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Je déclare la séance ouverte. Bienvenue à la réunion numéro 46 du Comité permanent de la sécurité publique et nationale de la Chambre des communes.
Pour commencer, nous allons d'abord souligner que nous nous réunissons sur le territoire traditionnel non cédé du peuple algonquin.
La séance d'aujourd'hui se déroule en mode hybride, conformément à l'ordre de la Chambre du 25 novembre 2021. Les membres sont donc présents en personne dans la salle ou à distance grâce à l'application Zoom. Conformément à la motion de routine du Comité concernant les tests de connexions des témoins, j'informe le Comité que tous les témoins ont effectué les tests de connexion requis avant la réunion.
Conformément à l'ordre de renvoi du jeudi 23 juin 2022, le Comité reprend l'examen du projet de loi , Loi modifiant certaines lois et d'autres textes en conséquence concernant les armes à feu.
Nous avons deux groupes de témoins aujourd'hui. Pour la première heure, nous accueillerons par vidéoconférence le Dr Atul Kapur, urgentologue et coprésident du Comité des relations publiques, de l'Association canadienne des médecins d'urgence; et nous recevons en personne dans la salle Rod Giltaca, président-directeur général et directeur exécutif de la Coalition canadienne pour les droits aux armes à feu.
Bienvenue à vous tous. Pour commencer, nous donnerons à chaque groupe l'occasion de présenter une déclaration liminaire de cinq minutes.
Docteur Kapur, je vous prie d'y aller pour cinq minutes.
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Merci, monsieur le président, et bonsoir. Merci de m'avoir invité à comparaître devant le Comité.
L'Association canadienne des médecins d'urgence, dont je suis un fier membre, est à l'avant-plan du traitement des patients et des familles aux prises avec [difficultés techniques] des blessures traumatiques, y compris des blessures et des décès par arme à feu. Par conséquent, nous avons une perspective unique sur la façon dont nous pouvons travailler à [difficultés techniques] traumatismes attribuables à de telles blessures et à de tels décès.
De plus, nous sommes particulièrement conscients du fait que, malgré toute la publicité faite autour des homicides, trois décès par arme à feu sur quatre au Canada sont des suicides. Nous pensons que cet élément important est souvent absent de la discussion et du dialogue sur la sécurité des armes à feu. C'est un domaine sur lequel nous aimerions nous concentrer.
Lorsqu'un plus grand nombre d'armes à feu sont accessibles, nous voyons une augmentation des traumatismes. Il y a une augmentation des blessures...
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Merci, monsieur le président. Je vais parler plus lentement et plus clairement.
Comme je l'ai dit, nous voulons souligner que trois décès par arme à feu sur quatre au Canada sont des suicides au lieu d'homicides intentionnels ou d'accidents. En fait, le Canada a l'un des taux de suicide par arme à feu les plus élevés dans le monde industrialisé.
Il existe des données scientifiques solides et robustes montrant que le fait d'avoir une arme à feu à la maison est associé à un risque de suicide plus élevé. Pour toute diminution de 10 % dans la propriété d'armes à feu, les décès de suicide par arme à feu ont chuté de 4,2 %, et le taux de suicide a diminué de 2,5 %. De même, la disponibilité des armes à feu est associée aux homicides, et en particulier aux homicides liés à la violence familiale.
Nous constatons également que la grande majorité des décès par suicide sont impulsifs. Si vous pouvez réduire l'accès à des moyens comportant une grande létalité, les gens ne choisiront habituellement pas d'autres moyens, ce qu'on appelle le soi-disant « effet de substitution ». Avec des moyens de létalité plus faible, il y a plus de chances d'intervenir et de prévenir le suicide.
Cela dit, nous voulons nous attacher aux dispositions sur le signalement du projet de loi qui vous est présenté. L'ACMU a réclamé pendant de nombreuses années un système de signalement obligatoire et une loi sur le signalement au Canada. Par cela, nous entendons un système de signalement médical des personnes à risque. Cependant, nous craignons que, sous sa forme actuelle, le libellé du projet de loi ait une efficacité très limitée.
Cela tient principalement au fait que la loi exigera une demande auprès d'un tribunal pour faire retirer les armes à feu d'un domicile ou de la possession d'un particulier. Nous continuons d'affirmer que cela est loin d'offrir la réactivité requise. Nous, en tant qu'urgentologues, devons être en mesure de signaler directement à la police l'incident ou un patient à risque élevé afin de protéger le particulier, ses amis et sa famille. Lorsque les minutes et les heures comptent, il est indéfendable de prendre des jours ou des semaines pour agir.
Cela s'applique aux patients qui présentent un risque élevé de suicide, mais qui n'atteignent pas le niveau nécessaire pour être admis à l'hôpital. Cela s'applique également aux patients qui ont un historique de démence et de comportements impulsifs, et en particulier aux patients que nous désignons comme étant à risque de violence familiale ou interpersonnelle.
Faire peser la charge de la preuve sur les victimes de violence interpersonnelle ou sur un membre de la famille d'une personne déprimée ou d'un parent dément est en grande partie irréalisable et constitue un obstacle indésirable à l'enlèvement temporaire des armes à feu du domicile des personnes en crise.
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Merci à tous de votre patience.
Lorsque les lumières commencent à s'allumer dans la pièce, cela signifie qu'il y a un vote, ou que la Chambre lève une séance ou commence à siéger. Dans ce cas‑ci, il s'agissait d'une demande de vérification du quorum. De façon générale, s'il y a un vote ou quelque chose du genre, nous avons besoin du consentement unanime pour poursuivre.
Cependant, il semble que la question du quorum soit réglée et que nous puissions continuer.
Encore une fois, excusez-moi, docteur Kapur; vous pourriez peut-être poursuivre votre déclaration.
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Heureusement, ou malheureusement, en tant qu'urgentologue, je suis habitué d'être interrompu.
Pour revenir au point concernant nos préoccupations au sujet des dispositions sur le signalement qui figurent actuellement dans le projet de loi, l'exigence de se présenter devant les tribunaux est un obstacle important à l'efficacité de cette partie de la loi. Elle devrait être combinée, selon nous, avec l'autorisation pour les médecins, en particulier les urgentologues, de signaler à la police les problèmes préoccupants de risque élevé afin qu'une intervention puisse avoir lieu en temps opportun.
Il existe déjà un exemple de loi sur le signalement au Canada, et c'est la loi Anastasia au Québec. Elle a également été rendue moins efficace en raison du manque de ressources qui ont été fournies pour soutenir son utilisation et renseigner le public et les médecins sur la façon de l'utiliser de manière appropriée. Nous demandons également des ressources adéquates pour ce qui est de la diffusion de connaissances, d'éducation et de capacité d'intervenir correctement une fois qu'une situation a été signalée.
Enfin, en tant qu'urgentologues, nous poursuivons l'appel que nous lançons depuis de nombreuses années en faveur de ressources appropriées pour la recherche et la collecte de données, afin que nous puissions disposer de plus de renseignements précis et de preuves scientifiques sur lesquels fonder nos décisions stratégiques.
Je crois que mes cinq minutes sont terminées, monsieur le président. Je vous remercie de m'avoir donné ce temps.
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Mesdames et messieurs et monsieur le président, j'aimerais vous remercier de m'avoir donné l'occasion de discuter avec vous. Je vous en suis très reconnaissant.
Je suppose que nous pouvons entrer dans le vif du sujet.
En ce qui concerne le projet de loi , il y a certaines dispositions dans le projet de loi — ou peut-être la motivation qui les sous-tend — que notre groupe peut soutenir. La raison pour laquelle je dis cela, c'est que nous voulons aussi un Canada plus sûr. En fait, je pourrais ajouter que nous partageons un grand nombre des mêmes préoccupations en matière de sécurité que beaucoup de personnes et de groupes que vous avez entendus jusqu'à présent au sein du Comité.
Par exemple, nous sommes en faveur de la révocation du permis pour les personnes qui sont coupables de violence familiale ou qui sont visées par une ordonnance de protection, à condition que l'ordonnance ait été prouvée et justifiée. C'est vraiment important parce que, de toute évidence, nous ne voulons pas que des personnes innocentes soient prises dans un nouveau système comme celui‑là. Nous soutenons ce genre de choses parce qu'elles sont tout simplement logiques.
