:
Bonjour à tous. Cela me fait très plaisir de vous revoir, virtuellement cette fois-ci.
Je déclare maintenant la séance ouverte.
Bienvenue à la 12e réunion du Comité permanent de l'industrie et de la technologie de la Chambre des communes.
Conformément à l'article 108(2) du Règlement et à la motion adoptée par le Comité le mardi 1er mars 2022, le Comité se réunit aujourd'hui pour étudier l'informatique quantique.
La réunion d'aujourd'hui se déroule sous forme hybride, conformément à l'ordre adopté par la Chambre le 25 novembre 2021. Les membres du Comité peuvent participer en personne ou par Zoom. Ceux qui sont en personne, à Ottawa, connaissent les règles sanitaires en vigueur, alors je m'attends à ce qu'ils se comportent en conséquence.
Nous recevons deux groupes de témoins aujourd'hui pour commencer notre étude sur l'informatique quantique.
Pendant la première heure, nous entendrons avec plaisir M. Nipun Vats, sous-ministre adjoint du Secteur des sciences et de la recherche du ministère de l'Industrie, ainsi que Mme Geneviève Tanguay, vice-présidente des Technologies émergentes au Conseil national de recherches du Canada.
Avant de passer aux questions, je vais laisser le soin aux témoins de nous présenter pendant quelques minutes le sujet qui est à l'étude aujourd'hui.
Je vous remercie beaucoup de vous joindre à nous.
Monsieur Vats, je vous cède la parole pour six minutes.
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Merci, monsieur le président.
Bonjour, je m'appelle Nipun Vats, et je suis sous-ministre adjoint du secteur des sciences et de la recherche à ISDE. À ce titre, je suis responsable des politiques et des programmes liés au financement fédéral de la recherche postsecondaire, et de la promotion des liens entre la recherche et ses avantages économiques et sociétaux en aval.
C'est dans ce contexte que mon groupe est chargé de coordonner la Stratégie quantique nationale qui a été annoncée par le gouvernement dans le budget fédéral de 2021.
[Français]
Je voudrais commencer par donner un aperçu de la quantique au Canada, puis je parlerai de l'informatique quantique.
Le Canada est un chef de file dans le domaine de la science quantique. Si cela a été rendu possible, c'est grâce à des investissements patients et à long terme dans la recherche fondamentale et appliquée. Cela a permis aux talents canadiens de mener le développement d'innovations en science et technologie quantiques.
[Traduction]
En ce sens, le succès du Canada en matière de S&T quantique s'apparente à l'expérience canadienne en matière d'intelligence artificielle, même si, en général, la science quantique est un domaine plus vaste et se trouve à un stade de développement plus précoce dans un certain nombre de domaines clés.
Au fil du temps, nous avons cherché à amplifier ces atouts par des investissements stratégiques à plus grande échelle dans la recherche.
Au total, au cours des dix dernières années, le gouvernement fédéral a investi un peu plus d'un milliard de dollars dans notre écosystème quantique. Cela comprend à la fois le financement de projets dirigés par des chercheurs et des initiatives telles que le premier fonds d'excellence en recherche qui a fourni un financement à grande échelle aux institutions canadiennes pour qu'elles atteignent un statut de classe mondiale dans d'autres domaines.
[Français]
Aujourd'hui, le Canada dispose d'un écosystème en pleine croissance. Il compte des centres d'expertise quantique dans des universités partout au pays, des entreprises qui ont réalisé des premières mondiales et des investissements solides du secteur privé canadien, y compris du capital-risque d'origine étrangère.
Tandis que l’écosystème quantique du Canada s’étend d’un océan à l’autre, il existe quatre grands centres d’expertise quantique dans le pays, principalement regroupés autour des universités.
[Traduction]
La région de Toronto-Waterloo, qui possède des atouts dans les domaines de l'information, des communications et des capteurs quantiques, avec des accélérateurs de commercialisation et des incubateurs dans la région, telles que des entreprises comme Xanadu et Ranovus. Par ailleurs, l'Institut de l'informatique quantique, situé à l'université de Waterloo, est la plus grande institution de ce type au monde.
Le corridor du Grand Montréal, de Sherbrooke et de Québec est ancré dans le travail sur le matériel et les dispositifs quantiques, et les entreprises engagées dans cet écosystème comprennent IBM, Anyon Systems et SB Quantum.
Le corridor Calgary-Edmonton possède une expertise en nanotechnologie et en technologies habilitantes, et l'Alberta met en place un réseau quantique provincial, Quantum Alberta, pour encourager et accélérer la commercialisation des technologies quantiques.
Dans la région du Grand Vancouver, l'accent est mis sur le développement d'algorithmes et de matériel quantiques, et Quantum BC joue un rôle clé en réunissant les parties prenantes provinciales. Une entreprise locale de la Colombie-Britannique, D-Wave, a été l'un des premiers leaders mondiaux dans le domaine de l'informatique quantique et a récemment fait d'importants progrès en termes d'investissement et de commercialisation de ses technologies.
[Français]
Il y a beaucoup de complémentarité dans les forces de ces centres et un éventail de collaborations entre les chercheurs universitaires, les jeunes entreprises et les entreprises plus grandes et mieux établies, ainsi que les laboratoires gouvernementaux. L'écosystème quantique au Canada est donc bien placé pour connaître du succès dans l'avenir.
Le Canada possède des forces dans de nombreux domaines différents, et nous sommes particulièrement connus pour nos travaux en informatique quantique, en communications quantiques et en cryptographie postquantique. D'après les exemples précédents, vous pouvez constater que les ordinateurs occupent une place importante dans le paysage quantique du Canada.
[Traduction]
Un élément important que je n'ai pas encore mentionné est que le talent quantique canadien est reconnu, et recherché, dans le monde entier. Voilà pourquoi le fait de mettre l'accent sur le bassin de talents au Canada nous aidera à tirer parti de l'énorme potentiel de la quantique pour la commercialisation, mais offrira aussi des avantages directs aux Canadiens.
