l'occasion de présenter ces observations. Je me tiens à votre disposition pour répondre à vos questions.
Bonjour, chers membres du Comité. Je tiens à souligner que je comparais ici à titre personnel.
Je suis Christian Paradis, avocat-conseil et ancien député de la belle circonscription de Mégantic—L'Érable. J'ai également été ministre au sein du gouvernement Harper de 2008 jusqu'à mon retrait de la vie politique, en 2015.
Tout d'abord, permettez-moi de vous remercier de m'avoir invité au Comité. Il y a 10 ans déjà, j'étais moi-même ministre de l'Industrie. J'en profite d'ailleurs pour saluer chaleureusement les collègues avec qui j'ai eu le plaisir et le privilège de siéger. Je suis aussi enchanté de rencontrer les nouveaux députés.
Le sujet présentement traité par ce comité est d'une importance capitale. Notre pays s'est avantageusement développé, par rapport à bien d'autres pays, grâce à ses valeurs basées sur celles d'une société libre et démocratique, et principalement ancrées dans la règle de droit. La force de notre système et sa stabilité sont citées en exemple aux quatre coins de la planète.
Notre héritage en tant que nation ouverte et commerçante a fait de nous une importante puissance économique à ce jour. Notre pays est l'un des endroits les plus riches en ressources, ce qui en fait un endroit très prisé pour l'investissement étranger. Le volume sans cesse grandissant d'investissements amène aussi son lot de défis.
Comme vous le savez, le gouvernement fédéral adoptait, il y a près de 40 ans, la Loi sur l'investissement au Canada. Or, notre société a bien évolué depuis et beaucoup de choses se sont transformées. Plus précisément, il est fascinant de constater l'évolution des réalités géopolitiques et socioéconomiques au cours des dernières années. Des orientations importantes se manifestaient déjà à la fin des années 2000, de sorte qu'il y a eu un nombre croissant d'examens d'investissements pour des motifs de sécurité nationale. En 2012 étaient aussi édictées les lignes directrices pour les acquisitions d'entreprises canadiennes par des entreprises d'État étrangères. Des questions fondamentales de gouvernance et de transparence se posant de plus en plus, le gouvernement se devait d'intervenir au bénéfice des Canadiens.
Les chamboulements des dernières années, voire des derniers mois, en matière de sécurité exigent certainement une révision de la Loi sur Investissement Canada. J'ai pris note des propos du ministre Champagne, qui a dit vouloir ajouter des outils à sa boîte à outils dans l'objectif principal de protéger certains secteurs d'activité, qu'il reste à définir.
J'ai noté différents leviers proposés, comme le préavis d'investissement, les conditions provisoires après consultation avec le ministre de la Sécurité publique, la prolongation ou l'arrêt d'examen, la protection des renseignements dans le cadre des révisions et des contrôles judiciaires, la communication de renseignements confidentiels à d'autres États étrangers et l'augmentation des pénalités.
Comme vous le savez tous, le contexte actuel exige une révision de la Loi sur Investissement Canada, car les autorités doivent pouvoir traiter correctement les enjeux fondamentaux de sécurité nationale. Étant donné l'importance de ce dossier, le travail de ce comité m'apparaît des plus importants. Le traitement d'enjeux entraînant des conséquences internationales lance d'importants signaux qui sont loin de passer inaperçus, que ce soit de façon positive ou négative. Les marchés sont évidemment les premiers à l'écoute de tels signaux, et c'est pourquoi on devra effectuer le présent exercice avec parcimonie, en dosant adéquatement les interventions, c'est-à-dire les façons d'utiliser les leviers et, surtout, de les encadrer.
Je suis d'avis qu'il faut revoir la Loi, et les leviers proposés semblent appropriés à première vue. Je crois cependant qu'une mise en garde s'impose dans la mise en application. Il sera important de toujours viser à optimiser la transparence du processus, autant que faire se peut, dans la mesure où on ne peut évidemment pas tout divulguer, sans oublier la prédictibilité et la cohérence du processus. Il importera donc de bien doser l'application de la Loi au moyen des différents outils proposés, car une rigidité législative risquera de refroidir les marchés, tout comme des directives trop changeantes au fil du temps.
Monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du Comité, je vous remercie de me donner l'occasion de m'exprimer aujourd'hui.
J'aimerais formuler trois commentaires sur le projet de loi C‑34.
Premièrement, les actifs incorporels, en particulier les données, ont changé la nature de la croissance économique et créé de nouvelles chaînes de valeur. Nous devons donc porter un regard neuf et une attention renouvelée sur les avantages et les inconvénients qui peuvent découler des investissements directs étrangers. Les avantages du premier arrivé, les économies d'échelle et de gamme, les effets de réseau et les renseignements asymétriques tirés des données engendrent une concentration économique accrue qui peut rendre le Canada dépendant des entreprises étrangères et réduire sa résilience économique.
En outre, les investissements directs étrangers peuvent être utilisés pour s'emparer de la propriété intellectuelle et des données canadiennes, ce qui pourrait renforcer ces effets. Par exemple, les données peuvent non seulement permettre aux investisseurs de cerner un marché particulier, mais aussi de s'implanter dans d'autres secteurs pouvant être sensibles et qui n'étaient pas prévus dans l'investissement initial. En d'autres termes, l'obtention de données peut poser des problèmes dans tous les secteurs et pas seulement sur un marché particulier. Il convient donc d'examiner comment les données peuvent être utilisées dans l'ensemble des domaines technologiques sensibles et en dehors de ces domaines, et pas seulement dans ces domaines particuliers. Cette question peut se poser pour tout investissement, et pas seulement pour les sociétés publiques.
Les données sont extrêmement précieuses. Nous avons une idée de la valeur globale des données, les estimations expérimentales de Statistique Canada la situant autour de 200 milliards de dollars canadiens. Nous devrions toutefois effectuer des estimations plus détaillées et à jour. Les données n'étant pas explicitement évaluées dans les bilans, les seuils monétaires des examens ne tiennent pas compte de la collecte de données qui peut être à l'origine des investissements. Les données ne doivent pas seulement être détenues par les grandes entreprises, mais aussi par des entreprises de plus petite taille, de sorte que l'endroit où l'investissement a lieu dans la chaîne de valeur est important.
Deuxièmement, les données créent des problèmes géopolitiques liés à la sécurité nationale, et le Canada doit participer activement à l'élaboration de règles mondiales. Les pays et les entreprises établissent stratégiquement les règles relatives à l'utilisation des données, en particulier des données personnelles, qui peuvent soulever des questions de sécurité nationale et avoir une incidence directe sur le Canada.
Le Canada doit s'engager activement à l'échelle internationale dans l'établissement de ces règles, y compris des normes, car il peut être tenu responsable en vertu de ces règles: par exemple, dans le cas des décisions d'adéquation prises par l'Union européenne pour son Règlement général sur la protection des données. Le Canada peut être jugé sur son adéquation aux règles établies dans d'autres pays, et il devrait également évaluer les autres pays sur les utilisations qu'ils pourraient faire de nos données personnelles et sur leur conformité aux valeurs canadiennes. À cet égard, il est important que la gouvernance du Canada soit à jour en ce qui concerne la législation sur la protection de la vie privée, par exemple.
Troisièmement, les données nécessitent une approche pangouvernementale, ainsi que de nouvelles formes de gouvernance. Bien qu'il soit important d'adopter le point de vue de la sécurité nationale pour les investissements étrangers, il convient également de tenir compte d'autres domaines politiques, notamment la protection de la vie privée, la gouvernance des données, la concurrence et la protection des consommateurs et la sécurité publique.
Il y a quelques exemples. Les investissements susceptibles d'entraîner une concentration économique accrue peuvent rendre notre économie moins innovante et moins résistante. Cet aspect est lié à la politique sur la concurrence. De même, les données personnelles peuvent être combinées à d'autres données pour révéler des modèles de comportement, qui peuvent ensuite être utilisés pour créer des tensions sociales et saper nos institutions et notre démocratie. Ce problème est clairement lié à la sécurité publique et à la sécurité nationale.
L'arrêt Schrems II de la Cour de justice de l'Union européenne est un exemple récent du lien entre la vie privée et la sécurité nationale au sein de l'Union européenne et aux États-Unis. Cet arrêt a invalidé le bouclier de protection des données UE-États-Unis, qui concerne les transferts transfrontaliers de données à caractère personnel, en raison de « programmes de surveillance américains intrusifs », au motif qu'il ne prévoyait pas de recours adéquat pour les personnes dont les données pouvaient être utilisées par les agences de renseignement américaines.
Nos structures réglementaires doivent donc s'adapter. Comme je l'ai indiqué dans ma contribution aux consultations sur la Loi sur la concurrence, les technologies numériques remettent en question tous les cadres politiques, et des structures réglementaires et décisionnelles plus larges doivent être envisagées. Dans ce contexte, l'interaction de l'examen des investissements en vertu de la Loi sur Investissement Canada et de la Loi sur la concurrence est très importante.
