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Je déclare la séance ouverte.
Bonjour à tous et à toutes.
Je vous souhaite la bienvenue à la vingt-cinquième réunion du Comité permanent de l'industrie et de la technologie de la Chambre des communes.
Conformément à l'article 108(2) du Règlement et à la motion adoptée par le Comité le vendredi 13 mai 2022, le Comité se réunit pour étudier l'objet de la partie 5, sections 15, 16 et 17 du projet de loi , Loi no 1 d'exécution du budget de 2022.
La réunion d'aujourd'hui se déroule sous forme hybride, conformément à l'ordre adopté par la Chambre le jeudi 25 novembre 2021. Les députés et les témoins peuvent participer en personne ou au moyen de l'application Zoom. Ceux qui ont la chance d'être ici, à Ottawa, connaissent les règles sanitaires qui sont toujours en vigueur. Prière d'agir en conséquence.
J'ai le plaisir de vous présenter nos témoins pour cette rencontre du Comité.
Avant toute chose, je tiens à offrir mes excuses aux témoins et à les remercier de leur patience. En effet, un vote a retardé le début de cette rencontre, et cela ampute un peu le temps que nous aurons pour la rencontre d'aujourd'hui, puisque nous devons terminer à 15 heures pile. Je vous remercie de votre patience et de votre collaboration.
À titre personnel, nous recevons de nouveau Mme Vass Bednar, directrice exécutive du Programme de maîtrise en politique publique dans la société numérique, de l'Université McMaster. Nous recevons, à Ottawa, Mme Jennifer Quaid, professeure agrégée et vice-doyenne à la recherche, Section de droit civil, Faculté de droit de l'Université d'Ottawa. Nous recevons aussi M. William Wu, associé, Concurrence, Antitrust et Investissements étrangers, chez McMillan.
De l'Institut C.D. Howe, nous recevons M. Benjamin Dachis, vice-président associé, Affaires publiques. De l'Association du Barreau canadien, nous recevons Mme Elisa Kearney, deuxième vice-présidente, Section du droit de la concurrence et de l'investissement étranger, ainsi que M. Dominic Thérien, secrétaire, Section du droit de la concurrence et de l'investissement étranger. Enfin, d'Unifor, nous recevons Mme Kaylie Tiessen, représentante nationale, Service de la recherche.
Je remercie tous les témoins d'être parmi nous.
Madame Bednar, vous avez maintenant la parole pour cinq minutes.
En plus de mon rôle de chef de file à l'Université McMaster, je suis l'une des plus ardentes défenseures de la réforme de la concurrence au Canada. J'ai contribué de façon modeste, mais significative à l'attention stratégique portée à ces questions par des éditoriaux d'opinion dans le Globe and Mail, le National Post, dans des recherches publiées par l'Université McGill et commandées par Innovation, Sciences et Développement économique Canada, ISDE, dans diverses entrevues en balado et dans ma lettre d'information « Regs To Riches ».
Je pense que je suis de retour ici pour discuter avec vous de la Loi d'exécution du budget parce que des gens s'agitent. Je ne parle pas des gens en général. Je parle des entreprises qui ont longtemps bénéficié de l'inertie de la politique sur la concurrence. Les suspects habituels ont perdu leur monopole sur cette conversation, ce qui signifie que les décideurs comme vous posent des questions vraiment importantes, en particulier sur la façon dont nous pouvons promouvoir des marchés plus dynamiques et équitables. C'est une bonne chose.
C'est une bonne chose parce qu'un sondage Ipsos réalisé au début de cette année a révélé que la plupart des Canadiens, soit 88 %, disent que nous avons besoin de plus de concurrence et qu'il est trop facile pour les grandes entreprises de profiter des consommateurs. À mon avis, ce genre de réunion de dernière minute du Comité INDU, organisée avec un préavis très court, un vendredi avant une longue fin de semaine, en est un parfait exemple — les grandes entreprises qui cherchent à fausser un processus d'élaboration de politiques qui devrait aller de soi.
Les modifications initiales à la Loi sur la concurrence qui sont actuellement contenues dans la Loi d'exécution du budget constituent un préalable indispensable à la réforme de la concurrence. De ce fait, malheureusement, elles sont aussi un peu un test. Elles permettent de déterminer si le Canada prend au sérieux la réforme de la concurrence. Pendant trop longtemps, cela n'a simplement pas été le cas.
Si vous examinez les données disponibles, vous constaterez que les prix ont tendance à augmenter après les fusions, malgré ce que les entreprises prétendent avant la fusion. Le Washington Centre for Equitable Growth a récemment créé une base de données interrogeable d'environ 150 articles économiques. Bon nombre de ces études montrent que l'approche permissive des autorités américaines a entraîné une hausse des prix et une diminution de la concurrence.
Il n'existe tout simplement pas de recherches canadiennes comparables, mais il y a beaucoup de choses que le Canada devrait apprendre des autres pays. Cela va au‑delà du fait de s'inspirer des idées de politiques et des modalités de leur mise en œuvre, il faut aussi voir cela comme une mise en garde au sujet du montant insensé des dépenses de lobbying — en général du fait des plus grandes entreprises de technologie — pour bloquer la modification des politiques antitrust. Une tactique répandue parmi les entreprises consiste à camoufler leurs points de vue par l'entremise de groupes de réflexion et d'universitaires de bonne réputation, ou même à créer des organismes fictifs conçus pour ressembler à des interventions locales authentiques, comme American Edge de Meta, ou le Connected Commerce Council d'Amazon et de Google.
Revenons à la question de savoir si ces amendements initiaux nécessitent une étude plus approfondie ou s'ils devraient être conservés. L'excellent travail effectué par votre comité a déjà permis d'explorer en profondeur le défi de la fixation des salaires. Divers intervenants s'entendent pour dire qu'il faut s'attaquer à ce problème. Devons-nous déterminer si les sanctions administratives pécuniaires proposées, les SAP, sont simplement trop sévères ou dissuasives? Eh bien, il y a toute une documentation qui examine les effets dissuasifs des amendes dans la législation sur la concurrence et qui appuie ce qui se trouve dans la Loi d'exécution du budget. Devons-nous débattre de la question de savoir si l'affichage de prix partiels est utile pour les consommateurs qui sont trompés sur les prix de détail réels en raison de cette tactique de marketing trompeuse?