[Français]
À ce stade du développement de l’écosystème quantique, la prochaine étape consiste à intensifier nos efforts de manière stratégique afin d’aider les chercheurs et les entreprises du Canada à saisir les occasions qui se présentent.
En raison de leur complexité, les technologies quantiques ne peuvent être développées dans un seul pays. C’est pourquoi la collaboration internationale est également très importante. Les chercheurs et les entreprises du Canada ont été très actifs dans ces collaborations. Jusqu’à présent, ces collaborations ont eu lieu principalement à l'échelle des chercheurs, mais elles pourraient aussi bénéficier d’une plus grande coordination.
Dans ce contexte, le gouvernement du Canada a annoncé, dans le budget de 2021, l’élaboration d’une stratégie quantique nationale et un engagement de 360 millions de dollars sur sept ans, à partir de 2021‑2022, comme prochaine étape pour développer l’écosystème quantique du Canada afin que les scientifiques et les entrepreneurs canadiens soient prêts pour l’ère quantique.
[Traduction]
Les objectifs principaux de la Stratégie quantique nationale du Canada sont d'amplifier la force importante du Canada dans la recherche quantique, de favoriser la croissance des technologies des entreprises et du personnel qui sont prêts pour la quantique, et de solidifier le leadership mondial du Canada dans ce domaine.
Cette annonce concernant le budget et cet investissement visent à solidifier ces forces de façon plus stratégique et à favoriser de meilleures relations entre nos centres d'expertise à l'échelle du pays, et ce, tout en reconnaissant l'expertise du Canada et les avantages potentiels de ces technologies sur le plan économique.
[Français]
Afin d’élaborer la stratégie quantique nationale, Innovation, Sciences et Développement économique Canada a tenu des consultations en 2021 et a récemment publié un rapport intitulé « Ce que nous avons entendu », qui souligne l’importance de la collaboration internationale, des talents et des investissements étrangers et de l’exportation vers les marchés internationaux pour soutenir la croissance de notre marché quantique.
Le rapport indique également que, pour que le Canada demeure un chef de file dans le domaine quantique, une collaboration entre le milieu universitaire, l’industrie et le gouvernement, tant à l’échelle nationale qu’internationale, est nécessaire.
[Traduction]
Élaborés à partir de ces consultations et d'autres, les investissements dans le cadre de la Stratégie ont déjà commencé à progresser dans chaque pilier. Par exemple, le CRSNG, le Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada, a récemment annoncé le lancement de programmes de formation et de recherche ainsi que des collaborations avec la Commission européenne et la National Science Foundation des États-Unis. Comme le précisera sans doute mon collègue, le Conseil national de recherches du Canada a aussi lancé des appels relativement à un certain nombre de programmes.
Parallèlement, le gouvernement élabore un document sur la Stratégie quantique nationale qui permettra de mieux cibler les investissements actuels et futurs afin de positionner le Canada comme chef de file dans les principaux domaines de force et d'opportunité de la technologie quantique au cours des prochaines années.
Monsieur le président, j’ai conservé un œil sur le chronomètre. Vous avez proposé six minutes, et la prochaine partie de ce que j’allais dire porte sur l’informatique quantique. Je sais qu’au cours de la deuxième heure, vous recevrez des experts du domaine qui pourront probablement vous en parler beaucoup mieux que moi. Si vous voulez passer à la prochaine série d’observations, je serai heureux de m’arrêter ici et de répondre à vos questions.
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Merci beaucoup, monsieur le président, de m’avoir invitée aujourd’hui à m’adresser au Comité au nom au Conseil national de recherches du Canada, dans le cadre de votre étude sur l’informatique quantique.
Avant tout, j’aimerais reconnaître que les installations du Conseil national de recherches du Canada se situent sur les territoires traditionnels de nombreuses Premières Nations, des Inuits et des Métis. Par ailleurs, je tiens à souligner que je me trouve actuellement sur un territoire traditionnel de la nation huronne-wendat. C’est pour nous un vrai privilège de pouvoir entreprendre des recherches et alimenter l’innovation sur ces terres, et nous rendons respectueusement hommage aux peuples qui les ont occupées avant nous.
Je m’appelle Geneviève Tanguay et j’assume les fonctions de vice-présidente de la division des Technologies émergentes au CNRC. Plusieurs centres de recherche se retrouvent sous ma responsabilité, en l’occurrence le Centre de recherche en électronique et photonique avancées, le Centre de recherche Herzberg en astronomie et en astrophysique, de même que les centres de recherche en métrologie, en nanotechnologie et sur les technologies de sécurité et de rupture.
Après un doctorat en parasitologie, j’ai travaillé dans maintes institutions, comme Universités Canada, le Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada, ainsi que le Centre québécois de valorisation des biotechnologies. Mon travail consistait dans une large mesure à promouvoir le transfert de ces technologies et des innovations. De 2007 à 2011, j’ai occupé le poste de sous-ministre adjointe à la recherche, à l’innovation, à la science et à la société au gouvernement du Québec. J’ai par la suite assuré les fonctions de vice-rectrice à la recherche à l’Université de Montréal, avant de me joindre au CNRC dans mes fonctions actuelles.
[Traduction]
Comme vous le savez sans doute, le CNRC est le plus grand organisme fédéral de recherche-développement du Canada, avec une portée nationale incluant des laboratoires dans 22 endroits répartis dans toutes les provinces du pays.
[Français]
En plus de réaliser leurs propres recherches de pointe, nos scientifiques, ingénieurs et spécialistes en affaires travaillent avec les universités, les collèges et les entreprises du Canada pour les aider à exploiter commercialement les technologies élaborées en laboratoire.
