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La séance est ouverte. Bonjour à tous.
Bienvenue à la 20e réunion du Comité permanent de l'industrie et de la technologie de la Chambre des communes. Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement et à la motion adoptée par le Comité le vendredi 8 avril 2022, le Comité se réunit pour étudier la compétitivité des petites et moyennes entreprises.
La réunion d'aujourd'hui a lieu dans un format hybride, conformément à l'ordre de la Chambre du 25 novembre 2021. Les membres du Comité peuvent participer en personne dans la salle, ou à distance en utilisant l'application Zoom.
Ceux qui sont ici, à Ottawa, connaissent les règles sanitaires en vigueur; je m'attends donc à ce qu'ils se comportent en conséquence.
À ce propos, si je ne me trompe pas, c'est la première réunion de notre comité à laquelle des témoins sont présents avec nous, à Ottawa. Nous sommes donc très heureux de vous accueillir. Merci beaucoup. C'est vraiment formidable, et c'est un grand plaisir pour nous.
Nous remercions également nos témoins qui sont avec nous aujourd'hui par l'entremise de Zoom.
Sans plus tarder, nous accueillons Luke Chapman, vice-président des affaires fédérales de Bière Canada.
La Chambre de commerce du Canada sera représentée par Mark Agnew, premier vice-président, Politiques et relations gouvernementales, et Alla Drigola Birk, directrice principale, Affaires parlementaires et politique des petites et moyennes entreprises.
Nous entendrons Corinne Pohlmann, de la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante, dont elle est la vice-présidente principale, Affaires nationales et partenariats.
Les représentants du Conseil du patronat du Québec seront Karl Blackburn, président et chef de la direction, et Denis Hamel, vice-président, Politiques de développement de la main-d’œuvre.
Enfin, nous entendrons Robin Shaban, économiste principale à Vivic Research, qui pourra probablement se joindre à nous un peu plus tard.
[Français]
Je remercie tous les témoins d'être parmi nous.
Nous commençons sans plus tarder par M. Chapman, qui est ici avec nous, à Ottawa.
Monsieur Chapman, vous disposez de cinq minutes.
Monsieur le président, honorables députés, je vous remercie de m'avoir invité à comparaître cet après-midi dans le cadre de l'étude du Comité sur la pénurie de main-d’œuvre et la productivité des petites et moyennes entreprises canadiennes.
Je m'appelle Luke Chapman, et je suis le vice-président des affaires fédérales de Bière Canada, une association commerciale nationale qui regroupe 48 brasseries membres représentant 90 % de la bière produite au pays. Nous sommes la seule association nationale inclusive qui représente les brasseurs canadiens de toutes les tailles et de toutes les régions. Nos membres investissent beaucoup au Canada. Plus de 85 % de la bière vendue dans notre pays est fabriquée ici par des travailleurs canadiens à partir d'ingrédients agricoles cultivés au Canada.
Avant la pandémie, les brasseurs employaient directement près de 19 000 Canadiens, et la production et la vente de bière soutenaient 149 000 emplois au Canada, de l'agriculteur de l'Ouest canadien qui produisait l'orge de brasserie de haute qualité nécessaire pour produire de la bière aux nombreuses entreprises de la chaîne d'approvisionnement, y compris les fabricants d'emballages et d'étiquettes et le personnel des restaurants qui sert nos bières à des millions de buveurs adultes partout au Canada.
La plupart des plus de 1 200 brasseries exploitées au Canada sont de petites entreprises familiales et entrepreneuriales locales. Pour bon nombre de ces petits producteurs qui dépendent des salles de consommation sur place pour leurs ventes, l'impact de la pandémie de COVID‑19 a été particulièrement difficile.
Depuis le début de 2020, les brasseurs de toutes tailles partout au Canada sont sur des montagnes russes. Au cours d'une année typique, plus de 20 % de toute la bière au Canada est vendue et consommée dans des restaurants, des bars, des festivals, des concerts et d'autres événements sociaux. En raison des restrictions liées à la COVID‑19 imposées à ces occasions, les brasseurs ont dû adapter leur modèle d'affaires en fonction d'une nouvelle réalité, d'abord en produisant des désinfectants pour les mains, puis en passant à la production de bière en canettes pour la consommation à domicile.
Malheureusement, une hausse temporaire des ventes de bière emballée pour la consommation à domicile n'a pas suffi à compenser une réduction brutale des ventes de bière pression habituellement consommée dans les restaurants, les bars et d'autres lieux. Par conséquent, au cours des deux dernières années, les ventes totales de bière au Canada ont diminué de près de 4 %, soit l'équivalent de près de 460 millions de canettes de bière vendues en seulement deux ans.
Alors que les brasseurs et nos partenaires du secteur de l'hôtellerie cherchent à émerger et à se remettre des répercussions de la pandémie, les perturbations et les retards de la chaîne d'approvisionnement contribuent à l'augmentation des coûts de production, notamment en raison des prix historiquement élevés des ingrédients clés comme l'orge et d'autres céréales, ainsi que des matériaux d'emballage comme les canettes et les bouteilles. Les prix déjà élevés de l'orge brassicole ont grimpé de 40 $ à 45 $ la tonne. Les prix des canettes d'aluminium ont également augmenté de 25 % à 30 % depuis le début de l'année, les fournisseurs exigent des quantités minimales de commandes et les délais de livraison sont beaucoup plus importants.
Malgré les efforts d'atténuation déployés par les brasseurs, les consommateurs canadiens et les entreprises qui dépendent des ventes de bière pour leurs revenus, comme les restaurants et les bars, subissent déjà les effets de la hausse des coûts de production de la bière, puisque les prix de détail de la bière ont augmenté de 5 % jusqu'à présent en 2022 parallèlement à la hausse des coûts du carburant et de la main-d'œuvre. De nouveaux coûts sont à prévoir, dont environ 75 millions de dollars en investissements de capitaux à l'échelle de l'industrie nécessaires pour répondre à l'interdiction du gouvernement visant certains plastiques à usage unique — dans notre cas, il s'agit de remplacer les anneaux de plastique porte-bière par d'autres types d'emballage.
L'industrie brassicole canadienne est tout à fait déterminée à faire sa part pour appuyer les efforts du gouvernement visant à éliminer les déchets plastiques, mais on dit aux brasseurs de s'attendre à des retards dans l'achat et l'installation du nouvel équipement requis en raison des goulots d'étranglement de la chaîne d'approvisionnement mondiale. Il est impératif que le gouvernement tienne compte de ces coûts et de ces défis lorsqu'il finalisera sa réglementation interdisant certains plastiques à usage unique en accordant aux brasseurs suffisamment de temps, idéalement trois ans, pour effectuer la transition.
Bien que certains des défis auxquels sont confrontées les brasseries ne sont pas du ressort d'un gouvernement national comme celui du Canada, à notre avis, il est également impératif que le gouvernement ne contribue pas davantage au problème. À cet égard, les augmentations des droits d'accise fédéraux sur la bière en avril 2020, 2021 et 2022 qui ont été autorisées étaient contre-productives et nuisibles, car les brasseurs et nos clients du secteur des bars et restaurants avaient de la difficulté à maintenir leur entreprise à flot. Étant donné que ces augmentations annuelles sont automatiquement indexées à l'inflation, les brasseurs et nos partenaires du secteur des bars et restaurants s'attendent à une augmentation de la taxe fédérale sur la bière qui pourrait atteindre 6 % à 7 % en avril prochain, ce qui représente environ 50 millions de dollars en nouvelles taxes sur la bière en une seule année.
Cette approche automatique de la fiscalité n'est tout simplement pas viable à long terme. À titre d'exemple, de 2017 à 2021, les recettes du gouvernement fédéral provenant du droit d'accise sur la bière ont augmenté de 24 % selon les Comptes publics du Canada, au cours d'une période où les ventes de bière ont diminué de 6,5 %.
Dans ces circonstances, nous demandons au Comité de recommander l'abrogation des augmentations annuelles automatiques du droit d'accise sur la bière qui sont imposées sans débat ni vote des députés. L'élimination des futures augmentations automatiques annuelles de la taxe fédérale sur la bière procurera aux brasseurs canadiens de toutes tailles les liquidités supplémentaires dont ils ont grandement besoin pour relever les défis opérationnels et commerciaux à un moment critique pour l'industrie.
Je vous remercie d'avoir pris le temps de nous écouter.
Je suis prêt à répondre à vos questions.
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Bonjour, monsieur le président et honorables députés. C'est un plaisir d'être ici dans le cadre de l'étude approfondie du Comité sur les questions touchant les petites et moyennes entreprises.
Comme le président l'a indiqué, je vais partager mon temps de parole avec ma collègue, Mme Birk, qui se joint à moi virtuellement.
Je pense qu'il va sans dire que cette étude arrive à un moment critique pour les petites et moyennes entreprises qui, comme beaucoup de députés le savent, sont des moteurs de la création d'emplois dans les collectivités grandes et petites, partout au pays.
