:
Merci, madame la présidente. Merci de m'avoir invité à comparaître ce soir.
Les dernières semaines ont été éprouvantes pour ma famille et moi-même, mais il faut souligner que mon cas n'est qu'un parmi les nombreux cas de Canadiens qui sont menacés en sol canadien par des gouvernements autoritaires et qui souffrent en silence. J'espère que ce qui s'est passé débouchera sur de véritables changements qui permettront de renforcer la sécurité nationale et le renseignement afin de mieux protéger tous les Canadiens et les institutions au pays.
Voici les principaux faits se rapportant à mon cas.
C'est grâce à un article paru dans le Globe and Mail le 1er mai 2023 que j'ai appris que M. Wei Zhao, diplomate de la République populaire de Chine, ou RPC, recueillait des informations sur ma famille en RPC à partir du consulat de Chine à Toronto. Selon cet article, M. Zhao cumulait ces informations en vue de possibles sanctions visant à faire pression sur moi et sur d'autres députés concernant les débats en cours à la Chambre des communes. Une source du milieu de la sécurité nationale avait décrit M. Zhao comme un « acteur présumé du renseignement » dans un article publié dans le Globe and Mail le 13 février 2023.
Deux ans auparavant, le 24 juin 2021, j'avais été informé par le SCRS d'activités d'ingérence étrangère lors d'une séance d'information de nature générale qui ne renfermait aucun renseignement sur M. Zhao. Entre cette première séance d'information du SCRS, le 24 juin 2021, et le 1er mai 2023, personne ne m'a dit que M. Zhao recueillait des informations sur ma famille à partir du consulat de Chine à Toronto, au Canada.
Je recommande, madame la présidente, que M. Wei Zhao soit censuré par la Chambre pour avoir mené des activités d'ingérence étrangère contre un parlementaire canadien. Cela enverrait un message clair. Quiconque voudrait se livrer à ce type d'activités au Canada saurait alors que le Parlement prend des mesures pour défendre ses députés.
Visiblement, M. Zhao et des représentants de la RPC au Canada s'en prennent aux membres de tous les partis à la Chambre au moyen de tactiques de coercition et de corruption pour faire pression sur les députés concernant les affaires de politique étrangère. Afin de dégager les problèmes systémiques, je recommande au Comité de faire des démarches pour obtenir les documents et les dossiers de suivi relatifs à l'évaluation du renseignement du SCRS datant du 20 juillet 2021 intitulée People's Republic of China Foreign Interference in Canada: A Critical National Security Threat.
Madame la présidente, des témoignages précédents ont indiqué, si j'ai bien compris, qu'un protocole d'entente a été conclu au titre duquel le SCRS signale à la Chambre des communes toute menace dirigée par un gouvernement étranger contre un député. À la lumière de ce protocole d'entente, je recommande que le SCRS informe directement et de façon détaillée les députés concernés de toute activité d'ingérence étrangère précise dirigée contre eux et leur famille, y compris de l'identité des personnes impliquées dans l'activité en question.
Je recommande également que le SCRS informe le de l'identité de quiconque au Canada est impliqué dans des activités d'ingérence étrangère dirigées contre des députés et leur famille afin que le Président puisse divulguer l'identité des personnes en question à tous les députés de la Chambre.
Le SCRS a toujours dit que la lumière et la transparence étaient des outils que le Canada pouvait utiliser pour lutter contre les activités d'ingérence étrangère de sorte que les détails de ces activités soient rendus publics et que les députés, les citoyens, les partis et les candidats soient en mesure de prendre des décisions éclairées sur ce qui se passe.
Un protocole similaire est en place à la Chambre des communes du Royaume-Uni. Il aurait été utilisé au moins deux fois au cours des deux dernières années. L'an dernier, le MI5 a informé le président de la Chambre des communes britannique de l'existence de Mme Christine Lee, une agente de la RPC qui se livrait à des activités d'ingérence étrangère. Le président a ensuite transmis par courriel les informations à tous les députés. Par ailleurs, il y a deux ans, le président a aussi envoyé un courriel aux députés britanniques pour les avertir que deux individus agissaient à titre d'agents de la Fédération de Russie.
Madame la présidente, je voudrais dire quelques mots sur la divulgation non autorisée de renseignements.
Ces divulgations portent atteinte à la sécurité nationale et érodent la confiance des alliés du Groupe des cinq vis‑à‑vis des services de renseignement canadiens. Elles ne se produiraient pas si le système fonctionnait comme il se doit. Le bon fonctionnement du système relève du chef du gouvernement, qui à lui seul est responsable de la machine gouvernementale.
