:
Je déclare la séance ouverte.
Bonjour à tous. Je vous souhaite la bienvenue à la 50e réunion du Comité permanent du patrimoine canadien de la Chambre des communes.
Je tiens à souligner que cette réunion a lieu sur le territoire traditionnel non cédé du peuple algonquin anishinabe.
[Traduction]
Conformément à l'ordre de renvoi que la Chambre a adopté le mardi 31 mai 2022, le Comité se réunit pour étudier le projet de loi , la Loi concernant les plateformes de communication en ligne rendant disponible du contenu de nouvelles aux personnes se trouvant au Canada.
La réunion se déroule en formule hybride, tel qu'il est prévu à l'ordre adopté le jeudi 22 juin 2022.
Les députés présents dans la salle savent déjà comment procéder pour entendre les interprètes. Voici quelques instructions pour la gouverne des personnes qui participent à nos travaux à distance, et notamment pour les témoins.
Veuillez attendre que je vous nomme avant de prendre la parole. Si vous nous joignez par vidéoconférence, cliquez sur l'icône du microphone au bas de votre écran pour l'activer, et mettez‑le en sourdine quand vous n'intervenez pas. Dans l'application Zoom, vous trouverez les options pour les services d'interprétation au bas de votre écran. Cliquez sur le petit globe pour sélectionner l'anglais ou le français. Je vous rappelle enfin de toujours vous adresser à la présidence.
C'est tout pour ce qui est des instructions.
Conformément à notre motion de régie interne, j'informe le Comité que tous les témoins ont effectué les tests de connexion requis avant la réunion, et qu'ils utilisent du matériel approuvé par la Chambre des communes.
Je vous remercie.
Je vais rapidement vous présenter nos témoins. Je vais garder Mme Charette pour la fin parce qu'elle n'est pas encore des nôtres.
J'avise les témoins qu'ils disposeront d'un temps de parole de cinq minutes, peu importe s'ils se présentent à titre individuel ou au nom d'un organisme. Nous vous laissons le soin de choisir un porte-parole. Je vais pousser un cri, littéralement, pour vous indiquer qu'il reste 31 secondes. Je vais vous en avertir très clairement. Nous devons respecter l'horaire pour avoir le temps de poser toutes nos questions et d'entendre toutes les réponses, et de donner la chance à tous de participer pleinement.
Sans plus tarder, je vous présente les témoins.
Nous recevons M. Konrad von Finckenstein, l'ancien président du Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes, ainsi que Mme Annick Charette, la présidente de la Fédération nationale des communications et de la culture. De Meta Platforms Inc., nous accueillons M. Kevin Chan, le directeur des politiques mondiales, et M. Marc Dinsdale, directeur, Partenariats médiatiques au Canada. Enfin, M. Matthew Hatfield représentera OpenMedia, dont il est le directeur des campagnes.
Je vais inviter M. von Finckenstein à commencer.
Monsieur von Finckenstein, êtes-vous prêt? Vous disposez de cinq minutes.
Merci.
:
Merci, madame la présidente, de l'invitation à me prononcer sur le projet de loi .
Comme vous le savez, le projet de loi a pour objet de réglementer les intermédiaires de nouvelles numériques afin de renforcer l'équité sur le marché canadien des nouvelles numériques et de contribuer à sa viabilité. La raison pour laquelle cette mesure législative est proposée peut être résumée en quelques mots: actuellement, les éditeurs de nouvelles locaux ne sont pas indemnisés suffisamment pour le contenu de nouvelles qu'ils publient sur les plateformes numériques.
Pour corriger le tir, le projet de loi prévoit un processus de négociation obligatoire entre les plateformes, qu'on appelle les intermédiaires de nouvelles numériques, ou INN, et les éditeurs de nouvelles, appelées les entreprises de nouvelles admissibles, ou ENA. Le processus est fort simple. Les INN doivent s'autodésigner et les ENA sont autorisées par le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes, le CRTC. Ils doivent négocier, c'est obligatoire, et ils doivent le faire de bonne foi. En cas d'échec des négociations, ils doivent participer à des séances de médiation. S'ils ne trouvent pas de terrain d'entente, il y aura arbitrage sur l'offre finale. Toutes ces étapes se déroulent sous l'égide du CRTC, qui désigne les parties, gère le processus, choisit les arbitres et prodigue ses avis du début à la fin.
Mon intention aujourd'hui n'est pas de critiquer la raison d'être du projet de loi ou la méthode adoptée. Je vais plutôt me concentrer sur les difficultés liées à la mise en œuvre. Cela dit, il ne faut pas en déduire que j'appuie le projet de loi.
Il va sans dire que la mise en œuvre de ce projet de loi ajoutera un défi considérable pour le CRTC. Mon regard est celui d'un ancien président. Pour que la mise en œuvre soit efficace, le projet de loi doit être précis et objectif. C'est très aidant pour l'administrateur, alors qu'un texte vague et une trop grande latitude discrétionnaire entraîneront invariablement leur lot de demandes, de contestations et de retards.
J'aurais cinq points particuliers à porter à votre attention.
Premièrement, à qui et à quoi s'applique le projet de loi? Comment les INN sont-ils identifiés? Selon le projet de loi, ils doivent s'autodésigner et en aviser le CRTC. Le critère établi est l'existence d'un déséquilibre important entre le pouvoir de négociation de l'exploitant et celui de l'entreprise de nouvelles. L'existence de ce déséquilibre est déterminée en fonction de facteurs comme la taille de l'intermédiaire, le fait que son marché lui donne ou non un avantage stratégique, ou qu'il occupe ou non une position de premier plan au sein du marché.
Les notions de taille, de marché, d'avantage stratégique et de position de premier plan sont toutes empruntées aux lois sur la concurrence et sont fortement tributaires du contexte. Elles n'ont pas un sens objectif. J'ai plutôt l'impression qu'il sera très compliqué d'identifier les INN. On demande aux entreprises de s'autodésigner et on donne au CRTC le pouvoir d'obliger la production de renseignements pour établir si un répondant est un INN. Il faut modifier le projet de loi pour que la désignation des INN incombe au ministre, et qu'elle se fasse par la voie d'une mesure réglementaire, après consultation du commissaire de la concurrence.