Malgré le rôle important que les PME jouent dans l'économie, cette période a été très difficile pour elles que ce soit en raison des pénuries de main-d’œuvre, ou des perturbations de la chaîne d'approvisionnement, de problèmes de gestion de la dette ou de menaces imminentes de cybersécurité.
Je crois qu'il est juste de dire que ces défis découlent à la fois des répercussions directes de la pandémie et des défis structurels qui étaient déjà présents dans les économies canadienne et mondiale. Il est certain que la situation économique, qui n'était pas toujours la plus propice aux investissements des entreprises avant la pandémie et qui a créé des difficultés pour les PME, n'a malheureusement fait qu'aggraver les problèmes, ainsi que les défis de gestion de la dette auxquels font face ces entreprises.
Nous avons besoin de solutions concrètes pour le milieu des affaires, et j'aimerais revenir sur quelques-uns des thèmes qui ont été cernés dans la motion du Comité visant à entreprendre cette étude.
Le premier dont je voudrais parler brièvement est la politique de la concurrence. La Chambre de commerce appuie les efforts déployés pour que la politique canadienne en matière de concurrence soit mise à jour pour le XXIe siècle. Cependant, nous sommes certainement d'avis que le gouvernement doit lancer un processus de modernisation exhaustif et multilatéral pour aborder l'ensemble des questions relatives à la politique de concurrence et les soumettre à un examen. Il ne fait aucun doute que l'approche du goutte à goutte, qui consiste à attendre que des problèmes surgissent pour modifier les politiques, n'aidera pas le milieu des affaires et ne facilitera pas la compréhension du cadre juridique de la politique de la concurrence.
Il y a un certain nombre de changements dans la loi d'exécution du budget. Nous avons commencé à entendre nos membres parler de ces changements et de ce qu'ils signifient pour eux, et nous sommes certainement d'avis qu'une approche législative polyvalente n'est peut-être pas le meilleur moyen d'apporter des changements à la Loi sur la concurrence.
Il y a un certain nombre de choses dont vous parlez dans la loi, dont deux que j'aimerais d'abord porter à l'attention du Comité.
La première concerne le droit d'accès privé et la nécessité de s'assurer qu'il n'y aura pas une prolifération de poursuites futiles intentées par des concurrents, peut-être pour des raisons stratégiques.
De plus, les changements apportés aux sanctions administratives pécuniaires représentent un durcissement considérable de leur sévérité, et ils pourraient avoir un effet paralysant sur les investissements des entreprises au Canada. Au lieu de cela, nous devrions peut-être examiner comment donner plus de poids à une approche proportionnelle de l'évaluation des amendes à imposer aux entreprises.
Ce ne sont pas les modifications à la Loi sur la concurrence qui changeront la donne, au bout du compte, dans l'environnement inflationniste actuel, et nous devons nous assurer de mettre à jour la politique de concurrence du Canada en évitant les réactions instinctives. Il s'agit d'une mesure législative assez importante qui a une incidence très réelle sur le milieu des affaires pour les entreprises canadiennes, grandes et petites, et dans de nombreux secteurs de l'économie.
Je vais maintenant céder la parole à ma collègue, Mme Birk, qui vous parlera des autres changements que nous aimerions soumettre à l'examen du Comité.
Mesdames et messieurs les membres du Comité, c'est un plaisir d'être ici avec vous aujourd'hui.
Bien que l'on ait beaucoup mis l'accent, à juste titre, sur les effets de la COVID‑19 longue sur la santé des Canadiens, j'aimerais parler aujourd'hui de l'incidence de la « covid financière longue » sur les entreprises canadiennes.
Tout comme son homologue médical, il n'y a pas de solution à court terme ou de solution imminente. De plus, les petites entreprises, en particulier, mettront plus de temps à se rétablir; elles ont moins de ressources, des niveaux d'endettement plus élevés en raison de la pandémie et des défis accrus en matière de main-d'œuvre.
Pour permettre à ces entreprises de commencer à se rétablir, le gouvernement doit prendre des mesures favorables aux petites entreprises. Cela devrait comprendre les déductions fiscales pour les investissements en cybersécurité...
Je suis désolée. Je ne sais pas si cela a été traduit en français. Puis‑je continuer?
Ces mesures devraient comprendre des déductions fiscales pour les investissements dans la cybersécurité, la renonciation aux intérêts sur tous les prêts consentis en raison de la pandémie par le gouvernement, notamment dans le cadre du CUEC, du PCE et du PCSTT, et l'encouragement aux déplacements intérieurs au moyen de nouveaux incitatifs fiscaux pour les activités touristiques, de voyage et d'accueil au pays.
Ensuite, nous devons bâtir une main-d'œuvre solide pour l'économie canadienne. Le fait est que le Canada n'a pas suffisamment de travailleurs pour répondre à la demande, et que le déficit structurel de main-d'œuvre n'a pas de solution à court terme.
La solution doit inclure des éléments qui permettent de recycler et de perfectionner les compétences, mais elle peut aussi comprendre des solutions plus immédiates comme un Programme des travailleurs étrangers temporaires largement simplifié, une diminution des délais de traitement des demandes de statut de réfugié et une reconnaissance plus facile des titres de compétence au Canada pour les professionnels formés à l'étranger.
Enfin, le gouvernement peut veiller à ce que les petites entreprises disposent des outils nécessaires pour réussir en accordant la priorité à l'introduction et à l'adoption d'une nouvelle législation grandement nécessaire. Bien que la version originale de la loi de mise en œuvre de la Charte du numérique présentée lors de la législature précédente n'était pas parfaite, une loi désuète risque de freiner les entreprises canadiennes par rapport à leurs concurrents internationaux. Elle favorise également une approche fragmentée au niveau infranational.
Même si nous voulons tous rebondir rapidement, le chemin vers la reprise est long, rendu encore plus long par les répercussions persistantes de la « COVID financière longue » sur les petites entreprises.
Merci. Nous nous ferons un plaisir de répondre à vos questions.
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Je vous remercie de me donner l'occasion d'être ici aujourd'hui.
La FCEI est un organisme non partisan à but non lucratif qui représente 95 000 petites et moyennes entreprises de tout le pays. Nous sommes également un organisme de recherche. Nous suivons les directives que nos membres nous donnent lors de nos sondages. Nous les menons régulièrement. J'ai un document qui, je l'espère, a été distribué à vous tous. Je vais le passer en revue et vous faire part de certaines de nos recherches.
Tout d'abord, comme vous pouvez le voir à la diapositive 3, nous avons constaté que seulement 42 % des petites entreprises ont repris leurs ventes normales, 35 % n'ont pas de dette liée à la pandémie et seulement 18 % estiment s'être remises du stress lié à la pandémie. Pour de nombreuses petites entreprises, la pandémie est loin d'être terminée. Il faut que les gouvernements continuent de reconnaître que les petites entreprises ont été et continuent d'être les plus durement touchées.
Même si la levée des restrictions est une bonne nouvelle, bon nombre des PME font maintenant face à d'autres défis, qui ont déjà été mentionnés aujourd'hui. Comme vous pouvez le voir à la diapositive 4, les répercussions les plus importantes à l'heure actuelle sont la hausse des prix, les défis liés à la chaîne d'approvisionnement, l'augmentation des coûts gouvernementaux et les pénuries de main-d'œuvre. Je vais parler de l'incidence de chacun de ces éléments, puis je ferai quelques recommandations à la fin.
Premièrement, plus de 90 % des PME affirment que leurs coûts ont augmenté considérablement depuis le début de la pandémie. Plus des trois quarts pensent que ce ne sera pas un problème temporaire, comme vous pouvez le voir à la diapositive 5. Les coûts qui ont le plus d'impact à l'heure actuelle sont ceux du carburant et de l'énergie, suivis des coûts salariaux, de l'assurance, des taxes et de la réglementation, et des coûts des intrants de production.
Le prix du carburant a augmenté de façon plus générale, tout comme la taxe sur le carbone, qui a des répercussions importantes sur de nombreuses petites entreprises. Il est important de garder à l'esprit que le filet de sécurité fédéral pour le carbone a eu un effet disproportionné sur les petites entreprises, un fait également reconnu dans un récent rapport du commissaire fédéral à l'environnement. Nous estimons que les PME paient environ 45 à 50 % du filet de sécurité fédéral pour le carbone, et que seulement 8 et 10 % leur sont restitués sous forme de programmes qui ne leur ont jamais été accessibles.
Une autre répercussion importante, bien sûr, est la pénurie de main-d'œuvre, comme vous pouvez le voir à la diapositive 7. La pénurie de main-d'œuvre touche plus d'une PME sur deux, mais elle atteint presque deux entreprises sur trois au Québec et près de trois sur quatre dans le secteur de la construction.