Des informations sont divulguées parce que le gouvernement ne communique pas les informations en temps opportun au Parlement et aux comités selon un processus officiel. Ces incidents sont symptomatiques du dérèglement du système de sécurité nationale et du renseignement, qui ne comporte pas de processus bien établi pour relayer en temps opportun les informations au Parlement, aux comités parlementaires, aux députés, aux partis politiques ou aux autres personnes et institutions.
Notre ère se caractérise par l'omniprésence et la surabondance d'informations. Les informations finissent par être diffusées. La question est de savoir si elles le seront en temps opportun, par le gouvernement, selon un processus officiel ou de la manière dont elles l'ont été au cours des derniers mois. Il revient au gouvernement de fournir au Parlement en temps opportun les informations sur les affaires liées à la sécurité nationale et au renseignement dans le cadre d'un processus bien établi, que ce soit sur la question étudiée par le Comité ce soir ou sur des atteintes à la sécurité nationale dans le laboratoire de Winnipeg.
L'affaire dont est saisi le Comité ne serait pas survenue si le gouvernement avait suivi l'exemple d'autres pays tels que le Royaume-Uni et les États-Unis, où les législateurs reçoivent depuis toujours des séances d'information sur des questions délicates liées à la sécurité nationale et au renseignement. Cette pratique est bien établie dans ces deux pays depuis des décennies. L'histoire montre que les législateurs utilisent et communiquent ces informations de manière responsable et efficace. Le Canada doit rattraper son retard et s'inspirer des pratiques exemplaires des autres démocraties pour que les affaires liées à la sécurité nationale et au renseignement ne soient pas étouffées par la bureaucratie et le pouvoir exécutif. Cette transition peut se faire de façon efficace et efficiente. Selon les modèles britannique et américain, il n'est pas nécessaire de faire un compromis entre la sécurité nationale et l'octroi de pouvoirs aux législateurs.
Le Comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement du n'est pas une solution à long terme. Le comité n'a pas droit de cité au Parlement. Il s'agit en fait d'un comité du gouvernement dont les membres sont nommés par le premier ministre, mais où siègent aussi des députés.
Le changement à apporter est d'ordre institutionnel. Je recommande que le comité sur la sécurité nationale et le renseignement soit intégré au Parlement. Le Canada a besoin d'un comité parlementaire indépendant sur la sécurité nationale et le renseignement fondé sur le modèle du Royaume-Uni et des États-Unis.
Je recommande également au gouvernement d'adopter rapidement une loi qui établit un registre des agents étrangers et de s'engager à mener une enquête publique sur les activités d'ingérence étrangère de la RPC.
En terminant, madame la présidente, l'ingérence étrangère à laquelle se livrent les régimes autoritaires à l'encontre des démocraties occidentales continuera à s'accroître. Les gouvernements étrangers comme la RPC et la Fédération de Russie continueront d'essayer d'influencer de manière coercitive nos institutions pour faire infléchir nos actions conformément à leurs intérêts. Ce serait naïf de penser le contraire. Cette menace grave et persistante nécessite une approche urgente et pangouvernementale.
Un examen relatif à la sécurité nationale s'impose depuis longtemps. Je recommande au gouvernement de l'entreprendre dès que possible. Cet examen ne doit pas se limiter au et aux services de renseignement. Il doit englober le Parlement, cœur de la démocratie canadienne, qui doit y participer à titre de partenaire égal.
Le gouvernement doit agir. Ne rien faire, ce serait accroître inutilement la vulnérabilité de notre démocratie envers l'ingérence étrangère. Je suis convaincu que les députés peuvent relever le défi. Tirons des leçons de nos alliés démocratiques. Agissons maintenant pour entraver toute ingérence étrangère dans notre démocratie.
Merci, madame la présidente.
:
Merci, madame la présidente.
Je vous remercie d'être des nôtres, monsieur Chong. Je suis convaincue que la présente tribune nous aidera à trouver des moyens d'améliorer le système. Je pense que nos objectifs sont semblables.
J'apprécie vos recommandations. Certaines sont déjà en branle. Toutefois, je sais qu'il y a des nuances, par exemple en ce qui a trait à la possibilité de faire du CPSNR un comité permanent. La création du registre des agents étrangers va bon train. Je suis désolée que vous ayez vécu une telle situation, mais peut-être que cela nous poussera à faire mieux à l'avenir.
