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Monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du Comité, je vous remercie de m'avoir invité à comparaître cet après-midi.
Je préside le groupe sur la concurrence et les investissements étrangers au cabinet d'avocats canadien Borden Ladner Gervais S.E.N.C.R.L., s.r.l.. Je m'adresse à vous aujourd'hui à titre personnel plutôt qu'au nom du cabinet ou de ses clients.
Je pratique le droit canadien de la concurrence et la réglementation des investissements étrangers depuis plus de 25 ans. J'ai passé environ 10 ans à enseigner à temps partiel le droit de la concurrence, y compris la réglementation des investissements étrangers, à la Faculté de droit de l'Université Dalhousie. De plus, je siège actuellement au Réseau international de la concurrence à titre de conseiller non gouvernemental désigné par le commissaire de la concurrence.
Mes propos d'aujourd'hui au sujet du projet de loi porteront sur l'enjeu des activités commerciales réglementaires, que j'appellerai aussi des secteurs névralgiques. Il y a eu beaucoup de discussions au sein de votre comité et entre les intervenants sur la nature d'une activité commerciale réglementaire, compte tenu de l'avis obligatoire préalable à la clôture qui est proposé dans le projet de loi. Il s'agit essentiellement d'un système d'alerte rapide pour les investissements étrangers qui sont effectués dans un secteur névralgique au Canada.
Par ailleurs, le a laissé entendre que ces secteurs figureront au règlement d'application des nouvelles dispositions législatives, dans une certaine mesure. Pour répondre à certaines questions qui ont été posées lors d'autres séances, je conviens qu'il est préférable d'indiquer ces secteurs dans la réglementation plutôt que dans la loi elle-même, afin de préserver une certaine marge de manoeuvre.
Cela dit, je ne parlerai pas vraiment aujourd'hui de ce qui devrait se retrouver sur la liste ou non. Je m'attarderai surtout à la façon de rédiger une liste claire et exhaustive dans le règlement.
J'ai deux choses à dire là‑dessus. Premièrement, il faut décrire concrètement chaque secteur d'activité commerciale réglementaire. Nous devons certainement faire mieux que les directives et les politiques actuelles de l'industrie.
Si vous regardez les lignes directrices en vigueur, vous constaterez que, jusqu'à maintenant, des catégories très vastes ont été définies avec plus ou moins de contexte. C'est ainsi puisque la liste sert actuellement à évaluer l'application du critère de fond lorsque le ministre ou le gouverneur en conseil prend une décision ayant trait à la sécurité nationale. L'annexe A des Lignes directrices sur l'examen relatif à la sécurité nationale des investissements énumère 15 domaines technologiques sensibles sans trop donner de détails. Il s'agit notamment de l'aérospatiale, de la biotechnologie, des technologies médicales et de la science quantique. C'est suffisant dans cette optique. Or, dans le cas d'un système d'avis obligatoire doté d'un pouvoir de suspension qui sera mis en branle par l'association d'une activité à un secteur d'activité commerciale réglementaire, comme il est proposé dans le projet de loi, il faudra un peu plus de détails, comme d'autres administrations l'ont fait.
Personnellement, je me méfie un peu de l'idée d'importer en bloc les idées des régimes réglementaires d'autres pays dans notre architecture de politique, surtout en ce qui concerne les investissements étrangers. C'est en effet un secteur dans lequel le Canada est actif depuis plus longtemps que la plupart de ses principaux partenaires commerciaux. Nous avons tiré beaucoup de leçons par nous-mêmes que nous ne devrions pas hésiter à mettre en application. Je ferai toutefois une exception. J'invite le Comité à étudier ce que le Royaume-Uni a fait pour définir les secteurs névralgiques au sein de sa National Security and Investment Act. En fait, les Britanniques ont défini 17 secteurs névralgiques, qui ressemblent en quelque sorte à ceux de nos lignes directrices.
Le gouvernement du Royaume-Uni prend deux mesures en plus de la liste. D'une part, il a créé un règlement assez exhaustif d'environ 50 pages qui comprend 17 annexes, soit une par secteur, où se trouvent des définitions et des détails techniques. Le règlement comporte également une exigence. Dans les trois années suivant la mise en oeuvre — je crois que c'est trois ans —, le ministre doit passer en revue les annexes pour s'assurer qu'elles correspondent aux objectifs du Parlement britannique. Je trouve ce mécanisme utile.
D'autre part, en plus du règlement, les Britanniques ont publié des directives afférentes qui interprètent de façon assez exhaustive la portée de chacune des 17 annexes. En fait, vous trouverez sur le site Web une série de données d'évaluation pour chacun des silos. Il serait bon que le Canada examine leur méthode, qui combine des descriptions sectorielles assez complètes et des lignes directrices détaillées, puis qui oblige le gouvernement à revoir la liste périodiquement.
Ma deuxième constatation est peut-être un peu plus substantielle. Nous devrions opter pour une démarche graduée plutôt que délibérée pour établir les activités commerciales réglementaires, et ce, pour deux raisons.
D'une part, notre démarche d'identification des secteurs névralgiques doit largement correspondre aux positions adoptées par nos alliés. Je ne parle pas seulement du Groupe des cinq, que certains ont évoqué au sein du Comité, mais aussi des relations bilatérales comme notre plan d'action canado-américain pour la collaboration dans le domaine des minéraux critiques, qui nous permet de coordonner dans une certaine mesure notre vision de cette chaîne d'approvisionnement à celle des États-Unis.
D'autre part, j'ai un dernier point à faire valoir. La sécurité nationale exige évidemment une approche pangouvernementale. Il ne faut pas oublier que même si la Loi sur Investissement Canada permet d'évaluer et de pallier les éventuelles préoccupations en matière de sécurité nationale, il n'est pas réaliste de croire qu'elle peut répondre à la totalité des inquiétudes légitimes en matière de sécurité nationale qui peuvent se présenter, et qui continueront sans aucun doute de se manifester à l'avenir. C'est en fait un seul élément de la solution. Il s'agit évidemment d'un volet fort important que nous voulons bien exécuter, mais ce n'est qu'un morceau du casse-tête.