Le rôle du CNRC est crucial. Il sert de trait d'union entre les divers maillons de l'écosystème canadien de la recherche en donnant suite aux priorités énoncées dans les politiques publiques et en multipliant les possibilités dont profiteront les Canadiennes et les Canadiens.
Au cours des cinq dernières années, nous avons mis en œuvre un plan afin de revitaliser le CNRC et lui permettre de demeurer à l'avant-garde de la recherche et de l'innovation. Ce plan a entre autres engendré neuf centres de collaboration en recherche-développement avec les universités et d'autres partenaires dans des domaines aussi variés que la photonique quantique, les technologies océaniques, l'énergie verte, l'intelligence artificielle et la cybersécurité.
Parallèlement, au CNRC, nous poursuivons notre quête d'excellence en recherche en facilitant les travaux exploratoires de nos chercheurs et en prenant les devants dans certaines technologies de rupture afin de diversifier nos effectifs, d'insuffler un dynamisme neuf à nos recherches et de nous accorder avec les priorités industrielles des grands pôles de l'innovation.
[Traduction]
Permettez-moi à présent de vous parler des efforts que le CNRC déploie en recherche quantique. Avec son Programme de collaboration en science, en technologie et en innovation, nous souhaitons réunir les esprits les plus brillants du milieu universitaire, de l'industrie et du gouvernement en vue de réaliser des découvertes scientifiques et des percées technologiques qui changeront la donne dans le continuum de l'innovation. Ces programmes intersectoriels, articulés sur la collaboration, s'attaquent à des priorités actuelles ou nouvelles du gouvernement et parviendront à leur aboutissement dans sept ans. Parmi ces nombreux programmes baptisés « Défi », deux des plus récents ont pour thème la science quantique. Il s'agit du programme « Internet des objets: capteurs quantiques » et du programme « Informatique quantique appliquée ».
Lancé en 2021, le premier a pour objet de développer de capteurs révolutionnaires qui maîtriseront l'extrême sensibilité des systèmes quantiques en vue de l'étude d'un plus large éventail de phénomènes quantifiables avec une précision, une finesse et une rapidité supérieures. L'ambition est de parvenir à fabriquer et à commercialiser ces nouveaux capteurs, qui surpassent les limites de la physique classique, afin d'en tirer des applications dont la population entière bénéficiera. Jusqu'à présent, 47 ententes sont en cours de négociation avec de multiples partenaires industriels. Les principaux axes de ce programme « Défi » sont la photonique quantique, les systèmes quantiques sur puce et la métrologie quantique.
Le tout dernier programme « Défi » du CNRC, qui démarrera en 2022-2023, portera sur l'informatique quantique appliquée. Il aura pour objectif d'appuyer les innovations commerciales et publiques au niveau des algorithmes quantiques et des applications de l'informatique quantique. Ce programme s'accordera avec la Stratégie quantique nationale dont M. Vats vient de parler. Il soutiendra les initiatives quantiques à la grandeur du gouvernement canadien et aidera les ministères, les organismes fédéraux et les sociétés d'État à explorer l'application de l'informatique quantique aux activités de la fonction publique et à l'exécution des programmes. Le programme devrait se concentrer sur les algorithmes, les simulations ainsi que les modèles et l'architecture de nature quantique.
[Français]
Nous abordons également le thème de la communication quantique dans le cadre d'un troisième programme Défi, qui porte sur les réseaux sécurisés à haut débit. L'objectif est de développer et déployer les communications quantiques, notamment la distribution de clés quantiques, ainsi que les communications satellitaires quantiques.
En relevant ces défis, nous espérons nous montrer à la hauteur des aspirations du Canada en donnant naissance à des technologies, à des entreprises et à des talents prêts à effectuer le saut quantique et à confirmer le leadership du Canada dans ce domaine.
Je vous remercie de votre attention. Je serai heureuse de répondre à vos questions.
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Merci, monsieur le président.
Je vous remercie pour vos exposés.
Nous pourrions discuter longtemps de la recherche fondamentale, mais je voudrais parler de commercialisation. Le rapport intitulé Ce que nous avons entendu, affirme que « le Canada a l'habitude de produire d'excellentes recherches qui, souvent, ne sont pas commercialisées ». Cela ne s'applique pas seulement à la quantique, mais à tous les domaines de recherche, malheureusement.
Le domaine quantique reçoit différents types d'investissements. Nous constatons ces défis au CNRC, qui souligne que les priorités sont axées sur les missions et que toutes les entreprises peuvent se porter candidates. Dans d'autres contextes, nous voyons d'importants financements publics accordés à des organismes particuliers. Par exemple, la société D-Wave a reçu un financement de 40 millions de dollars en mars 2021.
Le rapport Ce que nous avons entendu souligne que « les participants s'accordent à dire que le gouvernement doit rester ouvert et ne pas choisir de gagnants pour le moment, car le secteur quantique est en développement ». Ils semblent avoir raison. Ils font remarquer que « à un moment donné, le Canada devra prendre une décision stratégique: soutenir quelques grands acteurs ou projets, ou de nombreux petits ».
Comme on distribue déjà les fonds du financement de 360 millions de dollars, que répondriez-vous à cette question?
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Merci, monsieur le président.
Premièrement, je vous remercie de me donner l'occasion de vous parler aujourd'hui.
Comme le président vient de le dire, je suis le directeur scientifique de l'Institut quantique de l'Université de Sherbrooke. Ma recherche porte sur le développement des ordinateurs quantiques et a mené à la création de quatre jeunes entreprises en quantique dirigées par des étudiants.
