Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
La réunion d'aujourd'hui se déroule sous forme hybride, conformément à l'ordre de la Chambre du 25 novembre 2021. Les membres du Comité sont présents dans la salle ou participent à distance au moyen de Zoom.
Conformément à la directive du Bureau de régie interne du 10 mars, tous ceux qui sont dans la salle doivent porter un masque. En fait, j'encourage les gens à porter un masque pour parler, parce que c'est à ce moment‑là que les particules sont projetées, pour ainsi dire.
J'aimerais faire quelques observations à l'intention des témoins et des membres du Comité. Veuillez attendre que je vous nomme avant que vous ne preniez la parole. Si vous participez par vidéoconférence, vous verrez, au bas de votre écran, une icône de microphone. Veuillez cliquer sur ce bouton pour activer votre micro et le désactiver à nouveau lorsque vous ne parlez pas. Le globe au bas de votre écran sert pour l'interprétation. Vous pouvez choisir l'anglais ou le français, ou peu importe. Pour ceux qui sont dans la salle, vous savez que vous pouvez utiliser l'oreillette et sélectionner le canal désiré.
Je tiens également à souligner qu'aucune photographie de cette réunion ne doit être prise. Enfin, si vous voulez parler, vous devez le faire par l'entremise de la présidence.
Merci beaucoup. Je souhaite la bienvenue à nos témoins, qui ont été patients. Tout ce que je peux dire, c'est que vous avez de la patience.
J'aimerais souhaiter la bienvenue à J.J. McCullough, qui témoignera à titre personnel. Nous accueillons également Mme Hélène Messier, présidente-directrice générale de l'Association québécoise de la production médiatique. Nous accueillons aussi Jonathan Daniels, vice-président, et Karine Moses, vice-présidente, Québec, et première vice-présidente, développement de contenu et nouvelles, de BCE Inc. Joan Jenkinson, directrice générale, parlera au nom du Bureau de l'écran des Noirs. La Canadian Media Producers Association sera représentée par Reynolds Mastin, président-directeur général, et Catherine Winder, directrice générale, Wind Sun Sky Entertainment Inc. Nous entendrons Marla Boltman, de Les Amis et nous terminerons avec John Lawford, directeur exécutif et avocat général du Centre pour la défense de l'intérêt public.
Chaque groupe disposera de cinq minutes. Vous pouvez vous partager les cinq minutes, mais vous avez cinq minutes. Je vais vous donner un préavis de 30 secondes pour que vous sachiez que vous devez conclure. Lorsque tout le monde aura terminé, nous passerons ensuite à une période de questions.
Bonjour, mes amis. Je m'appelle J.J. McCullough et je suis un youtubeur professionnel de New Westminster, en Colombie-Britannique.
Aujourd'hui, j'espère vous parler de la vaste communauté youtubeuse du Canada et des raisons pour lesquelles nous sommes si nombreux à redouter le projet de loi C‑11, un projet de loi que nous n'avons pas demandé, dont nous n'avons pas besoin et qui menace le succès que nous avons déjà obtenu.
Ma chaîne porte principalement sur l'analyse culturelle et met l'accent sur l'identité canadienne. Les sujets de mes vidéos vont de la biographie de Wilfred Laurier à l'histoire des croustilles, en passant par les raisons pour lesquelles les différents partis politiques utilisent des couleurs différentes. Ma vidéo la plus populaire, qui porte sur un Dairy Queen de ma localité, a été visionnée plus de huit millions de fois.
Les youtubeurs professionnels comme moi gagnent leur vie grâce aux publicités dans les vidéos, et les revenus publicitaires correspondent généralement à la popularité de nos vidéos. Le nombre d'abonnés d'un youtubeur peut fournir une estimation très approximative de la taille potentielle de l'auditoire de sa chaîne. Ma chaîne a récemment dépassé 750 000 abonnés. Au total, mes vidéos ont été vues 230 millions de fois. Ces chiffres peuvent sembler impressionnants, mais en réalité, ils se situent tout juste dans la moyenne au Canada.
Selon socialblade.com, je ne suis que le 414e youtubeur canadien le plus populaire. En effet, selon Social Blade, il y a plus de 100 youtubeurs canadiens qui ont plus de 3,5 millions d'abonnés et plus d'un milliard de visionnements de vidéos. Cependant, il n'est pas nécessaire d'atteindre un tel niveau de popularité pour avoir du succès. Mon ami Joe Lee est un youtubeur canadien professionnel qui fait des vidéos sur la vie à Vancouver et qui a récemment réussi à transposer la popularité de sa chaîne dans sa propre gamme de vêtements. Il n'a que 156 000 abonnés et 12 millions de vues, ce qui fait de lui le 945e youtubeur canadien le plus populaire.
Cela devrait nous donner une idée de la taille de la communauté de youtubeurs en tant que segment de l'économie culturelle canadienne. Le succès extraordinaire et même la renommée mondiale de nombreux youtubeurs canadiens en l'absence de réglementation gouvernementale devraient soulever des questions sur la nécessité du projet de loi C‑11. Youtube existe depuis 17 ans sans être réglementée, et cela a donné lieu à une explosion de contenu canadien populaire produit par des Canadiens de tous les groupes démographiques imaginables.
Maintenant, une grande partie du débat entourant le projet de loi C‑11 a porté sur le contenu généré par l'utilisateur, qui est souvent considéré comme des publications frivoles dans les médias sociaux, mais l'article 4.2 proposé indique que le gouvernement souhaite réglementer le contenu qui « génère des revenus », ce qui s'applique au genre de vidéos professionnelles créées par des youtubeurs. Quoi qu'il en soit, il est important de comprendre qu'il est tout simplement impossible de réglementer une plateforme comme YouTube sans réglementer également le contenu généré par les créateurs. C'est comme promettre de ne pas réglementer les livres tout en réglementant ce qui peut être vendu dans les librairies. Par conséquent, le paragraphe 3(7) du projet de loi stipule que les plateformes en ligne doivent « clairement mettre en valeur et recommander la programmation canadienne », mais qu'est‑ce que la programmation canadienne?