Les changements proposés sont véritablement les plus faciles à réaliser. Nous ne devrions pas les examiner davantage à ce stade‑ci, car ils servent clairement l'intérêt public à un moment où les Canadiens subissent d'intenses pressions économiques. Ils amélioreront l'application de la loi. Ils ont été clairement annoncés dans un communiqué de presse de la en février, ils sont conformes à l'analyse du Bureau de la concurrence et ils ont fait l'objet de discussions publiques approfondies, y compris devant ce comité. Conservons dans la Loi d'exécution du budget ces modifications encourageantes et attendues depuis longtemps. Vous devez montrer aux Canadiens que les dirigeants d'Ottawa les protégeront et créeront les conditions propices à l'innovation et à l'entrepreneuriat.
Devrait‑on les étudier davantage? Oui. Nous pourrons étudier leur mise en œuvre. Nous pourrons débattre de la mécanique de cette mise en œuvre, et nous devrions appuyer davantage la recherche sur la dynamique de la concurrence au Canada, car nous en avons manifestement besoin. Nous n'avons plus besoin de manœuvres en coulisses ni de freiner la réforme.
Certaines personnes vous ont dit que le fait d'inclure des modifications dans le projet de Loi d'exécution du budget est antidémocratique. Il est vrai que les projets de loi budgétaires omnibus sont des outils démocratiques imparfaits, mais il est possible de mieux protéger les Canadiens qui doivent faire face à la hausse du coût de la vie.
Pouvons-nous discuter davantage des nuances de ces changements? Oui, et nous le ferons. Devrions-nous les laisser tomber tout de suite? Pas question. Il est impossible de justifier le statu quo en matière de concurrence au Canada, pourtant il perdure.
Les intervenants qui s'agitent en coulisse pourront faire part de leurs préoccupations lorsque le gouvernement lancera une vaste consultation ouverte, inclusive et indépendante sur la concurrence plus tard dans l'année. Une telle consultation a été annoncée et appuyée par les parrains de la concurrence au Canada, comme le sénateur Howard Wetston, Lawson Hunter et d'autres.
À ce moment‑là, les acteurs privés qui s'opposaient à ces modifications prometteuses — ces changements précoces, ces mesures préalables — pourront intervenir, au lieu de se cacher derrière leurs avocats ou de faire du lobbying en coulisse. Ils pourront expliquer publiquement pourquoi nous n'avons pas besoin de ces changements et convaincre les Canadiens. Ils pourront convaincre les Canadiens qu'il y a des cas où la fixation des salaires est parfaitement acceptable alors que le coût de la vie augmente. Ils pourront venir et convaincre les Canadiens que les SAP proportionnelles à la taille du délinquant ont un effet dissuasif beaucoup trop important. Ils pourront venir expliquer aux Canadiens pourquoi il est acceptable de cacher les prix réels aux gens qui magasinent en ligne.
C'est cela, la démocratie, et c'est ce dont nous avons besoin pour améliorer les lois canadiennes sur la concurrence.
Merci.
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Monsieur le président et honorables membres du Comité, cela me fait plaisir de comparaître devant vous à nouveau ce vendredi.
La semaine dernière, nous avons eu de très beaux échanges au sujet des modifications à la Loi sur la concurrence, dans le cadre de votre étude sur les petites ou moyennes entreprises. Je me réjouis aujourd'hui de pouvoir poursuivre la discussion sur les modifications dans un contexte plus large.
Je tiens à souligner également que le groupe de témoins que vous avez convoqués, dont je connais la plupart sur le plan personnel, sinon de réputation, est impressionnant. Vous bénéficierez sans doute des propos fort éclairants et stimulants de toutes et de tous.
Je me présente pour ceux qui ne me connaissent pas. Je m'appelle Jennifer Quaid. Je suis professeure agrégée et vice-doyenne à la recherche à la Section de droit civil de l'Université d'Ottawa. Mes domaines d'expertise se trouvent principalement au carrefour du droit des affaires et du droit pénal: le droit pénal des entreprises, le droit de la concurrence, le droit anticorruption et les crimes économiques, le droit des affaires ainsi que le droit pénal général.
[Traduction]
Je ne répéterai pas ce que j'ai dit la semaine dernière. J'ai déploré le recours à un projet de loi budgétaire pour apporter des modifications de fond à la Loi sur la concurrence. Mon opinion n'a pas changé à ce sujet. L'utilisation de la Loi d'exécution du budget comme procédure de modification accélérée, aussi bien intentionnée soit-elle, est une pratique devenue incontrôlable. Cela mine la légitimité des dispositions qui sont adoptées de cette façon, parce qu'il n'y a pas de temps pour débattre de leur bien-fondé, même s'il y a accord, et il n'y a pas de possibilité de mener un examen et de formuler des commentaires constructifs pour s'assurer que les dispositions fonctionnent comme prévu.
J'y ai fait allusion la semaine dernière. Je n'entrerai pas dans les détails maintenant, parce que nous sommes en retard et à court de temps, mais on peut prendre l'exemple de la partie XXII.1 du Code criminel, qui a été adoptée à la hâte et qui constitue un changement important au droit pénal. Nous récoltons ce que nous semons, parce que nous avons entendu la semaine dernière en cour des arguments qui laissent entendre que, contrairement aux intentions, il y a eu des arguments complètement différents. Je pense qu'il faut faire attention aux amendements précipités.
