Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
Bienvenue à la 144 e réunion du Comité permanent du patrimoine canadien de la Chambre des communes.
Avant de commencer, je demanderai à tous les participants dans la salle de regarder l'autocollant sur leur table. Il est très important de garder vos appareils sur cet autocollant, afin d'éviter de blesser les oreilles des interprètes. Je vous rappelle qu'il est interdit de prendre de photos dans la salle. Vous pourrez les prendre après la réunion. La réunion se déroulera en public.
Veuillez attendre que je vous nomme avant de prendre la parole. Vous êtes priés de poser vos questions par l'entremise de la présidence.
Conformément à l'article 108(2) du Règlement et à la motion adoptée par le Comité le mercredi 18 septembre, le Comité reprend son étude sur la protection de la liberté d'expression.
Nous avions prévu une réunion de deux heures, mais elle ne durera qu'une heure.
Je souhaite la bienvenue à deux témoins. Nous accueillons en présentiel Walter Wastesicoot, grand chef du Conseil tribal de Keewatin. Richard Robertson, directeur, Recherche et plaidoyer de B'nai Brith Canada, témoignera virtuellement.
Bienvenue à vous deux.
Les témoins disposent de cinq minutes pour faire leur exposé.
Nous allons commencer par le grand chef Walter Wastesicoot. Vous avez cinq minutes.
Je m'appelle Walter Wastesicoot. Je suis le grand chef du Conseil tribal de Keewatin. Voici la déclaration que j'ai préparée.
Dans la démocratie canadienne, il n'y a pas de liberté comme celle qu'ont connue mes ancêtres. Les entraves à la démocratie canadienne sont visibles dans les cicatrices de l'oppression qui marquent mon corps. Je n'ai aucun souvenir de la liberté dont ont joui mes ancêtres.
La démocratie canadienne est un sophisme de formules accrocheuses qui détournent l'attention des racines racistes du Canada. Il n'y a pas de place pour la liberté connue par mes ancêtres, car cette liberté impliquerait de restituer la terre et ses ressources aux premiers peuples. Le Canada demeurera une créature immature de la Couronne anglaise qui tolère les épines de la France moralisante tant et aussi longtemps qu'elle occulte le vol des terres et des ressources dans la doctrine de la découverte et qu'elle accorde la priorité à Dieu, à l'or et à la gloire plutôt qu'à l'intégrité et à l'équité.
La liberté appartient aux animaux qui ne sont pas gouvernés par des lois, des règlements et des politiques. La liberté, c'est la végétation qui pousse naturellement au printemps et qui prend son repos à l'automne. La liberté, c'est l'eau qui coule de source depuis des temps immémoriaux. La liberté ne fait pas partie de la démocratie canadienne.
J'ai rédigé la déclaration que je viens de lire le 15 novembre 2022. Je l'ai montrée à ma femme, Jennie Wastesicoot, qui m'a conseillé de bien réfléchir avant de la montrer à quiconque.
Notre expérience de la démocratie canadienne n'a pas été positive. Au contraire, nous avons été ciblés par les politiques coloniales du Canada qui nous ont forcés à quitter nos terres ancestrales et à fréquenter les pensionnats et les externats. Bref, ce fut un traumatisme.
Plus tard, j'ai montré mon texte à un juriste, associé de son cabinet, et à deux parlementaires, dont l'un est chef de parti alors que l'autre a des responsabilités ministérielles. J'ai parlé au juriste de l'avertissement de ma femme, ce à quoi il a répondu: « Quoi? Pourquoi? Cette information devrait être transmise à tout le monde parce que c'est la vérité. » Les parlementaires, quant à eux, ont réagi en soulignant la puissance et la véracité de ma déclaration.
En 1670, il y a 354 ans, la Grande-Bretagne a fondé la Compagnie de la Baie d'Hudson, qui a lancé des activités de traite sur les terres ancestrales du peuple Ininew de la région de la baie d'Hudson. Les terres occupées par la Compagnie de la Baie d'Hudson sont devenues la Terre de Rupert, qui a ensuite été vendue au Canada en 1869 pour 1,5 million de dollars. Il y a 318 ans, les Dénés et les Ininew de la région ont conclu un traité de paix qui est toujours reconnu aujourd'hui.
Les premiers explorateurs, commerçants et colons qui ont suivi ont apporté leurs valeurs, leurs croyances et leurs institutions et se sont collectivement inspirés de la doctrine de la découverte pour coloniser ce qui est aujourd'hui le Canada. Ils n'ont apporté aucune terre. Le Canada jouit d'une compétence présumée sur des terres qui ne faisaient pas partie de l'Angleterre ou de la France.
Ce que je vous dis aujourd'hui, c'est ma vérité. Comment allez-vous protéger ma vérité et ma liberté d'expression? Vos programmes d'études dans ce pays pourraient être un moyen de le faire. L'éducation ou la formation donnée aux immigrants avant qu'ils prêtent serment pourraient reconnaître cette vérité.
Comment allez-vous protéger ma liberté d'expression alors que vous avez tout intérêt à défendre le sophisme de la démocratie canadienne?
En mars 2023, les 11 nations affiliées au Conseil tribal de Keewatin ont déclaré l'état d'urgence régional en raison d'une défaillance systémique de la sécurité publique, de la santé et des infrastructures. Parmi ces 11 Premières Nations, 9 sont éloignées et isolées. Les Premières Nations du Nord du Manitoba sont caractérisées par une violence accrue chez les gangs et des décès évitables dus au manque d'accès aux services nécessaires, des diagnostics erronés, des surdoses de drogue, des suicides, un manque d'infrastructures pour l'eau potable, des logements inadéquats et l'absence de route toutes saisons permettant de rejoindre le réseau manitobain.
La Première Nation Shamattawa et la Nation crie Tataskweyak ont dû s'adresser aux tribunaux pour obtenir de l'eau potable. La Première Nation de Northlands s'est jointe à un recours collectif sur le logement.
La démocratie canadienne tue notre peuple. La criminalisation de ceux qui revendiquent leur vérité pour défendre leurs terres et leurs ressources doit cesser. La marginalisation des premiers peuples doit cesser. La pratique du négationnisme doit cesser.