Nous savons, d'après le précédent de la télévision, que le simple fait qu'une œuvre soit produite par un Canadien n'est pas suffisant pour le CRTC. Il faut également tenir compte de la nationalité de tous les acteurs, des éditeurs aux musiciens en passant par les artistes des effets visuels. Un budget détaillé est attendu, et le thème et le sujet du projet doivent être expliqués. Le site Web du CRTC contient un nombre incalculable de formulaires que les producteurs de télévision doivent remplir pour faire certifier leur travail comme étant officiellement canadien et donc digne d'être mis en valeur sur les ondes fortement réglementées du Canada.
La plupart des youtubeurs canadiens craignent fort que cela pourrait bientôt être notre sort également. Étant donné les vastes pouvoirs du CRTC, que le projet de loi C-11 élargit pour inclure les plateformes numériques, la communauté canadienne des youtubeurs a raison de craindre que le succès continu de ses chaînes dépende bientôt de sa capacité de produire un contenu suffisamment canadien pour obtenir l'appui du gouvernement.
Ce qui est encore plus inquiétant, c'est que l'article 9.1 du projet de loi dit que le CRTC peut dicter « la proportion des émissions qui doivent être consacrées à des genres particuliers » sur les plateformes numériques. Étant donné que les youtubeurs font des vidéos de tous les genres imaginables, de la mise en forme à l'architecture en passant par les commentaires politiques, il est franchement terrifiant d'imaginer que le gouvernement pourrait bientôt décider quels genres de vidéos méritent d'être davantage mis en valeur que d'autres.
En résumé, quiconque est fier du succès extraordinaire des Canadiens sur YouTube devrait être profondément préoccupé par les dommages que le projet de loi C‑11 pourrait causer à leur gagne-pain.
Je crains également que les rêves de la prochaine génération de youtubeurs canadiens ne deviennent moins réalisables une fois qu'ils seront forcés de surmonter les nouveaux obstacles réglementaires intimidants que ma génération n'a pas rencontrés. Par‑dessus tout, je crains les dommages qui seront causés à l'héritage du Canada en tant que chef de file mondial de l'entrepreneuriat culturel, une fois que nos créateurs en ligne seront forcés de produire un contenu strictement nationaliste sous la contrainte afin de gagner la faveur d'un gouvernement qui refuse de reconnaître ce que nous avons accompli par nous-mêmes.
Je m'appelle Hélène Messier, la présidente-directrice générale de l'Association québécoise de la production médiatique, l'AQPM.
L'AQPM conseille, représente et accompagne plus de 160 entreprises québécoises de production indépendante qui œuvrent dans les domaines du cinéma, de la télévision et du Web. En effet, les membres de l'AQPM produisent également du contenu destiné aux plateformes en ligne, comme des documentaires ou des séries Web. À ce titre, bon nombre d'entre eux sont donc aussi des créateurs de contenus originaux numériques.
Le 1er février 2021, j'ai comparu devant le Comité permanent du patrimoine canadien afin de parler de l'importance et de l'urgence d'adopter le projet de loi C‑10. Un an plus tard, je réitère le même message à propos du projet de loi C‑11.
Où en sommes-nous un an plus tard? La production canadienne nationale et la production québécoise sont toutes deux en décroissance. On produit de moins en moins de contenu canadien au Canada. En effet, 58 % des dépenses dans le secteur audiovisuel canadien sont désormais le fait de compagnies dont le siège social est basé à l'extérieur du Canada.
Les entreprises de production indépendantes comptent désormais pour 31 % du volume de production — c'était 35 % l'an dernier —, et les productions internes des diffuseurs, essentiellement des émissions d'information, d'affaires publiques ou de sports, en représentent 11 %.
Certains diront que c'est très bien que le Canada soit une terre d'accueil pour les entreprises étrangères, mais cela provoque une perte de propriété intellectuelle pour les entreprises canadiennes et des pertes d'emplois pour les créateurs et les comédiens d'ici.
Abdiquer notre capacité à créer, à produire, à mettre en valeur et à diffuser nos contenus culturels au profit d'intérêts étrangers, c'est comme si nous acceptions que des compagnies étrangères viennent exploiter 58 % de nos terres agricoles, selon leurs propres normes, et qu'elles contrôlent la commercialisation des céréales, des fruits et des légumes, tout en nous les revendant à profit. De plus, on les remercierait des emplois qu'ils auraient créés. C'est ce que vient corriger le projet de loi C‑11 en donnant au CRTC les outils nécessaires afin d'encadrer l'ensemble des acteurs qui choisissent de faire affaire au Canada.
Les services de diffusion en ligne occupent un espace qui ne cesse de croître dans l'écosystème de la radiodiffusion. Au Québec, 70 % des adultes francophones sont abonnés à au moins un service de vidéo sur demande, Netflix occupant la première place du palmarès. Dans le marché francophone, chez les personnes de 18 à 34 ans, l'écoute du contenu en ligne sur demande a supplanté celle de la télévision traditionnelle. Chez les personnes de 18 à 24 ans, l'écoute de YouTube représente près de huit heures par semaine, alors que TikTok est désormais l'une des plateformes les plus fréquentées par les plus jeunes et a connu une croissance de 55 % dans la dernière année. La plateforme TikTok est même devenue un partenaire officiel du Festival de Cannes, cette année, et a créé pour l'événement un concours de fictions courtes de moins de trois minutes auquel ont participé des cinéastes tant expérimentés qu'émergents. Cette situation était inimaginable il y a seulement un an.
Utiliser les médias sociaux pour diffuser du contenu audiovisuel original et professionnel, et ainsi rejoindre des publics qui désertent les médias traditionnels, est un phénomène qui va aller en s'amplifiant. Il est donc essentiel que le projet de loi C‑11 permette au CRTC d'inclure dans son champ de compétence tant les entreprises de visionnement continu sur abonnement, comme Netflix et illico, que les entreprises de médias sociaux, comme YouTube, Facebook et TikTok.
Il est également important que les entreprises qui fournissent des services Internet et de téléphonie mobile soient incluses dans le projet de loi, afin que le CRTC puisse éventuellement déterminer comment elles pourraient contribuer à la création et à la présentation des contenus canadiens. Pour le moment, ces entreprises sont totalement exclues de l'application de la loi. Pourtant, elles jouent un rôle important dans l'écosystème, non seulement en permettant la diffusion et la distribution des contenus, mais également en offrant un accès privilégié à certaines plateformes de diffusion. Ainsi, les abonnés de Telus obtiennent un accès gratuit à ICI TOU.TV Extra; ceux de Vidéotron ont le même privilège, pendant trois mois, pour les plateformes Vrai et Club illico; et Bell Média et Rogers offrent des forfaits similaires pour Crave ou Disney+.