Deuxièmement, à qui profite ce projet de loi? Sur demande, le CRTC doit reconnaître qu'une entreprise est une ENA si elle est « une organisation journalistique canadienne qualifiée » au sens de la Loi de l'impôt sur le revenu — je n'ai rien à redire sur cette partie —, et si elle produit du contenu de nouvelles « qui est axé principalement sur des questions d'intérêt général et qui rend compte d'événements actuels », et si « elle emploie régulièrement au moins deux journalistes » au Canada, si elle exerce des activités au Canada et si elle produit du contenu de nouvelles « qui n'est pas axé principalement sur un sujet donné ».
Cette définition est très large. Elle n'exclut pas les acteurs gouvernementaux, les acteurs politiques déclarés ni les acteurs étrangers. Aucune norme journalistique n'y figure, et on peut même penser qu'elle englobe les radiodiffuseurs, qui font déjà l'objet d'une réglementation. Il faut modifier cet article pour y stipuler que les ENA doivent appartenir à des intérêts canadiens et être sous contrôle canadien, qu'elles doivent respecter les normes journalistiques du code de déontologie de la Society of Professional Journalists, et que les radiodiffuseurs autorisés, leurs affiliés et les agents gouvernementaux ne peuvent pas être des ENA.
Troisièmement, le projet de loi habilite le CRTC à soustraire un INN de son application s'il a un accord avec une ENA. L'accord doit prévoir une indemnisation juste pour le contenu de nouvelles produit par l'entreprise de nouvelles. C'est justifié puisque c'est l'essence même du projet de loi.
Les choses se gâchent après, quand il est exigé que les accords « assurent qu'une partie convenable de l'indemnisation soit utilisée par les entreprises de nouvelles pour soutenir la production de contenu de nouvelles locales, régionales et nationales », et qu'ils « ne laissent pas l'influence des entreprises » et ainsi de suite. Tous ces points, pris ensemble, font partie de l'objet de la loi et devraient figurer dans l'article exposant cet objet.
Le rôle des INN est mal compris. C'est pourtant simple. Les décisions sont prises par un ordinateur, et elles se comptent par millions. Il faudrait, en cas de plainte, exiger que l'INN explique le fonctionnement de son algorithme et fasse la démonstration que les décisions sont équitables, qu'elles ne sont pas injustes ou infondées, par exemple. Dans ce cas, la disposition qui inverse le fardeau de la preuve, qui signifie qu'une allégation est vraie à moins d'être réfutée, aurait tout son sens puisque c'est l'algorithme de l'INN qui serait en cause. L'INN conçoit et configure l'algorithme, et il devrait être en mesure de donner la preuve qu'il ne discrimine ou ne défavorise personne.
Merci, madame la présidente.
:
Madame la présidente, membres du Comité, je vous remercie de m'avoir invité à prendre la parole aujourd'hui au sujet du projet de loi , la Loi sur les nouvelles en ligne.
[Traduction]
Nous sommes ici pour faire part au Comité de nos réserves concernant un projet de loi qui risque d'avoir des conséquences indésirables au fil du temps.
Nos réserves sont de trois ordres. Nous remettons en question le partage réel de la valeur entre les plateformes et les éditeurs de nouvelles, les conséquences indésirables du paiement pour la libre commercialisation et le risque d'étouffer l'innovation.
Premièrement, le cadre du projet de loi actuel repose sur la présomption que Meta tire un avantage indu de sa relation avec les éditeurs de nouvelles, alors que c'est l'inverse. La plateforme Facebook aide les éditeurs de nouvelles. Meta ne récupère pas et n'indexe pas de liens ou de contenus de nouvelles. À l'instar de toutes les entreprises, de tous les organismes sans but lucratif, des organismes publics ou politiques, les éditeurs de nouvelles canadiens choisissent de partager des liens de leurs sites Web sur Facebook pour élargir leur audience et augmenter leur lectorat. Par ricochet, cela leur permet de vendre plus d'abonnements et d'espaces publicitaires.
Au Canada, nous estimons que les fils d'actualité Facebook génèrent plus de 1,9 milliard de clics par année pour les éditeurs inscrits. C'est de la publicité gratuite pour leurs contenus sous la forme de liens publiés, dont la valeur est estimée à plus de 230 millions de dollars. Autrement dit, c'est ce qu'auraient dû dépenser les nouveaux éditeurs pour obtenir le même résultat sur Facebook si l'accès n'y était pas gratuit.
[Français]
Nous voyons donc que Facebook aide déjà les éditeurs canadiens à hauteur de centaines de millions de dollars par année.
[Traduction]
Deuxièmement, la loi sur les nouvelles en ligne forcerait Meta à acheter aux organismes d'information le contenu que les éditeurs publient gracieusement sur Facebook. Nous serions carrément forcés de payer les éditeurs pour leur donner de la publicité gratuite sur Facebook, qui comme je viens de le dire s'est chiffrée à 230 millions de dollars l'année dernière. Cet arrangement serait pour le moins étrange et certainement peu orthodoxe.
Dans le contexte économique actuel, et dans la mesure où nous privilégions les investissements à long terme dans le métavers et la croissance du secteur des microvidéos pour rivaliser avec la concurrence et répondre aux préférences des utilisateurs, on nous demande d'adopter un système dans lequel les éditeurs nous vendraient le volume de contenus de leur choix, sans limite de prix. J'espère que vous conviendrez avec moi qu'aucune entreprise ne peut fonctionner de cette façon.
Troisièmement, pour que la réglementation soit efficace, elle doit reposer sur des faits. Nous militons depuis longtemps pour l'adoption d'une réglementation qui établit des règles claires et équitables pour tous, mais aussi pour un réseau Internet libre et ouvert, qui favorise la créativité et la concurrence. Cependant, comme l'ont dénoncé des experts indépendants, une politique qui subventionne de manière inéquitable les entreprises médiatiques traditionnelles qui s'adaptent difficilement au cyberespace risque de nuire à la concurrence, de réduire la confiance dans les médias et de compliquer davantage la transition vers les modèles numériques.