Il est évident que nous ne voulons pas que les mauvaises personnes soient en mesure d'acheter légalement des armes à feu, même si, d'après mon expérience, cela se produit déjà, et bien plus encore. En ce moment, n'importe qui peut communiquer avec la police à tout moment s'il y a un problème de sécurité lié aux armes à feu. C'est pris très au sérieux, et la police a la capacité légale de fouiller et de saisir presque n'importe quoi, selon le niveau de préoccupation qu'elle a pour la sécurité publique. Vous avez déjà entendu cela. Ce n'est pas la première fois que je vous le dis.
Il y a d'autres dispositions dans le projet de loi qui, bien sûr, sont absurdes. Je pense que la plupart des gens s'en rendent déjà compte.
Il y a une nouvelle accusation pour la modification d'un chargeur. C'est déjà une infraction criminelle très grave d'être en possession d'un chargeur qui peut contenir plus que le nombre de cartouches prescrit. L'infraction de possession est la seule que l'on puisse vraiment prouver de toute façon, à moins de surprendre quelqu'un avec un chargeur interdit dans une main et une lime ou une perceuse dans l'autre. De plus, vous pouvez imprimer des chargeurs en 3D. Cette disposition ne sert vraiment aucun objectif pratique de sécurité publique.
Un autre exemple, malheureusement, est l'augmentation de la peine maximale pour le trafic d'armes à feu, qui passe de 10 à 14 ans. Je ne connais personne — jamais — qui ait été condamné à 10 ans de prison pour trafic d'armes à feu. Je ne le sais pas, parce que je n'ai pas consulté CanLII pendant des jours et des jours, mais je n'ai jamais entendu parler de cela. J'ai entendu beaucoup de choses contraires, et vous l'avez aussi entendu de la part de professionnels de l'application de la loi. Cette mesure finit par être un peu vide de sens également.
Quand je regarde ces deux mesures, je me dis que ce sont des occasions de faire valoir des arguments pour lutter contre la criminalité. Je ne pense pas qu'il y ait de place dans la loi pour ce genre de choses. C'est un peu préoccupant.
Nous sommes surtout préoccupés par l'interdiction des armes de poing. Je comprends les limites du processus du Comité et la raison pour laquelle nous sommes ici. Je vais simplement donner un peu de contexte, et nous pourrons ensuite parler de la disposition.
Pour dire les choses simplement, l'interdiction des armes de poing est injustifiée. Le Comité a entendu d'excellents renseignements au cours de ce processus et, évidemment, de la désinformation flagrante. Vous avez entendu de nombreux membres du personnel d'application de la loi en service dire que l'interdiction des armes de poing des particuliers titulaires d'un permis n'aura aucun avantage concret pour la sécurité publique. Voici une citation de l'Association canadienne des chefs de police:
Nous croyons qu'un gel des armes de poing est un moyen de réduire l'accès à ces types d'armes à feu, tout en permettant aux propriétaires d'armes de poing respectueux de la loi de pratiquer leur sport.
C'est assez juste. Ils ont continué:
Cependant, nous continuons à affirmer que la restriction de la possession légale d'armes de poing ne permettra pas de s'attaquer de manière significative au véritable problème...
Ils continuent en parlant des gangs et d'autres activités criminelles. Cela vient de l'Association des chefs de police.
Vous avez entendu de nombreux membres retraités des forces de l'ordre dire essentiellement la même chose. Vous avez entendu un criminaliste exceptionnel vous dire que l'interdiction des armes de poing ne changera pas le comportement des criminels ou le niveau d'accès qu'ils ont aux armes à feu illégales. Vous avez entendu des organisations de tir sportif vous dire que l'interdiction leur nuira à court terme et les fera disparaître à moyen terme.
Vous avez entendu des propriétaires d'armes à feu dire que leurs biens leur seront retirés sans qu'ils en soient responsables, que leur identité et leur culture sont répugnantes et qu'il n'y a pas de place pour eux au Canada. Je dirais que les propriétaires d'armes à feu respectueux de la loi et titulaires d'un permis méritent le respect et qu'ils ont tout autant leur place au Canada que n'importe qui d'autre, si scandaleux que cela puisse paraître.
Pour ceux qui ne possèdent pas d'armes à feu, l'option nucléaire de l'interdiction des armes à feu semble raisonnable seulement parce qu'elle repose sur l'idée que la possession d'une arme de poing est un passe-temps frivole, égocentrique et inutile et qu'elle devrait tout simplement être balayée du revers de la main, tout comme les 650 000 personnes qui détiennent un permis de possession d'armes de poing au Canada.
Je peux vous dire que cela ne correspond pas du tout à la réalité. Par conséquent, je ne vous envie pas d'avoir à composer avec un projet de loi comme celui‑là. Je vous demande d'explorer d'autres options pour atténuer le problème des armes de poing illégales — que nous pouvons tous voir très clairement — avant d'appuyer une interdiction qui ne touche que ceux qui respectent la loi.
Je vous remercie de votre temps et je serai heureux de répondre à vos questions.
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Je suis content que vous ayez pu vous vider le cœur.
Après la création de notre coalition, j'ai tendu la main aux gens de Médecins canadiens pour un meilleur contrôle des armes à feu, à PolySeSouvient et à tous ces groupes. J'ai dit, « Hé, nos intérêts se rejoignent en fait, alors pourquoi ne pas travailler ensemble? » Savez-vous ce que j'ai entendu en retour? Je suis pro-meurtre, je suis misogyne et je suis raciste. Si bien que ces mots ne veulent plus dire ce qu'ils sont censés vouloir dire. C'est comme cela que l'autre côté réagit.
Lorsqu'on envoie des gazouillis méchants, apparemment, c'est la fin du monde. Leur réaction a été le mauvais traitement que nous avons subi pendant sept ans.
Je ne sais pas. Vous pouvez mettre tout le poids sur mes épaules. Je peux le supporter.
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Merci, monsieur le président.
Je vais essayer de faire retomber un peu la tension.
Monsieur Kapur, je vous remercie d'être ici ce soir et d'utiliser votre précieux temps pour témoigner devant nous. Je suis désolée pour les quelques interruptions de tout à l'heure, mais vous devez y être habitué en tant qu'urgentologue.
Selon vous, le taux de suicide au Canada est assez élevé comparativement à celui d'autres pays. Vous avez aussi parlé du système de signalement des personnes à risque en disant que le projet de loi aurait un effet très limité à cet égard. Au lieu de demander à un tribunal de saisir les armes de telles personnes, vous croyez que les médecins devraient pouvoir directement signaler ces personnes à la police.
Au Québec, la Loi visant à favoriser la protection des personnes à l'égard d'une activité impliquant une arme à feu, surnommée loi Anastasia, est entrée en vigueur en 2008. Cette loi autorise toute personne qui travaille dans un centre hospitalier et qui a un motif raisonnable de croire qu'une personne a un comportement susceptible de nuire à sa sécurité ou à celle d'autrui avec une arme à feu à signaler ce comportement aux autorités policières.
À votre connaissance, est-ce aussi le cas dans les autres provinces canadiennes? Sinon, et sans aller jusqu'à inscrire une telle disposition dans une loi fédérale, puisque la santé relève de la compétence des provinces, serait-ce une bonne chose que les autres provinces aient une loi semblable?
La loi Anastasia est révolutionnaire au Canada, et le Québec mérite d'être félicité de l'avoir présentée.
Comme je l'ai dit en réponse à une question précédente, il existe des exigences de confidentialité en ce qui concerne ce que nous découvrons dans le cadre d'une relation médecin-patient, et il y a des exceptions précises limitées où nous pouvons transgresser cette confidentialité. La loi Anastasia les prévoit. Dans de nombreuses situations où nous pensons que ce serait approprié... ce n'est pas possible dans d'autres provinces.
Nous estimons qu'il s'agit d'un aspect important de la législation fédérale, avec les améliorations que nous proposons, mais la législation devra être suivie par des modifications provinciales afin de permettre cette dérogation particulière à l'exigence de confidentialité.
L'autre aspect de la loi Anastasia qui a été malheureux et décevant tient à son efficacité limitée pour deux raisons, selon nous. Tout d'abord, le public et les médecins n'ont pas été suffisamment informés de l'existence de la loi Anastasia. Ensuite, les ressources de la police ne sont pas suffisantes, si bien qu'elle n'est pas toujours capable de réagir adéquatement quand un tel signalement lui est transmis. Je suis d'avis que ces domaines peuvent être améliorés et harmonisés entre le fédéral et les administrations provinciales.
Monsieur Giltaca, j'aimerais revenir sur certains de vos propos.