(1740)
L'AQPM propose également certains autres amendements pour le secteur audiovisuel, qui sont le fruit d'une collaboration avec la Coalition pour la diversité des expressions culturelles ou avec la Canadian Media Producers Association et l'Alliance des producteurs francophones du Canada. Je vous en parlerai peut-être un peu plus tard. Sinon, je vous ferai parvenir ces amendements.
Madame la présidente, honorables membres du Comité, je vous remercie de nous entendre aujourd'hui.
Bell est le plus grand radiodiffuseur au Canada. Nous offrons divers services de diffusion en anglais et en français partout au pays.
Nous appuyons le projet de loi C‑11 et demandons son adoption rapide. Cette loi est attendue depuis longtemps. Le projet de loi commence à équilibrer les règles du jeu entre nous et nos concurrents étrangers, ce qui est important pour le système de radiodiffusion canadien.
Cela dit, le projet de loi peut et doit être amélioré. En termes clairs, le projet de loi ne reconnaît pas correctement l'apport central des radiodiffuseurs canadiens dans notre propre système de radiodiffusion. Après tout, il s'agit de la Loi sur la radiodiffusion. À ce jour, les discussions, y compris celles qui se sont déroulées dans le cadre de l'étude du projet de loi C‑10, ont traité d'importants problèmes, mais ont aussi presque complètement ignoré les besoins nécessaires au succès des radiodiffuseurs nationaux.
Dans sa forme actuelle, le projet de loi C‑11 n'encourage pas expressément les fournisseurs de contenu étranger à travailler en partenariat avec les radiodiffuseurs canadiens.
Cela doit changer. Laissez-moi vous expliquer pourquoi.
[Traduction]
Par le passé, les radiodiffuseurs canadiens ont toujours pu prospérer en diffusant des émissions américaines qui plaisent au public canadien et génèrent d'importants revenus publicitaires et d'abonnement. Cet argent peut ensuite être utilisé pour financer la création, la production et la présentation de contenu canadien.
Chez Bell Canada seulement, nous dépensons 1 milliard de dollars par année pour des productions canadiennes, aussi bien pour nous que pour des producteurs indépendants. Ces dépenses comprennent notamment les nouvelles locales, nationales et internationales qui offrent un point de vue canadien unique sur les événements qui se déroulent ici et partout dans le monde.
Permettez-moi d'être claire: tout ce que nous pouvons accomplir comme radiodiffuseurs canadiens est directement lié aux profits que nous générons grâce à l'accès à du contenu étranger. Sans cela, nous ne pouvons tout simplement pas poursuivre nos activités. Nous avons obtenu cet accès par l'intermédiaire d'un régime de réglementation qui l'a permis.
Comment le régime de réglementation a‑t‑il permis cela? Grâce à des décisions réglementaires audacieuses qui ont été prises, il y a plus de 50 ans pour tirer parti de la puissance d'Hollywood pour le bien du Canada. Ces mesures créatives placent les radiodiffuseurs canadiens au cœur de l'écosystème de radiodiffusion.
Les règles d'octroi de licence exigeaient des partenariats entre les radiodiffuseurs étrangers et canadiens, créant ainsi des exemples de réussite comme Discovery Canada, un partenariat entre Bell Média et Discovery. Un autre exemple est celui des règles de substitution simultanée grâce auxquelles les radiodiffuseurs pouvaient monétiser toutes les cotes d'écoute au Canada et générer des revenus qui pouvaient être intégrés aux nouvelles et aux émissions canadiennes. Ces solutions n'étaient pas forcément évidentes. Il a fallu la vision et la ténacité de vos prédécesseurs pour donner vie à notre écosystème.
Soyons clairs. Aujourd'hui, ces règles ne fonctionnent plus. Notre accès aux émissions américaines populaires est de plus en plus difficile et coûteux. Les radiodiffuseurs étrangers créent une surenchère des coûts d'acquisition du contenu. Plus préoccupant encore: les principaux studios américains ont mis fin à leur collaboration avec les radiodiffuseurs nationaux ou sont sur le point de le faire. Disney+ et Paramount+ utilisent déjà leurs propres plateformes de diffusion en continu pour joindre directement les Canadiens. D'autres entreprises comme HBO ont lancé leurs propres plateformes de services par contournement aux États-Unis et pourraient encore choisir de le faire au Canada. Comme il est possible pour ces plateformes de communiquer directement avec les Canadiens au moyen de services par contournement, elles commencent à refuser de nous vendre leur contenu.
Pourquoi est‑ce grave? C'est grave parce que cette façon de faire met en danger tout ce que nous faisons. Et en utilisant « nous », je parle de tous les radiodiffuseurs canadiens. Les radiodiffuseurs canadiens produisent des nouvelles canadiennes qui sont tout simplement essentielles à notre culture, à la protection de notre démocratie et à notre souveraineté nationale. Mais ne nous leurrons pas, l'écosystème canadien de radiodiffusion entier est financé par les profits générés par le contenu étranger. Nous ne pouvons pas nous attendre à ce que les radiodiffuseurs continuent de produire et de soutenir le contenu canadien comme ils le font sans avoir accès à ce contenu étranger et sans avoir à s'associer avec des joueurs étrangers.
Nous pouvons assurer le rôle central des radiodiffuseurs canadiens en assurant l'accès au contenu étranger. Nous pouvons aussi encourager les diffuseurs étrangers à s'associer à des radiodiffuseurs canadiens, comme c'est le cas pour les fournisseurs de services linéaires étrangers depuis des décennies. Nous sommes d'avis que le projet de loi C‑11 devrait permettre explicitement cette association. C'est pourquoi nous proposons aujourd'hui deux modifications importantes aux articles 3 et 5 de la Loi.
Enfin, nous tenons à vous informer que nous appuyons les modifications proposées par l'ACR et Unifor. Vous trouverez un exemple de ces modifications, ainsi que les nôtres aux articles 3 et 5 de la Loi, dans le mémoire que nous avons envoyé à la greffière.
