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Je déclare la séance ouverte.
Bienvenue à la cinquième réunion du Comité permanent du patrimoine canadien de la Chambre des communes.
Conformément à la motion adoptée par le Comité le lundi 31 janvier 2022, le Comité se réunit aujourd'hui pour étudier les défis liés à la relance des secteurs des arts, de la culture, du patrimoine et du sport, qui ont été durement touchés par la pandémie de la COVID‑19.
La réunion d'aujourd'hui se déroulera dans un format hybride conformément à l'ordre de la Chambre du 25 novembre 2021.
Certains membres du Comité participent à la réunion en personne et d'autres utilisent Zoom. Les délibérations du Comité seront disponibles sur le site Web de la Chambre des communes.
Dans le contexte pandémique et en vertu des recommandations des autorités de santé publique et du directeur du Bureau de régie interne émises le mardi 19 octobre 2021 pour assurer notre santé et notre sécurité, sachez que tous ceux participant à la réunion en personne doivent maintenir une distance physique de deux mètres avec les autres et porter le masque lorsqu'ils se déplacent dans la salle. Il vous est fortement recommandé de porter le masque en tout temps, et même lorsque vous parlez, j'aimerais ajouter. Il vous faut aussi utiliser le gel antiseptique pour les mains mis à votre disposition dans la salle.
À titre de présidente, je ferai appliquer ces mesures tout au long de la réunion et je vous remercie tous de votre coopération.
Je voudrais énoncer quelques règles à suivre pour ceux qui participent à la réunion de façon virtuelle. Vous pouvez vous exprimer dans la langue officielle de votre choix. Les services d'interprétation vous sont offerts pour cette réunion. Au bas de votre écran, vous pouvez choisir l'option parquet, anglais ou français. Si vous n'entendez pas l'interprétation, je vous prierais de me le faire savoir dès que possible afin que l'on puisse remédier à la situation. Lorsque vous parlez, veuillez tenter de ne pas faire comme moi, c'est‑à‑dire de parler très rapidement. Veuillez parler lentement et clairement. Si vous n'avez pas la parole, votre micro doit être en sourdine.
Je vous rappelle que toutes les interventions des membres du Comité doivent se faire par l'entremise de la présidence.
Sachez que la portion publique de la réunion prendra fin 15 minutes plus tôt que prévu, car nous avons réservé un moment pour les travaux du Comité. Je demanderai à tous les témoins qui participent virtuellement à la réunion — je crois que c'est le cas de tous les témoins — de se déconnecter rapidement lorsque la greffière vous le demandera afin que nous puissions passer aux travaux du Comité.
Je vous remercie et, sur ce, nous allons commencer la réunion.
J'aimerais tous vous remercier d'avoir pris le temps d'être parmi nous aujourd'hui. Comme vous le savez bien, vos apports nous sont très importants. Il est très important que nous sachions ce qui a fonctionné selon vous, tout comme ce qui n'a pas fonctionné, quels sont vos besoins et aussi que vous nous parliez de la façon dont nous devrions agir à l'avenir pour créer des communautés des arts, de la culture et des sports résilientes.
Je vais y aller dans l'ordre. Tout d'abord, à titre personnel, nous recevons Michael Rubinoff, producteur de la Ligue canadienne du théâtre commercial.
Les témoins d'une même organisation peuvent décider de partager leur temps de parole entre eux ou d'avoir un seul représentant pour les remarques liminaires — libre à vous. Vous disposez de cinq minutes pour vos remarques liminaires. Je vous ferai signe lorsqu'il vous restera une minute pour que vous puissiez conclure, puis vous pourrez aborder certains enjeux que vous n'aurez pas pu aborder dans vos remarques lors de la période de questions, qui fera suite aux témoignages.
Nous allons commencer avec M. Rubinoff. Vous disposez de cinq minutes.
Allez‑y, monsieur Rubinoff.
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Je vous remercie de m'avoir invité à comparaître au Comité. Je remercie également la greffière et son équipe pour les conseils et le soutien offerts.
Je suis un producteur de théâtre commercial faisant affaire à Toronto et je suis ici à titre de représentant de la Ligue canadienne du théâtre commercial, qui est une organisation relativement nouvelle.
L'industrie du théâtre commercial au Canada est composée de producteurs indépendants, d'associations de production, de présentateurs et d'investisseurs qui génèrent et soutiennent la création d'œuvres nouvelles et existantes et, ce faisant, emploient des milliers d'artistes, de membres d'équipe, de placiers et de personnel administratif et fournissent des emplois indirects aux hôtels, aux restaurants et aux commerces de détail locaux.
En outre, nous soutenons le secteur des organismes à but non lucratif en contribuant financièrement à des productions dans ces théâtres et en produisant commercialement des œuvres entamées dans les théâtres à but non lucratif.
Des fonds privés sont levés pour aider avec les coûts d'immobilisation des théâtres commerciaux et cet argent est injecté dans l'économie. Nos seules sources de revenus pour couvrir nos coûts d'exploitation hebdomadaires sont les ventes au box-office, alors la COVID‑19 a eu un effet dévastateur sur notre industrie.
Il m'est venu à l'idée de créer une comédie musicale sur l'incroyable élan d'humanité, de gentillesse et d'esprit communautaire dont ont fait preuve les résidants de Gander, à Terre-Neuve et Labrador lors du 11 septembre et au cours des jours qui ont suivi. Je suis le producteur original de Come From Away, qui est la comédie musicale canadienne qui a obtenu le plus de succès de l'histoire.
Quand la COVID‑19 s'est emparée du monde, cinq productions du spectacle ont été arrêtées aux États-Unis, au Royaume-Uni, en Australie et à Toronto.
Au pays, notre secteur s'est inquiété du fait que les producteurs et les présentateurs de théâtre commercial n'étaient pas admissibles à une aide d'urgence dans le cadre des programmes d'aide de Patrimoine canadien. Forts d'un précédent international, nous avons eu de multiples réunions avec des députés, des ministres, des membres du personnel et des fonctionnaires pour leur faire part de notre besoin de recevoir de l'aide d'urgence, des allègements fiscaux ou de bénéficier d'un programme d'assurance soutenu par le gouvernement en raison d'une perte du chiffre d'affaires liée à l'arrêt des activités à cause de la pandémie.
Nous avions besoin d'aide en ces temps exceptionnels, comme tous les organismes dans le milieu artistique et culturel.
Les Américains ont adopté la loi Save Our Stages, qui a créé la subvention pour les exploitants de salles fermées. Les productions de Come From Away de Broadway et d'Amérique du Nord ont chacune reçu 10 millions de dollars américains pour soutenir la réouverture et aider avec les dépenses liées à la pandémie. La production australienne a, elle, reçu plus de 1,6 million de dollars australiens de l'investissement en relance pour soutenir et développer un fonds.
La production de Londres de Come From Away a, quant à elle, bénéficié de mesures d'allègement fiscal mises en place par le gouvernement britannique, y compris une réduction temporaire de la taxe sur la valeur ajoutée. Les producteurs et les présentateurs de théâtre commercial ont aussi été admissibles à de l'aide dans le cadre du fonds de relance culturelle du Royaume-Uni.
Malgré un manque de soutien gouvernemental au pays, Mirvish Productions était déterminée à relancer la production de Come from Away à Toronto et l'a fait avec un risque accru et 1,5 million de dollars en fonds privés engagés. La reprise a coïncidé avec l'arrivée du variant Omicron. Deux jours après la reprise des activités, le gouvernement de l'Ontario a limité la capacité des théâtres à 50 % de la clientèle, décourageant encore plus les consommateurs à aller au théâtre.
Après avoir interrompu la production pour cause de maladie des acteurs, et en l'absence d'aide d'urgence de Patrimoine canadien, il a fallu prendre la décision très difficile de mettre définitivement fin à la comédie musicale canadienne la plus couronnée de succès le 27 décembre 2021.