Je trouve quand même assez curieux que vous ayez dit avoir contacté des organisations comme PolySeSouvient parce que vous auriez des intérêts communs. En effet, j'ai moi aussi vu plusieurs gazouillis dans lesquels vous vous êtes montré assez agressif à leur endroit. Je vais en lire un.
[Traduction]
Il est écrit: « Toutes les personnes opposées aux armes à feu sont irrationnelles, hyperboliques, malhonnêtes, peu intelligentes, odieuses, et sont des alarmistes haineux »; allez savoir ce que cela veut dire.
[Français]
Je peine donc à imaginer de quelle façon vous avez pu collaborer avec cette organisation.
Dans votre allocution d'ouverture, vous avez mentionné tous les groupes qui sont venus témoigner au Comité pour nous dire à quel point le projet de loi n'était pas la solution au problème des armes à feu. Or, je pense que vous avez peut-être omis de mentionner tous les groupes qui sont venus nous dire que le projet de loi C‑21 avait des effets positifs et qu'il faudrait peut-être aller plus loin.
Je pense qu'il faut également considérer ce point de vue, de même que les sondages qui montrent que la majorité des propriétaires d'armes à feu appuient notamment l'interdiction des armes d'assaut: 77 %, selon Environics Analytics, et 70 %, selon Léger Marketing.
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Merci beaucoup, monsieur le président, et je remercie nos témoins de leur présence aujourd'hui.
Docteur Kapur, j'aimerais commencer par vous.
Honnêtement, la disposition relative au signalement de ce projet de loi est celle qui, selon moi, a suscité le plus d'inquiétude parmi tous les membres du Comité, puisque les témoignages à son sujet sont vraiment très divers.
J'ai lu le mémoire de votre organisation à cet égard. Je pense que si nous trouvons une manière de permettre aux médecins d'être en mesure de parler librement avec des forces de l'ordre, il y a une volonté de le faire. Vous avez soulevé une préoccupation similaire à celle des autres témoins, c'est‑à‑dire que le fait d'imposer à une personne de passer par un système judiciaire déjà surchargé est problématique.
Comment devrais‑je formuler cette question?
La police l'a répété. La police estime qu'en cas d'urgence, il faut toujours aller voir la police. Toutefois, nous avons entendu d'autres témoins, et j'ai certainement entendu cela de la part de personnes qui m'ont parlé en dehors des audiences du Comité, dire que certains groupes peuvent être méfiants envers la police.
À votre avis, cette solution de rechange devant les tribunaux serait-elle encore utile dans certaines situations, pourvu qu'il soit clairement établi qu'il ne s'agit pas d'un premier recours et qu'il faut toujours s'adresser d'abord à la police?
J'aimerais avoir vos réflexions à ce sujet.
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C'est un peu en dehors de mon champ d'expertise.
Je regarde cela en tant que médecin urgentologue faisant face à une situation où j'ai devant moi un patient qui a des idées suicidaires, qui souffre de démence et d'impulsivité, ou qui peut être victime de violence interpersonnelle. Dans ces situations, nous disons que nous, à titre de médecins, pouvons être la personne qui fait le signalement. Ainsi, les membres de la famille ou les victimes n'ont plus d'obstacles à franchir pour le faire.
La situation est similaire à celle de personnes dont le permis de conduire est en jeu. Dans ces situations, c'est non pas la personne concernée, mais bien le médecin urgentologue, ou peut-être le médecin de famille, qui fait le signalement. Il faut espérer que cela permettra de surmonter certains de ces obstacles.
Le fait que le tribunal soit là comme tribunal de dernier recours n'a pas vraiment d'incidence sur ce genre de situation. Je ne suis pas certain d'avoir une réponse précise à vous donner quant à savoir si le fait de maintenir le tribunal comme une possibilité est utile ou s'il s'agit d'un obstacle. Nous soutenons que nous avons besoin d'un mécanisme plus opportun en vue d'aider cette disposition de la loi à atteindre son objectif.
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Je comprends. Merci. C'était une réponse utile.
Monsieur Giltaca, j'aimerais m'adresser à vous.
Il est plaisant de rencontrer le dirigeant de l'organisation qui m'identifie sur toutes les publications Instagram. Bienvenue devant le Comité.
Dans votre déclaration préliminaire, vous avez mentionné l'Association canadienne des chefs de police. Je juge que le temps qu'ont passé ses représentants au sein du Comité a été très important, comme dans toutes leurs comparutions. Je suis d'avis que le chef Evan Bray fait honneur au service.
Vous avez pris le temps de citer leur position... ils ont dit, « Nous croyons qu'un gel des armes de poing est un moyen de réduire l'accès. » Donc, vous devez reconnaître qu'ils sont, d'une certaine manière, en faveur d'un gel des armes. Je sais qu'ils ont mis les choses en perspective en ajoutant « tout en permettant aux propriétaires d'armes de poing respectueux de la loi de pratiquer leur sport. »
La plupart des gens de ma circonscription, Cowichan—Malahat—Langford, possèdent des armes d'épaule. Ils utilisent ces armes d'épaule dans un but précis, comme la chasse à la ferme. Il y a un besoin évident pour une arme d'épaule. Il est plus difficile de faire valoir l'argument pour les armes de poing. Elles sont, par nature, plus dangereuses. Elles sont faciles à dissimuler. Certaines armes de poing peuvent décharger un grand nombre de balles dans un court laps de temps.
Je vous le demande, monsieur: si nous devons essayer de trouver une manière d'honorer ce que l'ACCP tente de faire, quelles restrictions êtes-vous prêt à accepter en tant qu'organisation pour respecter le gel des armes de poing, mais aussi pour permettre aux tireurs sportifs de continuer à pratiquer leur sport? Vous devez faire un compromis avec l'ACCP à cet égard.
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Merci, monsieur le président.
Merci aux témoins d'être ici avec nous aujourd'hui.
Je vais commencer par vous, monsieur Giltaca. Merci d'être ici et aussi d'avoir témoigné.
On vous a demandé plus tôt si vous étiez d'accord pour dire que chaque arme à feu qui entre dans nos collectivités constitue un danger de plus pour ces collectivités. Je ne suis pas d'accord avec la prémisse de cette question, qui suppose que tous les propriétaires d'armes à feu se ressemblent. Quand j'ai commencé à siéger au Comité, j'ai décidé de suivre le Cours canadien de sécurité dans le maniement des armes à feu, juste pour voir de quoi cela avait l'air. Je l'ai réussi, et j'ai maintenant mon permis de possession et d'acquisition. J'ai été vraiment impressionné de voir à quel point les gens qui font partie de cette communauté se soucient de la sécurité.
Pourriez-vous nous en dire davantage à ce sujet?
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Je pense qu'il y a quelques fuites dans le système qui pourraient être colmatées.
Je vais vous donner un exemple. Dans le cadre du processus, vous devez présenter deux références de la part de gens qui vous connaissent depuis deux ans ou plus. Si vous êtes marié ou êtes en union de fait, alors votre conjoint ou conjointe doit attester que vous pouvez posséder et utiliser des armes à feu. Dans 90 % des cas, personne ne téléphone aux références. Nous avons présenté une demande d'AIPRP pour obtenir cette information.
À mon avis, l'une des composantes les plus importantes du processus de demande, c'est l'intelligence humaine. Vous demandez à quelqu'un si cela le dérange que son ami, qui a présenté une demande, obtienne un permis d'armes à feu. C'est un aspect du système qui existe déjà, mais on ne l'utilise pas.
C'est un excellent exemple. Nous pourrions téléphoner à toutes les références des demandeurs de permis, pour probablement 2 millions ou 4 millions de dollars par année, mais nous ne le faisons pas. Nous ne voulons même pas le faire pour voir si cela fonctionnerait. Rappelez-vous, il n'y a qu'une minuscule fraction des armes à feu utilisées à des fins criminelles qui sont obtenues au Canada, de toute façon. Nous ne voulons même pas faire un effort pour cette minuscule fraction. Plutôt, on veut interdire les armes de poing, mais nous savons que c'est une décision idéologique.
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Merci, monsieur le président.
Docteur Kapur, merci énormément de vous être présenté malgré un si court préavis. Vous avez parlé du signalement obligatoire des armes à feu. Nous savons que cela soulève des difficultés, étant donné qu'il y a plusieurs administrations et que, en plus, il y a les règles que les médecins s'imposent à eux-mêmes.