Je vous remercie de nous donner l'occasion de présenter notre point de vue. Nous serons ravis de répondre à vos questions.
Je m'appelle Joan Jenkinson. Je suis la directrice exécutive du Bureau de l'écran des Noirs, une association de défense des intérêts sans but lucratif et non partisane.
Notre mission est de rendre les industries canadiennes de l'écran équitables et exemptes de racisme contre les Noirs et de donner aux Canadiens noirs qui travaillent dans l'industrie des écrans les moyens de s'épanouir et de diffuser leurs récits.
L'ASF a été fondée à l'automne 2020 avec l'appui de Téléfilm Canada et du Fonds des médias du Canada en réponse à la sensibilisation croissante des Canadiens à la nécessité de prendre des mesures pour lutter contre le racisme envers les Noirs. D'ici cet automne, l'ASF aura publié trois études. L'une d'elles porte sur la création de contenu authentique et inclusif. Un deuxième rapport sera le tout premier sondage d'opinion fondé sur la race au Canada. Un troisième rapport est une étude exhaustive du marché du travail portant sur les professionnels noirs dans l'industrie canadienne des écrans. Nous soutenons également les producteurs et les créateurs noirs grâce à des incubateurs de contenu, en créant des pipelines vers des rôles décisionnels dans le secteur et en participant aux festivals et marchés internationaux du film. Nous travaillons avec des partenaires de l'industrie pour financer les créateurs de contenu noir.
Je vous remercie d'avoir invité l'ASF à vous parler aujourd'hui du projet de loi C‑11, le projet de loi modifiant la loi sur la radiodiffusion. L'ASF appuie le mémoire que le Racial Equity Media Collective a présenté au Comité en proposant des modifications au projet de loi. Nous sommes d'accord avec d'autres pour dire qu'il faut s'assurer que tous les acteurs qui travaillent au sein du système canadien de radiodiffusion, qui se font concurrence pour les auditoires canadiens et qui en tirent des revenus, y contribuent également. Cependant, le projet de loi pourrait être amélioré grâce à quelques modifications corrélatives.
Les Canadiens de tous les horizons n'ont pas eu accès, au sein du système canadien de radiodiffusion, à une programmation qui reflète véritablement la diversité de notre pays. Les modifications proposées dans le projet de loi C‑11 accorderont la priorité à une plus grande équité et à une plus grande inclusion. Nous sommes heureux que le projet de loi C‑11 fasse référence aux besoins et aux intérêts des Canadiens racisés, mais nous demandons que le mot « racisés » soit remplacé par « noirs et racisés ». Nous demandons cet amendement parce qu'il reconnaît que les Canadiens noirs sont traditionnellement plus opprimés et que les obstacles à leur inclusion sont plus grands que pour les autres Canadiens racisés.
Par exemple, dans l'enquête de Statistique Canada de 2019, 45 % des Canadiens noirs ont indiqué avoir été victimes de discrimination au cours des cinq dernières années, comparativement à 27 % des autres minorités visibles. Cette discrimination peut se manifester dans les secteurs de l'éducation, des soins de santé, de l'emploi, du logement et, oui, de l'industrie canadienne des écrans. Il faut une stratégie ciblée pour éliminer ces obstacles systémiques et lutter contre le racisme envers les Noirs. En regroupant les Canadiens noirs avec tous les autres Canadiens racisés, on risque d'adopter des politiques et des règlements qui ne tiennent pas compte des besoins et des défis particuliers des communautés noires.
J'aimerais également revenir sur les commentaires que j'ai entendus au Comité selon lesquels les Canadiens sous-représentés ont accès à des plateformes non réglementées, comme YouTube, pour le contenu qui les reflète. J'aimerais savoir pourquoi les Canadiens noirs devraient être limités au contenu généré par les utilisateurs et au contenu de courte durée que l'on trouve sur YouTube et TikTok, et ne pas avoir accès à des histoires de plus longue durée que l'on peut trouver dans les séries dramatiques, les sitcoms et les documentaires qui reflètent leur vie, leurs expériences et leurs intérêts.
Il est vrai que les Canadiens noirs ont accès à du contenu américain et britannique créé par des scénaristes, des réalisateurs et des producteurs noirs, mais ce contenu ne reflète pas l'expérience des Canadiens noirs. C'est important. Les communautés noires canadiennes sont incroyablement plus diversifiées que les communautés afro-américaines. Nous sommes des communautés de la Nouvelle-Écosse et du Sud de l'Ontario qui sont plus vieilles que le Canada, des communautés plus récentes composées de gens des Caraïbes et des communautés plus récentes originaires d'Afrique. À quelques exceptions près, les nombreuses histoires de ces différentes communautés ne sont pas racontées.
(1750)
Pourquoi ne peut‑il pas y avoir des Canadiens noirs ordinaires dans des comédies romantiques, des comédies de situation, des séries de science-fiction, des émissions pour enfants et des documentaires?
Le Bureau de l'écran des Noirs attend avec impatience l'adoption rapide du projet de loi C‑11, avec les modifications proposées et les procédures subséquentes du CRTC qui créeront un cadre réglementaire qui appuiera la création, la prestation et la promotion d'une programmation canadienne qui reflète la vie et les expériences des Canadiens noirs.
Bonjour, madame la présidente et membres du Comité.
Je m'appelle Reynolds Mastin et je suis président et chef de la direction de la Canadian Media Producers Association. La CMPA représente plus de 600 entreprises canadiennes qui produisent des émissions canadiennes.
Je suis accompagné aujourd'hui de Catherine Winder, membre du conseil d'administration de la CMPA et PDG de la maison de production de Vancouver, Wind Sun Sky Entertainment. Mme Winder a bâti une carrière prolifique en tant qu'adaptatrice multiplateforme de propriété intellectuelle, avec des projets comme Star Wars, The Angry Birds Movie et Invincible, pour n'en nommer que quelques-uns. Merci de nous avoir invités à comparaître aujourd'hui.
La CMPA appuie l'adoption du projet de loi C‑11. La modernisation de notre cadre de réglementation de la radiodiffusion est essentielle pour maintenir notre souveraineté nationale, promouvoir la diversité des voix dans notre système et servir les auditoires canadiens.
Pour votre gouverne, nous proposons trois amendements au projet de loi.