Cela étant dit, selon les agents du SCRS qui ont témoigné devant le Comité, le problème n'est pas nouveau. En effet, depuis l'époque de Mulroney, le SCRS et d'autres organismes ont de la difficulté à convaincre le gouvernement d'agir et de mettre en œuvre des moyens pour protéger la démocratie et les députés contre l'ingérence. Beaucoup de mesures ont été prises, mais je pense que nous pouvons continuer à progresser.
Vous avez dit que vous aviez participé à une séance d'information le 24 juin 2021. Selon La Presse, je crois, vous auriez aussi assisté à des séances d'information le 1er août 2021, le 5 février 2022 et le 18 juillet 2022.
Ces dates vous disent-elles quelque chose? Est‑ce vrai ou faux?
C'est important de le dire parce qu'aujourd'hui, ce que je cherche, c'est de l'information. On a beaucoup parlé d'information et de transmission d'informations, mais nous avons vu peu d'action de la part du gouvernement. Malgré tout ce va-et-vient d'information, il semble que ce gouvernement soit nonchalant quand il est question d'agir.
On sait que le SCRS avait signalé les agissements du diplomate, en 2018. On sait également que le SCRS disposait d'un dossier de contre-espionnage complet sur lui depuis 2020. Je parle du fameux diplomate chargé de recueillir l'information sur vous et votre famille.
Nous avons appris dans le Globe and Mail que vous en étiez la cible, et le gouvernement prétend ne rien avoir su.
Comment peut-on expliquer la nonchalance du bureau du premier ministre et du lui-même en ce qui a trait à cet enjeu, qui touche non seulement les députés, mais également de nombreux membres de la diaspora chinoise, ici, au pays?
:
Merci beaucoup, madame la présidente.
J'aimerais vous remercier, monsieur Chong. Je suis votre carrière politique depuis longtemps, bien avant que j'arrive en politique, et je sais que vous êtes un homme qui croit fermement dans les institutions.
[Traduction]
Lorsque j'ai lu les articles du Globe and Mail pour la première fois, j'ai été profondément troublé et préoccupé — tout comme vous, comme vous l'avez clairement indiqué —, étant donné les privilèges que nous avons, en tant que députés, et le rôle que nous devons pouvoir exercer librement.
À la lumière de certains commentaires que j'ai lus et de votre témoignage ici aujourd'hui, j'en conclus que vous essayez de protéger les services de sécurité et les renseignements que vous avez reçus afin de respecter vos obligations en tant qu'ancien ministre et de suivre les conseils qui vous ont été donnés, mais j'essaie de savoir comment nous pouvons aller de l'avant.
Y a‑t‑il des choses que vous aimeriez partager avec le Comité et que vous savez ne pas pouvoir partager publiquement?
:
Merci, madame la présidente.
Depuis novembre, monsieur Chong, nous étudions la question de l'ingérence chinoise. Plusieurs sondages ont révélé qu'un Canadien sur cinq fait plus ou moins confiance aux résultats des élections. Le Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre avait beaucoup de travail à faire.
Aujourd'hui, nous apprenons que le a émis une nouvelle directive pour le Service canadien du renseignement de sécurité. Le ministre exige que le SCRS l'informe de toute menace pesant sur les élus ou le Parlement. Le SCRS va devoir aussi informer les parlementaires des menaces les visant dans la mesure du possible. En fait, beaucoup de ces communications sont à sens unique.
Cela fait 50 fois qu'on dit qu'il faut agir, qu'il faut avoir de l'audace, et ainsi de suite. De petits pas ont été faits.
Malheureusement, monsieur Chong, vous contribuez à changer et à maintenir l'étanchéité de notre démocratie.
J'aimerais entendre vos commentaires à ce sujet.
:
Je vous remercie. C'est très utile.
D'autres témoins ont dit avoir eu des problèmes avec des gouvernements et des États autoritaires. Ils ont indiqué avoir essayé d'aviser la police locale ou la GRC de la situation, mais qu'ils n'ont obtenu aucune réponse. Il semble y avoir, à ce niveau, un manque de sensibilisation ou de compréhension sur la façon d'aborder ce problème, ce qui nous ramène à votre témoignage, à mon avis, car vous avez dit que vous avez aussi informé le service local de la GRC de votre situation.
Quel genre de mesures de protection doit‑on mettre en place? En tant que députés, nous sommes un petit peu plus privilégiés, en ce sens que lorsqu'on découvre quelque chose, cela se retrouve dans le Globe and Mail, ce qui n'est pas le cas pour tant de Canadiens qui n'occupent pas ces fonctions.
Selon vous, que faut‑il faire pour nous attaquer à ce problème de manière plus significative et plus exhaustive partout au Canada, tant dans le monde politique que dans la vie quotidienne de la population canadienne?