Je me demandais si vous seriez en faveur d'une exigence fédérale qui rendrait le signalement obligatoire. C'est quelque chose que nous pourrions, espérons‑le, ajouter au projet de loi . S'il y avait des motifs raisonnables de croire qu'un patient pourrait représenter un danger pour lui-même ou pour autrui, vous auriez une exigence à respecter et vous devriez le signaler obligatoirement à un agent de la paix, à un commissaire aux armes à feu ou à un contrôleur des armes à feu, et cela pourrait être utilisé en tant qu'élément de preuve dans le cadre d'une demande qui émane d'une seule partie.
Ce que je voudrais savoir, cependant, c'est ceci: est‑ce que cet amendement est défendable, étant donné que les professionnels de la santé relèvent des collègues provinciaux? Aussi, est‑ce que cela vous exposerait à des poursuites civiles ou à des procédures réglementaires? Je serais curieuse de connaître votre opinion sur le sujet.
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Je ne suis pas avocat, et je le dis avec fierté. Je dirais que la situation idéale, selon moi, serait d'avoir un cadre dans lequel le gouvernement fédéral et les divers gouvernements provinciaux pourraient collaborer pour mettre en œuvre un tel système.
Nous avons des exemples similaires: dans neuf provinces et, je crois, un territoire, la loi impose le signalement obligatoire des blessures par balle. Cela dégage les médecins de leur responsabilité de protéger la vie privée et, si je ne me trompe, cela nous met aussi à l'abri des poursuites civiles.
Mais, même si je dis cela, je ne suis pas avocat. Je crois que ce serait possible. Pour ce qui est du signalement des blessures par balle, c'est arrivé tout naturellement. Cela a commencé en Ontario, et l'idée était tellement bonne qu'elle a été largement acceptée, puis s'est répandue à l'échelle du pays.
Je crois que le gouvernement fédéral pourrait facilement élaborer un gabarit en travaillant avec les provinces et les territoires. Cela permettrait de mettre en place des lois adéquates dans les diverses provinces et territoires. Cela enlèverait aussi aux ordres des médecins et chirurgiens — les organismes de réglementation — le fardeau de prendre cette décision eux-mêmes, puisque les lois l'emportent sur les règles des ordres des médecins et chirurgiens. Je pense qu'il faudrait que ce soit fait en même temps.
Monsieur Giltaca, un article paru dans Le Droit en mai 2022 rapportait qu'avant même que la nature des propositions du projet de loi ne soit connue, votre coalition se disait prête à s'opposer aux mesures arbitraires, punitives et inefficaces et à défendre la capacité des propriétaires d'armes à feu légales de posséder et de jouir de leurs biens légalement acquis. On comprend que vous êtes contre l'interdiction des armes en général. Vous dites que cela ne fonctionne pas et que vous n'y croyez pas vraiment.
Or, il est assez curieux que de l'autre côté de la frontière, chez nos voisins du sud, on voie un débat allant dans un sens contraire à votre point de vue. En effet, de plus en plus de groupes américains demandent un contrôle des armes à feu plus serré. Au mois de mai dernier, les armes sont devenues la principale cause de décès chez les jeunes Américains, devant les accidents de la route, selon une étude récente des autorités sanitaires qui montre une forte hausse des homicides par balles aux États‑Unis.
Ne jugez-vous pas qu'en comparaison, notre contrôle des armes à feu nous permet d'éviter des tragédies comme celles subies de façon répétée par les Américains? Je tiens à reconnaître que nous avons eu notre lot de tragédies, nous aussi. La situation est toutefois assez prononcée chez les Américains. Qu'en pensez-vous?
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Merci, monsieur le président.
J'entends toujours ce mot, « interdiction », au lieu d'une autre expression. Je pense que c'est important d'utiliser la bonne terminologie. En vertu du projet de loi , les gens qui possèdent actuellement des armes à poing seront autorisés à les conserver et à les utiliser. Ils ne pourront peut-être pas en acheter une nouvelle, vendre celles qu'ils ont ou les transférer à une autre personne, après que le projet de loi C‑21 sera entré en vigueur, mais ils pourront toujours utiliser les armes à poing qu'ils possèdent légalement. C'est très important que ce soit dit clairement, aux fins du compte rendu.
Deuxièmement, pour la grande majorité des gens qui ont des armes d'épaule, le projet de loi ne changera rien. Les gens qui ont un permis de possession et d'acquisition pourront toujours aller acheter un fusil à verrou ou un fusil de chasse. Le projet de loi ne changera rien pour eux.
Si on impose des restrictions pour essayer de contrôler le nombre d'armes de poing au Canada, et que les gens veulent tout de même pratiquer les sports de tir, ils ont toujours le choix d'utiliser une carabine. Êtes-vous d'accord avec tout ce que je viens de dire? Il y a des options pour les gens qui veulent pratiquer des sports de tir en utilisant une carabine.
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Que va‑t‑il arriver quand on aura éliminé celles‑là et aussi les armes de poing? Ce sera la même discussion: « Eh bien, vous avez encore deux carabines. Vous pouvez certainement les utiliser. »
Soyons justes, ce n'est pas à moi de démontrer que je devrais encore pouvoir posséder mes armes. C'est au gouvernement de démontrer que cela va avoir des retombées positives concrètes sur la sécurité publique. On n'arrête pas d'inverser le fardeau. Pour une raison ou une autre, c'est à moi de défendre ce que je fais depuis 20 ans et ce que les Canadiens font depuis plus d'un siècle. Maintenant, on dit que c'est à nous de vous convaincre.
Le gouvernement a toutes les données. Il a tout. Il devrait être capable de nous le montrer. Est‑ce qu'on a vu des données qui montrent que cela va avoir des retombées positives concrètes sur la sécurité publique? J'ai regardé toutes les séances, et jusqu'ici, je n'ai rien vu, seulement beaucoup de rhétorique. Il y a beaucoup de points intéressants qui ont été soulevés ce soir, mais je n'ai vu aucune donnée concrète.
On dit juste: « Vous savez, vous n'en avez pas vraiment besoin de toute façon. » Je ne suis pas d'accord. Il y a deux millions de personnes qui possèdent des armes à feu, et 650 000 qui ont un permis d'armes de poing, et nous n'avons rien fait.
Pour la deuxième heure, nous accueillons, par vidéoconférence, Mme Angela Marie MacDougall, directrice exécutive de Battered Women's Support Services, Mme Louise Riendeau, coresponsable des dossiers politiques du Regroupement des maisons pour femmes victimes de violence conjugale, et Mme Lise Martin, directrice générale d’Hébergement femmes Canada.
Je vous souhaite à toutes la bienvenue, et merci d'être avec nous ce soir. Vous aurez chacune cinq minutes pour présenter votre déclaration préliminaire. Nous allons commencer par Mme Riendeau.
Allez‑y, vous avez cinq minutes.
Merci aux membres du Comité de nous permettre d'apporter notre éclairage sur la question du contrôle des armes à feu en fonction de notre expérience auprès de milliers de femmes victimes de violence conjugale.
Le Regroupement des maisons pour femmes victimes de violence conjugale comprend 46 maisons d'aide et d'hébergement réparties dans les différentes régions du Québec. Selon le Regroupement, le projet de loi améliorera certainement la sécurité des Canadiens et des Canadiennes.
Ce soir, nous parlerons particulièrement de la sécurité des femmes victimes de violence conjugale. Nous tenons à souligner deux aspects positifs du projet de loi en lien avec la violence conjugale. Le premier est le fait que le permis d'arme à feu ne pourra pas être délivré lorsqu'il y a une ordonnance de protection. Le second est le fait que le permis pourra être révoqué si une personne a commis des gestes de violence familiale.
Par contre, certaines dispositions du projet de loi nous inquiètent.
Les premières, appelées mesures « drapeau rouge », permettent à une personne de s'adresser directement au tribunal pour demander la révocation d'un permis d'arme. Puisque les victimes et les personnes proches de gens qui ont des problèmes peuvent déjà s'adresser au service de police ou au contrôleur des armes, nous trouvons que ces mesures sont inutiles et qu'elles pourraient même être contreproductives pour les victimes. En effet, nous craignons que des agents de police, au lieu d'entreprendre les démarches liées à l'enquête pour obtenir la révocation du permis, ne demandent aux victimes de le faire elles-mêmes. Selon nous, il serait beaucoup plus lourd pour une victime de se présenter au tribunal que de s'adresser au service de police.