Le premier amendement contribuerait à faire en sorte que les Canadiens soient les propriétaires des histoires canadiennes, c'est‑à‑dire de la propriété intellectuelle et de tous les droits qui constituent la propriété d'une émission canadienne.
Malheureusement, ce n'est pas ce qui se passe aujourd'hui. Lorsqu'un géant du Web étranger commande une émission à un producteur canadien, même si, sur le papier, le producteur conserve les droits d'auteur, les ententes sont structurées de telle sorte que les droits et les bénéfices financiers sont censés être cédés. Cela a pour résultat que la plupart, sinon la totalité, des revenus de l'émission sont siphonnés par Hollywood pendant toute la durée de vie de la propriété.
Une mise à jour de la Loi sur la radiodiffusion garantirait que les Canadiens profiteraient du succès de leur propriété intellectuelle. En évaluant la définition d'une émission canadienne, le projet de loi devrait enjoindre le CRTC de tenir compte de la mesure dans laquelle les Canadiens sont effectivement propriétaires de l'ensemble de la propriété intellectuelle de cette émission. À l'appui de cet objectif, le CRTC évaluera dans quelle mesure les diffuseurs en ligne et les radiodiffuseurs collaborent avec des producteurs canadiens indépendants.
Lorsque les producteurs canadiens détiennent les droits de leur propre PI, ils réinvestissent les revenus qui en découlent dans l'embauche de talents canadiens et dans le développement de la prochaine grande émission canadienne. Lorsque les Canadiens possèdent leur propre PI, cela signifie également que c'est à eux de décider qui raconte nos histoires, où et comment elles sont racontées. En termes simples, la propriété de la PI canadienne par les Canadiens est une affirmation de notre souveraineté nationale.
Notre deuxième amendement vise à assurer un équilibre sain dans notre système de radiodiffusion en exigeant des négociations équitables entre les acheteurs et les vendeurs de contenu. Le volet acheteur de notre système est actuellement concentré entre les mains des géants étrangers du Web, ainsi que des entreprises de télécommunications canadiennes intégrées verticalement. Ces acheteurs conservent un avantage démesuré dans les négociations avec les producteurs canadiens. La raison en est simple. Ils comptent parmi les plus grandes entreprises du Canada, et parfois même, de la planète, tandis que les producteurs canadiens sont majoritairement de petites et moyennes entreprises.
Compte tenu de tout ce qui joue contre eux, la plupart des producteurs sont contraints d'accepter le paiement initial « à prendre ou à laisser ». Cela signifie qu'avec peu de moyens de pression pour négocier une propriété significative pour l'ensemble des droits associés à leur PI, les producteurs risquent de ne pas pouvoir réaliser leurs émissions.
Des changements sont nécessaires pour corriger ce déséquilibre du marché. Le projet de loi devrait faire en sorte que le CRTC ait le pouvoir d'exiger et de faire respecter les modalités commerciales entre ces acheteurs et les producteurs canadiens indépendants.
Ce n'est pas une solution nouvelle. En 2003, le Royaume-Uni a adopté des modalités commerciales dans sa propre loi sur les communications. Moins d'une décennie plus tard, la valeur du secteur de la production indépendante du Royaume-Uni avait presque triplé. En fait, cet outil a connu un tel succès que le gouvernement du Royaume-Uni a récemment annoncé qu'il maintiendrait et moderniserait les modalités commerciales. Compte tenu de son succès, non seulement au Royaume-Uni, mais aussi en France et en Allemagne, nous sommes convaincus que l'adoption d'une modification des modalités commerciales dans le projet de loi C‑11 aurait des résultats similaires au Canada.
Notre troisième et dernier amendement consisterait à éliminer une échappatoire législative qui exclut de façon générale les fournisseurs de services de télécommunications de l'application de la Loi sur la radiodiffusion. Cette inclusion n'a plus de sens à une époque où les fournisseurs de services Internet et les services sans fil jouent un rôle de plus en plus important dans notre système de radiodiffusion.
Aujourd'hui, les Canadiens regardent du contenu sur leur téléphone, leur tablette, leur ordinateur portable et, oui, dans leur salon, sur leur téléviseur, mais ces téléviseurs diffusent de plus en plus des émissions sur Internet. Le CRTC devrait avoir la capacité de déterminer si et comment les fournisseurs de services de télécommunications pourraient contribuer à la création d'émissions canadiennes, et les orientations stratégiques devraient enjoindre au CRTC de le faire d'une manière qui protège les consommateurs et respecte le principe selon lequel ceux qui profitent de notre système devraient y contribuer.
En terminant, nous félicitons le gouvernement d'avoir présenté le projet de loi C‑11 et nous serons heureux de répondre à vos questions.
Merci. Je vais maintenant vous dire bonsoir, madame la présidente.
Honorables membres du Comité, je vous remercie de m'avoir invitée à m'adresser à vous aujourd'hui.
J'ai eu le plaisir de rencontrer certains d'entre vous avant l'arrivée de ce projet de loi au Comité, mais pour ceux que je n'ai pas encore rencontrés, je m'appelle Marla Boltman et je suis la nouvelle directrice générale de Les Amis.
Nous avons plus de 360 000 sympathisants, des citoyens canadiens d'un océan à l'autre, qui défendent fièrement la culture canadienne dans les domaines du cinéma, de la télévision, de la musique et du journalisme, dans tous les domaines et partout où nous pouvons partager nos histoires, ici et à l'étranger.
Bien que je sois nouvelle au sein de l'organisation, j'ai des antécédents en droit de la production de contenu et du divertissement, que j'ai utilisés pendant plus de 20 ans pour aider à promouvoir les intérêts de ceux qui travaillent dans les industries culturelles canadiennes.
La dernière fois que mon organisation a comparu devant vous pour parler du projet de loi C‑10, notre nom était Friends of Canadian Broadcasting. Aujourd'hui, nous nous appelons plus simplement Les Amis. C'est tout à fait approprié, car je ne suis pas ici uniquement pour parler de radiodiffusion. Je suis également ici en tant qu'amie de la narration canadienne et de la souveraineté culturelle du Canada, qui seront toutes deux touchées par les travaux de votre comité quand ce projet de loi sera adopté. Je dis « quand » parce que je veux dire clairement et sans équivoque que, même si ce n'est pas parfait, nous appuyons l'adoption du projet de loi C‑11 et nous croyons qu'il peut être amélioré avec quelques amendements mineurs.