Les petites entreprises ont tenté de remédier à la pénurie de main-d'œuvre de bien des façons, mais certaines se sont révélées plus efficaces que d'autres. Vous pouvez le voir à la diapositive 8. Par exemple, 33 % des PME ont investi dans l'automatisation, et 81 % d'entre elles ont trouvé que c'était efficace pour les aider à combler leurs pénuries de main-d'œuvre. D'autre part, environ 16 % ont eu recours au Programme des travailleurs étrangers temporaires, mais plus de la moitié ont trouvé ce programme utile pour combler leurs pénuries de main-d'œuvre. Ce sont les deux méthodes les plus efficaces utilisées par les petites entreprises. Elles ont été plus efficaces que l'augmentation des salaires ou l'assouplissement des horaires de travail des employés.
Un autre grand défi est la chaîne d'approvisionnement. Comme vous pouvez le voir à la diapositive 9, les contraintes liées à la distribution des produits ont été relativement stables entre 2010 et 2020, et seulement environ 8 % des petites entreprises ont dû composer avec cette situation en moyenne. Cependant, cela a commencé à changer lorsque la pandémie a frappé, ce pourcentage passant à 18 % en avril 2020 et atteignant jusqu'à 28 % en février dernier.
Pour faire face à ce problème, 84 % des PME ont dû augmenter leurs prix pour absorber l'augmentation de leurs coûts, 79 % ont dû composer avec des retards dans la réception des expéditions et une sur deux a dû augmenter le coût d'expédition des marchandises à ses clients. Ce qui est particulièrement inquiétant, c'est que plus d'un répondant sur cinq a dû refuser des ventes ou des contrats en raison d'un problème de chaîne d'approvisionnement.
Enfin, avant de passer aux recommandations, j'aimerais parler de la réglementation et des tracasseries administratives.
Nos recherches les plus récentes ont révélé que la réglementation coûte aux entreprises canadiennes environ 40 milliards de dollars par année, dont 11,3 milliards de dollars sont considérés comme des tracasseries administratives, c'est‑à‑dire des règlements inutiles, redondants ou faisant double emploi. Comme vous pouvez le voir à la diapositive 11, les coûts de la réglementation ont une incidence disproportionnée sur les petites entreprises, leurs coûts par employé étant presque sept fois plus élevés que ceux des grandes entreprises. La réglementation n'a pas seulement un impact économique. Elle a aussi un impact social. Comme vous pouvez le voir à la diapositive 12, près de 90 % des répondants ont dit que les règlements apportent un stress important dans leur vie, et près des deux tiers d'entre eux ne conseilleraient pas à leurs enfants de lancer une entreprise à cause du fardeau de la réglementation.
Malgré la levée des restrictions liées à la pandémie, de nombreuses petites entreprises continuent de faire face à la hausse des prix, à des défis liés à la chaîne d'approvisionnement et à des pénuries de main-d'œuvre. Environ les deux tiers ont encore une dette moyenne d'environ 160 000 $ liée à la pandémie, au moment même où la dernière aide gouvernementale liée à la COVID‑19 a pris fin le 7 mai.
Sur les deux dernières diapositives, vous verrez une série de recommandations. Je vais en citer quelques-unes.
Nous suggérons que le gouvernement impose un moratoire sur tous les coûts pour les petites entreprises, par exemple en gelant pour l'instant le RPC, l'assurance-emploi ou la taxe sur le carbone, ou qu'il compense ces coûts en offrant des remboursements aux petites entreprises; une réduction des frais imposés aux commerçants par les cartes de crédit, comme promis dans les budgets de 2021 et de 2022; qu'il aide les petites entreprises les plus durement touchées à rembourser leur dette en faisant passer à 50 % la portion remboursable de leurs prêts du CUEC et en repoussant la date limite de remboursement.
Pour remédier aux pénuries de main-d'œuvre, il faudrait ouvrir une voie d'accès à la résidence permanente pour les travailleurs étrangers temporaires; offrir des crédits d'impôt pour stimuler l'automatisation, ou adopter rapidement des mesures législatives concernant la passation en charge immédiate, comme promis dans le budget de 2021.
Nous recommandons également d'instaurer un crédit d'impôt sur la masse salariale pour les nouveaux employés afin de compenser le coût de la formation.
Pour réduire les formalités administratives, nous croyons qu'une politique de reconnaissance mutuelle entre toutes les provinces pourrait améliorer le flux des échanges commerciaux au Canada et que le gouvernement fédéral pourrait jouer un rôle essentiel à cet égard.
De plus, nous recommandons d'améliorer la règle du « un pour un » de la Loi sur la réduction de la paperasse afin qu'elle s'applique non seulement aux règlements, mais aussi aux lois et aux politiques.
Je vais m'arrêter là, mais il y a beaucoup d'autres recommandations que je vous invite à examiner. Je me ferai un plaisir de répondre à vos questions.
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Mesdames et messieurs les membres du Comité, bonjour.
Je m'appelle Karl Blackburn, et je suis le président et le chef de la direction du Conseil du patronat du Québec. Je suis accompagné aujourd'hui par M. Denis Hamel, le vice-président des Politiques de développement de la main-d'œuvre.
Je suis un entrepreneur, fils d'entrepreneur et petit-fils d'entrepreneur. Notre organisation, créée en 1969, est une confédération de près de 100 associations sectorielles et de plusieurs membres d'entreprises de toutes tailles et de toutes les régions du Québec, issus des secteurs privés et des secteurs parapublics.
La pénurie de main-d'œuvre est, sans contredit, le problème majeur auquel sont confrontés les employeurs. Plus de 6 % des postes sont présentement vacants au Québec. Pour montrer l'ampleur du problème, je dirai qu'il y a dans notre province plus de postes vacants que de bénéficiaires de l'assurance-emploi. Dans un sondage récent effectué auprès de nos membres, 94 % d'entre eux considèrent avoir actuellement un enjeu d'embauche de main-d'œuvre, et près de 9 employeurs sur 10 s'inquiètent des effets de la pénurie de main-d'œuvre sur la qualité, le prix et la disponibilité des biens et services qu'ils offrent.
Ils ont raison. En effet, plusieurs études récentes démontrent les fortes répercussions négatives de la crise de la main-d'œuvre et du nombre élevé de postes vacants sur notre économie: refus de contrats, abandon de produits et de services, déplacement de la production hors du pays, report d'investissements, réduction de la compétitivité, détérioration de la qualité des produits ou des services, perte de revenus pour les gouvernements, et j'en passe. Ce sont des milliards de dollars que nous perdons. À titre d'exemple, pour le seul secteur manufacturier québécois, qui représente 13,5 % du PIB de la province, nos collègues de Manufacturiers et Exportateurs du Québec ont estimé les pertes dues au manque de main-d'œuvre à 18 milliards de dollars depuis deux ans. Je n'ose imaginer le manque à gagner dans l'ensemble du pays.
Nous savons que, à cause de notre démographie, cette pénurie va perdurer jusqu'à la fin de la décennie. Les données sur le recensement de 2021 révélées par Statistique Canada la semaine dernière confirment que la population du Canada en âge de travailler n'a jamais été aussi âgée, alors que plus d'une personne sur cinq — c'est-à-dire de 21,8 % — est âgée entre 55 ans et 64 ans. Ce groupe d'âge est plus nombreux que les jeunes adultes de 15 ans à 24 ans. Cet important groupe de travailleurs et de travailleuses âgés prendra sa retraite d'ici 2030, aggravant ainsi la rareté de la main-d'œuvre. Il y a urgence d'agir dès maintenant, car notre prospérité est freinée par la pénurie de la main-d'œuvre.
Les employeurs déploient déjà plusieurs solutions, mais en vain. Parmi ces solutions, on retrouve une hausse des salaires, l'ajout d'avantages sociaux, des primes à l'embauche, l'inclusion d'activités sociales originales et la poursuite du télétravail, afin d'élargir le bassin d'employés potentiels. Néanmoins, le nombre de postes vacants au Canada a doublé en un an, passant de 560 000 au quatrième trimestre de 2020 à plus de 915 000 à la fin de l'année 2021.
La pénurie de main-d'œuvre est un enjeu qui affecte l'ensemble des provinces et l'ensemble des secteurs économiques. Elle crée une véritable crise dans les secteurs de la construction, de la fabrication, du commerce de détail, des soins de santé et des services d'hébergement et de restauration, où on retrouve plus de la moitié du nombre total des postes vacants. Ce problème n'est pas uniquement celui des employeurs. Les salariés en souffrent également, car le manque de main-d'œuvre rime avec surcharge de travail et absence de vacances ou de formation. De plus, pour la population canadienne, la pénurie de main-d'œuvre se traduit par des ruptures de services, des retards dans l'obtention de biens et services, des restaurants fermés et des hôtels ouverts à moitié de leur capacité. Personne ne sort gagnant de la pénurie de main-d'œuvre.
Sur une note un peu plus positive, la pénurie de main-d'œuvre doit être l'occasion pour les entreprises d'adopter de nouvelles solutions pour soutenir leur croissance et leur productivité à long terme. Je pense particulièrement à l'adoption de nouvelles technologies, à l'automatisation et au développement et à l'intégration des technologies vertes. Pour effectuer ce virage, il faut des employés de plus en plus qualifiés qui, hélas, ne sont pas au rendez-vous.