Le Regroupement recommande donc de retirer les articles 4, 6, 7, 8, 9, 10, 11 et 12, qui introduisent ces mesures « drapeau rouge ». Comme nous l'avons dit, nous croyons que le système actuel, où les personnes inquiètes peuvent s'adresser au service de police ou au bureau du contrôleur des armes à feu, est plus adéquat et plus adapté à la réalité. Les victimes n'ont ni l'énergie ni la force morale de s'adresser aux tribunaux pour demander la révocation d'un permis au moment où elles ont toutes sortes de démarches à faire pour fuir la violence et se protéger.
La deuxième disposition inquiétante pour nous est celle indiquant que la personne dont le permis est révoqué aurait un délai dit raisonnable pour remettre ses armes à la police ou en disposer autrement. En effet, bien que la perquisition soit possible, elle n'est pas automatique. De plus, le délai risque de donner à certains conjoints ou ex-conjoints violents le temps d'aller tuer leur conjointe ou leurs enfants. Nous pensons donc que les armes devraient être remises rapidement, et ce, à un agent de police.
Des améliorations peuvent aussi être apportées à d'autres aspects du projet de loi. À notre avis, il serait avisé d'inclure dans ce dernier une définition de la violence conjugale ou familiale. Cela rendrait effective la possibilité qu'un permis soit révoqué en présence de violence familiale. Cela garantirait aussi que les policiers et les contrôleurs des armes à feu tiennent compte de l'ensemble de la situation, sans se limiter aux gestes de violence physique qui constituent des infractions.
Cette définition devrait couvrir tous les aspects de la violence ou du contrôle coercitifs. La Loi sur le divorce contient déjà une telle définition. La violence conjugale ou familiale ne se résume pas aux actes de violence physique ou sexuelle qui constituent des infractions, mais elle s'exprime par différentes manifestations qui visent à contrôler une conjointe et ses enfants.
Ce soir, je dépose au Comité des outils que notre association vient de produire à l'intention des acteurs judiciaires. Les documents intitulés « Comprendre le contrôle coercitif » et « Principales manifestations du contrôle coercitif » présentent bon nombre des tactiques utilisées par des conjoints violents pour brimer la liberté et la sécurité des victimes. J'ajoute aussi le document intitulé « Le contrôle coercitif, prédicteur de risques homicidaires ».
Des recherches ont démontré les liens entre le contrôle coercitif et les homicides conjugaux. Par exemple, au Royaume‑Uni, une étude sur 358 homicides conjugaux a démontré la présence de contrôle coercitif dans 92 % des cas. Au Canada, d'autres études ont établi que les homicides conjugaux survenaient dans un contexte de séparation et que l'homicide ou la tentative d'homicide constituait le premier geste de violence physique pour le tiers des victimes.
Je pense qu'il faut aller vraiment plus loin et étendre la portée du projet de loi. Il faut donner aux policiers et aux contrôleurs des armes à feu tous les éléments nécessaires pour reconnaître la présence de contrôle coercitif, plutôt que de seulement tenir compte des incidents de violence physique. Insérer dans le projet de loi une définition de la violence qui inclut le contrôle coercitif serait un premier pas.
On peut aussi grandement améliorer la réponse des services policiers et les amener à prendre au sérieux les inquiétudes des victimes en leur offrant de la formation leur permettant d'évaluer les situations à partir des facteurs de risque connus.
Je suis membre du Comité d'examen des décès liés à la violence conjugale au Québec. Dans la très grande majorité des cas, plusieurs facteurs de risque étaient présents, mais, souvent, les intervenants ne les ont pas reconnus. Il faut donc vraiment fournir aux policiers et au bureau du contrôleur une liste exhaustive des facteurs de risque liés à la violence conjugale ou familiale, qui leur permettra de traiter les demandes avec tout le sérieux nécessaire. Il faudra également les avoir formés auparavant pour qu'ils reconnaissent bien la présence de violence conjugale, même en l'absence d'agression physique ou d'infraction. Les outils que j'ai déposés au Comité pourraient servir à ces fins.
D'autres améliorations sont également souhaitées. Nous avons pris connaissance du mémoire déposé par PolySeSouvient et de celui de l'Association nationale Femmes et Droit, et nous les appuyons sans réserve. Ils contiennent plusieurs recommandations pour un meilleur contrôle des armes et une meilleure sécurité pour les femmes.
Comme je l'ai dit, nous pensons que le projet de loi constitue un pas dans la bonne direction. Nous espérons toutefois que des améliorations y seront apportées pour assurer une meilleure protection des femmes et des enfants victimes de violence conjugale.
Nous demeurons à la disposition du Comité pour en discuter.
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Je vous remercie de votre invitation à témoigner devant le Comité.
Avant de commencer mon exposé, j'aimerais vous faire part de ma frustration à cause de l'invitation tardive à comparaître devant le Comité que nous avons reçue il n'y a que trois jours. Nous sommes une petite organisation; nos ressources sont limitées et nous avons un horaire très chargé. C'est extrêmement difficile pour nous de prendre du temps pour nous préparer et pour participer à ce genre de réunion, et cela nous amène effectivement à croire que le lien avec la violence fondée sur le genre et dirigée contre les femmes n'est simplement qu'une arrière-pensée pour le Comité.
Hébergement femmes Canada est une organisation nationale à but non lucratif qui représente 15 associations provinciales de refuges ainsi que plus de 600 refuges pour femmes victimes de violence et maisons de transition d'un bout à l'autre du pays. Le projet de loi est important pour celles et ceux d'entre nous qui se préoccupent de la violence fondée sur le genre. Cela dit, nous avons malgré tout quelques préoccupations à l'égard du projet de loi ainsi que quelques suggestions pour le renforcer.
On utilise des armes à feu pour terroriser, pour blesser et pour tuer des femmes et leurs enfants, que ce soit dans les villes ou dans les régions rurales. Nous savons que les risques sont plus élevés dans les collectivités rurales, où il y a plus d'armes à feu, plus d'opposition au contrôle des armes à feu et moins de ressources pour les femmes victimes de violence.
Selon l'Observatoire canadien du féminicide, les meurtres de femmes et de filles ont bondi de 26 % entre 2019 et 2021. En 2021, 173 femmes et filles ont été brutalement assassinées, et, lorsque la cause du décès était connue, il s'agissait d'une arme à feu dans 38 % des cas. À cause de ces meurtres, 164 enfants n'ont plus de mère. Il est dit très clairement dans le rapport de 2021 que, en proportion de la taille de leur population, les petites collectivités rurales et éloignées ont un taux de féminicide plus important que les centres urbains.
Les armes à feu peuvent causer des préjudices aux femmes d'autres façons qu'en les tuant ou en les blessant. Dans notre sondage annuel « Les maisons s'expriment », nous avons demandé aux refuges de fournir des données couvrant une période de 24 heures spécifique. L'une des questions est celle‑ci: à votre connaissance, combien de femmes résidant présentement dans votre refuge ont déjà été menacées par une arme à feu? Depuis le début du sondage, quelque 230 refuges en moyenne ont répondu à cette question, et le nombre moyen de résidentes ayant déclaré avoir été menacées par une arme à feu est de 100. Le lien entre armes à feu et violence est clair, tout comme le lien entre les armes à feu et la possibilité d'une issue mortelle pour les victimes de violence conjugale.
Je crois comprendre que ce projet de loi permettra de révoquer le permis d'une personne qui a participé à un acte de violence familiale, qui a traqué quelqu'un ou qui est visée par une ordonnance de protection. Nous croyons cependant que plusieurs préoccupations doivent être réglées afin d'optimiser les avantages potentiels du projet de loi.
Nous croyons qu'il est nécessaire de définir la violence conjugale et la violence familiale dans le projet de loi. Notre suggestion serait de se reporter à la définition de la violence familiale récemment adoptée dans la Loi sur le divorce.
Nous avons des préoccupations quant au temps qui s'écoulera entre le moment où on décide qu'il faut retirer son arme à feu à la personne et le moment où cela est fait. Cela a été documenté de nombreuses fois: le moment où les femmes sont le plus en danger de mort, c'est lorsqu'elles informent la personne qui la maltraite qu'elles vont partir.
Le projet de loi autorise, dans certaines circonstances, la délivrance d'un permis conditionnel à des fins de subsistance ou d'emploi. Nous croyons fermement que cette exemption à des fins d'emploi doit être éliminée. Un exemple, ici, serait le cas des agents de police. Même s'il y a peu d'études à ce sujet au Canada, les études faites aux États-Unis donnent à penser que les agents de police sont plus susceptibles de maltraiter leur partenaire domestique en comparaison de la population en général. En Nouvelle-Écosse seulement, 14 agents de police de toutes les régions de la province ont été accusés de crimes liés à la violence conjugale depuis 2012.