Qu'a‑t‑on perdu? Des emplois bien rémunérés sur scène et hors scène, des millions de dollars en recettes de la TVH et des centaines de millions de dollars en retombées économiques pour l'économie de la ville de Toronto.
Après coup, le et son personnel ont été réceptifs et ont participé à un certain nombre de discussions sérieuses qui se poursuivent sur le soutien offert au secteur du théâtre commercial au Canada, et nous leur en sommes reconnaissants.
Come From Away continue à se produire à Broadway, dans le West End de Londres, en Amérique du Nord et vient de conclure sa production à Sidney, mais se produira dans d'autres villes australiennes plus tard cette année.
Come From Away n'est qu'un exemple d'un certain nombre de spectacles au Canada auxquels des producteurs et présentateurs commerciaux ont mis fin, de façon temporaire ou permanente, ou qui ont été reportés, et ce à grands frais.
Il nous faut une reconnaissance des retombées économiques de notre travail, tout comme il nous faut des programmes semblables à ceux qui ont aidé l'industrie cinématographique et télévisuelle à but lucratif à devenir l'une des plus prospères dans le monde. Nous devons opérer au maximum de notre capacité, faute de quoi nous risquons de perdre encore plus la confiance des consommateurs.
Afin d'assurer une reprise durable de notre secteur et une réussite maintenant et à l'avenir, nous avons besoin d'un accès immédiat au financement d'urgence prévu pour la COVID‑19, d'un programme d'assurance soutenu par le gouvernement, de programmes de crédit d'impôt d'une portée similaire à ce qui a été offert aux productions cinématographiques et télévisuelles canadiennes à but lucratif, d'un soutien pour encourager les voix diverses dans le secteur canadien du théâtre commercial et de la mise en œuvre des recommandations émises par la Creative Industries Coalition afin que les personnes qualifiées qui font du théâtre bénéficient d'une sécurité financière et d'un soutien au mieux-être pour continuer à travailler dans notre industrie.
Je demeure reconnaissant du soutien que le gouvernement du Canada a offert à la communauté artistique et culturelle et j'espère que nos recommandations pour notre secteur obtiendront votre soutien et qu'elles seront mises en œuvre afin que nous puissions recevoir l'aide dont nous avons besoin pour nos contributions au pays et à la communauté.
Merci beaucoup.
Bonjour, madame la présidente et membres du Comité. Je suis heureuse d'être des vôtres aujourd'hui.
Je suis la présidente-directrice générale d'Affaires/Arts, un organisme caritatif qui existe depuis plus de 40 ans dont le mandat national est de créer des partenariats avec des leaders du secteur des arts, le gouvernement et la communauté du monde des affaires pour veiller à ce que le secteur artistique et culturel prospère.
Tout au long de la pandémie, des milliers d'organisations artistiques à but non lucratif, allant des grandes institutions culturelles aux petits groupes artistiques communautaires, ont fait appel à Affaires/Arts pour que nous les aidions à naviguer les vagues de fermetures, de restrictions et le tournant numérique, et maintenant pour planifier une réouverture sécuritaire et pour tracer la voie pour la reprise des activités.
Notre organisme, de concert avec le Centre national des Arts a mené un projet de recherche au cours de la pandémie qui est une étude de suivi sur la fréquentation des événements artistiques connue sous l'acronyme ARTS, dont je vais vous parler aujourd'hui.
Depuis le printemps 2020, l'étude est menée de façon trimestrielle par Nanos Research afin d'évaluer le niveau de confort des amateurs de culture canadiens quant au retour des événements artistiques et culturels intérieurs et extérieurs, ainsi que des musées et des galeries. Les données offrent des indications précieuses pour éclairer les procédures de réouverture et les modèles de programmation.
Le dernier sondage remonte au mois de décembre 2021 et nous avons publié le rapport s'y rattachant le 19 janvier. Nous sommes heureux d'y voir une augmentation constante du retour des clients aux événements en personne, passant de seulement 6 % en mai 2021 à 27 % en décembre dernier pour les événements intérieurs et à 35 % pour les événements extérieurs. De plus, 21 % des répondants ont dit qu'ils prévoyaient retourner aux événements intérieurs dès que les organismes culturels pourront rouvrir leurs portes.
Cela dit, un bon nombre d'amateurs de culture hésite encore à revenir; 20 % ont dit avoir l'intention d'attendre plusieurs mois avant de revenir. Plus troublants encore sont les 24 % qui sont si hésitants qu'ils ne savent tout simplement pas quand ils reviendront et les 9 % qui prévoient ne jamais revenir à des événements artistiques et culturels intérieurs. Les données sont similaires pour les musées et les galeries; 34 % des répondants sont déjà revenus, 21 % prévoient revenir immédiatement après la réouverture et 15 % prévoient d'attendre plusieurs mois avant de revenir. On constate cependant que 24 % ne sont pas certains et que 6 % prévoient ne jamais revenir.
Il n'est pas surprenant de constater des différences dans les données lorsque l'on examine les données démographiques. Les 18 à 34 ans sont plus nombreux à dire qu'ils reviendront immédiatement, contre seulement 16 % des 55 ans et plus. Avec des risques plus élevés liés à la COVID dans le groupe de population plus âgée, 13 % disent avoir l'intention de ne jamais revenir.
Les types de spectacles qui attirent un public plus jeune — comme les concerts de musique populaire — vendront probablement plus de billets que ceux qui s'adressent à un public plus âgé, qui auront possiblement du mal pendant plus longtemps à retrouver leur public.
La peur est le principal obstacle au retour; 31 % des répondants ont cité la peur d'être exposé au virus comme première préoccupation, et les foules ou d'autres personnes ne respectant pas les mesures sanitaires comme deuxième préoccupation. La distanciation sociale et le port du masque continuent de faire partie des précautions principales. Les amateurs de culture disent vouloir se sentir en sécurité pour retourner aux événements intérieurs. Les salles et installations artistiques et culturelles font un travail exceptionnel pour respecter toutes les procédures de sécurité, et nombre d'entre elles en font même plus que ce que les consignes obligatoires prescrivent. Malheureusement, la peur est un puissant facteur de dissuasion qui ne s'apaise pas facilement.
Pendant deux ans, la population s'est fait dire d'éviter les grands rassemblements et les fermetures consécutives ont mené à la fermeture des théâtres, des salles de spectacles, des galeries d'art et des musées. Il va donc falloir beaucoup de temps et d'effort pour changer la perception de la population sur la sécurité de ces endroits.
Avec ces données, quelles sont les mesures à prendre pour assurer la viabilité du secteur lors de la phase de réouverture et de relance?
Premièrement, les données de l'étude ARTS démontrent qu'il faut s'attendre à ce que le public revienne de façon très lente et graduelle. Il est raisonnable de penser à un échéancier de relance s'échelonnant sur trois à cinq ans. Malheureusement, la plupart des organisations artistiques ne peuvent atteindre le seuil de rentabilité avec seulement un tiers du public qui a l'intention de revenir immédiatement. Le secteur a besoin d'un soutien pour compenser les risques financiers liés au retour sur scène ou à la présentation d’œuvres d'art dans les galeries, alors que nous savons que les recettes provenant de la vente de billets seront nettement moindres dans un avenir prévisible.
Deuxièmement, le secteur a besoin d'un soutien pour retrouver la confiance des consommateurs. Nous avons besoin de fonds dédiés à une campagne de marketing et de relations publiques menée par le secteur pour changer la perception de la population quant à la sécurité de nos salles et de nos installations et renforcer les nombreux avantages de l'art et de la culture pour la santé physique et mentale, tout comme pour le bien-être, l'inclusion et le sentiment d'appartenance à la communauté.