(1540)
Les reconnaissances territoriales sont condescendantes et ne veulent rien dire si on ne cède pas les titres fonciers. Lorsque le Canada en arrivera à un point dans sa maturité où le titre de ces terres sera cédé aux peuples d'origine en vertu d'un...
... nouveau régime fiscal, comme c'était le cas en 1670, à ce moment‑là, le Canada aura mûri en tant qu'État-nation. Peut-être que le déni persistant que j'ai connu, en fait, que nous avons tous connu, disparaîtra pour toujours.
Membres distingués du Comité permanent du patrimoine canadien, bonjour.
Je m'appelle Richard Robertson et je suis directeur de la recherche et du plaidoyer à B'nai Brith Canada. Notre organisation, créée en 1875, se consacre à l'éradication du racisme et de la haine sous toutes ses formes et à la défense des droits des personnes marginalisées.
En se penchant sur la protection de la liberté d'expression au Canada, le Comité a la capacité d'adopter des recommandations qui garantiront que le droit à la liberté d'expression des Canadiens prévu dans la Charte est correctement pesé et évalué par rapport à d'autres droits constitutionnels et quasi constitutionnels contradictoires. De telles recommandations seraient conformes à l'esprit de la Charte et à la jurisprudence en la matière et assureraient une protection suffisante au public canadien contre les formes nouvelles et émergentes de haine.
Les malentendus entourant les limites des libertés garanties par la Charte ont eu une incidence délétère sur la communauté juive du Canada et ont fait grimper le nombre d'incidents antisémites qui frappent actuellement notre pays.
En réponse au niveau sans précédent d'antisémitisme qui compromet le bien-être des Juifs canadiens, B'nai Brith Canada a récemment lancé son plan en sept points pour lutter contre l'antisémitisme. Les dispositions pertinentes de notre plan constituent la base de nos recommandations qui vous seront présentées de façon plus détaillée dans notre mémoire.
Notre première recommandation est que le Comité examine comment les dispositions du Code criminel qui sanctionnent le discours haineux peuvent être modifiées de manière à ne pas empiéter indûment sur le droit à la liberté d'expression protégé par la Constitution. On élargirait la définition du discours haineux pour y inclure les formes modernes de harcèlement en ligne et numérique.
Notre deuxième recommandation est que le Comité examine comment le Code criminel peut être modifié de manière à interdire le déploiement de drapeaux et d'emblèmes d'entités terroristes inscrites, sans pour autant empiéter indûment sur les droits des Canadiens protégés par la Constitution. L'affichage de tels symboles mine les efforts des Canadiens pour lutter contre le terrorisme, tant au pays qu'à l'étranger.
Notre troisième recommandation est que le Comité envisage la création d'une loi qui interdit partout au pays tous les rassemblements qui glorifient ou encouragent les discours haineux, la violence et l'extrémisme propagés par des entités terroristes inscrites, sans pour autant atteindre les droits constitutionnels des Canadiens. Une telle interdiction empêcherait la tenue de rassemblements comme ceux de la Journée Al‑Quds, un événement annuel qui célèbre les actions d'entités terroristes inscrites sympathisantes du régime islamique en Iran. Un tel événement n'a pas sa place dans une société qui valorise la diversité, la tolérance et la sécurité de tous ses citoyens.
Les libertés ne sont pas absolues. Les droits et libertés garantis par notre Charte n'ont pas été conçus pour être absolus. Leur existence ne devrait pas empêcher le gouvernement fédéral de modifier ou d'adopter des lois pour lutter contre le terrorisme et protéger ses citoyens contre le racisme et la haine. L'existence d'un régime de droits qui défend la liberté d'expression ne peut pas servir de justification pour sanctionner la diffusion de la haine et la promotion et la glorification délibérées de la terreur. Le fait de permettre de telles choses va directement à l'encontre des droits de la personne et des droits contradictoires garantis par la Charte des Canadiens qui souffrent en raison d'une interprétation aussi simpliste et d'une atteinte profonde à leurs libertés fondamentales.
Nous allons maintenant passer aux questions et réponses. Le premier tour sera de six minutes, ce qui comprend les questions et les réponses.
Comme la réunion ne durera qu'une heure, je demanderais à mes collègues autour de la table de bien vouloir essayer de ne pas s'épancher afin que nous puissions poser un maximum de questions.
Je vais commencer par M. Kurek, du côté des conservateurs.
Monsieur Robertson, j'ai été stupéfait de vous entendre faire référence dans votre déclaration préliminaire à certains rassemblements et autres manifestations qui auraient permis de glorifier la terreur dans les rues canadiennes. Bien sûr, en tant que Canadiens, la Charte nous garantit le droit constitutionnel à la liberté d'expression. Une chose qui a été soulignée, surtout dans le cadre de notre étude sur la liberté d'expression, c'est qu'il faut s'assurer que cela n'inclut pas la glorification du génocide et du terrorisme, comme dans les cas que nous avons vus.
Êtes-vous d'avis que la législation canadienne en la matière, comme le Code criminel et d'autres textes, n'est pas appliquée correctement pour garantir que les rues canadiennes ne deviennent pas le théâtre de telles activités?
B'nai Brith Canada est d'avis que la montée regrettable de l'antisémitisme et les événements récents comme les manifestations qui se sont déroulées dans nos rues pour glorifier et célébrer les actes de terrorisme présentent une occasion de revoir les dispositions antiterroristes du Code criminel. Ces dispositions du Code criminel doivent être modifiées pour veiller à ce que les groupes que nous inscrivons sur la liste des entités terroristes ne soient pas célébrés et glorifiés dans les rues canadiennes.
Oui, nous avons des dispositions pour prévenir le terrorisme et les attentats ici au Canada, mais nous devons les modifier pour reconnaître les réalités que nous voyons actuellement dans les rues canadiennes, comme l'affichage de symboles des entités terroristes inscrites et les rassemblements et vigiles dont le seul but est de glorifier les actions des terroristes. Les dispositions actuelles ne couvrent pas les événements que nous observons. Il faut les modifier pour répondre à la conduite problématique que nous observons dans nos rues, une conduite qui tourne en dérision nos efforts actuels de lutte contre le terrorisme.