Cependant, je veux être pragmatique aujourd'hui. Mes observations porteront sur la façon d'aller de l'avant dans les conditions tout sauf optimales dans lesquelles nous nous trouvons. J'ai pris à cœur le conseil qui m'a été donné par un collègue lorsque je rédigeais ma thèse de doctorat: « Attention, mieux est l'ennemi du bien. »
[Français]
Je passerai en revue la teneur des modifications proposées dans le but de souligner ce qui est bon, en dépit du fait que ces modifications auraient pu être meilleures si nous avions pu bénéficier de plus de temps et de consultations. Il va de soi que je partage avec vous des réflexions formées au cours d'une période intensive. En effet, vous nous avez fait travailler pas mal fort au cours des dernières semaines. Il se peut que je change d'avis ou que mes réflexions évoluent avec le temps.
Sur les huit modifications proposées, il n'y en a qu'une qui n'est pas bonne. J'insisterai là-dessus. Il s'agit de la disposition qui propose l'ajout d'une infraction liée au fait de fixer des salaires et que l'on retrouve au paragraphe 45(1.1). Nous pouvons en discuter. J'ai beaucoup à dire à ce sujet. Je trouve qu'il y a énormément de problèmes, tant sur le principe — est-ce la solution aux problèmes envisagés? — que sur l'exécution même, c'est-à-dire le libellé de la disposition. Cela mérite beaucoup plus d'études.
Pour le reste, je trouve que les modifications, même si elles ne sont pas parfaites, peuvent être adoptées sans qu'il y ait une catastrophe.
[Traduction]
J'ajouterais que dans presque tous ces cas, les amendements, même s'ils sont imparfaits, pourraient être complétés, disons, par des conseils du Bureau de la concurrence et la publication de lignes directrices sur l'application de la loi. J'espère vraiment que cela se fera rapidement, car certains de ces changements auront besoin d'appui.
Je vais procéder très rapidement et faire un bref commentaire de chaque amendement, mais bien sûr, je serai ravie d'en discuter en détail plus tard.
L'augmentation de l'amende prévue à l'article 45, à la discrétion du tribunal, rend cette amende conforme aux autres dispositions importantes de la loi, soit les articles 46, 47 et 52, mais je tiens à prévenir le Comité qu'il y a une forte escalade des peines au titre des dispositions pénales de la loi, et je pense que cela mérite d'être examiné lors de la deuxième étape. Cela donne l'impression d'être élégant et symétrique, mais cela cache un problème plus important.
Il y a ensuite les changements apportés aux SAP. Il y a eu beaucoup de débats à ce sujet. Mes amis de l'ABC auront beaucoup à dire là dessus. Disons que nous devons nous concentrer sur l'élément clé, c'est-à-dire que les ajouts se rapportent aux cas où nous dépassons le maximum. Je pense que cela restreint un peu nos préoccupations pour vraiment nous concentrer sur les cas où nous serions au‑dessus de ces maximums. Nous ne parlons pas des PME; nous ne parlons pas des petites entreprises. Nous parlons de grandes entreprises. Nous parlons de Facebook et consorts. Je pense qu'il faut mettre cela en contexte.
Je reconnais qu'il y a des choses dont nous pouvons débattre, comme les paramètres.
Pour ce qui est des prix partiels, oui, il y a certaines choses qui auraient pu être mieux faites, mais au bout du compte, le Bureau de la concurrence fait déjà respecter l'interdiction des prix partiels; le projet de loi est simplement plus précis. Je pense que nous pouvons laisser place à des modifications ou à des retouches. Je pense qu'il y a certaines choses qu'il faudra examiner, mais je pense aussi que les conseils du Bureau de la concurrence en matière d'application de la loi pourraient nous aider en attendant de pouvoir modifier la disposition comme nous l'entendons.
De nouveaux facteurs ont été ajoutés à l'abus de position dominante, aux régimes de fusions et de collaboration civile en lien aux éléments de l'économie numérique comme la protection des renseignements personnels des consommateurs, la référence indirecte aux concurrents émergents et ainsi de suite. Le libellé est un peu plus précis que je ne le suis actuellement. Je ne pense pas que cela pose vraiment problème. Le Bureau de la concurrence tient probablement déjà compte de ces dispositions par l'entremise des dispositions omnibus qui figurent dans chacun de ces articles, et nous ne faisons qu'être plus transparents à ce sujet.
Encore une fois, est‑ce le point final? J'en doute. En fait, je pense qu'au cours de la consultation, nous aurons probablement une discussion de fond sur la question de savoir si nous devons restructurer certains de ces cadres analytiques, mais à court terme, je ne pense pas que ce soit un gros problème. D'autres pays tiennent également compte de ces facteurs.
Je vais aller très vite. Pour ce qui est du droit privé d'action, j'entends mes amis dire qu'ils craignent que cela puisse être utilisé comme moyen pour des concurrents insatisfaits de cibler de façon injustifiée des entreprises dominantes. Je ne suis pas certaine de partager leurs préoccupations, et j'aimerais savoir quel genre de preuve nous donne à penser que c'est vraiment un problème. Ce qui m'inquiète le plus, c'est qu'un droit privé d'action ne peut pas être considéré comme quelque chose qui diminue le rôle du commissaire de la concurrence, parce qu'il a encore un rôle important à jouer ici. Ce n'est pas une économie en matière d'application de la loi; c'est un complément.
Pour ce qui est des modifications aux dispositions relatives à l'abus de position dominante, je pense qu'elles ont été proposées par le professeur Iacobucci, qui est très prudent au sujet de la modification de la loi, mais qui pense qu'il y a une lacune, et j'ai tendance à être d'accord avec lui. Encore une fois, ce n'est pas parfait, et peut-être que nous allons restructurer l'abus de position dominante de façon complètement différente après la consultation, mais pour l'instant, je ne crois pas que cela va créer un énorme problème à court terme, car les dossiers des procès pour abus de position dominante prennent du temps à être montés et analysés.
En ce qui concerne l'anti-évitement général et les révisions à l'article 11, il s'agissait de deux demandes du commissaire de la concurrence, et je pense que nous devons garder à l'esprit que... Je ne peux pas substituer mon jugement à ce qu'il juge nécessaire. Le Comité pourrait peut-être lui demander des détails et des exemples pour étoffer la question. Y a‑t‑il un problème d'anti-évitement? Je ne peux pas me prononcer de façon factuelle sur la question de savoir si cela va trop loin ou si cela va poser un problème. Je suis sûre que mes amis de l'ABC auront d'autres choses à dire à ce sujet.
