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INDU Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent de l'industrie et de la technologie


NUMÉRO 020 
l
1re SESSION 
l
44e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 3 mai 2022

[Enregistrement électronique]

(1535)

[Traduction]

     La séance est ouverte. Bonjour à tous.
    Bienvenue à la 20e réunion du Comité permanent de l'industrie et de la technologie de la Chambre des communes. Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement et à la motion adoptée par le Comité le vendredi 8 avril 2022, le Comité se réunit pour étudier la compétitivité des petites et moyennes entreprises.
    La réunion d'aujourd'hui a lieu dans un format hybride, conformément à l'ordre de la Chambre du 25 novembre 2021. Les membres du Comité peuvent participer en personne dans la salle, ou à distance en utilisant l'application Zoom.
    Ceux qui sont ici, à Ottawa, connaissent les règles sanitaires en vigueur; je m'attends donc à ce qu'ils se comportent en conséquence.
    À ce propos, si je ne me trompe pas, c'est la première réunion de notre comité à laquelle des témoins sont présents avec nous, à Ottawa. Nous sommes donc très heureux de vous accueillir. Merci beaucoup. C'est vraiment formidable, et c'est un grand plaisir pour nous.
    Nous remercions également nos témoins qui sont avec nous aujourd'hui par l'entremise de Zoom.
    Sans plus tarder, nous accueillons Luke Chapman, vice-président des affaires fédérales de Bière Canada.
    La Chambre de commerce du Canada sera représentée par Mark Agnew, premier vice-président, Politiques et relations gouvernementales, et Alla Drigola Birk, directrice principale, Affaires parlementaires et politique des petites et moyennes entreprises.
    Nous entendrons Corinne Pohlmann, de la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante, dont elle est la vice-présidente principale, Affaires nationales et partenariats.
    Les représentants du Conseil du patronat du Québec seront Karl Blackburn, président et chef de la direction, et Denis Hamel, vice-président, Politiques de développement de la main-d’œuvre.
    Enfin, nous entendrons Robin Shaban, économiste principale à Vivic Research, qui pourra probablement se joindre à nous un peu plus tard.

[Français]

     Je remercie tous les témoins d'être parmi nous.
    Nous commençons sans plus tarder par M. Chapman, qui est ici avec nous, à Ottawa.
    Monsieur Chapman, vous disposez de cinq minutes.

[Traduction]

    Monsieur le président, honorables députés, je vous remercie de m'avoir invité à comparaître cet après-midi dans le cadre de l'étude du Comité sur la pénurie de main-d’œuvre et la productivité des petites et moyennes entreprises canadiennes.
    Je m'appelle Luke Chapman, et je suis le vice-président des affaires fédérales de Bière Canada, une association commerciale nationale qui regroupe 48 brasseries membres représentant 90 % de la bière produite au pays. Nous sommes la seule association nationale inclusive qui représente les brasseurs canadiens de toutes les tailles et de toutes les régions. Nos membres investissent beaucoup au Canada. Plus de 85 % de la bière vendue dans notre pays est fabriquée ici par des travailleurs canadiens à partir d'ingrédients agricoles cultivés au Canada.
    Avant la pandémie, les brasseurs employaient directement près de 19 000 Canadiens, et la production et la vente de bière soutenaient 149 000 emplois au Canada, de l'agriculteur de l'Ouest canadien qui produisait l'orge de brasserie de haute qualité nécessaire pour produire de la bière aux nombreuses entreprises de la chaîne d'approvisionnement, y compris les fabricants d'emballages et d'étiquettes et le personnel des restaurants qui sert nos bières à des millions de buveurs adultes partout au Canada.
    La plupart des plus de 1 200 brasseries exploitées au Canada sont de petites entreprises familiales et entrepreneuriales locales. Pour bon nombre de ces petits producteurs qui dépendent des salles de consommation sur place pour leurs ventes, l'impact de la pandémie de COVID‑19 a été particulièrement difficile.
    Depuis le début de 2020, les brasseurs de toutes tailles partout au Canada sont sur des montagnes russes. Au cours d'une année typique, plus de 20 % de toute la bière au Canada est vendue et consommée dans des restaurants, des bars, des festivals, des concerts et d'autres événements sociaux. En raison des restrictions liées à la COVID‑19 imposées à ces occasions, les brasseurs ont dû adapter leur modèle d'affaires en fonction d'une nouvelle réalité, d'abord en produisant des désinfectants pour les mains, puis en passant à la production de bière en canettes pour la consommation à domicile.
    Malheureusement, une hausse temporaire des ventes de bière emballée pour la consommation à domicile n'a pas suffi à compenser une réduction brutale des ventes de bière pression habituellement consommée dans les restaurants, les bars et d'autres lieux. Par conséquent, au cours des deux dernières années, les ventes totales de bière au Canada ont diminué de près de 4 %, soit l'équivalent de près de 460 millions de canettes de bière vendues en seulement deux ans.
    Alors que les brasseurs et nos partenaires du secteur de l'hôtellerie cherchent à émerger et à se remettre des répercussions de la pandémie, les perturbations et les retards de la chaîne d'approvisionnement contribuent à l'augmentation des coûts de production, notamment en raison des prix historiquement élevés des ingrédients clés comme l'orge et d'autres céréales, ainsi que des matériaux d'emballage comme les canettes et les bouteilles. Les prix déjà élevés de l'orge brassicole ont grimpé de 40 $ à 45 $ la tonne. Les prix des canettes d'aluminium ont également augmenté de 25 % à 30 % depuis le début de l'année, les fournisseurs exigent des quantités minimales de commandes et les délais de livraison sont beaucoup plus importants.
    Malgré les efforts d'atténuation déployés par les brasseurs, les consommateurs canadiens et les entreprises qui dépendent des ventes de bière pour leurs revenus, comme les restaurants et les bars, subissent déjà les effets de la hausse des coûts de production de la bière, puisque les prix de détail de la bière ont augmenté de 5 % jusqu'à présent en 2022 parallèlement à la hausse des coûts du carburant et de la main-d'œuvre. De nouveaux coûts sont à prévoir, dont environ 75 millions de dollars en investissements de capitaux à l'échelle de l'industrie nécessaires pour répondre à l'interdiction du gouvernement visant certains plastiques à usage unique — dans notre cas, il s'agit de remplacer les anneaux de plastique porte-bière par d'autres types d'emballage.
    L'industrie brassicole canadienne est tout à fait déterminée à faire sa part pour appuyer les efforts du gouvernement visant à éliminer les déchets plastiques, mais on dit aux brasseurs de s'attendre à des retards dans l'achat et l'installation du nouvel équipement requis en raison des goulots d'étranglement de la chaîne d'approvisionnement mondiale. Il est impératif que le gouvernement tienne compte de ces coûts et de ces défis lorsqu'il finalisera sa réglementation interdisant certains plastiques à usage unique en accordant aux brasseurs suffisamment de temps, idéalement trois ans, pour effectuer la transition.
    Bien que certains des défis auxquels sont confrontées les brasseries ne sont pas du ressort d'un gouvernement national comme celui du Canada, à notre avis, il est également impératif que le gouvernement ne contribue pas davantage au problème. À cet égard, les augmentations des droits d'accise fédéraux sur la bière en avril 2020, 2021 et 2022 qui ont été autorisées étaient contre-productives et nuisibles, car les brasseurs et nos clients du secteur des bars et restaurants avaient de la difficulté à maintenir leur entreprise à flot. Étant donné que ces augmentations annuelles sont automatiquement indexées à l'inflation, les brasseurs et nos partenaires du secteur des bars et restaurants s'attendent à une augmentation de la taxe fédérale sur la bière qui pourrait atteindre 6 % à 7 % en avril prochain, ce qui représente environ 50 millions de dollars en nouvelles taxes sur la bière en une seule année.
    Cette approche automatique de la fiscalité n'est tout simplement pas viable à long terme. À titre d'exemple, de 2017 à 2021, les recettes du gouvernement fédéral provenant du droit d'accise sur la bière ont augmenté de 24 % selon les Comptes publics du Canada, au cours d'une période où les ventes de bière ont diminué de 6,5 %.
    Dans ces circonstances, nous demandons au Comité de recommander l'abrogation des augmentations annuelles automatiques du droit d'accise sur la bière qui sont imposées sans débat ni vote des députés. L'élimination des futures augmentations automatiques annuelles de la taxe fédérale sur la bière procurera aux brasseurs canadiens de toutes tailles les liquidités supplémentaires dont ils ont grandement besoin pour relever les défis opérationnels et commerciaux à un moment critique pour l'industrie.
(1540)
     Je vous remercie d'avoir pris le temps de nous écouter.
    Je suis prêt à répondre à vos questions.

[Français]

     Merci beaucoup, monsieur Chapman.
    Je donne maintenant la parole à M. Agnew et à Mme Birk, de la Chambre de commerce du Canada.

[Traduction]

    Bonjour, monsieur le président et honorables députés. C'est un plaisir d'être ici dans le cadre de l'étude approfondie du Comité sur les questions touchant les petites et moyennes entreprises.
    Comme le président l'a indiqué, je vais partager mon temps de parole avec ma collègue, Mme Birk, qui se joint à moi virtuellement.
    Je pense qu'il va sans dire que cette étude arrive à un moment critique pour les petites et moyennes entreprises qui, comme beaucoup de députés le savent, sont des moteurs de la création d'emplois dans les collectivités grandes et petites, partout au pays.
    Malgré le rôle important que les PME jouent dans l'économie, cette période a été très difficile pour elles que ce soit en raison des pénuries de main-d’œuvre, ou des perturbations de la chaîne d'approvisionnement, de problèmes de gestion de la dette ou de menaces imminentes de cybersécurité.
    Je crois qu'il est juste de dire que ces défis découlent à la fois des répercussions directes de la pandémie et des défis structurels qui étaient déjà présents dans les économies canadienne et mondiale. Il est certain que la situation économique, qui n'était pas toujours la plus propice aux investissements des entreprises avant la pandémie et qui a créé des difficultés pour les PME, n'a malheureusement fait qu'aggraver les problèmes, ainsi que les défis de gestion de la dette auxquels font face ces entreprises.
    Nous avons besoin de solutions concrètes pour le milieu des affaires, et j'aimerais revenir sur quelques-uns des thèmes qui ont été cernés dans la motion du Comité visant à entreprendre cette étude.
    Le premier dont je voudrais parler brièvement est la politique de la concurrence. La Chambre de commerce appuie les efforts déployés pour que la politique canadienne en matière de concurrence soit mise à jour pour le XXIe siècle. Cependant, nous sommes certainement d'avis que le gouvernement doit lancer un processus de modernisation exhaustif et multilatéral pour aborder l'ensemble des questions relatives à la politique de concurrence et les soumettre à un examen. Il ne fait aucun doute que l'approche du goutte à goutte, qui consiste à attendre que des problèmes surgissent pour modifier les politiques, n'aidera pas le milieu des affaires et ne facilitera pas la compréhension du cadre juridique de la politique de la concurrence.
    Il y a un certain nombre de changements dans la loi d'exécution du budget. Nous avons commencé à entendre nos membres parler de ces changements et de ce qu'ils signifient pour eux, et nous sommes certainement d'avis qu'une approche législative polyvalente n'est peut-être pas le meilleur moyen d'apporter des changements à la Loi sur la concurrence.
    Il y a un certain nombre de choses dont vous parlez dans la loi, dont deux que j'aimerais d'abord porter à l'attention du Comité.
     La première concerne le droit d'accès privé et la nécessité de s'assurer qu'il n'y aura pas une prolifération de poursuites futiles intentées par des concurrents, peut-être pour des raisons stratégiques.
    De plus, les changements apportés aux sanctions administratives pécuniaires représentent un durcissement considérable de leur sévérité, et ils pourraient avoir un effet paralysant sur les investissements des entreprises au Canada. Au lieu de cela, nous devrions peut-être examiner comment donner plus de poids à une approche proportionnelle de l'évaluation des amendes à imposer aux entreprises.
    Ce ne sont pas les modifications à la Loi sur la concurrence qui changeront la donne, au bout du compte, dans l'environnement inflationniste actuel, et nous devons nous assurer de mettre à jour la politique de concurrence du Canada en évitant les réactions instinctives. Il s'agit d'une mesure législative assez importante qui a une incidence très réelle sur le milieu des affaires pour les entreprises canadiennes, grandes et petites, et dans de nombreux secteurs de l'économie.
    Je vais maintenant céder la parole à ma collègue, Mme Birk, qui vous parlera des autres changements que nous aimerions soumettre à l'examen du Comité.
    Mesdames et messieurs les membres du Comité, c'est un plaisir d'être ici avec vous aujourd'hui.
    Bien que l'on ait beaucoup mis l'accent, à juste titre, sur les effets de la COVID‑19 longue sur la santé des Canadiens, j'aimerais parler aujourd'hui de l'incidence de la « covid financière longue » sur les entreprises canadiennes.
    Tout comme son homologue médical, il n'y a pas de solution à court terme ou de solution imminente. De plus, les petites entreprises, en particulier, mettront plus de temps à se rétablir; elles ont moins de ressources, des niveaux d'endettement plus élevés en raison de la pandémie et des défis accrus en matière de main-d'œuvre.
    Pour permettre à ces entreprises de commencer à se rétablir, le gouvernement doit prendre des mesures favorables aux petites entreprises. Cela devrait comprendre les déductions fiscales pour les investissements en cybersécurité...
    Je suis désolée. Je ne sais pas si cela a été traduit en français. Puis‑je continuer?
(1545)
    Oui, vous pouvez continuer. Serait‑il possible de soulever un peu votre microphone?
    D'accord. Merci.
    Ces mesures devraient comprendre des déductions fiscales pour les investissements dans la cybersécurité, la renonciation aux intérêts sur tous les prêts consentis en raison de la pandémie par le gouvernement, notamment dans le cadre du CUEC, du PCE et du PCSTT, et l'encouragement aux déplacements intérieurs au moyen de nouveaux incitatifs fiscaux pour les activités touristiques, de voyage et d'accueil au pays.
    Ensuite, nous devons bâtir une main-d'œuvre solide pour l'économie canadienne. Le fait est que le Canada n'a pas suffisamment de travailleurs pour répondre à la demande, et que le déficit structurel de main-d'œuvre n'a pas de solution à court terme.
     La solution doit inclure des éléments qui permettent de recycler et de perfectionner les compétences, mais elle peut aussi comprendre des solutions plus immédiates comme un Programme des travailleurs étrangers temporaires largement simplifié, une diminution des délais de traitement des demandes de statut de réfugié et une reconnaissance plus facile des titres de compétence au Canada pour les professionnels formés à l'étranger.
    Enfin, le gouvernement peut veiller à ce que les petites entreprises disposent des outils nécessaires pour réussir en accordant la priorité à l'introduction et à l'adoption d'une nouvelle législation grandement nécessaire. Bien que la version originale de la loi de mise en œuvre de la Charte du numérique présentée lors de la législature précédente n'était pas parfaite, une loi désuète risque de freiner les entreprises canadiennes par rapport à leurs concurrents internationaux. Elle favorise également une approche fragmentée au niveau infranational.
    Même si nous voulons tous rebondir rapidement, le chemin vers la reprise est long, rendu encore plus long par les répercussions persistantes de la « COVID financière longue » sur les petites entreprises.
    Merci. Nous nous ferons un plaisir de répondre à vos questions.
     Merci beaucoup, madame Birk et monsieur Agnew.
    Nous passons maintenant à Mme Pohlmann, de la FCEI.
    La FCEI est un organisme non partisan à but non lucratif qui représente 95 000 petites et moyennes entreprises de tout le pays. Nous sommes également un organisme de recherche. Nous suivons les directives que nos membres nous donnent lors de nos sondages. Nous les menons régulièrement. J'ai un document qui, je l'espère, a été distribué à vous tous. Je vais le passer en revue et vous faire part de certaines de nos recherches.
    Tout d'abord, comme vous pouvez le voir à la diapositive 3, nous avons constaté que seulement 42 % des petites entreprises ont repris leurs ventes normales, 35 % n'ont pas de dette liée à la pandémie et seulement 18 % estiment s'être remises du stress lié à la pandémie. Pour de nombreuses petites entreprises, la pandémie est loin d'être terminée. Il faut que les gouvernements continuent de reconnaître que les petites entreprises ont été et continuent d'être les plus durement touchées.
    Même si la levée des restrictions est une bonne nouvelle, bon nombre des PME font maintenant face à d'autres défis, qui ont déjà été mentionnés aujourd'hui. Comme vous pouvez le voir à la diapositive 4, les répercussions les plus importantes à l'heure actuelle sont la hausse des prix, les défis liés à la chaîne d'approvisionnement, l'augmentation des coûts gouvernementaux et les pénuries de main-d'œuvre. Je vais parler de l'incidence de chacun de ces éléments, puis je ferai quelques recommandations à la fin.
    Premièrement, plus de 90 % des PME affirment que leurs coûts ont augmenté considérablement depuis le début de la pandémie. Plus des trois quarts pensent que ce ne sera pas un problème temporaire, comme vous pouvez le voir à la diapositive 5. Les coûts qui ont le plus d'impact à l'heure actuelle sont ceux du carburant et de l'énergie, suivis des coûts salariaux, de l'assurance, des taxes et de la réglementation, et des coûts des intrants de production.
    Le prix du carburant a augmenté de façon plus générale, tout comme la taxe sur le carbone, qui a des répercussions importantes sur de nombreuses petites entreprises. Il est important de garder à l'esprit que le filet de sécurité fédéral pour le carbone a eu un effet disproportionné sur les petites entreprises, un fait également reconnu dans un récent rapport du commissaire fédéral à l'environnement. Nous estimons que les PME paient environ 45 à 50 % du filet de sécurité fédéral pour le carbone, et que seulement 8 et 10 % leur sont restitués sous forme de programmes qui ne leur ont jamais été accessibles.
    Une autre répercussion importante, bien sûr, est la pénurie de main-d'œuvre, comme vous pouvez le voir à la diapositive 7. La pénurie de main-d'œuvre touche plus d'une PME sur deux, mais elle atteint presque deux entreprises sur trois au Québec et près de trois sur quatre dans le secteur de la construction.
    Les petites entreprises ont tenté de remédier à la pénurie de main-d'œuvre de bien des façons, mais certaines se sont révélées plus efficaces que d'autres. Vous pouvez le voir à la diapositive 8. Par exemple, 33 % des PME ont investi dans l'automatisation, et 81 % d'entre elles ont trouvé que c'était efficace pour les aider à combler leurs pénuries de main-d'œuvre. D'autre part, environ 16 % ont eu recours au Programme des travailleurs étrangers temporaires, mais plus de la moitié ont trouvé ce programme utile pour combler leurs pénuries de main-d'œuvre. Ce sont les deux méthodes les plus efficaces utilisées par les petites entreprises. Elles ont été plus efficaces que l'augmentation des salaires ou l'assouplissement des horaires de travail des employés.
    Un autre grand défi est la chaîne d'approvisionnement. Comme vous pouvez le voir à la diapositive 9, les contraintes liées à la distribution des produits ont été relativement stables entre 2010 et 2020, et seulement environ 8 % des petites entreprises ont dû composer avec cette situation en moyenne. Cependant, cela a commencé à changer lorsque la pandémie a frappé, ce pourcentage passant à 18 % en avril 2020 et atteignant jusqu'à 28 % en février dernier.
    Pour faire face à ce problème, 84 % des PME ont dû augmenter leurs prix pour absorber l'augmentation de leurs coûts, 79 % ont dû composer avec des retards dans la réception des expéditions et une sur deux a dû augmenter le coût d'expédition des marchandises à ses clients. Ce qui est particulièrement inquiétant, c'est que plus d'un répondant sur cinq a dû refuser des ventes ou des contrats en raison d'un problème de chaîne d'approvisionnement.
    Enfin, avant de passer aux recommandations, j'aimerais parler de la réglementation et des tracasseries administratives.
    Nos recherches les plus récentes ont révélé que la réglementation coûte aux entreprises canadiennes environ 40 milliards de dollars par année, dont 11,3 milliards de dollars sont considérés comme des tracasseries administratives, c'est‑à‑dire des règlements inutiles, redondants ou faisant double emploi. Comme vous pouvez le voir à la diapositive 11, les coûts de la réglementation ont une incidence disproportionnée sur les petites entreprises, leurs coûts par employé étant presque sept fois plus élevés que ceux des grandes entreprises. La réglementation n'a pas seulement un impact économique. Elle a aussi un impact social. Comme vous pouvez le voir à la diapositive 12, près de 90 % des répondants ont dit que les règlements apportent un stress important dans leur vie, et près des deux tiers d'entre eux ne conseilleraient pas à leurs enfants de lancer une entreprise à cause du fardeau de la réglementation.
    Malgré la levée des restrictions liées à la pandémie, de nombreuses petites entreprises continuent de faire face à la hausse des prix, à des défis liés à la chaîne d'approvisionnement et à des pénuries de main-d'œuvre. Environ les deux tiers ont encore une dette moyenne d'environ 160 000 $ liée à la pandémie, au moment même où la dernière aide gouvernementale liée à la COVID‑19 a pris fin le 7 mai.
    Sur les deux dernières diapositives, vous verrez une série de recommandations. Je vais en citer quelques-unes.
    Nous suggérons que le gouvernement impose un moratoire sur tous les coûts pour les petites entreprises, par exemple en gelant pour l'instant le RPC, l'assurance-emploi ou la taxe sur le carbone, ou qu'il compense ces coûts en offrant des remboursements aux petites entreprises; une réduction des frais imposés aux commerçants par les cartes de crédit, comme promis dans les budgets de 2021 et de 2022; qu'il aide les petites entreprises les plus durement touchées à rembourser leur dette en faisant passer à 50 % la portion remboursable de leurs prêts du CUEC et en repoussant la date limite de remboursement.
    Pour remédier aux pénuries de main-d'œuvre, il faudrait ouvrir une voie d'accès à la résidence permanente pour les travailleurs étrangers temporaires; offrir des crédits d'impôt pour stimuler l'automatisation, ou adopter rapidement des mesures législatives concernant la passation en charge immédiate, comme promis dans le budget de 2021.
(1550)
     Nous recommandons également d'instaurer un crédit d'impôt sur la masse salariale pour les nouveaux employés afin de compenser le coût de la formation.
    Pour réduire les formalités administratives, nous croyons qu'une politique de reconnaissance mutuelle entre toutes les provinces pourrait améliorer le flux des échanges commerciaux au Canada et que le gouvernement fédéral pourrait jouer un rôle essentiel à cet égard.
    De plus, nous recommandons d'améliorer la règle du « un pour un » de la Loi sur la réduction de la paperasse afin qu'elle s'applique non seulement aux règlements, mais aussi aux lois et aux politiques.
    Je vais m'arrêter là, mais il y a beaucoup d'autres recommandations que je vous invite à examiner. Je me ferai un plaisir de répondre à vos questions.