Dans un rapport récent, le directeur parlementaire du budget ne fait qu'effleurer ces préoccupations bien réelles. Selon son analyse, la part du lion ira aux radiodiffuseurs, y compris le radiodiffuseur public, et les journaux devront se contenter de 25 %. Après cinq années d'écoute et de soutien des entreprises de nouvelles numériques, mais aussi d'apprentissage auprès d'elles, je peux vous dire que je trouve très inquiétant de constater que le projet de loi les laisse encore plus perdantes. Nous exhortons le Comité à faire plus de place aux témoignages des innovateurs du milieu canadien des nouvelles numériques de la prochaine génération.
Je tiens à dire que le Canada occupe une place très importante pour Meta.
[Français]
Les Canadiens pourront toujours utiliser Facebook pour garder contact avec leurs amis et leur famille, pour créer des communautés et pour faire croître leurs entreprises.
[Traduction]
Toutefois, advenant l'adoption de ce projet de loi préjudiciable, qui repose sur des prémisses témoignant d'une totale incompréhension du fonctionnement de Facebook et qui créerait des formes de responsabilité financière sans précédent à l'échelle mondiale pour des liens ou du contenu de nouvelles, nous nous devons d'être transparents quant à la possibilité que nous reconsidérions l'autorisation du partage de contenu de nouvelles au Canada sur Facebook.
Comme toujours, nous restons disposés à collaborer avec le Comité et le gouvernement pour trouver des solutions fondées sur des faits et respectueuses des intérêts de l'ensemble des Canadiens.
Merci.
Bonjour à tous. Je m'appelle Matt Hatfield et je suis le directeur des campagnes chez OpenMedia, un groupe communautaire du Canada qui représente près de 220 000 personnes qui militent pour un réseau Internet libre, accessible et exempt de surveillance.
Je m'adresse à vous depuis le territoire non cédé des nations Stó:lo, Tsleil-Waututh, Squamish et Musqueam.
Aujourd'hui, je vous invite à réfléchir à la question de savoir qui est visé par le projet de loi , et qui ne l'est pas. Qui produit du contenu journalistique de grande qualité, digne de bénéficier des subventions et de la promotion exigées par le gouvernement, et qui n'en produit pas? À combien ont-ils droit, et le public obtiendra‑t‑il un jour une réponse transparente et juste à ces questions?
Nous pensons que le gouvernement essaie de se défiler parce qu'il ne veut pas répondre à ces questions extrêmement sensibles. Néanmoins, il y répond à son insu en proposant le projet de loi . En esquivant ces questions, le gouvernement contribue à des réponses encore plus imprécises, impénétrables et inéquitables, et potentiellement préjudiciables au lien de confiance avec le journalisme.
C'est un problème réel, que le projet de loi tente de résoudre. Les Canadiens doivent avoir accès à du contenu journalistique de qualité, fiable et fondé sur des faits vérifiés, et ils ont besoin qu'on leur offre beaucoup de ce type de contenus. Notre démocratie en dépend.
Les plateformes numériques gigantesques, avec Google et Meta en première ligne, font énormément d'argent au Canada. Il est tout à fait juste de leur demander d'en redonner une plus grosse partie pour soutenir les besoins des Canadiens. C'est pourquoi nous appuyons la taxe sur les services numériques, mais c'est aussi pourquoi nous aimerions débattre d'un projet de loi beaucoup plus simple, qui taxerait directement ces gros joueurs.
Le lien entre revenus et diffusion sur les plateformes est une pilule empoisonnée et hautement toxique. Les nouvelles ne sont pas une source importante de revenus pour les plateformes, les données le prouvent, et il est très rare qu'un reportage d'une importance vitale pour la société devienne viral.
Le lien entre le soutien à la production d'information et le nombre de liens partagés et de clics incite fortement les plateformes et les éditeurs de nouvelles à trouver des moyens de tromper le système, ce qui nuit à la diffusion de nouvelles de qualité. Dans ce modèle, les fonds ne vont pas là où se trouvent les réels besoins. Des subventions sont versées à ceux à qui la production de nouvelles rapporte déjà beaucoup, mais rien n'est fait pour soutenir la renaissance de médias d'information disparus ou l'émergence de nouveaux médias. La survie des médias d'information dépend du succès continu des plateformes numériques, au grand détriment de leur crédibilité et de leur indépendance.
De plus, parce que le projet de loi fait primer les liens et les clics sur les critères plus tangibles du journalisme d'intérêt public, il sera très facile d'être reconnu comme média d'information qualifié, encore plus que sous le régime déjà très défaillant des organisations journalistiques canadiennes admissibles, les OJCA. La barre est placée tellement bas que des médias de qualité douteuse, des usines à clics et même des acteurs étrangers malveillants pourraient avoir droit à la promotion et aux subventions obligatoires.
Pour toutes ces raisons, nous estimons que si des amendements importants n'y sont pas apportés, le projet de loi aura un effet dévastateur sur la qualité et la diffusion du contenu journalistique canadien, de même que sur la confiance du public à son égard.
Le financement est mal distribué. Le a déclaré que le soutien du projet de loi n'intéresse pas vraiment les petits éditeurs de nouvelles, même si des centaines d'entre eux disent le contraire. La situation est particulièrement difficile pour les petites communautés du Canada qui ont perdu leurs principaux médias et pour les salles de presse régionales désertées et forcées de réduire leurs activités.
Le projet de loi ressuscitera‑t‑il les médias locaux? Non. Il n'offre rien aux communautés qui ont perdu leurs sources privilégiées d'information. Même si un petit média local voit le jour, il devra atteindre une certaine taille pour avoir droit à du soutien, en sachant que c'est un objectif probablement irréaliste.
Le projet de loi incitera‑t‑il les grands services de nouvelles à réengager du personnel pour leurs divisions locales désertées? Comment feraient-ils cela, et surtout pourquoi le feraient-ils? Quelle entreprise sensée engagerait du personnel pour soutenir un processus journalistique local lent et coûteux alors qu'elle tire ses revenus essentiellement du contenu le plus viral et des plus gros pièges à clics dans les médias sociaux? Comment est‑ce concevable quand on sait que le projet de loi promet aux télédiffuseurs et aux radiodiffuseurs, et principalement aux géants comme Bell, Rogers et Radio-Canada, qu'ils empocheront 75 % des revenus?