J'en suis conscient. De nombreux électeurs ont communiqué avec moi pour me demander comment on pouvait permettre de tels comportements. N'existe‑t‑il pas actuellement des dispositions interdisant les discours haineux? N'est‑il pas possible de porter des accusations en vertu du Code criminel contre des personnes, en l'occurence les organisateurs de ce genre de rassemblements, qui sont de toute évidence motivées par la haine et qui revendiquent, dans certains cas, un génocide et ainsi de suite?
Savez-vous si des accusations ont été portées ou non contre certains organisateurs ou groupes, y compris certaines organisations qui, jusqu'à récemment, étaient autorisées à s'adonner à des agissements au Canada, mais qui ont récemment été inscrites sur la liste des organisations terroristes? Êtes-vous en mesure de nous indiquer lesquelles, parmi les dispositions en vigueur actuellement, ont mené à des chefs d'accusation?
Nous sommes au courant de certaines arrestations qui ont visé les dirigeants du groupe que vous avez évoqué. Nous savons également que des accusations ont été portées contre plusieurs personnes en vertu de l'article 319 du Code criminel du Canada, qui porte sur les crimes haineux. Cependant, je pense que l'évolution de la situation est la preuve que les mesures ainsi que les accusations sont insuffisantes pour faire face à la situation actuelle qui accable notre pays.
Il faut agir, que ce soit par l'ajout de dispositions supplémentaires dans le Code criminel ou des mesures qui faciliteront le recours aux dispositions existantes. Votre étude et le rôle de votre comité sont d'une importance vitale. Il faut faire plus. Il revient à nos parlementaires de décider de la meilleure façon de lutter contre la montée de la haine et l'agitation et la division qui sévissent actuellement dans nos rues.
Je suis curieux: dans toute société civile, il y a un contrat social, et c'est un concept qui est souvent enseigné dans les cours d'études sociales au secondaire et dans les universités partout au Canada, mais il demeure une certaine tension entre la liberté et la responsabilité. Je me demande si, dans la minute qu'il me reste, vous pourriez nous expliquer un peu à quoi devrait ressembler cette tension pour nous, les parlementaires, les membres du comité du patrimoine qui étudions la liberté d'expression, afin que la liberté d'expression et les Canadiens soient protégés.
Je pense que cela se résume à des limites raisonnables. Tout le monde devrait avoir le droit de manifester. Tout le monde devrait avoir le droit d'exprimer son opinion. La Charte est formelle là‑dessus, et la jurisprudence en la matière montre bien que ces droits sont protégés.
Cependant, en ce qui concerne la glorification des entités terroristes inscrites et la promotion d'opinions caustiques qui favorisent la haine et la discrimination à l'égard d'autres minorités, cela semble aller à l'encontre de ce qui est raisonnable dans notre société démocratique et violer le contrat social dont vous avez parlé.
J'ajouterais simplement que nous pourrions éventuellement élargir la question en vue de garantir aux Canadiens la liberté de culte, mais puisque mon temps s'est écoulé, vous aurez peut-être l'occasion de nous en dire plus à ce sujet plus tard.
Monsieur Robertson, je vais revenir un peu sur ce que mon collègue disait il y a quelques instants, à savoir qu'aujourd'hui, le gouvernement a inscrit les Houthis sur la liste des entités terroristes.
Avez-vous d'autres idées sur les mesures supplémentaires que le gouvernement peut prendre pour s'assurer que cette désignation entraîne de véritables conséquences afin d'empêcher la célébration du terrorisme?
J'aimerais attirer votre attention sur les recommandations nos 2 et 3 de ma déclaration préliminaire. L'inscription des groupes comme les Houthis est inefficace si des personnes sont autorisées à afficher les emblèmes et le drapeau de ce groupe sans conséquence. L'inscription des Houthis sur la liste est sans mordant si les gens sont autorisés à tenir des rassemblements et des vigiles qui soutiennent les Houthis, font la promotion de leur idéologie et glorifient leurs actions.
Il s'agit de regarder les dispositions du pays, qui permettent de ficher des groupes que nous jugeons malfaisants et diaboliques et qui constituent une menace pour la sécurité canadienne, et de les resserrer. On pourrait ainsi interdire au Canada la promotion de ces groupes par le déploiement d'emblèmes et de drapeaux et la tenue de vigiles lors de manifestations visant à glorifier les actions des terroristes, comme il y en a eu au pays.
Comme vous avez parlé de votre plan en sept points, je me demande si vous ne pourriez pas le présenter par écrit au Comité, peut-être après la réunion, afin que nous l'ayons dans son intégralité. Cela nous serait utile.
Pourrions-nous parler un instant du projet de loi sur les préjudices en ligne? Il semble s'aligner sur les principes de l'Alliance internationale pour la mémoire de l'Holocauste, ou AIMH, en matière de lutte contre la haine en ligne.
Comment pensez-vous que cette mesure législative nous permettra de trouver un juste équilibre entre la nécessité de lutter contre l'antisémitisme et la haine en ligne et celle de garantir que les plateformes continuent d'être des endroits où les gens peuvent s'exprimer librement?
L'organisme B'nai B'rith soumettra un mémoire au Comité avant la date limite. Notre plan en sept points sera inclus dans notre mémoire.
En réponse à votre question concernant le projet de loi sur les préjudices en ligne, je dirais que toute mesure législative adoptée pour lutter contre les préjudices en ligne doit faire face à la réalité qu'affronte la communauté juive — mais aussi d'autres communautés canadiennes — ici, au Canada, à savoir que notre espace numérique est devenu une fosse septique toxique, à défaut d'un meilleur terme, qui permet la promotion de la haine en ligne.
Il est essentiel que toute tentative de concilier la liberté d'expression et d'autres droits constitutionnels et quasi constitutionnels concurrents tienne compte de ce nouveau milieu, que je considère comme le Far West. Nous avons besoin de mettre en place une mesure législative qui nous protège contre la diffusion et la propagation de la haine en ligne.
Je vous remercie de votre réponse. Je partage votre avis à ce sujet.
Si l'on revient un peu sur certains des engagements que le gouvernement actuel a pris en matière d'énorme investissement dans le financement d'un nouveau musée de l'Holocauste dans ma ville natale de Montréal et dans la nomination d'une envoyée spéciale du Canada pour la préservation de la mémoire de l'Holocauste, qui assume la lutte contre l'antisémitisme et d'autres rôles, comment pensez-vous que ce type d'engagements pris par le gouvernement contribue à la fois à équilibrer la liberté d'expression et à répondre à la forte augmentation de l'antisémitisme et de la haine que nous avons observée de façon plus générale, en particulier au cours de la dernière année?