L'une des imperfections du projet de loi réside dans son silence quant à la réalisation du mandat de CBC. Nous sommes très déçus, mais il est clair qu'une conversation sur la modernisation du radiodiffuseur public de notre pays nécessite une attention plus particulière, ce que le gouvernement s'est engagé à faire au moyen du projet de loi C‑18, que nous accueillons favorablement.
Entretemps, je ne veux pas utiliser ces quelques minutes pour donner à ceux qui voudraient que ce projet de loi soit bloqué d'autres raisons de s'arrêter, de tergiverser, de ne rien faire, parce que si nous ne faisons rien, les décisions concernant comment nos histoires seront racontées, qui pourra les raconter et comment les auditoires canadiens y auront accès seront toutes prises par les géants technologiques étrangers, les entreprises multimilliardaires qui s'écrasent sur notre canapé culturel depuis près d'une décennie et qui ne paient rien pour les structures et les systèmes qui permettent aux Canadiens de raconter leurs propres histoires.
Avec l'adoption du projet de loi C‑11, notre pays enverra enfin un avis attendu depuis longtemps à ces géants technologiques étrangers pour leur dire que leur loyer est dû, mais nous ne pouvons pas nous arrêter là. Le projet de loi C‑11 doit accorder la priorité à la propriété et au contrôle canadiens de notre système de radiodiffusion ainsi qu'au contenu créé pour le desservir. Si ce n'est pas le cas, ces entreprises ne nous paieront pas un loyer équitable pour l'utilisation de notre maison. Leurs contributions pourraient simplement équivaloir à un acompte sur un système de radiodiffusion qu'elles pourraient éventuellement posséder et contrôler.
Notre amendement à l'alinéa 3(1)a) proposé, que nous présentons conjointement avec la Coalition pour la diversité des expressions culturelles, vise à régler cette question de propriété et de contrôle. Dans sa forme actuelle, le libellé de l'alinéa 3(1)a) proposé constitue un recul massif de la politique publique canadienne. Si nous n'appuyons pas nos propres médias et si nous ne les privilégions pas par rapport aux médias étrangers, au bout du compte, nous nous retrouverons sans aucun média canadien.
Nous n'avons qu'à regarder l'effondrement du secteur canadien des nouvelles locales pour avoir un aperçu de ce qui s'en vient si nous ne prenons pas soin de nos institutions médiatiques, et c'est pourquoi l'amendement suggéré par Les Amis au paragraphe 11.1(1) proposé, qui porte sur les exigences en matière de dépenses, peut jeter les bases d'un secteur des nouvelles locales plus fort et plus viable. Cela aiderait à faire en sorte que les compressions que nous avons vues dans les journaux locaux partout au Canada ne commencent pas à toucher la radio et la télévision locales et que les radiodiffuseurs aient les ressources nécessaires pour maintenir une couverture locale de qualité.
En terminant, j'aimerais rappeler au Comité que la modernisation de la loi sur la radiodiffusion ne vise pas seulement à protéger l'industrie et les emplois. C'est ce que veulent les Canadiens qui ont envoyé un message clair à Ottawa, à savoir que les plateformes de diffusion en continu devraient contribuer à la narration de récits canadiens et nous raconter nos histoires. Ils pensent que c'est juste et nous sommes d'accord.
Je vous remercie de votre temps et de votre attention à l'égard de cette question extrêmement importante.
Le Centre pour la défense de l'intérêt public définit l'intérêt des consommateurs à l'égard de la radiodiffusion comme étant le fait de veiller à ce que les consommateurs bénéficient d'un accès à une vaste gamme d'émissions dans un système de radiodiffusion qui offre un choix à un prix abordable.
Contrairement à ce qui se passait en 1991, les consommateurs paient maintenant pour presque toutes les émissions, que ce soit avec de l'argent ou des renseignements personnels, y compris leurs abonnements en ligne, la télévision par câble et la vidéo sur demande, livrés par une EDR ou par Internet. Les consommateurs sont maintenant un intervenant clé dans ce débat. Nous sommes tout aussi importants pour les créateurs, les plateformes et les producteurs.
Nous croyons que les Canadiens sont généralement d'accord pour que les exigences de soutien financier du contenu canadien soient étendues aux services en ligne comme Netflix ou Amazon Prime, et même aux plateformes de médias sociaux comme YouTube et Facebook, lorsqu'ils sont utilisés comme distributeurs d'émissions.
Cependant, le projet de loi accorde au CRTC le pouvoir discrétionnaire de fixer les obligations financières et éventuelles des entreprises en ligne inscrites, peu importe leur taille ou leur type, à condition qu'elles distribuent des émissions, ce qui est excessif. Pour régler ce problème, nous appuyons un amendement au projet de loi visant à exempter des conditions financières et autres les petites entreprises en ligne se situant en dessous d'un seuil de revenu canadien élevé, peut-être 150 millions de dollars. Ce seuil n'aurait aucune incidence sur l'inscription ou les exigences en matière d'information.
Les consommateurs résistent naturellement à l'insertion du contenu canadien dans les lectures automatisées ou les suggestions algorithmiques de plateformes comme YouTube, et les créateurs numériques craignent que de tels outils de découvrabilité se retournent contre eux et réduisent leur auditoire.
Le CDIP croit que le problème du contenu généré par l'utilisateur peut être réglé en redéfinissant la « découvrabilité » non pas comme un seul, mais comme deux concepts, soit la découvrabilité statique et la découvrabilité dynamique.
La seule nouvelle exigence obligatoire du projet de loi C‑11 en matière de politique de radiodiffusion est le nouvel alinéa 3(1)r), qui se lit comme suit:
les entreprises en ligne doivent clairement mettre en valeur et recommander la programmation canadienne, dans les deux langues officielles ainsi qu'en langues autochtones, et veiller à ce que tout moyen de contrôle de la programmation génère des résultats permettant sa découverte;
De toute évidence, la découvrabilité est essentielle pour les rédacteurs et doit demeurer sous une forme ou une autre. Cet objectif politique impose à la fois la découvrabilité statique et la découvrabilité dynamique. La première moitié pourrait être satisfaite par une bannière publicitaire sur YouTube qui établit simplement un lien, en un clic, avec le contenu canadien sélectionné. C'est statique. C'est discret et les consommateurs ne s'y opposeront probablement pas, mais cela a quand même clairement pour effet de mettre en valeur et de recommander le contenu canadien.