Enfin, dans la mesure du possible, le secteur a besoin d'un semblant de prévisibilité. Je sais que personne, y compris le gouvernement, n'a de boule de cristal pour prédire de futures vagues et les besoins éventuels de fermeture, mais nous ne pouvons pas continuer à voguer d'un programme de financement d'urgence à court terme à un autre pour combler les lacunes. Nous avons plutôt besoin d'un cadre stratégique complet et des programmes de soutien correspondants tout au long de cet échéancier de relance de trois à cinq ans et sur lesquels on pourra compter, qu'il y ait ou non de nouvelles vagues de COVID‑19 ou d'autres types de...
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Je vous remercie beaucoup de m'avoir invitée.
Je m'appelle Erin Benjamin, et je suis la présidente-directrice générale de l'Association canadienne de musique sur scène.
Nous comptons parmi nos membres des entrepreneurs et des organismes à but lucratif et non lucratif qui, ensemble, créent les conditions nécessaires pour permettre à un artiste de monter sur scène devant un public. À cela s'ajoutent des salles de spectacles, des festivals et des promoteurs, des agents d'artistes, des fournisseurs de services et bien d'autres personnes dont le travail appuie et touche directement les spectacles de musique sur scène.
J'aimerais profiter du temps qui m'est imparti aujourd'hui pour mettre l'accent sur un aspect que nous considérons comme essentiel au succès à long terme de l'industrie de la musique. Il s'agit d'une simple modification qui nous aidera à nous remettre de la COVID, entre autres, et dont la mise en œuvre aura pour effet d'augmenter considérablement les retombées pour le gouvernement et les artistes.
Les artistes canadiens se produisent sur toutes sortes de scènes. Toutefois, sans l'accès à ce que nous appelons des salles et des festivals à but lucratif, la plupart des artistes auraient beaucoup moins d'endroits où jouer. Pourtant, ces entreprises et ces autres entrepreneurs du secteur de la musique sur scène ne sont pas actuellement admissibles aux programmes de Patrimoine canadien, comme le sont nos membres à but non lucratif. Autrement dit, le financement exclut catégoriquement les lieux essentiels pour les artistes canadiens, ce qui, aujourd'hui surtout, semble une lacune évidente.
Par coïncidence, il y a un an aujourd'hui, nous avons lancé une campagne sur les médias sociaux, chapeautée par le cri de ralliement #PourL'AmourDeLaScène, afin de mettre en exergue les effets dévastateurs de la COVID sur nos entrepreneurs, nos artistes et notre chaîne d'approvisionnement, ainsi que sur la réputation du Canada comme marché concurrentiel de calibre mondial pour la musique sur scène. Cette campagne, qui a permis d'atteindre jusqu'ici plus de 65 millions de personnes, s'adressait directement aux Canadiens ordinaires, qui ont été invités à faire partager des récits et des photos pour montrer comment et pourquoi la musique sur scène comptait pour eux. Le gouvernement a entendu cet appel à l'aide unanime, a reconnu la nature indispensable des entreprises de musique sur scène et a accordé un financement temporaire sans précédent de 50 millions de dollars, qui figure dans le budget fédéral de l'année dernière. Nous vous en remercions. Ce soutien financier nous a aidés de deux façons cruciales: il a permis de maintenir en vie de nombreuses entreprises et il a fait comprendre à notre milieu que le gouvernement croit en l'importance des entreprises et des entrepreneurs du secteur de la musique sur scène. Je ne peux vous dire à quel point l'inclusion des mots « salles de concert » dans un budget fédéral était d'un grand secours.
Comme d'autres intervenants permanents dans le domaine général du patrimoine, nos membres entreprennent, eux aussi, des activités qui sont essentielles à l'épanouissement des artistes canadiens, à la promotion de leur musique et à leur rayonnement. Ils veillent à ce que les Canadiens aient accès à une foule d'expériences artistiques professionnelles et ils constituent d'importants moteurs de création d'emplois et de retombées économiques. En fait, étant l'une des industries les plus durement touchées, le secteur de la musique sur scène — qui rapportait auparavant plus de 3 milliards de dollars au PIB et qui créait 72 000 emplois — a hâte de faire découvrir toute la gamme de spectacles de musiciens et d'autres artistes, allant d'Allison Russell à Elton John, afin que nous puissions tous commencer à profiter des retombées économiques et sociales qui en découlent. Toutes les villes et tous les villages du Canada ont une certaine capacité en matière de musique sur scène et peuvent donc en bénéficier. Nous ramènerons les gens aux centres-villes; nous améliorerons le tourisme grâce aux joies de la musique sur scène, ce qui favorisera la reprise des voyages et des activités d'accueil, et nous permettrons à plus d'artistes canadiens que jamais de monter sur scène. Nous savons que le secteur de la musique sur scène pourra réaliser son plein potentiel grâce à la modernisation des programmes et des politiques. À cette fin, il faudra considérer les entrepreneurs du secteur comme des intervenants et miser sur leur contribution directe à la réussite des artistes.
La COVID a fait des gagnants et des perdants. Nous le savons. Le secteur de la musique sur scène de demain se construit aujourd'hui grâce à une détermination sans faille et à la reconnaissance du fait que les artistes ont besoin d'entreprises de musique sur scène non seulement pour survivre, mais aussi pour prospérer. Dans notre mémoire prébudgétaire, nous avons demandé au gouvernement de créer un fonds de soutien permanent de 50 millions de dollars expressément pour la musique canadienne sur scène, car s'il y a une chose que nous avons apprise par‑dessus tout, c'est que les spectacles sur scène sont d'une importance fondamentale pour permettre à un artiste de bâtir et de maintenir sa carrière. Malheureusement, aujourd'hui, nous n'avons pas besoin de regarder bien loin pour le constater.
Il faut modifier les programmes de Patrimoine canadien pour tenir compte de la façon dont l'industrie fonctionne afin que nous puissions revitaliser et rebâtir le cadre stratégique des tournées au pays. C'est, nous le savons, quelque chose dont nos artistes ont besoin et qu'ils méritent. Pour ce faire, il faut commencer par célébrer et appuyer tous les entrepreneurs, organismes et entreprises du secteur de la musique sur scène parce qu'ils jouent un rôle essentiel dans la vie culturelle, civique et économique de tous les Canadiens.
Je m'appelle Kendra Bator et je représente Mirvish Productions, le plus grand producteur de théâtre commercial au Canada.
En collaboration avec Michael Rubinoff et la Ligue canadienne du théâtre commercial, nous avons déposé un mémoire sur l'état du secteur canadien du théâtre commercial. Nos partenaires des secteurs du travail et du théâtre à but non lucratif vous ont parlé des pertes, des défis et des risques énormes, non seulement financiers, subis par l'industrie des arts de la scène depuis la fermeture des théâtres en mars 2020. Nous demandons des mesures de soutien à court et à long terme qui contribueront à la relance et à la pérennité du secteur du théâtre commercial, notamment l'accès à un financement d'urgence; des régimes d'assurance garantis par le gouvernement pour remplacer la couverture des pertes d'exploitation que nous ne pouvons plus obtenir pour les pertes liées à la pandémie; l'élaboration de programmes de crédit d'impôt pour encourager la création et la production de pièces de théâtre à l'intérieur de nos frontières; un soutien pour encourager la diversité des voix dans notre secteur; et la mise en œuvre des recommandations proposées par la Creative Industries Coalition afin que les travailleurs qualifiés du théâtre bénéficient d'une sécurité financière.
Nous sommes reconnaissants d'avoir l'occasion de participer à des programmes offerts à tous les propriétaires d'entreprises et employeurs canadiens. Grâce à la Subvention salariale d’urgence du Canada, à la Subvention d’urgence du Canada pour le loyer et aux prêts consentis dans le cadre du Programme de crédit pour les secteurs durement touchés, nous avons pu garder nos bureaux ouverts. Cependant, ces mesures de soutien n'aident pas à la réouverture de nos salles.