(1620)
J'insiste sur le fait que nous devons attendre l'achèvement des examens respectifs avant de prendre des décisions d'investissement, afin que nous puissions mettre à profit notre expertise dans chaque domaine dans le cadre d'une évaluation plus large, compte tenu des liens complexes qui peuvent exister.
Bonjour à tous. Je vous remercie de me donner l'occasion de comparaître aujourd'hui.
Je suis avocat plaidant de formation. J'ai un cabinet à Toronto, Gilbert's LLP. Nous travaillons avec une clientèle axée sur l'innovation, en particulier avec des clients qui dépendent de l'investissement dans la propriété intellectuelle. Nous travaillons également avec des communautés autochtones, qui cherchent de plus en plus à élargir leur empreinte économique. Mon point de vue est celui d'une personne qui travaille dans le domaine, moins à un niveau macro et davantage sur le terrain pour promouvoir le Canada comme un endroit où il fait bon vivre et investir, et dans lequel les économies peuvent se développer.
Dans la Loi sur Investissement Canada — et je m'appuie sur son fondement initial —, on cherche évidemment à trouver un équilibre entre la sécurité nationale et la stimulation de l'investissement dans l'activité économique. Ces amendements proposés — je vais me concentrer plus particulièrement sur le nouvel alinéa 11c) proposé — m'inspirent une préoccupation particulière, que je décris dans le mémoire que j'ai soumis. Elle concerne les entités et la notion de ce que je considère être un changement par rapport à la loi d'origine, qui définit un investissement potentiel par une entité tiers, une entité sous contrôle étranger, dans une entité canadienne. C'est ce que décrit la Loi sur Investissement Canada dans sa version actuelle.
D'après ce que j'ai lu — et je ne suis qu'un simple avocat plaidant et un propriétaire d'entreprise qui s'intéresse à ces choses — l'alinéa 11c) proposé décrit une entité. Il ne la lie pas à une entité canadienne telle que la définit la loi. Étant donné que les définitions qui figurent actuellement dans la loi sont disjonctives, cela pourrait engendrer des situations dans lesquelles, par exemple, une entité américaine souhaitant investir dans une autre entité américaine et qui possède une petite opération ici au Canada et veut embaucher un employé et établir un lieu d'affaires qui pourrait obtenir des renseignements techniques importants, comme ceux décrits, devrait donner un avis au gouvernement canadien et attendre un investissement.
Je pense qu'il s'agit d'une erreur de rédaction. Je ne suis pas sûr que ce soit l'intention de la loi. Il se peut que j'aie mal interprété ce passage, mais du point de vue d'un profane, je ne pense pas que l'on atteindrait les objectifs de ce comité ou du Parlement en essayant d'étendre ce contrôle à n'importe quel pays en dehors du Canada.
Nous pensons qu'il serait important de préciser le champ d'application et la portée. Comme l'a également souligné l'Association du Barreau canadien, la portée semble trop large. Nous devrions la resserrer, ou du moins préciser aux Canadiens qui essaient d'exploiter une entreprise ici ou aux étrangers qui exploitent une entreprise à l'étranger et qui veulent embaucher un Canadien pourquoi nous devons appliquer cette procédure.
Le Canada compte évidemment beaucoup de personnes qualifiées. Nous sommes le plus qualifié de tous les pays de l'OCDE. Nous essayons de motiver les gens à embaucher des personnes ici et d'encourager l'implantation d'entreprises ici. Le problème est que nous sommes peut-être allés presque trop loin avec cette loi.
Il y a un autre problème. J'ai mentionné au début que nous travaillons avec les communautés autochtones. Ce travail s'est accru ces dernières années, et je ne vois aucune réponse particulière aux préoccupations des communautés autochtones dans la Loi sur Investissement Canada ou dans les amendements proposés. On pourrait dire: « Pourquoi est‑ce le cas? Nous ne nous préoccupons que des entités contrôlées par des intérêts étrangers. » Le point de vue des communautés autochtones est qu'historiquement, elles ont été affectées par la Loi sur les Indiens et les pensionnats, et qu'elles ont longtemps souffert du système des réserves, qui les a éloignées des leviers de l'activité économique. Elles n'ont pas non plus participé à des consultations de nation à nation sur la souveraineté économique.
Le gouvernement canadien a expressément reconnu la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones en juin 2021 et procède actuellement à un examen de l'ensemble de la législation, afin de déterminer comment mettre en œuvre cet engagement. À l'heure actuelle, ce comité examine une loi qui traite de l'investissement. La question est de savoir — et je ne connais pas la réponse — si les communautés autochtones ont fait l'objet d'une mobilisation particulière.
(1625)
Je ne peux pas parler en leur nom, car je ne suis pas autochtone, mais je défends des intérêts comme les leurs, et ce qu'ils veulent, c'est pouvoir participer aux négociations, bénéficier d'une certaine souveraineté économique. Il serait intéressant de voir si le Comité a reçu cette contribution et s'il envisagerait même d'éventuelles exemptions, étant donné qu'ils s'orientent vers la souveraineté économique. Je ne sais pas exactement comment les choses fonctionnent, mais je pense que cette conversation doit avoir lieu et que le Comité devrait examiner attentivement cette question en consultation avec les dirigeants des Premières Nations et des organisations autochtones, qui s'efforcent de plus en plus de développer leur économie.
J'ai également lu le mémoire de l'Association du Barreau canadien et je soutiens globalement les recommandations qu'il contient. Je pense que les définitions doivent être précisées. Je suis d'accord avec la suggestion d'un régime amicus dans le cadre des contrôles judiciaires et j'estime en outre qu'il serait bon de créer des refuges pour les entreprises en démarrage. Au sein de notre cabinet, nous avons un groupe appelé Slingshot, qui aide les entités en démarrage au moyen d'un modèle d'abonnement à des services juridiques. Nous représentons beaucoup de jeunes entreprises et de petites entités qui ont du mal à obtenir des fonds.
Ce pays ne peut pas être une île. Nous n'avons pas le capital nécessaire, même pour les grands fonds de pension. Je ne peux pas vous dire combien de fois j'ai entendu des gens dire: « Oh, nous allons demander aux fonds de pension de le faire. » Les fonds de pension doivent répartir leur argent dans le monde entier, et ils ne peuvent pas être les réponses à toutes les idées. Nous sommes sur un marché très compétitif et nous devons avoir accès à des capitaux.
Je vous laisse avec cette idée. Vous avez du travail à faire, et je vous offre une perspective particulière. Je me réjouis à l'idée de participer à cette séance.
Monsieur Paradis, c'est un plaisir de vous revoir aujourd'hui.
[Traduction]
Cela faisait longtemps que je ne vous avais pas vu.
[Français]
Je suis content que vous ayez accepté l'invitation du Comité à venir parler de cet important projet de loi.
Vous avez mentionné les lignes directrices de 2012. C'est vous qui étiez ministre de l'Industrie à ce moment-là, si je ne m'abuse. Comme vous l'avez dit, le gouvernement à cette époque a fait des modifications pour adapter la Loi sur Investissement Canada. Les modifications proposées aujourd'hui sont-elles très différentes de celles que vous aviez proposées? Y a-t-il un élément qui serait potentiellement un frein?
M. Gilbert parle de modifications ou de définitions qui sont importantes. Vous en avez parlé un peu, aussi. Avez-vous des suggestions à nous faire sur la façon dont certains éléments du projet de loi actuel pourraient être définis ou redéfinis?
Tout d'abord, je vous remercie, monsieur Généreux.
J'ai fait allusion à 2012 parce que la situation était plus circonscrite. Dans un contexte où des entreprises d'État étrangères se manifestaient de plus en plus pour faire l'acquisition d'entreprises au Canada, on se demandait principalement ce qu'il en était des règles de gouvernance. Il y avait beaucoup d'inquiétude au sein du public en général. En même temps, il importait toujours de maintenir l'équilibre, c'est-à-dire d'envoyer un signal positif au marché, mais pas à n'importe quel prix. C'est pour cette raison que j'ai abordé la question de façon plus large dans mon exposé, en parlant de valeurs propres à une société libre et démocratique. Notre système est en effet une démocratie axée sur une économie de marché. Lorsqu'il faut traiter avec des systèmes économiques orientés davantage vers la dictature ou une gouvernance opaque, c'est problématique. C'est pour cette raison que nous avions établi des lignes directrices, à l'époque.
Je trouve que le projet de loi actuel est intéressant. Il aborde toute la question des données personnelles ainsi que l'aspect technologique. Les choses évoluent rapidement. On voit manifestement que des pouvoirs pourraient être mieux exercés en amont pour protéger les données critiques. Je trouve cet élément intéressant.