Il s'agit certes de nobles efforts, mais les chiffres parlent d'eux-mêmes. En tant que société, nous ne parvenons pas à lutter contre l'antisémitisme, qui continue d'augmenter partout au pays.
La solution est fort simple; il faut prendre davantage de mesures. Comme nous constatons que nous avons un problème, nous devons continuer d'y remédier. Nous devons prendre des mesures plus puissantes, et ces mesures ne doivent pas contribuer simplement à éduquer la population, comme les musées de l'Holocauste. Nous devons prendre des mesures concrètes qui rendront illégaux et criminels les actes de ceux qui souhaitent répandre la haine, que ce soit en personne ou en ligne.
Je suppose que vous avez suivi certaines des discussions portant sur la mesure législative, qui a peut-être été inspirée par le projet de loi relatif aux zones de sécurité, un projet de loi qui a été présenté pendant la pandémie et qui prévoyait des espaces réservés aux soins de santé pour permettre aux travailleurs de la santé d'aller et venir librement depuis leur lieu de travail. Cette idée de projet de loi relatif aux zones de sécurité a également été évoquée pour les espaces communautaires, qu'il s'agisse de mosquées ou de synagogues, afin de tenter de prévenir, par exemple, ce que nous avons vu l'autre soir dans mon quartier situé autour de la synagogue Shaar et le type de manifestation qui s'y est déroulé.
L'organisme B'nai Brith a‑t‑il des opinions au sujet de ce type de mesures législatives, de leur efficacité ou, éventuellement, de leurs failles liées aux tensions qui entourent la liberté d'expression?
B'nai Brith est ouvert à tout recours qui aidera à protéger les droits des Canadiens, y compris la liberté de religion et la possibilité d'accéder à leurs lieux de culte sans menace de violence, de coercition ou d'intimidation. Toutefois, pour revenir à l'exemple particulier de Shaar, il y avait une injonction en place et il y avait une mesure légale pour empêcher l'obstruction de l'entrée dans la synagogue, mais cela n'a pas suffi. Par conséquent, la création d'une nouvelle infraction ou de dispositions législatives qui iraient dans ce sens n'est qu'une des voies que nous devons explorer. Nous devons faire flèche de tout bois dans nos efforts pour contrer l'antisémitisme.
Je remercie à mon tour les témoins d'être avec nous aujourd'hui pour parler de ce sujet, qui peut susciter un large éventail de discussions. Je suis content d'avoir deux témoins aussi intéressants.
Monsieur Robertson, je vais aussi vous poser des questions, si vous me le permettez. Vous avez parlé de la glorification des groupes terroristes dans les manifestations. Ce que j'ai beaucoup entendu ces derniers temps, c'est qu'on voit une montée de l'antisémitisme, mais qu'on constate aussi une montée de l'islamophobie.
Depuis le 7 octobre 2023, considérez-vous qu'il y a autant de manifestations contre Israël qu'il y a de manifestations anti-palestiniennes, anti-arabes ou islamophobes à proprement parler? Quel est votre point de vue, en tant qu'observateur intéressé? Constatez-vous qu'il y a également une montée de l'antisémitisme et de l'islamophobie au Québec et au Canada?
Pour commencer, j'estime que, non, il n'y a pas eu autant de manifestations anti-palestiniennes que de manifestations anti-israéliennes.
Les recommandations que nous avons présentées au Comité aujourd'hui visent à combattre toutes les formes de haine et de discrimination, y compris l'antisémitisme et l'islamophobie. Il est important que toute recommandation que le Comité appuiera ait un impact. Il est important que toute mesure soit apte à combattre toutes les formes de racisme et de haine et qu'elle puisse servir à faire face à la montée du racisme et de la haine sous toutes leurs formes. C'est pour cette raison que nous avons formulé nos recommandations. Nous souhaitons que ces dispositions législatives puissent être utilisées pour protéger tous les groupes minoritaires au Canada ainsi que les droits et libertés de tous les Canadiens.
Je suis tout à fait d'accord avec vous. Il n'y a pas de racisme qui soit tolérable, acceptable ou moins grave qu'un autre. Là-dessus, nous sommes tout à fait d'accord. Pourtant, j'éprouve toujours un inconfort quand j'entends parler, par exemple, de balles qui ont été tirées sur une école juive à Montréal. J'ai une difficulté énorme à entendre parler de manifestations dans un quartier résidentiel reconnu comme étant un quartier à forte population juive à Toronto ou à Montréal. J'essaie de chercher des actes similaires, anti-palestiniens ou pro-Israël, par exemple, dans d'autres types de quartiers.
Je reviens à ce que vous disiez dans votre allocution. On parle de glorification du Hamas dans les manifestations et cela m'indispose beaucoup, parce que je sais que la plupart des gens qui vont manifester y vont avec une bonne intention. Ils n'y vont pas avec des intentions hostiles à l'égard des Juifs, ils y vont pour dénoncer une situation qu'ils jugent très préoccupante. Ces manifestations sont trop souvent gangrenées par des groupes extrémistes et des fauteurs de troubles. Les corps policiers semblent avoir énormément de difficulté à contrôler cela, mais la société a aussi l'air embarquée dans cette espèce de propagande, qui est très malsaine, si on veut tenir un débat équitable en ce qui a trait à la lutte contre l'intolérance et le racisme.
Pensez-vous que certains corps policiers font leur travail de façon un peu plus molle que d'autres? On a entendu des critiques à l'égard du corps de police de Montréal, à la suite des manifestations qui ont eu lieu au Palais des congrès, la semaine dernière. À Toronto aussi, les policiers reçoivent beaucoup de critiques. Les policiers de la Ville de Québec, quant à eux, se sont permis une petite sortie, cette semaine, en disant aux gens de ne pas faire de manifestation, parce qu'ils vont les arrêter.
Si c'est si facile que cela, pensez-vous que c'est parce que les policiers de Montréal et de Toronto font un peu mollement leur travail?
Les forces policières de tout le pays ont fait un travail admirable en réagissant à une situation sans précédent. Le Parlement doit doter nos forces de police d'outils supplémentaires pour les aider à contrer les actions répréhensibles, comme vous les avez correctement décrites, que nous voyons infiltrer ces manifestations.