En août 2021, nous avons proposé 10 solutions à la pénurie de main-d'œuvre, car il n'y a pas de solution unique à ce problème. Nous avons lancé un appel à la concertation des acteurs du marché du travail afin d'apporter des solutions concrètes et à court terme afin d'améliorer le niveau de littératie et de numératie des travailleurs, accroître la formation en entreprise, notamment par le biais du régime d'assurance-emploi, et attirer et retenir les travailleurs expérimentés, accompagner les employeurs dans leur virage vers la diversité et moderniser les programmes d'immigration pour les adapter à cette nouvelle réalité.
Nous saluons les avancées déjà réalisées par le gouvernement fédéral, notamment en matière d'immigration. Cela dit, les chiffres parlent d'eux-mêmes. Cette crise n'est pas terminée et il ne faut pas baisser les bras. Il faut travailler collectivement à apporter des solutions dans les meilleurs délais possible.
C'est maintenant avec plaisir, mesdames et messieurs, que M. Hamel et moi serons disponibles pour répondre aux questions des membres du Comité.
Je vous remercie de votre attention.
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Merci, monsieur le président, et merci au Comité. Je vous remercie de m'avoir invitée à comparaître aujourd'hui.
Je m'appelle Robin Shaban. Je suis économiste principale chez Vivic Research, une société d'experts-conseils en économie. Je suis également chercheuse en politique de la concurrence au Canada.
Je parlerai principalement aujourd'hui des discussions actuelles sur l'objet de la Loi sur la concurrence en ce qui concerne les PME. Ce sujet est très pertinent, compte tenu de l'annonce de la révision de la Loi sur la concurrence.
L'énoncé de l'objet de la Loi, qui forme l'article 1.1, dit que le but de la Loi « est de préserver et favoriser la concurrence au Canada » dans le but, premièrement, de « stimuler l'adaptabilité et l'efficience de l'économie canadienne »; « d'améliorer les chances de participation canadienne aux marchés mondiaux tout en tenant simultanément compte du rôle de la concurrence étrangère au Canada »; « d'assurer à la petite et moyenne entreprise une chance honnête de participer à l'économie canadienne »; et « d'assurer aux consommateurs des prix compétitifs et un choix dans les produits. »
La question de savoir quel devrait être l'objet déclaré de la Loi est cruciale pour deux raisons principales. Premièrement, d'un point de vue juridique, l'énoncé de l'objet de la Loi façonne la façon dont le Tribunal de la concurrence et les tribunaux tranchent les affaires de concurrence. L'énoncé de l'objet de la Loi détermine quels préjudices concurrentiels sont pris en compte en vertu de la Loi.
La deuxième raison pour laquelle l'énoncé de l'objet est si important, c'est qu'il décrit la raison d'être de la Loi sur la concurrence. L'objet déclaré de la Loi guide les décideurs sur ce qui devrait être inclus dans la Loi. Certains ont fait valoir que l'énoncé de l'objet de la Loi devrait être modifié de façon à ce que notre loi sur la concurrence ait pour seul objectif de promouvoir l'efficience dans l'économie canadienne, et qu'elle ne devrait pas avoir de considérations particulières pour les PME ni d'ailleurs pour les autres intervenants.
Le professeur Edward Iacobucci a présenté un exemple remarquable de cet argument dans un document commandé par le sénateur Wetston dans le cadre d'une vaste consultation sur la réforme du droit de la concurrence. M. Iacobucci soutient que le fait d'avoir de multiples objectifs en matière de droit de la concurrence — comme la création de possibilités équitables pour les PME de soutenir la concurrence tout en favorisant l'efficience économique — crée des complications pour l'application de la Loi, car les objectifs peuvent entrer en conflit les uns avec les autres. La solution de M. Iacobucci à ce problème consiste à demander au gouvernement de faire de l'efficacité économique la seule préoccupation du droit de la concurrence.
Dans le contexte canadien, l'efficience a souvent été invoquée pour justifier la permissivité de la Loi à l'égard du pouvoir et de la domination sur le marché, ce qui peut nuire aux PME qui s'efforcent de percer de nouveaux marchés. L'argument avancé est que les autres avantages que le droit de la concurrence peut offrir, comme la garantie de possibilités équitables pour les PME de participer aux marchés, devraient relever d'autres secteurs de la politique.
Bien que cette approche puisse être une solution technique élégante d'un point de vue juridique, elle contourne la racine du problème, à savoir que la politique de concurrence est intrinsèquement politique. Les différents intervenants auront inévitablement des préférences différentes à l'égard de la Loi. Le fait de ne pas tenir compte de cette réalité ne la fait pas disparaître; cela crée plutôt un cadre de politique économique plus large qui va à l'encontre de lui-même. Si le gouvernement suivait le conseil de M. Iacobucci, d'une part, nous aurions une loi sur la concurrence qui favoriserait l'efficacité économique sans égard aux PME et potentiellement au détriment de celles‑ci. D'autre part, ISDE dépense des milliards de dollars pour soutenir les PME. Jusqu'où cet argent pourrait‑il aller si nous avions une loi sur la concurrence qui appuierait les PME, plutôt que de les ignorer ou de travailler contre elles?
Même avec la Loi sur la concurrence que nous avons aujourd'hui, il est possible de faire plus pour soutenir les PME. Avec mes collègues Vass Bednar et Ana Qarri, j'ai récemment préparé un rapport pour ISDE qui décrit les possibilités de réforme de la Loi sur la concurrence qui profiteraient aux PME. La prolongation du délai dont dispose le Bureau pour examiner les fusions après leur fermeture lui permettrait de corriger ce qu'on appelle les « acquisitions meurtrières », c'est‑à‑dire le rachat par les entreprises titulaires de nouveaux arrivants qui pourraient devenir leurs concurrents à l'avenir.
Dans le rapport, nous recommandons également d'apporter des changements à la façon dont les comportements anticoncurrentiels sont évalués en vertu de la Loi et d'adopter une approche davantage fondée sur des règles qui serait plus prévisible à mettre en œuvre et qui permettrait peut-être au Bureau de bloquer plus efficacement les comportements anticoncurrentiels.
La Loi sur la concurrence devrait viser à promouvoir un commerce équitable dans l’économie canadienne en reconnaissant et en équilibrant les besoins de tous les intervenants, notamment les PME, les grandes entreprises, les consommateurs, les travailleurs, le gouvernement et les citoyens en général. C’est en tenant compte de ces besoins que nous établirons l’objectif moderne de la Loi sur la concurrence et que nous veillerons à ce que la loi s'allie aux politiques en place, au lieu de s'y opposer, pour favoriser des marchés équitables et concurrentiels au Canada.
Je vous remercie encore une fois et je suis prête à répondre à vos questions.
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Cela me ramène à ma première question. Dans l’intérêt de la gestion des règles existantes, pouvez-vous nous donner une liste concrète des règles existantes qui, selon vous, devraient être un peu mieux gérées? Cela nous serait utile.
Mme Corinne Pohlmann: Oui.
M. Nathaniel Erskine-Smith: Également, je trouverais utile... Écoutez, nous n’allons pas geler la taxe sur le carbone et la tarification de la pollution. Cela n’aurait aucun sens dans le contexte de la lutte contre les émissions de carbone que nous devons mener dans le cadre de nos obligations envers la planète et les générations futures. Cela n’aurait aucun sens. C’est la façon la plus efficace sur le plan économique de lutter contre les changements climatiques.
Si vous pouviez plutôt nous soumettre... J’ai remarqué que, dans votre présentation, vous dites que les petites entreprises paient un montant disproportionné, mais qu’elles ne bénéficient pas du remboursement proportionnellement. Si vous pouviez, encore une fois, nous soumettre une solution plus élégante — le gel ne m’intéresse pas — concernant peut-être la possibilité de prendre une part des revenus pour la distribuer équitablement aux petites entreprises. Cela m'intéresserait si vous pouviez nous proposer des suggestions par écrit.
Pour ce qui est de la Chambre de commerce du Canada, en ce qui concerne la réforme de la Loi sur la concurrence, je tiens pour acquis que nous sommes dans un environnement inflationniste difficile et que des réformes supplémentaires immédiates ne seront peut-être pas les bienvenues si elles alourdissent le fardeau de la conformité réglementaire. Comment concilier cela, cependant, avec le fait que nous sommes un pays d’oligopoles et que les oligopoles font augmenter les prix pour les consommateurs? On l’a vu dans le domaine des télécommunications. On le voit dans les épiceries. Nous l’avons même constaté dans ce contexte inflationniste, où les entreprises qui font partie de ces oligopoles font des profits malgré l’inflation. Ce n’est pas seulement que les prix augmentent; leurs profits augmentent en même temps.