Je veux conclure — et je sais que mon temps est écoulé — en disant que c'est la première étape. J'essaie d'être pragmatique et de vous donner des suggestions sur la façon de passer à la deuxième étape, qui est vraiment importante. Nous avons besoin de cette consultation; nous avons besoin d'une analyse de fond.
[Français]
Je ne peux pas souligner assez l'importance de tenir une consultation aussi large que possible.
Il faut mettre à jour notre politique économique et notre Loi sur la concurrence, mais cela doit se faire dans une perspective qui permet de définir les grandes valeurs que nous cherchons à prôner par le truchement de notre politique économique. La mise en place d'une architecture de gouvernance robuste, surtout en matière de technologie numérique, et l'adoption de lois cohérentes ne pourraient pas se faire sans cette étape essentielle.
Je vais m'arrêter ici. Je demeure à la disposition des membres du Comité pour répondre à leurs questions.
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Merci beaucoup de me donner l'occasion de comparaître devant le Comité. Je m'appelle William Wu. Je suis partenaire au sein du groupe de la concurrence et des investissements étrangers chez McMillan, à Toronto.
Près de 15 ans se sont écoulés depuis le dernier grand examen du droit et de la politique de la concurrence au Canada. Tout le monde ici serait sans doute d'accord pour dire qu'il est temps de revoir notre droit de la concurrence. À cet égard, je félicite le d'avoir annoncé un vaste examen de la Loi sur la concurrence. Cette consultation devra être vaste et inclusive. Je pense que tout le monde ici est d'accord.
Cela dit, je ne comprends pas trop bien pourquoi nous devons faire toutes ces modifications selon ce processus dès maintenant, alors que les consultations plus vastes auront lieu au cours des prochains mois, sauf erreur. En ce qui concerne la fixation des salaires et l'interdiction de maraudage en particulier, dans le projet de loi même, cette disposition ne devrait entrer en vigueur qu'un an après la sanction royale de la Loi d'exécution du budget. On envisage déjà la nécessité de revenir sur cette disposition. Compte tenu du délai déjà prévu, je ne vois pas de raison contraignante pour appliquer tout de suite cette disposition particulière par le processus de réglementation.
Quant à la substance de la disposition sur l'interdiction de maraudage et la fixation des salaires, je partage la préoccupation de M. Quaid, à savoir que le droit pénal n'est peut-être pas le bon instrument pour régler ce problème. Pour ce qui est de l'entente sur la fixation des salaires et l'interdiction de maraudage, je pense que nous pouvons vraiment y voir une question de droit de la concurrence ou de droit du travail et de l'emploi. Dans la mesure où il s'agit d'une question de droit de la concurrence, le problème serait que les employeurs conviennent de ne pas se faire concurrence par leurs pratiques de recrutement ou de rémunération. Si c'est un problème, je dirais que le droit pénal, utilisé pour créer une interdiction explicite, est un instrument trop grossier.
Il y a de nombreuses raisons légitimes et favorables à la concurrence pour lesquelles les employeurs pourraient vouloir discuter entre eux de leurs pratiques de recrutement et de rémunération. Je pourrai en parler plus en détail plus tard. Il est loin d'être évident que ce genre d'entente sera toujours préjudiciable pour les employés en les privant de meilleurs salaires ou d'occasions d'emploi. Dans ce contexte, étant donné qu'il peut y avoir des ententes préjudiciables d'interdiction de maraudage et de fixation des salaires, et qu'il peut y en avoir d'autres qui soient légitimes, l'application de la disposition actuelle de l'article 90.1 de la Loi concernant les pratiques pouvant faire l'objet d'un examen en contexte de droit civil constitue un cadre approprié du droit de la concurrence pour régler ces questions.
Dans la mesure où l'on se préoccupe de la protection des travailleurs, et en particulier des travailleurs à petit salaire, cela relève traditionnellement plus du droit provincial du travail et de l'emploi que du droit de la concurrence. Je ferai valoir que le droit du travail et de l'emploi et les organismes de réglementation qui l'appliquent sont mieux équipés et ont plus de connaissances et d'expérience pour traiter de ces enjeux.
Je m'arrête là pour l'instant, étant donné que nous avons peu de temps aujourd'hui. Je serai heureux de répondre à vos questions. J'ai d'autres vues sur d'autres modifications, et en particulier sur la disposition relative aux prix partiels, dont je pourrai parler pendant la période des questions.
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Bien sûr. Je suis désolé.
Avec des peines aussi importantes, il y aurait un risque de dissuasion excessive, et les entreprises pourraient hésiter à adopter des pratiques susceptibles d'être avantageuses pour les Canadiens. Ces amendes exposeraient le Canada à des risques pour sa réputation, étant donné qu'elles seraient à un niveau disproportionné pour les multinationales étrangères.
Les risques de dissuasion excessive sont amplifiés par les changements à la qui permettront aux parties privées de s'adresser au tribunal pour déposer une plainte d'abus de position dominante. Bien que les plaideurs n'aient pas alors la possibilité de recevoir eux-mêmes des dommages-intérêts, les défendeurs dans une affaire d'abus de position dominante intentée par des intérêts privés s'exposeront à une amende importante à payer au gouvernement. Cela va bien au‑delà du rôle approprié — et il y a un rôle approprié pour les poursuites d'initiative privée pour abus de position dominante — et cela risque de créer des « shérifs privés », où des plaintes déposées devant le tribunal par des concurrents pourraient entraîner des amendes disproportionnées imposées par le gouvernement aux parties.
Quant aux ententes sur la fixation des salaires et l'interdiction de maraudage, il y a de très bonnes raisons juridiques et économiques de s'y attaquer. Sur le plan économique, la fixation des prix et la fixation des salaires se ressemblent. Cependant, comme nous l'avons entendu à quelques reprises aujourd'hui, le libellé de la nouvelle modification est trop général et crée beaucoup d'incertitude.