Pour conclure, j'aimerais insister sur l'importance d'améliorer les processus d'évaluation des propriétaires d'armes à feu et d'enlever les armes à feu aux personnes qui présentent un risque pour elles-mêmes et pour autrui.
Le gouvernement fédéral a compétence pour décider de qui peut posséder un permis d'arme à feu, mais, malgré les diverses mesures introduites pour aider à faire appliquer cette compétence, de multiples enquêtes et demandes d'accès à l'information qui montrent que rien n'est fait. Nous recommandons vivement de veiller à ce que le libellé de la loi renforce en termes clairs cette responsabilité. Le besoin d'accroître les ressources, les engagements et les mesures de reddition de comptes sera un élément clé dans la mise en œuvre réussie de ce projet de loi.
Hébergement femmes Canada réclame un plan d'action national sur la violence fondée sur le genre depuis plus d'une décennie. L'élément essentiel pour lequel nous réclamons un plan d'action national est la cohérence nécessaire entre les provinces et les territoires ainsi qu'à l'intérieur des provinces et des territoires en ce qui concerne les politiques et les lois sur la violence fondée sur le genre dirigée contre les femmes. Il est important que cela fasse partie intégrante de la mise en œuvre du projet de loi.
Enfin, en tant que membre de la Coalition pour le contrôle des armes et signataire du mémoire déposé par l'Association nationale de la femme et du droit, nous aimerions déclarer publiquement que nous appuyons les recommandations détaillées de ces deux organisations.
Merci beaucoup.
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Bonsoir, et merci beaucoup au Comité de nous donner l'occasion de nous asseoir avec vous.
Je représente l'organisme Battered Women's Support Services — des services de soutien pour les femmes battues —, ici sur le territoire traditionnel non cédé des nations Squamish, Tsleil-Waututh et Musqueam.
Depuis 43 ans, Battered Women's Support Services travaille pour mettre fin à la violence fondée sur le genre en offrant des services de soutien, de la formation, de l'éducation et d'autres interventions communautaires, y compris des activités de recherche et de politique.
C'est un plaisir d'être avec vous ce soir pour parler de la violence par arme à feu au Canada. Nous savons que cela a des répercussions extrêmement disproportionnées sur les femmes et les filles. Nous reconnaissons que les femmes et les filles sont blessées et tuées à cause des inégalités entre les sexes. Cet effort pour lutter contre la violence par arme à feu doit aller de pair avec les efforts dirigés par Hébergement femmes Canada...
Nous savons que ce qui blesse et tue les femmes et les filles, c'est en fait l'inégalité entre les genres, et nous soutenons de tout cœur le travail effectué par Hébergements femmes Canada depuis 10 ans pour faire avancer un plan d'action national sur la violence fondée sur le genre qui tient compte des expériences des femmes et des filles de tout le pays, tant en milieu rural qu'en milieu urbain, et qui a déployé de grands efforts pour mettre l'accent sur la prévention, les services de soutien, les interventions juridiques, l'infrastructure sociale et le soutien spécifique aux survivantes autochtones dans tout le pays.
Les coroners ont toujours dit que l'accès aux armes à feu faisait partie des cinq principaux facteurs de risque servant à déterminer si une femme mourra dans une situation de violence familiale. Nous comprenons qu'il s'agit de savoir s'il y a une arme à feu dans la maison et, si c'est le cas, qu'elle doit être considérée comme un facteur de risque élevé d'homicide par un membre de la famille.
Au Canada, les femmes possèdent moins de 2 % des armes à feu enregistrées. Cette analyse nous aide à comprendre que les femmes sont deux fois plus susceptibles que les hommes d'être agressées sexuellement, battues, étranglées ou menacées avec une arme à feu ou un couteau. Même si les crimes violents commis avec une arme à feu continuent de représenter une faible proportion des crimes violents déclarés par la police, la proportion d'issue mortelle impliquant une arme à feu est passée de 26 % à 37 % des homicides en 2020.
Nous sommes, bien sûr, préoccupés par la relation entre la violence armée et le meurtre de femmes et de filles, mais nous devons également reconnaître que 42 % des féminicides conjugaux étaient en fait liés à des agressions au couteau, ce qui en dit long sur les changements culturels qui seraient nécessaires. Puisque à l'heure actuelle, les féminicides ne sont pas documentés de manière uniforme, nous comprenons que les armes à feu dans les féminicides ne sont pas non plus documentées de manière précise, et ce serait un élément important à intégrer dans cette mesure.
Comme mes collègues l'ont dit plus tôt, Battered Women's Support Services appuie également l'Association nationale de la femme et du droit et est d'accord avec ses observations sur cette question. Je voudrais souligner quelques aspects sur lesquels nous sommes d'accord.
Le premier est le retrait de l'exemption relative à l'emploi. C'est très important, car nous savons qu'un emploi qui exige la manipulation d'une arme à feu n'est jamais la seule vocation possible pour une personne. Indépendamment des antécédents ou des qualifications d'une personne, il y aura toujours des emplois disponibles qui n'ont pas cette exigence, et nous nous demandons si cet article ne serait pas interprété au gré de la permissivité du contrôleur des armes à feu, qui peut accorder un permis conditionnel non pas en fonction du besoin, mais en fonction de la préférence d'une personne en matière d'emploi.
Pour reprendre ce que Mme Martin a mentionné plus tôt, nous comprenons que la recherche semble indiquer que les policiers sont encore plus susceptibles que la population générale d'être violents physiquement envers leur partenaire. Il va sans dire que les obstacles au signalement des incidents de violence familiale sont accrus pour les victimes de policiers. Les policiers sont rarement sanctionnés ou poursuivis pour des actes de violence familiale. Ils ne devraient pas bénéficier d'une exemption leur permettant de conserver légalement leur permis lorsqu'ils commettent de tels actes.
L'autre élément que nous trouvons important est le renforcement des dispositions relatives au permis dans les cas de violence familiale. Nous sommes très certainement préoccupés par le fait que l'on donne au contrôleur des armes à feu un grand pouvoir discrétionnaire pour déterminer s'il y a eu violence familiale. Nous sommes préoccupés par le fait que le projet de loi ne contient pas de définition adéquate de la violence conjugale et de la violence familiale. Il s'agit d'un élément essentiel.
Comme on l'a déjà dit, nous pensons que la Loi sur le divorce contient un bon libellé, mais il faut aussi reconnaître que la violence familiale et la traque ne sont pas définies et que la traque est aussi un facteur de létalité.
Nous voulons également nous assurer que les ordonnances de protection seront définies dans le règlement. Nous ne voudrions pas voir que les ordonnances de protection...
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Merci, monsieur le président.
Je tiens à remercier tous les témoins d'être ici et surtout de l'excellent travail que vous faites dans nos collectivités. Je viens d'une communauté rurale, et nous venons d'obtenir un nouveau refuge pour femmes, le premier en Alberta rurale depuis 1984. C'est nécessaire autant dans les collectivités rurales que dans les collectivités urbaines. Je vous remercie donc pour le travail souvent ingrat que vous faites dans nos collectivités, mesdames.
Il y a quelque chose que je trouve intéressant.
Madame MacDougall, vous disiez qu'il n'y a pas suffisamment de données sur les armes à feu et les féminicides, mais est‑ce que l'une d'entre vous a des données qui disent si les armes à feu utilisées dans les féminicides ou plutôt si les auteurs de ces féminicides sont des propriétaires d'armes à feu légales ou illégales et s'ils ont ou non un permis? Avez-vous des informations anecdotiques à ce sujet?
Je vais peut-être commencer par Mme Martin.
Dans beaucoup de cas de féminicides, dont certains ont même entraîné la mort d'enfants, il y avait des facteurs de risque. Le facteur de risque le plus important est souvent la présence de violence conjugale dans le passé n'ayant pas été prise en considération ou avec tout le sérieux nécessaire par les policiers. Il existe d'autres facteurs de risque, comme la dépression chez un conjoint, qui n'est pas toujours prise en considération.