Malgré nos conversations avec tous les ordres de gouvernement, qui reconnaissent que notre secteur apporte des contributions importantes et que nous avons été laissés pour compte dans la distribution de l'aide, ces affirmations n'ont pas été validées par une aide financière concrète. Vous pouvez imaginer notre frustration et notre désenchantement lorsque, dans une de ces conversations, nous avons demandé pourquoi nos collègues du secteur à but non lucratif bénéficiaient de subventions d'urgence du gouvernement fédéral, alors que le secteur du théâtre commercial n'en a reçu aucune pour les mêmes activités. On nous a alors répondu que le théâtre commercial, semble‑t‑il, ne produit pas d'histoires canadiennes ou ne contribue pas à la culture canadienne.
Je suis ici aujourd'hui pour vous raconter une histoire canadienne. Mirvish Productions possède et exploite quatre théâtres à Toronto, au Canada. Elle produit et présente des œuvres de renommée internationale, parfois écrites par des dramaturges, des compositeurs et des paroliers canadiens, parfois interprétées par des acteurs et des musiciens canadiens, et toujours appréciées par le public canadien, en plus d'employer des praticiens canadiens du théâtre et de stimuler le tourisme canadien.
Au cours des 35 dernières années, Mirvish Productions a employé des milliers d'acteurs, de machinistes, de praticiens, d'administrateurs, de placiers et d'employés de billetterie canadiens; elle a investi des millions de dollars dans des pièces et des comédies musicales canadiennes; de plus, elle a offert des programmes pédagogiques à des dizaines de milliers d'étudiants sous forme d'ateliers, de guides d'étude, de discussions après les représentations et de tournées.
Lorsque Mirvish Productions exploite ses quatre théâtres, elle accueille plus de 50 000 spectateurs par semaine. La vente de billets pour nos productions théâtrales a généré des dizaines de millions de dollars en recettes fiscales et des milliards de dollars en activité économique dans les restaurants, hôtels, commerces de détail et autres établissements sportifs et culturels avoisinants.
Nous accomplissons tout cela avec des fonds privés et les recettes provenant de la vente de billets. Il n'y a pas de revenu d'apport dans l'exploitation d'un théâtre commercial. S'il n'y a pas de ventes au guichet, il n'y a pas de revenu.
Lorsque Mirvish Productions a fermé ses salles, pour la première fois de son histoire comme propriétaire et exploitant de théâtres, en mars 2020, les revenus de la société ont été anéantis. Ce n'est qu'après la fermeture de Come From Away en 2021, suivie d'une brève réouverture, que les fonds d'aide nous ont été versés. Depuis, nous avons eu de nombreuses conversations et, pour la première fois, nous avons le sentiment d'être entendus et valorisés.
Parlons maintenant de la prochaine production de Harry Potter et l'Enfant maudit, la seule production canadienne de cette pièce de théâtre mondialement acclamée. Il faudra 28 millions de dollars pour la monter et 850 000 $ de plus par semaine pour la jouer. Ce n'est pas une œuvre canadienne, mais c'est une production canadienne. Chaque semaine, la production emploiera 35 acteurs, 39 machinistes, 7 régisseurs, 35 employés de salle et 10 employés chargés du marketing, de la publicité et de la production — tous des Canadiens. Elle attirera chaque semaine plus de 12 000 spectateurs, dont 95 % seront des Canadiens et dont plus de 50 % dépenseront ensuite de l'argent dans des restaurants, des hôtels et des commerces de détail canadiens. Cette production ainsi que les emplois, le tourisme, les dépenses et les recettes fiscales canadiennes qui s'y rattachent sont mis en péril par les risques accrus auxquels nous sommes maintenant exposés.
Nous vous implorons de mettre en œuvre les recommandations formulées dans notre mémoire et de vous joindre à nous comme partenaires dans la création d'une histoire canadienne sur le retour en force du secteur canadien du théâtre commercial.
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Merci, madame la présidente, et merci au Comité d'avoir entrepris cette étude nécessaire.
Je m'appelle Boomer, et je suis le directeur exécutif de la Professional Association of Canadian Theatres.
En tant que porte-parole des théâtres professionnels du Canada, notre association représente plus de 160 compagnies théâtrales professionnelles de tout le pays et répond aux besoins du milieu théâtral anglophone. Il s'agit d'un secteur diversifié, allant des plus grands organismes des arts de la scène du pays aux petites troupes de théâtre indépendantes dans les régions tant urbaines que rurales. Notre secteur englobe également des festivals, des théâtres pour jeune public, ainsi que des artistes de cultures diverses et autochtones, qui desservent leurs auditoires dans les collectivités d'un océan à l'autre.
Nous sommes reconnaissants de chaque dollar qui a été débloqué pour aider notre secteur à survivre et de la rapidité avec laquelle le gouvernement a réagi. Nous ne serions plus là sans le soutien que nous avons reçu. Nous vous demandons de continuer à investir pour notre survie alors que nous entamons la relance.
Je sais que vous avez entendu dire à plusieurs reprises que notre secteur a été le premier à cesser ses activités et que nous nous attendons à être parmi les derniers à nous relever. Comme vous le savez, nous avons dû composer avec la fermeture prolongée et sans précédent de théâtres et l'annulation de productions, dont, bien sûr, Come From Away, ce qui a entraîné des mises à pied massives, du sous-emploi, du chômage et une perte de travailleurs spécialisés. Nous sommes conscients de l'effet d'entraînement sur les restaurants, le stationnement, les hôtels, etc., sans compter la perte massive de revenus régionaux à cause des fermetures dans notre secteur.
Nous avons subi, vous le savez, plusieurs cycles de confinement, limites de capacité et tentatives de réouverture. Vous savez peut-être que nous avons observé une hésitation du public à retourner dans les lieux de présentation et un manque de confiance dans l'achat de billets. Vous savez peut-être aussi que nous faisons face à un grave épuisement professionnel, à force d'essayer de survivre, et à une crise de la santé mentale qui prend de l'ampleur dans notre secteur. Vous comprenez donc peut-être un peu notre position actuelle.
J'aimerais expliquer un peu plus en détail certains de nos défis pour vous donner une meilleure idée de la voie à suivre afin que nous ne soyons plus en mode de survie.
Nous ne sommes pas une industrie où il suffit d'actionner un interrupteur. Il faut parfois des mois, voire des années, pour passer de la conception artistique à la représentation sur scène devant un public. Même lorsqu'il y a une liste prédéterminée de productions en attente, il faut au moins un mois pour conclure des contrats, embaucher des gens et organiser des répétitions jusqu'à la première représentation, sans parler des heures supplémentaires consacrées au marketing et à la billetterie. Les confinements, les restrictions locales et les limites de capacité sont autant de facteurs qui retardent le lancement d'une production. Ce n'est pas comme si nous vendions des produits prêts à consommer.
Il n'y a pas de solution unique. La force de notre secteur réside en partie dans sa diversité, mais encore faut‑il que les solutions et les mesures de soutien soient tout aussi diversifiées et souples, quitte à parfois les adapter aux besoins particuliers d'un sous-secteur.
Pour que l'aide fédérale soit distribuée rapidement, la plupart des fonds sont versés par l'entremise du ministère du Patrimoine canadien et du Conseil des arts du Canada. Dans le cas des compagnies qui ne bénéficient pas actuellement d'un financement du Conseil ou du ministère, il a été difficile, voire impossible, d'obtenir des fonds. Bon nombre de ces compagnies représentent des artistes et des troupes qui sont traditionnellement sous-financés et marginalisés. Il faut donc débloquer plus de fonds pour élargir l'accès au financement.
Par ailleurs, plus de 50 compagnies partout au pays créent des œuvres qui s'adressent exclusivement aux jeunes auditoires. À l'heure actuelle, il leur est impossible de faire des tournées dans les écoles ou d'accueillir les écoles dans leurs salles. Ces compagnies sont déjà aux prises avec un modèle financier difficile et une diminution des revenus provenant de la vente de billets. Elles doivent maintenant faire face à une pression encore plus grande et à l'incapacité de ne pas se produire devant leurs auditoires.