[Français]

     Merci beaucoup, madame Pohlmann.
    Je cède maintenant la parole à MM. Blackburn et Hamel, du Conseil du patronat du Québec.
    Mesdames et messieurs les membres du Comité, bonjour.
    Je m'appelle Karl Blackburn, et je suis le président et le chef de la direction du Conseil du patronat du Québec. Je suis accompagné aujourd'hui par M. Denis Hamel, le vice-président des Politiques de développement de la main-d'œuvre.
    Je suis un entrepreneur, fils d'entrepreneur et petit-fils d'entrepreneur. Notre organisation, créée en 1969, est une confédération de près de 100 associations sectorielles et de plusieurs membres d'entreprises de toutes tailles et de toutes les régions du Québec, issus des secteurs privés et des secteurs parapublics.
    La pénurie de main-d'œuvre est, sans contredit, le problème majeur auquel sont confrontés les employeurs. Plus de 6 % des postes sont présentement vacants au Québec. Pour montrer l'ampleur du problème, je dirai qu'il y a dans notre province plus de postes vacants que de bénéficiaires de l'assurance-emploi. Dans un sondage récent effectué auprès de nos membres, 94 % d'entre eux considèrent avoir actuellement un enjeu d'embauche de main-d'œuvre, et près de 9 employeurs sur 10 s'inquiètent des effets de la pénurie de main-d'œuvre sur la qualité, le prix et la disponibilité des biens et services qu'ils offrent.
    Ils ont raison. En effet, plusieurs études récentes démontrent les fortes répercussions négatives de la crise de la main-d'œuvre et du nombre élevé de postes vacants sur notre économie: refus de contrats, abandon de produits et de services, déplacement de la production hors du pays, report d'investissements, réduction de la compétitivité, détérioration de la qualité des produits ou des services, perte de revenus pour les gouvernements, et j'en passe. Ce sont des milliards de dollars que nous perdons. À titre d'exemple, pour le seul secteur manufacturier québécois, qui représente 13,5 % du PIB de la province, nos collègues de Manufacturiers et Exportateurs du Québec ont estimé les pertes dues au manque de main-d'œuvre à 18 milliards de dollars depuis deux ans. Je n'ose imaginer le manque à gagner dans l'ensemble du pays.
    Nous savons que, à cause de notre démographie, cette pénurie va perdurer jusqu'à la fin de la décennie. Les données sur le recensement de 2021 révélées par Statistique Canada la semaine dernière confirment que la population du Canada en âge de travailler n'a jamais été aussi âgée, alors que plus d'une personne sur cinq — c'est-à-dire de 21,8 % — est âgée entre 55 ans et 64 ans. Ce groupe d'âge est plus nombreux que les jeunes adultes de 15 ans à 24 ans. Cet important groupe de travailleurs et de travailleuses âgés prendra sa retraite d'ici 2030, aggravant ainsi la rareté de la main-d'œuvre. Il y a urgence d'agir dès maintenant, car notre prospérité est freinée par la pénurie de la main-d'œuvre.
    Les employeurs déploient déjà plusieurs solutions, mais en vain. Parmi ces solutions, on retrouve une hausse des salaires, l'ajout d'avantages sociaux, des primes à l'embauche, l'inclusion d'activités sociales originales et la poursuite du télétravail, afin d'élargir le bassin d'employés potentiels. Néanmoins, le nombre de postes vacants au Canada a doublé en un an, passant de 560 000 au quatrième trimestre de 2020 à plus de 915 000 à la fin de l'année 2021.
    La pénurie de main-d'œuvre est un enjeu qui affecte l'ensemble des provinces et l'ensemble des secteurs économiques. Elle crée une véritable crise dans les secteurs de la construction, de la fabrication, du commerce de détail, des soins de santé et des services d'hébergement et de restauration, où on retrouve plus de la moitié du nombre total des postes vacants. Ce problème n'est pas uniquement celui des employeurs. Les salariés en souffrent également, car le manque de main-d'œuvre rime avec surcharge de travail et absence de vacances ou de formation. De plus, pour la population canadienne, la pénurie de main-d'œuvre se traduit par des ruptures de services, des retards dans l'obtention de biens et services, des restaurants fermés et des hôtels ouverts à moitié de leur capacité. Personne ne sort gagnant de la pénurie de main-d'œuvre.
    Sur une note un peu plus positive, la pénurie de main-d'œuvre doit être l'occasion pour les entreprises d'adopter de nouvelles solutions pour soutenir leur croissance et leur productivité à long terme. Je pense particulièrement à l'adoption de nouvelles technologies, à l'automatisation et au développement et à l'intégration des technologies vertes. Pour effectuer ce virage, il faut des employés de plus en plus qualifiés qui, hélas, ne sont pas au rendez-vous.
    En août 2021, nous avons proposé 10 solutions à la pénurie de main-d'œuvre, car il n'y a pas de solution unique à ce problème. Nous avons lancé un appel à la concertation des acteurs du marché du travail afin d'apporter des solutions concrètes et à court terme afin d'améliorer le niveau de littératie et de numératie des travailleurs, accroître la formation en entreprise, notamment par le biais du régime d'assurance-emploi, et attirer et retenir les travailleurs expérimentés, accompagner les employeurs dans leur virage vers la diversité et moderniser les programmes d'immigration pour les adapter à cette nouvelle réalité.
(1555)
     Nous saluons les avancées déjà réalisées par le gouvernement fédéral, notamment en matière d'immigration. Cela dit, les chiffres parlent d'eux-mêmes. Cette crise n'est pas terminée et il ne faut pas baisser les bras. Il faut travailler collectivement à apporter des solutions dans les meilleurs délais possible.
    C'est maintenant avec plaisir, mesdames et messieurs, que M. Hamel et moi serons disponibles pour répondre aux questions des membres du Comité.
    Je vous remercie de votre attention.
    Merci beaucoup, monsieur Blackburn.
    Nous accueillons Mme Shaban, de Vivic Research, qui prononcera la dernière allocution.
    Madame Shaban, vous avez la parole.

[Traduction]

     Merci, monsieur le président, et merci au Comité. Je vous remercie de m'avoir invitée à comparaître aujourd'hui.
    Je m'appelle Robin Shaban. Je suis économiste principale chez Vivic Research, une société d'experts-conseils en économie. Je suis également chercheuse en politique de la concurrence au Canada.
    Je parlerai principalement aujourd'hui des discussions actuelles sur l'objet de la Loi sur la concurrence en ce qui concerne les PME. Ce sujet est très pertinent, compte tenu de l'annonce de la révision de la Loi sur la concurrence.
    L'énoncé de l'objet de la Loi, qui forme l'article 1.1, dit que le but de la Loi « est de préserver et favoriser la concurrence au Canada » dans le but, premièrement, de « stimuler l'adaptabilité et l'efficience de l'économie canadienne »; « d'améliorer les chances de participation canadienne aux marchés mondiaux tout en tenant simultanément compte du rôle de la concurrence étrangère au Canada »; « d'assurer à la petite et moyenne entreprise une chance honnête de participer à l'économie canadienne »; et « d'assurer aux consommateurs des prix compétitifs et un choix dans les produits. »
    La question de savoir quel devrait être l'objet déclaré de la Loi est cruciale pour deux raisons principales. Premièrement, d'un point de vue juridique, l'énoncé de l'objet de la Loi façonne la façon dont le Tribunal de la concurrence et les tribunaux tranchent les affaires de concurrence. L'énoncé de l'objet de la Loi détermine quels préjudices concurrentiels sont pris en compte en vertu de la Loi.
    La deuxième raison pour laquelle l'énoncé de l'objet est si important, c'est qu'il décrit la raison d'être de la Loi sur la concurrence. L'objet déclaré de la Loi guide les décideurs sur ce qui devrait être inclus dans la Loi. Certains ont fait valoir que l'énoncé de l'objet de la Loi devrait être modifié de façon à ce que notre loi sur la concurrence ait pour seul objectif de promouvoir l'efficience dans l'économie canadienne, et qu'elle ne devrait pas avoir de considérations particulières pour les PME ni d'ailleurs pour les autres intervenants.
    Le professeur Edward Iacobucci a présenté un exemple remarquable de cet argument dans un document commandé par le sénateur Wetston dans le cadre d'une vaste consultation sur la réforme du droit de la concurrence. M. Iacobucci soutient que le fait d'avoir de multiples objectifs en matière de droit de la concurrence — comme la création de possibilités équitables pour les PME de soutenir la concurrence tout en favorisant l'efficience économique — crée des complications pour l'application de la Loi, car les objectifs peuvent entrer en conflit les uns avec les autres. La solution de M. Iacobucci à ce problème consiste à demander au gouvernement de faire de l'efficacité économique la seule préoccupation du droit de la concurrence.
    Dans le contexte canadien, l'efficience a souvent été invoquée pour justifier la permissivité de la Loi à l'égard du pouvoir et de la domination sur le marché, ce qui peut nuire aux PME qui s'efforcent de percer de nouveaux marchés. L'argument avancé est que les autres avantages que le droit de la concurrence peut offrir, comme la garantie de possibilités équitables pour les PME de participer aux marchés, devraient relever d'autres secteurs de la politique.
    Bien que cette approche puisse être une solution technique élégante d'un point de vue juridique, elle contourne la racine du problème, à savoir que la politique de concurrence est intrinsèquement politique. Les différents intervenants auront inévitablement des préférences différentes à l'égard de la Loi. Le fait de ne pas tenir compte de cette réalité ne la fait pas disparaître; cela crée plutôt un cadre de politique économique plus large qui va à l'encontre de lui-même. Si le gouvernement suivait le conseil de M. Iacobucci, d'une part, nous aurions une loi sur la concurrence qui favoriserait l'efficacité économique sans égard aux PME et potentiellement au détriment de celles‑ci. D'autre part, ISDE dépense des milliards de dollars pour soutenir les PME. Jusqu'où cet argent pourrait‑il aller si nous avions une loi sur la concurrence qui appuierait les PME, plutôt que de les ignorer ou de travailler contre elles?
    Même avec la Loi sur la concurrence que nous avons aujourd'hui, il est possible de faire plus pour soutenir les PME. Avec mes collègues Vass Bednar et Ana Qarri, j'ai récemment préparé un rapport pour ISDE qui décrit les possibilités de réforme de la Loi sur la concurrence qui profiteraient aux PME. La prolongation du délai dont dispose le Bureau pour examiner les fusions après leur fermeture lui permettrait de corriger ce qu'on appelle les « acquisitions meurtrières », c'est‑à‑dire le rachat par les entreprises titulaires de nouveaux arrivants qui pourraient devenir leurs concurrents à l'avenir.
    Dans le rapport, nous recommandons également d'apporter des changements à la façon dont les comportements anticoncurrentiels sont évalués en vertu de la Loi et d'adopter une approche davantage fondée sur des règles qui serait plus prévisible à mettre en œuvre et qui permettrait peut-être au Bureau de bloquer plus efficacement les comportements anticoncurrentiels.
(1600)
     La Loi sur la concurrence devrait viser à promouvoir un commerce équitable dans l’économie canadienne en reconnaissant et en équilibrant les besoins de tous les intervenants, notamment les PME, les grandes entreprises, les consommateurs, les travailleurs, le gouvernement et les citoyens en général. C’est en tenant compte de ces besoins que nous établirons l’objectif moderne de la Loi sur la concurrence et que nous veillerons à ce que la loi s'allie aux politiques en place, au lieu de s'y opposer, pour favoriser des marchés équitables et concurrentiels au Canada.
    Je vous remercie encore une fois et je suis prête à répondre à vos questions.