:
Merci, madame la présidente. Je pose évidemment mes questions à mon collègue, M. Chong, par l'intermédiaire de la présidence.
J'aimerais d'abord remercier mon collègue. Lui et moi sommes ici depuis longtemps. Si vous additionnez les années, je pense que cela donne environ 36 ans de service en cette enceinte. Je le connais depuis longtemps. Je tiens à le féliciter de la grâce dont il a fait preuve depuis qu'il a pris connaissance de cette information. Je lui souhaite, à lui et à sa famille, le meilleur pour l'avenir, peu importe l'issue de ces délibérations.
Monsieur Chong, vous savez sans doute que le Comité a été chargé d'entreprendre une étude sur l'ingérence étrangère dans les élections. Dans ce cas, nous avons vu de nombreux éléments d'information être rendus publics par des voies inhabituelles, informations qu'on s'attendrait normalement à voir par simple question de transparence. J'ai ma propre opinion sur la question de savoir s'il s'agit d'une défaillance de l'appareil gouvernemental ou d'un manque de leadership politique. Quoi qu'il en soit, le Comité a cherché à obtenir des documents à maintes reprises, par l'intermédiaire de diverses motions. Certaines de ces motions ont été adoptées, et d'autres ont été modifiées pour supprimer la demande de production de documents. Le Comité est actuellement saisi d'une motion dans laquelle on demande la production de documents.
Voici ma question. Étant donné qu'une bonne partie de ces informations vous concernent, par exemple, pensez-vous qu'il est tout à fait raisonnable, par rapport à une demande de production de documents, que le Comité adopte une motion à cet égard? En outre, est‑il raisonnable que les documents caviardés et non caviardés soient transmis au légiste parlementaire aux fins d'une analyse comparative entre les documents caviardés — nous en avons vu certains, et ils n'étaient pas particulièrement utiles — et les documents non caviardés? Le légiste parlementaire aurait alors la discrétion de mettre ces informations à la disposition du Comité afin qu'il puisse, après son examen de cette question de privilège en votre nom, parvenir aux conclusions justes et présenter les meilleures recommandations.
:
Merci. Je crois qu'il s'agit assurément de la procédure à suivre.
Le Parlement a le droit absolu d'exiger la production de documents et la comparution de témoins. Je me souviens d'un témoin — Karlheinz Schreiber — qui, si je ne m'abuse, avait dû être libéré de la garde de Sa Majesté au nom de la province de l'Ontario depuis l'établissement correctionnel de Mimico, parce que le Président avait émis un mandat, je crois, pour qu'il comparaisse devant un comité.
Le Parlement a toujours eu ce droit absolu en matière de documents et de témoins. Dans ce cas‑ci, je crois que le gouvernement devrait fournir des documents sous clé au légiste parlementaire, qui prendrait alors la décision de caviarder tout ce qui pourrait nuire à la sécurité nationale en consultation avec des fonctionnaires. On chercherait ainsi à protéger la sécurité nationale. J'estime qu'il s'agit d'une procédure appropriée.
Je pense que ce serait la bonne procédure à suivre pour le Parlement si le CPSNR participait au processus parlementaire. Elle a d'ailleurs été recommandée par un ancien légiste, M. Dufresne. J'estime que c'est une bonne procédure.
:
J'espère que vous serez tout aussi généreuse avec le temps qui m'est alloué, madame la présidente.
J'aimerais vous remercier d'être parmi nous ce soir, monsieur Chong. Je vous remercie de votre témoignage. Vous travaillez sur la Colline parlementaire depuis un bon moment. Cela fait 19 ans, si je ne m'abuse. Je vous remercie de votre service.
La séance de ce soir fera partie de notre étude sur l'ingérence étrangère, que nous avons entamée il y a un bon moment. J'aimerais donc saisir l'occasion pour vous poser des questions sur l'ingérence étrangère sous l'égide du gouvernement Harper, dont vous avez bien évidemment fait partie.
Nous n'avons pas eu l'occasion d'entendre les témoignages des représentants ou des fonctionnaires qui étaient en fonction à l'époque, à l'exception de Mme Byrne, que nous avons été heureux d'accueillir au Comité récemment. La semaine dernière, elle nous a dit n'avoir jamais été informée du potentiel d'ingérence étrangère. Elle a également dit n'avoir jamais reçu de rapports ou participé à des séances d'information avec le SCRS. Elle a ajouté que l'ingérence étrangère ne lui venait jamais à l'esprit. Il semble que ce n'était pas une préoccupation majeure à l'époque.
Êtes-vous du même avis?