De même, il existe un nombre important de festivals ou de théâtres d'été à l'échelle nationale. En raison du caractère saisonnier de leurs activités, il leur est souvent impossible de satisfaire aux paramètres de financement.
Enfin, il n'y a pas de retour à la normale. La seule certitude, c'est l'incertitude constante. La diffusion en direct et les applications numériques font désormais partie de nos habitudes, mais elles ne peuvent pas remplacer la soif de spectacles en direct et en personne. Les gens n'ont jamais été aussi méfiants à l'idée d'acheter des billets à l'avance, ce qui rend les abonnements traditionnels et la prévente de billets moins fiables. Les ventes de dernière minute ou les ventes au guichet ont une incidence sur les flux de trésorerie et les prévisions des compagnies, en plus de créer des difficultés opérationnelles.
Dans le même ordre d'idées, nous assistons à une redéfinition des saisons. Les spectacles du temps des Fêtes, entre novembre et janvier, période traditionnellement riche en ventes, sont reconsidérés en fonction du point culminant des vagues du virus et des annulations subséquentes qui ont eu lieu au cours des deux dernières années.
La programmation d'une saison complète, de septembre à juin, est également risquée, si bien que l'on envisage plutôt des périodes de programmation plus courtes. Cela a des répercussions sur les tournées. Il y a moins d'occasions de prévente et plus de problèmes de marketing. En outre, il est difficile d'attirer une main-d'œuvre avec des contrats à court terme.
Voilà donc un très bref survol de quelques-uns des défis que nous devons relever à l'heure actuelle, et même si nous envisageons une reprise, nous sommes toujours en mode de survie.
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Je vous remercie, madame la présidente.
Je m'appelle Sophie Prégent et je suis présidente de l'Union des Artistes, ou UDA, depuis 2013. L'Union des Artistes représente 13 000 artistes, soit des danseurs, des chanteurs lyriques, des chanteurs populaires, des acteurs, des humoristes, pour n'en nommer que quelques-uns. Nous représentons des artistes professionnels qui travaillent en français au Québec et dans le reste du Canada, de même que tous les artistes travaillant dans une autre langue que l'anglais.
Je vous remercie de prêter attention à la situation des artistes.
J'aborderai d'abord la réalité actuelle des artistes que nous représentons. La situation a été largement couverte dans nos médias, mais voici quelques chiffres éloquents.
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Je parlais donc de la réalité des artistes que représente l'Union des Artistes. Si l'on compare l'année 2021 avec l'année 2019, soit avant la pandémie, on constate que les revenus des artistes de scène ont diminué de 46 % — je répète, 46 %. Les artistes de la scène gagnent de 16 000 $ à 25 000 $ par année. Je vous laisse donc imaginer ce qu'une diminution de 46 % des revenus peut représenter.
En janvier 2021, nous avons effectué une étude sur la santé psychologique de nos membres afin d'avoir l'heure juste, et 61 % des répondants affirmaient avoir perdu tout intérêt envers leur pratique artistique. Quand nous ne pratiquons pas notre art et que le téléphone ne sonne pas, malheureusement, c'est très difficile de garder nos convictions personnelles.
De plus, 35 % des répondants ont cherché de l'aide, car ils se trouvaient en situation de détresse psychologique. Il est triste de constater que 15 % d'entre eux ont eu des pensées suicidaires pendant cette période et que 47 % des répondants, soit presque la moitié, ont songé ou songent encore à quitter leur carrière en tant qu'artistes à long terme. Les répercussions sur la santé psychologique sont majeures, et, malheureusement, elles sont parfois irréversibles.
Ce qui nous effraie encore plus à l'Union des Artistes, c'est que le pire reste probablement à venir. Les artistes ont eu droit à la Prestation canadienne d'urgence, ou PCU, à la Prestation canadienne de la relance économique, ou PCRE et à la Prestation canadienne pour les travailleurs en cas de confinement, ou PCTCC, mais nous savons que, à la fin février, toutes ces subventions prendront fin. Qu'arrivera-t-il à ces artistes qui ont encore besoin d'aide?
Selon nous, les pires effets commencent à peine à se faire sentir. Par exemple, à l'Union des Artistes, nous voyons que des gens sont en train de retirer des fonds de leur REER, non pas pour mettre de l'argent en banque, mais simplement pour payer le loyer et la nourriture pour leurs familles.
Cela nous amène donc à parler de mesures pour créer une relance.
Premièrement, pour assurer la transition vers la relance, nous sommes d'avis qu'il faudra faire une énorme campagne de séduction pour ramener les publics à la rencontre de leurs artistes, de la poésie, de la danse, de l'opéra, du théâtre et de la musique. Les Canadiens ont appris à se divertir différemment depuis deux ans. Les bonnes habitudes se perdent malheureusement trop rapidement. Pourtant, avant la pandémie, le secteur culturel battait des records en matière d'assistance et d'achalandage.
La vraie reprise se fera non seulement par le truchement d'aides directes et transitoires destinées aux artistes, mais aussi par les institutions culturelles et par les organismes de diffusion et de production pour soutenir les ouvrages artistiques de nos membres. Collectivement, nous devrons nous réapproprier notre culture.
Deuxièmement, une relance solide et durable des arts et de la culture passe inéluctablement par la reconnaissance du travail des artistes. Quand je parle de reconnaissance, je parle de la création d'une forme d'assurance-emploi accessible aux travailleurs autonomes et adaptée à leur situation. Il est indispensable de créer un régime de protection sociale pour les artistes et s'assurer que les travailleurs atypiques et contractuels peuvent avoir droit à un filet social adéquat...
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Merci, madame la présidente, et merci aussi à nos témoins.
Encore une fois, les témoignages ont été très instructifs. Je me réjouis de la discussion que nous allons avoir aujourd'hui.
Je voudrais commencer par M. Rubinoff et Mme Bator.
Je pense que nous mesurons tous à quel point il est cruellement ironique que la comédie musicale canadienne la plus populaire de l'histoire fasse l'objet de quatre productions internationales, mais qu'elle ne soit présentée nulle part au Canada. Je pense que nous reconnaissons la cruelle et malheureuse réalité de cette si merveilleuse production. Je me souviens avoir promis à ma magnifique épouse, après les élections de 2019, de l'emmener voir Come from Away. Je vais peut-être devoir trouver un autre endroit. Espérons que nous pourrons la voir une fois de plus à Toronto dans un avenir assez proche.
Je voulais commencer par les dépenses en capital. Nous parlons de théâtre commercial et des fonds à réunir pour couvrir les dépenses en capital pour lancer la production avant même qu'un seul acteur ne monte sur scène — les coûts initiaux. Je voudrais savoir ce que vous pensez de l'hésitation, la stigmatisation et l'incertitude qui affectent dorénavant la capacité de réunir les fonds privés nécessaires à la réalisation des productions.
Quelles sont les réactions que vous voyez? À quel défi faites-vous face à cause de l'incertitude liée à la collecte de capitaux?
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Merci, madame la présidente.
Je remercie tous les témoins de leur présence aujourd'hui, de leur participation à cette importante discussion et des déclarations percutantes qu'ils ont déjà faites.
Nous savons que le secteur des arts sera l'un des derniers à se rétablir, et la cruauté de la chose est que, par leur nature, les artistes sont ceux qui rassemblent les gens. Ce secteur accomplit cela, et une pandémie l'en empêche encore.
J'aimerais interroger pour commencer l'Association canadienne de musique sur scène. Tout le monde considère que la musique sur scène, ce sont les musiciens eux-mêmes, mais ce sont aussi les salles de spectacles, les festivals, les clubs, les centres des arts de la scène, les promoteurs et les agences.