Je vais m'arrêter là. Je remercie le Comité de m'avoir consacré ce temps. Je répondrai volontiers à d'autres questions, au besoin.
Je vous remercie.
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Je vous remercie, monsieur le président.
Mesdames et messieurs les membres du Comité, je vous remercie de m'avoir invité à la séance d'aujourd'hui.
Je suis à la tête du groupe sur la concurrence et les investissements étrangers à Norton Rose Fulbright Canada S.E.N.C.R.L., s.r.l. Je témoigne aujourd'hui à titre personnel. À l'instar de M. Bhattacharjee, mon point de vue n'engage que moi-même et ne reflète pas celui d'un client ou du cabinet.
Je voudrais d'abord dire une chose en tant que Canadien. À mon avis, les dispositions de la Loi sur Investissement Canada, ou LIC, concernant l'examen des questions de sécurité nationale sont probablement parmi les plus importantes, si ce n'est les plus importantes. Il est essentiel de protéger les intérêts en matière de sécurité nationale. Il faut cependant y arriver sans imposer un fardeau inutile ou trop onéreux à la grande majorité des investissements qui correspondent à la stratégie d'investissement étranger du Canada.
En guise de détail, le rapport annuel de 2021‑2022 d'Innovation, Sciences et Développement économique Canada, ou ISDE, indique qu'au cours des cinq dernières années, seuls 70 investissements ont été soumis au processus officiel. De ce nombre, seulement 39 ont fait l'objet d'un examen complet. Parmi ceux‑ci, 15 investissements ont été autorisés, 14 ont été rejetés, 7 ont nécessité des ordonnances de dessaisissement, 2 ont été bloqués, et 1 est en cours. Alors que nous réfléchissons à la meilleure façon d'évaluer les investissements du point de vue de la sécurité nationale, il est important de comprendre que la grande majorité d'entre eux sont conformes à la politique du Canada en matière d'investissements étrangers. Je trouve également essentiel que tout régime soit le plus clair possible, même si la sécurité nationale englobe par définition des renseignements qu'il n'est pas possible de partager. Il est impératif que les investisseurs comprennent les règles et la manière de les appliquer.
J'aimerais revenir sur certains points abordés par M. Bhattacharjee, comme le concept « d'activité commerciale réglementaire » et de régime obligatoire de préavis de fusionnement ou de mise en œuvre. Dans certaines situations, il est important de pouvoir évaluer et possiblement arrêter certains types d'investissements avant qu'ils ne soient réalisés — en particulier ceux qui entourent la technologie sensible, les données ou la propriété intellectuelle. C'est particulièrement vrai lorsque le manque de proactivité pourrait empêcher de prendre des mesures correctives efficaces.
J'ai vraiment des réserves à l'égard de l'expression « activité commerciale réglementaire » qui est employée dans le projet de loi, car elle est trop vague. Comme d'autres l'ont dit, il faut la définir convenablement.
D'autres expressions sont également assez vagues, notamment « renseignements techniques importants qui ne sont pas accessibles au public » ou « actifs importants ». Il faut absolument que les gens comprennent comment la loi s'appliquera à leur situation et sachent quel régime les régit lorsqu'ils décident de faire un investissement ou non.
M. Bhattacharjee a parlé de la vision britannique, mais je pense que nous avons beaucoup à apprendre du comité sur les investissements étrangers aux États-Unis, ou CFIUS. Plus particulièrement, les Américains ont adopté un régime obligatoire pour les investissements sans droit de contrôle dans ce qu'ils appellent les secteurs et les entreprises américaines des technologies, des infrastructures et des données. Ce sont des entreprises qui exploitent des technologies et des infrastructures critiques, ainsi que des données personnelles sensibles. Il est important de faire savoir clairement aux investisseurs s'ils sont soumis au processus obligatoire.
Par ailleurs, il faut s'attarder aux industries pour lesquelles nous pensons d'emblée qu'il pourrait y avoir un problème de sécurité nationale, mais ce n'est qu'une partie de la question. L'analyse compte deux volets. Il faut vérifier les activités de l'entreprise canadienne pour voir si elles pourraient soulever des enjeux de sécurité nationale. Il faut aussi regarder l'identité de l'investisseur.
Il me semble juste de dire que des investisseurs font des investissements presque généralement compatibles avec les intérêts canadiens, alors que d'autres types d'investisseurs peuvent être perçus comme pouvant compromettre la sécurité nationale. Mettre tous les investisseurs sur un pied d'égalité et les obliger à se soumettre au même processus semble franchement ratisser trop large. Ce serait une perte de temps et un gaspillage de ressources.
Par exemple, un autre élément intéressant instauré par le CFIUS est la notion d'États étrangers exemptés et d'investisseurs étrangers exemptés. Ces derniers sont des investisseurs liés à un État ou à un pays jugé sécuritaire et considéré comme un partenaire commercial digne de confiance par les États-Unis. Les pays qui ont été exemptés jusqu'à présent sont le Canada, l'Australie, le Royaume-Uni, et tout récemment, la Nouvelle-Zélande. Les investisseurs qui répondent à certains critères sont considérés comme des investisseurs étrangers exemptés et ne sont pas assujettis au régime obligatoire. Ce processus est en quelque sorte une version du programme NEXUS pour les investissements. Au lieu de la liste d'interdiction de vol et les voyageurs dignes de confiance, il y a la liste des investisseurs dignes de confiance et les autres.
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Bonjour, monsieur le président, bonjour, mesdames et messieurs les députés. Merci de m'avoir invité à discuter des amendements proposés à la Loi sur Investissement Canada.
Je m'appelle Navin Joneja. Je suis associé et cochef, Groupe Concurrence, antitrust et investissement étranger à Blake, Cassels et Graydon. Je témoigne à titre personnel, et non pas au nom du cabinet ou de ses clients.