La deuxième moitié du nouvel objectif stratégique est dynamique. Il faut des outils de prévision de l'intelligence artificielle pour insérer une vidéo ou une chanson de contenu canadien dans la fonction de lecture automatique d'un utilisateur ou pour suggérer des liens de façon dynamique. C'est intrusif et perturbe les attentes et l'expérience de l'utilisateur. Cela va trop loin pour atteindre l'objectif de « mettre en valeur et recommander » le contenu canadien. C'est encore plus intrusif que les exigences d'exposition imposées aux radiodiffuseurs traditionnels, parce que le monde en ligne est un monde d'abondance et de choix pour les consommateurs, et non de rareté, où l'exposition obligatoire est plus logique.
Les créateurs qui privilégient le numérique craignent, à juste titre, que l'exigence du projet de loi d'utiliser la découvrabilité dynamique ne se retourne contre eux et ne diminue l'importance de leur contenu et l'engagement des utilisateurs à son égard. Les utilisateurs canadiens qui sont involontairement exposés à des liens de découvrabilité les éviteront ou réagiront négativement, signalant ainsi à l'IA à l'échelle mondiale et au Canada qu'il faut rétrograder le contenu.
La solution consiste à n'exiger que des outils statiques de découvrabilité et à exiger que tout créateur de contenu canadien qui souhaite que son contenu soit mis en valeur, même par découvrabilité statique, s'adresse à une nouvelle autorité d'autorisation du contenu canadien, probablement le CRTC. Cela permettra aux créateurs qui privilégient le numérique de continuer à fonctionner sans être touchés par tout ce régime, ce que le CDIP croit qu'ils veulent, ou de mettre leur contenu en valeur uniquement grâce à la découvrabilité statique.
Le CDIP recommande de modifier l'alinéa 3(1)r) proposé pour supprimer les 15 derniers mots, de sorte que le CRTC soit tenu de satisfaire à l'exigence du projet de loi en matière de possibilité de découverte au moyen d'outils statiques seulement.
Je me ferai un plaisir de répondre à vos questions. Merci.
Nous allons maintenant passer à la période des questions.
Nous allons commencer par une période de questions et réponses de six minutes pour chacun des partis qui siègent à ce comité. Les six minutes comprennent les questions et les réponses. Je demanderais donc à tous d'être brefs afin que je n'aie pas à vous interrompre. Cela vous permettra d'approfondir certaines choses que vous n'avez peut-être pas eu le temps de dire dans votre déclaration préliminaire.
Nous allons commencer par le Parti conservateur et M. Waugh.
Je dois révéler à BCE que j'ai travaillé pour cette entreprise pendant près de 40 ans. Je vais commencer par vous.
Alors que, pendant plus de 30 ans, vous avez gagné des millions de dollars avec des productions américaines, je trouve étonnant que vous puissiez venir nous dire ici que d'autres joueurs limitent votre accès aux productions américaines et que vous êtes maintenant évincés.
Live with Kelly and Ryan, The View, Dr Phil, The Big Bang Theory, Ellen, American Ninja Warrior, Weakest Link, The Daily Show, The Late Show, Young Sheldon, le football de la NFL — combien payez-vous aujourd'hui pour les émissions américaines diffusées sur vos stations partout au Canada par CTV?
Ma question s'adresse à M. Daniels ou à Mme Moses.
Je vais céder la parole à Mme Moses pour qu'elle réponde à votre question sur ce que nous payons aujourd'hui. Nous payons très cher pour la programmation américaine. Nous ne le nions pas. Vous dites que c'est étonnant, mais c'est notre modèle d'affaires. Selon ce modèle, nous payons très cher pour la programmation américaine, et nous répondons ensuite aux exigences réglementaires pour l'intégrer au contenu canadien, y compris les nouvelles.
Si vous regardez ce que nous faisons, cela consiste à réunir les deux ensemble. Nous pouvons monétiser notre contenu américain en établissant des partenariats avec les Américains d'une manière qui est rentable tant pour nous que pour eux, qui sont les propriétaires de contenu. Le problème est qu'ils voient maintenant la possibilité de nous exclure. Ce n'est pas seulement nous. Je parle de tous les radiodiffuseurs canadiens.
Par conséquent, le genre de choses que vous pouvez associer à notre production, y compris les émissions canadiennes, dont vous n'avez pas donné la liste, mais je peux demander à Mme Moses d'énumérer tous nos exemples... En voyant tous ces exemples, demandez-vous si nous allons continuer à produire cela...? Surtout en ce qui concerne les nouvelles, qui va les produire si nous n'avons pas un modèle qui garantit que les radiodiffuseurs canadiens ont toujours un rôle à jouer?
C'est un bon point, parce que l'an dernier, vous avez fermé TSN Radio sur trois marchés, en quelques secondes, puis vous êtes passés aux chaînes de comédie. Vous l'avez fait partout au pays, à partir de Vancouver. Vous détenez plusieurs stations de radio qui sont visées par le projet de loi C‑11. C'est un manque de respect envers les auditeurs de TSN Radio, dont vous êtes propriétaires dans les marchés de Vancouver et d'ailleurs. Vous avez fermé la station de Hamilton du jour au lendemain et vous êtes passés aux chaînes de comédie sans que le CRTC ait son mot à dire sur les licences. Vous l'avez fait, tout simplement. Des gens ont perdu leur emploi et ont été escortés en dehors de l'immeuble. C'est ce que nous constatons.
Oui, je vais vous féliciter pour les nouvelles canadiennes. Vous avez dépassé vos obligations dans la plupart des marchés. Vous les diffusez le matin, à midi, à sept heures et tard le soir dans de nombreux marchés, alors je vous en félicite. Vous avez dépassé les heures requises par le CRTC pour la couverture des nouvelles.
En même temps... Vous pouvez parler de production canadienne, mais je vois très peu de production canadienne entre 19 et 22 heures, c'est‑à‑dire aux heures de grande écoute. Je vois The Big Bang Theory de façon répétitive la nuit. Cela revient trois ou quatre fois.