Au début, il y a eu la PCU — la Prestation canadienne d'urgence — et la subvention salariale. Nous avons eu le CUEC — le Compte d’urgence pour les entreprises canadiennes — pour les prêts sans intérêt, puis le Fonds d'aide et de relance régionale, pour le financement également, et nous voulons nous assurer de pouvoir poursuivre ce financement. Récemment, nous avons annoncé le Fonds pour la résilience des travailleurs du secteur des spectacles sur scène du Canada, qui aidera les organisations à soutenir en particulier les travailleurs indépendants et autonomes du secteur lui-même. Pouvez-vous expliquer comment vous pouvez acheminer ces fonds sur le terrain en tant qu'organisation pour les travailleurs du secteur des arts et les faire parvenir aux travailleurs indépendants et aux travailleurs à la demande dans le secteur du spectacle sur scène?
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Je vous remercie de votre réponse.
Je vais essayer de poser mes questions à différentes personnes, et je vais maintenant m'adresser à Mme Reeves.
Cette enquête ARTS est très intéressante — l'étude de suivi sur la fréquentation d’événements artistiques. Des témoins ont antérieurement parlé des obstacles à la participation, lors du retour dans les théâtres, et de la confiance que les gens doivent avoir. À l'heure actuelle, comme l'indique l'enquête, la sécurité, qui consiste à ne pas être exposé au virus, est le principal obstacle, de même que les précautions à prendre pour que les gens se sentent en sécurité.
Pouvez-vous donner quelques exemples de la manière dont nous pouvons contribuer au message et au financement? Lorsque le moment du retour en salle sera venu, que pouvons-nous faire pour aider?
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Nous constatons que les gens veulent continuer à porter le masque et à maintenir la distance. Ce sont des éléments essentiels pour que les gens se sentent à l'aise. Cependant, un fort pourcentage d'entre eux souhaite toujours que le nombre de cas de COVID diminue. C'est ce qui déterminera le moment où ils se sentiront à l'aise de revenir en salle.
Pour ce qui est de la diffusion de messages sur la sécurité des lieux, je pense qu'il faut tenir compte de quelques éléments. Premièrement, la communauté artistique connaît son propre public. Si des fonds doivent être consacrés aux efforts de marketing et de relations publiques, je pense que c'est l'industrie qui devrait établir la démarche, de sorte que ces fonds soient accordés en fonction des publics cibles.
Il existe également une campagne nationale annuelle de mobilisation et de sensibilisation du public à la valeur des arts et de la culture, appelée la Fête de la culture ou les Journées de la culture, qui pourrait aussi recevoir plus de ressources et de soutien pour une approche plus globale à l'échelle du Canada.
Le troisième point est que je pense qu'il est vraiment crucial de garder à l'esprit que la plupart des Canadiens font vraiment confiance à nos responsables de la santé publique. Entendre ces derniers parler de la sécurité des lieux artistiques et culturels ferait grande impression. De même, si les responsables de la santé publique mettaient l'accent sur l'importance de notre bien-être, de notre santé physique et mentale, cela aurait beaucoup de poids.
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Je vous remercie, madame la présidente.
Je voudrais d'abord souligner des propos qui ont été formulés tout à l'heure par Mme Bator à la suite d'une question de mon collègue M. Nater.
J'ai beaucoup aimé, madame Bator, que vous parliez des retombées économiques de la culture. C'est une chose dont on ne discute pas assez souvent et que l'on ne met pas assez souvent en valeur. La culture, ce n'est pas une dépense, c'est une richesse. J'ai beaucoup aimé que vous parliez des réelles retombées économiques d'un investissement dans le secteur culturel et de l'argent que rapporte le dollar dépensé par les consommateurs de culture.
Monsieur Nater, je vous remercie d'avoir posé cette question.
Je voudrais discuter un peu avec Mme Prégent, de l'UDA.
Madame Prégent, votre allocution d'ouverture m'a secoué. Évidemment, les chiffres que vous avez donnés sont assez saisissants. Vous avez notamment parlé de la baisse du revenu des artistes. Vous avez aussi parlé de l'état de détresse dans lequel se trouvent non seulement les membres de l'UDA, mais aussi tous les travailleurs de la culture partout au Québec et au Canada.
Vous avez dit que, selon les sondages que vous avez faits pendant la pandémie, 15 % des artistes avaient eu des pensées suicidaires. Je voudrais ajouter un chiffre pour illustrer encore mieux cette donnée. Sur les 13 000 membres que vous représentez à l'UDA, cela veut dire que près de 2 000 personnes auraient eu des pensées suicidaires. C'est un chiffre qui coupe le souffle. Je ne veux pas que nous tombions dans le sensationnalisme, mais c'est quand même très préoccupant.
Vous avez aussi parlé de la campagne de séduction à mener pour inciter les gens à consommer à nouveau les produits de la culture. Je trouvais qu'il y avait quelque chose d'encourageant à ce constat, parce que, la dernière fois que nous nous sommes parlé à ce comité, il était plutôt question de l'état de crise dans lequel nous étions et des mesures à établir afin de traverser cette crise. Même si ce n'est pas reluisant, je vois que nous sommes en train de penser à des façons de relancer notre industrie culturelle.
Est-ce que vous le voyez un peu de la même façon, vous aussi, ou est-ce que vous prévoyez un avenir très sombre?
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Les choses évoluent, heureusement pour nous. Depuis lundi dernier, au Québec, le déconfinement des salles de spectacle a commencé. Le 28 février prochain, dans le secteur des arts et de la culture, les salles seront exploitées comme avant la pandémie. Elles pourront être remplies au maximum de leur capacité, en conservant évidemment le port du masque et la présentation du passeport vaccinal. Tout de même, nous pourrons remplir nos salles. C'est sûr que nous voyons cela d'un très bon œil.
Toutefois, ce n'est pas parce que l'on pourra remplir une salle que cela va se produire. C'est pour cela que je parle de campagne de séduction. Cela fait deux ans que les gens sont habitués à dépenser autrement dans le domaine de la culture, en utilisant notamment les plateformes numériques. Il faudra que nous soyons extrêmement attrayants. Il faudra user de séduction pour ramener cet auditoire d'avant la pandémie.
C'est pour cela que nous allons avoir besoin de l'aide de l'État dans tous les secteurs: la danse, l'opéra, le chant lyrique, la poésie, et ainsi de suite. Pourquoi? Comme je l'ai dit, les saines habitudes d'aller à la rencontre de notre culture se perdent très rapidement au profit d'une culture qui se consomme facilement par le truchement du téléphone et de l'écran.
Il me semble primordial que l'on se réapproprie cette culture.
Je pense que nous allons tous renchérir sur ce qui a été dit, alors je vais essayer de mentionner de nouveaux éléments.
Un ralentissement massif du milieu canadien de la musique sur scène entraînerait une réduction de milliards de dollars en activité économique. On prévoyait que le marché du concert nord-américain récolterait au début de 2020 5 milliards de dollars en vente de billets seulement. C'est une industrie gargantuesque qui se chiffre à de multiples milliards de dollars. Tout cet argent s'évaporera. Nous perdrons les occasions de créer des liens avec les autres secteurs avec lesquels nous interagissons si bien: les secteurs de l'accueil, du voyage, du tourisme; le véhicule d'Uber, le dépanneur, le stationnement, le transport en commun dont nous avons besoin pour nous rendre à des concerts; et les restaurants où nous mangeons une fois sur place.
La marque canadienne est incommensurablement ternie. Nos pairs dans le reste du monde considèrent que le Canada a fermé boutique. Bon nombre de nos grandes tournées qui ont été reportées et pour lesquelles il n'y a pas de dates au calendrier ne reviendront pas en 2022. La perception qu'on a de nous est que nous avons fermé nos portes jusqu'en 2023. Nous devons encore surmonter ce revers, mais les pertes sont infinies.
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Merci, madame la présidente.
Ma question s'adresse à M. Rubinoff et Mme Bator.
Dans votre mémoire au Comité, vous affirmez que vous avez eu l'occasion, à l'été de 2021, de vous entretenir avec des représentants de Patrimoine canadien. Vous écrivez que, durant cette réunion, le personnel du ministère a expliqué que l'opinion dominante de Patrimoine canadien était que le théâtre commercial ne contribuait pas à la culture canadienne. Je trouve ce fait particulièrement intéressant et quelque peu troublant.