Je pratique dans le domaine des investissements étrangers, plus particulièrement de la Loi sur Investissement Canada, depuis plus de 20 ans. Comme mes collègues, j'ai assisté à l'évolution de la loi depuis l'époque précédant la mise en place du régime d'examen relatif à la sécurité nationale jusqu'à l'entrée en vigueur, en 2009, du régime d'examen relatif à la sécurité nationale actuel et à l'accroissement récent du nombre d'examens relatifs à la sécurité nationale. Je vais formuler quelques brèves observations sur le projet de loi. Je répondrai ensuite avec plaisir aux questions du Comité.
Mes commentaires portent sur un des thèmes clés sur lesquels s'est penché le Comité de façon récurrente au cours de son étude sur le projet de loi, c'est‑à‑dire l'équilibre à atteindre entre les deux objectifs consistant respectivement à renforcer la sécurité nationale au Canada et à attirer les investissements et le capital nécessaires pour stimuler l'économie au pays.
Tout d'abord, de manière générale, le cadre établi par le projet de loi renferme, à mon avis, de nombreux éléments bien pensés axés sur l'atteinte des deux objectifs. Par exemple, si l'obligation de dépôt d'avis préalable à la clôture pour certains secteurs de nature délicate est correctement mise en œuvre, elle permettra au gouvernement de mieux examiner les investissements suscitant des préoccupations liées à la sécurité nationale. En outre, le processus amélioré d'échange de renseignements entre pays permettra aux agents du gouvernement canadien de prendre des décisions plus éclairées sur les affaires de sécurité nationale.
Un autre élément utile sur lequel j'aimerais m'attarder dans ma déclaration est le pouvoir qui serait conféré au ministre d'accepter des engagements — qui pourraient être qualifiés d'exécutoires — visant à atténuer les risques d'atteintes à la sécurité nationale. Selon moi, la loi actuelle ne renferme pas d'outil permettant au gouvernement canadien de mieux équilibrer les deux objectifs consistant à renforcer la sécurité nationale et à encourager les investissements étrangers.
Un processus ou un régime relatif aux engagements permettrait aux investisseurs étrangers de répondre aux préoccupations liées à la sécurité nationale sans renoncer à l'investissement en entier dans les cas et les circonstances appropriées. Au nombre des engagements possibles pourraient figurer la protection ou la restriction de l'accès aux informations de nature délicate, des restrictions à l'égard de certains secteurs d'activités ou de certains clients ou la mise en place de mesures correctives plus pointues. D'autres pays, tels que les États-Unis, ont adopté des mesures d'atténuation des risques très robustes pour répondre aux préoccupations liées à la sécurité nationale. Il serait logique que le Canada mette en place un outil similaire.
En outre, en tenant compte du projet de loi dans son ensemble, l'utilité et l'efficacité de cet outil iront probablement en s'accroissant, puisque les examens relatifs à la sécurité nationale deviendront probablement plus fréquents. Autrement dit, vu la tendance récente vers une intensification des examens et les pouvoirs accrus octroyés par le projet de loi — par exemple, les avis obligatoires préalables à la clôture pour certains secteurs —, il faut s'attendre à ce que davantage d'examens relatifs à la sécurité nationale soient menés dans peut-être une plus grande variété de secteurs. La possibilité d'intégrer un ensemble d'engagements mieux ciblés à un régime qui prend très au sérieux les préoccupations soulevées liées à la sécurité nationale contribuera à instaurer un équilibre entre les deux objectifs.
Cela dit, certains éléments du projet de loi et de sa mise en œuvre suscitent des inquiétudes. Le projet de loi serait plus efficace si ces éléments étaient améliorés. Mes collègues ont d'ailleurs discuté d'un certain nombre de ces aspects.
D'abord, le projet de loi permet au ministre d'imposer des conditions provisoires à l'investisseur avant la conclusion de l'examen. Voilà un aspect à la fois inédit et coûteux. Bien que la disposition ait pour objet de prévenir les atteintes à la sécurité nationale qui pourraient survenir pendant l'examen, elle pourrait néanmoins ratisser très large au point d'entraver, selon moi, des investissements par ailleurs inoffensifs et légitimes. En fait, les investisseurs étrangers ont l'habitude de se voir imposer des conditions préalables à la clôture d'un engagement. Toutefois, je crains que la menace que feraient planer ces conditions dissuade des partenaires admissibles de signer une entente pour investir au Canada.
Deuxièmement, on améliorerait l'efficacité du projet de loi et sa mise en œuvre si on assurait aux investisseurs une communication et une transparence accrues au cours du processus d'examen relatif à la sécurité nationale. Il faut assurément veiller à la protection des renseignements critiques sur le plan de la sécurité nationale, mais selon moi, il est possible de faire en sorte que des renseignements supplémentaires soient mis à la disposition de tous. À cela s'ajoute l'avantage de permettre aux investisseurs actuels et futurs de prendre directement conscience des préoccupations des pouvoirs publics et d'y répondre à un stade plus précoce.
Enfin, le projet de loi comporte manifestement plusieurs éléments nouveaux et de grande portée. La division chargée de l'examen des investissements devra disposer de ressources et d'effectifs suffisants pour répondre à une demande qui devrait être beaucoup plus importante en ce qui concerne l'examen des dossiers, la conduite des examens et les contacts avec les investisseurs.
En résumé, le projet de loi proposé comporte un certain nombre d'éléments bien pensés qui visent à la fois à renforcer la protection de la sécurité nationale et à encourager l'investissement au Canada. Il existe également des moyens d'améliorer et de renforcer le texte de loi et sa mise en œuvre.
Je vous remercie encore une fois de me donner l'occasion de m'adresser à vous. Je me ferai un plaisir de répondre à vos questions.
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Monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du Comité, je vous remercie de m'avoir invité à prendre la parole aujourd'hui. Ma déclaration liminaire sera très brève.