Cependant, j'ai parlé d'équilibre, et c'est le seul élément au sujet duquel je me questionne. Je suis du même avis que l'Association du Barreau canadien à cet égard. Il est question de secteurs d'activité, et c'est là que se situe l'exercice. Comment va-t-on définir adéquatement les secteurs d'activité? Lesquels veut-on protéger? Pourquoi définit-on certains secteurs d'activité en particulier? Certains ont été nommés, et cela relève de l'évidence. Cependant, le fait de ratisser trop large soulève aussi des inquiétudes. Dans le cas de certains investissements, le signal envoyé dans le marché risque de créer un effet boomerang imprévu, alors qu'autrement ces investissements ne seraient pas une source d'inquiétude.
Monsieur Gilbert, vous avez parlé de l'Association du Barreau canadien et de votre expérience sur le terrain.
Je reviens sur les définitions, parce que je pense qu'elles sont fondamentales. Trouvez-vous qu'elles sont maintenant trop floues? Ont-elles besoin d'être modifiées ou précisées?
Je vais faire une mise en contexte. Lors de sa comparution devant notre comité, M. Balsillie, anciennement de BlackBerry, a dit que le Canada, avec son actuelle Loi sur Investissement Canada, était très en retard par rapport à d'autres pays, et même que le projet de loi visant à la modifier, que nous étudions en ce moment, ne progressait pas assez vite et n'allait pas assez loin.
J'ai signalé ma préoccupation concernant l'inclusion d'une entité américaine ou une entité étrangère au moyen d'un investissement minimal. Je pense que nous pouvons remédier à ce problème en examinant attentivement l'alinéa 11c) proposé et en y réintroduisant le mot « canadienne », qui ne figure pas avant le mot « entité ». On parlerait d'une « entité canadienne », et le terme « canadien » est défini dans la loi. Il y a également d'autres dispositions, et les personnes qui travaillent davantage dans le domaine du droit de la concurrence parlent de la taille. Il y a aussi les activités prescrites.
Je pense que la perte de cette notion d'investissement dans une entité canadienne — canadienne en tout ou en partie — doit être abordée au stade législatif.
Vous parlez de cela particulièrement dans le cas de ressources humaines, mais c'est aussi vrai pour les investissements étrangers potentiels. Vous avez donné un exemple des États‑Unis en lien avec des ressources humaines, mais c'est aussi en fonction des investissements financiers potentiels.
Oui, tout à fait. Il s'agit des investissements et de l'implantation d'entreprises ici, que nous voulons encourager.
L'Association du Barreau canadien aborde également la question de la signification de l'expression « informations techniques matérielles non publiques » et suggère de préciser cette notion.
Ce qui me préoccupe, en tant qu'avocat plaidant qui traite en permanence des litiges relatifs aux secrets commerciaux, c'est que tout dépend fondamentalement des circonstances de chaque entreprise. On ne peut pas tout regrouper dans une seule catégorie. C'est comme pour les brevets. On peut obtenir des brevets sur toutes sortes de choses, des fermetures éclair, ou tout ce qu'on veut. Lorsqu'on essaie de définir cela, on s'éloigne des circonstances uniques.
En fait, cela signifie, à mon avis, que pratiquement tout est couvert. Si vous êtes un actionnaire et que vous investissez, vous risquez, en vertu de cette législation, de devoir faire ce dépôt. La position conservatrice d'un avocat serait de dire: « Vous feriez mieux de le faire. » Je ne vais pas me contenter de la définition selon laquelle « vous ne recevez pas d'informations techniques ». Comment pourriez-vous le savoir? Cela ne relève même pas du contrôle de l'avocat. Il y a un va‑et‑vient avec son client. C'est hors de son contrôle, donc je dirais simplement de faire le dépôt à chaque fois. Vous faites un investissement. Il est préférable de respecter les exigences du gouvernement canadien. Sinon, vous risquez d'être hors jeu.
Qu'en est‑il de la déclaration de M. Balsillie selon laquelle nous sommes en retard par rapport à d'autres pays pour ce qui est de ce type particulier de législation?
C'est intéressant. Je ne connais pas très bien la situation dans les autres pays. Ce dont je peux parler, c'est de l'atmosphère qui règne au Canada en matière d'investissement et de la nécessité d'investir davantage, en particulier dans la recherche et le développement. Il faut énormément de fonds. Ceux‑ci rapportent peu et on ne sait pas s'ils rapporteront quelque chose. Ce n'est pas comme lorsqu'on dit: « Je vais acquérir des contrats pétroliers et j'ai déjà mes clients ». Si vous avez déjà des contrats, vous avez plutôt une ligne directe pour ce qui est de la manière dont vous allez gagner de l'argent.
Dans le domaine de la recherche et du développement, on prend un risque. Cette activité est entièrement définie par le risque. En même temps, nous proclamons au monde que nous voulons être une économie basée sur le savoir. Nous voulons passer de la coupe du bois et de l'extraction des minéraux et des métaux, qui ont bien servi notre pays, à une économie du savoir. Mais nous disons aussi: « Nous voulons nous dissocier des marchés financiers mondiaux qui nous permettraient de le faire ».
Compte tenu de la tension qui existe dans cette loi, je suggérerais soit d'envisager des refuges, soit de cerner les pays d'intérêt. Si certains pays vous préoccupent, la ministre des Affaires étrangères pourrait dire: « Nous avons des préoccupations par rapport à x », quel que soit le pays en question. Cela pourrait être une autre approche.
Je ne veux pas mettre trop de bâtons dans les roues, et je ne suis pas du tout un expert en politique étrangère. Je travaille simplement avec des entreprises qui essaient de survivre et de prospérer. Pour prospérer, nous devons vendre notre technologie et nos idées à l'étranger. Voilà ce qu'est la propriété intellectuelle. Vous ne devez pas la contrôler uniquement ici. Une bonne idée doit être reconnue dans le monde entier, et nous devons avoir une vision globale de l'industrie canadienne.
Je voudrais faire savoir aux témoins que la discussion a été très intéressante dès le début. Je sais que le véritable défi consiste à trouver un équilibre entre la création d'un environnement qui attirera les investissements et la prise en compte des risques. D'une manière générale, le problème concernant les mesures législatives, c'est que nous avons tendance à mettre en place nos garde-fous en regardant dans le rétroviseur. Ce que nous devons faire, c'est réfléchir à ce qui nous attend. Nous devons être compétitifs à l'échelle mondiale.
J'adresse ma première question à Mme Black.
Que font les autres pays pour répondre aux inquiétudes en matière de sécurité nationale dans le cadre des examens des investissements étrangers? Notre approche cadre-t-elle avec celle de nos homologues internationaux, tels que nos partenaires du Groupe des cinq? Je sais que vous avez abordé cette question au début de votre exposé, mais j'aimerais que vous nous en disiez davantage à ce sujet, si vous le pouvez.
Au cours des trois dernières années, plus de 30 pays ont pris des mesures pour mettre en place un mécanisme d'examen pour la première fois ou pour élargir ce mécanisme.
Comme vous le savez, le Canada dispose de l'un des plus anciens mécanismes d'examen des investissements. L'année dernière, le comité sur les investissements étrangers aux États-Unis (CFIUS), dans le cadre de son analyse des États étrangers exemptés, a déterminé que le Canada disposait d'un système solide, de l'avis des États-Unis. La compétence du Canada à cet égard est étendue.
Là où le Canada a peut-être moins de pouvoirs que d'autres pays, c'est dans le domaine des dépôts obligatoires préalable à la clôture...
Un certain nombre de pays ont pris des mesures pour renforcer leurs mécanismes d'examen des investissements, souvent dans le but d'accroître leurs pouvoirs en ce qui concerne les technologies essentielles.
Madame Black, pourriez-vous lever la perche du microphone? Nous verrons ensuite ce qui se passera. J'attendrai de recevoir la confirmation des interprètes.
Maintenant que j'ai accaparé un peu de temps, je vais essayer de vous dire rapidement que, selon les États-Unis, le Canada dispose d'un solide mécanisme d'examen des investissements...
Je vais conclure rapidement. Je crois que le Canada dispose d'une compétence très robuste et très large. Un certain nombre d'autres pays ont pris des mesures pour accroître le nombre de dépôts obligatoires préalables à la clôture. Les États-Unis se situent du côté le plus limité des exigences, mais un certain nombre de partenaires du Groupe des cinq et du G7 ont pris des mesures en ce sens.
Je dirai que certains pays ont des compétences très limitées en ce qui concerne, par exemple, les infrastructures, de sorte qu'à bien des égards, le Canada dispose d'une compétence plus robuste qu'un certain nombre d'autres pays.
La dernière fois que la Loi sur Investissement Canada a été mise à jour remonte à 2009.
Cette fois, je vais donner la parole à Mme Fay ou à M. Gilbert.
Pouvez-vous parler au Comité des conséquences de l'évolution du paysage géopolitique, de la menace accrue d'ingérence étrangère et du fait que le moment est venu d'apporter ces changements à la loi sur les examens relatifs à la sécurité nationale?