Le droit à la liberté d'expression de tous les Canadiens qui participent à ces manifestations est compromis par les gestes d'une poignée de gens qui souhaitent détourner ces manifestations et les utiliser pour glorifier le terrorisme. C'est pourquoi il est si important que nous prenions urgemment des mesures pour interdire cela, le but étant de faire en sorte que nous puissions continuer à organiser des manifestations tout en veillant à ce qu'une partie de la pression exercée sur nos forces de police soit éliminée.
Une disposition du Code criminel que vous connaissez, l'alinéa 319(3)b), permet à quelqu'un de tenir des propos haineux qui appellent à la violence, et même au meurtre sous couvert religieux, parce que c'est sa conviction religieuse. Il existe une protection dans le Code criminel pour cela.
Le Canada ne criminalise pas rapidement les groupes haineux organisés. Pensez-vous qu'on traîne les pieds? Pensez-vous que l'alinéa 319(3)b) devrait être aboli, comme le propose un projet de loi du Bloc québécois? Pensez-vous qu'il faudrait, rapidement et systématiquement, criminaliser les groupes qui s'infiltrent dans les manifestations pacifiques pour semer la haine?
Nul ne devrait pouvoir échapper aux poursuites prévues aux termes de l'article 319 sous prétexte qu'il est une autorité religieuse au Canada. B'nai Brith Canada a été sans équivoque à ce sujet. Nous devons réexaminer l'article 319 du Code pénal pour nous assurer que les exemptions prévues par cette disposition ne sont pas utilisées comme une « carte de sortie de prison ». Cela fait partie de l'exercice pour trouver l'équilibre. Il est important que nous...
Merci beaucoup, madame la présidente, et merci à nos témoins.
Grand chef, vous avez parlé avec fougue de votre expérience, de l'expérience des peuples autochtones et de l'expérience des Premières Nations que vous représentez ici, dans notre région. Je sais qu'à maintes reprises, vous avez également parlé avec passion de votre expérience en tant que survivant du système des pensionnats. Par le passé, vous avez parlé des traumatismes et des violences que vous et tant d'autres survivants avez subis. Vous avez parlé de la nécessité pour les Canadiens de connaître cette partie sombre de leur histoire et les conséquences qu'elle peut avoir aujourd'hui.
Cependant, nous savons que beaucoup cherchent à relativiser l'importance de cette histoire. Ma collègue, Mme Leah Gazan, a présenté un projet de loi visant à établir clairement que le négationnisme à l'égard des pensionnats est une forme de haine. Malheureusement, nombreux sont ceux que cette proposition agace. Pouvez-vous user de votre liberté d'expression pour ramener à la raison ceux qui cherchent à minimiser ou à nier les effets dévastateurs des pensionnats et la façon dont ces pensionnats ont été utilisés comme outil de génocide?
J'écoutais la discussion qui se déroulait ici à l'instant et je réfléchissais au racisme légiféré qui existe dans ce pays.
Vous pouvez commencer par la Loi sur les Indiens. Le projet de loi C‑31 vise à modifier la Loi sur les Indiens. En soi, il s'agit d'un génocide imposé par la loi. Un jour, si ma fille ou ma petite-fille décide d'épouser quelqu'un d'une autre race, ses enfants perdront leur identité. C'est du racisme. C'était censé répondre à la Charte des droits et libertés. Cependant, dans les faits, il s'agit d'un génocide légiféré. Or, personne ne parle de cela parce que, pour la société canadienne, c'est désormais considéré comme normal.
Vous avez parlé du terrorisme. J'ai été terrorisé dans une institution de ce pays pendant de nombreuses années. Tout le monde a fermé les yeux sur cette situation. Quand nos concitoyens cesseront-ils de devoir aller devant les tribunaux pour être entendus et respectés? Vous êtes ici en train de parler du terrorisme dans ce pays, et du fait que certains groupes doivent être inscrits sur une liste et reconnus comme terroristes. Eh bien, c'est aussi ce qui arrive à notre peuple. Lorsque nous défendons nos intérêts, nous devenons soudainement criminalisés. Nous sommes transformés en croque-mitaines. Il y a quelque chose qui cloche dans ce portrait.
Lorsque je parle des cicatrices sur mon corps, je parle des cicatrices causées par ces institutions racistes et génocidaires.
Merci beaucoup, grand chef, pour ces mots très forts, pour le puissant plaidoyer que vous soutenez sans relâche au nom des Premières Nations, et pour ce que vous avez dit au sujet de la menace qui pèse sur la liberté d'expression au sein de notre comité.
J'aimerais poser une brève question à M. Robertson.
Récemment, Bibliothèque et Archives Canada, qui relève de la ministre du Patrimoine canadien, a décidé de continuer à taire les noms des nazis identifiés par la Commission Deschênes qui ont été admis au Canada dans les années qui ont suivi l'Holocauste.
Appuyez-vous ce comité qui demande à la ministre du Patrimoine canadien d'ordonner à Bibliothèque et Archives Canada de divulguer les noms des nazis mentionnés dans le rapport Deschênes?
Bibliothèque et Archives Canada doit divulguer les noms qui figurent dans le rapport de la Commission Deschênes. Tous les documents relatifs au passé nazi du Canada doivent être rendus publics afin que nous puissions apprendre et nous éduquer sur le traumatisme infligé par le Canada aux survivants de l'Holocauste, et pour que, en tant que société, nous puissions grandir et apprendre des erreurs de notre passé.
En entendant cela, j'aimerais revenir sur une motion que j'ai présentée il y a deux semaines à propos de cette même question.
Je voudrais commencer par dire qu'il est ironique que nous parlions de liberté d'expression quand il s'agit de l'une des questions les plus fondamentales que ce comité a eu à traiter, à savoir le refus de Bibliothèque et Archives, sous la direction de la ministre du Patrimoine canadien, de publier les noms des nazis qui figurent dans le rapport Deschênes. Cette politique délibérée de ne pas divulguer les noms des nazis connus qui ont consciemment et directement été admis au Canada au début des années 1950 doit être abrogée.