Je m'appelle Josh Krane. Je suis associé au sein du groupe responsable de la concurrence et des investissements étrangers chez McMillan. J'ai représenté de nombreux acheteurs étrangers et entreprises canadiennes dans le cadre de transactions d'investissement soumises à la Loi sur Investissement Canada.
Je vais me concentrer sur l'amendement proposé à l'article 25.7 concernant le contrôle judiciaire. J'aimerais tout d'abord vous exposer le contexte.
Tous les investisseurs étrangers que je rencontre dans le cadre de ma pratique du droit cherchent à investir au Canada parce qu'ils y voient une occasion de profiter d'une main-d'œuvre scolarisée, d'étendre leurs circuits de vente ou de trouver des possibilités de croissance pour leurs entreprises. Les gens que je rencontre sont sincèrement motivés à créer des entreprises prospères. Ils sont réceptifs aux commentaires et sensibles à l'environnement politique du Canada. Je suis également conscient de la présence de facteurs étatiques que nous ne pouvons pas toujours percevoir. Je pense que le Canada doit être prudent en ce qui concerne l'ingérence des États étrangers dans notre système économique.
Ce que je constate, c'est que les amendements proposés ne règlent pas un problème fondamental de la Loi sur Investissement Canada, à savoir que les investisseurs ne disposent pas de renseignements suffisants au moment de décider s'ils doivent poursuivre un investissement faisant l'objet d'un examen relatif à la sécurité nationale, ou s'ils doivent retirer leur investissement. C'est là que réside le défi pour les investisseurs et leurs conseillers, car la voie à suivre peut devenir très incertaine.
Dans un article publié l'année dernière, nous avons proposé que le processus comprenne la création d'un intervenant désintéressé ou d'un intermédiaire en matière de sécurité nationale qui contribuerait à combler le fossé en matière de communication et de renseignements entre les investisseurs et le gouvernement. Nous avons recommandé que cet intervenant désintéressé soit autorisé à examiner un ensemble de preuves confidentielles utilisées pour réaliser une évaluation en matière de sécurité, puis à informer l'investisseur de la solidité de la position du gouvernement sans divulguer de renseignements critiques. Cela aurait notamment pour avantage d'encourager les investisseurs à retirer leurs investissements avant que le gouvernement n'ait à prendre un décret relatif à la sécurité nationale. Si une affaire fait l'objet d'un contrôle judiciaire, comme le prévoient maintenant les amendements, l'intervenant désintéressé pourrait contester l'exactitude, la fiabilité et la suffisance des preuves recueillies, ce qui garantirait que le gouvernement est tenu comme il se doit de se justifier devant une cour de justice.
La procédure que nous proposons n'est pas sans précédent. Elle est utilisée dans le cadre de la procédure relative aux certificats de sécurité en matière d’immigration, qui comporte également des aspects liés à la sécurité nationale. Le Tribunal canadien du commerce extérieur autorise également les avocats externes à recevoir des renseignements confidentiels à condition qu'ils signent des engagements de confidentialité stricts assortis de pénalités importantes en cas de violation. Nous avons fourni à M. MacPherson une copie du document, et je crois savoir que l'Association du Barreau canadien y a souscrit dans son mémoire.
Ce sont là mes commentaires, et j'attends avec impatience de répondre à vos questions.
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Merci beaucoup, monsieur le président.
Je remercie tous nos témoins d'aujourd'hui.
C'est formidable, en fait. Messieurs Bhattacharjee et Hersh, nous sommes sur la même longueur d'onde. Vous avez certainement prêté une oreille très attentive aux discussions de notre dernière réunion sur les listes, sur ceux qui les gèrent et sur la façon d'apporter les changements recommandés au projet de loi , de sorte que la loi que la Chambre va adopter accomplisse le minimum nécessaire — comme l'ont fait le CFIUS, le Comité sur les investissements étrangers aux États-Unis, et le Royaume-Uni —, tout en donnant d'excellents résultats au Canada. Monsieur Krane, vous avez abordé un point important. Comment garantir le maximum d'investissements au Canada?
Monsieur Bhattacharjee, je voudrais me pencher sur vos commentaires.
Comme vous, je pense qu'il ne faut pas inscrire la liste dans la loi, ce qui la rendrait impossible à changer en 22 ans. Je suis d'accord avec vous pour dire que nous devons chercher des moyens de la rendre flexible. Quelles recommandations feriez-vous, d'un point de vue juridique, pour que la loi permette au moins un réexamen de cette liste tous les trois ans? Vous pouvez me dire si vous pensez que c'est différent. Ce que nous avons entendu auparavant, c'est qu'il faudrait que cela se fasse... J'essaie de me souvenir du terme. Ce n'était pas « en conseil ». C'était peut-être « en gouvernance ».
Une voix: C'était par décret du gouverneur en conseil.
M. Ryan Williams: Par décret du gouverneur en conseil, oui. Mais il y avait un autre terme. Je pense que c'était « en gouvernance ».
Des membres du personnel sont venus témoigner la semaine dernière, également. Nous leur avons aussi demandé de quelle façon ils gèrent cela.
Je vais commencer par cette question, monsieur.
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Que la capacité de déterminer si la liste est suffisante ou pas soit établie par la loi ou par règlement me laisse indifférent. Dans l'exemple britannique que j'ai donné, c'est en fait par règlement et ce n'est pas dans la loi. C'est ce qu'ils ont choisi de faire, pour une raison quelconque.
Je suis fermement convaincu que la liste elle-même doit être établie par règlement. Je dis cela parce que mes collègues et moi-même travaillons dans ce domaine depuis un bon moment, et s'il est une chose que nous avons apprise et que nous pouvons vous dire, c'est que depuis 2009, quand ce pouvoir a été introduit dans la loi, le paysage a évolué de façon spectaculaire. Les préoccupations et les inquiétudes que nous avions collectivement, en tant que nation, en 2009, ont manifestement changé depuis lors.