On ne sait pas trop si le terme « employé » englobe toutes les catégories de travailleurs. Il n'y a pas de définition d'« employeur » ni d'« employé » dans la Loi sur la concurrence. Étant donné la nature changeante de l'emploi, ainsi que les différentes définitions provinciales des relations employeur-employé, les modifications proposées pourraient profiter de consultations significatives des experts en droit de l'emploi œuvrant directement au gouvernement, par opposition à ce qu'un seul comité comme celui-ci ou un seul sénateur comme le sénateur Howard Wetston peut gérer par lui-même.
Je peux aborder diverses approches de la fixation des salaires dans les questions, mais William Wu est un véritable expert en la matière, si bien que je m'en remets à lui en particulier.
La dernière chose de substance est que l'indication de la vie privée comme caractéristique spécifique de la concurrence hors prix, indépendamment de la qualité du produit, soulève des questions précises. Si la protection de la vie privée est distincte de la qualité du produit, que cela signifie‑t‑il au juste? Les affaires de droit de la concurrence — les fusions, par exemple — vont-elles soulever un enjeu de protection de la vie privée même si les questions de concurrence ne posent par ailleurs pas de problèmes? Encore une fois, on aurait eu avantage à mener de plus vastes consultations sur la modification.
Je conclus avec le problème fondamental, c'est‑à‑dire le processus. Les problèmes liés à la nous rappellent des préoccupations semblables sur le processus qui ont accompagné les changements législatifs à la Loi sur la concurrence en 2009 via le processus budgétaire. Certaines des modifications proposées dans la Loi d'exécution du budget reflètent maintenant des correctifs législatifs destinés à redresser ce processus vicié. Mais l'application du même processus vicié débouche inévitablement sur une surcorrection et la nécessité d'apporter des modifications législatives plus tard, qui — chose plus importante — n'atteindraient pas l'objectif du gouvernement d'améliorer le fonctionnement de la Loi sur la concurrence.
Qu'est‑ce que cela signifie, concrètement? L'exclusion de la section 15 de la serait la bonne approche. Si cela n'est pas possible, le comité devrait recommander que la date de proclamation pour toutes les dispositions — et pas seulement certaines — soit fixée à un an à compter de l'adoption. Le gouvernement doit aussi nous en dire plus sur ses plans de consultation, comme il l'a promis.
Les changements proposés peuvent être vus de concert avec d'autres changements proposés qui feraient partie d'une deuxième étape rapide de l'examen de la Loi sur la concurrence. Il pourrait être imprudent de procéder directement à ces modifications, surtout celles qui pourraient être inconstitutionnelles, de les mettre en vigueur sans autre consultation. Nous pouvons régler les détails de la mise en œuvre des changements avant leur entrée en vigueur, quitte à repousser la proclamation.
Ce sera tout pour ma déclaration d'ouverture. Je répondrai avec plaisir à vos questions.
Merci encore une fois de m'avoir invité à parler de ces choses‑là.
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Pour commencer, disons que l'ABC croit fermement que les modifications proposées à la Loi sur la concurrence ne devraient pas être dans la Loi d'exécution du budget. Étant donné le rôle critique de la Loi sur la concurrence dans la promotion de marchés dynamiques et équitables, et étant donné l'importance de l'innovation, il faut des consultations significatives et rigoureuses pour être sûr d'atteindre les objectifs de politique qui sous-tendent les modifications proposées.
L'ABC appuie le gouvernement dans son examen continu de la Loi sur la concurrence, mais estime qu'il faut continuer de modifier, d'étudier et de peaufiner les modifications proposées dans la LEB pour améliorer le fonctionnement de la loi et ne pas créer de conséquences défavorables imprévues.
Permettez-moi de vous donner quelques exemples.
Dans le cas de l'abus de position dominante, nous craignons que les modifications de fond proposées ne soient trop générales et n'aient pour conséquence imprévue d'amoindrir en fait la concurrence. Ces préoccupations sont renforcées par les modifications à la LEB qui permettent aux parties privées de demander réparation. L'ABC craint que les concurrents se servent des menaces de poursuites privées et de lourdes pénalités pour dissuader les rivaux d'adopter une conduite susceptible de favoriser la concurrence et d'être avantageuse pour les Canadiens.
En ce qui concerne les sanctions, la LEB propose de porter le montant des sanctions administratives pécuniaires pour les pratiques commerciales trompeuses et l'abus de position dominante à trois fois la valeur de l'avantage obtenu ou, si cet avantage ne peut être raisonnablement établi, à 3 % des revenus bruts mondiaux annuels. De l'avis de l'ABC, il n'y a pas de politique pour tenir compte des avantages venant de l'extérieur du Canada ou des ventes effectuées à l'extérieur du Canada lorsqu'il s'agit de déterminer la sanction appropriée. L'ABC est d'avis que toute tentative de lier une SAP à l'avantage dérivé ou aux revenus globaux devrait se limiter aux avantages et aux revenus produits au Canada.
Comme on vous l'a dit, l'imposition de lourdes sanctions pour des comportements non criminels pourrait poser des problèmes constitutionnels. Nous craignons que des montants punitifs ne ternissent la réputation du Canada aux yeux des entreprises étrangères comme bon endroit où faire des affaires, ce qui aurait des effets négatifs sur l'économie canadienne.
Mon collègue, Me Thérien, a quelques autres exemples.
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On vous a déjà dit que j'aimerais traiter des modifications proposées pour la fixation des salaires et l'interdiction de maraudage. La Loi d'exécution du budget étendrait l'infraction de complot criminel prévue à l'article 45 à ce genre d'ententes d'interdiction de maraudage et de fixation des salaires.