Je n'arrive pas à imaginer ce que ce refus persistant de divulguer les noms signifie pour les survivants et les familles des survivants. Je pense à l'expérience de ma propre famille et d'autres personnes qui ont combattu les nazis, et à la façon dont les communautés juives historiques en Grèce et dans toute l'Europe ont été anéanties, non seulement par les nazis, mais aussi par les collaborateurs.
Je ne peux pas croire qu'au Canada, en 2024, nous discutions encore de la question de savoir si le gouvernement canadien doit ou ne doit pas révéler les noms des nazis qui ont participé à l'Holocauste et au meurtre systématique de Juifs, de Polonais, de Roms et de bien d'autres encore.
À l'approche de la Journée internationale dédiée à la mémoire des victimes de l'Holocauste, le moment ne serait pas mieux choisi pour le Canada d'assumer ce côté sombre de son histoire? C'est une question de liberté d'expression. C'est une question de liberté d'information. Il faut que le gouvernement du Canada et, en particulier, la ministre du Patrimoine canadien changent de cap et ordonnent à Bibliothèque et Archives Canada de divulguer ces noms.
J'aimerais revenir sur cette motion et j'espère que tous les députés de tous les partis la soutiendront.
Je propose que, étant donné que le Comité permanent du patrimoine canadien regrette la protection continue accordée par la ministre du Patrimoine canadien aux quelque 900 nazis autorisés à entrer au Canada après la Seconde Guerre mondiale en refusant de divulguer leurs noms et en refusant d'écouter les organisations représentant les victimes des nazis, le Comité invite la ministre du Patrimoine canadien à ordonner à Bibliothèque et Archives Canada de publier les noms des 900 nazis avant la Journée internationale dédiée à la mémoire des victimes de l'Holocauste le lundi 27 janvier 2025, et que cette motion soit rapportée à la Chambre.
Madame Ashton, comme vous le savez, cette motion a été présentée au Comité et le débat à son sujet a été ajourné. Lorsqu'un débat sur une motion est ajourné, je dois demander la tenue d'un vote afin de savoir si le Comité souhaite que la motion soit remise sur la table.
Je vais poser la question. Il ne s'agit pas d'un débat. Je vais poser la question au Comité.
La motion a été présentée au Comité et le débat a été ajourné. Pour qu'elle soit présentée à nouveau, le Comité doit donner son consentement par vote. Il s'agit de la même motion.
Si quelqu'un devait voter contre maintenant, cela ne tuerait pas la motion. Cela signifierait simplement que nous n'en discuterons pas maintenant. Est‑ce exact?
Cela signifierait que nous n'en discuterons pas maintenant. Mme Ashton est libre de la ramener quand elle le souhaite, et le Comité est libre de décider s'il souhaite en débattre ou non.
Monsieur Robertson, j'aimerais d'abord revenir aux propos de M. Champoux lorsqu'il a parlé des directeurs des services de police de Toronto, Montréal et Québec. Les services de police de Québec et de Lévis travaillent d'une façon spéciale et sont très proactifs. Je tiens d'ailleurs à les féliciter. Dans la région de Québec, il n'y a pas de problème de liberté d'expression; le problème vient du grabuge fait au nom de la liberté d'expression. Cela n'est pas toléré dans la région métropolitaine de Québec et de Lévis.
Le chef de police a signalé aux manifestants qu'ils seront sans doute arrêtés et amenés devant la justice s'ils font du grabuge. Je trouve cela juste et bien parce qu'ils en ont été avertis avant. Dans notre région, il n'y a pas de problème de grabuge lors des manifestations parce que les forces policières font leur travail. Elles avertissent les manifestants et ceux-ci manifestent de façon respectueuse parce qu'autrement, ils savent qu'il y aura des conséquences.
Monsieur Robertson, pensez-vous que la liberté d'expression vient avec la liberté de faire du grabuge? Croyez-vous que c'est plus acceptable lorsque les forces policières mettent des balises?
Non, je ne pense pas que tous les comportements que nous avons vus dans les rues canadiennes puissent être considérés comme protégés par le droit à la liberté d'expression garanti par la Charte. C'est la raison pour laquelle nous avons présenté nos recommandations au Comité. Dans cet exercice consistant à explorer le droit à la liberté d'expression et à trouver un juste équilibre, nous souhaitons amener le Comité à s'assurer que nos lois délimitent correctement ce qui est une conduite acceptable et ce qui ne l'est pas. Nous espérons que cela permettra aux forces de l'ordre de tout le pays de savoir précisément quelle conduite est criminelle et quelle conduite n'est pas acceptable ou protégée aux termes de la Charte canadienne des droits et libertés.
Monsieur Robertson, lorsque des autos de police sont brûlées et que des fenêtres sont cassées, il semble évident que la ligne a été franchie. Lorsqu'on n'arrête qu'une, deux ou trois personnes, alors que de 10 000 à 15 000 manifestants ont participé à ce grabuge, considérez-vous cela comme étant du laxisme de la part des forces policières ou de la peur des conséquences de la foule?
Je crois que nous pouvons éliminer tout débat à ce sujet en renforçant les dispositions du Code criminel concernant le terrorisme et ces rassemblements. Si le but d'un rassemblement est de glorifier les actes de terreur et de soutenir ceux qui se livrent au terrorisme, que ce soit au pays ou à l'étranger, alors nous pourrions fournir des précisions aux forces de l'ordre. En quelque sorte, ce serait une façon de tuer le mal par la racine.
Je crois qu'il y a, au Canada, des manifestants professionnels. Par exemple, ces personnes peuvent se faire arrêter jusqu'à cinq fois; ce sont des récidivistes.
Les manifestants professionnels mériteraient-ils de recevoir des peines plus sévères? Présentement, ils se font arrêter et, souvent, ils sont libérés le jour même. Au fond, il n'y a pas d'arrestation et il n'y a pas de conséquence.
Oui, comme je l'ai indiqué dans ma réponse précédente au Comité, je crois que certains éléments de notre société mettent en péril le droit à la liberté d'expression de tous les Canadiens en abusant de ce privilège. Il est important que nous séparions ceux qui souhaitent abuser et profiter de nos libertés fondamentales de ceux qui essaient d'exercer légalement leurs libertés fondamentales.