Comment concilier ces préoccupations? D’une part, je prends note des préoccupations que vous avez exprimées, mais je vous renverrais la question suivante: « Ne voulons-nous pas qu’une plus grande concurrence fasse baisser les prix? »
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Merci, monsieur le président.
Je remercie l'ensemble des témoins.
Vous avez magnifiquement mis la table, cet après-midi, pour bien faire comprendre l'urgence d'agir sur la pénurie de la main-d'œuvre.
Je pense particulièrement à M. Blackburn, qui nous a dit que 6 % des postes sont vacants au Québec et que neuf employeurs sur dix s'inquiètent de la pénurie de la main-d'œuvre. Il a aussi dit qu'il y a près de 1 million de postes vacants, qu'il y a une surcharge de travail, et qu'on renonce à la qualité, et même à certains contrats.
Toutefois, il y a quand même des solutions, et je pense que le Comité doit miser sur celles-ci s'il veut voir sa démarche prendre son sens. L'une de ces solutions requiert de s'intéresser à la transformation démographique. Il faut trouver des moyens de faire plus de place aux femmes, aux familles et aux aînés. Dans le contexte actuel de rareté de la main-d'œuvre, la combinaison de plusieurs méthodes sera peut-être la solution qui portera ses fruits.
Monsieur Blackburn, j'ai une question à vous poser.
Que recommandez-vous pour rendre plus attrayant le retour au travail pour les travailleurs expérimentés ou aînés, compte tenu du fait qu'ils représentent quelque 75 000 travailleurs supplémentaires potentiels et qu'ils pourraient contribuer à atténuer la pénurie de la main-d'œuvre?
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C'est une excellente question.
Malheureusement, ceux qui pensent que la pénurie de la main-d'œuvre est un heureux problème font fausse route. La pénurie de la main-d'œuvre a des conséquences extrêmement importantes sur l'économie. Vous en avez énuméré quelques exemples.
Je vais commencer à répondre à votre question, puis je cèderai la parole à mon collègue, M. Hamel, qui pourra vous donner davantage de précisions concernant les travailleurs expérimentés.
Si le Québec avait le même taux d'emploi des travailleurs expérimentés que l'Ontario, par exemple — nous aimons souvent nous comparer à l'Ontario —, comme vous l'avez mentionné, ce sont près de 75 000 travailleurs supplémentaires qui, aujourd'hui et demain, seraient sur le marché du travail et pourraient contribuer à la relance économique. Pour y arriver, il faut instaurer des mesures fiscales incitatives, comme, par exemple, de relever de 5 000 $ à 20 000 $ le plafond de revenus sans qu'il y ait de pénalités sur le plan de leur régime de retraite. Ce serait certainement une avenue intéressante.
Par exemple, les gouvernements pourraient faire en sorte que les entreprises qui participent et qui ont des travailleurs expérimentés à leur emploi soient exemptées de verser à la Régie des rentes du Québec, par exemple, le montant attribuable à l'effort de guerre, si je peux l'appeler ainsi, du travailleur expérimenté.
Ce n'est là qu'une des solutions envisageables. Je pourrais demander à M. Hamel de vous en énumérer encore plusieurs, qui pourraient être mises en avant à court, à moyen et à long terme.
Si vous me le permettez, je demanderai maintenant à M. Denis Hamel de compléter la réponse.
Pour revenir aux travailleurs expérimentés, c'est bien que vous mettiez l'accent sur eux. C'est un groupe que nous pouvons atteindre et ramener très rapidement sur le marché du travail, surtout si nous leur enlevons la perception qu'ils travaillent pour rien. Souvent, on entend qu'ils vont perdre le Supplément de revenu garanti, qu'ils vont être obligés d'en rendre une partie au gouvernement.
Il faut adapter la fiscalité et aider aussi les employeurs, par divers mécanismes, à garder, à attirer et à recruter des travailleurs expérimentés. Nous pensons, par exemple, aux cotisations à l'assurance-emploi, qui pourraient être suspendues pour les travailleurs expérimentés, parce que ces personnes ne demanderont pas de prestations. C'est un exemple parmi tant d'autres.
Il faut aussi penser à l'accompagnement sur le plan de la gestion des travailleurs expérimentés, qui ne veulent pas nécessairement travailler 50 heures par semaine et 50 semaines par année. Il faut donc leur offrir des horaires et calendriers allégés pour les inciter à réintégrer le marché du travail, surtout dans les secteurs les plus affectés par la pandémie, où ils étaient très nombreux. Depuis le début de celle-ci, nous avons perdu beaucoup de travailleurs de 55 ans et plus, particulièrement des femmes.
Je poursuis, toujours au sujet de l'élargissement du bassin de main-d'œuvre.
Monsieur Blackburn, lors d'une entrevue récente, vous avez affirmé ceci: « C’est pour nous un incontournable, parce que, malheureusement, sans cet élargissement du bassin de travailleurs via l’immigration, on ne sera pas capable d’atteindre les objectifs qu’on poursuit. »
Tout à l'heure, vous avez chiffré à 18 milliards de dollars les pertes dues au manque de main-d'œuvre depuis deux ans, au Québec seulement.
Les problèmes de lenteur dans le traitement des dossiers d'immigration préoccupent-ils vos membres? Quelles pistes de solution pourrions-nous apporter, selon vous?
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Effectivement, il existe un problème extrêmement important au Québec relativement au traitement des données ou des dossiers relatifs à l'immigration. Malheureusement, au Québec, cela peut prendre jusqu'à 24 mois avant de régulariser un dossier alors que, ailleurs au Canada, cela prend 6 mois. Cette réalité est incontournable.
Je vais donner un exemple au bénéfice des membres de ce comité. En 2017, une évaluation a été faite en lien avec le marché du travail. D'abord, pour pallier le départ à la retraite de 1,4 million de travailleurs au Québec, nous devions avoir accès à trois principaux bassins de travailleurs potentiels. Le premier bassin, constitué d'étudiants, pouvait répondre à 50 % des besoins. Le deuxième bassin, auquel vous avez fait référence, était constitué de gens qui sont un peu plus éloignés du marché du travail, soit les Premières Nations, les gens judiciarisés, les gens en situation de handicap, les femmes dans certains secteurs, le personnel plus âgé, et ainsi de suite. Ce groupe pouvait répondre à 25 % des besoins. De plus, un pourcentage de 23 % provenait de l'immigration. Le chiffre évoqué à ce moment pour pallier la pénurie de main-d'œuvre et pour combler les départs à la retraite était estimé à 64 000 immigrants par année. Comme vous le savez, au Québec, il y a l'immigration communautaire, les regroupements familiaux et l'immigration économique. Or, avec 64 000 immigrants par année et les autres bassins, on pouvait espérer pallier les départs à la retraite de ces 1,4 million de travailleurs.
Malheureusement, à partir de 2017, le nombre d'immigrants n'a jamais dépassé 50 000 par année, et ils ont été bien en deçà au cours des dernières années, ce qui fait que l'écart se creuse. À la fin de février 2022, près de 250 000 postes étaient vacants au Québec.
Pour pallier cette situation, il faut éviter les conflits de compétences territoriales. Les modifications que le fédéral a apportées au PTET, le Programme des travailleurs étrangers temporaires, ont donné une bouffée d'air frais aux employeurs du Québec et aux employeurs en général. Elles ont permis aux employeurs d'avoir accès à un plus grand bassin ou à un plus grand pourcentage de travailleurs pour leur propre entreprise. Elles ont aussi permis d'étirer les délais au-delà de ce qui était prévu au départ et ainsi d'apporter une certaine prévisibilité relativement à l'économie.
L'économie, en soi, est extrêmement volatile. Cela prend trois conditions pour pouvoir croître et prospérer: de la prévisibilité, de la certitude et de la longévité. Il faut réussir, avec les décisions en lien avec l'immigration, à apporter ces trois ingrédients afin que la recette fonctionne et qu'elle nous aide à affronter le problème de main-d'œuvre que nous rencontrons.
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C'est une grande question à analyser.
Pour revenir au rapport que Vass Bednar, Ana Qarri et moi avons produit pour ISDE, l'une des analyses que nous avons faites consistait à comparer les cas qui ont été examinés dans l'Union européenne par la Commission européenne et qui étaient relativement semblables à ceux qui ont été examinés par le Bureau de la concurrence au Canada. Cela incluait Google, par exemple, et l'autopréférence de son propre service de magasinage sur son site Web.
Le Bureau de la concurrence et la Commission européenne ont tous deux entrepris des enquêtes sur cette conduite. La Commission européenne a conclu que ce comportement était anticoncurrentiel et a imposé de lourdes amendes à Google — je ne me souviens plus combien de milliards d'euros. Dans le cadre de l'enquête canadienne, le Bureau a conclu qu'il n'y avait aucune preuve de comportement anticoncurrentiel.
Cela soulève la question de savoir comment la Commission européenne a réussi à imposer une amende de milliards d'euros à Google, alors qu'au Canada, ce comportement n'est pas anticoncurrentiel. Je pense que bon nombre de ces tendances se manifestent d'une administration à l'autre, étant donné la nature mondiale du commerce numérique.