C'est exact. Les choses ont énormément changé. Je sais que j'ai beaucoup parlé des données, mais la capacité à exploiter les mégadonnées a vraiment tout changé. Comme je l'ai mentionné, les données sont désormais un outil géopolitique. Vous pouvez les transmettre à différents types de systèmes d'IA, si je peux utiliser ce terme, qui peuvent les utiliser pour influencer les comportements ou pour conquérir des marchés. Les données peuvent être utilisées de nombreuses manières différentes. Nous en avons vu des exemples.
Il y a 10 ans, presque toutes les politiques ne tenaient même pas compte des données. La plupart de nos cadres stratégiques ont vraiment besoin d'être mis à jour, et c'est le cas de celui‑ci.
L'une des caractéristiques de l'IA est qu'elle est extrêmement mobile. L'exemple qui me vient à l'esprit est celui du transfert de données de l'Union européenne vers les États-Unis au moyen de Facebook. Je crois qu'une amende de 1,2 milliard de dollars a été imposée dans ce cas.
Nos pénalités sont-elles suffisamment importantes? Pour une organisation de la taille de Meta ou de Facebook, 1,2 milliard de dollars pourraient représenter de simples coûts d'exploitation. Y a‑t‑il des conditions liées à l'effacement de ces données ou à leur restitution, ou devrait‑il y en avoir, afin que les pénalités soient réellement des pénalités, et non de simples coûts d'acquisition?
Je vais peut-être m'occuper de la première partie de la question.
Une fois que les données ont été intégrées dans la technologie, le tour est joué. S'il y a des avantages, ils sont dérivés; s'il y a des inconvénients, ils sont déjà là.
L'amende à laquelle vous faites allusion est celle que j'ai mentionnée concernant le Privacy Shield, c'est-à-dire le bouclier de protection des renseignements personnels entre les États-Unis et l’Union européenne, et la manière dont les données pourraient être utilisées par les services de renseignement, sans que la personne touchée n'ait aucun recours à cet égard. Vous voulez que la personne bénéficie d'un recours, mais même si les données sont rendues, elles ont déjà été exploitées par la technologie et par celui qui détient cette technologie.
Connaissez-vous des organisations qui contrôlent systématiquement le transfert de données afin de s'assurer que ce type d'incident ne survient pas? Quels sont les types de réglementation et de pouvoir d'enquête existants?
En général, nous nous attendons à ce que les autres pays respectent leurs lois, et nous comptons là‑dessus. Par exemple, dans le cadre d'un accord commercial, nous disons à l'autre pays qu'il doit assurer une protection adéquate des renseignements personnels, et nous nous fions ensuite à ce pays pour faire respecter ces règles. C'est la raison pour laquelle j'ai mentionné que, dans le contexte canadien, il est important que nous adoptions également des lois actualisées en matière de protection des renseignements personnels.
Je pourrais peut-être répondre à votre question concernant le fait de savoir si les choses ont changé.
Serait‑ce acceptable, monsieur le président?
Le président: Oui, vous pouvez prendre la parole, monsieur Gilbert.
M. Tim Gilbert: Merci.
J'envisagerais la question de trois manières différentes. Premièrement, les choses ont changé de manière générale. L'ingérence étrangère dans les élections est évidemment une question d'actualité. Il semble qu'il y ait beaucoup plus d'activités de ce genre aux États-Unis ou ici. Deuxièmement, il y a des préoccupations concernant la propriété et la rareté des ressources essentielles. Troisièmement, il y a des problèmes liés à des sujets, qu'il s'agisse de données ou d'éléments de ce genre. Je vais détailler chacun de ces aspects. Ils ont probablement leur propre solution qui évolue et qui est peaufinée.
L'ingérence étrangère peut être gérée, par exemple, dans le cadre d'un processus d'enregistrement des agents. Ce processus existe aux États-Unis. J'ai moi-même été agent étranger pour Sa Majesté la reine en Amérique et à Washington, D.C., et cela a très bien fonctionné. Nous avons travaillé à la résolution d'un problème entre les États-Unis et le Canada pour le compte de l'Ontario. Ce système est en place depuis de nombreuses années, et il fonctionne parfaitement. Ce système n'existe tout simplement pas au Canada.
Deuxièmement, en ce qui concerne la rareté des ressources, le gouvernement canadien — tout comme les provinces — s'est penché sur certaines questions importantes, qu'il s'agisse de terres ou de minerais, c'est-à-dire des préoccupations majeures sur lesquelles le gouvernement concentre son attention et au sujet desquelles il signale au monde entier qu'il souhaite restreindre la propriété d'une certaine manière ou établir une limite clé.
Le troisième aspect serait lié aux sujets, à quelque chose comme les données, qui nécessitent probablement un examen plus approfondi et plus de considération que ce qu'il est possible de faire de manière générale pour toutes les industries. Des approches propres à chaque industrie devraient probablement être envisagées en fonction de l'évolution de l'économie.
J'aimerais discuter de l'approche des États‑Unis quant à l'examen relatif à la sécurité nationale des investissements étrangers. Il y a eu un cas récemment, le 5 février 2023: Gotion High‑Tech, une entreprise qui fabrique des batteries et propose des solutions de stockage d'énergie en Chine, a signé un protocole d'entente avec InoBat, le premier fournisseur européen de batteries haut de gamme pour véhicules électriques, afin d'explorer la possibilité de créer une coentreprise qui révolutionnerait les technologies de batteries de véhicules électriques et de stockage d'énergie. Il est notamment question de s'unir pour mettre sur pied une méga-usine de piles et de batteries d'accumulateurs d'une capacité de production de 40 gigawattheures. Gotion High‑Tech va construire l'usine, et ce sera considéré comme une acquisition immobilière, et non pas comme un investissement dans une entreprise américaine.
Vous avez commenté un article récent à ce sujet, dans lequel on mentionne que le comité sur les investissements étrangers aux États‑Unis n'a peut-être pas toutes les compétences nécessaires. Pourriez-vous préciser votre pensée sur cette situation?
Plusieurs propositions de coentreprise de ce genre apparaissent en ce moment, notamment pour des projets miniers, et je me demande si cela peut avoir des répercussions chez nous.
La compétence du CFIUS porte principalement sur les investissements dans des entreprises américaines déjà en activité. La compétence du CFIUS s'applique également à certaines nouvelles transactions immobilières à proximité d'installations militaires désignées. La transaction en question était nouvelle, mais elle ne concernait pas un développement à proximité de l'une de ces installations désignées. Je vous signale toutefois que, depuis qu'il a été jugé que le CFIUS n'avait pas la compétence nécessaire pour intervenir, le comité a mis à jour sa liste pour avoir la compétence nécessaire.
Je pense que ce que vous soulignez en ce moment, c'est qu'aux États-Unis, les nouvelles entreprises ne sont généralement pas soumises à l'examen du CFIUS, alors qu'elles le sont au Canada, je crois. Ce que nous observons aux États-Unis, ce sont des propositions visant à élargir la compétence du CFIUS, mais nous pensons que rien ne changera à court terme. Comme nous l'avons indiqué, le CFIUS dispose d'un pouvoir de réglementation qui lui permet d'actualiser certaines de ses définitions, et il a élargi le nombre de sites militaires autour desquels les biens immobiliers sont assujettis à sa compétence.
Selon vous, la question s'est-elle posée dans le cadre de projets miniers visant des minéraux critiques et stratégiques, en particulier? Quand on pense aux projets militaires, on en vient rapidement à penser aux réserves de minéraux critiques et stratégiques. Cela s'est-il fait directement, selon vous?
Tout dépend de la manière dont la transaction est structurée. Je précise encore une fois qu'à mon avis, le Canada a une compétence plus large en ce qui concerne certains actifs, certaines ventes ou certaines transactions nouvelles. S'il s'agit d'un investissement dans une société d'exploitation, ce qui est une norme assez faible, si la société détient des permis ou si elle a entrepris n'importe quel développement, la transaction pourrait être assujettie à la compétence du Canada. En revanche, le CFIUS n'aurait probablement pas la compétence nécessaire s'il s'agissait d'un simple achat d'actifs. Là encore, tout dépend des faits et des circonstances. Voilà la réponse générale.
Une fois établi, ce type de partenariat ou de coentreprise peut-il soulever des problèmes en matière de sécurité nationale, si on donne accès à des éléments stratégiques comme les minéraux critiques, entre autres? Sur le plan de l'exportation, par exemple, la propriété de la ressource est un élément fondamental en ce qui concerne la sécurité nationale. Il pourrait arriver que, dans le cas d'une coentreprise, on divulgue des informations de nature délicate à des entreprises qui sont partenaires, mais qui, selon moi, passeraient peut-être à travers les mailles de la Loi sur Investissement Canada et de la sécurité nationale.
Comme je l'ai indiqué, je pense que l'approche adoptée par le CFIUS consiste à examiner les entreprises en activité, plutôt que les entreprises en démarrage, lorsqu'un investisseur étranger se manifeste. Je suis d'accord pour dire que cette compétence ne couvre pas tous les scénarios. C'est simplement l'un des outils disponibles.