Le Comité a critiqué, à raison, les accords secrets entre Google, Meta et les éditeurs de nouvelles. Alors pourquoi le projet de loi ne propose‑t‑il aucune solution? On ne regagnera pas la confiance du public si on ne fait rien pour régler les problèmes liés à ces accords sur les revenus, si on permet qu'ils soient encore plus importants et encore plus secrets, et si on laisse encore plus de latitude au CRTC, au gouvernement et aux plateformes elles-mêmes pour exercer leur influence en sous-main. En vertu du projet de loi C‑18, les accords négociés resteront secrets, tout comme le processus de qualification comme OJCA et les motifs d'approbation ou de rejet des demandes. Ce n'est certainement pas le bon moyen pour renforcer la confiance à l'égard de l'information.
Notre principale inquiétude concerne l'incidence du projet de loi sur nos publications en ligne. Quel type de contenu est le plus partagé sur Facebook et sur Twitter? Pensez-vous que ce sont les longs reportages d'enquête très fouillée…
La Fédération nationale des communications et de la culture représente 86 syndicats du domaine de la culture et de l'information au Québec, dont les principaux syndicats des médias d'information.
D'entrée de jeu, j'aimerais vous dire que notre première préoccupation est de maintenir au Québec une presse professionnelle, forte, indépendante, diversifiée et en bonne santé financière. Nous voulons aussi que la presse conserve sa capacité à offrir une diversité de points de vue, qui reflètent tant les régions que la trame multidimensionnelle de la population canadienne. Nous voulons aussi qu'elle soit présente sous toutes ses formes partout au pays.
Un trop grand nombre de médias ont déjà fermé boutique, en grande partie parce que les revenus publicitaires, source traditionnelle de revenus des médias d'information, ont été détournés par les plates-formes numériques.
Pour atteindre ces objectifs, il est impératif de corriger les dysfonctionnements de marché, notamment le rapport de force démesuré exercé par les plates-formes numériques face aux médias d'information du fait qu'elles accaparent une part importante des revenus commerciaux associés à l'information journalistique. C'est pourquoi des dispositions législatives nous apparaissent extrêmement nécessaires pour réguler adéquatement et équilibrer les rapports commerciaux entre les médias d'information et les plates-formes numériques toutes-puissantes et, si j'ose dire, menaçantes dernièrement.
La Fédération nationale des communications et de la culture soutient le projet de loi au nom de ses membres, mais aussi au nom du public canadien, car l'information professionnelle est un pilier de la démocratie. Un peuple bien informé est un peuple qui fait des choix éclairés, ce que tout le monde souhaite, je crois.
Nous voulons cependant attirer l'attention des législateurs sur certains aspects qui nous semblent perfectibles.
Premièrement, les pouvoirs d'ordonnance d'exemption octroyés au CRTC, qui permettent d'exempter des plates-formes et de négocier de nouvelles ententes, sont trop larges et risquent de miner de façon importante la contribution effective du projet de loi au renforcement de la diversité des voix dans le domaine de l'information médiatique.
Nous tenons grandement à ce que soit préservée l'existence des médias de moins grande envergure, qui répondent notamment aux besoins particuliers de certaines communautés et régions. Quelques ententes majeures signées avec des médias nationaux ne devraient pas miner la capacité de plus petits joueurs de faire valoir leurs droits.
Deuxièmement, le projet de loi C‑18 devrait permettre la négociation pour un ensemble plus important de médias d'information, y compris les médias locaux qui ne comptent qu'un journaliste à temps plein et les médias émergents numériques, qui ne sont pas basés sur la même structure que les médias écrits traditionnels. Nous pensons aussi que les entreprises médiatiques qui font du journalisme spécialisé devraient être prises en compte.
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Par contre, la loi ne devrait s'appliquer qu'aux entreprises médiatiques qui respectent certains critères de nature déontologique en matière de pratiques journalistiques. Je pense, par exemple, à la présentation de plusieurs points de vue divergents sur des sujets d'intérêt public, à la vérification de la validité et de la véracité des informations transmises, et à la rectification d'informations transmises s'étant avérées erronées. Le respect d'un code de déontologie journalistique reconnu dans la presse occidentale est un point de référence fiable pour déterminer le caractère professionnel d'une entreprise d'information. La loi devrait enfin traiter les radiodiffuseurs publics de la même façon que les entreprises de nouvelles privées.
Troisièmement, il nous apparaît nécessaire d'empêcher les plate-formes numériques d'adopter des mesures de rétorsion qui entraveraient la négociation et l'arbitrage.
Enfin, notre mémoire contient certaines recommandations relatives au processus d'arbitrage, ainsi qu'aux pouvoirs du vérificateur indépendant. À nos yeux, ces pouvoirs sont absolument essentiels pour garantir que les retombées du projet de loi percoleront directement dans les salles de nouvelles, au bénéfice du journalisme.
Ce réinvestissement d'argent nouveau dans le travail des journalistes est incontournable si nous voulons assurer la pérennité d'une information de qualité. Les pouvoirs du vérificateur pourraient être élargis pour lui permettre, par exemple, de rendre compte des effets d'une ordonnance d'exemption sur le marché canadien des nouvelles numériques.
Par ailleurs, il faudrait que la loi s'applique à l'ensemble des entreprises qui exploitent une plateforme de média social ou un moteur de recherche diffusant des contenus de nouvelles.
Pour terminer, j'aimerais souligner que les plateformes numériques ont le devoir moral de retourner une partie de leurs gains obtenus grâce au travail d'autres entreprises. Dans quel système économique l'exploitation de la propriété d'un tiers est-elle un droit?
De même, toute bonne entreprise citoyenne qui tire des profits substantiels de l'exploitation d'un élément aussi vital pour une société démocratique que la presse professionnelle a le devoir de réinvestir une partie de ces profits dans la vitalité des entreprises journalistiques qui en sont la source.