Je pense que la liste elle-même devrait demeurer flexible en étant établie par règlement. Je pense que le Parlement devrait avoir la possibilité d'ordonner une sorte d'examen ou de rapport servant à déterminer si la liste est suffisante. C'est probablement le meilleur moyen d'obtenir un équilibre entre les deux mondes. Vous avez une liste flexible et la possibilité de revenir en arrière et de l'examiner.
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Que cela relève d'ISDE ou d'autres agences... Tout d'abord, je pense que l'approche qui fait intervenir divers organismes est probablement la bonne. L'analyse et l'évaluation des incidences possibles sur la sécurité nationale ne concernent pas uniquement ISDE. Il y a l'appareil de sécurité nationale et tout un ensemble d'autres choses.
Ce que j'ai constaté de plus important, d'après mon expérience avec ISDE, c'est que cette organisation n'a pas l'expérience nécessaire en matière de sécurité nationale. Cette expérience n'est pas présente au sein d'ISDE, si bien qu'on se retrouve souvent à devoir faire des aller-retour entre le groupe chargé de la sécurité nationale et l'investisseur, sur le plan de la diplomatie ou de la communication. À tout le moins, j'hébergerais une partie de cette expertise au sein d'ISDE. Je pense que le moyen le plus efficace d'évaluer les risques pour la sécurité nationale et de développer des stratégies d'atténuation, le cas échéant, est d'adopter une approche qui mise sur divers organismes ou une approche pangouvernementale pour évaluer ces questions, et de placer les bonnes personnes au bon endroit afin de pouvoir traiter ces questions avec efficacité.
Je pense que l'approche combinée est la plus appropriée.
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Merci, monsieur le président.
Ma question s'adresse à M. Bhattacharjee.
Dans votre déclaration liminaire, vous avez parlé de la loi américaine sur la réduction de l'information et des occasions qu'elle offre pour les minéraux critiques et le secteur minier du Canada.
D'après vous, comment la Loi sur Investissement Canada contribuera‑t‑elle, une fois mise à jour, à encourager les investissements étrangers tout en minimisant les investissements étrangers dans les minéraux critiques qui pourraient être préjudiciables?
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Je pense que c'est la question à un million de dollars. Je ne parlais pas de la loi américaine sur la réduction de l'inflation, mais de l'accord que nous avons conclu avec les États-Unis sur les minéraux critiques. Je crois cependant que le principe est le même.
Cela rejoint un peu ce dont mon collègue M. Hersh a parlé dans sa déclaration, à savoir que nous disposons d'un système de réglementation de l'investissement étranger qui comporte un régime fondé sur l'avantage net et un régime fondé sur la sécurité nationale. Nous avons pris la décision de soumettre de moins en moins d'investissements au test économique dans le cadre du régime de l'avantage net, tout en augmentant, je pense, l'étendue des types de choses que nous devrions examiner dans le cadre de la sécurité nationale.
Toutefois, même dans le cadre du régime axé sur la sécurité nationale, comme l'a souligné M. Hersh, selon la situation actuelle, il n'y a pas un grand nombre d'accords qui sont soumis à ce processus. Il s'agit d'affaires importantes qui ont soulevé des questions et qui ont évidemment fait l'objet d'examens, mais dans la plupart des cas, l'approbation intervient après un examen approprié et le processus peut se poursuivre.
Je pense que le défi que nous devons relever consiste à essayer d'avoir un contrôle de la sécurité nationale qui nous permet d'être un peu plus proactifs et de découvrir ce qui se passe dans les domaines émergents, de sorte que nous ne soyons pas en train de faire du rattrapage après coup, une fois qu'un investissement a été réalisé. Nous devrons désormais examiner beaucoup plus de choses à l'avance. Nous espérons ne pas effrayer les investisseurs légitimes parce que, par exemple, nous avons une politique de dépôt obligatoire qui peut s'étendre à un nombre extraordinairement élevé de secteurs.
C'est l'une des raisons pour lesquelles je voulais attirer l'attention du Comité sur la tentative du Royaume-Uni d'établir des lignes directrices en la matière. Leur approche est, en fait, un peu plus bizarre que la nôtre. Elle n'est pas plus bizarre, mais elle est beaucoup plus vaste, parce qu'elle s'applique aussi, techniquement, aux transactions nationales. Il ne s'agit pas seulement d'un régime d'examen des investissements étrangers.
Pour eux, il était particulièrement important de disposer de ce type de structure. C'est également important pour nous, car cela permettra d'éviter l'effet dissuasif que votre question sous-entend, je pense.
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Est‑ce que d'autres témoins veulent répondre à cette question? Je peux la répéter.
Alors que le Canada envisage des possibilités assez incroyables dans le domaine des minéraux critiques, comment pouvons-nous encourager les investissements étrangers tout en atténuant les investissements étrangers qui pourraient être préjudiciables dans le domaine des minéraux critiques?
Puisque personne ne souhaite y répondre, je vais encore une fois poser une question à M. Bhattacharjee.
Le projet de loi propose des dispositions qui permettraient au ministre de l'Innovation, des Sciences et de l'Industrie, après consultation du ministre de la Sécurité publique, d'imposer des conditions provisoires à l'investissement. Êtes-vous d'accord pour dire que les conditions provisoires sont nécessaires? Dans l'affirmative, pourquoi?
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Je pense que la mise en garde que mes collègues ont exprimée est valable. Cela ne veut pas dire que nous ne devrions pas avoir ce pouvoir. Je pense que le ministre a expliqué certaines des circonstances qui préoccupent le gouvernement et qui justifieraient l'exercice de ce pouvoir provisoire.
Si on décide d'inclure ce pouvoir dans la loi, je vous recommanderais de préciser les circonstances restreintes dans lesquelles il serait exercé, afin d'indiquer clairement aux investisseurs étrangers qu'il n'y a pas d'effet paralysant et que seul un type particulier d'investissement peut justifier l'utilisation de ce genre de pouvoir.