[Traduction]
Malgré leur puissance croissante, les ordinateurs modernes ne peuvent tout simplement pas exécuter certains calculs de valeur scientifique, sociétale et économique. Les ordinateurs quantiques promettent de rendre possibles certains de ces calculs. Un ordinateur quantique pourrait effectuer des calculs pour lesquels il faudrait des milliards d'années aux superordinateurs les plus rapides d'aujourd'hui. Pour certains problèmes, l'accélération offerte par les ordinateurs quantiques est plus modeste. Pour d'autres, ils n'offrent aucune accélération.
Nous ne comprenons pas encore l'accélération que les ordinateurs quantiques offriront. Nous ne savons pas encore tout, et il est plus difficile de répondre à cette question parce qu'il n'existe pas d'ordinateurs quantiques entièrement fonctionnels.
Cependant, la recherche fondamentale et le développement technologique nécessaires pour créer ces ordinateurs progressent à un rythme phénoménal. En quelques années seulement, nous sommes passés d'appareils très rudimentaires à de petits ordinateurs quantiques dans le nuage. Ces derniers peuvent servir à tester de nouvelles idées et à concevoir de nouvelles applications. Les chercheurs n'ont plus besoin d'un doctorat en physique pour apporter leur contribution.
Bien que la génération actuelle d'ordinateurs quantiques soit encore trop simple pour exécuter des calculs à grande échelle, la quantique a déjà démontré les avantages qu'elle nous apportera. Autrement dit, la génération actuelle d'ordinateurs quantiques est à la hauteur des superordinateurs les plus puissants d'aujourd'hui.
Combien de temps faudra-t-il pour que des ordinateurs quantiques entièrement fonctionnels soient disponibles? Comme on l'a déjà mentionné, il nous faudra encore beaucoup de recherche fondamentale et de développement technologique, et cela prendra du temps. C'est normal. Il nous a fallu des décennies pour passer des transistors à nos ordinateurs modernes.
Comme ses chercheurs ont fait de nombreuses découvertes importantes, le Canada est renommé dans le monde entier pour son excellence dans ce domaine. Ces découvertes ont été possibles grâce aux investissements du CRSNG, de la Fondation canadienne pour l'innovation, du Fonds d'excellence en recherche Apogée Canada, ou FERAC, de l'Institut canadien de recherches avancées et d'autres organismes. Nous avons maintenant une masse critique de chercheurs possédant une vaste expertise et une infrastructure de recherche de pointe. En particulier, le financement du FERAC aux universités de Sherbrooke, de Waterloo et de la Colombie-Britannique a produit les ressources, l'agilité et la perspective à long terme nécessaires pour permettre au Canada de soutenir la concurrence internationale.
Avec un peu de recul, on peut presque affirmer que le Canada a atteint par hasard cette position en recherche quantique, et cela grâce aux efforts de chercheurs et d'établissements individuels qui utilisent des programmes concurrentiels existants. À une époque où d'autres pays investissent stratégiquement dans la quantique, si le Canada adopte la même approche, il réduira le rôle de ses chercheurs et de son industrie sur la scène mondiale.
Bien sûr, c'est là que la Stratégie quantique nationale entre en jeu, ce qui est excellent. À mon avis, pour que la Stratégie produise les meilleurs résultats possibles, nous devrons tenir compte de certains éléments.
Premièrement, il est important de reconnaître que, bien qu'étant excellent, cet effort est relativement modeste par rapport à celui d'autres nations. Je suis convaincu que nous pourrons produire des résultats importants, mais il faudra quand même gérer les attentes.
Deuxièmement, comme je viens de le dire, la position du Canada en quantique est due au fait que des chercheurs et des établissements individuels ont utilisé des programmes concurrentiels existants. Bien sûr, la Stratégie quantique nationale vient tout juste d'être déployée, mais jusqu'à maintenant, l'investissement semble suivre la même approche, soit de s'appuyer sur les programmes existants. Cette approche comporte des risques. Nos ressources sont limitées, et nous ne pouvons pas exceller dans tous les domaines. Il faudra faire des choix.
Heureusement, la science et la technologie quantiques ne sont pas une idée vague. Elles ne produiront que des résultats positifs. En faisant des choix, nous perdrons certainement des occasions, mais nous ne nous retrouverons pas en dernière position à la course. Bien au contraire.
Quelles mesures importantes devrons-nous prendre pour maximiser les résultats de la Stratégie quantique nationale? Premièrement, notre véritable avantage quantique ne réside pas dans la technologie, mais dans les talents. Il est important d'attirer et de former des talents à tous les niveaux: professeurs, étudiants postdoctoraux, étudiants diplômés et personnel technique. Tous les chercheurs ne devront pas nécessairement détenir un doctorat.
À l'heure actuelle, la plus grande exportation du Canada dans le domaine quantique est probablement le talent. Il est essentiel de retenir au Canada les étudiants que nous formons. À l'Institut quantique de Sherbrooke, nous nous en préoccupons depuis que nous avons reçu la subvention du FERAC. Nous avons pris des mesures pour que nos étudiants diplômés et nos étudiants postdoctoraux reçoivent la formation et le soutien nécessaires pour devenir de jeunes entrepreneurs et créer leurs propres entreprises quantiques.
Nous avons atteint le point culminant de cette vision il y a quelques semaines à peine lorsque le gouvernement provincial a créé un centre d'innovation quantique à Sherbrooke, soutenu par plus de 450 millions de dollars d'investissements publics et privés. Ce centre contribuera à la croissance de l'écosystème quantique à Sherbrooke et de façon plus générale, dans tout le Canada. Cela nous aidera à conserver nos talents et à attirer plus encore d'étudiants, d'entreprises et d'investisseurs de l'étranger. Il nous faudra d'autres initiatives comme celle-ci avec le soutien des initiatives existantes.
En misant sur ses centres d'excellence existants, le Canada demeurera concurrentiel sur la scène internationale. Ces sept dernières années, les centres quantiques du FERAC ont créé une capacité de recherche extraordinaire, et l'écosystème quantique canadien en a bénéficié. En soutenant continuellement ces centres d'excellence, le Canada pourra demeurer en tête de file de ce domaine.