L'incroyable puissance économique et le rapport de force disproportionné créés par l'étalement des technologies de l'information ne devraient jamais l'emporter sur les intérêts supérieurs d'une nation et sa souveraineté en matière de régulation.
Je vous remercie de votre temps.
Ma première question s'adresse à M. Chan, de Meta.
Monsieur Chan, dans votre déclaration préliminaire, vous avez parlé d'Internet libre et de son importance pour stimuler la concurrence, en ajoutant que le projet de loi leur sera plutôt préjudiciable.
C'est aussi l'avis du créateur d'Internet, sir Tim Berners‑Lee. Quand l'Australie a présenté sa loi, il a affirmé qu'elle menaçait l'essence même d'Internet, un réseau censé offrir un espace vaste et ouvert pour échanger des idées et collaborer librement.
J'aimerais vous entendre à ce sujet. Comment le projet de loi est‑il préjudiciable à Internet ou, comme d'aucuns l'ont suggéré, démolit‑il Internet?
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Merci beaucoup de poser cette excellente question.
C'est au cœur des préoccupations de beaucoup de monde, pas seulement des plateformes. Pour le dire très simplement, les liens sont la pierre angulaire d'Internet. Ils permettent de naviguer entre les sites et ils facilitent de manière efficace la libre circulation de l'information et, par conséquent, la liberté d'expression.
Nous n'avons jamais vu, nulle part dans le monde, une tentative de réglementer la libre circulation de l'information en imposant un coût lié aux liens. C'est totalement inédit à l'échelle mondiale. C'est aussi totalement inadapté si on considère ce qu'est un lien et comment il fonctionne.
J'ajouterais que c'est aussi contraire à une décision rendue par la Cour suprême du Canada en 2011 que j'ai imprimée avant de venir ici et qui dit ceci: « En bref, l'Internet ne peut donner accès à l'information sans les hyperliens. Or, limiter l'utilité de ces derniers […] aurait pour effet de gravement restreindre la circulation de l'information et, partant, la liberté d'expression ».
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Merci, madame la présidente.
Tout d'abord, je trouve assez ironique de constater qu'à sa dernière présence ici, M. Chan était incapable de me dire le montant des revenus publicitaires dérivés par Facebook au Canada, mais qu'aujourd'hui il puisse extrapoler la valeur qu'offre Facebook aux éditeurs pour les liens vers lesquels l'entreprise les dirige.
Essentiellement, je vais vous poser plusieurs questions. Si je pose une question qui demande une réponse par oui ou par non, je m'attends à ce que vous répondiez par oui ou par non.
La semaine dernière, Facebook s'est dit déçu de ne pas avoir été invité par le Comité.
Monsieur Dinsdale, est‑ce que Facebook a à un moment ou à un autre contacté la présidente ou la greffière du Comité pour demander à comparaître?
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J'ai vérifié hier auprès de la greffière, et la réponse était non.
À la dernière comparution de Facebook, monsieur Chan et monsieur Dinsdale, j'ai posé plusieurs questions sur l'expérience de Facebook en Australie, où votre entreprise menaçait de bloquer des pages à cause d'une loi semblable au projet de loi . Facebook a mis sa menace à exécution, provoquant un chaos d'une semaine. À ce moment, vous avez dit que vous ne pouviez pas répondre et que vous ignoriez ce qui se passerait en Australie. Le Comité a alors convoqué Mark Zuckerberg, votre PDG, qui aurait pu répondre aux questions. Il a ignoré notre convocation.
Considérant que M. Dinsdale a la semaine dernière fait la même menace au Canada concernant la fermeture de pages, et que M. Chan a réitéré cette menace dans son témoignage d'aujourd'hui, j'ose espérer que vous êtes maintenant tous deux en mesure de nous parler de l'expérience australienne.
Divers dénonciateurs ont affirmé que pour planifier la fermeture en Australie, Facebook avait fait préventivement signer des ententes spéciales de non-divulgation à de nombreux membres de son personnel.
Monsieur Dinsdale, est‑ce que vous exigez normalement aux employés de votre entreprise de signer des ententes de non-divulgation pour les grands événements Facebook?
:
Selon des documents provenant de lanceurs d'alerte australiens, même si Facebook a déclaré que l'interdiction ne devait viser que les médias d'information, « les dirigeants savaient que le processus de classification des nouvelles en vue de la suppression de pages était si large qu'il engloberait vraisemblablement les pages du gouvernement et des autres services [de santé et] sociaux ».
En fait, le blocage a touché plus de 170 000 pages, y compris celles du ministère des services d'urgence et de lutte contre les incendies, du Conseil de l'itinérance, de Suicide Prevention Australia, d'organismes d'aide aux victimes de violence domestique, du Kids' Cancer Project, du Royal Children's Hospital, du Jewish Holocaust Centre, des agences de lutte contre les incendies et de sauvetage des États pendant la saison des incendies, ainsi que des administrations municipales et territoriales.
Facebook a alors déclaré qu'il s'agissait d'une « erreur technique » que l'entreprise « travaillait à corriger », en qualifiant de « catégoriquement et manifestement fausse » toute allégation voulant que Facebook ait agi délibérément.
Monsieur Dinsdale, êtes-vous d'accord pour dire qu'il s'agissait d'une erreur technique et qu'il n'y a eu aucune tentative de bloquer ces pages?
:
Merci, madame la présidente.
Merci aux témoins de leur présence au Comité aujourd'hui pour parler de cet important projet de loi sur lequel nous travaillons.
Comme M. Housefather, tout à l'heure, je suis assez heureux de voir que M. Chan a retrouvé son cartable qui contient les chiffres de Facebook. En effet, la dernière fois qu'on lui a posé des questions sur les revenus de Facebook, il a été plutôt difficile d'obtenir des réponses. Je vais donc en profiter.
Monsieur Chan, j'imagine que vous vous souvenez d'avoir discuté l'an dernier avec M. Jean‑Hughes Roy, un professeur réputé qui se consacre beaucoup à la question des médias sociaux. Dans une entrevue à TVA, il disait que, selon lui, il est évident qu'une partie des revenus de Facebook — et de Google aussi, mais parlons de Facebook aujourd'hui — passe par le contenu journalistique.