Par ailleurs, certains facteurs de risque reconnus scientifiquement ne semblent pas toujours connus des services policiers ni d'un certain nombre d'intervenants, d'où la nécessité de former ces derniers. On sait aussi que les services policiers vont s'attarder aux incidents reconnus comme des infractions. Cependant, la violence conjugale ou familiale se manifeste de toutes sortes de façons qui, prises isolément, peuvent avoir l'air banales. C'est pour cette raison que nous disons qu'il faut former les intervenants et les policiers.
J'ai remarqué qu'il semble que nous ayons beaucoup d'outils à notre disposition, mais que les tragédies dont nous avons été témoins ont été principalement causées par le fait que nous n'avons pas utilisé ces outils comme il se doit. À l'heure actuelle, nous ne disposons pas des ressources nécessaires pour déterminer si une personne souffre d'une maladie mentale et, même dans le cas du Programme canadien des armes à feu, nous n'appelons pas les références. Nous n'utilisons pas les outils dont nous disposons pour réellement empêcher ces terribles tragédies et ces terribles crimes, et pourtant, nous adoptons de nouvelles lois alors que nous n'utilisons même pas les outils que nous avons déjà.
Je suis d'accord avec ce que vous et tous les témoins avez dit au sujet des ordonnances de protection. Je pense que nous pouvons apporter des modifications pour améliorer la situation, mais n'êtes-vous pas d'accord pour dire que, tant que nous ne consacrerons pas les ressources nécessaires à la reddition de comptes et que nous ne nous assurons pas que les outils dont nous disposons sont utilisés, nous ne verrons pas une baisse de la violence conjugale familiale impliquant des armes à feu? Y aurait‑il un vaste consensus?
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Merci, monsieur le président et merci à tous les témoins aujourd'hui.
Madame Martin, au nom du Comité, je vous prie de nous excuser pour ce court préavis. Je sais que tous les témoins font du bon travail pour sauver la vie des femmes, et le temps que vous prenez pour vous préparer et comparaître devant le Comité est grandement apprécié par nous tous.
J'aimerais poser une question sur les signaux d'alarme, car nous avons entendu des témoignages contradictoires sur cette disposition du projet de loi. J'ai parlé avec le refuge pour femmes de ma circonscription du fait qu'il s'agit d'un outil supplémentaire qui n'est pas supposé remplacer un appel à la police, et que c'est un outil qu'une femme pourrait utiliser. Par exemple, si elle est mariée à un policier, elle hésiterait probablement à appeler la police. De même, si elle est une femme autochtone, elle peut se méfier de la police parce qu'elle risque de se faire arrêter pour avoir enfreint une ordonnance de probation, ce qui est une histoire vraie.
Nous avons entendu des témoins dire que nous devrions le laisser tomber complètement. Êtes-vous opposées à ce que ce soit un outil supplémentaire? Parce qu'il s'agit d'une version modifiée du projet de loi original, de sorte que cela peut maintenant être fait de manière anonyme et que quelqu'un d'autre peut aller au tribunal pour représenter la femme.
Je m'interroge, simplement, à ce sujet. Peut-être, madame Martin, pouvons-nous commencer par vous, puis j'inviterais avec plaisir les autres dames à intervenir.
Il s'agit sans aucun doute d'un outil supplémentaire, mais je pense que le revers de la médaille est que nous devons nous assurer que le fardeau ne repose pas sur les femmes. À l'aide de cet outil, l'autre aspect de la question dont nous venons de parler, c'est‑à‑dire la responsabilité des préposés aux armes à feu, est de veiller à ce qu'il n'y ait pas de confusion quant à la responsabilité.
Je pense que dans les cas que vous avez cités — et cela se produit tous les jours dans toutes les provinces et tous les territoires —, cet outil pourrait être utile, et l'ajout de la composante de l'anonymat est important à cet égard.
Je pense que ce qui me préoccupe, c'est la réactivité au sein du système judiciaire, donc, si nous faisons cela... Comme d'autres mesures du projet de loi dont nous avons parlé, la mise en œuvre sera la clé, et, pour qu'elle se fasse bien, il nous faut de la bonne volonté et des ressources. Pour être honnête, il faut plus que de la bonne volonté, car il faut de l'imputabilité pour que les gens comprennent que cela fait partie de leur travail.
Je vais m'arrêter ici et permettre à mes autres collègues de répondre elles aussi.
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Nous avons demandé de retirer les mesures « drapeau rouge », parce que nous pensons que cela risque de nuire à plus de femmes que cela n'en aiderait, même s'il est vrai que ces mesures pourraient être pertinentes pour certaines femmes dans les situations que vous mentionnez. Dans la pratique, cependant, dans la vie de tous les jours, on a souvent vu des policiers ne pas prendre leurs responsabilités.
Je vous donne un exemple. Dans le Code criminel, l'article 810 permet de demander un engagement de ne pas troubler l'ordre public. Normalement, quand une personne dit craindre pour sa sécurité, les policiers doivent enquêter et en aviser le procureur. Cette personne peut aussi le faire elle-même. Or, on a vu de multiples occasions où les policiers disaient aux victimes de demander à leur avocat d'en faire la demande. Malheureusement, des femmes ont perdu la vie entre-temps.
Nous pensons qu'il faut que les services de police assument leurs devoirs. Il faut tout mettre en œuvre pour empêcher que cette mesure ne permette aux policiers d'éviter leurs responsabilités. Nous pensons que, dans le feu de l'action, avec tout le travail que les policiers ont à faire, ils risquent très probablement de demander à la femme d'entreprendre ses propres démarches.
Si les mesures « drapeau rouge » sont maintenues, il faut des mécanismes visant à empêcher les policiers et le service qui s'occupe du contrôle des armes à feu de se dérober à leurs responsabilités.
Le fait de devoir retourner en cour, notamment pour demander que les enfants reçoivent des soins malgré le refus du conjoint, constitue toujours une démarche difficile et ardue pour une femme. Quand elle fuit la violence, elle doit s'occuper de beaucoup de choses.
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Merci, monsieur le président.
Mesdames, merci d'être présentes avec nous ce soir.
Je voulais vous questionner au sujet des mesures « drapeau rouge », sur lesquelles on entend plusieurs points de vue différents. Je comprends certains des éléments que vous apportez. Plutôt que de vous demander pourquoi vous êtes contre ce genre de mesure, je me concentrerai sur vos propositions.
Madame Riendeau, votre regroupement a, comme plusieurs groupes de femmes, signé une lettre datée du 7 mai qui demande que les mesures « drapeau rouge » soient enlevées du projet de loi. À la place, vous dites qu'on devrait promouvoir l'utilisation des mécanismes qui existent déjà dans le système, comme le critère de personne d'intérêt en lien avec une arme à feu, et y recourir correctement. À titre d'exemple, il faudrait encourager les membres de la communauté, dont les professionnels de la santé, à signaler tout « drapeau rouge ».
Un peu plus tôt, j'ai questionné le Dr Kapur au sujet de la loi Anastasia, une loi du Québec que vous connaissez probablement. Celle-ci permet à des professionnels de la santé de signaler toute situation dès qu'ils ont un doute. Pensez-vous que la présence, partout au Canada, de ce genre de mesure législative pourrait être plus bénéfique que les mesures « drapeau rouge » proposées dans le projet de loi ?
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Merci beaucoup, monsieur le président.
J'aimerais, tout comme mes collègues ici présents, vous remercier toutes les trois d'avoir comparu aujourd'hui et guidé notre comité dans l'étude de ce projet de loi.
Je crois que nous avons très bien compris les préoccupations que vous avez soulevées à l'égard des mesures « drapeau rouge » de ce projet de loi. Je crois que, tout comme M. Lloyd le disait, les moyens actuels que nous avons mis à la disposition des personnes qui vivent de la violence familiale... Nous devons concentrer nos efforts pour améliorer les moyens déjà en place, et il serait peut-être préférable que nous, en tant que parlementaires, options pour cette solution au lieu d'ajouter un nouveau système.
Madame Martin, je pourrais peut-être commencer par vous.
Nous avons entendu parler des préoccupations de bon nombre de personnes à l'idée de communiquer avec la police. Pouvez-vous également nous parler de l'expérience que vivent de nombreuses femmes par rapport au système judiciaire? C'est, de plus, un système assez impressionnant quand on doit y naviguer. Ça peut être assez intimidant. Nous savons qu'il est surchargé à bien des égards.
Avez-vous des commentaires à faire à ce sujet? Si nous ajoutons un système qui oblige quelqu'un à passer par le système judiciaire pour obtenir une ordonnance d'interdiction d'urgence, ça pourrait également devenir une tâche décourageante.