[Français]

     Je vous remercie beaucoup de vos remarques, qui sont très appréciées.
    Nous sommes prêts à commencer le premier tour de questions avec Mme Gray.
    Madame Gray, je vous donne la parole pour six minutes.

[Traduction]

    Merci, monsieur le président.
    Merci à tous les témoins d’être ici aujourd’hui.
    Mes premières questions s’adressent à Bière Canada.
    J’ai trouvé très intéressants vos propos sur les conséquences que la taxe d’accise indexée aura pour votre industrie. Maintenant que nous sommes aux prises avec l’inflation, j’aimerais parler du coût de l’expédition et du transport et de l’incidence que cela a sur votre industrie.
     C’est certainement un défi, comme je l’ai dit dans mon exposé.
    Au début de 2022, les prix de la bière ont déjà augmenté de 5 % par rapport à la même période en 2021. C’est certainement une combinaison de facteurs. Nous faisons face à des prix records pour l’orge de brasserie et l’aluminium. De plus, nous nous approchons des prix records du carburant, et les coûts de main-d’oeuvre augmentent. C’est donc une tempête parfaite. Si vous ajoutez à cela les augmentations annuelles de la taxe fédérale sur la bière, les brasseurs de tout le pays traversent une période très difficile.
    Je pense que le message que nous voulons envoyer au gouvernement aujourd’hui, et au cours des prochains mois, c’est que des petites augmentations régulières peuvent se justifier chaque année, mais que nous conviendrons tous, je pense, que la situation est loin d'être normale lorsqu’on fait face à une inflation de 6 % à 7 %. Nous demandons au gouvernement de reconnaître qu’il se passe déjà beaucoup de choses dans notre industrie et peut-être de réexaminer ces augmentations annuelles d’ici le 1er avril 2023.
(1605)
    Merci beaucoup.
    J’aimerais maintenant vous poser une question sur le commerce interprovincial et la réduction des obstacles administratifs. Nous savons qu’il y a beaucoup de restrictions au Canada et que les gens sont incapables d’expédier leurs produits d’une province à l’autre. Je me demande à quel point il est important, à votre avis, que le gouvernement fédéral s’assoie à la table pour éliminer certains des obstacles au commerce interprovincial.
    Absolument.
    Bière Canada et ses entreprises membres appuient sans réserve l’élimination des obstacles qui rendent difficile le transport de nos produits d’une province à l’autre. Je pense que la bière est unique à bien des égards, et qu’elle l’est aussi sur le plan physique. Lorsqu’on la compare au vin et aux spiritueux, la bière est un produit beaucoup plus volumineux et lourd, et il est donc plus coûteux de l’expédier d’une province à l’autre. Notre industrie verrait certainement d'un bon oeil que le gouvernement fédéral fasse ce qu’il peut pour travailler avec les provinces afin d’éliminer certains de ces obstacles et d’offrir plus de possibilités aux brasseurs.
    Merci beaucoup.
    Mes prochaines questions s’adressent à la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante.
    En fait, madame Pohlmann, vous avez mentionné dans votre déclaration préliminaire la règle du un-pour-un qui existait auparavant. De plus, je remarque qu’il y avait un comité consultatif pour aider à cerner ces obstacles, et je sais que la FCEI y était représentée. Ce comité est‑il toujours en place pour conseiller le gouvernement?
    Le comité qui était en place a été dissous. Je crois comprendre, cependant, qu’on envisage de le rétablir avec de nouveaux membres.
    Bien. Quand, approximativement, a‑t‑il été dissous? Vous en souvenez-vous?
    Je crois que c’était au printemps ou à l’été de l’an dernier.
    Bien.
    L’autre chose que j’ai remarquée, c’est qu’il y avait autrefois un bilan qui était publié sur la réduction de la paperasse à l’échelle du pays. C'était ventilé par ministère. Nous n’avons pas vu ces bilans affichés en ligne depuis un certain nombre d’années. Savez-vous si cela se fait encore?
    Les ministères sont toujours censés faire rapport du nombre de règlements qu’ils ont et de ceux dont ils se sont débarrassés. Si vous examinez chaque ministère, vous pouvez parfois le voir, mais ce n’est certainement pas mis à jour pour chaque ministère chaque année, comme c’était le cas à l’origine. Certains ministères continuent de le faire, mais d’autres non.
    Merci beaucoup.
    Je sais que le bilan contenait également quelques autres renseignements. J’espère qu’ils seront de nouveau fournis, car ils apportaient beaucoup plus de détails, ainsi qu'une perspective différente.
    L’autre question que je voulais vous poser concerne les frais de carte de crédit. Nous savons que, depuis quelques années maintenant, le gouvernement parle de les réduire, mais nous n’avons rien vu de concret. Nous savons que les frais de carte de crédit touchent beaucoup les petites entreprises, surtout maintenant, à une époque où les gens passent plus souvent des commandes en ligne. Je me demande si vous avez quelque chose à dire à ce sujet et s’il est plus important que jamais de réduire les frais de carte de crédit.
     Pendant la pandémie, nous avons vu un énorme changement dans la façon dont les gens payaient. L'argent comptant n'a plus vraiment cours aujourd’hui. Il a cédé la place aux paiements numériques. Lorsque cela se produit, cela devient beaucoup plus coûteux pour le commerçant. Lorsqu’on paie davantage en ligne, ces transactions sont encore plus coûteuses, parce qu’elles sont jugées plus risquées.
    Même si les taux n’ont pas augmenté, cela a fait augmenter les coûts pour les petites entreprises. Nous avons exercé des pressions sur le gouvernement fédéral pour qu’il abaisse les taux d’intérêt des cartes de crédit, ce qu’il avait promis de faire dans le budget de 2021, et cela a été mentionné de nouveau dans le budget de 2022, mais nous n’avons encore rien vu à cet égard.
    Je dirais qu’il y a eu une réduction de 1,4 % en moyenne en 2020, mais nous croyons qu’il faut faire plus pour permettre aux petites entreprises d’économiser davantage, car une grande partie de ces économies est répartie entre les entreprises de toutes tailles.
    J’ai une dernière petite question.
    Je sais que la FCEI a signalé que la petite entreprise moyenne a contracté une nouvelle dette d’environ 170 000 $ pendant la pandémie, et qu'un bon nombre de PME ont dû fermer leurs portes ou réduire leurs activités. Avec cette nouvelle dette, craignez-vous que l’augmentation des coûts pour des choses comme la hausse des charges sociales pour le RPC et l’augmentation de la taxe sur le carbone plus tôt cette année ne mette encore plus d’entreprises en difficulté?
(1610)
    Oui, nous sommes très inquiets. Maintenant que les mesures de soutien vont également disparaître à compter du 7 mai, il n’y aura rien pour aider les entreprises qui ploient sous les dettes. Nous croyons que c’est l’objectif que nous devons atteindre maintenant.
    Comment pouvons-nous aider ces entreprises durement touchées qui ont une dette de 150 000 $, 200 000 $ ou 250 000 $ sans que ce soit de leur faute? Nous aimerions voir augmenter la portion du prêt-subvention du CUEC, ou d’autres mesures que nous pourrions envisager pour aider ces entreprises à se libérer de leur dette.
    Je pense qu’au cours des trois à six prochains mois, il y aura peut-être plus de faillites. Je sais que d’autres pays ont commencé à voir, une fois qu’ils se sont débarrassés de leurs mesures de soutien, une légère augmentation des fermetures de faillite. Je ne serais pas surprise si nous commencions à en voir davantage ici, à moins que nous puissions faire plus pour réduire cet endettement.

[Français]

     Merci, madame Gray.

[Traduction]

    Merci, madame Pohlmann.
    Nous allons passer à M. Erskine-Smith, pour six minutes.
    Je vais m’en tenir à la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante. Je vais commencer par la recommandation que vous avez faite au sujet des tracasseries administratives. Vous ne pourrez peut-être pas répondre à cela maintenant, mais pourriez-vous vous engager à fournir une liste d’exemples de tracasseries administratives au niveau fédéral? Il serait utile d’avoir des exemples plus concrets que le Comité pourrait utiliser. Vos tableaux sont intéressants, mais pourriez-vous nous revenir avec des exemples plus concrets de paperasse au niveau fédéral?
    Nous pourrons certainement le faire, mais je dirais qu’il s’agit de réparer non pas des éléments individuels, mais tout le système. C’est pourquoi des mesures comme la Loi sur la réduction de la paperasse ont été très efficaces pour corriger l’ensemble du système, en imposant certaines contraintes aux organismes de réglementation. Nous devons continuer...
    Arrêtez-vous là, car c’est vraiment intéressant. J’ai une question au sujet de la règle du un-pour-un.
    Au cours de la dernière législature, le Conseil du Trésor a témoigné devant nous au sujet de questions semblables concernant la compétitivité. Je comprends qu’il faut s’attaquer aux tracasseries administratives en ce sens que s’il y a quelque chose de redondant ou d’inutile, il est tout à fait logique de s’attaquer à ce problème pour réduire les coûts. Cependant, dans d’autres cas, il y a des règles importantes qui sont en place dans l’intérêt de la sécurité publique ou de la protection de l’environnement, et on a parfois tort de considérer ces mesures comme des tracasseries administratives.
    Je n’ai jamais compris le raisonnement philosophique qui sous-tend la règle du un-pour-un. Cela suppose qu'à un moment donné, nous avons réussi à avoir le nombre parfait de règles. Si on impose une nouvelle règle, il devrait y en avoir une de moins ailleurs.
    Ne devrions-nous pas nous concentrer davantage dans cette conversation sur ce qui est inutile ou redondant, et qui nuit vraiment à l’intérêt public?
    Honnêtement, je pense que les deux sont nécessaires.
    Pour ce qui est de savoir quelles règles, je suis d’accord pour dire que nous avons besoin de règles. Nous devons protéger l’environnement, la santé et la sécurité. Cela ne fait aucun doute. Il faut aussi que les gens qui créent les règles comprennent un peu mieux qu’on ne peut pas simplement continuer à en créer constamment de nouvelles; il faut aussi penser à gérer celles qui existent déjà. Il serait utile d’avoir des paramètres pour la gestion des règles déjà en place.
    À l’heure actuelle, il y en a un peu, mais pas assez pour gérer les volumes, parce qu’ils ne cessent d’augmenter. Les volumes...
     Cela me ramène à ma première question. Dans l’intérêt de la gestion des règles existantes, pouvez-vous nous donner une liste concrète des règles existantes qui, selon vous, devraient être un peu mieux gérées? Cela nous serait utile.
     Mme Corinne Pohlmann: Oui.
    M. Nathaniel Erskine-Smith: Également, je trouverais utile... Écoutez, nous n’allons pas geler la taxe sur le carbone et la tarification de la pollution. Cela n’aurait aucun sens dans le contexte de la lutte contre les émissions de carbone que nous devons mener dans le cadre de nos obligations envers la planète et les générations futures. Cela n’aurait aucun sens. C’est la façon la plus efficace sur le plan économique de lutter contre les changements climatiques.
    Si vous pouviez plutôt nous soumettre... J’ai remarqué que, dans votre présentation, vous dites que les petites entreprises paient un montant disproportionné, mais qu’elles ne bénéficient pas du remboursement proportionnellement. Si vous pouviez, encore une fois, nous soumettre une solution plus élégante — le gel ne m’intéresse pas — concernant peut-être la possibilité de prendre une part des revenus pour la distribuer équitablement aux petites entreprises. Cela m'intéresserait si vous pouviez nous proposer des suggestions par écrit.
    Pour ce qui est de la Chambre de commerce du Canada, en ce qui concerne la réforme de la Loi sur la concurrence, je tiens pour acquis que nous sommes dans un environnement inflationniste difficile et que des réformes supplémentaires immédiates ne seront peut-être pas les bienvenues si elles alourdissent le fardeau de la conformité réglementaire. Comment concilier cela, cependant, avec le fait que nous sommes un pays d’oligopoles et que les oligopoles font augmenter les prix pour les consommateurs? On l’a vu dans le domaine des télécommunications. On le voit dans les épiceries. Nous l’avons même constaté dans ce contexte inflationniste, où les entreprises qui font partie de ces oligopoles font des profits malgré l’inflation. Ce n’est pas seulement que les prix augmentent; leurs profits augmentent en même temps.
    Comment concilier ces préoccupations? D’une part, je prends note des préoccupations que vous avez exprimées, mais je vous renverrais la question suivante: « Ne voulons-nous pas qu’une plus grande concurrence fasse baisser les prix? »
(1615)
    Au risque de caricaturer le milieu des affaires, le profit n'est pas un mauvais problème en soi. Je pense qu'il vaut la peine d'énoncer une évidence à cet égard.
    En ce qui concerne l'inflation en particulier, si vous regardez ce qui est à l'origine des pressions inflationnistes à l'heure actuelle, ainsi que des perturbations de la chaîne d'approvisionnement et des pénuries de main-d'œuvre, je crois que nous risquons de dire que la concurrence est la panacée pour faire face à l'inflation et de réagir de manière impulsive.
    C'est un domaine très complexe du droit. Il ne s'agit pas seulement de la politique sur la concurrence; il s'agit aussi de la façon dont elle interagit avec d'autres secteurs réglementés et des mesures sectorielles et d'autres mesures horizontales comme la protection des renseignements personnels. Nous ne voulons pas agir à la hâte. Mme Shaban et moi ne sommes peut-être pas d'accord sur certains des résultats, mais je pense que nous sommes tous les deux d'accord pour dire que, quoi qu'il en soit, nous devons veiller à ce que ce soit fait de manière délibérée et comme il faut.
    C'est juste. La seule chose que je peux vous dire, c'est que lorsque je vois des épiceries, par exemple, avec 4 milliards de dollars de profits de plus qu'avant la pandémie, dans un contexte d'inflation postpandémique, je suis un peu inquiet quand je pense au coût pour les consommateurs. Cependant, je comprends votre argument selon lequel le profit ne devrait certainement pas être un problème en soi pour les entreprises.
    Pour poser la même question à Mme Shaban, ne voulons-nous pas une plus grande concurrence? Ne devrions-nous pas utiliser la Loi pour accroître la concurrence si nous sommes préoccupés par les prix à la consommation, en fin de compte, surtout dans l'environnement dans lequel nous vivons?
    Oui. Je pense que oui, simplement, et que l'examen nous fournira l'occasion de repenser précisément la façon dont nous prévoyons utiliser la Loi pour y arriver.
     Pour revenir à l'étude dont j'ai parlé, que certains de mes collègues et moi-même avons réalisée pour ISDE, l'un des thèmes qui est revenu à maintes reprises, c'est la façon dont la Loi évalue précisément les comportements anticoncurrentiels, et si cette façon de déterminer si un comportement est anticoncurrentiel ou non est réellement valide dans notre économie moderne, où une grande partie des effets des comportements anticoncurrentiels qui sont lieu aujourd'hui se manifesteront seulement dans de nombreuses années.
     Il n'est pas réaliste que les organismes de réglementation puissent voir l'avenir dans une boule de cristal. Pour cette raison, nous devons repenser les principes fondamentaux du fonctionnement de la Loi et de son application aujourd'hui, et cela se rattache précisément aux critères de fond — encore une fois, aux méthodes par lesquelles les agents du Bureau de la concurrence identifient et déterminent si certains comportements sont anticoncurrentiels en vertu de la Loi.