Lors de votre conversation avec lui, vous vous rappellerez peut-être lui avoir dit que le fait d'avoir bloqué l'accès au contenu journalistique en Australie en guise de protestation n'avait eu aucune incidence sur les revenus de votre société.
Regardons un peu les chiffres. Vous pouvez les contester, si vous voulez, mais M. Roy arrive à des résultats fort intéressants et nous apprend que les revenus publicitaires moyens par utilisateur de Facebook sont d'environ 82,21 $. Donc, au prorata et selon les chiffres de 2017, les Québécois auraient fait gagner à votre entreprise environ 451,2 millions de dollars américains. Je suis peut-être trop précis avec mes virgules, on peut arrondir.
Monsieur Chan, êtes-vous d'accord avec ces chiffres?
Merci à tous nos témoins. Je vais faire de mon mieux pour remplacer aujourd'hui dans la discussion du projet de loi . Je remercie tous les intervenants de leurs commentaires.
Madame Charette, je commencerai par vous.
Durant votre déclaration liminaire, je prenais des notes, et je partage entièrement vos préoccupations et votre volonté de préserver la robustesse et la diversité du paysage médiatique québécois, mais je pense que cette nécessité s'applique également à plusieurs autres régions du Canada. Je sais qu'aux yeux de la FNCC et de nombreux autres intervenants, le projet de loi établit des critères trop restrictifs pour que les organes d'information soient admissibles aux négociations avec les géants du Web.
J'ai quelques questions pour vous. Tout d'abord, si les seuils d'admissibilité prévus au projet de loi demeuraient inchangés, qu'adviendrait‑il des milliers de petites entreprises d'information, dont beaucoup sont sans but lucratif, comme les postes de radio et de télévision communautaires au Canada et au Québec?
:
Je considère qu'il faut avoir une qualification de presse professionnelle pour y être admissible. Il faut que ce soit une salle de presse professionnelle avec un journaliste qui répond à des critères d'éthique journalistique. La demande d'une entreprise faisant simplement de l'animation radio n'est pas valable, selon moi.
Plusieurs petits médias régionaux, notamment des médias écrits qui n'ont qu'un seul journaliste permanent, devraient effectivement pouvoir être reconnus publiquement quand leur travail est mis de l'avant par une plateforme de partage comme Facebook ou Google. Pour la multiplicité et la diversité des voix, il est donc très important de tenir compte de ces petits médias. On ne peut pas penser que, parce qu'il y a des ententes signées avec des grands médias nationaux, cela va couvrir l'ensemble des possibilités.
Tout le monde a souffert de l'accaparement des revenus publicitaires par les plateformes numériques. De leur côté, les petits médias n'ont pas su subsister, parce qu'ils n'avaient pas d'autres façons de se redéployer, que ce soit en ligne ou autrement. Il est essentiel que ceux qui restent soient préservés.
Au Québec, la Coopérative nationale de l'information indépendante, qui a repris six grands journaux régionaux, a publié des chiffres concernant Facebook. La Coopérative a constaté une diminution de 22 % à 23 % des consultations en ligne référées par Facebook depuis un an. En effet, on constate un enfermement grandissant chez Facebook, qui privilégie désormais des éléments de contenu autonomes ne contenant pas de liens Internet, évitant ainsi au lecteur de devoir sortir de l'environnement de Facebook pour consulter ce contenu. Selon notre analyse, c'est ce qui a causé la diminution des taux de fréquentation des sites des médias de la Coopérative.
Il faut savoir que tant La Presse que les journaux de la Coopérative ne sont rémunérés que si un utilisateur est redirigé vers le contenu du site Internet d'un de ces journaux par un lien affiché par le produit consommé sur Facebook. En l'absence d'un tel lien, que Facebook omet de plus en plus dans ses publications, le journal n'est pas rémunéré et perd des revenus. J'espère avoir été claire.
:
Excellent. C'est tout ce dont j'ai besoin, alors. Merci.
J'ai une question pour M. Hatfield. Je n'ai que cinq minutes.
Je crains également que même si le projet de loi vise à protéger les petits organismes de nouvelles qui ont perdu des revenus, les critères établis empêchent la participation des entreprises ayant un seul journaliste ou quelques journalistes à temps partiel; de plus, ces critères n'exigent même pas l'application des normes élémentaires de journalisme — nous disons au Canada qu'ils peuvent s'autodéfinir — et ils sont axés sur l'information générale.
Je crains que ces critères excluent par exemple les médias ethniques. Souvent, il s'agit d'entreprises familiales ou de petites organisations, qui ne sont pas nécessairement considérées comme des organes d'information générale. Partagez-vous cette crainte?
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Merci beaucoup, madame la présidente.
Je déplore vivement que Facebook pique une colère sur la scène publique pour comparaître devant le Comité, et refuse ensuite de répondre aux questions à moins qu'il ne s'agisse des questions faciles et amicales lancées par les conservateurs. Tant qu'à y être, pourquoi n'avez-vous tout simplement pas tenu une conférence de presse conjointe avec les conservateurs pendant que vous menaciez la population canadienne?
Monsieur Dinsdale, vous venez ici menacer les Canadiens — les menacer de faire ce que vous avez fait en Australie, c'est‑à‑dire retirer les soutiens et les informations sur les vaccins, les centres de prévention du suicide et les services d'incendie. Vous avez mis en danger la vie des Australiens, et vous venez ici pour menacer d'infliger la même chose aux Canadiens. C'est proprement choquant. Meta a le comportement d'un requin de l'industrie, tout en disant: « Ne nous réglementez pas. Nous sommes des entreprises socialement responsables ».
C'est vraiment incroyable quand on regarde ce qui s'est passé en Australie...
On nous a parlé de la générosité de Facebook, qui a fourni pour 230 millions de dollars de liens, mais d'un autre côté, « Nous allons également nous accaparer de tous les revenus publicitaires de vos agences de presse », ce qui est une générosité pour le moins intrigante. Facebook laisse entendre que ces mesures ébranleront Internet, mais Microsoft — qui en sait peut-être un peu plus sur Internet que moi — nous dit le contraire. Cela n'a pas été le cas en Australie. Cela ne se reproduira plus. On ne fait que perpétuer l'alarmisme.