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Oui, je crois qu'on sait très bien que le système judiciaire est quelque chose de très fastidieux. C'est un système lourd. Nous savons que certaines provinces prennent différentes mesures pour régler la situation, comme au Québec, l'an dernier. Madame Riendeau peut peut-être parler plus directement de ce système judiciaire particulier pour tenter de répondre à la question.
Nous cherchons également, dans le cadre du plan d'action national, à nous assurer que les systèmes en place sont les mêmes partout au pays et que les niveaux de services et de protection offerts aux femmes et à leurs enfants ne dépendent pas de leur lieu de résidence. C'est le cas aujourd'hui.
Nous avons constaté à de nombreuses reprises que de mauvaises décisions ont eu une incidence très négative sur des familles en particulier. Il faut également tenir compte de l'incidence, sur les autres victimes de violence, des décisions prises par des juges qui n'avaient pas été adéquatement informés des répercussions de la violence familiale sur les enfants, par exemple. Une partie de la formation des juges fédéraux porte sur le sujet, mais il est tout aussi important de former les juges provinciaux à ce sujet.
Dans cette affaire, lorsqu'il est question de violence fondée sur le genre, on ne peut pas, à mon avis, continuer à rejeter la responsabilité sur le fédéral ou les provinces... Il est question ici de la vie des gens. C'est un problème qui nous touche en tant que société. Nous devons vraiment le régler ensemble et nous assurer qu'il y ait une coordination, des définitions claires, une mise en œuvre et une responsabilisation.
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Merci, monsieur le président.
Le fait est que la violence conjugale et la violence fondée sur le genre peuvent survenir chez le voisin de n'importe qui, dans les milieux ruraux et urbains. Ça peut se produire chez le voisin de tout le monde. J'aimerais commencer par remercier nos témoins de leur temps et de leurs activités de défense. La violence physique, verbale, psychologique, sexuelle et socioéconomique... Je comprends que c'est une situation extrêmement difficile. Une fois de plus, merci.
Je vais poser ma première question tout d'abord à Mme Martin.
Un nombre important d'organisations pour les femmes s'opposent à la mesure « drapeau rouge » qui émane d'une seule partie et qui invite les victimes à se rendre elles-mêmes en cour pour que les armes à feu soient retirées des mains de leurs agresseurs. Auriez-vous l'obligeance d'expliquer pourquoi vous vous opposez à cette mesure et ce que nous pouvons faire, en tant que législateurs, pour combler la lacune à cet égard?
Si vous voulez bien répondre en premier, puis laissez les autres y répondre aussi, ce serait bien. Merci.
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Je crois que Mme Riendeau a très bien expliqué les préoccupations ou les réserves que soulève la mesure « drapeau rouge » de la loi. Je crois qu'il s'agit d'une formalité. Je ne suis pas sûre d'avoir mentionné dans mon mémoire que je m'y oppose, bien que je sois d'accord avec le mémoire présenté par l'Association nationale de la femme et du droit, qui a eu plus de temps pour examiner la question.
Cela dit, je crois que nous devons envisager des mesures pour certains groupes de personnes qui ne se sentent pas à l'aise, pour bon nombre de raisons justifiables. Nous n'avons pas fait mention de certains groupes, comme les nouveaux arrivants et les femmes réfugiées au pays qui ne se sentent peut-être pas à l'aise d'aller voir la police, ainsi que les femmes racialisées.
Ce qui m'inquiète, c'est l'ambiguïté. Nous devons nous assurer qu'il n'y a aucune ambiguïté dans le projet de loi. Je crois qu'il faut examiner davantage la question.
Je vais donner la parole à Mmes Riendeau et MacDougall.
Les victimes ou les conjoints survivants ont tant de choses à faire lorsqu'ils entrent dans le système. Ils doivent prendre tellement de facteurs en considération lorsqu'il est question de leur sécurité, de la sécurité de leurs enfants, d'un emploi et simplement de la vie au quotidien. Nombreux sont les survivants qui ne bénéficient pas des services d'un avocat et qui naviguent le système sans aide.
Bien que l'intention de la mesure « drapeau rouge » soit bonne, celle‑ci pourrait engendrer des conditions qui imposeraient un fardeau déraisonnable sur une victime ou une survivante qui doit veiller à sa sécurité. Nous en avons déjà discuté un peu. Lorsque cela se produit et que nous ouvrons cette sorte de brèche, qui oblige en quelque sorte une survivante à veiller elle-même à sa sécurité, le système prend cette tangente, et on commence à se demander si la victime a fait tout ce qu'elle aurait dû faire, selon ce qu'on interprète de la situation.
On a déjà beaucoup de travail à faire pour ce qui est de la condamnation des victimes. Bien que les intentions de la mesure « drapeau rouge » soient bonnes, elles créent une brèche, un abîme, où les survivants peuvent se retrouver sans l'aide d'un avocat et sans savoir comment naviguer dans le système. On jette ensuite le blâme sur les victimes, si elles n'ont pas recours aux moyens auxquels elles devraient avoir recours, dans ce système, selon cette mesure...
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Merci beaucoup, monsieur le président.
Je veux commencer par remercier Mme Riendeau de son travail exceptionnel au Regroupement des maisons pour femmes victimes de violence conjugale. Dans ma circonscription, Vaudreuil—Soulanges, il y a un groupe, Hébergement La Passerelle, qui fait un travail extraordinaire. En son nom et au nom de tous les citoyens de ma communauté, je vous remercie.
[Traduction]
J'aimerais également vous remercier, madame Martin ainsi que vous, madame MacDougall, de votre travail exceptionnel.
Dans un mémoire qu'elle a présenté en mai 2018 au Comité permanent de la sécurité publique et nationale, la Fondation canadienne des femmes a souligné le fait suivant: « Dans les ménages canadiens, la présence d'armes à feu à la maison est le plus grand facteur de risque de violence conjugale mortelle. » C'est quelque chose qui touche en majeure partie les femmes, et 80 % des personnes mortes de violence conjugale sont des femmes.
Madame Martin, je vous remercie d'avoir fourni dans votre déclaration préliminaire les statistiques qui indiquaient que cela a en fait augmenté depuis 2019, et je vous remercie de nous en avoir fait part.
Je voudrais également vous remercier toutes les trois de nous avoir fait part de vos propositions d'amendements et de modifications dans vos déclarations préliminaires.
J'espère que vous pouvez — et je vais vous accorder à chacune entre 45 secondes et une minute pour le faire — aborder brièvement un ou deux éléments de ce projet de loi qui pourront changer les choses. Un témoin qui a comparu ce matin a dit que cela ne va en rien combattre la violence contre les femmes et la violence liée aux armes à feu au Canada. Selon votre expérience et votre expertise, si vous pouviez choisir une ou deux choses au sujet de ce projet de loi qui feront la différence, à votre avis, que choisiriez-vous et pourquoi?
Je ne sais pas par qui commencer.
Je peux peut-être commencer par vous, madame MacDougall. Je vois que vous hochez de la tête, et je suis désolé de vous prendre au dépourvu.
C'est ça le dilemme, n'est‑ce pas? Les possibilités de lutter contre la violence fondée sur le genre, contre la violence familiale sont si nombreuses, et, pourtant, nous n'avons pas encore fait avancer les choses de façon satisfaisante. Le plan d'action national que Hébergement femmes Canada préconise depuis 10 ans est une feuille de route qui permet de s'attaquer aux causes profondes, de mettre sur pied des services, de faire de la prévention et de régler les problèmes juridiques. Dans l'ensemble, il s'agit là d'une intervention clé, capitale, à laquelle nous devrions consacrer tous nos efforts.
Cet élément du projet de loi est important. Cependant, ce n'est qu'une infime partie de la solution. Merci.
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Merci, monsieur le président.
Madame Martin, vous avez parlé des délais liés à la révocation du permis. C'est peut-être un peu plus technique, mais à l'article 41, le projet de loi modifie l'article 89 de la Loi sur les armes à feu pour obliger l'autorité compétente à aviser sans délai le contrôleur des armes à feu lorsqu'elle rend, modifie ou révoque une ordonnance de protection. Certains groupes nous ont signalé que l'expression « sans délai » était un peu vague et ne voulait pas dire grand-chose, et proposé de fixer un délai précis, par exemple 24 heures.
Cette proposition vous apparaît-elle raisonnable? Quelle est votre opinion là-dessus?
J'aimerais ensuite entendre le point de vue de Mme Riendeau.