J'aimerais revenir à la question que m'a posée votre collègue au sujet de la liberté de religion. Lorsqu'on explore la liberté d'expression, il est important de comprendre qu'il faut trouver un équilibre. Une liberté ne peut pas empiéter sur les droits des autres. Le droit à la liberté de réunion et à la liberté d'expression ne peut être garanti d'une manière qui porte atteinte au droit à la liberté de religion ou à la vie, à la liberté et à la sécurité d'une personne ou d'autres gens.
Ma première question s'adressera au grand chef Wastesicoot.
Merci beaucoup de votre déclaration liminaire. Pouvez-vous nous dire comment les perspectives autochtones sur la liberté d'expression enrichissent la compréhension que la population canadienne peut avoir de ce droit fondamental?
Notre peuple a toujours eu la possibilité de s'exprimer et d'être entendu. Je travaille aujourd'hui avec des dirigeants qui, lorsqu'ils se présentent autour de la table, me disent qu'il faut que je ramène cela chez moi. Il faut que je parle à notre peuple et que je prenne connaissance de ce qu'il en pense. Il y a tant de choses que notre peuple a à offrir, tant de choses dont la société canadienne peut s'inspirer et profiter.
Quelles mesures recommanderiez-vous pour assurer la protection de la liberté d'expression tout en sauvegardant le patrimoine et la dignité des Autochtones?
Voilà une question difficile. Elle est difficile à cause de ce que j'ai dit dans mon introduction. Comment allez-vous protéger ma liberté d'expression si vous avez tout intérêt à maintenir la fausseté de la démocratie canadienne? La démocratie est censée être une bonne chose, mais d'après notre expérience, ce n'est pas le cas.
La Loi sur les Indiens régit tout ce que nous faisons.
Pour briser ces murs, nous devons regarder la vérité. Nous devons marcher dans la vérité. Il est parfois difficile de le faire. Il est parfois difficile de se regarder soi-même. Aujourd'hui, je ne suis pas venu ici pour me faire des amis. L'opinion que vous avez de moi aujourd'hui vous regarde, elle ne me regarde pas. En même temps, je sais que chacun de ceux qui sont ici a des proches dont il s'occupe, tout comme moi. Nous avons la capacité d'aimer. Si nous marchons dans la vérité et faisons montre d'un peu de compassion, je pense que nous pouvons faire un long bout de chemin. Or, ce n'est pas avec des lois qui cherchent à nous isoler et nous réduire au silence que cela sera possible.
Toutes ces mesures que vous avez au Canada — la Loi sur les Indiens, le projet de loi C‑31 et d'autres — n'ouvriront pas la voie à la réconciliation. Pour qu'il y ait réconciliation, il aurait fallu que nous ayons de bonnes relations à un moment donné. Dans mon introduction, j'ai parlé de 1670. Il y a eu une période de non-ingérence. Notre peuple vivait librement. Votre peuple a appris de notre peuple. Les vôtres ont appris à survivre dans les environnements difficiles qui existaient ici. Ils ont appris à récolter ce qui était à leur disposition. Ils voulaient les peaux, et ils les ont eues. L'entreprise qui est à l'origine de cela existe encore aujourd'hui.
Monsieur Robertson, auriez-vous des recommandations à formuler concernant la Loi canadienne sur les droits de la personne? Croyez-vous que son libellé devrait être modifié?
À mon avis, nous aurions avantage à harmoniser la Loi canadienne sur les droits de la personne avec la Stratégie canadienne de lutte contre le racisme. Par ailleurs, nous devons interpréter cette loi en fonction de la définition canadienne de l'antisémitisme, ainsi que de la définition offerte par l'Alliance internationale pour la mémoire de l'Holocauste, l'AIMH.
Je demande à mes collègues libéraux et conservateurs s'ils acceptent de passer maintenant à deux dernières séries de questions de deux minutes et demie chacune.
Un député: Très bien.
La présidente: Je cède à présent la parole à M. Champoux pour deux minutes et demie.
Je veux revenir, avec M. Robertson, à un sujet que Mme Ashton a abordé un peu plus tôt, soit la liste des présumés nazis.
Monsieur Robertson, en 1985, le juge Deschênes a pris en considération 883 cas. Au terme de son enquête, qu'il a faite, je pense, selon les règles — j'espère que vous en conviendrez —, il a déterminé qu'il y avait des motifs possibles de pousser l'enquête plus loin dans seulement 20 cas. Il s'agit de 20 noms parmi 883 noms.
Monsieur Robertson, je ne comprends pas en quoi la divulgation de ces noms…
Madame la présidente, je fais un rappel au Règlement. Il y a du bruit sur la ligne. Pourriez-vous, s'il vous plaît, arrêter le chronomètre?
Madame Lattanzio, je ne sais pas si votre micro est en sourdine, mais j'entends des sons d'ordinateur.
Monsieur Robertson, je vous parlais de l'enquête du juge Deschênes, en 1985, dont les conclusions ont été rendues au gouvernement en 1986. Il y avait 883 cas et, au terme de l'étude de ces cas, le juge Deschênes a conclu que seulement 20 cas nécessitaient une enquête plus poussée, car il y avait peut-être, effectivement, des éléments qui méritaient une enquête plus approfondie sur de possibles crimes de guerre.
Toutefois, en quoi la divulgation d'une liste de 883 noms de personnes qui ont été jugées sans reproche apparent, pour qui on n'a trouvé aucune preuve de crime de guerre, ferait-elle plus de bien que de tort à ceux qui sont sur cette liste et à leurs descendants? J'aimerais entendre votre raisonnement à ce sujet.
La dernière fois que nous en avons discuté à ce comité, je me suis fait varloper sur les réseaux sociaux. On m'a accusé de soutenir le secret et de protéger les noms des nazis sur cette liste, ce que j'ai trouvé absolument abominable et dégueulasse.
Monsieur Robertson, je vous demande si vous soutenez cet argument ou si vous pouvez m'éclairer et me dire en quoi cela ferait du bien aux gens de connaître le nom des 883 personnes qui ont été jugées présumément innocentes.
Voici le raisonnement, en gros. Tout d'abord, si le rapport de la Commission Deschênes n'est pas rendu public, il nous est impossible d'évaluer toute la portée des conclusions du juge Deschênes. Il est important de permettre aux historiens et aux universitaires canadiens d'accéder à ce type de renseignements afin de faciliter leurs travaux.