Cette information serait communiquée soit dans les directives, soit, à défaut, dans le texte même de la loi, mais je soupçonne qu'elle se trouverait plutôt dans les directives que dans la loi.
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Merci, monsieur le président.
Je remercie l'ensemble des témoins, qui ont un niveau de connaissances très élevé.
Un des éléments du projet de loi me tient à cœur. Je vais faire une mise en contexte en utilisant l'exemple d'une transaction très marquante pour le Québec, soit l'acquisition de Rona pas Lowe's.
Les conditions avaient été mises en avant par le ministre, notamment, mais, finalement, on s'est rendu compte, cinq ans plus tard, qu'il n'y restait pas grand-chose du Québec. Par exemple, on ne retrouve plus nécessairement les pelles Garant dans les magasins Rona. Avant la vente, la chaîne d'approvisionnement des fournisseurs de Rona comprenait un écosystème québécois. De plus, le siège social était situé au Québec, évidemment.
J'aimerais que chaque témoin réponde à ma question à tour de rôle.
Avez-vous l'impression que les conditions mises en avant par le ministre, sur le plan de la reddition de comptes et de la transparence, sont une amélioration? Devrait-on aller encore plus loin? Bien sûr, il faut aussi penser à la sécurité nationale.
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Je suis d'accord avec M. Krane. J'ajouterais que ce qui ressort de cette mesure législative, entre autres choses, ce sont les déclarations préalables obligatoires. Même si je pense qu'il est important que le processus mette encore l'accent sur des éléments de sécurité nationale, il y aura probablement plus d'échanges entre les investisseurs et les fonctionnaires dans un large éventail de domaines. En effet, dans la pratique, lorsque le gouvernement encourage un dialogue dès le début, les investisseurs étrangers, qui sont très ingénieux et qui font affaire avec des gouvernements partout dans le monde, aiment nouer le genre de relations qui entraînent ensuite ce type de dialogue.
C'est un avantage supplémentaire des déclarations préalables obligatoires. Il est également important de le faire correctement et en tenant compte des mises en garde de mes collègues pour éviter d'avoir un effet néfaste et pour instaurer un climat de certitude, de prévisibilité et de clarté quant à la façon dont le processus fonctionnera.
Je pense que nous allons voir, en général, une intensification du dialogue entre les investisseurs étrangers et les fonctionnaires à l'échelle fédérale et, à vrai dire, à l'échelle provinciale et sur le plan communautaire.
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Je pense que vous avez abordé des points dans votre question qui vont bien au‑delà de la Loi sur Investissement Canada. Je crois qu'il est important que la loi soit calibrée, y compris la disposition sur la sécurité nationale, d'une manière qui ne dissuade pas les bons investissements étrangers qui cadrent avec les intérêts du Canada en la matière.
Je pense qu'une partie de votre question porte sur le sort réservé aux entreprises manufacturières canadiennes dans certains secteurs, et il s'agit ici de créer des fleurons canadiens. Par exemple, je sais que le gouvernement du Québec participe activement à une initiative stratégique pour créer une chaîne de valeur dans la filière provinciale du lithium. Je suis d'avis que les investissements intérieurs, que ce soit avec des sociétés établies au Canada ou des investissements soutenus par le gouvernement au besoin, sont un aspect essentiel de la discussion plus générale sur la manière d'assurer la vitalité de l'industrie canadienne et du marché de l'emploi au pays et de garder le contrôle de certains actifs.
Cela dépasse de loin la portée de la Loi sur Investissement Canada. Je pense que le rôle de la Loi passe par le processus relatif à l'avantage net pour que les investissements étrangers, d'un point de vue pratique et commercial, cadrent avec ces objectifs et pour que notre approche en matière de sécurité nationale ne nuise pas aux bons investissements. Je crois également que beaucoup d'enjeux plus vastes entrent en ligne de compte pour pouvoir répondre pleinement au type de question que vous avez posée ou au genre de préoccupations que vous avez signalées dans votre question.
Nous essayons de nous faire une idée de ce qu'il en est. Vous avez tous dit que vous êtes ici à titre personnel, mais de toute évidence, vous représentez des clients. Le cadre de la Loi, pour laquelle nous tentons de trouver des amendements adéquats, a manifestement une incidence sur les intérêts des clients. J'essaie juste de me faire une idée, alors que je me lance dans le dossier, des personnes que vous représentez, de votre expérience.
Parmi les entreprises qui ont été achetées, y en a‑t‑il qui ont reçu un financement du gouvernement pour faire de la recherche et du développement ou pour obtenir des licences de propriété intellectuelle d'universités canadiennes?
Allez‑y, monsieur Bhattacharjee.
Je regarde certains points soulevés aujourd'hui. De toute évidence, il y a la question de déterminer, lors des prises de contrôle, ce qui va déclencher ou non un examen.
Je vais revenir pour cela à la période de 2006 à 2022 pendant laquelle IBM a acheté 17 entreprises canadiennes. Google en a acheté 13. Aucune de ces prises de contrôle d'entreprises canadiennes de technologie n'a fait l'objet d'un examen en vertu de la Loi sur Investissement Canada. Il s'agissait toujours d'entreprises novatrices en démarrage qui possédaient beaucoup de droits de propriété intellectuelle mise au point ici au Canada.
Monsieur Bhattacharjee, comment répondriez-vous à cela en tant que préoccupation potentielle liée au projet de loi?
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Monsieur Bhattacharjee, votre intervention, tantôt, était excellente.
Dans la société actuelle, le développement des nouvelles technologies est extrêmement rapide. C'est particulièrement le cas pour l'intelligence artificielle qui est en train de bouleverser le monde technologique.
Comment définir, à l'intérieur d'un tel projet de loi, même si c'est en annexe, un secteur technologique qui est en émergence, mais qui est en train de prendre une place fondamentale dans notre société, pour que, dans 5, 10 ou 20 ans, nous ayons une définition pertinente pour faire l'examen des acquisitions ou des transactions?