[Français]

     Merci beaucoup.
    Je donne maintenant la parole à M. Lemire, pour six minutes.
     Merci, monsieur le président.
    Je remercie l'ensemble des témoins.
    Vous avez magnifiquement mis la table, cet après-midi, pour bien faire comprendre l'urgence d'agir sur la pénurie de la main-d'œuvre.
    Je pense particulièrement à M. Blackburn, qui nous a dit que 6 % des postes sont vacants au Québec et que neuf employeurs sur dix s'inquiètent de la pénurie de la main-d'œuvre. Il a aussi dit qu'il y a près de 1 million de postes vacants, qu'il y a une surcharge de travail, et qu'on renonce à la qualité, et même à certains contrats.
     Toutefois, il y a quand même des solutions, et je pense que le Comité doit miser sur celles-ci s'il veut voir sa démarche prendre son sens. L'une de ces solutions requiert de s'intéresser à la transformation démographique. Il faut trouver des moyens de faire plus de place aux femmes, aux familles et aux aînés. Dans le contexte actuel de rareté de la main-d'œuvre, la combinaison de plusieurs méthodes sera peut-être la solution qui portera ses fruits.
    Monsieur Blackburn, j'ai une question à vous poser.
    Que recommandez-vous pour rendre plus attrayant le retour au travail pour les travailleurs expérimentés ou aînés, compte tenu du fait qu'ils représentent quelque 75 000 travailleurs supplémentaires potentiels et qu'ils pourraient contribuer à atténuer la pénurie de la main-d'œuvre?
    C'est une excellente question.
     Malheureusement, ceux qui pensent que la pénurie de la main-d'œuvre est un heureux problème font fausse route. La pénurie de la main-d'œuvre a des conséquences extrêmement importantes sur l'économie. Vous en avez énuméré quelques exemples.
    Je vais commencer à répondre à votre question, puis je cèderai la parole à mon collègue, M. Hamel, qui pourra vous donner davantage de précisions concernant les travailleurs expérimentés.
     Si le Québec avait le même taux d'emploi des travailleurs expérimentés que l'Ontario, par exemple — nous aimons souvent nous comparer à l'Ontario —, comme vous l'avez mentionné, ce sont près de 75 000 travailleurs supplémentaires qui, aujourd'hui et demain, seraient sur le marché du travail et pourraient contribuer à la relance économique. Pour y arriver, il faut instaurer des mesures fiscales incitatives, comme, par exemple, de relever de 5 000 $ à 20 000 $ le plafond de revenus sans qu'il y ait de pénalités sur le plan de leur régime de retraite. Ce serait certainement une avenue intéressante.
    Par exemple, les gouvernements pourraient faire en sorte que les entreprises qui participent et qui ont des travailleurs expérimentés à leur emploi soient exemptées de verser à la Régie des rentes du Québec, par exemple, le montant attribuable à l'effort de guerre, si je peux l'appeler ainsi, du travailleur expérimenté.
    Ce n'est là qu'une des solutions envisageables. Je pourrais demander à M. Hamel de vous en énumérer encore plusieurs, qui pourraient être mises en avant à court, à moyen et à long terme.
    Si vous me le permettez, je demanderai maintenant à M. Denis Hamel de compléter la réponse.
(1620)
    Pour revenir aux travailleurs expérimentés, c'est bien que vous mettiez l'accent sur eux. C'est un groupe que nous pouvons atteindre et ramener très rapidement sur le marché du travail, surtout si nous leur enlevons la perception qu'ils travaillent pour rien. Souvent, on entend qu'ils vont perdre le Supplément de revenu garanti, qu'ils vont être obligés d'en rendre une partie au gouvernement.
    Il faut adapter la fiscalité et aider aussi les employeurs, par divers mécanismes, à garder, à attirer et à recruter des travailleurs expérimentés. Nous pensons, par exemple, aux cotisations à l'assurance-emploi, qui pourraient être suspendues pour les travailleurs expérimentés, parce que ces personnes ne demanderont pas de prestations. C'est un exemple parmi tant d'autres.
    Il faut aussi penser à l'accompagnement sur le plan de la gestion des travailleurs expérimentés, qui ne veulent pas nécessairement travailler 50 heures par semaine et 50 semaines par année. Il faut donc leur offrir des horaires et calendriers allégés pour les inciter à réintégrer le marché du travail, surtout dans les secteurs les plus affectés par la pandémie, où ils étaient très nombreux. Depuis le début de celle-ci, nous avons perdu beaucoup de travailleurs de 55 ans et plus, particulièrement des femmes.
    Merci, monsieur Hamel.
    Je poursuis, toujours au sujet de l'élargissement du bassin de main-d'œuvre.
    Monsieur Blackburn, lors d'une entrevue récente, vous avez affirmé ceci: « C’est pour nous un incontournable, parce que, malheureusement, sans cet élargissement du bassin de travailleurs via l’immigration, on ne sera pas capable d’atteindre les objectifs qu’on poursuit. »
     Tout à l'heure, vous avez chiffré à 18 milliards de dollars les pertes dues au manque de main-d'œuvre depuis deux ans, au Québec seulement.
    Les problèmes de lenteur dans le traitement des dossiers d'immigration préoccupent-ils vos membres? Quelles pistes de solution pourrions-nous apporter, selon vous?
     Effectivement, il existe un problème extrêmement important au Québec relativement au traitement des données ou des dossiers relatifs à l'immigration. Malheureusement, au Québec, cela peut prendre jusqu'à 24 mois avant de régulariser un dossier alors que, ailleurs au Canada, cela prend 6 mois. Cette réalité est incontournable.
    Je vais donner un exemple au bénéfice des membres de ce comité. En 2017, une évaluation a été faite en lien avec le marché du travail. D'abord, pour pallier le départ à la retraite de 1,4 million de travailleurs au Québec, nous devions avoir accès à trois principaux bassins de travailleurs potentiels. Le premier bassin, constitué d'étudiants, pouvait répondre à 50 % des besoins. Le deuxième bassin, auquel vous avez fait référence, était constitué de gens qui sont un peu plus éloignés du marché du travail, soit les Premières Nations, les gens judiciarisés, les gens en situation de handicap, les femmes dans certains secteurs, le personnel plus âgé, et ainsi de suite. Ce groupe pouvait répondre à 25 % des besoins. De plus, un pourcentage de 23 % provenait de l'immigration. Le chiffre évoqué à ce moment pour pallier la pénurie de main-d'œuvre et pour combler les départs à la retraite était estimé à 64 000 immigrants par année. Comme vous le savez, au Québec, il y a l'immigration communautaire, les regroupements familiaux et l'immigration économique. Or, avec 64 000 immigrants par année et les autres bassins, on pouvait espérer pallier les départs à la retraite de ces 1,4 million de travailleurs.
    Malheureusement, à partir de 2017, le nombre d'immigrants n'a jamais dépassé 50 000 par année, et ils ont été bien en deçà au cours des dernières années, ce qui fait que l'écart se creuse. À la fin de février 2022, près de 250 000 postes étaient vacants au Québec.
    Pour pallier cette situation, il faut éviter les conflits de compétences territoriales. Les modifications que le fédéral a apportées au PTET, le Programme des travailleurs étrangers temporaires, ont donné une bouffée d'air frais aux employeurs du Québec et aux employeurs en général. Elles ont permis aux employeurs d'avoir accès à un plus grand bassin ou à un plus grand pourcentage de travailleurs pour leur propre entreprise. Elles ont aussi permis d'étirer les délais au-delà de ce qui était prévu au départ et ainsi d'apporter une certaine prévisibilité relativement à l'économie.
    L'économie, en soi, est extrêmement volatile. Cela prend trois conditions pour pouvoir croître et prospérer: de la prévisibilité, de la certitude et de la longévité. Il faut réussir, avec les décisions en lien avec l'immigration, à apporter ces trois ingrédients afin que la recette fonctionne et qu'elle nous aide à affronter le problème de main-d'œuvre que nous rencontrons.
(1625)
    Merci beaucoup, messieurs Lemire et Blackburn.
    Monsieur Masse, vous avez la parole pour six minutes.

[Traduction]

     Merci, monsieur le président, et merci à nos témoins.
    J'aimerais commencer par Mme Shaban.
    En ce qui concerne les comportements anticoncurrentiels, comment nous comparons-nous à nos cousins américains et européens? Quelles sont les tendances qui se dessinent dans ces pays pour lutter contre les comportements anticoncurrentiels?
    J'aimerais savoir où nous nous situons par rapport aux pays avec lesquels nous faisons souvent du commerce et avec lesquels nous avons des liens.
    C'est une grande question à analyser.
    Pour revenir au rapport que Vass Bednar, Ana Qarri et moi avons produit pour ISDE, l'une des analyses que nous avons faites consistait à comparer les cas qui ont été examinés dans l'Union européenne par la Commission européenne et qui étaient relativement semblables à ceux qui ont été examinés par le Bureau de la concurrence au Canada. Cela incluait Google, par exemple, et l'autopréférence de son propre service de magasinage sur son site Web.
    Le Bureau de la concurrence et la Commission européenne ont tous deux entrepris des enquêtes sur cette conduite. La Commission européenne a conclu que ce comportement était anticoncurrentiel et a imposé de lourdes amendes à Google — je ne me souviens plus combien de milliards d'euros. Dans le cadre de l'enquête canadienne, le Bureau a conclu qu'il n'y avait aucune preuve de comportement anticoncurrentiel.
    Cela soulève la question de savoir comment la Commission européenne a réussi à imposer une amende de milliards d'euros à Google, alors qu'au Canada, ce comportement n'est pas anticoncurrentiel. Je pense que bon nombre de ces tendances se manifestent d'une administration à l'autre, étant donné la nature mondiale du commerce numérique.
    La différence que nous constatons au Canada par rapport à d'autres grands pays, c'est que notre Loi sur la concurrence ne suit pas le rythme de ce que les lois sur la concurrence peuvent faire ailleurs. Encore une fois, je sais que c'est un peu ennuyeux, mais cela revient vraiment à la façon dont la Loi comprend et évalue les comportements anticoncurrentiels. Un système davantage fondé sur des règles, selon lequel un comportement est anticoncurrentiel parce qu'il est illégal de faire une certaine chose est plus proche du modèle européen, alors qu'au Canada, nous avons une approche fondée sur les effets selon laquelle vous devez démontrer, avec une multitude de preuves à l'appui, qu'un comportement particulier est nuisible.
    Je vais m'arrêter là, car je sais que vous n'avez que six minutes.
     Merci.
    Si vous entendez un chat en arrière-plan, c'est mon chat siamois. Ce n'est même pas mon chat, mais celui de ma fille.
    Quoi qu'il en soit, nous avons finalement constaté une augmentation du soutien accordé au Bureau de la concurrence.
    Vous avez dit que, même avec ces mesures de soutien, nous sommes toujours hors-jeu sur ces questions, alors il s'agit vraiment de refaire tout notre modèle. Nous pouvons y injecter plus d'argent et nous n'obtiendrons peut-être toujours pas les résultats escomptés. Est‑il juste de dire cela?
    Oui. Beaucoup de gens du milieu de la politique de la concurrence disent que « la solution consiste simplement à renforcer l'application de la Loi. Le Bureau a besoin de plus d'argent. Le Bureau doit aller chercher plus de cas. » Cela fait partie de la solution, mais encore une fois, si vous n'avez pas les bons outils pour vous attaquer aux comportements anticoncurrentiels, vous ne faites que jeter l'argent par les fenêtres. Vous faites des enquêtes qui n'amènent pas les entreprises à changer leurs comportements, parce que la Loi n'est tout simplement pas un outil efficace, surtout dans notre économie numérique plus moderne.
    Excellent.
    Je vais maintenant m'adresser à la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante, ou FCEI.
    J'ai demandé à la Banque de développement du Canada si elle envisagerait une carte de crédit pour les petites entreprises. J'ai trouvé très intéressant qu'elle ait fait une étude à ce sujet. Elle ne savait pas quand c'était — elle était censée nous en reparler —, mais c'était il y a longtemps.
    La Banque de développement du Canada est censée être le prêteur de dernier recours lorsque le secteur privé ne joue pas son rôle de façon appropriée. J'étais persuadé de l'intérêt que susciterait au moins une carte de crédit assortie de frais raisonnables. Si le gouvernement n'est pas prêt à réglementer ce secteur et à le superviser, je suis un peu surpris qu'il ne profite pas de cette occasion en tant que prêteur de dernier recours, pour ainsi dire.
    Je me demande ce que la FCEI en pense. J'aimerais savoir si cette idée serait bien accueillie et si la FCEI pourrait contacter ses membres et mener un sondage comme elle l'a fait auparavant pour savoir si ce produit les intéresse. Cela pourrait, en fait, susciter une concurrence dont ce secteur a grandement besoin.
(1630)
    Ma réponse est que je ne sais pas ce que nos membres en penseraient. Il faudrait le leur demander. Leur problème, bien sûr, concerne davantage l'acceptation des paiements que la carte de crédit en soi.
    En ce qui concerne la BDC, je suis d'accord avec vous. En tant que prêteuse de dernier recours, elle fait du bon travail en essayant d'aider les entreprises qui ne peuvent trouver de financement nulle part, et une carte de crédit pourrait être une autre option pour offrir ce genre de financement aux petites entreprises.
    Je ne sais pas ce qu'elle peut vraiment faire du côté « acceptation du paiement » de l'équation. C'est là que les choses se compliquent un peu.
    C'est cependant l'une des choses que j'espère qu'elle prendra au sérieux.
    Même avec les frais de transition et les frais de transaction, je connais beaucoup de petites entreprises qui changent constamment d'opérateur parce qu'elles doivent faire des pieds et des mains pour changer la machinerie, l'équipement et la formation. Tout cela est négatif. Il ne s'agit pas vraiment de leur donner la possibilité d'être efficaces en affaires; il s'agit de gérer des transactions financières qui, bien franchement, sont abusives.
    En ce qui concerne...
    Monsieur Masse, je dois vous arrêter ici, car le temps est écoulé.
    Merci, monsieur le président.
    Nous reviendrons à vous.