Je dispose de très peu de temps. Selon cette logique, monsieur Robertson, cela signifierait qu'un groupe de victimes d'actes sexuels, par exemple, pourrait demander qu'on sorte la liste de gens qui ont été accusés de crimes sexuels et qui ont été acquittés en cour. J'essaie de comprendre la logique de la publication de ces noms dans un but d'apaisement de la communauté juive.
Non, il s'agit de permettre à la communauté juive de se remettre du traumatisme causé par le plus important génocide perpétré à l'époque moderne. La lutte contre la désinformation nous aidera à mieux comprendre la complicité historique du Canada dans l'accueil de criminels nazis sur son sol.
Je pense que la population canadienne dans son ensemble en sortirait gagnante. Cette démarche permettra de tirer les leçons de notre passé, et de formuler des lignes directrices pour la diffusion de renseignements relatifs aux victimes de traumatismes sexuels historiques et aux victimes des atrocités commises à l'encontre des Premières Nations.
Je suis sidérée de constater que les députés libéraux et bloquistes continuent de s'opposer à la motion que j'ai présentée. Je rappelle que ma motion invite la ministre du Patrimoine canadien à ordonner à Bibliothèque et Archives Canada de divulguer les noms des nazis qui figurent dans le rapport de la Commission Deschênes, un rapport présenté dès 1986 au sujet de...
Je tiens à préciser que la motion portait sur la reprise du débat, et non sur le libellé de la motion en tant que tel. Il est important d'éviter de répandre des renseignements erronés.
Je tiens à préciser que les députés libéraux et les bloquistes ont refusé la reprise d'un débat qui aurait permis de passer au vote concernant la divulgation des noms figurant dans le rapport de la Commission Deschênes. Je pense que plus personne n'est dupe par rapport à ce genre de tactiques d'obstruction.
Ce qui me choque, c'est qu'en 2024, alors que nous commémorons les 79 ans de la fin de la Seconde Guerre mondiale, un conflit au cours duquel des dizaines de milliers de Canadiens ont été tués par les nazis, où six millions de Juifs ont été exterminés, où les Polonais, les Roms, les homosexuels et les opposants politiques ont été violemment persécutés, et...
J'utilise mon temps de parole pour parler de quelque chose. Si, dans le cadre d'une étude sur la liberté d'expression, je ne peux pas exprimer mon point de vue parce que les libéraux sont sur la défensive, nous avons un vrai problème. Je dirais que le problème majeur est la manière dont ils ont bloqué la poursuite du débat et le vote sur cette motion pourtant essentielle.
Sommes-nous en train d'oublier notre propre histoire? Ce qui est essentiel ici, c'est que nous reconnaissions la responsabilité que nous avons, en tant que parlementaires, de divulguer l'identité de ces criminels nazis qui ont été protégés pendant des décennies. Je tiens à rappeler que le Canada a refusé d'accueillir les Juifs fuyant les persécutions en Europe, tout en permettant à des centaines de nazis de venir se réfugier ici dès la fin de la Seconde Guerre mondiale.
Nous avons entendu un grand nombre de témoins, y compris un représentant du B'nai Brith aujourd'hui, dire qu'il est temps pour le gouvernement libéral de divulguer les noms des criminels nazis identifiés par le rapport de la Commission Deschênes. Il est temps plus que jamais d'agir.
Je souhaite conclure mon intervention en partageant les paroles d'une survivante de l'Holocauste âgée de 96 ans, Mme Hedy Bohm, qui a déclaré ce qui suit:
Ils ont offert l'asile à des nazis, même à une époque où ils refusaient d'accueillir les survivants juifs, et continuent aujourd'hui de protéger ces criminels. Quelle honte! Et dans l'intérêt de qui? La crédibilité du système de justice du Canada en prend un sacré coup.
Un autre survivant, M. Joseph Gottdenker, a déclaré ce qui suit: « C'est de la pure hypocrisie. Ce n'est rien d'autre que de beaux discours creux de fonctionnaires qui répètent en chœur le slogan ‘plus jamais ça', mais sans jamais agir de manière concrète. ».
Moi aussi, je répète la célèbre expression « plus jamais ça », mais j'agis en conséquence. Par ailleurs, je tiens à féliciter mes collègues conservateurs d'avoir voté avec nous, et je suis scandalisée par le fait que les députés libéraux et bloquistes persistent à couper court au débat, et à entraver le vote sur la divulgation des noms des nazis contenus dans le rapport de la Commission Deschênes. Honte à...
Avant de remercier nos invités d'aujourd'hui, j'ai une question à poser à titre de présidente.
Monsieur Robertson, vous avez parlé de recommandations visant à modifier le Code criminel, et vous avez parlé de groupes, de drapeaux et de symboles haineux.
J'aimerais vous poser une question. Lors du convoi qui s'est rendu à Ottawa il y a quelque temps, il y a un an, des drapeaux à croix gammée et des drapeaux confédérés ont été hissés. En quoi votre proposition de modifier le Code criminel pourrait-elle nous aider à prévenir ce genre de dérapages?
La recommandation que nous présentons découle d'une lettre conjointe signée par l'association que je représente, le Centre consultatif des relations juives et israéliennes, ainsi que par les Amis du Centre Simon Wiesenthal pour les études sur l'Holocauste. Cette recommandation portait uniquement sur les drapeaux et autres symboles d'entités terroristes inscrites sur le registre. Cependant, le B'nai Brith s'engage à soutenir sans équivoque la déposition de tout projet de loi visant à interdire l'affichage de symboles liés au nazisme.
Ce n'est pas parce que le Parti nazi n'est pas une entité terroriste répertoriée au Canada qu'il faut autoriser le déploiement de la croix gammée et d'autres symboles nazis. C'est certainement quelque chose qui, selon nous, relèverait des limites raisonnables de la liberté d'expression, telles qu'elles sont énumérées au sein de la Charte.
Je tiens à remercier le grand chef Wastesicoot et M. Roberts pour leurs témoignages fort pertinents.
Avant de lever la séance, je rappelle aux députés qu'ils doivent soumettre leurs recommandations à la greffière avant la fin de la journée du mercredi 4 décembre, en ce qui concerne notre étude sur la CBC. N'oubliez pas que nous devons être en mesure de présenter cette étude à la Chambre avant le 17 décembre. Vous avez jusqu'à la fin de la journée du mercredi 4 décembre pour présenter vos recommandations concernant ce rapport.