En résumé, nous avons encore bien de la recherche fondamentale et du développement technologique à faire avant que les ordinateurs quantiques deviennent disponibles. Nous ne savons pas quand cela se produira. Le potentiel est vaste, mais nous devrons gérer nos attentes.
Pour faire du chemin sur la scène mondiale, le Canada a besoin d'une stratégie quantique nationale ambitieuse et souple qui s'accompagne de bons choix stratégiques. C'est ainsi qu'il demeurera à l'avant-garde de la science et de la technologie quantiques qui, à long terme, ne pourront que contribuer à sa prospérité économique et sociale .
Merci.
Bonjour, je m'appelle Norbert Lütkenhaus. Je suis le directeur général de l'Institut d’informatique quantique.
Je travaille dans le domaine de l'information quantique depuis 1993, plus précisément, dans le domaine de la cryptographie quantique.
Permettez-moi d’abord d'expliquer brièvement ce qu'est l’information quantique. Alexandre Blais en a déjà fait une brève introduction. L'ingrédient principal est bien sûr la physique quantique, qui décrit le fonctionnement du monde à l’échelle microscopique. En fait, la première révolution quantique a eu lieu quand nous avons compris ces règles et elle nous a donné des dispositifs comme les lasers et les transistors qui nous ont ensuite conduits aux ordinateurs et ainsi de suite. Ces technologies sont le moteur de l'industrie de la haute technologie et font partie de notre vie quotidienne.
La deuxième révolution quantique est en cours et fusionne la physique quantique, l'informatique et la théorie de l'information. La différence, c'est que nous posons maintenant des questions sur des systèmes entiers et non plus seulement sur des appareils.
Quelles sont ces questions? Elles portent, par exemple, sur la façon de calculer la réponse à une question mathématique. Certaines peuvent sembler très abstraites, par exemple, comment pouvons-nous factoriser de grands nombres. Nous avons découvert que nous devions changer notre perception de ce qui est un problème difficile et de ce qui est un problème facile. Nous savons que les ordinateurs quantiques peuvent résoudre efficacement des problèmes que les ordinateurs classiques ne peuvent pas résoudre.
Un autre exemple de l'information quantique, c'est qu'elle nous amène à nous interroger sur la façon de communiquer en toute sécurité sur un canal, sans que des oreilles indiscrètes écoutent nos communications. Comment protéger nos renseignements personnels? Là encore, l'information quantique nous donne les outils dont nous avons besoin pour protéger notre vie privée.
La deuxième révolution quantique exige des systèmes. Ce sont nos connaissances de ces systèmes et notre capacité de les construire qui seront le moteur de l'industrie de la haute technologie de demain.
Il est important que je vous donne maintenant une idée de l'échelle de temps. En fait, l'information quantique est un jeu de longue durée, mais elle apporte des avantages à court et à moyen terme et même aujourd'hui.
Pourquoi est-ce un jeu de longue durée? Premièrement, nous savons que les ordinateurs quantiques peuvent effectuer des tâches particulières, comme briser des codes et simuler des systèmes quantiques. Ils sont vraiment bons pour cela.
Que peuvent-ils faire d'autre? Cette question relève vraiment de la recherche fondamentale. Nous devons vraiment concevoir ces applications pour lesquelles un ordinateur quantique serait utile. Tous les problèmes qui nécessitent des calculs trop intensifs pour des ordinateurs classiques, à cause de leur manque de puissance de calcul par exemple, sont bons pour nous. Nous avons besoin de la recherche fondamentale. Nous devons comprendre quel avantage cela nous procurerait.
Deuxièmement, nous avons évidemment besoin de construire des ordinateurs quantiques évolutifs et sous forme de gros ordinateurs. C'est un problème ardu, mais comme l'a dit le professeur Blais, nous faisons des progrès. C'est donc un projet de longue haleine.
Nous avons aussi réalisé des progrès à moyen terme. Pendant que nous avançons dans la construction d'ordinateurs quantiques universels évolutifs qui seront capables d'accomplir des choses merveilleuses, nous découvrons deux choses. La première, c'est que l'ordinateur en voie de construction s'améliore et se rapproche de l'ordinateur quantique universel.
Parallèlement, pendant que nous cherchons à savoir quels problèmes peuvent être résolus par un ordinateur quantique, nous réalisons qu'il existe d'autres problèmes qui requièrent de plus petits ordinateurs quantiques qui se chevauchent. La question intéressante que nous devons nous poser est la suivante: où se produira ce chevauchement et quels seront les problèmes à résoudre? Le milieu universitaire et l'industrie travaillent justement là-dessus parce que lorsqu'ils découvriront les premiers problèmes de chevauchement, il y aura d'énormes retombées.
À court terme, la communication quantique est prête à fonctionner. Ce sont des choses que nous pouvons construire et développer. La communication quantique sécurisée et la mission QEYSSat de l'Agence spatiale canadienne, dirigée par l'Institut d'informatique quantique, ou IIQ, sont des exemples de développement à court terme.
Pour d'autres projets, les échéanciers sont plus courts. Ce sont les choses que nous pouvons faire aujourd'hui. Les longs délais s'expliquent par la difficulté à construire des ordinateurs quantiques. C'est une tâche difficile pour la simple raison que le bruit environnant peut facilement les perturber. Nous devons donc apprendre à l'exploiter et le contrôler. Il est intéressant de voir que si nous avions un appareil très sensible à l'environnement, nous pourrions nous en servir comme détecteur pour mesurer les infimes variations dans les champs de gravitation électriques. C'est le domaine des détecteurs quantiques qui déjà est en plein développement.