Je suppose que l'élargissement de la compétence du CFIUS entraînerait une augmentation du nombre de transactions soumises à son examen.
Je crois que je ne sais pas exactement quelle est votre question. La question est-elle de savoir quel serait le point de vue du CFIUS s'il n'avait pas la compétence nécessaire pour examiner ce type de transactions nouvelles?
Je suppose que sur la colline du Capitole, il y a beaucoup de discussions concernant les restrictions qui devraient s'appliquer à la Chine. Par exemple, le Congrès est saisi de quelques projets de loi à sujet. De même, les assemblées législatives des États sont saisies de projets de loi qui restreindraient davantage les investissements chinois dans l'immobilier ou dans les minéraux critiques. Nous pourrions donc voir certaines de ces mesures aller de l'avant.
D'après ce que j'ai observé et entendu en discutant avec mes homologues, les préoccupations sont plutôt d'ordre national et concernent le contrôle des chaînes d'approvisionnement ou des minéraux critiques. J'ai passé plusieurs années à exercer des fonctions de dialogue à l'échelle internationale au nom du CFIUS, et ce ne sont pas les commentaires que j'ai entendus. J'ai surtout entendu parler de préoccupations nationales quant à la nécessité d'imposer davantage de restrictions ou d'examens, plutôt que de préoccupations concernant des partenaires étrangers.
Je remercie également les témoins de leur présence.
Je commencerai par interroger Mme Black. En ce qui concerne le processus des États-Unis, dans quelle mesure a‑t‑il été accueilli favorablement par, disons, le Groupe des cinq, en ce qui a trait à la sécurité et à la modernisation? Les autres pays sont-ils en quelque sorte sur la même longueur d'onde pour ce qui est de procéder à un examen de ce genre?
D'après mes échanges, le Groupe des cinq a généralement perçu les risques de la même manière. J'ai également beaucoup travaillé avec les alliés européens. Je dirais qu'il y a cinq ans, les États-Unis, le Canada et une poignée d'autres pays disposaient des mécanismes d'examen les plus larges.
Ces dernières années, il a été reconnu que certains investissements étrangers présentaient des risques pour la sécurité nationale. Les investisseurs étrangers nous disent parfois — et c'est un argument que Mme McNeece a fait valoir — que le CFIUS communique effectivement davantage d'informations. Nous entendons parfois dire que le CFIUS devrait communiquer plus d'informations pour permettre aux parties de décider quand déposer une demande et de prendre de meilleures décisions à ce sujet.
D'une manière générale, les pays se sont davantage rapprochés du point de vue du Canada et des États-Unis en ce qui concerne l'examen des investissements, au lieu d'exprimer de nombreuses préoccupations quant à un retour en arrière dans ce domaine.
Oui, je pense que les choses ont vraiment changé. Par exemple — et cette question a été soulevée pour la première fois pendant une séance du comité de l'industrie lorsque je l'ai évoquée il y a quelque temps —, il est intéressant de noter que le Canada possédait autrefois sa propre société Petro-Canada. Cette entreprise de production d'essence appartenait à l'État. En fait, le Canada l'a vendue à l'époque où il laissait le gouvernement communiste chinois acheter notre industrie pétrolière et gazière. Le gouvernement chinois avait le droit de posséder nos actifs pétroliers, mais pas les Canadiens. En fait, nous avons fini par perdre beaucoup d'argent lorsque nous avons vendu cet actif.
Si nous, les parlementaires, n'agissons pas maintenant, il est peu probable que cette question soit soulevée de nouveau au cours de la législature actuelle. Dans le meilleur des cas, si nous adoptons le projet de loi maintenant et qu'il est renvoyé au Sénat, il sera probablement examiné à l'automne et nous sera renvoyé, après avoir été approuvé ou modifié. Si nous n'adoptons pas le projet de loi, nous risquons d'être déphasés pendant quelques années.
Que pensez-vous qu'il en résulterait pour notre pays, si nous maintenions le statu quo à ce sujet pendant encore un an ou deux?
Comme je l'ai déjà mentionné, le Canada dispose d'un pouvoir assez large pour examiner les transactions après coup — au Canada, les décisions consistent plus souvent à bloquer les transactions qu'à les atténuer, pour les raisons qui ont été évoquées aujourd'hui. Je crois que le Canada a été l'un des premiers pays à prendre des mesures à cet égard.
Si l'on se réfère à l'expérience américaine, je pense que nous avons comblé ce que nous pensions être une lacune, en particulier en ce qui concerne les technologies à haut risque, afin de pouvoir examiner ces transactions avant qu'elles ne soient conclues. Je crois qu'il est important d'avoir le pouvoir d'examiner au moins certaines de ces transactions avant que les personnes étrangères concernées n'aient effectivement la possibilité d'accéder à la technologie ou aux données, mais comme je l'ai mentionné précédemment, je dirai que la compétence est assez large en ce qui concerne la quantité d'informations à fournir avant la conclusion de l'accord. Je pense qu'il y a presque toujours un double objectif dans le domaine de la haute technologie. Certains pays incluent l'agriculture. Le Japon inclut la maroquinerie. Il y a des variations à cet égard, mais je crois qu'il est important d'avoir la possibilité d'examiner les transactions avant qu'elles soient conclues.
J'ai une brève dernière question à vous poser. Je reviens tout juste de Washington où j'ai eu la chance de côtoyer Dick Durbin à notre table de déjeuner. Il participait aux audiences sur l'intelligence artificielle. Compte tenu de l'émergence de cette question importante, pensez-vous qu'il existe une hypothèse générale, ou du moins une appréciation, selon laquelle le CFIUS est...? Vous avez actualisé vos lois, et c'est ce qui se passe actuellement. Vos préoccupations seraient-elles encore plus grandes si vous ne les aviez pas actualisées et que l'IA faisait maintenant partie de l'équation en vertu des anciennes règles?
C'est l'un des aspects que j'examine également en matière de raisons d'agir. Si nous devions revenir en arrière et faire face à cette situation, les choses pourraient être totalement différentes. Nous commençons tout juste à étudier l'IA. Nous n'aborderons pas le sujet avant l'automne, même avec un peu de chance. Nous accusons encore plus de retard à cet égard.
Grâce aux amendements apportés en 2018, lesquels sont entrés en vigueur en 2020, le CFIUS a pu combler une lacune sur le plan des pouvoirs. Auparavant, il avait du pouvoir sur les transactions pouvant conférer du contrôle sur des entreprises américaines. Le CFIUS a maintenant du pouvoir sur les investissements minoritaires non porteurs de contrôle dans des entreprises produisant des technologies essentielles, comme l'intelligence artificielle. Nous constations que des investisseurs intervenaient à un moindre degré, de sorte qu'ils n'avaient pas de contrôle sur l'entreprise, mais avaient accès à d'importants renseignements techniques non publics et avaient un pouvoir décisionnel substantiel sur la manière dont ces informations étaient conservées et sur les protocoles de cybersécurité qui pouvaient être violés.
Je pense qu'il était important pour les États-Unis que nous ayons des pouvoirs supplémentaires en ce qui concerne certains droits et l'accès sans qu'il y ait de contrôle.
Je remercie tous nos témoins. Je tenterai de vous poser autant de questions que possible, mais je commencerai par mon ancien collègue, M. Christian Paradis.
Il est bon de vous revoir, monsieur Paradis. Quand vous étiez membre du Cabinet et ministre de l'Industrie, vous avez dû vous attaquer à la question des seuils qui déterminent quand un examen obligatoire des investissements doit avoir lieu. Au cours de votre témoignage aujourd'hui, vous nous avez donné très peu d'indications, voire aucune, pour dire si vous jugez que les seuils devraient être revus, en raison non seulement de l'inflation, mais aussi de certains risques géopolitiques évolutifs auxquels notre pays est exposé.
Avez-vous des points de vue sur la nature et l'adéquation du seuil que prévoit actuellement la Loi sur Investissement Canada?
À l'époque, nous avons revu le seuil parce que deux choses nous préoccupaient beaucoup, notamment la sécurité nationale quand une entreprise appartenant à un État a des capacités en ce qui concerne les gouvernements, comme je l'ai expliqué plus tôt. Par ailleurs, nous étions d'avis que le temps était venu de revoir le seuil. Il était temps de le réexaminer, car il n'avait pas été revu depuis un certain temps. En ce qui concerne le seuil sur les marchés, nous n'avions pas le bon calibrage. Nous ne voulions pas donner l'impression que nous fermions les marchés. Au contraire, nous voulions signaler que des deux côtés, nous étions ouverts aux affaires. Nous avons donc revu le seuil, mais pas à n'importe quel prix. C'est à ce moment‑là qu'il était important de revoir les règles, comme nous l'avons fait pour les entreprises appartenant à un État.
Je ne sais pas si cela répond à votre question, mais c'était notre position à l'époque.