L'ABC est d'avis que l'infraction criminelle pour les ententes de fixation des salaires et d'interdiction de maraudage n'est peut-être pas la façon la plus efficace d'améliorer le fonctionnement de la Loi. L'article 90.1 de la Loi prévoit déjà une procédure d'application non criminelle pour les ententes sur la fixation des salaires et l'interdiction de maraudage, mais cet article n'a jamais été invoqué. Il y aurait moyen d'améliorer cette disposition pour qu'elle soit plus efficace, sans invoquer la responsabilité criminelle, pour laquelle, bien sûr, le fardeau de la preuve est plus compliqué et qui est donc plus difficile à plaider.
Nous craignons que les modifications proposées, dans leur forme actuelle, soient à la fois trop et pas assez inclusives.
En premier lieu, l'infraction proposée de fixation des salaires s'appliquerait essentiellement aux ententes concernant les conditions d'emploi. Le terme « conditions d'emploi » est sans aucun doute très large et ambigu, c'est le moins qu'on puisse dire.
Si nous passons maintenant à l'infraction proposée d'entente d'interdiction de maraudage, je vais répéter ce qui a été dit tout à l'heure, à savoir que cela ne s'appliquerait qu'aux « employés », un terme non défini. Je suis d'avis que, compte tenu de la nature changeante des relations d'emploi dans l'économie canadienne, nous devrions nous demander si cette disposition est justifiée pour nous assurer qu'elle traduit vraiment les objectifs stratégiques du gouvernement.
Nous voulons aussi attirer l'attention du Comité sur le fait qu'une infraction en vertu de l'article 45 entraîne essentiellement des conséquences collatérales importantes. Tout d'abord, nous parlons des risques de recours collectif, ainsi que des risques d'exclusion, de la perte de qualifications ou de disqualification pour les marchés publics. Ces questions n'ont pas été discutées. Il faudrait en débattre à fond avant de nous précipiter pour criminaliser les ententes sur l'interdiction de maraudage et sur la fixation des salaires, en vertu de l'article 45 dans le cadre du processus du projet de la Loi d'exécution du budget.
[Français]
Cela conclut notre allocution d'ouverture.
Nous serons heureux de répondre à vos questions.
Nous vous remercions de nouveau de nous avoir invités à venir vous présenter nos préoccupations aujourd'hui.
Je m'appelle Kaylie Tiessen. Je suis économiste et analyste de politiques au service de recherche d'Unifor. Je suis ici pour discuter des changements initiaux tant attendus à la politique de concurrence du Canada qui figurent dans le projet de loi d'exécution du budget.
C'est la troisième fois en un peu moins de deux ans qu'Unifor comparaît devant votre comité pour discuter du problème de la fixation des salaires au Canada. La première fois, c'était en 2020, soit lorsque notre président, avec deux dirigeants syndicaux locaux du secteur de l'alimentation sont venus demander au Comité de faire enquête sur les cas flagrants de fixation des salaires survenus dans le secteur lorsque les grands magasins d'alimentation ont tous annulé la prime de pandémie le même jour. La deuxième fois, c'était au printemps de 2021, c'est‑à‑dire lorsque j'ai comparu pour discuter de nos recommandations visant à renforcer la Loi sur la concurrence. Nous voulons améliorer les résultats pour les travailleurs et les consommateurs canadiens par une Loi sur la concurrence qui permettra la mise en place des conditions propices à une saine concurrence au pays.
Je suis ici devant vous pour la troisième fois afin de vous rappeler quatre choses. Premièrement, la criminalisation des ententes de fixation des salaires et d'interdiction de maraudage est le strict minimum à faire pour favoriser une concurrence loyale sur le marché du travail au Canada. Deuxièmement, les ententes de fixation des salaires et d'interdiction de maraudage étaient autrefois considérées comme des infractions criminelles dans la Loi sur la concurrence. Troisièmement, deux cas flagrants de comportement anticoncurrentiel sur les marchés du travail ont été rejetés par les enquêteurs du Bureau de la concurrence — dans les 18 derniers mois — en raison du seuil élevé qu'exige le droit civil, et non pas parce qu'un agent de la concurrence a jugé que les mesures concernées n'allaient pas à l'encontre de la concurrence. Quatrièmement, les sanctions administratives pécuniaires sont censées être assez sévères pour décourager le comportement, plutôt qu'assez faibles pour être comptabilisées comme simple coût d'exploitation.
Voyons plus en détail chacune de ces quatre questions séparément.
D'abord, faire le strict minimum. La criminalisation des ententes sur la fixation des salaires et l'interdiction de maraudage n'est qu'un des nombreux changements nécessaires pour améliorer les résultats pour les travailleurs et les consommateurs par l'élimination des comportements anticoncurrentiels.
Dans sa forme actuelle, la Loi sur la concurrence ne s'intéresse pas du tout aux effets d'un comportement anticoncurrentiel sur les travailleurs. Le Bureau peut intenter des poursuites en cas de comportements anticoncurrentiels qui touchent les travailleurs, dans le cadre de ses examens de fusions et peut-être par d'autres dispositions d'ordre civil, comme l'article 90.1 — dont on nous a déjà parlé aujourd'hui — qui traite des collaborations entre concurrents. Mais, jusqu'ici, nous n'avons trouvé aucune indication que le bureau ait mené une enquête sérieuse. C'est en partie parce que le seuil est trop élevé; il aurait aimé intenter des poursuites pour cela, mais il n'a pas pu. Cela signifie que le Canada pourrait autoriser des mesures qui abaissent artificiellement les salaires et les conditions de travail et diminuent le bien-être des travailleurs à l'échelle de l'économie, alors que nous n'avons même pas les outils pour voir si cela se produit. Une récente recherche du Département du Trésor a révélé que les comportements anticoncurrentiels sur les marchés du travail américains ont ralenti la progression des salaires de 20 %, c'est‑à‑dire qu'ils sont 20 % plus bas qu'ils ne l'auraient été en l'absence de tout comportement anticoncurrentiel.