[Français]

     Monsieur Généreux, vous disposez de cinq minutes.
    Je remercie tous les témoins.
    Madame Shaban, vous faites référence à un rapport. Pourriez-vous nous dire de quel rapport il s'agit? Nous ne savons pas exactement à quel rapport vous faites référence. Vous avez déjà témoigné devant le Comité, si je me souviens bien. S'agit-il d'un rapport préparé par le Comité?

[Traduction]

    Oui. Le rapport dont je parle constamment est un rapport qu'ISDE m'a chargée de préparer avec deux autres collègues, Vass Bednar et Ana Qarri.

[Français]

    D'accord. Merci.

[Traduction]

    Le rapport portait sur la politique en matière de concurrence dans les marchés axés sur les données. Il examinait donc l'incidence des mégadonnées sur la politique en matière de concurrence et vérifiait si notre Loi sur la concurrence est apte à régler ces problèmes.
    Ce rapport est disponible en ligne sur le site de recherche de Vivic. Lorsque je retournerai à mon bureau, je l'enverrai sur Twitter.

[Français]

    Oui. Ce serait parfait.
    Madame Pohlmann, vous parlez français, n'est-ce pas?

[Traduction]

    Un peu?

[Français]

    Un peu, oui.
    D'accord.
    La taxe sur le carbone touche moins le Québec, mais j'aimerais vous en parler quand même. Vous avez donné deux chiffres qui m'ont beaucoup surpris. Vous avez dit que les PME payaient 45 % de la taxe, mais que seulement 8 % de la taxe leur revenait. C'est un écart épouvantable et très important. Le gouvernement nous répète ad nauseam que ce programme est neutre et qu'il n'y a pas de coûts normalement pour l'ensemble des entreprises. Vous nous dites donc que c'est faux.

[Traduction]

     Ce que je dis, c'est que sur le filet de sécurité pour le carbone qui s'applique en Ontario, au Manitoba, en Saskatchewan et en Alberta — la taxe sur le carbone dans ces provinces —, environ 45 % à 50 % de ces revenus proviennent des petites et moyennes entreprises, ainsi que des municipalités, des hôpitaux et des écoles, mais seulement à raison d'environ 5 % de ce montant. Le reste provient entièrement des petites et moyennes entreprises.

[Français]

     D'accord, et il ne leur revient que 8 %.

[Traduction]

    On a mis de côté pour ce groupe 8 % à 10 % qui étaient censés être affectés à des programmes, mais un seul a été créé avant la pandémie, et pour avoir accès à ce programme, vous deviez investir 80 000 $ dans votre entreprise pour récupérer l'argent de la subvention. Les petites entreprises n'y avaient pas accès. Depuis, l'argent dort dans les coffres du gouvernement. Rien n'est revenu aux petites entreprises.

[Français]

    C'est intéressant.
    Monsieur Blackburn, je suis content de vous voir aujourd'hui.
    Moi aussi.
    En ce qui concerne la pénurie de main-d'œuvre, plus tôt, vous avez répondu à la question de mon collègue M. Lemire en disant que l'Ontario était mieux positionné que le Québec concernant les travailleurs de 55 à 64 ans. Quelle est la distinction?
     Est-ce une distinction fiscale entre l'Ontario et le Québec qui permet aux Ontariens de cette tranche d'âge de rester au travail plus longtemps?
    C'est simplement parce que le taux d'activité de cette catégorie de travailleurs est plus élevé qu'ici, au Québec. Alors, si on cherche à atteindre le même niveau, il faudra prendre des mesures fiscales. Le gouvernement du Québec et le gouvernement fédéral auraient la capacité d'agir en ce sens. Malheureusement, dans les deux derniers budgets, ils ne l'ont pas fait, ni au Québec ni au fédéral. Pourtant, on le leur avait demandé.
(1635)
    C'était une promesse électorale des libéraux, ainsi que des conservateurs, d'ailleurs, de changer la fiscalité pour permettre à ces gens-là de rester au travail plus longtemps.
    C'est exact.
    Vous dites que, même dans le budget de 2022, les libéraux n'en ont pas tenu compte.
    Dans le budget qui a été présenté, on n'a pas prévu de mesure spécifique pour encourager les travailleurs expérimentés à rester sur le marché du travail.
    Si je ne m'abuse, il y a quand même des mesures qui ont été prises au cours des dernières années.
    Oui.
    Toutefois, vous dites que les mesures devraient être bonifiées. Tantôt, votre collègue a parlé, par exemple, de suspendre les cotisations à l'assurance-emploi pour ces travailleurs.
    C'est exact.
    Il y a des éléments qui pourraient être soustraits. Je suis entrepreneur moi-même, alors je sais ce que cela coûte. Tous les frais sociaux imputés à l'employeur représentent au moins 15 % du salaire de l'employé. Cela s'additionne au salaire.
    Des éléments pourraient donc être soustraits pour permettre à ces personnes de rester au travail plus longtemps.
    Oui, tout à fait.
    D'accord.
    Le 4 avril, si je ne m'abuse, la ministre Ng a annoncé le lancement du Programme canadien d’adoption du numérique, un programme fédéral concernant l'augmentation des technologies dans l'entreprise. Je ne sais pas si vous avez vu cela, mais, tout à l'heure, vous disiez qu'il s'agissait d'un élément important.
    Êtes-vous au courant de l'existence de ce programme? Si oui, le Conseil du patronat du Québec l'a-t-il analysé?
    Je n'ai pas tous les détails de cela, monsieur Généreux, mais il ne fait aucun doute que ce programme, accompagné de mesures spécifiques, peut apporter un élément intéressant pour pallier la pénurie de main-d'œuvre. Je vais demander à M. Hamel de donner un exemple plus concret, parce que, dans les solutions que nous avons proposées, certaines concernent la formation, la littératie et une augmentation des investissements en technologie.
    À titre d'exemple, malheureusement, au Québec, nous avons un problème de littératie, ce qui freine les investissements technologiques. Alors, dans le contexte actuel, avec des mesures spécifiques pour aborder cette situation-là, on peut atteindre des objectifs fort importants.
    Avant de céder la parole à M. Hamel, je reviens sur le programme de l'assurance-emploi, monsieur Généreux. Le gouvernement du Canada est en train de revoir le programme de l'assurance-emploi. Étant donné que nous avons des problèmes concernant la formation continue et les compétences, pourquoi ne pas faire de ce programme d'assurance-emploi un programme de formation continue? Ainsi, lorsque les gens seraient malheureusement frappés par une perte d'emploi, avec l'assurance-emploi, ils seraient obligés de suivre une formation et ils maintiendraient leurs compétences à jour.
    C'est une excellente idée.
    En passant, une réforme du programme de l'assurance-emploi a été proposée par le gouvernement conservateur, il y a plus de 10 ans maintenant, mais elle a été oubliée ou bombardée de toutes sortes d'éléments négatifs. À l'époque, le principe même de cette réforme était de faciliter le jumelage des travailleurs aux emplois disponibles dans les différentes régions du Canada. Tantôt, vous disiez justement qu'il y avait plus de postes disponibles que de travailleurs disponibles.
    Je me souviens qu'à l'époque, on parlait d'un rayon de 60 kilomètres ou de moins de 100 kilomètres pour trouver un emploi. Aujourd'hui, à La Pocatière, les professeurs du cégep, de l'Institut de technologie agroalimentaire du Québec, du collège et de toutes les autres institutions parcourent 100 kilomètres, de Québec à La Pocatière, pour venir travailler tous les jours. C'est la même chose pour les employés d'Alstom et les autres.
    Excusez-moi, monsieur Généreux, je sais que vous êtes sur une lancée. Je n'osais pas vous interrompre, mais toute bonne chose a une fin.
    Je vais démissionner de ces comités!
    J'imagine qu'on pourra revenir sur ce thème dans le cadre d'autres questions.
    Monsieur Gaheer, vous avez la parole pour cinq minutes.

[Traduction]

     Merci, monsieur le président.
    Merci à tous les témoins d'avoir pris le temps de venir nous rencontrer.
    Ma première question s'adresse à Vivic Research. Je voulais simplement vous donner l'occasion d'approfondir les observations que vous avez faites en réponse aux questions de M. Erskine-Smith.
    Vous avez dit que la façon dont la Loi sur la concurrence est actuellement rédigée, c'est comme si on regardait dans une boule de cristal pour prédire s'il y aura un effet anticoncurrentiel. Avez-vous recommandé un système de remplacement? Si le système actuel pose des problèmes, qu'y aurait-il de mieux?
    Je pense qu'il y a toute une gamme de solutions. Ce que j'aimerais voir dans l'examen de la Loi sur la concurrence, c'est une réflexion plus approfondie sur certaines des solutions de rechange. C'est pourquoi il est très important que les intervenants se concertent et trouvent un compromis. Il faut que tout le monde à la table réfléchisse à la façon dont nous voulons évaluer les comportements anticoncurrentiels.
    C'est une façon longue de dire qu'il y a beaucoup de solutions possibles, mais ce que j'aimerais voir, c'est que nous nous orientions davantage vers une approche fondée sur des règles pour évaluer les comportements anticoncurrentiels.
    Je ne veux pas m'éterniser, mais je vais vous donner rapidement un exemple. Lorsqu'il s'agit d'évaluer les fusions, au Canada, on ne peut pas dire au Tribunal de la concurrence de bien vouloir bloquer telle fusion parce qu'elle crée littéralement un monopole; il faut démontrer que, parce que cette fusion crée un monopole, cela va faire augmenter les prix. C'est seulement un cours d'économie 101. Nous le savons. Pourquoi avons-nous besoin du commissaire du Bureau de la concurrence pour réinventer économie 101 devant le Tribunal de la concurrence?
    Je pense qu'il est tout à fait raisonnable d'intégrer les choses — par exemple, si vous avez une fusion créant un monopole, ce sera carrément bloqué. Encore une fois, il s'agit davantage d'une approche fondée sur des règles pour évaluer les comportements anticoncurrentiels et leurs méfaits. Je peux voir d'autres endroits où cela pourrait s'intégrer.
    Je n'ai pas de réponse définitive à vous donner à ce sujet aujourd'hui. Je pense que cela devra faire l'objet d' une discussion plus ouverte.
(1640)
    Excellent. Merci.
    Si l'on poursuit dans la même veine, je repense à la faculté de droit. Il y a deux façons de faire les choses. D'un côté, il y a une approche plus subjective qui tient compte de plus de caractéristiques, mais qui devient moins impartiale. De l'autre, il y a un ordre fondé sur des règles, mais cette façon de faire peut devenir rigide à l'occasion, et certaines choses passeront entre les mailles du filet. Est‑ce un équilibre à trouver?
    Oui, je pense qu'il faut rétablir l'équilibre. L'équilibre que nous avions auparavant a pu fonctionner par le passé, mais je pense qu'il devient de plus en plus difficile, surtout avec l'avènement de l'économie numérique, en particulier l'impact des mégadonnées sur les entreprises.
    La raison pour laquelle les mégadonnées sont si importantes, c'est qu'elles peuvent créer des avantages concurrentiels que, dans bien des cas, les entreprises ne peuvent tout simplement pas contester de façon réaliste. Comme petite ou moyenne entreprise, si vous vous opposez à un géant qui possède des données et qui peut avoir une vue de l'ensemble du marché et, essentiellement, vous balayer, vous et vos clients, à tout moment en raison de ces données et de ces renseignements, comment vous y prenez-vous pour contester? Une approche davantage fondée sur des règles pourrait permettre au Bureau de prévenir ce genre de situations ou d'empêcher les pratiques anticoncurrentielles.
    Encore une fois, je pense que cet équilibre doit être rétabli, compte tenu de la nature du commerce et de son évolution, surtout au cours des dernières années, avec la numérisation.
    Merci. J'ai hâte de lire votre rapport.
    Merci.
     J'aimerais changer un peu de sujet. Ma prochaine question s'adresse à la FCEI et à Mme Pohlmann.
    La hausse des prix des produits de base est un phénomène observé à l'échelle mondiale. N'y a‑t‑il pas moyen pour les producteurs canadiens d'en profiter? Comme les chaînes d'approvisionnement ont été perturbées à l'échelle mondiale, si nous pouvions produire une partie de ces produits ici et approvisionner le reste du monde, cela ne pourrait‑il pas nous avantager?
    Certes, mais la hausse des coûts a une incidence sur tout le monde de toute façon. Il s'agit de pouvoir se libérer de son endettement, investir dans son entreprise et continuer d'avancer.
     Je pense que ce qui est bien avec les entrepreneurs et les petites entreprises, c'est qu'ils sont innovateurs et qu'ils essaient de faire l'impossible pour bâtir l'entreprise de toutes les façons possibles. Je peux certainement voir où il pourrait y avoir cet avantage, mais en même temps, vous faites face à tous ces autres obstacles pour y arriver, notamment la hausse des prix, l'inflation, la pénurie de main-d’œuvre et tous ces autres problèmes qui les touchent en ce moment, sans compter le fait que la pandémie a frappé très durement un si grand nombre d'entre eux.
    Il ne fait aucun doute qu'il y a encore des possibilités. Il y en aura certainement beaucoup qui tenteront d'en profiter.
     Merci.
    Monsieur le président, combien de temps me reste‑t‑il?
    Je suis désolé, monsieur Gaheer. Votre temps est écoulé.
    Merci.
    Monsieur Lemire, vous avez deux minutes et demie.

[Français]

     Merci, monsieur le président.
    Je vais adresser la question suivante à M. Blackburn, du Conseil du patronat du Québec.
    Le Québec est la seule province au Canada à être responsable de sa politique en matière de main-d'œuvre. Un écosystème s'est créé avec le gouvernement du Québec, le Conseil du patronat du Québec, les Manufacturiers et Exportateurs du Québec, la Fédération des chambres de commerce du Québec et les comités sectoriels de main-d'œuvre.
    Au Québec, notre écosystème produit toutes les études nécessaires pour déterminer les besoins en matière de main-d'œuvre. À mon avis, l'EIMT, soit l'étude d'impact sur le marché du travail, n'est qu'un doublon inutile.
    Peut-on envisager d'éliminer ces études d'impact fédérales, qui semblent de plus en plus inadéquates et qui nuisent aux entreprises?
(1645)
    Cette fois, je vais céder la parole à mon collègue M. Hamel, qui n'a plus le temps de nous faire part de ses explications quand je parle trop, mais je tiens d'abord à dire que notre modèle, au Québec, devrait servir d'inspiration pour le reste du Canada.
    Je vais donc demander à M. Hamel de nous exposer les avantages de ce modèle et de nous fournir des explications en réponse à votre question, monsieur Lemire.
    Merci.
    Monsieur Lemire, vous avez raison de dire que ces études d'impact sur le marché du travail doublent la paperasserie dans bien des cas. La Commission des partenaires du marché du travail, soit tout le groupe que vous avez mentionné déjà, publie chaque année les métiers et professions qui sont en déficit ou en surplus. Selon nous, il serait tout à fait logique qu'un mécanisme se déclenche dès qu'une profession est en déficit. De cette façon, nous n'aurions pas à justifier le fait que nous recherchons des gens et que nous avons procédé à des affichages pendant un certain nombre de semaines.
    Au Québec, il existe déjà une mesure, soit le traitement accéléré, qui permet de contourner les EIMT. Il faudrait donc appliquer cette mesure à un nombre beaucoup plus grand de professions, justement parce que les partenaires patronaux, syndicaux et gouvernementaux s'entendent sur les professions en déficit — elles étaient au nombre de 234, aux dernières nouvelles — au sujet desquelles nous n'aurions pas à justifier le recours à des travailleurs étrangers.
    De plus, les EIMT sont basées sur des données qui datent maintenant de deux à trois ans, donc d'avant la pandémie.
    Croyez-vous que notre écosystème, au Québec, serait plus complet encore si le Programme des travailleurs étrangers temporaires, le PTET, était rapatrié?
    En effet, cet enjeu est lié davantage à la politique en matière de main-d'œuvre qu'à la politique d'immigration.
    Est-ce que cela aiderait nos entreprises, au Québec?
    Je vais laisser M. Hamel répondre à cette question.
    Dans le cas d'un dédoublement de compétences, il faut surtout que les gouvernements travaillent mieux ensemble. Je suis d'accord avec vous, dans sa forme actuelle, le Programme des travailleurs étrangers temporaires est désuet, dépassé, et il faut absolument le moderniser. Il a été conçu quand le taux de chômage était entre 12 % et 15 %. Or la réalité d'aujourd'hui est très différente.
    Ce dont nous avons besoin, c'est une meilleure collaboration et une réduction de la paperasserie, parce que nous faisons souvent les choses en double. Nous n'avons jamais eu la preuve que le fédéral ou le Québec s'en tireraient mieux isolément.
    On peut maintenir le système actuel, mais il faut vraiment améliorer la collaboration, de façon à éliminer la paperasserie, mais surtout les délais, qui n'ont plus aucun sens.
    Des 10 solutions que nous proposons pour pallier la pénurie de main-d'œuvre, la modernisation du PTET en est une à elle seule. Vendredi dernier, nous avons reçu le premier ministre du Canada lors de notre activité, au CPQ, et nous avons demandé, deux fois plutôt qu'une, une vraie modernisation du PTET. En effet, celui-ci est vraiment devenu désuet et ne reflète pas la réalité dans laquelle nous évoluons actuellement.
    Merci.
    Merci beaucoup.
    Monsieur Masse, vous avez la parole pour deux minutes et demie.