Pouvez-vous entrer dans les détails, surtout à la lumière de la production Come From Away et l'effet monstre qu'elle a eu dans d'autres pays?
Monsieur Rubinoff, vous voulez peut-être faire des commentaires.
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Je vous remercie beaucoup, madame la présidente. Je suis vraiment ravi de vous voir tous ici aujourd'hui, car je suis un passionné de théâtre.
Il faut parfois commencer par vanter sa circonscription. Lorsque j'étais maire de Côte Saint-Luc, en collaboration avec le maire actuel, Mitchell Brownstein, nous avons fondé la Côte Saint-Luc Dramatic Society, ou Troupe de théâtre Côte Saint-Luc, pour donner aux jeunes acteurs dans notre secteur — dont bon nombre sont ensuite allés au Sheridan College à Toronto — la chance de jouer et de travailler dans les coulisses, et aux gens de l'ouest de la ville, la chance de voir des pièces de théâtre en anglais à Montréal. Il se trouve que nous avons remporté les Montreal English Theatre Awards, les prix du théâtre anglais de Montréal, au cours de quatre des cinq dernières années, avant la pandémie, pour Cabaret, Joseph and the Amazing Technicolor Dreamcoat, Hairspray et The Producers. Nous avons monté ces pièces en collaboration avec le Centre Segal, qui se trouve aussi dans ma circonscription.
Lors de notre dernière étude sur le sujet, Lisa Rubin, la formidable directrice générale du Centre Segal, est venue témoigner. Elle a parlé de quelques-uns des programmes gouvernementaux qui ont apporté du soutien à l'industrie, comme la subvention salariale, la subvention pour le loyer, la PCU qui a aidé les artistes directement, et nous avons bien sûr maintenant le fonds pour la résilience de 60 millions de dollars. Il y a des programmes qui, de façon générale, ont aidé l'industrie.
Je veux donc parler de l'occasion que nous avons ici de reconnaître que si nous avons soutenu d'autres industries, nous n'avons pas soutenu celle du théâtre au Canada de façon à ce que Toronto puisse rivaliser avec New York, Chicago et Londres. Il y a aussi du théâtre anglais à Montréal, Vancouver, Halifax, Ottawa et dans d'autres grandes villes, et du théâtre français, pas seulement à Montréal, mais aussi à Ottawa, Moncton et dans d'autres régions du pays où se trouvent des auditoires importants.
Parlons tout d'abord des crédits d'impôt. Vous avez parlé de ceux offerts au Royaume-Uni. Le gouvernement fédéral pourrait‑il s'inspirer d'autres provinces au pays qui ont mis en place des crédits d'impôt ou d'autres incitatifs pour aider l'industrie du théâtre? Dans la négative, quel pays ou administration — que ce soit l'Australie, le Royaume-Uni ou un État aux États-Unis — pourrait nous servir d'exemple à cet égard?
La France, par exemple, a mis en place un régime propre aux intermittents du spectacle, comme on les appelle dans ce pays, et cela ouvre des possibilités. En France, tout le monde considère, par exemple, qu'un acteur ne peut pas être sur scène 340 ou 365 jours par année. Il y a des moments où les artistes travaillent, mais il y a forcément des moments où ils sont en train de suivre des formations d'appoint, de créer, d'écrire, et ainsi de suite.
Il y a donc des modèles, effectivement, dont nous pourrions nous inspirer ou que nous pourrions suivre. Je vous remercie de le souligner. Nous ne sommes pas fermés à cette idée. Bien sûr, il y a l'assurance-emploi, mais cela pourrait aussi être autre chose. Toutefois, il faut absolument penser à une mesure pérenne.
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Je pense que la prestation s'élevait à 300 $ pour chaque période d'une semaine, ce qui, de toute évidence, n'était pas suffisant. C'est mieux que de ne rien recevoir du tout. Entendez-moi bien: mon intention n'est pas de me plaindre. Toutes ces mesures d'aide ont largement profité aux artistes dans le besoin. Il est clair, toutefois, que celle-ci n'était pas suffisante. Il a fallu attendre pour savoir si nous étions officiellement en confinement, ce qui était en effet le cas au Québec. Il a donc fallu plus de temps pour que les artistes aient accès à cette aide. C'était une situation difficile.
Par contre, lorsque nous avons eu accès à ces prestations, elles nous ont été allouées de façon rétroactive, ce qui a été fort heureux. Nous avons pu obtenir de l'argent, mais cela a pris du temps. En effet, la mesure a été lancée à la dernière minute. Ajoutons à cela le fait qu'il a fallu quelques semaines pour avoir accès à l'argent. Bref, les choses ont été vraiment difficiles.
Chez les artistes, la cinquième vague a été celle de trop. C'est celle qui a été la plus épouvantable pour ce qui est de la réaction, de la détresse psychologique. Évidemment, il y avait déjà quatre autres vagues derrière nous.
Pour répondre à votre question, je dirai que cette mesure a été utile, qu'elle n'était pas parfaite et que sa mise en œuvre a pris du temps.
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Oui. C'est une activité économique phare qui est très importante, notamment parce qu'elle permet de rassembler des gens dans différentes communautés et villes partout au pays pour vivre une expérience qu'ils ne peuvent vivre à la maison ou sur leur appareil.
C'est une forme d'art unique, et nous en avons bien besoin. Les retombées économiques sont très importantes. Les théâtres sont ouverts depuis quelques semaines et si vous vous promenez dans le centre-ville de Toronto, vous allez voir des milliers de personnes utiliser le transport en commun, aller au restaurant, visiter les commerces ou passer prendre un repas à emporter. C'est quelque chose de concret.
Cela met de l'argent dans les poches des acteurs et des artistes. Du point de vue de la santé mentale — et je sais que M. Stacey en a parlé de façon éloquente —, cela a fait toute une différence. Ils ont attendu 20 mois avant de pouvoir revenir sur scène, alors nous les avons soutenus grâce à nos conventions collectives. Nous payons les taux les plus élevés. Cela les a vraiment aidés et cela a un impact sur l'économie et permet aux artistes de vivre dans les villes où il coûte de plus en plus cher pour habiter.
Enfin, pour ce qui est du développement économique, le bien-être en fait partie intégrante. Les gens veulent se rassembler. Ils veulent participer à ces expériences uniques, sentir l'espoir, l'optimisme, réfléchir à qui nous sommes comme communauté, comme peuple. Je pense que les gens ont besoin du bien-être et de l'exutoire que cela leur apporte et que nous ne pouvons nier le coût de tout cela.
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Merci, madame la présidente.
Je veux simplement expliquer au Comité pourquoi je pense que cette étude est importante. Tout d'abord, de part et d'autre de la Chambre, nous condamnons tous ces symboles. Il ne s'agit pas d'une étude partisane ou d'une question partisane. Je crois que la question est que nous avons besoin d'éduquer les Canadiens au sujet de la signification réelle de ces symboles.
Ces derniers temps, mon bureau a reçu un certain nombre de courriels de personnes qui soutiennent que la croix gammée et le drapeau confédéré ne sont pas des symboles haineux. Je crois que ce dont nous avons besoin, c'est d'un historien qui viendra nous expliquer — à nous et aux Canadiens en général — la signification de ces symboles dans une perspective historique. J'aimerais ensuite que les organismes représentant la communauté noire et la communauté juive soient invités à leur tour à donner leur point de vue sur la signification de ces symboles et sur la façon dont ces symboles nuisent à leur communauté respective.
Il ne s'agit pas ici de la longue étude qui devra se faire lorsque la formidable loi mise de l'avant par M. Julian sera présentée à la Chambre. Il y aura alors beaucoup de discussions afin d'établir si la liberté d'expression de l'article 2 est violée et si l'article 1 la sauve. Je considère qu'il s'agit d'une étude préalable, d'une petite étude visant à éduquer et à informer les Canadiens de manière non partisane sur la signification de ces symboles. Elle permettra ensuite à la Chambre de tenir un débat plus approfondi sur les mesures qu'elle peut prendre — dont une loi — pour s'attaquer aux symboles haineux.