Allons en Australie, si vous voulez bien. Le 17 février 2001, la Chambre des représentants a adopté le projet de loi initial. Le lendemain, on a assisté à un surblocage, y compris de tous les sites mentionnés par M. Housefather. La réponse officielle donnée par Facebook le jour 2, soit le 18 février, était que le blocage se déroulait comme prévu.
Monsieur Dinsdale, est‑ce que c'était une erreur, comme vous l'avez prétendu tantôt?
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Merci, madame la présidente.
Madame Charette, j'aimerais continuer la discussion sur la qualité du journalisme et sur la façon dont on peut s'assurer que les entreprises de nouvelles admissibles sont des entreprises sérieuses.
On nous a envoyé des propositions d'amendement. Par exemple, Google souhaite que nous supprimions l'article 51 du projet de loi, qui interdirait notamment une prétendue préférence indue. Selon Google, cette mesure va empêcher sa plateforme et d'autres plateformes d'appliquer des politiques et de fournir des fonctionnalités qui élèvent les sources d'information fiables par rapport au contenu de qualité inférieure. Si on interprète cela comme il faut, cela revient à dire qu'on se fierait à Google pour juger de ce qui est du contenu fiable et de ce qui ne l'est pas.
En tant que fédération qui représente un grand nombre de journalistes et de salles de nouvelles, que pensez-vous de cette proposition et de cette affirmation?
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Merci, madame la présidente.
Monsieur Chan, c'est à vous que j'aimerais poser mes questions.
Je vais être franc avec vous. J'ai eu quelques inquiétudes au sujet de votre entreprise et de son influence sur nos institutions démocratiques et sur notre société civile.
Mon rôle principal à la Chambre des communes est celui de porte-parole en matière de sécurité publique. Je siège au Comité permanent de la sécurité publique et nationale. Plus tôt cette année, nous avons produit un rapport sur l'extrémisme violent à motivation idéologique, et nous avons entendu des témoignages assez accablants sur le rôle joué par les entreprises de médias sociaux, notamment en ce qui concerne la désinformation et les fausses nouvelles.
Dans votre article du 21 octobre, vous avez menacé de devoir vous demander si Facebook continuerait à autoriser le partage de contenu d'actualités au Canada.
Est‑ce vraiment ce qui se passe ici? Vous avez eu toutes ces preuves accablantes contre votre entreprise sur son rôle dans le partage de la désinformation et de la mésinformation. Envisagez-vous sérieusement d'aggraver la situation en vous débarrassant du journalisme crédible, qui est l'un des remparts d'une société démocratique? Est‑ce ce qui se passe ici, monsieur Chan?
Il est important de prendre en compte que nous avons le plus grand réseau de vérification des faits au monde, toutes plateformes confondues. Il compte 90 vérificateurs de faits agréés par le réseau international de vérification des faits, qui est une filiale du Poynter Institute.
Nos principaux piliers sont les suivants: nous identifions, nous examinons et nous agissons sur le contenu. Les vérificateurs des faits eux-mêmes sont en mesure de chercher le contenu qu'ils souhaitent vérifier. Ensuite, ils l'examinent. Nous utilisons également l'intelligence artificielle pour ce travail, pour suggérer des choses. Ils l'examinent ensuite et sont en mesure d'apposer des étiquettes comme « faux », « modifié », « partiellement faux », etc.
La partie importante de la loi, qui, je pense, a été soulignée par M. von Finckenstein et M. Hatfield, concerne les préoccupations concernant le fait que les clauses sur la préférence indue dans le projet de loi ne nous permettent pas de diminuer la diffusion de la désinformation dans ce sens. Cela devrait préoccuper tout le monde.
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Merci, madame la présidente.
Il était intéressant, l'autre jour, d'entendre le déclarer que 468 médias ont fermé dans ce pays depuis 2008. Je dirai également que bon nombre de ces médias qui ont fermé leurs portes étaient Bell Media, Rogers, National Post et Torstar. Ce sont ces mêmes organisations qui veulent profiter de l'assiette au beurre qu'est le projet de loi . C'est vraiment intéressant.
Ce que le n'a pas dit dans son témoignage, c'est que plus de 200 entreprises de nouvelles — des organisations indépendantes — ont ouvert dans ce pays.
Je voulais simplement faire cette déclaration parce que ce projet de loi ne va pas sauver les médias dans ce pays. Nous avons vu Bell, Rogers, National Post et Torstar s'effondrer dans de petites communautés comme Swift Current, Lloydminster, Prince Albert, Yorkton, Red Deer, Kelowna et Kamloops. Je pourrais continuer ainsi longtemps. Si le groupe d'experts pense que ce projet de loi va sauver les médias ruraux, qu'il se détrompe. Les gens obtiennent leurs nouvelles un peu différemment.
Je vais m'adresser à M. von Finckenstein.
Vous êtes l'ancien président du CRTC. Comme vous le savez, vous n'avez aucune expérience en matière de réglementation des nouvelles ou même en matière de concurrence. Je viens de vous dire combien de médias ont fermé dans ce pays. Tout à coup, le CRTC va maintenant avoir le pouvoir de déterminer quels sont les avantages des éditeurs de nouvelles et quelle est la définition de « journaliste », et il supervisera l'arbitrage, y compris le choix de l'arbitre.
Pensez-vous, monsieur von Finckenstein, que le projet de loi devrait attribuer au CRTC un rôle aussi important que celui‑ci?
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Je vous remercie de cette question.
Le but de ma présence ici aujourd'hui était d'essayer de dire que la loi actuelle, telle qu'elle est, ne fonctionne pas. Elle doit être modifiée. J'ai axé mon propos en supposant que nous utilisons le concept proposé par le gouvernement, à savoir, la négociation obligatoire entre les plateformes et les éditeurs de presse. Pour que cela fonctionne, les changements que j'ai proposés — je vous ai donné quelques ébauches d'amendements — sont un minimum.