Suggéreriez-vous que, dans un projet de loi comme celui-là, nous insérions la possibilité de revoir cette définition régulièrement, de façon annuelle ou trisannuelle, peu importe, de façon à pouvoir nous ajuster à l'évolution de ces technologies?
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C'est une très bonne question.
Lorsque nous parlons de la situation que nous avons actuellement, nous devons faire preuve d'un peu d'indulgence envers nous. Je pense que le gouvernement voulait aborder ces technologies et ces domaines de manière plus générale parce que nous devions tenir compte de toute la pertinence potentielle de ces choses pour déterminer s'il y avait un problème de sécurité nationale.
Le problème, c'est que lorsqu'on met en place un système dans lequel les investisseurs doivent faire quelque chose à l'avance, au risque de se voir imposer des sanctions s'ils ne le font pas, il faut indiquer de manière un peu plus précise ce qu'il en est pour qu'ils sachent quoi répondre, si jamais ils ont un problème ou doivent communiquer avec le gouvernement. Je comprends qu'un libellé détaillé pourrait exclure certaines choses, je pense, dans l'ensemble, si on oblige les gens à se manifester à l'avance et à communiquer avec le gouvernement, mais il faut que ce soit clair pour qu'ils sachent quoi faire.
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Je pense que c'est une étape.
Lorsqu'on regarde notre approche à cet égard avant 2009, on constate que ces éléments n'étaient pas clairement précisés dans les exigences d'examen. Nous avons ajouté un critère conçu pour permettre une souplesse accrue quant aux types d'investissements que le gouvernement est autorisé à examiner.
Actuellement, selon mon interprétation du projet de loi, il comporte toujours une exigence sur l'établissement de seuils minimaux avant que l'exigence d'examen ne puisse être appliquée. Il est possible que certains types d'actifs incorporels ne soient pas visés par le projet de loi, mais je l'ignore. Je n'ai pas réfléchi à cela de manière approfondie. Toutefois, j'invite aussi le Comité à éviter de considérer que la Loi sur Investissement Canada est le seul instrument dont nous disposons pour examiner ces questions ou y répondre. Il existe d'autres mécanismes fédéraux, dans divers domaines, qui permettent un certain degré d'examen.
À mon avis, il n'est pas nécessaire de tout mettre dans la Loi sur Investissement Canada. Même si ce n'est pas le cas, nous pouvons trouver d'autres façons de protéger ces intérêts.
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Merci, monsieur le président.
Je vous remercie de faire valoir votre autorité, c'est important pour le Comité.
Blague à part, j'aimerais m'adresser à M. Bhattacharjee. J'aimerais revenir à la transparence et à la reddition de comptes demandées par les ministres lors des transactions, dans le cadre de la Loi sur Investissement Canada.
Pour ce qui est de la sécurité nationale et des avantages nets, le présent projet de loi devrait-il aller un peu plus loin?
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Premièrement, mes commentaires seront axés sur la sécurité nationale et non sur les avantages nets, car les amendements dont il est question sont essentiellement centrés sur le critère de sécurité nationale.
Je pense que vous soulevez une excellente question. En fait, la question sur la participation importante du Québec dans la chaîne d'approvisionnement des véhicules électriques et le secteur des minéraux critiques, par exemple, signifie que les Québécois ont intérêt, comme il se doit, à veiller à ce que les règles sur l'investissement étranger s'appliquent de façon à ne pas dissuader les investissements légitimes et à protéger la position des entreprises québécoises concernées.
Je sais qu'il est étrange d'avoir ici quatre avocats qui parlent des aspects techniques de la loi. Nous parlons presque tous de questions de procédure, mais ce sont précisément les questions de procédure que nous avons soulevées qui contribueront à apporter une transparence, une certitude et une stabilité accrues tout en permettant au gouvernement d'intervenir lorsqu'il le jugera nécessaire.
J'ai choisi de parler des secteurs. Les secteurs sont importants, car nous devons savoir ce que le gouvernement pourra examiner au préalable. Mes collègues ont parlé d'autres modifications susceptibles d'accroître la transparence et d'une fonction de contrôle judiciaire. Ensemble, tous ces éléments contribuent à un meilleur équilibre entre l'encouragement des investissements et, pourvu que vous trouviez la bonne procédure, la garantie, pour les intervenants concernés, que le déclenchement d'un examen de sécurité nationale sera fait de manière appropriée et ne dissuadera pas les investissements entrants légitimes.
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Je vais répondre à vos questions dans l'ordre inverse.
Même si nous avons ce processus depuis 2009, je dirais que par rapport aux États-Unis, par exemple, du moins selon mon expérience — et mes collègues pourraient être d'un autre avis —, notre processus de communication des préoccupations est probablement plus opaque, ce qui reflète la façon dont le processus a été mis en place, notamment le processus de consultation avec Sécurité publique Canada.
C'est peut-être simplement ce qui a été décidé. Je pense que nous allons moins dans les détails pour certains aspects, mais dans d'autres... Nous avons dit que le Royaume-Uni est un exemple. Je crois comprendre qu'au Royaume-Uni, les demandes dans le cadre de ce processus peuvent être faites par l'intermédiaire d'une boîte anonyme.
Je pense simplement que chaque pays semble avoir sa propre approche. Pour certains aspects du processus d'examen, nous sommes plus opaques que d'autres.
Cette question est ouverte à tous.
En juin 2020, dans son témoignage devant ce comité — il a également comparu récemment — M. Charles Burton, de l'Institut Macdonald-Laurier, a déclaré que certaines entreprises contrôlées ou détenues par un État étranger « ont recours à de multiples firmes qui font chacune de multiples investissements précisément dans le but de passer sous les seuils établis, alors que, dans les faits, elles vont à l'encontre de l'esprit de la loi canadienne. »
Les modifications apportées à la Loi sur Investissement Canada répondent-elles aux préoccupations soulevées lors de cette réunion, oui ou non? Pourquoi ou pourquoi pas?