L'industrie quantique reconnaît certes l'importance des avantages que le Canada peut retirer du travail dans ce domaine. Notre industrie n'est pas seulement engagée dans des projets à court terme, mais aussi dans des projets à moyen et à long terme. C'est très important de comprendre cela. Une étude de Doyletech prédit un chiffre d'affaires de 8,2 milliards de dollars par année et la création de 18 000 emplois hautement spécialisés d'ici 2030.
Cela veut dire que nous devons former la main-d'oeuvre. C'est justement ce que fait l'IIQ depuis 20 ans à tous les niveaux. En ce moment, par exemple, nous formons 200 diplômés universitaires qui travaillent actuellement à Waterloo. Nos diplômés se trouvent facilement un emploi dans l'industrie quantique émergente. Nos collègues de Sherbrooke et de Calgary mettent aussi en place des programmes de formation. Nous travaillons en collaboration à cet égard.
Le deuxième point est très important. Nous devons maintenir ce continuum de recherche. Nous consacrons beaucoup d'efforts à la recherche fondamentale qui soutient notre travail. C'est vraiment important. Même si nous visons le court terme, par exemple pour les centres quantiques, nos efforts seront fructueux. N'oubliez jamais que, si vous voulez avoir des cerises, vous devez planter un cerisier. Les cerises ne tombent pas du ciel. Vous avez besoin d'un système entier.
Troisièmement, nous devons avoir une structure efficace. Le partage des ressources est très utile. À Waterloo, nous avons l'installation de fabrication et de caractérisation nanométriques quantiques, qui permet à l'industrie quantique émergente de réduire le seuil d'investissement initial. Cela devient un gain qui profite au milieu de la recherche universitaire et nous permet d'avoir ces réseaux et ces possibilités de collaboration à la grandeur du Canada.
Collectivement, le bassin de talents, l'excellence universitaire et le partage des ressources attirent des investissements dans l'industrie quantique, par exemple dans de jeunes pousses locales — l'IIQ compte 14 entreprises dérivées — ou encore dans les stagiaires, les étudiants postdoctoraux ou d'autres étudiants universitaires, et dans d'autres entreprises de l'extérieur.
Je serai ravi d'approfondir ces points si vous avez des questions à ce sujet. Je suis disposé à vous rencontrer en ligne ou en personne lorsque je serai à Ottawa.
Je vous remercie.
J'ai la chance d'être le troisième à prendre la parole parce que mes bons amis Alexandre et Norbert ont fait d'excellentes présentations sur la quantique et son importance.
Avant de commencer, je tiens à mentionner que nous formons une communauté tissée serrée. J'ai rédigé des articles avec Alexandre et Norbert. Nous avons beaucoup de chance, au sein de cette communauté quantique, de si bien nous entendre et de tous travailler ensemble, sans nous disputer. C'est parfois rare dans le milieu universitaire.
Je suis professeur de physique à l'Université de Calgary, directeur de l'Institut des sciences et des technologies quantiques de l'Université de Calgary et chercheur principal à Quantum Alberta, qui regroupe une communauté moins structurée de scientifiques et de technologues des sciences quantiques de l'ensemble de l'Alberta. C'est le véhicule qui nous permet de décupler nos forces dans les domaines de l'informatique et de la technologie quantiques.
Je suis également scientifique au Creative Destruction Lab, qui est à la fois le volet quantique de l'Université de Toronto et le volet principal de l'Université de Calgary. À ce titre, j'encadre et j'évalue les entreprises en démarrage financées par un capital de risque. Ce travail est extrêmement utile parce qu'il me donne, en tant que scientifique universitaire, une très bonne idée de ce qu'il faut pour réussir dans le monde du capital de risque.
En Alberta, nos forces couvrent l'éventail des domaines quantiques stratégiques, comme vous venez de l'entendre. Nous travaillons dans les domaines de la détection quantique, de la communication quantique sécurisée, de l'informatique quantique et des matériaux quantiques. Les noms changent et les chiffrent varient, mais ce sont en gros les quatre domaines qui nous intéressent.
Je serai bientôt nommé directeur scientifique de l'initiative Quantum City de Calgary. Il s'agit d'un partenariat entre l'Université de Calgary, la ville de Calgary, Mphasis, notre partenaire clé de l'industrie, ainsi qu'une entreprise indienne de TI qui est en train d'établir son siège social mondial d'informatique quantique à Calgary, et la province de l'Alberta. L'objectif de Quantum City, que je dirigerai, est de développer l'écosystème quantique de l'Alberta. Ce projet ne fait pas seulement appel aux universitaires, mais à des intervenants de tous les paliers, afin que notre écosystème quantique puisse répondre aux attentes et aux besoins de toutes les parties prenantes.
Les priorités de Quantum City comprennent la collaboration avec des scientifiques et des techniciens quantiques de partout au Canada. J'ai déjà eu des discussions avec Alexandre Blais et Norbert Lütkenhaus. Nous n'essayons pas de nous faire concurrence. Nous voulons trouver des moyens de comprendre les forces complémentaires de chacun et de travailler ensemble vers la réussite.
Nous comprenons également l'importance de travailler à l'échelle internationale et c'est d'ailleurs l'une de nos priorités. Comme nous l'avons entendu au cours des deux dernières heures, nos ressources ne sont pas suffisantes pour nous permettre de devenir les meilleurs au monde. Nous devons donc travailler stratégiquement, bien connaître les problèmes liés à la sécurité et travailler en collaboration pour faire du Canada un exemple d'excellence en sciences et en technologies quantiques.
Les priorités de Quantum City sont la validation du concept et le développement de prototypes pour les composantes, les appareils et les systèmes quantiques. Nous voulons également former une main-d'oeuvre quantique. Nous savons que le talent existe. Notre objectif n'est pas de former des gens qui sont déjà dans le domaine, mais plutôt des gens qui ne connaissent pas la quantique afin qu'ils soient capables d'utiliser des outils quantiques.