Est‑ce une bonne façon de procéder? Est‑ce vraiment une fonction dont le CRTC peut et doit s'acquitter? Pour ma part, je ne l'ai jamais fait. Je ne peux même pas en parler, car cela dépend des dirigeants et des ressources disponibles. À mon avis, le concept dans son ensemble n'est pas la bonne façon de procéder.
Si vous voulez subventionner les éditeurs de presse, vous pouvez le faire d'une myriade d'autres façons. Cela me semble inutilement compliqué. Si vous le faites — et je suppose que ce projet de loi sera adopté —, il devrait au moins être modifié comme je l'ai indiqué.
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Merci, madame la présidente.
Je voudrais tout d'abord dire que le Comité peut bien sûr inviter qui il veut comme témoin, mais normalement nous commençons par une liste de personnes qui ont signifié à notre greffière qu'elles souhaitent comparaître. Selon notre greffière, jusqu'à hier, personne de Meta n'avait demandé à comparaître.
J'aimerais demander ceci à M. Dinsdale. Monsieur, vous avez été la première personne — je crois que c'était le 21 octobre — à prononcer ce que j'appellerai une « menace » — et vous pouvez ne pas l'appeler une menace —, disant que Facebook retirerait le contenu des nouvelles au Canada. Monsieur Dinsdale, avez-vous pris cette décision de votre propre chef, ou avez-vous consulté d'autres personnes chez Facebook afin de déterminer si vous alliez faire une telle déclaration?
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Merci, madame la présidente.
Ce n'est un secret pour personne que les technologies ont beaucoup évolué. Avant, il y avait les journaux qui nous envoyaient les nouvelles par écrit. Par la suite, la radio est arrivée dans les années 1930 et 1940, puis il y a eu les salles de nouvelles radiophoniques et, finalement, la télévision. Tous ces médias produisaient eux-mêmes leurs contenus journalistiques grâce à leurs salles de nouvelles.
Le marché a énormément changé à l'arrivée d'Internet, comme on le sait. Le monde entier a complètement changé ses habitudes de vie. À la différence des médias traditionnels, les médias sociaux ne produisent pas eux-mêmes le contenu qu'ils offrent à leurs abonnés. Cela représente donc vraiment une concurrence inhabituelle pour l'industrie des médias, qui est pourtant habituée à s'adapter. Si on ne protège pas adéquatement nos salles de nouvelles et nos médias d'information, c'est simple: ils vont disparaître. Qui produira alors du contenu journalistique de qualité?
Je pense que la réponse est dans la question.
Monsieur von Finckenstein, vous êtes contre la façon dont le projet de loi est ficelé. Je ne vous demande pas d'approuver ou de désapprouver ce que je viens de dire. Cependant, je pense qu'en tant qu'ancien président du CRTC, vous êtes conscient que l'industrie du journalisme et des médias de nouvelles doit être encadrée d'une certaine façon.
Si elle ne l'est pas par le truchement d'un projet de loi comme celui-ci, lequel oblige les entreprises qui partagent le contenu d'information produit par nos salles de nouvelles à négocier des ententes, que voyez-vous comme solution pour permettre aux entreprises de nouvelles de recevoir leur juste part de ce marché désormais grandement accaparé par les plateformes en ligne?
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Merci, madame la présidente.
Monsieur Chan, c'est à vous que j'aimerais adresser ma question.
Sur le site Web de Meta, vous avez une section sur la lutte contre la désinformation. Vous affirmez que vous « empêchez la propagation de fausses nouvelles, supprimez le contenu qui viole [vos] politiques et donnez aux gens... des renseignements » pour qu'ils puissent prendre des décisions éclairées. J'essaie de voir comment cette déclaration sur votre site — cet engagement — concorde avec la menace que vous envisagez de faire peser, à savoir si vous allez autoriser la diffusion de nouvelles réelles. Si vous menacez de retirer des liens....
Comment allez-vous vous assurer que vous combattez réellement la désinformation, si le journalisme n'est pas autorisé sur votre site? Ne comprenez-vous pas que de nombreux utilisateurs de Facebook comptent sur votre plateforme pour obtenir des renseignements exacts, notamment ceux provenant des médias locaux? Je pense que l'élimination de ces liens de nouvelles affaiblira encore plus notre démocratie. Pensez-vous qu'il soit moral pour Facebook de faire cela, de proférer ce genre de menace?
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C'est intéressant! Quand on vous a dit plus tôt que c'était des accords commerciaux, vous l'avez nié, mais quand M. Housefather a demandé des marchés, ils sont devenus des accords commerciaux de sorte que vous n'ayez pas à...
M. KevinChan: Je ne voudrais pas les appeler...
M. Chris Bittle: Je me répète, monsieur Chan, ne parlez pas en même temps que moi. Cela nuit à l'interprétation. Veuillez attendre que j'aie fini de parler.
Je sais que vous méprisez ce que nous faisons, et vous et moi avons déjà eu une telle conversation dans le passé au sujet de divers textes de loi, et l'histoire se répète.
Si c'est... peu importe ce dont il s'agit relativement à un marché pour...
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Je vous remercie beaucoup.
Nous devons arrêter nos travaux aujourd'hui à 15 heures exactement.
À titre de présidente, je voulais dire, après avoir observé et écouté les délibérations, que j'ai entendu à maintes reprises des personnes s'interroger sur le journalisme. Quand nous avons fait une étude en 2017 sur cette même question, je présidais alors le comité du patrimoine. Ce qui était très clair, c'était que les organismes que l'on appelle des agences de presse au Canada sont assujettis à des règles très différentes qu'ils doivent respecter. Leurs nouvelles doivent être vérifiables, et leurs textes ne doivent insulter personne ni contenir des menaces. Le Code criminel les astreint à certaines consignes obligatoires.
Selon moi, la question se pose de savoir si cela vaut pour des entreprises telles que Google, Facebook ou Meta relativement à leur propre capacité. Nous vivons en une ère de désinformation. Sont-elles assujetties aux mêmes contraintes internationales, quant à la vérifiabilité et à l'obligation de rendre compte, que l'est la presse écrite? C'est une question que je voulais poser.