La différence que nous constatons au Canada par rapport à d'autres grands pays, c'est que notre Loi sur la concurrence ne suit pas le rythme de ce que les lois sur la concurrence peuvent faire ailleurs. Encore une fois, je sais que c'est un peu ennuyeux, mais cela revient vraiment à la façon dont la Loi comprend et évalue les comportements anticoncurrentiels. Un système davantage fondé sur des règles, selon lequel un comportement est anticoncurrentiel parce qu'il est illégal de faire une certaine chose est plus proche du modèle européen, alors qu'au Canada, nous avons une approche fondée sur les effets selon laquelle vous devez démontrer, avec une multitude de preuves à l'appui, qu'un comportement particulier est nuisible.
Je vais m'arrêter là, car je sais que vous n'avez que six minutes.
Je vais maintenant m'adresser à la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante, ou FCEI.
J'ai demandé à la Banque de développement du Canada si elle envisagerait une carte de crédit pour les petites entreprises. J'ai trouvé très intéressant qu'elle ait fait une étude à ce sujet. Elle ne savait pas quand c'était — elle était censée nous en reparler —, mais c'était il y a longtemps.
La Banque de développement du Canada est censée être le prêteur de dernier recours lorsque le secteur privé ne joue pas son rôle de façon appropriée. J'étais persuadé de l'intérêt que susciterait au moins une carte de crédit assortie de frais raisonnables. Si le gouvernement n'est pas prêt à réglementer ce secteur et à le superviser, je suis un peu surpris qu'il ne profite pas de cette occasion en tant que prêteur de dernier recours, pour ainsi dire.
Je me demande ce que la FCEI en pense. J'aimerais savoir si cette idée serait bien accueillie et si la FCEI pourrait contacter ses membres et mener un sondage comme elle l'a fait auparavant pour savoir si ce produit les intéresse. Cela pourrait, en fait, susciter une concurrence dont ce secteur a grandement besoin.
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Je n'ai pas tous les détails de cela, monsieur Généreux, mais il ne fait aucun doute que ce programme, accompagné de mesures spécifiques, peut apporter un élément intéressant pour pallier la pénurie de main-d'œuvre. Je vais demander à M. Hamel de donner un exemple plus concret, parce que, dans les solutions que nous avons proposées, certaines concernent la formation, la littératie et une augmentation des investissements en technologie.
À titre d'exemple, malheureusement, au Québec, nous avons un problème de littératie, ce qui freine les investissements technologiques. Alors, dans le contexte actuel, avec des mesures spécifiques pour aborder cette situation-là, on peut atteindre des objectifs fort importants.
Avant de céder la parole à M. Hamel, je reviens sur le programme de l'assurance-emploi, monsieur Généreux. Le gouvernement du Canada est en train de revoir le programme de l'assurance-emploi. Étant donné que nous avons des problèmes concernant la formation continue et les compétences, pourquoi ne pas faire de ce programme d'assurance-emploi un programme de formation continue? Ainsi, lorsque les gens seraient malheureusement frappés par une perte d'emploi, avec l'assurance-emploi, ils seraient obligés de suivre une formation et ils maintiendraient leurs compétences à jour.
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C'est une excellente idée.
En passant, une réforme du programme de l'assurance-emploi a été proposée par le gouvernement conservateur, il y a plus de 10 ans maintenant, mais elle a été oubliée ou bombardée de toutes sortes d'éléments négatifs. À l'époque, le principe même de cette réforme était de faciliter le jumelage des travailleurs aux emplois disponibles dans les différentes régions du Canada. Tantôt, vous disiez justement qu'il y avait plus de postes disponibles que de travailleurs disponibles.
Je me souviens qu'à l'époque, on parlait d'un rayon de 60 kilomètres ou de moins de 100 kilomètres pour trouver un emploi. Aujourd'hui, à La Pocatière, les professeurs du cégep, de l'Institut de technologie agroalimentaire du Québec, du collège et de toutes les autres institutions parcourent 100 kilomètres, de Québec à La Pocatière, pour venir travailler tous les jours. C'est la même chose pour les employés d'Alstom et les autres.
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Je pense qu'il y a toute une gamme de solutions. Ce que j'aimerais voir dans l'examen de la Loi sur la concurrence, c'est une réflexion plus approfondie sur certaines des solutions de rechange. C'est pourquoi il est très important que les intervenants se concertent et trouvent un compromis. Il faut que tout le monde à la table réfléchisse à la façon dont nous voulons évaluer les comportements anticoncurrentiels.
C'est une façon longue de dire qu'il y a beaucoup de solutions possibles, mais ce que j'aimerais voir, c'est que nous nous orientions davantage vers une approche fondée sur des règles pour évaluer les comportements anticoncurrentiels.
Je ne veux pas m'éterniser, mais je vais vous donner rapidement un exemple. Lorsqu'il s'agit d'évaluer les fusions, au Canada, on ne peut pas dire au Tribunal de la concurrence de bien vouloir bloquer telle fusion parce qu'elle crée littéralement un monopole; il faut démontrer que, parce que cette fusion crée un monopole, cela va faire augmenter les prix. C'est seulement un cours d'économie 101. Nous le savons. Pourquoi avons-nous besoin du commissaire du Bureau de la concurrence pour réinventer économie 101 devant le Tribunal de la concurrence?
Je pense qu'il est tout à fait raisonnable d'intégrer les choses — par exemple, si vous avez une fusion créant un monopole, ce sera carrément bloqué. Encore une fois, il s'agit davantage d'une approche fondée sur des règles pour évaluer les comportements anticoncurrentiels et leurs méfaits. Je peux voir d'autres endroits où cela pourrait s'intégrer.
Je n'ai pas de réponse définitive à vous donner à ce sujet aujourd'hui. Je pense que cela devra faire l'objet d' une discussion plus ouverte.
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Merci, monsieur le président.
Je vais adresser la question suivante à M. Blackburn, du Conseil du patronat du Québec.
Le Québec est la seule province au Canada à être responsable de sa politique en matière de main-d'œuvre. Un écosystème s'est créé avec le gouvernement du Québec, le Conseil du patronat du Québec, les Manufacturiers et Exportateurs du Québec, la Fédération des chambres de commerce du Québec et les comités sectoriels de main-d'œuvre.
Au Québec, notre écosystème produit toutes les études nécessaires pour déterminer les besoins en matière de main-d'œuvre. À mon avis, l'EIMT, soit l'étude d'impact sur le marché du travail, n'est qu'un doublon inutile.
Peut-on envisager d'éliminer ces études d'impact fédérales, qui semblent de plus en plus inadéquates et qui nuisent aux entreprises?
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Merci beaucoup de la question.
Bière Canada a eu l'occasion de rencontrer pour parler de l'application de la taxe d'accise à la bière non alcoolisée. Au Canada, c'est une situation obscure qui nous a un peu pris par surprise. Comparativement au vin et aux spiritueux, la bière est assujettie à la taxe d'accise, tandis que ces autres catégories en sont exemptées.
Je dirais que, bien que la pandémie de COVID‑19 ait été une période difficile pour les ventes de bière, les ventes de bière non alcoolisée ont été prometteuses. Nous avons constaté une croissance importante dans ce segment de la catégorie au cours des deux dernières années.
Il y a des brasseurs qui font des investissements importants dans ce segment du marché, et nous avons été heureux de voir , et vous-même je crois, attirer l'attention sur cette question et de constater que le gouvernement l'incluait dans le budget de cette année. C'est une bonne nouvelle pour l'industrie de la bière, et je pense que cela enverra un signal positif aux brasseurs de tout le Canada pour qu'ils envisagent d'investir dans ce segment du marché à l'avenir.
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C'est une question difficile.
Il y a une dizaine d'années, nous avons pu adopter au Canada un code de conduite de l'industrie des cartes de crédit et de débit, parce que les commerçants ont toujours considéré qu'ils étaient des preneurs de prix. Ils ont dû accepter ce que les sociétés émettrices de cartes de crédit voulaient imposer aux commerçants sur le plan des coûts.
Lorsque le code de conduite a été créé, il a certainement contribué à uniformiser les règles du jeu. Il a établi un ensemble de règles que les sociétés émettrices de cartes de crédit devaient respecter, et il a permis aux commerçants de mieux comprendre ces règles et ce à quoi ils devaient s'attendre. Ce n'est pas parfait. Il reste encore beaucoup à faire. En fait, le gouvernement procède actuellement à un examen de ce code de conduite afin de le mettre à jour et de le moderniser, car l'industrie des paiements numériques subit de nombreux changements.
Nous devons veiller à ce que le code de conduite soit mis à jour en fonction de ces changements, et à ce qu'il tienne compte d'un grand nombre de ces entreprises qui, pour la plupart, ne sont pas canadiennes. Il s'agit souvent d'entreprises internationales, et nous voulons nous assurer qu'elles sont incluses afin que les commerçants canadiens puissent comprendre ce qu'ils paient et comment ils le paient, et qu'ils puissent lire les relevés qu'on leur donne afin de pouvoir comparer les différents émetteurs. À l'heure actuelle, cela peut être très difficile.