J'ai examiné le seuil. Je constate qu'il y a eu une certaine augmentation, avec quelques modulations. N'étant pas expert en la matière, il m'est difficile de me prononcer, mais je pense assurément... Vous devez vous assurer que l'autre question est toujours là. En toute sincérité, je ne peux vous donner d'opinion d'expert à ce sujet.
J'ai une question pour vous, monsieur Fay, puisque vous êtes expert de la gouvernance.
Une bonne partie du pouvoir passe du gouverneur en conseil au ministre. La Loi sur Investissement Canada accordera plus de pouvoir au ministère pour lui permettre de prendre certaines décisions en matière d'investissement et d'examiner des investissements. Considérez-vous que ce soit approprié ou pensez-vous que le Cabinet devrait continuer de jouer un rôle important en entreprenant ces examens?
Oui. C'est là que je pense qu'il est essentiel de trouver un juste équilibre. Comme je l'ai souligné plus tôt, si le cadre juridique est trop rigide, on est pris avec des dispositions qui peuvent être difficiles à modifier. D'un autre côté, si on n'a que des directives qui peuvent être modifiées par les ministres et leurs successeurs, cela envoie un curieux message au marché. Il faut trouver un juste équilibre.
C'est aussi pourquoi j'ai examiné avec grande attention ce que l'Association du Barreau canadien a dit en indiquant que lorsqu'on détermine quels sont les secteurs, ce qu'on veut réglementer et la raison pour laquelle on veut le réglementer, il faut envoyer le message adéquat et tenir un débat approprié. Si on veut opter pour la réglementation, on peut avoir un débat plus vaste. Si on concentre tout entre les mains du ministre, cela créera de l'incertitude.
Sans être nécessairement expert en la matière, je dirais qu'on veut manifestement que la manière dont les décisions sont prises soit transparente. Je pense que peu importe le mécanisme utilisé pour approuver une décision, les gens veulent savoir comment cette décision a été prise et quels facteurs ont été pris en compte.
Si je peux revenir à votre question précédente, j'ai indiqué pendant mon témoignage que la valeur des données n'est pas prise en compte lors de fusions. Je pense que c'est quelque chose de très important à garder à l'esprit. Ce facteur peut être inclus implicitement dans les limites imposées sur le marché et d'autres mesures semblables, mais ce n'est pas le cas actuellement.
Croyez-moi, j'ai pris note de cette observation. Je vous remercie d'avoir fait cette remarque.
Monsieur Gilbert, je passerai très brièvement à vous. Vous avez parlé de règles refuges. Je n'ai pas très bien compris ce que vous entendiez par là. Faisiez-vous référence à la protection des données et des renseignements personnels ou cela s'applique‑t‑il aussi aux examens des investissements?
L'Association du Barreau canadien a parlé d'investissements minimaux pouvant aller jusqu'à 5 millions de dollars ou quelque chose dans ces eaux‑là. Assurément, il semble difficile pour beaucoup de petites entités de réunir le premier million de dollars. Cela ne changera pas la donne à l'échelle nationale, mais ces genres d'investissements sont cruciaux pour les petites entreprises.
Essentiellement, il faut instaurer un seuil raisonnable qui continuera d'agir comme un aimant pour l'investissement étranger afin que nos jeunes pousses demeurent viables et réussissent.
Je remercie tous les témoins d'accorder du temps au Comité et de comparaître.
Mes questions s'adressent à Mme Black. Je pense qu'il est très intéressant de comparer le régime canadien au régime américain.
Dans votre allocution d'ouverture, vous avez mentionné cinq points. Je pense que plusieurs d'entre eux montrent que ce que le projet de loi C‑34 propose harmonise en fait la Loi sur lnvestissement Canada avec les mesures américaines. Par exemple, le projet de loi C‑34 autoriserait « le ministre de l’Industrie, après consultation du ministre de la Sécurité publique [...] à imposer des conditions provisoires à l’égard des investissements pour prévenir » une atteinte potentielle à la sécurité nationale « pendant l'examen. » Diriez-vous que cela s'apparente aux mesures provisoires du CFIUS?
Il y a aussi l'amélioration de l'échange de renseignements entre les homologues internationaux. Cette mesure législative faciliterait la collaboration et l'échange de renseignements à l'échelle internationale et permettrait au Canada de consulter ses alliés sur les menaces potentielles à la sécurité nationale résultant de transactions au Canada et dans d'autres pays. Diriez-vous que cela équivaut à l'exception explicite en matière de confidentialité que le CFIUS peut appliquer?
Oui, c'est fort semblable, bien que le CFIUS l'utilise très parcimonieusement et veille aussi à ce que l'information soit protégée s'il y a échange de renseignement. La mesure est toutefois très semblable à la disposition du CFIUS.
Dans votre allocution d'ouverture, vous avez également indiqué que le dépôt est volontaire aux États-Unis à moins qu'une autorisation du gouvernement soit exigée pour exporter la technologie américaine. Vous avez ensuite ajouté que d'autres pays adoptent une approche plus générale. Pourquoi pensez-vous que les États-Unis optent pour une approche plus ciblée?
Je pense que c'est une question de jugement aux États-Unis.
À l'origine, nous avions un programme pilote de dépôt obligatoire pour les technologies essentielles, qui était fondé sur le contrôle des exportations, mais par secteurs. Le CFIUS, observant un nombre important de transactions à faible risque en provenance de pays qui ne suscitaient pas de préoccupation, a décidé de se concentrer sur les cas où une autorisation serait requise pour un pays donné, afin de mieux tenir compte du risque.
Le CFIUS préférerait qu'il y ait moins de transactions à dépôt obligatoire et plus de dépôts volontaires. Il consacrera plus de ressources aux transactions à risque élevé et laissera la majorité des transactions se faire sans dépôt. De plus, lorsque j'étais au CFIUS, nous avons mis sur pied un bureau dont la fonction consistait à examiner les transactions n'ayant pas fait l'objet d'un avis pour amener des transactions. Ici, le CFIUS a peut-être été un peu plus axé sur l'investissement ouvert que d'autres pays.
Pour revenir à un point soulevé plus tôt, je dirai aussi que, en ce qui concerne le dépôt obligatoire, nous avons essayé de bien calibrer la mesure, car un délai de 30 ou 45 jours peut être difficile pour les fonds de capital-investissement ou de capital de risque. Pour les fusions et les acquisitions normales, cela peut simplement faire partie d'un processus plus long avec les dépôts de soumissions dans le cadre de concours. Nous avons également entendu un certain nombre de préoccupations de la part de fonds de capital-investissement ou de capital de risque au sujet du rythme des affaires.
Vous avez aussi indiqué que tout le monde est assujetti au CFIUS. Seriez-vous favorable à une potentielle exception pour certains pays qui ne suscitent pas de préoccupation? Cela pourrait‑il accélérer certaines transactions ou convenez-vous que tout le monde doit y être assujetti?
Aux États-Unis, nous avons le concept d'État étranger exempté, selon lequel certains investisseurs ayant des liens très étroits avec les pays du Groupe des cinq ne sont pas assujettis à l'autorité non contrôlante. Tous les pays sont encore soumis à l'autorité de contrôle. Quand on exige le dépôt obligatoire, vu qu'on peut se concentrer sur les transactions à risque élevé, je pense que c'est la bonne approche.
J'hésiterais à renoncer entièrement au pouvoir de contrôle pour tous les pays, parce que le CFIUS s'intéresse aussi aux liens avec des tiers. Il se peut qu'une entreprise vienne d'un pays qui ne suscite pas de préoccupation, mais a des liens étroits avec un gouvernement étranger, par exemple. C'est un facteur que le CFIUS pourrait considérer. Encore une fois, il s'agit de trouver un juste équilibre et d'établir une limite.
Vous avez indiqué que vous ne connaissiez pas très bien le projet de loi C‑34 et la Loi sur Investissement Canada. Cependant, lorsque vous étiez au CFIUS et que vous examiniez l'élaboration de mécanismes de contrôle des investissements étrangers, la sécurité des investissements et les mécanismes d'examen des investissements étrangers, y avait‑il autre chose que les États-Unis ne faisaient peut-être pas, mais que d'autres pays font et dont le Canada pourrait s'inspirer?
Je dirai une chose. Le CFIUS n'examine pas les contrats de recherche avec les universités qui peuvent fournir à des parties préoccupantes un accès à la technologie en cours de développement. Les États-Unis ont décidé de ne pas assujettir ces contrats au CFIUS, mais d'autres pays, comme le Danemark et le Royaume-Uni, je crois, envisagent de le faire. Certains gouvernements ont le bras plus long.
Pendant que j'ai la parole, je vais revenir à une des autres questions. On m'a entre autres demandé ce qui se passerait si le projet de loi n'était pas adopté. Je tiens à souligner que, selon mon expérience, le Canada atténue le risque des transactions moins souvent que d'autres pays, en particulier au sein du G7, et c'est peut-être parce que c'est plus difficile. Aux États-Unis, par exemple, le CFIUS a souvent recours aux tribunaux pour obtenir des avantages économiques tout en ajoutant des conditions à la transaction.