Quelle serait l'incidence de l'entrée en vigueur du projet de loi sur l'acquisition potentielle d'entreprises canadiennes par des entreprises étrangères détenues ou contrôlées par un État étranger?
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Je suis ravi d'essayer de répondre à cette question.
Avant ce projet de loi, un dépôt d'un avis était obligatoire dans le cas d'une prise de contrôle. Dans le cas d'une société cible, ce seuil peut être aussi bas que 33,3 %, de sorte qu'il n'est pas nécessaire de détenir la majorité des actions avec droit de vote d'une entité pour déclencher l'obligation de dépôt d'un avis. Même dans le cas d'acquisitions inférieures à 33,3 %, le gouvernement peut rejeter un investissement pour des raisons de sécurité nationale. En fait, une modification apportée à la Loi l'an dernier permet au gouvernement de procéder ainsi ainsi pour une période maximale de cinq ans, à moins que l'investisseur ne dépose un formulaire volontaire et demande l'autorisation préalable de l'investissement.
Essentiellement, le problème cerné par M. Burton a été réglé en grande partie lors de la dernière série de modifications à la Loi sur Investissement Canada. Le projet de loi dont nous discutons crée un deuxième niveau d'exigences en matière de notification. Lorsqu'une transaction minoritaire est effectuée, mais concerne un secteur d'activité prescrit, le dépôt d'un avis est obligatoire. Mes collègues en ont longuement parlé. Je ne répéterai donc pas leurs propos.
Cependant, je vais revenir au point que j'ai soulevé plus tôt. Auparavant, il n'était pas possible d'utiliser des éléments disparates. Dès qu'il y avait une prise de contrôle, le dépôt d'un avis était obligatoire. Aujourd'hui, nous avons un processus volontaire qui permet le dépôt d'un avis préalable pour les acquisitions minoritaires afin de pouvoir déceler les autres investissements.
Dans le cadre de ce processus, le gouvernement exige notamment la présentation préalable de certains renseignements nécessaires au lancement du processus. Cependant, ce qui est plus important encore, c'est qu'il y a souvent, pour toute transaction faisant l'objet d'un examen, une correspondance entre l'investisseur et ISDE, par exemple, où des questions sont posées et des réponses sont exigées. Essentiellement, les amendements visent à officialiser ce processus, en quelque sorte.
Abstraction faite du contenu du projet de loi, la plupart des investisseurs étrangers qui s'efforcent d'être efficaces sont ceux qui peuvent répondre à ces questions rapidement, de manière exhaustive et détaillée. Je pense qu'ils tendent à avoir un processus d'examen beaucoup plus productif que ceux qui ne procèdent pas de cette façon.
Cette question s'adresse à M. Krane.
Les préoccupations en matière de sécurité nationale peuvent être très difficiles à détecter. Certaines technologies dans le domaine de la consommation, et les entreprises qui les mettent au point, sont axées sur les besoins des consommateurs. Ces mêmes technologies, telles que l'intelligence artificielle et la reconnaissance faciale, peuvent être redéployées dans des systèmes de défense ou même dans la conception de cyberarmes.
Comment traiteriez-vous le double usage potentiel des technologies? Par exemple, ISDE a mis sur pied un groupe d'experts. Avez-vous des commentaires à nous faire part?
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C'est une excellente question, monsieur Green, et je vous remercie de la poser.
C'est l'un des plus grands défis que les conseillers doivent relever avec les investisseurs. Les investisseurs peuvent croire qu'ils achètent une entreprise ou qu'ils investissent dans une technologie pour un usage tout à fait inoffensif. Or, cette technologie, comme vous le savez, pourrait avoir des applications militaires ou autres. C'est là où le bât blesse souvent dans ces situations.
Ce que je conseille au gouvernement, c'est qu'il sera utile pour les deux parties d'essayer de combler ce fossé le plus tôt possible. Soit l'investisseur sait qu'il ne va pas le faire parce qu'il y a un risque que cette technologie tombe entre des mains dont il ne veut pas, soit le gouvernement a la possibilité de comprendre la position de l'investisseur et de possiblement définir certains paramètres quant à la destination de cette technologie. Y a‑t‑il des aspects de la technologie qui pourraient faire l'objet d'une licence ou d'une vente et qui ne posent pas de problème? Existe-t‑il des moyens pour les investisseurs de transférer leurs investissements au Canada afin que nous devenions un chef de file dans cette technologie?
Je suis d'accord avec vous, monsieur Green. C'est le problème.
Trouver des moyens de combler la lacune entre la communauté des investisseurs et le gouvernement est le principal moyen d'accroître les investissements dans ce domaine et d'éviter l'embarras de devoir dire aux investisseurs, « Je suis désolé, mais vous ne pouvez pas investir au Canada ».
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Merci, monsieur le président.
Je vais intervenir, parce que je viens de relire la question et cela m'intéresse.
Monsieur Hersh, vous connaissez l'Abitibi‑Témiscamingue, qui est une région minière. Vous vous y êtes intéressé. La semaine dernière, la minière Osisko a cédé la moitié de son projet Lac Windfall, à Lebel‑sur‑Quévillon, dans le Nord du Québec, à la minière sud-africaine Gold Fields pour 600 millions de dollars. Ainsi, deux sociétés détiendront 50 % de la coentreprise.
On voit de plus en plus de coentreprises dans le milieu minier, surtout pour ce qui est de l'or. Pensez-vous que ce type de partenariat, une fois établi, pourrait soulever des questions en matière de sécurité nationale si le partenaire minier étranger décide de signer une entente avec un pays autoritaire, comme la Russie ou la Chine? Celle-ci était une alliée il n'y a pas si longtemps et devient un pays un peu plus à risque.
Qu'arriverait-il dans ces circonstances? Y a-t-il quelque chose qui pourrait être déclenché? Peut-on revenir en arrière? Comment s'appliquerait la Loi sur Investissement Canada? Avons-nous une défense contre cela?