En Alberta, notre objectif est aussi de maintenir et d'élargir notre communauté de chercheurs de calibre mondial en matière de détection, de communication et d'informatique quantique. Nous sommes en régime minceur, comme j'ai l'habitude de le dire. L'Alberta est un joueur sur la scène nationale, mais nous n'avons pas obtenu le même niveau d'investissement. Nous en étions très contents parce que nous avions d'autres priorités, mais maintenant, nous voulons participer au jeu à armes égales, sans pour autant faire concurrence aux autres, mais pour trouver des façons de tirer partie des forces qui ont été créées à la grandeur du Canada.
Je vous fais remarquer que nous faisons de grands progrès pour offrir le premier programme de maîtrise professionelle au monde en informatique quantique. Le programme est axé sur les logiciels et nous prévoyons accueillir les étudiants dès septembre 2023. Nous avons entrepris des démarches auprès de l'industrie. Les entreprises canadiennes se sont d'ailleurs montrées très enthousiastes à l'idée d'accueillir des stagiaires et des étudiants de ce programme.
En terminant, je tiens à soulever un point qui pourrait intéresser le Comité. J'ai un excellent profil de recherche et de relations internationales. Mes activités internationales sont très importantes pour moi.
J'ai créé beaucoup de contacts en Afrique et tissé des liens solides avec la Chine et l'Inde. Je connais l'importance de la sécurité. Certaines des questions soulevées, du moins au cours de la dernière heure, se chevauchent parfois. Dans le cadre de mes activités internationales, je deviens parfois un sujet de discussion quand il est question de problèmes de sécurité et autres. Je veux simplement m'assurer que vous êtes au courant.
Je poursuis ces importantes activités internationales, tout en étant conscient de la géopolitique et tous les autres problèmes de sécurité. Je le fais en partie pour faire profiter le Canada de mes liens internationaux. Le Canada en retire de nombreux avantages et nous devons arriver à gérer la situation de manière à répondre aux besoins du Canada, tout en assurant sa sécurité. Dans la mesure du possible, nous évitons de rompre nos contacts et nos liens avec les autres.
Merci beaucoup.
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Je vous remercie de la question.
On a parlé beaucoup de l’ordinateur quantique aujourd’hui, mais, comme je l'ai mentionné, il est important de comprendre que l'information quantique ne comprend pas qu'un volet. Il y a plusieurs aspects à l’information quantique. M. Lütkenhaus a parlé de l'un d'eux, soit les détecteurs quantiques, lesquels permettent de mesurer les propriétés de leur environnement plus rapidement et plus efficacement que les détecteurs actuels. Il y a des détecteurs partout autour de nous, notamment dans nos téléphones intelligents, dans nos voitures et dans le matériel d’imagerie médicale qui est utilisé à l’hôpital. L’informatique quantique permet d’avoir des détecteurs qui sont plus rapides et qui fournissent de meilleures données.
En ce moment, une compagnie de Sherbrooke, SBQuantum, conçoit des détecteurs quantiques pour l’industrie minière. Les premiers tests sont faits en ce moment, en collaboration avec le CNRC. Ces détecteurs pourront être placés sur des drones et détecter les variations du champ magnétique qui indiquent la présence de gisements. Ce sont des technologies beaucoup plus avancées, en fait, que l’ordinateur quantique.
Les détecteurs quantiques pourraient également donner plus rapidement de meilleures données dans le domaine de l’imagerie médicale. En ce moment, on utilise de gros équipements pour faire de l'imagerie médicale, car les patients doivent entrer à l'intérieur de ces machines. On pourrait imaginer des structures beaucoup plus petites, comme des casques équipés de détecteurs quantiques, qui permettraient de faire de l’imagerie plus rapidement et plus efficacement. Encore une fois, des compagnies canadiennes mettent au point ces technologies, et c'est encore plus avancé que l’ordinateur quantique.
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Je vous remercie du commentaire et de la question.
Je ne reviendrai pas sur les choix stratégiques, puisque j'en ai déjà parlé, mais il y a plusieurs points que je pourrais soulever. J'aimerais revenir entre autres sur la question du talent, qui est essentielle. Il y a la technologie, dont nous avons parlé, mais il faut des gens pour la créer. Le nombre de personnes que nous formons est peu élevé au regard de ce qui serait nécessaire. En outre, ce petit nombre de personnes est embauché immédiatement par des compagnies à l'international. J'ai des étudiants qui, seulement un an après le début de leur doctorat, sont sollicités par plusieurs compagnies qui leur demandent ce qu'ils feront une fois qu'ils auront obtenu leur diplôme. Nous sommes dans une drôle de situation.
Il faut pouvoir retenir ces gens. Pour ce faire, il faut créer un écosystème d'entreprises. Je parle de jeunes pousses qu'on crée ici et d'entreprises qu'on attire. Pour créer de jeunes pousses, je ne crois pas que la meilleure approche soit de demander aux professeurs de créer une entreprise. Si un professeur crée une compagnie, il en crée une et c'est terminé. S'il part pour se consacrer à son entreprise, on perd alors un canal important pour les étudiants.
Encourager nos étudiants à démarrer leurs propres compagnies est vraiment une formule gagnante, selon moi. Or, il manque probablement certaines composantes pour y arriver. Les investisseurs, au Canada, sont plus frileux lorsqu'il est question d'investir dans des initiatives qui demandent un investissement à long terme. Les premières années, soit la période où l'on passe de l'université à une compagnie de la taille de D‑Wave, dont nous avons parlé, sont critiques. Je pense que la stratégie nationale a un rôle à jouer à cet égard.
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En fait, c'est la semaine prochaine qu'il aura lieu. À la fin de notre réunion, je vais filer directement à l'aéroport pour prendre un vol vers Abu Dhabi. Là-bas, je vais travailler avec les gens du campus de l'Université de New York à Abu Dhabi, à l'organisation d'un hackathon intitulé « Hackathon pour le bien social dans le monde arabe ». J'agirai en tant qu'expert en informatique quantique.