[Traduction]

    Merci, monsieur le président. Ma question s'adresse à Bière Canada.
    Mon collègue Richard Cannings a présenté un projet de loi d'initiative parlementaire visant à éliminer la taxe d'accise sur la bière sans alcool ou à faible teneur en alcool. Elle est traitée comme spéciale en étant pleinement imposée.
    Pouvez-vous confirmer votre appui et peut-être expliquer un peu pourquoi ce serait une mesure importante pour aider non seulement les grands brasseurs, mais aussi les microbrasseurs qui veulent offrir des boissons à faible teneur en alcool?
    Merci beaucoup de la question.
    Bière Canada a eu l'occasion de rencontrer M. Cannings pour parler de l'application de la taxe d'accise à la bière non alcoolisée. Au Canada, c'est une situation obscure qui nous a un peu pris par surprise. Comparativement au vin et aux spiritueux, la bière est assujettie à la taxe d'accise, tandis que ces autres catégories en sont exemptées.
    Je dirais que, bien que la pandémie de COVID‑19 ait été une période difficile pour les ventes de bière, les ventes de bière non alcoolisée ont été prometteuses. Nous avons constaté une croissance importante dans ce segment de la catégorie au cours des deux dernières années.
    Il y a des brasseurs qui font des investissements importants dans ce segment du marché, et nous avons été heureux de voir M. Cannings, et vous-même je crois, attirer l'attention sur cette question et de constater que le gouvernement l'incluait dans le budget de cette année. C'est une bonne nouvelle pour l'industrie de la bière, et je pense que cela enverra un signal positif aux brasseurs de tout le Canada pour qu'ils envisagent d'investir dans ce segment du marché à l'avenir.
     Je comprends.
    Je suis toujours un peu déconcerté lorsque nous nous contentons de formalités administratives sans donner de précisions. Nous avons déjà reçu des recommandations sans vraiment avoir de précisions. Je pense que c'est l'une de ces occasions qui pourrait servir d'exemple.
    Il y a ici un brasseur local. Bien sûr, comme dans la plupart des villes. Pensez-vous qu'un plus grand nombre de microbrasseries s'impliqueraient pour limiter cela? Je sais que ce n'est pas le seul problème et qu'il n'est pas énorme, mais c'est l'un des problèmes dont ils se passeraient bien. C'est ce que je perçois et ce que j'entends. Je me demande simplement si c'est à l'échelle du pays.
(1650)
    Sans aucun doute. Je pense que c'est l'une des principales raisons pour lesquelles nous avons constaté une croissance des ventes de bière non alcoolisée au cours des deux dernières années. Les petits brasseurs s'intéressent de plus en plus à ce segment, et je pense que les consommateurs cherchent à adopter un mode de vie plus sain et à essayer davantage de produits non alcoolisés.
    J'aime dire que les types de produits de bière non alcoolisés que nous voyons sur le marché aujourd'hui sont uniques et beaucoup plus distincts que ce que nous pouvions voir il y a 10 ou 20 ans. Nous voyons des styles comme des IPA de la côte Ouest, des stouts et d'autres types de bières qui sont produites sans alcool, et qui ont toujours les caractéristiques et les goûts que les consommateurs associent naturellement à la bière.
    Il est très compliqué de produire une bière non alcoolisée et de préserver ces goûts et caractéristiques. Il faut beaucoup d'investissements pour fabriquer des bières non alcoolisées de haute qualité et, encore une fois, le projet de loi d'initiative parlementaire de M. Canning a été utile pour rehausser le profil de ce segment, et je crois que les grands brasseurs et les petits brasseurs continueront d'investir dans ce segment et dans le marché.
    Merci, monsieur Masse et monsieur Chapman.
    Nous allons passer à M. Kram, pour cinq minutes.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je remercie tous les témoins d'être ici aujourd'hui.
    Madame Pohlmann, dans votre déclaration préliminaire, vous avez parlé de la taxe sur le carbone. Si je vous cite correctement, vous avez dit que le filet de sécurité de la taxe fédérale sur le carbone a un effet disproportionné sur les petites entreprises. Pourriez-vous nous expliquer pourquoi il en est ainsi?
    Bien sûr, et je vais souligner qu'encore la semaine dernière, je crois que le commissaire à l'environnement en a également fait mention dans ses rapports.
    Essentiellement, comme je l'ai dit plus tôt à M. Généreux, le fait est que, dans la province où cela s'applique, environ 50 % des revenus sont tirés de petites et moyennes entreprises. Seulement 8 à 10 % environ sont mis de côté pour redonner aux petites et moyennes entreprises. Même ces 8 à 10 % n'ont jamais été remboursés, sauf dans le cadre d'un programme en 2019 environ, dans le cadre duquel il fallait investir 80 000 $ dans votre entreprise pour obtenir un peu d'argent du gouvernement. Ce n'était pas très accessible.
    Aucun programme n'a été mis à la disposition des petites entreprises pour les aider à réduire leur empreinte environnementale. Nous espérons toujours que quelque chose soit offert, soit un remboursement ou de nouveaux programmes qui sont faciles d'accès pour investir dans l'efficacité énergétique. Ce sont les mesures relativement auxquelles nous aimerions que cet argent soit utilisé. Idéalement, ce serait pour rendre le tout un peu plus équitable.
    Si je vous ai bien compris, vous recommandez également un gel des flux du RPC, de l'assurance-emploi et de la taxe sur le carbone. Est‑ce exact?
    Ce serait un moratoire pendant les années où les petites entreprises sont en difficulté. Nous ne suggérons pas nécessairement que ce soit permanent. Il s'agit simplement des coûts qui s'ajoutent aux coûts des petites entreprises. Ce sont les coûts que les gouvernements contrôlent, et peut-être qu'en cette période difficile, ce serait une façon d'imposer un moratoire sur ces coûts pendant peut-être un an ou deux de plus, jusqu'à ce qu'elles puissent se remettre sur pied.
    D'accord.
    Monsieur Chapman, de Bière Canada, vous avez parlé de l'augmentation automatique des droits d'accise fédéraux sur la bière. Pourriez-vous nous expliquer pourquoi cela rend plus difficile la compétitivité de votre secteur?
    Tout à fait.
    Comme je l'ai dit plus tôt au cours de la séance, les brasseurs doivent déjà composer avec des coûts d'intrants historiquement élevés. Le coût de production de la bière au Canada a sensiblement augmenté au cours des deux dernières années. Ce que nous voulons dire au gouvernement, c'est que les brasseurs ne sont pas opposés à payer leur juste part d'impôt. Au Canada, à l'heure actuelle, près de 50 % du prix de détail de la bière représente une forme ou une autre de taxe. Ce à quoi nous nous opposons, ce sont les augmentations annuelles automatiques qui ne font l'objet d'aucun débat ou vote de la part des députés, surtout dans le contexte actuel de forte inflation. Ces augmentations annuelles sont indexées à l'inflation, et il s'agit d'une inflation mensuelle de 6 ou 7 %. Nous prévoyons une augmentation de 7 % à 8 % en avril 2023 pour la bière.
    Nous traversons une période très difficile pour l'industrie et aussi pour nos gros clients du secteur de la restauration et du bar. Notre message au gouvernement est de tenir compte du contexte dans lequel nous évoluons.
    Les brasseurs font également des investissements de plusieurs millions de dollars pour délaisser progressivement les porte-canettes en plastique. Nous appuyons cette mesure et nous faisons notre part pour nous assurer que l'objectif du gouvernement d'éliminer les déchets de plastique est atteint. Nous demandons simplement au gouvernement de revoir son approche fiscale à ce stade‑ci.
     Si je vous comprends bien, si les politiciens veulent augmenter les impôts de votre secteur, cela ne devrait pas être automatique. Les politiciens devraient être obligés de déposer un projet de loi et d'en débattre selon ses mérites, comme toute autre taxe. Est‑ce bien ce que vous dites?
(1655)
    Exactement.
    D'accord.
    Je reviens à Mme Pohlmann.
    Pourrait‑on invoquer le même argument au sujet de la taxe sur le carbone? Si les politiciens veulent augmenter la taxe sur le carbone, ils devraient en débattre dans un budget, comme ils le feraient pour toute autre augmentation de taxe, comme la TPS ou l'impôt sur le revenu. Serait‑ce une position raisonnable pour la FCEI?
    Assurément. Chaque fois qu'une taxe est proposée, elle doit faire l'objet d'un débat, d'une discussion et d'une réflexion en ce qui concerne son résultat stratégique et les répercussions qu'elle aura sur les personnes touchées.
    Je crois, madame Pohlmann, que vous avez également parlé de la nécessité de réduire les frais de carte de crédit pour les petites entreprises.
    Que recommanderiez-vous au gouvernement fédéral de faire pour stimuler la concurrence en ce qui concerne les cartes de crédit pour les petites entreprises?
    C'est une question difficile.
    Il y a une dizaine d'années, nous avons pu adopter au Canada un code de conduite de l'industrie des cartes de crédit et de débit, parce que les commerçants ont toujours considéré qu'ils étaient des preneurs de prix. Ils ont dû accepter ce que les sociétés émettrices de cartes de crédit voulaient imposer aux commerçants sur le plan des coûts.
    Lorsque le code de conduite a été créé, il a certainement contribué à uniformiser les règles du jeu. Il a établi un ensemble de règles que les sociétés émettrices de cartes de crédit devaient respecter, et il a permis aux commerçants de mieux comprendre ces règles et ce à quoi ils devaient s'attendre. Ce n'est pas parfait. Il reste encore beaucoup à faire. En fait, le gouvernement procède actuellement à un examen de ce code de conduite afin de le mettre à jour et de le moderniser, car l'industrie des paiements numériques subit de nombreux changements.
    Nous devons veiller à ce que le code de conduite soit mis à jour en fonction de ces changements, et à ce qu'il tienne compte d'un grand nombre de ces entreprises qui, pour la plupart, ne sont pas canadiennes. Il s'agit souvent d'entreprises internationales, et nous voulons nous assurer qu'elles sont incluses afin que les commerçants canadiens puissent comprendre ce qu'ils paient et comment ils le paient, et qu'ils puissent lire les relevés qu'on leur donne afin de pouvoir comparer les différents émetteurs. À l'heure actuelle, cela peut être très difficile.
    Merci.

[Français]

     Madame Lapointe, vous avez la parole pour cinq minutes.

[Traduction]

     Merci beaucoup.

[Français]

    Merci, monsieur le président.

[Traduction]

    Mes questions s'adressent à Robin Shaban.
    Dans votre déclaration préliminaire, vous avez dit que la politique de la concurrence est inspirée avant tout par des considérations d'ordre politique. Pouvez-vous développer votre pensée?
    Oui. De fait, chez les diverses parties prenantes visées par la politique de la concurrence, les besoins varient. Bien souvent, leurs besoins et leurs intérêts sont en conflit. Telle est la réalité de la situation dans laquelle nous nous mettons avec l'examen de la loi.
    Si je soulève la question, c'est que les milieux de la politique de la concurrence, de même que les experts, souhaitent, ou croient que nous pouvons, assainir la politique de la concurrence et la soustraire aux considérations d'ordre politique. Comme je l'ai expliqué dans mon exposé, ce n'est pas vraiment le cas, car si notre examen ne s'arrête pas aux intérêts conflictuels en jeu, nous ne faisons que reporter le problème. Nous le transférons à d'autres secteurs stratégiques. Je pense que cette façon de renvoyer la balle peut coûter plus cher au gouvernement et, au bout du compte, aux contribuables.
    Dans l'exemple que j'ai donné, combien en coûterait‑il de plus à ISDE pour accorder plus de subventions ou offrir plus de programmes de soutien aux petites et moyennes entreprises? Cette aide pourrait-elle être en partie remplacée par une meilleure loi sur la concurrence et une meilleure application de cette loi?
    La loi sur la concurrence a ceci de merveilleux qu'elle est à bien des égards assez peu coûteuse. Il suffit — ma foi, ce n'est pas si simple — de produire un texte et de créer un organisme d'application de la loi. Une bonne part du mécanisme n'est autre chose que la menace de l'application de la loi. Il y a un effet de dissuasion. La dissuasion est relativement peu coûteuse pour ce qui est des interventions stratégiques. Elle coûte beaucoup moins cher que la distribution d'argent aux petites entreprises ou aux consommateurs sous forme de baisses d'impôt et de transferts.
    C'est ce que je veux dire. Nous devrons reconnaître que les intérêts des parties prenantes à la table se recouperont, car cela aura des incidences sur la façon dont la loi sur la concurrence rejoindra d'autres interventions stratégiques aux niveaux fédéral et, dirais‑je, provincial.
(1700)
     Si vous aviez un conseil à donner au gouvernement sur la façon de moderniser et de réformer la Loi sur la concurrence, quelles seraient, selon vous, les deux premières choses à faire par le gouvernement?
    J'ai parlé de l'énoncé de l'objet de la Loi sur la concurrence, car c'est en fait l'un des aspects critiques. Je pense qu'il est moins critique dans cette perspective juridique. L'importance juridique de l'énoncé de l'objet n'est pas si cruciale. L'essentiel, c'est d'établir un énoncé d'objet qui oriente le dialogue de façon productive et qui rassemble toutes les parties prenantes. Cela comprend la grande entreprise, la petite entreprise et toutes les autres parties prenantes que j'ai mentionnées.
    La deuxième des choses les plus importantes, j'en ai déjà parlé ici également. Il s'agit de repenser notre façon d'évaluer et de cerner les comportements anticoncurrentiels, car, je le répète, notre économie évolue et, contrairement au passé, nous avons plus de mal à prévoir ce que donneront les comportements d'aujourd'hui et leurs conséquences pour demain. Il y a des limites à cela. Peut-être que l'adoption d'une approche davantage axée sur les règles, même si ce peut être un instrument plus grossier, pourrait en réalité nous aider à prévenir certains de ces problèmes anticoncurrentiels avant qu'ils nous échappent.
    Si l'objectif est le commerce équitable, à quoi cela ressemble‑t‑il pour les petites et moyennes entreprises?
    C'est une bonne question.
    À la fin, la réponse à cette question appartient aux PME, mais à mon avis c'est sur des marchés dynamiques qu'il est réaliste que les PME puissent prendre pied et atteindre une certaine échelle de grandeur afin d'être des concurrents efficaces.
    Les marchés d'aujourd'hui — et surtout les marchés où il y a de grandes quantités de données et des effets réseau — ont ceci de tout à fait particulier qu'il est très difficile d'y entrer et de prendre de l'expansion. Cela tient en partie au modèle d'affaires et en partie aux avantages commerciaux légitimes dont jouissent les entreprises déjà là, mais aussi pour une bonne part à la nature des données et au rôle que les données peuvent jouer dans l'avantage concurrentiel. Selon moi, il faut nous demander si nous voulons que les grandes entreprises disposent de vastes quantités de données qu'elles pourront ensuite utiliser pour essentiellement se détacher de leurs concurrents ou se protéger contre d'éventuels nouveaux venus qui menaceraient leur position dominante.
    Je pense qu'il peut y avoir des interventions stratégiques, tant par le biais de la législation sur la concurrence que peut-être aussi par le biais d'autres outils stratégiques comme les fiducies de données, qui permettent aux petites et moyennes entreprises d'accéder à ces données et de livrer une concurrence efficace sur le marché.
    Encore une fois, cela rejoint certains des thèmes dont mes collègues et moi avons discuté dans le contexte de ce rapport d'ISDE.
    Merci beaucoup.