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Oui. De fait, chez les diverses parties prenantes visées par la politique de la concurrence, les besoins varient. Bien souvent, leurs besoins et leurs intérêts sont en conflit. Telle est la réalité de la situation dans laquelle nous nous mettons avec l'examen de la loi.
Si je soulève la question, c'est que les milieux de la politique de la concurrence, de même que les experts, souhaitent, ou croient que nous pouvons, assainir la politique de la concurrence et la soustraire aux considérations d'ordre politique. Comme je l'ai expliqué dans mon exposé, ce n'est pas vraiment le cas, car si notre examen ne s'arrête pas aux intérêts conflictuels en jeu, nous ne faisons que reporter le problème. Nous le transférons à d'autres secteurs stratégiques. Je pense que cette façon de renvoyer la balle peut coûter plus cher au gouvernement et, au bout du compte, aux contribuables.
Dans l'exemple que j'ai donné, combien en coûterait‑il de plus à ISDE pour accorder plus de subventions ou offrir plus de programmes de soutien aux petites et moyennes entreprises? Cette aide pourrait-elle être en partie remplacée par une meilleure loi sur la concurrence et une meilleure application de cette loi?
La loi sur la concurrence a ceci de merveilleux qu'elle est à bien des égards assez peu coûteuse. Il suffit — ma foi, ce n'est pas si simple — de produire un texte et de créer un organisme d'application de la loi. Une bonne part du mécanisme n'est autre chose que la menace de l'application de la loi. Il y a un effet de dissuasion. La dissuasion est relativement peu coûteuse pour ce qui est des interventions stratégiques. Elle coûte beaucoup moins cher que la distribution d'argent aux petites entreprises ou aux consommateurs sous forme de baisses d'impôt et de transferts.
C'est ce que je veux dire. Nous devrons reconnaître que les intérêts des parties prenantes à la table se recouperont, car cela aura des incidences sur la façon dont la loi sur la concurrence rejoindra d'autres interventions stratégiques aux niveaux fédéral et, dirais‑je, provincial.
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C'est une bonne question.
À la fin, la réponse à cette question appartient aux PME, mais à mon avis c'est sur des marchés dynamiques qu'il est réaliste que les PME puissent prendre pied et atteindre une certaine échelle de grandeur afin d'être des concurrents efficaces.
Les marchés d'aujourd'hui — et surtout les marchés où il y a de grandes quantités de données et des effets réseau — ont ceci de tout à fait particulier qu'il est très difficile d'y entrer et de prendre de l'expansion. Cela tient en partie au modèle d'affaires et en partie aux avantages commerciaux légitimes dont jouissent les entreprises déjà là, mais aussi pour une bonne part à la nature des données et au rôle que les données peuvent jouer dans l'avantage concurrentiel. Selon moi, il faut nous demander si nous voulons que les grandes entreprises disposent de vastes quantités de données qu'elles pourront ensuite utiliser pour essentiellement se détacher de leurs concurrents ou se protéger contre d'éventuels nouveaux venus qui menaceraient leur position dominante.
Je pense qu'il peut y avoir des interventions stratégiques, tant par le biais de la législation sur la concurrence que peut-être aussi par le biais d'autres outils stratégiques comme les fiducies de données, qui permettent aux petites et moyennes entreprises d'accéder à ces données et de livrer une concurrence efficace sur le marché.
Encore une fois, cela rejoint certains des thèmes dont mes collègues et moi avons discuté dans le contexte de ce rapport d'ISDE.
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Merci, monsieur le président.
Mesdames et messieurs, c'est bien agréable de vous voir aujourd'hui. Je suis toujours impressionné par la qualité des témoins que nous recevons et des rapports qui sont déposés.
[Traduction]
Merci beaucoup pour ce que vous faites pour notre comité, et surtout pour le pays.
[Français]
Mes questions s'adressent à M. Blackburn, du Conseil du patronat du Québec.
Monsieur Blackburn, je vous présente mes hommages.
Pour mettre tout le monde au parfum, je précise que M. Blackburn a servi comme député à l'Assemblée nationale. Il connaît donc un peu la question à laquelle nous sommes confrontés aujourd'hui.
Je tiens aussi à saluer M. Hamel, du Conseil du patronat du Québec.
Monsieur Blackburn, je vous remercie de votre contribution. Vous avez donné un chiffre qui m'a surpris.
Vous avez bien dit qu'il y avait actuellement plus de chômeurs que d'emplois de disponibles. Est-ce bien cela?
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C'est effectivement le cas.
Dans le contexte actuel, comment expliquer que nous assistions à la plus grave pénurie de la main-d'œuvre de notre récente histoire collective alors que le taux de chômage se situe à 4,5 %?
C'est important de rappeler que la pandémie n'est pas la cause de la pénurie de la main-d'œuvre. La pandémie a accéléré la pénurie de la main-d'œuvre dans certains secteurs. Je pense, entre autres, aux secteurs du tourisme, de l'aéronautique, du commerce de détail et de l'hébergement. Or, dans d'autres secteurs, la croissance est vraiment exponentielle. Le déplacement d'un certain nombre de travailleurs fait que c'est important de donner de la formation, de hausser les compétences. La formation est un outil qui nous permettra de faire face à la situation.
Tantôt, j'ai écouté l'allocution de la représentante de la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante. L'une des choses qu'elle n'a pas mentionnées, mais qui nous apparaît importante, c'est de prolonger jusqu'à la fin de l'année les programmes mis en place pour soutenir les entreprises canadiennes durant la pandémie. Il faut le faire pour certains secteurs. Je pense aux secteurs de l'hébergement, de la restauration, du tourisme et de l'aérospatiale.
Pourquoi doit-on faire cela? C'est pour permettre à ces secteurs de faire un autre cycle économique, ce qui leur permettra d'avoir la capacité de renforcer leurs opérations. Malgré les circonstances, si le contexte actuel n'est pas maintenu plus longtemps pour ces secteurs névralgiques, mais plus fragilisés, les conséquences risquent d'être catastrophiques pour plusieurs d'entre eux.
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À mon avis, cela ne peut certainement pas nuire à la situation. D'une certaine façon, cela pourrait permettre de minimiser la pression actuelle, qui engendre la spirale inflationniste. Je rappelle que la spirale inflationniste est engendrée par une pression importante sur les marchés, qui n'arrivent pas à répondre aux besoins. C'est principalement dû aux chaînes d'approvisionnement qui ont été durement touchées par la pandémie. La réouverture des marchés fait que les chaînes d'approvisionnement subissent malheureusement une pression importante.
L'actuelle pénurie de la main-d'œuvre contribue également à engendrer cette spirale inflationniste. On voit bien qu'il y a une augmentation importante des salaires. À titre d'exemple, je parlerai du forum que nous tenons chaque année, à l'automne, sur les prévisions salariales pour l'année à venir.
Les estimations de tous les experts qui ont présenté les perspectives d'augmentations salariales pour l'année 2022 prévoyaient des augmentations situées entre 2,9 et 3,1 %. On est bien au-delà de cela. Pour certains secteurs durement touchés par la pénurie de la main-d'œuvre, l'augmentation se situe entre 25 et 30 %.
Une série d'événements, conjoncturels pour la plupart, font que cette pression est extrêmement importante. Nous sommes dans une spirale inflationniste.
Par l'intermédiaire de la Banque centrale, le gouvernement a un rôle à jouer pour réduire la pression inflationniste. Or, ultimement, tout le monde va payer, parce qu'il y a une hausse des taux d'intérêt. Un jour ou l'autre, il pourrait y avoir une récession, ce qui entraînerait d'importantes répercussions sur le plan économique. Trouver l'équilibre n'est pas simple. Ce qui va permettre de freiner la spirale inflationniste actuelle, ce n'est pas une simple mesure, mais bien l'accumulation de plusieurs mesures.
Le Canada peut s'inspirer de ce qui se fait ailleurs.
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Merci beaucoup, monsieur le président.
Merci à tous les témoins d'être là aujourd'hui.
En écoutant votre témoignage, je suis revenu à la motion. Il y a vraiment une distinction à faire entre la concurrence sur le marché intérieur et la concurrence sur le marché international, car le gouvernement aura un rôle très différent à jouer. Dans le cas de la concurrence internationale, nous nous pencherions sur l'image de marque, la valeur du dollar, notre avantage sur le plan du coût de la main-d'œuvre, les accords commerciaux et ainsi de suite. Je pense qu'aujourd'hui, particulièrement selon la conversation que nous avons ici, nous nous attachons avant tout à la concurrence sur le marché intérieur.
S'agissant du marché intérieur, nous devons nous intéresser au rôle du gouvernement. Nous avons parlé des coûts de la main-d'œuvre. Nous avons parlé des frais d'administration, des coûts logistiques pour les entreprises, des changements de comportement des consommateurs pendant la pandémie, et ainsi de suite. Chose plus importante encore, je pense, nous devons nous arrêter à l'économie intérieure.