Le hackathon rassemble des ingénieurs en logiciels, des informaticiens et des gens qui souhaitent développer des applications, des API ou interfaces de programmation d'applications, qui pourront être intégrées à votre téléphone. L'idée est de faire ce que beaucoup de participants à souhaitent faire: trouver des moyens d'intégrer l'informatique quantique dans des applications pratiques.
Mon aide est très utile pour cela. La semaine prochaine, je serai l'un des conférenciers, mais j'agirai également à titre de mentor et de facilitateur. Le but, c'est d'utiliser ce que l'informatique quantique permet de faire aujourd'hui... Je vais vous expliquer clairement. L'informatique quantique est un travail de longue haleine, mais il existe un domaine appelé « informatique d'inspiration quantique » qui nous amène à nous demander à quoi pourrait servir un ordinateur quantique. Si nous simulons un ordinateur quantique aujourd'hui, pourrions-nous profiter des bienfaits du futur dès aujourd'hui? Essentiellement, le fait de penser à ce qu'un ordinateur quantique pourrait faire dans le futur nous incite à inventer de nouveaux algorithmes dès aujourd'hui, comme dans les domaines d'optimisation.
La semaine prochaine, à Abu Dhabi, nous allons notamment examiner comment l'informatique d'inspiration quantique peut conduire à la création de nouveaux algorithmes et chercher des façons d'intégrer ces nouveaux algorithmes aux applications. Je réunirai ensuite certains de mes étudiants de Calgary et nous travaillons sur des projets comme la gestion des vols. Nous essayons de développer des applications permettant aux pays de réduire la hausse des températures mondiales. C'est ce que nous appelons la « fonction objective ». Nous essayons de trouver des façons, en fonction des décollages et des atterrissages, des altitudes, de minimiser la hausse des températures mondiales. Nous faisons tout cela grâce à l'informatique d'inspiration quantique.
Je vous remercie de votre question. J'adore faire cela et il se trouve qu'Abu Dhabi est le premier endroit où se déroulera un hackathon de ce genre. J'apporte donc ma contribution.
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Merci beaucoup, monsieur le président.
Monsieur Sanders, plutôt que d'avoir une application installée sur mon téléphone pour voter à la Chambre des communes, j'aimerais avoir la possibilité d'être transporté là-bas par mon téléphone et d'y voter grâce à un hologramme.
Je fais des farces, bien sûr.
Je vous remercie beaucoup de votre présence, chers témoins. Ce que vous êtes en train de nous apprendre est assez impressionnant. En toute sincérité, au début de notre étude, je me sentais un peu comme M. Lemire: je me demandais quel genre de questions j'allais bien pouvoir vous poser. Finalement, j'ai un million de questions à vous poser.
Monsieur Blais, vous avez beaucoup parlé de formation tout à l'heure. Vous avez dit que le gouvernement du Québec venait d'investir des sommes importantes, qui s'ajoutent aux sommes versées par le gouvernement du Canada par l'entremise de la stratégie quantique nationale, qui est en cours d'élaboration.
Pour ce qui est de la formation, vous savez qu'il y a les CCTT au Québec, c'est-à-dire les Centres collégiaux de transfert de technologie. Chez nous, à La Pocatière, les entreprises Solutions Novika et OPTECH, que vous connaissez sûrement, font partie des CCTT. J'ai visité le site Internet d'OPTECH et j'y ai appris que l'entreprise se consacrait aussi à la technologie quantique.
Il s'agit ici de formation technique. Savez-vous si la stratégie quantique nationale prévoit des fonds qui seront consacrés à la formation technique?
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Je pourrais peut-être commencer. Je veux seulement dire qu'à Calgary, comme c'est aussi le cas en Ontario et au Québec, nous cherchons des moyens d'attirer des entreprises et de nous assurer que nous avons les talents. Comme nous l'avons entendu, nous formons des talents, mais ceux-ci quittent le Canada. C'est un problème.
L'argent et la gouvernance peuvent vraiment nous aider à atteindre ces deux objectifs. En Alberta, une grande partie du financement que nous avons obtenu dans le récent budget provincial nous permet de subventionner efficacement le développement de talents afin que nous puissions créer des programmes qui répondent aux besoins de l'industrie, des programmes de formation à recouvrement intégral des coûts. Nous proposons des diplômes professionnels et nous informons les entreprises que nous formons des talents. Le talent sera au rendez-vous. Nous leur garantissons que nous leur fournirons des talents si elles viennent s'établir à Calgary et que cela ne représente aucun risque parce que ce sont des fonds publics qui nous permettent de lancer ce programme et d'en gérer le risque, pour ainsi dire.
Si nous ne faisons pas cela, nous développons le talent puis les entreprises viennent s'établir plus tard. Comme mes collègues l'ont dit, certains étudiants lancent des entreprises à la fin de leurs études, mais c'est trop tard. Nous perdrons les talents. Par contre, si nous essayons d'attirer des entreprises et que nous n'avons pas de talents à leur offrir, cela pose problème. Je vois cela comme un problème, mais il y a des solutions.
Nous avons eu des discussions avec Mitacs, une excellente organisation, au sujet de stages et d'autres initiatives, mais il y a un point que je ne cesse de soulever. Nous devons trouver un moyen de développer des talents en technologie de pointe, et nous avons l'argent pour le faire, et d'attirer des entreprises et de jumeler les deux. De cette façon, une entreprise qui vient s'établir pourra avoir les talents dont elle a besoin.
Pour résumer mon propos, nous devons développer des talents et créer des entreprises simultanément. C'est justement une lacune dans la façon dont nous gérons notre stratégie quantique.