[Français]

     Monsieur Deltell, vous avez maintenant la parole pour cinq minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Mesdames et messieurs, c'est bien agréable de vous voir aujourd'hui. Je suis toujours impressionné par la qualité des témoins que nous recevons et des rapports qui sont déposés.

[Traduction]

    Merci beaucoup pour ce que vous faites pour notre comité, et surtout pour le pays.

[Français]

    Mes questions s'adressent à M. Blackburn, du Conseil du patronat du Québec.
    Monsieur Blackburn, je vous présente mes hommages.
     Pour mettre tout le monde au parfum, je précise que M. Blackburn a servi comme député à l'Assemblée nationale. Il connaît donc un peu la question à laquelle nous sommes confrontés aujourd'hui.
    Je tiens aussi à saluer M. Hamel, du Conseil du patronat du Québec.
    Monsieur Blackburn, je vous remercie de votre contribution. Vous avez donné un chiffre qui m'a surpris.
    Vous avez bien dit qu'il y avait actuellement plus de chômeurs que d'emplois de disponibles. Est-ce bien cela?
    C'est exact.
    Comment expliquez-vous cela?
(1705)
    Le taux de chômage se situe présentement autour de 4,5 %. Étant donné que le taux de chômage est aussi bas, mais que le taux d'activité est élevé — je dirais même qu'il est historiquement élevé —, nous assistons à une « tempête parfaite ». Tout à l'heure, quelqu'un a utilisé cette expression, et c'est une image extrêmement appropriée. Nous sommes actuellement en situation de plein emploi.
    Malheureusement, si on n'arrive pas à élargir le bassin de travailleurs, on ne pourra pas faire face à la situation actuelle. En effet, les prestataires de l'assurance-emploi et les jeunes qui sont ni en emploi, ni aux études, ni en formation, ce que l'on appelle les personnes NEEF, ne nous permettront pas d'y faire face. On doit donc être en mesure d'élargir le bassin de travailleurs. Dans ce contexte, les travailleurs expérimentés et d'autres personnes font partie de la solution.
    Ce ne sera pas possible de faire travailler tous les prestataires de l'assurance-chômage. Cependant, le régime d'assurance-emploi doit se doter de ce programme de formation continue. Ainsi, les membres de notre société seront davantage formés. Une société plus formée et plus compétente est une société plus riche sur les plans collectif et individuel.
     Comment entrevoyez-vous le programme de formation continue, le programme que vous proposez?
    Si le taux de chômage se situe à 4,5 %, cela veut dire que, en théorie, les jeunes peuvent se trouver un emploi en une semaine. Ai-je raison?
    C'est effectivement le cas.
    Dans le contexte actuel, comment expliquer que nous assistions à la plus grave pénurie de la main-d'œuvre de notre récente histoire collective alors que le taux de chômage se situe à 4,5 %?
    C'est important de rappeler que la pandémie n'est pas la cause de la pénurie de la main-d'œuvre. La pandémie a accéléré la pénurie de la main-d'œuvre dans certains secteurs. Je pense, entre autres, aux secteurs du tourisme, de l'aéronautique, du commerce de détail et de l'hébergement. Or, dans d'autres secteurs, la croissance est vraiment exponentielle. Le déplacement d'un certain nombre de travailleurs fait que c'est important de donner de la formation, de hausser les compétences. La formation est un outil qui nous permettra de faire face à la situation.
    Tantôt, j'ai écouté l'allocution de la représentante de la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante. L'une des choses qu'elle n'a pas mentionnées, mais qui nous apparaît importante, c'est de prolonger jusqu'à la fin de l'année les programmes mis en place pour soutenir les entreprises canadiennes durant la pandémie. Il faut le faire pour certains secteurs. Je pense aux secteurs de l'hébergement, de la restauration, du tourisme et de l'aérospatiale.
    Pourquoi doit-on faire cela? C'est pour permettre à ces secteurs de faire un autre cycle économique, ce qui leur permettra d'avoir la capacité de renforcer leurs opérations. Malgré les circonstances, si le contexte actuel n'est pas maintenu plus longtemps pour ces secteurs névralgiques, mais plus fragilisés, les conséquences risquent d'être catastrophiques pour plusieurs d'entre eux.
    Récemment, la France a fait quelque chose d'un peu spécial. Comme vous le savez, au Canada, l'inflation est très élevée; elle est de près de 7 %. En France, le taux d'inflation est bien moindre. Il se situe à 4,1 %. L'une des mesures mises en place par le gouvernement français consiste à geler les tarifs pendant une période indéterminée, afin de faire face à l'inflation actuelle. Comme on le sait, l'inflation a un impact direct sur les entrepreneurs.
     Pensez-vous que le gouvernement pourrait s'inspirer de ce qui a été fait en France et geler les augmentations de taxes et de tarifs, afin de donner un répit aux travailleurs, aux citoyens et, bien entendu, aux entreprises?
    À mon avis, cela ne peut certainement pas nuire à la situation. D'une certaine façon, cela pourrait permettre de minimiser la pression actuelle, qui engendre la spirale inflationniste. Je rappelle que la spirale inflationniste est engendrée par une pression importante sur les marchés, qui n'arrivent pas à répondre aux besoins. C'est principalement dû aux chaînes d'approvisionnement qui ont été durement touchées par la pandémie. La réouverture des marchés fait que les chaînes d'approvisionnement subissent malheureusement une pression importante.
    L'actuelle pénurie de la main-d'œuvre contribue également à engendrer cette spirale inflationniste. On voit bien qu'il y a une augmentation importante des salaires. À titre d'exemple, je parlerai du forum que nous tenons chaque année, à l'automne, sur les prévisions salariales pour l'année à venir.
    Les estimations de tous les experts qui ont présenté les perspectives d'augmentations salariales pour l'année 2022 prévoyaient des augmentations situées entre 2,9 et 3,1 %. On est bien au-delà de cela. Pour certains secteurs durement touchés par la pénurie de la main-d'œuvre, l'augmentation se situe entre 25 et 30 %.
    Une série d'événements, conjoncturels pour la plupart, font que cette pression est extrêmement importante. Nous sommes dans une spirale inflationniste.
    Par l'intermédiaire de la Banque centrale, le gouvernement a un rôle à jouer pour réduire la pression inflationniste. Or, ultimement, tout le monde va payer, parce qu'il y a une hausse des taux d'intérêt. Un jour ou l'autre, il pourrait y avoir une récession, ce qui entraînerait d'importantes répercussions sur le plan économique. Trouver l'équilibre n'est pas simple. Ce qui va permettre de freiner la spirale inflationniste actuelle, ce n'est pas une simple mesure, mais bien l'accumulation de plusieurs mesures.
    Le Canada peut s'inspirer de ce qui se fait ailleurs.
(1710)
    Merci, messieurs Deltell et Blackburn.
    Je donne maintenant la parole à M. Dong pour cinq minutes.

[Traduction]

     Merci beaucoup, monsieur le président.
    Merci à tous les témoins d'être là aujourd'hui.
    En écoutant votre témoignage, je suis revenu à la motion. Il y a vraiment une distinction à faire entre la concurrence sur le marché intérieur et la concurrence sur le marché international, car le gouvernement aura un rôle très différent à jouer. Dans le cas de la concurrence internationale, nous nous pencherions sur l'image de marque, la valeur du dollar, notre avantage sur le plan du coût de la main-d'œuvre, les accords commerciaux et ainsi de suite. Je pense qu'aujourd'hui, particulièrement selon la conversation que nous avons ici, nous nous attachons avant tout à la concurrence sur le marché intérieur.
    S'agissant du marché intérieur, nous devons nous intéresser au rôle du gouvernement. Nous avons parlé des coûts de la main-d'œuvre. Nous avons parlé des frais d'administration, des coûts logistiques pour les entreprises, des changements de comportement des consommateurs pendant la pandémie, et ainsi de suite. Chose plus importante encore, je pense, nous devons nous arrêter à l'économie intérieure.
    Je vais vous laisser répondre. Seriez-vous d'accord pour dire que depuis deux ou trois ans le Canada, comparativement au reste du monde, sur le plan de la reprise économique et de la vigueur de son économie, a permis aux petites et moyennes entreprises de prendre de l'expansion et de se viabiliser, avec toute l'aide du gouvernement et l'uniformisation des règles du jeu?
    Je vais commencer par Mme Pohlmann.
    Le Canada a eu la chance de connaître une bonne croissance de ses petites entreprises au fil des ans. Nous avons toujours créé plus de petites entreprises que nous n'en avons perdu. Nous avons toujours connu une croissance nette.
    Par contre, juste avant et pendant la pandémie, la croissance s'est essoufflée. La progression s'est arrêtée, et nous avons même connu plus de fermetures que de croissance. Cela a de quoi nous inquiéter. Est‑ce une réaction à la pandémie ou quelque chose de plus profond? C'est ce que nous verrons plus tard, je pense, parce que...
    Je suis désolé. Mon temps est limité.
    Je comprends cela, mais diriez-vous que, comparativement au reste du monde et aux autres gouvernements du monde, le gouvernement canadien a été là pour limiter la perte de nos petites entreprises?
    Pendant la pandémie, certainement, il a su mettre en place de bonnes mesures d'aide qui ont été très utiles et qui, faut‑il l'espérer, continueront de porter fruit pendant la reprise, mais nous allons devoir attendre les résultats, parce que nous en sommes aujourd'hui à ce point tournant, n'est‑ce pas?
    Vous avez aussi observé, dites-vous, un changement du comportement des consommateurs pendant la pandémie. Il y a une nouvelle tendance aux achats en ligne, et ainsi de suite. Connaissez-vous le programme d'adoption du numérique de 4 milliards de dollars? Pouvez-vous me dire ce que vos membres en pensent? Est‑il largement utilisé? Est‑il utile, ou...?
    En ce qui concerne le programme d'adoption du numérique, je ne suis pas certaine. Telle est ma réponse pour l'instant.
    En tout cas, nous essayons d'en faire la promotion et de le faire connaître à nos membres. Je pense qu'il est arrivé sur le tard. Un grand nombre de nos membres ont adopté des systèmes numériques au début de la pandémie. C'est peut-être à ce moment‑là qu'il aurait été plus nécessaire. Je sais qu'il était basé sur le programme ontarien appelé « Digital Main Street », qui a été fort apprécié et bien utilisé.
     Je pense que l'idée qui l'a inspiré est bonne. Ma crainte, c'est qu'il est difficile d'accès. Il y a de nombreux intervenants en cause. Selon l'endroit où l'on se trouve, il faut présenter une demande par l'entremise d'un groupe différent. C'est ce qui m'inquiète. Il pourrait être un peu trop complexe pour que de nombreuses petites entreprises puissent en profiter, et il est peut-être un peu tard.
    En tout cas, nous allons faire ce que nous pouvons pour encourager les entreprises qui s'intéressent à ce type de croissance.
    Le gouvernement fédéral a‑t‑il joué un rôle dans le programme Digital Main Street?
     Le programme Digital Main Street était une initiative du secteur privé. Sauf erreur, il avait l'appui du gouvernement de l'Ontario, au départ, mais il a pris de l'expansion depuis.
(1715)
    N'a‑t‑il pas eu l'appui de la municipalité également?
    C'était la municipalité également, oui — Toronto.
    D'accord. C'est bien. J'aimerais bien le savoir, parce que 4 milliards de dollars, ce n'est pas rien. Je veux savoir s'il est efficace ou pas.
    En second lieu, je constate que le budget prévoit d'importantes ressources spécialisées qui permettront à la petite entreprise de prendre de l'expansion tout en continuant de payer moins d'impôt dans la catégorie des petites entreprises. Pensez-vous que c'est utile et que c'est aller dans la bonne direction?
    Je pense que vous parlez de l'augmentation des limites du capital imposable pour le taux d'imposition applicable aux petites entreprises.
    C'est bien cela.
    Oui. Il y a des années que nous la réclamons. La limite est restée à 15 millions de dollars pour 20 ou 25 ans probablement. Elle devait être relevée, si bien que la porter de 15 à 50 millions de dollars a été une mesure très positive.
    Certaines entreprises avaient beaucoup de capital imposable, mais un chiffre d'affaires toujours en deçà de 500 000 $. Elles avaient tout ce capital dans leur propriété, comme dans le cas d'un marchand ou d'un concessionnaire d'équipements agricoles, mais un chiffre d'affaires toujours en deçà de 500 000 $, et elles n'avaient pas accès au taux d'imposition applicable aux petites entreprises. Je pense donc que cela aidera les entreprises à prendre éventuellement de l'expansion. Oui, nous estimons que cela était une des bonnes mesures dans le budget.
     C'est très bien.
    Monsieur Dong, je suis désolé. Nous n'avons plus de temps.
    J'ai une question à poser sur la bière.
     J'ai été très généreux avec les conservateurs et avec M. Généreux, alors allez‑y, monsieur Dong. Je vais essayer d'être juste.
    Je serai très bref.
    Si je veux poser cette question, c'est que mon partenaire de pêche est un maître brasseur qui, au fil des ans, m'a parlé de la nature de son entreprise.
    Depuis deux ou trois ans, le nombre de brasseurs artisanaux et de microbrasseurs a‑t‑il augmenté? Y a‑t‑il une sorte de concurrence interne entre les microbrasseurs et les brasseurs artisanaux?
    Avant la pandémie, la catégorie des petites et moyennes brasseries était en croissance. Ce segment du marché a ceci de particulier que ces entreprises comptent beaucoup plus sur les ventes qu'elles font dans leurs bars et leurs buvettes. De toute évidence, lorsque la COVID‑19 a frappé, les consommateurs ne pouvaient plus aller prendre leur bière pression. Je dirais qu'ils ont été plus durement touchés par la pandémie de COVID‑19.
    Dans l'industrie de la bière, nous disons qu'il y a une bière pour chaque occasion. En été, on aime une lager légère et, en hiver, peut-être une stout brune. Je pense que la concurrence dans la catégorie est saine, mais il y a certainement des défis à relever là aussi.
    Merci beaucoup.