Je tiens également à souligner, en ce qui concerne cette autre question, qu'il s'agit selon moi d'une caractéristique importante du projet de loi.
Ma prochaine question s'adresse à Mme McNeece. J'ai particulièrement aimé son témoignage et j'irai sans doute le revoir, en particulier le passage sur la reddition de comptes de la part du ministre et sur la notion de transparence.
J'aimerais vous entendre expliquer les avantages qu'une plus grande transparence de la part du ministre peut présenter sur le plan de la prévisibilité, mais aussi pour l'écosystème dans lequel les entreprises pourront être exploitées.
Je pense que l'un des grands avantages de transférer ce pouvoir au ministre, c'est qu'il y a une plus grande souplesse quant au moment de conclure la transaction. C'est au cours de la dernière période de l'examen que s'applique le pouvoir actuel d'imposer des conditions à une transaction. L'examen par le gouverneur en conseil ne dure que 20 jours et a lieu après 180 jours ou plus, alors que la transaction a déjà eu lieu.
Je sais qu'un travail important se fait en coulisses pour examiner la transaction et en évaluer les répercussions sur la sécurité nationale. Tout cela est très important, mais l'intégration de ce processus d'atténuation à l'examen principal accorde une plus grande souplesse si une solution est trouvée et peut être adoptée plus rapidement pour faire les choses de façon efficace et permettre, comme l'a dit Mme Black, de commencer plus rapidement à générer des retombées économiques pour les Canadiens, tout en préservant la sécurité nationale.
Cela dit, c'est une véritable boîte noire lorsqu'on arrive à ce processus. De par sa nature, la transaction est secrète parce que des questions de sécurité importantes et confidentielles entrent en jeu. Très peu d'informations sont divulguées au public ou aux investisseurs quant au type de mesures d'atténuation qui sont imposées.
Si on compare ce processus à celui del'examen de l'avantage net, qui est très bien établi... Il s'applique depuis les années 1980 et prévoit un ensemble établi de mesures qu'on peut s'attendre à devoir prendre pour satisfaire le ministre afin d'obtenir un examen de l'avantage net si leur transaction fait partie des rares qui dépassent les seuils.
Ce que j'aimerais voir, c'est une divulgation supplémentaire afin que nous puissions offrir une boîte à outils aux investisseurs. Ils pourraient comprendre, lorsqu'ils proposent ou évaluent un investissement au Canada, quelles mesures ils pourraient être tenus de prendre pour protéger la sécurité nationale du Canada. Ce genre de transparence et de reddition de comptes est non seulement bénéfique pour le statut du Canada en tant qu'institution démocratique et institution d'investissement ouverte, mais il peut aussi contribuer à rendre le processus beaucoup plus efficace.
Ma question s'adresse à l'un ou l'autre des témoins. Avez-vous des intérêts financiers ou vos clients ont-ils des intérêts en rapport avec un gouvernement étranger ou un gouvernement non démocratique? Avez-vous déjà représenté de telles entités auparavant?
Je pose la question à tous les témoins et je verrai si quelqu'un a quelque chose à dire à ce sujet.
Êtes-vous la seule, madame McNeece? Je suppose que tous les autres... Je présume que c'est tout.
Sur ce, madame McNeece, si nous n'allons pas de l'avant avec certains de ces changements, quelles seraient, selon vous, les conséquences pour vos clients en ce qui concerne l'incertitude à l'égard de l'avenir? Je me demande si ce facteur entre aussi en ligne de compte.
L'un des avantages de ces modifications serait l'établissement des catégories d'entreprises pour lesquelles un avis préalable à la conclusion sera exigé. De nombreux témoins ont parlé au cours de cette séance et des séances précédentes du pouvoir très vaste que prévoit la Loi sur Investissement Canada pour exiger des dépôts obligatoires, mais il ne s'agit pas nécessairement de divulgations préalables.
Si on est investisseur, peut-être une entreprise d'État qui connaît la politique actuelle voulant que les investissements effectués par des entreprises d'État fassent l'objet d'un examen plus approfondi, ou si on est une entreprise privée qui investit dans une entreprise canadienne qui pourrait œuvrer dans un secteur potentiellement sensible, alors on calcule qu'on devra effectuer un dépôt. Cela peut se faire avant ou après la transaction. Si on fait un dépôt avant la transaction, on doit alors envisager la probabilité d'être convoqué à un examen. Cela pourrait entraîner un retard important, car le processus peut durer plus de 200 jours. C'est souvent une question d'équilibre entre le moment de la transaction et la valeur que nous espérons en tirer.
Lorsque nous représentons des entreprises canadiennes, nous parlons du moment où nos clients peuvent obtenir un rendement du capital investi pour créer leur entreprise en la vendant à un investisseur. Y aura‑t‑il un retard important ou une solution potentielle? Nous entrons dans un calcul difficile. Nous savons tous qu'un dépôt doit être fait et, bien sûr, cette obligation sera respectée, mais quand allons-nous la faire?
Je pense qu'en établissant un nombre précis de genres d'opérations et d'entreprises pour lesquelles le dépôt préalable doit être fait, le calcul sera beaucoup plus simple pour bon nombre de nos clients. Je pense que c'est un avantage majeur.
Je ferais toutefois remarquer que ce projet de loi ne modifie pas le champ de compétences du ministre ou le genre de transactions qu'il pourrait être appelé à examiner. Le projet de loi change le moment auquel le ministre peut être informé de la transaction et la facilité avec laquelle il peut en être informé. Je pense que c'est un changement utile. Je ne crains pas que toute une catégorie de transactions nous échappe si ce projet de loi n'est pas adopté. Elles seront toujours assujetties à la loi. Tout ce qui change, c'est le moment auquel elles sont portées à l'attention du ministre et ce qui peut être fait dans ce cas.
Je souhaite me concentrer principalement sur les différences entre le CFIUS et la Division de l'examen des investissements d'ISDE. Madame Black, je sais que vous avez consacré du temps à cette question. Je me demandais si vous pouviez commenter deux aspects en particulier. L'un de ces aspects est que le CFIUS semble adopter une approche multiagences. Par contraste, au Canada, la Division de l'examen des investissements n'existe qu'au sein de l'ISDE. Les activités du CFIUS sont centrées sur le département du Trésor et sur le département de la Défense, mais elles se déploient également dans l'ensemble des agences gouvernementales.
Pourriez-vous commenter les différences entre le CIFIUS et la Division de l'examen des investissements? Recommanderiez-vous d'adopter le modèle américain au Canada?
Monsieur le président, il n'y avait pas d'interprétation pendant l'intervention de M. Williams. Il faudrait s'assurer que le service d'interprétation est rétabli.
Madame Black, nous nous penchons sur les différences entre le CFIUS et la Division de l'examen des investissements. Je disais que le CFIUS semble adopter une approche multiagences. Par contraste, au Canada, la Division de l'examen des investissements n'existe qu'au sein de l'ISDE. Les activités du CFIUS sont centrées sur le département du Trésor et sur le département de la Défense, mais elles se déploient également dans l'ensemble des agences gouvernementales.
Pourriez-vous commenter les différences entre le CIFIUS et la Division de l'examen des investissements? Recommanderiez-vous d'adopter le modèle américain multiagences au Canada?
C'est exact. Aux États-Unis, le CFIUS relève du département du Trésor. Il y a neuf membres votants, dont la plupart représentent des agences ministérielles, y compris le ministère de la Défense. Lors de chaque transaction, le département du Trésor sélectionne un coprésident dont le mandat est de l'aider à superviser l'examen. Par ailleurs, le CFIUS fonctionne sur la base d'un consensus entre l'ensemble des agences membres. Il fait souvent appel à des experts en la matière qui proviennent de l'ensemble de l'appareil gouvernemental, ce qui, à mon avis, constitue un point fort du système.
Je crois comprendre que l'ISDE mène des consultations auprès des ministères et des agences, et fait appel à des experts en la matière lorsque c'est nécessaire, mais vous êtes sans doute plus familier que moi avec son fonctionnement. Je n'ai pas le portrait complet de la situation, mais je sais que différentes approches ont été mises de l'avant, et que l'ISDE utilise un modèle de type « réseau en étoile ». Certaines provinces et certains territoires s'inspirent peut-être du modèle américain, mais je n'en suis pas certaine.
À vrai dire, je n'ai pas d'opinion tranchée sur la question de savoir si les agences et les ministères devraient se prononcer sur chaque transaction potentielle, mais je pense que le principe de consultation demeure important en général.
J'ai une dernière remarque à faire sur ce sujet. Je note que la Division de l'examen des investissements mène des consultations publiques, alors que le CFIUS semble faire preuve de moins de transparence. Un segment du projet de loi C‑34 stipule que la Loi sur Investissement Canada pourra comprendre certains aspects relativement secrets et peu transparents, notamment l'utilisation de preuves gardées secrètes.