Je tiens à réitérer à l'intention de tous — parce que beaucoup de gens ont émis des commentaires en ce sens — que cela n'a rien à voir avec le convoi. Il ne s'agit pas d'allégations voulant qu'un député d'un parti quelconque ait appuyé ces horribles symboles. J'espère que dans le cadre de cette unique réunion, nous parviendrons à travailler ensemble, tous partis confondus, pour trouver la meilleure façon d'aborder cela et d'éduquer les Canadiens à cet égard.
Merci beaucoup, madame la présidente.
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Merci beaucoup, madame la présidente.
J'appuie cette motion, et je suis heureux que M. Housefather l'ait présentée pour les raisons qu'il a mentionnées. La confusion en ce qui a trait à la signification de ces symboles est quelque chose qui m'étonne. Je ne pense pas qu'il y ait un seul député qui n'en comprenne pas les répercussions, mais pour l'édification du public, il est important que nous rappelions ce que ces symboles représentent.
J'aimerais proposer un amendement favorable, si M. Housefather n'y voit pas d'objection. À la suite du passage « la croix gammée et le drapeau de la Confédération au Canada et examine les mesures que le Parlement pourrait prendre », il s'agirait d'ajouter « notamment au moyen d'une loi ».
Je crois que je proposerais aussi que nous précisions qu'il s'agit du svastika nazi, étant donné que l'hindouisme utilise aussi une croix gammée, mais d'un autre type. J'estime que cela éviterait la confusion qui existe parfois à ce sujet.
Je soutiens assurément la motion et j'espère que ces amendements favorables sont acceptables.
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Madame la présidente, je condamne assurément le blackface. C'est quelque chose d'odieux.
Ce que je comprends du blackface, c'est cette façon horrible qu'avaient les artistes blancs des « minstrel shows » — puis au cinéma et au théâtre — de se couvrir le visage de peinture noire et de prétendre être des Afro-Américains ou des Canadiens noirs. Je ne perçois pas cela comme étant nécessairement un symbole ou un emblème.
Si j'ai choisi les mots que j'ai utilisés, c'est parce que j'ai examiné l'avant-projet de loi de M. Julian. J'ai utilisé les mots qui se trouvaient dans l'avant-projet que M. Julian a présenté à la Chambre. L'emploi du mot « comme » n'est pas limitatif. J'ai dit « comme » la croix gammée nazie et le drapeau confédéré, qui, selon moi, est également un symbole de haine à l'égard des Noirs. C'est pourquoi j'ai choisi cette formulation.
Je ne pourrais pas accepter l'amendement favorable, pour la simple et unique raison que je ne crois pas que ce soit un symbole ou un emblème. Toutefois, dans le contexte des questions que vous poseriez aux témoins, madame Lewis — et je crois que les organismes nationaux pour les Noirs devraient être présents —, je pense qu'il sera très possible de demander ce qu'eux et leurs membres ressentent à l'égard du blackface. Je ne peux qu'imaginer à quel point c'est blessant pour tous les Canadiens noirs et tous les Canadiens raisonnables de voir cela.
Est‑ce que tout le monde a bien compris l'amendement avant que nous commencions à en débattre?
L'amendement se lit comme suit: « Que, conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, le Comité entreprenne une étude sur l'histoire de et l'exposition actuelle de symboles et emblèmes haineux comme la croix gammée et le drapeau de la Confédération au Canada, ainsi que le blackface, et examine les mesures que le Parlement pourrait prendre pour mettre fin à l'affichage de tels symboles et emblèmes haineux ou en limiter l'utilisation [...] »
J'autorise l'amendement, car il ne modifie pas nécessairement l'intention de la motion.
Nous pouvons maintenant en discuter.
Monsieur Champoux, vous avez la parole.
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Je vous remercie, madame la présidente.
Je trouve déjà que nous avons un début de discussion extrêmement intéressant. Je viens d'entendre les arguments de Mme Lewis pour défendre l'idée de son amendement. Je trouve que cette discussion sera intéressante.
Le maquillage noir est-il effectivement un symbole de haine et de mépris?
Pendant plusieurs années, on a utilisé le maquillage noir en théâtre. En fait, c'était une façon, pour un comédien blanc, de jouer un personnage noir. À l'époque, ce n'était pas nécessairement considéré comme méprisant, haineux ou irrespectueux.
Je trouve cette discussion extrêmement intéressante. D'ailleurs, c'est le genre de discussion que nous pourrions avoir dans le cadre de notre étude. Toutefois, j'ai un doute quant à la pertinence d'ajouter dans la motion que le maquillage noir est considéré d'emblée comme un symbole haineux. Je suis tout de même ouvert à l'idée d'écouter les arguments de mes collègues.
À mon avis, nous aurons des discussions extrêmement délicates à ce sujet. Nous allons parfois tous marcher sur des œufs, parce qu'il s'agit effectivement d'un sujet délicat.
Pour l'instant, j'ai des réserves pour ce qui est d'ajouter dans la motion le fait que le maquillage noir est un symbole haineux. Je souhaite entendre les témoignages des personnes que Mme Lewis invitera à comparaître, en plus de son propre témoignage.
Je suis vraiment désireux d'entendre la discussion que nous allons avoir autour de cette motion, mais j'ai un doute quant à la pertinence d'ajouter la mention de maquillage noir dans le libellé de la motion.
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Le projet de loi est axé sur les symboles et les emblèmes, et il émane de ce que nous avons pu voir il y a quelques semaines sur la Colline du Parlement, avec les symboles du drapeau confédéré et les symboles de la croix gammée nazie. C'est absolument répréhensible.
Je suis d'accord avec Mme Lewis lorsqu'elle affirme que le blackface est une pratique et un geste absolument répréhensibles. Lorsqu'elle a soulevé la question, j'ai rapidement cherché à savoir s'il fallait interdire le blackface. Ce que je vois, ce sont des références à des productions théâtrales, des chaînes de télévision et l'Opéra de Paris, qui ont tous envisagé d'interdire le blackface. C'est un aspect important.
C'est différent de l'intention du projet de loi que j'ai présenté, qui vise à interdire ces symboles et emblèmes qui ont été brandis sans vergogne sur la Colline du Parlement il y a à peine deux semaines.
Ce que Mme Lewis présente est extrêmement important. C'est une différente approche. Il s'agit d'une catégorie différente de gestes répréhensibles, différente des emblèmes et symboles que sont la croix gammée et le drapeau confédéré.
J'aimerais prendre le temps de me pencher un peu plus longuement sur la question. Bien sûr, Mme Lewis a la possibilité de présenter une motion comme celle‑là lorsque nous parlons de pratiques qui sont interdites au théâtre, à l'opéra, sur les chaînes de télévision ou au cinéma. Il semble que c'est dans ce contexte que l'interdiction du blackface a eu lieu. Il s'agit d'une pratique répréhensible qui devrait être interdite et qui l'est au théâtre, à l'opéra et à la télévision.
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Très bien. Merci. Voilà qui est bien.
La motion est maintenant adoptée. Encore une fois, c'est « au moins une réunion ». J'aimerais peut-être formuler une mise en garde. Vous savez, si nous allons examiner la question sous l'angle plus large des symboles haineux comme nous nous proposons maintenant de le faire, nous n'aurons pas assez d'une seule réunion.
Je vais peut-être demander si quelqu'un veut proposer un amendement.
Eh bien, il est dit « au moins une réunion ». J'aimerais que vous y réfléchissiez afin que la prochaine fois que nous nous réunirons, vous puissiez décider si vous voulez plus d'une réunion.
Merci beaucoup. Vous avez tous très bien travaillé en tant que comité. Je suis très fière de vous.
La séance est levée.