Je vais vous laisser répondre. Seriez-vous d'accord pour dire que depuis deux ou trois ans le Canada, comparativement au reste du monde, sur le plan de la reprise économique et de la vigueur de son économie, a permis aux petites et moyennes entreprises de prendre de l'expansion et de se viabiliser, avec toute l'aide du gouvernement et l'uniformisation des règles du jeu?
Je vais commencer par Mme Pohlmann.
:
Merci, monsieur le président.
Ma question s'adresse à M. Blackburn ou à M. Hamel.
Je comprends que vous ne vouliez pas faire de déclaration-choc envers le gouvernement fédéral, mais j'aimerais quand même vous entendre davantage.
L'Association québécoise des avocats et avocates en droit de l'immigration a réussi à obtenir un aveu du gouvernement fédéral selon lequel on a mis de côté des dossiers de travailleurs qualifiés et on a causé volontairement des retards dans le traitement des dossiers du Québec. C'est un aveu que nous avons entendu aussi de la bouche du ministre l'an dernier.
À cause du fédéral, à l'heure actuelle, plus de 51 000 travailleurs qualifiés attendent d'être admis au Québec. Jamais autant d'immigrants n'ont attendu d'être admis au Québec et il est extrêmement difficile de savoir où leur demande est rendue.
Seriez-vous d'accord pour qu'on demande au fédéral d'admettre immédiatement ces 51 000 personnes? Ensuite, on pourrait reprendre le fil des choses. Évidemment, cela permettrait à tous les programmes de fonctionner à nouveau et à tous les gens de sortir d'une situation précaire, notamment nos entreprises qui ont investi dans le système et qui ont besoin de candidats qualifiés issus de l'immigration.
Qu'en pensez-vous?
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Merci, monsieur le président; et merci aux témoins qui sont là en personne ou en ligne.
Je vais commencer par un bref commentaire entre parenthèses sur l'énergie, avant d'aborder un autre sujet.
Je suis d'accord avec Nathaniel Erskine-Smith. La tarification du carbone est là pour rester. Elle est le signal d'un changement de comportement. Les personnes, les organisations et les entreprises qui polluent par le carbone doivent payer. Ils ne veulent pas payer, et ils finissent par changer de comportement. Donc, si nous leur remboursons tout ce qu'ils ont payé pour polluer, nous allons à l'encontre de notre objectif. Il faut que cela fasse un peu mal. C'est l'essentiel.
Ce sont les familles et les personnes qui touchent le remboursement, et cela améliore la situation au foyer. J'ajouterais que l'Institut climatique du Canada a dit, lors de la publication de notre plan de réduction des émissions pour 2030, que dans tous ses scénarios pour après 2030, le prix de l'énergie était moins qu'aujourd'hui. Par conséquent, je veux séparer l'énergie des autres difficultés auxquelles les entreprises sont confrontées, séparer la tarification de l'énergie et du carbone, parce que je pense que les deux sont très différents.
Je passe maintenant à mon argument, à savoir que le monde a changé. La Fédération canadienne de l'entreprise indépendante nous a dit que 90 % de ses membres constatent une augmentation de leurs coûts, et que 75 % pensent que cette augmentation est là pour rester. Il y a l'inflation salariale, qui pourrait être présentée comme une bonne chose. Il y a le coût du commerce interprovincial lorsqu'on traite avec des gouvernements infranationaux très puissants.
Il y a certains éléments pour lesquels le gouvernement fédéral pourrait être utile, comme les frais bancaires et les frais d'assurance. Mais les éléments fondamentaux de l'argumentaire ont changé pour les PME au Canada depuis que nous vivons dans un monde différent, et il y a une cohorte aujourd'hui qui est coincée par cette inflexion.
J'invite la chambre de commerce à intervenir et à se faire entendre, car nous ne vous avons pas entendu parler, pas plus que les autres témoins. Y a‑t‑il quelque chose dans la nature du capitalisme qui vous oblige à vous adapter aux conditions qui s'offrent à vous? Par exemple, madame Shaban, vous avez dit que le Canada n'est pas comme les autres pays en matière de concurrence. Nous sommes aussi un peu différents lorsqu'il s'agit de ce qu'on appelle parfois les « entreprises zombies ». Nous maintenons en vie des entreprises dont les éléments de l'argumentaire ont considérablement changé, et qui ont peut-être perdu leur raison d'être. Vous comprenez ce que je veux dire? Échouer rapidement, échouer à bon prix, passer à autre chose et survivre.
Je veux simplement inviter les gens à entreprendre un voyage de l'imagination sur le monde dans lequel nous vivons et sur la façon dont le gouvernement pourrait aider les entreprises à s'y adapter. C'est une grande question, et c'est maintenant que je la lance.
C'est une grande question à bien des égards, une question très philosophique. La plupart des gens seraient d'accord pour dire que c'est le fait du roulement, n'est‑ce pas? On voit naître et disparaître des petites entreprises tous les jours. Et c'est la même chose pour les grandes entreprises chaque année.
Aujourd'hui, la différence que nous devons reconnaître, c'est qu'une foule d'entreprises sont peut-être en difficulté et en fin de vie, mais ce n'est pas à cause de quelque chose qu'elles ont fait en tant qu'entreprise. Elles ont tout fait correctement, mais elles ont quand même dû fermer leurs portes. Elles ont dû faire des choses pour aider la société en général et, ce faisant, elles se sont lourdement endettées. Elles ont vécu beaucoup de stress. Elles ont perdu leurs employés et doivent trouver moyen de reconstruire. Telle est la différence, selon moi.
Je suis tout à fait d'accord avec vous pour dire qu'il faut s'adapter, parce que la société a changé et la concurrence aussi. C'est la nature même des choses, et les entreprises s'en accommodent. Cependant, dans une pandémie où les changements infligés ont fait naître des circonstances impossibles à contrôler, là je pense que c'est un peu différent, et que nous devons songer un peu plus aux moyens d'aider les entreprises qui pourraient encore être viables, pourraient encore avoir des chances dans l'avenir et sont disposées à changer. Des milliers d'entreprises l'ont fait. Un grand nombre se sont retournées et se sont adaptées et ont traversé la pandémie en travaillant autrement. Elles en sont aujourd'hui à un point de décision. Faut‑il revenir aux anciennes façons de faire, rester là où on en est ou prendre une autre direction?
Beaucoup d'entreprises le font chaque jour. Nous avons la chance d'avoir des gens qui sont prêts à le faire, mais nous devons néanmoins reconnaître qu'il y a des entreprises qui sont accablées de dettes. Nous devons faire preuve d'empathie et réfléchir à la façon dont nous pouvons encore les aider à s'en sortir, jusqu'à un certain point. Je conviens que viendra le moment où il faudra dire: « C'est fini. »
Voici une autre petite publicité sur le travail que je fais. Vivic Research a travaillé avec Horizons de politiques, le groupe de réflexion prospectif du gouvernement fédéral qui étudie la façon dont les grands changements technologiques peuvent transformer le paysage de la concurrence.
La question que vous soulevez rejoint notre réflexion préliminaire là‑dessus, car la montée de certaines technologies — en particulier, l'intelligence artificielle — entraînera inévitablement des déplacements. Une triste réalité est que la concurrence entraîne l'extinction de certaines entreprises. Ce roulement s'inscrit dans un environnement concurrentiel sain. Ce que nous devons surveiller — et c'est une chose qui revient constamment dans notre travail —, c'est que ces avancées technologiques ont tendance à afficher la même dynamique que les modèles d'affaires d'aujourd'hui, comme les plateformes de médias sociaux et la montée des mégadonnées, qui provoquent un effet boule de neige débouchant naturellement sur des entreprises dominantes.
La grande question à laquelle les décideurs devront trouver réponse n'est pas seulement de savoir ce que nous allons faire des gens que la concurrence aura chassés du marché, mais comment nous allons gérer le déplacement de la valeur économique qui s'en est suivie. Cela vaut non seulement pour les petites et moyennes entreprises, mais aussi pour les travailleurs.
C'est un peu plus facile à décortiquer avec les travailleurs. Si l'intelligence artificielle finit par remplacer mon emploi, où vais‑je aller? Comment vais‑je gagner ma vie si la valeur économique que je tirais de mon emploi est déjà saisie par le programme d'intelligence artificielle de Google?
Il y a un changement de bénéficiaire de la valeur économique des différentes activités du marché. Il est bien réel que cette valeur économique continuera d'être fusionnée par les grands acteurs numériques dominants dans notre économie.
Le roulement fait partie de l'histoire. J'estime que l'envers de la médaille de cette dynamique, c'est la valeur générée par l'entreprise. Où est allée cette valeur? Qui en profite, et comment veillons-nous à la partager au sein de l'économie pour répondre à tous nos besoins et participer à l'économie en toute autonomie?