Pensez-vous qu'il est légitime que le CFIUS fasse preuve d'un peu moins de transparence sur certains aspects, ou pensez-vous que le modèle de transparence de la Division de l'examen des investissements est le plus adéquat?
En tant qu'observatrice à l'externe, je dis toujours qu'il est préférable qu'un organisme fasse preuve de la plus grande transparence possible. Le rapport annuel du CFIUS contient des renseignements sur les types de risques qu'il étudie et sur les mesures d'atténuation qui ont été prises. Je sais que le secrétaire adjoint, nommé relativement récemment, s'est davantage engagé auprès de la population pour tenter de sensibiliser les entreprises sur ce que le CFIUS considère comme un investissement à risque.
Comme je l'ai dit, je suis toujours favorable à la plus grande transparence possible. Le CFIUS publie des lettres concernant le respect d'un processus équitable s'il est susceptible, par exemple, de bloquer une transaction, afin de fournir des renseignements à la partie concernée sur les risques. Je comprends que certains renseignements classifiés ne peuvent pas être diffusés à grande échelle, que ce soit avec les parties concernées ou avec la population en général.
Monsieur Paradis, vous avez déjà été impliqué dans cette partie à titre de ministre de l'Industrie. Pouvez-vous nous dire si vous pensez que la Division de l'examen des investissements devrait adopter une approche multi-agences? Y a‑t‑il des changements que vous souhaiteriez apporter pour la rendre plus similaire au CFIUS?
À vrai dire, comme je l'ai mentionné, la partie sur laquelle j'ai travaillé portait davantage sur la révision des directives.
Je pense que nous devons trouver le juste milieu en étant particulièrement conscients des enjeux de sécurité nationale, tout en nous montrant ouverts aux investisseurs. À mon époque, les choses fonctionnaient correctement en ce qui concerne le bénéfice net, l'agence d'évaluation, et ainsi de suite. Je ne crois pas que cela ait changé depuis. Comme je le dis, il s'agit toujours de trouver le juste équilibre.
Monsieur Fay, vous vous êtes beaucoup exprimé à propos des données. Il s'agit en effet d'un enjeu important. Nous concentrons nos efforts sur le projet de loi C‑27, ainsi que sur des projets de loi connexes. Je trouve que c'est une bonne chose que tous ces projets de loi soient étudiés en même temps.
Je pense que nous devons aborder également la question des actifs incorporels et de la propriété intellectuelle, en parallèle avec notre discussion sur les données. Quelles recommandations pouvez-vous faire au sujet du projet de loi C‑34 afin de mieux assurer la protection de cette catégorie d'actifs au Canada?
Cette question fait le pont avec votre question précédente. ll faut effectivement prendre cet enjeu en considération. Je pense qu'une structure multi-agences est nécessaire pour permettre la contribution de tout un chacun. Il faut faire en sorte que le Bureau de la concurrence puisse intervenir dans les cas où la reprise de certains actifs risque de générer des problèmes de concentration dans des secteurs particuliers, ce qui peut poser des problèmes de sécurité publique.
Il est essentiel d'écouter différents points de vue sur ces enjeux. Les technologies que nous développons peuvent être utilisées à des fins justes, mais aussi à mauvais escient. Je ne suis pas très familier avec le CFIUS, mais d'après ce que j'ai entendu, son modèle me semble très approprié.
Monsieur Gilbert, dans l'une de vos réponses, vous avez parlé des minéraux critiques et les avez utilisés comme exemple. Pensez-vous que ce projet de loi et les modifications qu'il contient contribueront à réduire les investissements étrangers potentiellement nuisibles dans les minéraux critiques?
Comme je ne suis pas un expert dans le secteur de l'exploitation pétrolière et gazière ni un expert dans le domaine des minéraux, je n'ose pas trop me prononcer.
Je me suis simplement servi de cet exemple pour illustrer le fait que le gouvernement dispose actuellement des moyens nécessaires pour exercer un certain contrôle sur des ressources et des secteurs d'activité spécifiques.
Je vous remercie. Le contrôle du gouvernement s'avère particulièrement important dans une période de forte demande en minéraux critiques.
J'ai une question pour M. Fay et M. Gilbert.
Je me rends compte de plus en plus qu'il est très difficile à notre époque d'adopter des lois en suivant la vitesse des progrès technologiques. Comme élaborer un projet de loi qui tienne compte de cette réalité? Quels conseils pourriez-vous donner au gouvernement pour y parvenir?
L'un des mécanismes sur lequel nous nous appuyons est la fixation de normes. La définition d'une norme peut être très souple. Une norme doit évidemment être adaptée à chaque technologie, et elle doit intégrer les valeurs avec lesquelles nous souhaitons que la technologie soit utilisée. Le gouvernement peut ensuite intégrer des mécanismes dans les règlements qu'il met de l'avant afin de tenir compte des normes. Au fur et à mesure que les normes évoluent, les règlements qui s'y rattachent devront être modifiés.
En fait, le CIGI s'apprête à publier un document sur ce sujet, et je serai heureux de le transmettre au Comité.
De mon point de vue, je... [Difficultés techniques]. Je m'inquiéterais d'une approche spécifique au Canada en matière de technologie et de propriété intellectuelle. Je vais prendre l'exemple des télécommunications pour illustrer mon point.
Vous souvenez-vous des débuts du réseau WiFi, lorsqu'il était à peu près impossible de faire quoi que ce soit? Un groupe d'entreprises de différents pays ont fini par se rassembler et ont investi des milliards et des milliards de dollars afin de trouver un réseau WiFi beaucoup plus rapide. Nous en sommes aujourd'hui avec la technologie 5G. Ces avancées technologiques majeures ne sont pas le fruit d'une norme spécifique au Canada, mais bien d'une norme internationale. Le monde entier fonctionne à présent en ce sens.
Nous devons ainsi être ouverts aux normes internationales et ne pas nous limiter à des critères spécifiques au Canada. Après tout, les bonnes idées finissent par s'implanter partout sur la planète, peu importe leur origine. Plus nous participerons au processus de collaboration internationale, et plus nous en tirerons des bénéfices. Si la propriété étrangère vous préoccupe, abordez cet enjeu de manière spécifique, mais ne limitez pas la croissance mondiale de la technologie et la diffusion des bonnes idées.
J'ai un point de vue très différent par rapport à d'autres témoins. Je suis très centré sur l'expansion de la propriété intellectuelle, et je crois que nous devons faire partie d'un effort international en ce sens.
En réalité, je ne suis pas en désaccord avec vous. Je ne plaide pas en faveur d'une norme canadienne à tout pris. Je dis seulement que certaines normes peuvent être fixées. Il se peut que le Canada adopte des normes internationales, ou qu'il prenne lui-même l'initiative de fixer des normes dans certains domaines.
Je n'ai pas grand-chose à ajouter à ce qu'ont dit les autres témoins.
Lorsque le CFIUS mène un examen, bien qu'il vérifie si les entreprises respectent les normes prescrites, en partie pour déterminer si elles sont dignes de confiance, il peut également se pencher sur des éléments au‑delà des normes. Par exemple, les normes en matière de protection de la vie privée peuvent parfois viser à protéger les particuliers plutôt que la sécurité nationale, et le CFIUS doit en tenir compte.
J'aimerais faire quelques remarques, si cela ne pose pas de problème.
Je pense qu'il s'agit d'une question très importante. D'après mon expérience, le ministre, lorsqu'il examine certains investissements, s'intéresse également à la propriété intellectuelle et aux actifs corporels. Je sais qu'il mène des consultations auprès d'autres secteurs du gouvernement sur cette question afin d'obtenir leur point de vue. À mon avis, il s'agit là d'une partie importante du processus visant à protéger de manière efficace ces types d'actifs.
En ce qui concerne le fait d'adopter des lois en fonction de l'avenir plutôt que du passé, je pense que c'est un argument en faveur de l'importance de décider très soigneusement quels aspects du processus seront définis par la loi, et quels aspects seront définis dans les règlements afférents. Je rappelle qu'un règlement est beaucoup plus facile à moderniser qu'une loi.
Comme l'ont soulevé certains de mes collègues lors de précédentes séances du Comité, des aspects tels que les règlements relatifs aux catégories d'entreprises prescrites me semblent importants. Ces règlements doivent être souples et modernisés, d'une part pour répondre aux nouveaux enjeux qui se posent dans l'environnement complexe de menaces auquel le Canada est confronté, et d'autre part, pour continuer à renseigner les investisseurs potentiels et les entreprises canadiennes sur les secteurs qui revêtent une grande importance pour le gouvernement canadien.
Voilà qui conclut notre dernière série de questions.
Je tiens à remercier tous les témoins d'avoir pris le temps de s'être joints à nous aujourd'hui. Il s'agissait de notre dernière séance consacrée au projet de loi C‑34 avant de passer à l'étude article par article. Vos témoignages vont nous accompagner à mesure que nous allons étudier ce projet de loi en profondeur et article par article.