Deuxièmement, les ententes de fixation des salaires et d'interdiction de maraudage étaient auparavant des infractions criminelles en vertu de la Loi sur la concurrence. Ce n'est qu'à la suite d'un changement en 2009 que ces actions ont été reléguées au domaine du droit civil, où la Loi traîne et demeure inefficace contre le comportement anticoncurrentiel que je viens de mentionner. Nous sommes à la traîne pour ce qui est des droits des travailleurs dans le contexte du droit de la concurrence, et vous avez devant vous aujourd'hui la possibilité de corriger cela.
Mon troisième rappel est qu'il y a deux cas récents qui ont été rejetés par les agents à la concurrence en raison du seuil de preuve élevé en droit civil. Le premier est que les magasins d'alimentation ont annulé en même temps, le même jour, la prime de pandémie, dont j'ai parlé tantôt, et dont nous avons parlé maintes fois aujourd'hui. Le deuxième est un recours collectif accusant les franchises de Tim Hortons en Colombie-Britannique de réduire artificiellement les salaires et les conditions de travail des travailleurs de l'industrie par des ententes d'interdiction de maraudage. Ces deux cas ont été rejetés en vertu du droit de la concurrence au cours des 18 derniers mois en raison du seuil élevé de preuve requise, et pas seulement parce qu'un fonctionnaire responsable de la concurrence a jugé que les mesures prises n'étaient pas anticoncurrentielles.
Quatrièmement, les sanctions administratives risquent de devenir un simple coût d'exploitation. Le Bureau de la concurrence a dit vouloir éviter cette situation. Je suis d'avis que les sanctions administratives doivent être suffisamment sévères, pour décourager le comportement que la Loi vise à interdire, et non assez faibles, pour que les entreprises puissent tout simplement absorber le coût de la violation de la Loi.
J'ai d'autres recommandations à faire au sujet de l'examen de la Loi sur la concurrence qui aura lieu plus tard cette année, et je me réjouis à la perspective de revenir ici pour toutes les exposer à votre comité.
Les travailleurs canadiens sont directement et indirectement touchés dans leur quotidien par la politique de concurrence du Canada. D'après mon expérience, le Bureau n'a pas le pouvoir nécessaire pour empêcher les comportements anticoncurrentiels qui pourraient avoir des conséquences négatives sur les salaires ou les conditions de travail au Canada.
Merci. Je serai heureux de répondre à vos questions.
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Je vous remercie, monsieur le président.
Le Comité permanent de l'industrie et de la technologie a été saisi à plusieurs occasions de pratiques anti-concurrentielles, notamment en ce qui concerne les technologies des télécommunications, les grandes sociétés de technologie, et ainsi de suite. Nous avons également abordé ce sujet lors de notre étude sur la pénurie de main-d'œuvre touchant les petites ou moyennes entreprises.
Nous avons entendu plusieurs témoignages au sujet de la diminution considérable de la concurrence, qui devrait faire l'objet d'un examen. Nous pouvons penser aux témoignages de Mme Vass Bednar, de Mme Jennifer Quaid et de M. Edward Iacobucci, qui ont tous parlé de fusion d'entreprises et de diminution des joueurs, situations de plus en plus présentes dans le marché. Nous avons aussi entendu des témoignages de Mme Robin Shaban et de Mme Yelena Larkin à ce sujet.
J'aimerais que nous puissions tenir compte de leurs témoignages dans l'analyse que nous allons envoyer au Comité permanent des finances. Ces témoignages devraient peut-être aussi faire partie de nos recommandations.
En 2020‑2021, notre comité a aussi fait une étude qui a permis de mettre en lumière le pouvoir d'un petit groupe d'épiciers qui s'étaient entendus pour réduire les primes liées à la COVID‑19. L'étude a permis de voir comment ces derniers pouvaient exercer un pouvoir plus grand quant à la vente d'une majorité d'aliments. Ces exemples sont loin d'être uniques, et cela soulève de plus en plus de préoccupations, car d'autres situations nous échappent.
Le commissaire de la concurrence, M. Matthew Boswell, a choisi de ne pas poursuivre l'affaire, parce que la Loi sur la concurrence, dans sa version actuelle, considère que la fixation des salaires n'est pas un acte criminel. Seuls les accords conclus entre concurrents pour fixer le prix des marchandises sont considérés comme un acte criminel.
J'aimerais poser ma question à Mme Tiessen, d'Unifor.
Madame Tiessen, pensez-vous que les modifications apportées auront un effet dissuasif auprès des employeurs qui seraient tentés d'utiliser des pratiques maintenant définies comme étant anti-concurrentielles?
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Je vais essayer d'être aussi brève que possible. C'était l'une des raisons pour lesquelles j'ai formulé ma déclaration d'ouverture différemment de l'autre fois.
Je laisse ici de côté la question de l'infraction liée à la fixation de salaires, qui mérite une séance à part, à mon avis, lors de laquelle je serais heureuse de vous donner beaucoup plus de commentaires à ce sujet. Je mets également de côté le fait que je n'aime pas le recours à une loi budgétaire. Pour ce qui est des autres dispositions, je suis d'avis que ce sont des modifications qui ne surprennent pas et qui sont justifiables, étant donné le fait que nous tentons de nous rattraper.
Je pense que ma perspective sera un peu différente de celles de certains de mes collègues sur le fait que nous ferons l'objet de critiques ou que notre réputation en souffrira. Dans le cadre de l'entente de consentement conclue avec Facebook, la sanction que nous avions infligée était de 9,5 millions de dollars, presque le maximum possible. Les États‑Unis ont pour leur part infligé une sanction de 5 milliards de dollars.
Je pense que la possibilité d'augmenter le montant n'est pas problématique en soi. Nous sommes très en deçà des amendes infligées par des pays européens et les États‑Unis. Devons-nous aller aussi haut qu’eux? La réponse est non. Ce n'était là qu'un exemple.
J'y réfléchissais cette semaine et vous reconnaîtrez que nous sommes en évolution. Je pense que notre reconnaissance graduelle constitue un pas intermédiaire. Par contre, je ne voudrais surtout pas que ce pas intermédiaire devienne permanent, car ce serait une erreur.