[Français]

     Monsieur Lemire, vous avez la parole pour deux minutes et demie.
    Merci, monsieur le président.
    Ma question s'adresse à M. Blackburn ou à M. Hamel.
    Je comprends que vous ne vouliez pas faire de déclaration-choc envers le gouvernement fédéral, mais j'aimerais quand même vous entendre davantage.
    L'Association québécoise des avocats et avocates en droit de l'immigration a réussi à obtenir un aveu du gouvernement fédéral selon lequel on a mis de côté des dossiers de travailleurs qualifiés et on a causé volontairement des retards dans le traitement des dossiers du Québec. C'est un aveu que nous avons entendu aussi de la bouche du ministre Mendicino l'an dernier.
    À cause du fédéral, à l'heure actuelle, plus de 51 000 travailleurs qualifiés attendent d'être admis au Québec. Jamais autant d'immigrants n'ont attendu d'être admis au Québec et il est extrêmement difficile de savoir où leur demande est rendue.
    Seriez-vous d'accord pour qu'on demande au fédéral d'admettre immédiatement ces 51 000 personnes? Ensuite, on pourrait reprendre le fil des choses. Évidemment, cela permettrait à tous les programmes de fonctionner à nouveau et à tous les gens de sortir d'une situation précaire, notamment nos entreprises qui ont investi dans le système et qui ont besoin de candidats qualifiés issus de l'immigration.
    Qu'en pensez-vous?
    D'abord, j'aimerais faire une petite parenthèse. À cette heure tardive, et à force de parler de bière, j'ai vraiment envie de prendre une bière. Je ne sais pas pourquoi.
    Cela étant dit, effectivement, on pourrait régler les dossiers qui sont en attente et recommencer le calcul à partir de zéro. Cependant, je demanderais à M. Hamel de vous donner des exemples plus concrets.
    Monsieur Lemire, nous avons bien entendu la déclaration des ministres fédéraux. À l'époque, le ministre du Québec, M. Jolin‑Barrette, avait aussi fait amende honorable, car il avait mis de côté des dossiers d'immigration. Il y a une espèce de compétition entre les deux gouvernements afin de savoir qui va faire bonne figure, mais on se retrouve avec le résultat contraire.
    Lorsque cette information relative aux 51 000 dossiers est sortie, on a demandé aux deux gouvernements de s'entendre et de régulariser la situation. Il y a des dossiers qui datent de 10 ans là-dedans. On a donc demandé que ces dossiers soient régularisés et qu'on permette à ces gens de rester ici comme résidents permanents et d'occuper les nombreux postes vacants. Il serait essentiel qu'on fasse une espèce de nettoyage et qu'on reparte à zéro avec les nouveaux dossiers qui arrivent et qui vont probablement répondre davantage aux besoins du marché du travail que les vieux dossiers qui traînent.
    Cette demande avait déjà été faite, mais force est de constater qu'il y a encore une chicane entre Ottawa et Québec, au sujet de qui retarde les dossiers et qui les fait avancer.
(1720)
    J'ajouterais également que ce sont des vies humaines et qu'il y a aussi une question de dignité là-dedans. Ce n'est pas seulement une question de travailleurs, ce sont des gens qui ont le goût de s'intégrer à notre société.
    Merci beaucoup de votre présence.
    Nous pourrions régler cela autour d'une bonne bière.
    Oui. Merci beaucoup, messieurs Lemire et Blackburn.
    M. Masse a maintenant la parole pour deux minutes et demie.

[Traduction]

    Merci, monsieur le président.
    Madame Shaban, avez-vous une opinion au sujet du Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes. Selon moi, les directives qu'il reçoit du ministre pourraient être plus fermes dans le cas des décisions fondées sur la concurrence. Avez-vous une opinion à ce sujet? Faut‑il réformer le CRTC? Vous n'avez pas à me répondre si vous n'avez pas d'opinion ou si cela vous embête. Je suis curieux de savoir si vous avez une opinion là‑dessus.
    J'ai des réserves, bien sûr, au sujet de la directive du CRTC. Certaines de ses décisions ne me semblent pas compatibles avec la concurrence des entreprises de télécommunications, par exemple.
     Malheureusement, je n'ai rien à dire à ce sujet, en partie parce que je n'ai pas une connaissance poussée du processus du CRTC. Ce n'est pas mon domaine; je n'y connais rien.
    D'accord.
    Je n'ai pas d'autres questions, monsieur le président.
    Merci aux témoins. Ils ont été excellents aujourd'hui.

[Français]

     Merci beaucoup, monsieur Masse.
    Mme Gray a maintenant la parole pour cinq minutes.

[Traduction]

    Merci, monsieur le président.
    J'ai quelques questions pour M. Agnew.
    En prenant connaissance du budget de 2022, avez-vous relevé des activités ou des politiques destinées à aider les petites entreprises à composer avec l'inflation? On nous dit que l'inflation est l'une des principales préoccupations des petites entreprises. Êtes-vous alors satisfait de ce que vous avez vu concernant l'inflation? Pourriez-vous nous en parler?
    Nous pensons que deux ou trois facteurs sont à l'origine des pressions inflationnistes que nous connaissons, et les perturbations de la chaîne d'approvisionnement se retrouvent certainement en haut de la fourchette, avec les pénuries de main-d'œuvre. Le budget n'annonçait pas une avalanche de mesures susceptibles, à notre avis, de réprimer les pressions inflationnistes liées à ces deux enjeux. Certaines de ces choses‑là sont imputables aux forces du marché, mais nous aurions aimé voir un peu plus de financement des infrastructures pour des choses comme le Fonds national des corridors commerciaux, par exemple.
    Merci.
    Je note que votre chambre de commerce a déjà dit que les PME sont encore aux prises avec un service de la dette à court terme qui ralentira leur croissance.
    Pourriez-vous peut-être nous expliquer comment l'inflation rend plus difficile le remboursement de la dette des petites entreprises, surtout en ce moment où, dans le cadre de notre étude, nous nous penchons également sur la compétitivité.
    Sans vouloir être trop désinvolte, je dirai qu'il est certain que l'argent est roi et que les entreprises ont besoin de liquidités pour payer leur personnel, leurs fournisseurs, le fisc et leur loyer, de sorte que plus il y a de pressions inflationnistes, plus les coûts de ces intrants augmentent. Il y a donc moins d'argent pour payer ces dépenses.
    L'allégement du service de la dette dans les programmes de soutien liés à la COVID‑19 pourrait manifestement réduire les contraintes de liquidité des entreprises.
    Merci.
    Je vais vous poser une question semblable à celle que j'ai posée à un autre témoin au sujet du commerce interprovincial, et plus précisément de la réduction de la paperasse. Je me demande si vous pourriez nous dire ce que vous entendez au sujet des occasions perdues dans le commerce interprovincial et de la façon dont cela doit devenir une priorité.
    Encore une fois, sans vouloir être trop ironique, j'ai l'impression que nous sommes en train de perdre notre objectif de vue, disons‑le. Nous avons cet accord de libre-échange au Canada, qui ne semble aller nulle part bien vite. On y trouve une litanie d'exemptions.
    Je sais, madame Gray, que vous avez déjà contribué à la création d'un portefeuille. Donc, vous savez tout des exemptions commerciales, et il est désolant qu'il nous faille maintenir un espace commercial à l'interne pour que les marchandises, les produits et les personnes puissent franchir la frontière. Il n'y a presque pas eu de progrès. J'admets que la pandémie nous a peut-être aidés, mais le problème date de bien avant la pandémie, qui n'a malheureusement pas l'air de vouloir ralentir avant longtemps.
     Merci.
    J'aurais une question à vous poser au sujet de la règle du un pour un, qui semblait avoir été appliquée par le passé. Qu'en pensez-vous? Constatez-vous beaucoup d'activité de la part de vos membres à ce sujet? Faites-vous des suggestions ou recevez-vous des commentaires indiquant que cela fonctionne? Avez-vous des suggestions qu'il pourrait être utile de faire sur le retrait de certains autres règlements?
(1725)
    Nous n'avons pas beaucoup entendu parler de la règle du un pour un ces derniers temps. En tout cas, aucune entreprise ne va déplorer l'allégement du fardeau administratif.
    La seule chose que nous pouvons défendre, selon ce qu'on nous dit souvent, c'est que les organismes de réglementation fédéraux doivent avoir un mandat de compétitivité économique. Pour revenir à ce que Mme Pohlmann disait tantôt, il ne s'agit pas d'exclure les préoccupations d'ordre environnemental ou social ou de sécurité publique, mais plutôt de bien tenir compte de la compétitivité économique.
    Lors d'une conversation que j'ai eue avec quelqu'un qui travaille dans un organisme de réglementation, j'ai fait valoir la nécessité de songer aux retombées sur les entreprises. Il m'a répondu que cela ne faisait pas partie de son mandat.
    Nous devons dire aux organismes de réglementation qu'ils doivent le faire. Bien sûr, ils suivent les règles établies par leurs maîtres politiques, de sorte qu'il est très important pour le processus de réglementation au Canada de tenir compte de la compétitivité économique.
    C'est à peu près tout, madame Gray.
    Merci, monsieur le président.
     Merci.
    Nous allons passer à M. Fillmore pour notre dernier tour de questions.
    Merci, monsieur le président; et merci aux témoins qui sont là en personne ou en ligne.
    Je vais commencer par un bref commentaire entre parenthèses sur l'énergie, avant d'aborder un autre sujet.
    Je suis d'accord avec Nathaniel Erskine-Smith. La tarification du carbone est là pour rester. Elle est le signal d'un changement de comportement. Les personnes, les organisations et les entreprises qui polluent par le carbone doivent payer. Ils ne veulent pas payer, et ils finissent par changer de comportement. Donc, si nous leur remboursons tout ce qu'ils ont payé pour polluer, nous allons à l'encontre de notre objectif. Il faut que cela fasse un peu mal. C'est l'essentiel.
     Ce sont les familles et les personnes qui touchent le remboursement, et cela améliore la situation au foyer. J'ajouterais que l'Institut climatique du Canada a dit, lors de la publication de notre plan de réduction des émissions pour 2030, que dans tous ses scénarios pour après 2030, le prix de l'énergie était moins qu'aujourd'hui. Par conséquent, je veux séparer l'énergie des autres difficultés auxquelles les entreprises sont confrontées, séparer la tarification de l'énergie et du carbone, parce que je pense que les deux sont très différents.
    Je passe maintenant à mon argument, à savoir que le monde a changé. La Fédération canadienne de l'entreprise indépendante nous a dit que 90 % de ses membres constatent une augmentation de leurs coûts, et que 75 % pensent que cette augmentation est là pour rester. Il y a l'inflation salariale, qui pourrait être présentée comme une bonne chose. Il y a le coût du commerce interprovincial lorsqu'on traite avec des gouvernements infranationaux très puissants.
    Il y a certains éléments pour lesquels le gouvernement fédéral pourrait être utile, comme les frais bancaires et les frais d'assurance. Mais les éléments fondamentaux de l'argumentaire ont changé pour les PME au Canada depuis que nous vivons dans un monde différent, et il y a une cohorte aujourd'hui qui est coincée par cette inflexion.
     J'invite la chambre de commerce à intervenir et à se faire entendre, car nous ne vous avons pas entendu parler, pas plus que les autres témoins. Y a‑t‑il quelque chose dans la nature du capitalisme qui vous oblige à vous adapter aux conditions qui s'offrent à vous? Par exemple, madame Shaban, vous avez dit que le Canada n'est pas comme les autres pays en matière de concurrence. Nous sommes aussi un peu différents lorsqu'il s'agit de ce qu'on appelle parfois les « entreprises zombies ». Nous maintenons en vie des entreprises dont les éléments de l'argumentaire ont considérablement changé, et qui ont peut-être perdu leur raison d'être. Vous comprenez ce que je veux dire? Échouer rapidement, échouer à bon prix, passer à autre chose et survivre.
    Je veux simplement inviter les gens à entreprendre un voyage de l'imagination sur le monde dans lequel nous vivons et sur la façon dont le gouvernement pourrait aider les entreprises à s'y adapter. C'est une grande question, et c'est maintenant que je la lance.
    Je vais commencer.
    C'est une grande question à bien des égards, une question très philosophique. La plupart des gens seraient d'accord pour dire que c'est le fait du roulement, n'est‑ce pas? On voit naître et disparaître des petites entreprises tous les jours. Et c'est la même chose pour les grandes entreprises chaque année.
    Aujourd'hui, la différence que nous devons reconnaître, c'est qu'une foule d'entreprises sont peut-être en difficulté et en fin de vie, mais ce n'est pas à cause de quelque chose qu'elles ont fait en tant qu'entreprise. Elles ont tout fait correctement, mais elles ont quand même dû fermer leurs portes. Elles ont dû faire des choses pour aider la société en général et, ce faisant, elles se sont lourdement endettées. Elles ont vécu beaucoup de stress. Elles ont perdu leurs employés et doivent trouver moyen de reconstruire. Telle est la différence, selon moi.
    Je suis tout à fait d'accord avec vous pour dire qu'il faut s'adapter, parce que la société a changé et la concurrence aussi. C'est la nature même des choses, et les entreprises s'en accommodent. Cependant, dans une pandémie où les changements infligés ont fait naître des circonstances impossibles à contrôler, là je pense que c'est un peu différent, et que nous devons songer un peu plus aux moyens d'aider les entreprises qui pourraient encore être viables, pourraient encore avoir des chances dans l'avenir et sont disposées à changer. Des milliers d'entreprises l'ont fait. Un grand nombre se sont retournées et se sont adaptées et ont traversé la pandémie en travaillant autrement. Elles en sont aujourd'hui à un point de décision. Faut‑il revenir aux anciennes façons de faire, rester là où on en est ou prendre une autre direction?
    Beaucoup d'entreprises le font chaque jour. Nous avons la chance d'avoir des gens qui sont prêts à le faire, mais nous devons néanmoins reconnaître qu'il y a des entreprises qui sont accablées de dettes. Nous devons faire preuve d'empathie et réfléchir à la façon dont nous pouvons encore les aider à s'en sortir, jusqu'à un certain point. Je conviens que viendra le moment où il faudra dire: « C'est fini. »
(1730)
    Je suis d'accord avec vous.
    Je m'intéresse à l'autre partie: que faisons-nous autrement? Oui, nous avons aidé les gens de cette cohorte, mais quoi d'autre?
    Quelqu'un d'autre veut‑il plonger?
     J'aimerais beaucoup.
    Voici une autre petite publicité sur le travail que je fais. Vivic Research a travaillé avec Horizons de politiques, le groupe de réflexion prospectif du gouvernement fédéral qui étudie la façon dont les grands changements technologiques peuvent transformer le paysage de la concurrence.
    La question que vous soulevez rejoint notre réflexion préliminaire là‑dessus, car la montée de certaines technologies — en particulier, l'intelligence artificielle — entraînera inévitablement des déplacements. Une triste réalité est que la concurrence entraîne l'extinction de certaines entreprises. Ce roulement s'inscrit dans un environnement concurrentiel sain. Ce que nous devons surveiller — et c'est une chose qui revient constamment dans notre travail —, c'est que ces avancées technologiques ont tendance à afficher la même dynamique que les modèles d'affaires d'aujourd'hui, comme les plateformes de médias sociaux et la montée des mégadonnées, qui provoquent un effet boule de neige débouchant naturellement sur des entreprises dominantes.
    La grande question à laquelle les décideurs devront trouver réponse n'est pas seulement de savoir ce que nous allons faire des gens que la concurrence aura chassés du marché, mais comment nous allons gérer le déplacement de la valeur économique qui s'en est suivie. Cela vaut non seulement pour les petites et moyennes entreprises, mais aussi pour les travailleurs.
    C'est un peu plus facile à décortiquer avec les travailleurs. Si l'intelligence artificielle finit par remplacer mon emploi, où vais‑je aller? Comment vais‑je gagner ma vie si la valeur économique que je tirais de mon emploi est déjà saisie par le programme d'intelligence artificielle de Google?
    Il y a un changement de bénéficiaire de la valeur économique des différentes activités du marché. Il est bien réel que cette valeur économique continuera d'être fusionnée par les grands acteurs numériques dominants dans notre économie.
    Le roulement fait partie de l'histoire. J'estime que l'envers de la médaille de cette dynamique, c'est la valeur générée par l'entreprise. Où est allée cette valeur? Qui en profite, et comment veillons-nous à la partager au sein de l'économie pour répondre à tous nos besoins et participer à l'économie en toute autonomie?

[Français]

     Monsieur Fillmore, c'est tout le temps que vous aviez. Vous en avez même eu un peu plus.

[Traduction]

    S'il vous plaît, monsieur le président, donnez-moi encore 10 minutes.

[Français]

    Monsieur Agnew, je suis désolé, mais nous avons déjà dépassé le temps qui nous était imparti.
    Je veux remercier nos témoins de cette discussion extrêmement intéressante. Je pense que je parle au nom de tous les membres du Comité en disant cela.

[Traduction]

    Merci, chers collègues, de votre collaboration. Nous finissons plus ou moins à l'heure, ce qui est excellent ce soir, parce que M. Chapman nous a donné envie d'une bonne bière canadienne, y compris à M. Blackburn et à moi-même.
    Merci beaucoup. Passez une bonne soirée. Portez-vous bien, tout le monde.
    La séance est levée.
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