Dans la mesure où nous ne pouvons pas y arriver d'un seul coup, nous voulons envoyer un message à la fois aux acteurs du marché, aux consommateurs, aux citoyens canadiens, aux entreprises quelles qu'elles soient et à nos partenaires internationaux. Je pense que c'est une bonne idée de faire au moins ces petits pas.
J'ai cependant une réserve. J'estime, en effet, que le Bureau de la concurrence devrait publier rapidement des lignes directrices claires sur la mise en application qu'il envisage pour certains de ces éléments. Je ne suis pas persuadée que nous avons besoin de suspendre l'application des dispositions. Laissant de côté l'infraction liée à la fixation de salaires, je pense que nous pourrions aller de l'avant. Or, il serait vraiment important que le Bureau réponde à l'appel et qu'il encadre ces changements.
Il est très important de comprendre que des modifications à la loi ne constituent pas une recette magique. Cela ne change pas une culture ou une mise en application. Cela ne change pas les choses. C'est pour cela que nous avons besoin d'encadrement par l'agence qui est responsable de veiller à l'application de la loi pour moduler et accompagner ces modifications. Le Bureau est très bon pour consulter. Il va proposer des lignes directrices auxquelles réagiront les gens, dont mes amis qui participent virtuellement à la présente réunion.
Nous travaillons pour que cela soit bien fait. Je pense donc que c'est une erreur de croire que l'adoption d'une loi est quelque chose de magique. Ma réserve porte surtout sur cela, en plus du fait que je continue à ne pas aimer le recours à une loi budgétaire. À ces conditions, je suis prête à accepter le fait que nous avons peut-être besoin d'agir avec sévérité.
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Vous avez peut-être manqué ma déclaration préliminaire, mais nous parlons ici de choses bien concrètes.
La modification apportée aux sanctions administratives pécuniaires constitue déjà un changement. Je ne prétendrai pas le contraire. Je pense que dans l'ensemble, c'est un bon changement. Je comprends les préoccupations de mes amis de l'Association du Barreau canadien et des cabinets privés. Il y a maintenant une incertitude là où il n'y en avait pas auparavant.
Je pense qu'il faut nous rappeler deux choses. La première, c'est que ces calculs supplémentaires ne concernent que les montants qui dépassent les maximums actuels. Dans certaines circonstances, il ne sera pas nécessaire de dépasser les maximums actuels. En fait, j'aimerais que les sanctions puissent varier dans tous les cas, et pas seulement en deçà du seuil de 9 millions de dollars, parce que c'est déjà un montant énorme pour les PME. Je pense l'avoir dit la semaine dernière. Je pense qu'il faut garder à l'esprit que pour certaines entreprises, les sanctions variables sont vraiment le seul moyen de fixer une sanction adaptée. Les tribunaux canadiens n'ont pas l'habitude d'établir de leur propre chef un montant assez élevé. Je pense qu'il serait important d'établir une grille de référence.
Oui, il y aura une période de transition, mais je ne vois pas d'inconvénient à faire augmenter les sanctions. Doivent-elles être aussi élevées qu'aux États-Unis et en Europe? Pas nécessairement. Je soulignerais deux choses. Nous avons une liste de facteurs aggravants et atténuants à prendre en compte pour déterminer le montant adéquat. Ces facteurs sont pertinents. Le montant n'est pas fixé aléatoirement et de façon arbitraire, contrairement à ce qu'on pourrait croire. L'autre chose que je voudrais souligner, c'est que pour la publicité trompeuse — mais pas pour l'abus de position dominante —, on ne peut imposer de sanctions administratives pécuniaires que si le défendeur n'est pas en mesure d'établir qu'il a fait preuve de diligence raisonnable. On est déjà dans la zone où l'on pourrait dire que sa conduite est moins justifiable.
Je ne sais pas si vous avez besoin d'autres éléments de réponse, mais je m'arrêterai là.
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Je vous remercie de votre question.
Je pense que nous sommes nombreux à avoir une vision idéalisée de la manière dont les changements de politique peuvent être réalisés et des meilleures pratiques fondamentales. La réalité est que ces changements ont pris tellement de retard, comme je l'ai dit dans ma déclaration liminaire, que je pense qu'ils devraient être les bienvenus.
Je dis cela parce que, depuis deux ans, alors que de plus en plus de gens écrivent sur la concurrence, posent des questions sur le fonctionnement de la Loi sur la concurrence et trouvent des façons dont elle ne fonctionne pas aussi bien que nous le pensons, de nombreux intervenants, de façon générale, se sont fait dire des choses comme: « En fait, la Loi sur la concurrence est parfaitement à la hauteur de la tâche. Elle est flexible. Elle peut faire face à tout. Elle est prête à fonctionner. Elle ne devrait subir aucun changement. » Ce sont maintenant souvent les mêmes voix dans les débats publics qui disent : « Oh! Nous devons vraimentmetttre la pédale douce et parler davantage. » Nous devons en effet parler davantage. Le public le souhaite.
Quel serait le risque de ne pas aller de l'avant avec ces premiers amendements? Je pense que nous montrerions une fois de plus que nous ne prenons pas au sérieux les changements que subit la concurrence et que nous ne sommes pas prêts à prendre ces modestes mesures initiales en matière de protection de la vie privée des consommateurs, alors qu'elles nous permettraient de nous aligner sur les autres acteurs internationaux.
Cela ne vient pas de nulle part, dans le débat plus général sur la concurrence. Avons-nous procédé à des consultations approfondies sur ce sujet, coché toutes les cases et frappé à toutes les portes pour en donner un aperçu à tout le monde? Pas encore, mais je pense que c'est ce que les souhaitentndent et ce que nous devons faire.
Nous avons deux grandes discussions suconcurrence,ition en ce moment, et elles ne vont pas toujours de pair. L'une est d'ordre mécanique, et c'est le genre de discussion que nous avons en ce moment, mais l'autre est d'ordre philosophique et concerne la nature de la Loi, ce que nous en attendons et ce que les Canadiens en attendent. C'est une réflexion plus vaste et plus importante.
Je vais céder le reste du temps à Mme Tiessen.