Pouvons-nous voir des productions canadiennes dans le créneau de 19 à 22 heures pour promouvoir la culture canadienne, de façon à ce que vous n'ayez pas à aller à Los Angeles pour acheter ces émissions de concurrents étrangers auxquels vous êtes maintenant confrontés, des grands diffuseurs étrangers dont vous venez de parler? Y a‑t‑il un espoir que la programmation canadienne de 19 à 22 heures puisse rivaliser avec d'autres émissions, en dehors de la LNH?
Oui, il y a certainement de l'espoir. Comme nous l'avons mentionné, nous investissons 1 milliard de dollars par année dans le contenu canadien. En ce moment même, nous avons plus de 150 projets en cours avec 75 producteurs indépendants ici, au Canada, pour développer des projets canadiens. Si nous regardons notre horaire aux heures de grande écoute... Je ne pense pas que le débat devrait porter sur l'horaire de diffusion, mais plutôt sur ce que les Canadiens veulent regarder et quand, et sur quelles plateformes. C'est vers cela que tendent nos efforts.
Vous avez cité beaucoup de titres d'émissions américaines, mais nous avons beaucoup d'émissions canadiennes. Nous avons Children Ruin Everything, Canada's Drag Race, Transplant et Cardinal. Nous avons de nombreuses émissions, au Québec, qui sont produites par nos producteurs québécois. Quatre-vingt-quinze pour cent de notre grille de programmation au Québec a un contenu canadien. Au Canada anglais, c'est en croissance.
L'un de nos impératifs stratégiques est de développer de plus en plus le contenu canadien. Oui, nous investissons dans le contenu canadien.
Comment va Crave? Quand j'étais chez Bell et qu'un service de diffusion en continu comme Netflix est arrivé sur le marché, Bell disait à l'époque: « Nous n'avons rien à craindre. Ce sont seulement des diffuseurs en continu. Ils ne vont pas nous nuire. » Vous avez lancé Crave, vous l'avez ensuite fermée, puis vous l'avez lancée de nouveau.
Comment va Crave maintenant? Si vous voulez parler des nouveaux médias, c'est‑à‑dire la diffusion en continu, avez-vous investi de l'argent dans Crave et dans des émissions canadiennes sur Crave? Si oui, combien avez-vous investi dans Crave?
Nous avons de nombreuses émissions canadiennes sur Crave. Nous ne l'avons jamais fermée. Crave a été lancée il y a de nombreuses années, et a toujours existé depuis. En fait, nous avons fait croître Crave parce que nous y avons inclus du contenu canadien-français. Nous avons plus de 6 000 heures de contenu canadien-français dans Crave.
C'est une réussite pour les Canadiens. C'est le seul service canadien de diffusion en continu qui offre du contenu dans les deux langues d'un bout à l'autre du pays.
Merci beaucoup à tous les témoins de s'être joints à nous. Cette conversation a été très fascinante.
Pour moi, le projet de loi C‑11 porte sur l'équité, l'égalité, l'inclusion, l'ouverture et le respect. Je pense que nous devrions nous efforcer, en tant que Canadiens, législateurs et citoyens, de préserver notre culture canadienne par le biais du cinéma et de la télévision.
Madame Boltman, de Les AMIS, je pense que la meilleure phrase que j'aie entendue ce soir était « s'écraser sur notre canapé culturel. » Je vous remercie de nous avoir fait part de vos commentaires. Je vais garder cela à l'esprit.
Je voulais poser quelques questions à Mme Jenkinson, du BEN.
Nous avons eu une réunion plus tôt cette semaine et nous avons entendu des témoins dire que le gouvernement ne devrait pas participer à la réglementation de quelque type de radiodiffusion que ce soit. En particulier, un témoin nous a dit que certains géants de la diffusion en ligne qui ne veulent pas diffuser des voix aussi uniques qu'OUTtv sont des acteurs du capitalisme, que tout va bien et que le gouvernement ne devrait pas assurer la diversité de ces voix.
Je suis complètement opposé à cela. Je pense que, dans un processus démocratique, nous devrions utiliser la démocratie et la capacité du gouvernement de faire en sorte, au moyen de lois, de règlements et de directives, que nous ayons un bon contenu canadien qui reflète le Canada d'aujourd'hui.
J'aimerais savoir ce que vous pensez de cette déclaration faite par un témoin plus tôt cette semaine.
Nous sommes tout à fait d'accord pour dire qu'il devrait y avoir de la place dans le spectre du contenu pour le contenu de chaînes comme OUTtv. Nous pensons que les créateurs jusqu'ici sous-représentés trouvent des auditoires sur YouTube. L'argument invoqué, c'est qu'une réglementation n'est pas nécessaire parce que cela assure la diversité dont nous avons besoin dans l'industrie.
Ce que nous avons constaté, tout d'abord, c'est qu'un faible pourcentage de créateurs sont en mesure de générer un auditoire suffisant pour gagner ne serait‑ce que 10 000 $ par année sur YouTube. Le genre de programmation que nous voyons est de la musique, de la comédie, des émissions de bricolage et de courts extraits, mais cela ne devrait pas être la seule source de contenu diversifié. Les gens veulent voir des récits scénarisés. Ils veulent s'installer confortablement sur le canapé pour regarder des séries policières et des histoires d'amour et s'y reconnaître.
C'est, je pense, ce que veulent tous les auditoires. Ils veulent avoir le choix. Il y a certainement d'excellents choix sur les plateformes numériques, mais cela ne change rien au fait que nous avons besoin des plateformes qui sont réglementées. Nous pensons qu'elles devraient toutes être réglementées, afin que nous puissions avoir le genre de contenu que nos auditoires canadiens recherchent.
Certains de mes collègues au sein de ce comité — particulièrement les conservateurs — ont suggéré que nous nous en remettions aux algorithmes. Des témoins nous ont dit que le capitalisme garantirait la diversité des voix.
Quelle a été l'expérience des Canadiens noirs en ce qui concerne le cinéma et la télévision et leur collaboration avec les géants du Web? Quelle a été leur expérience par le passé? Quelles sont les répercussions sur les Canadiens noirs?
Le contenu que nous voyons sur les Noirs vient généralement des États-Unis.
Dans l'histoire de la télévision canadienne, avant 2020, il n'y a eu que quatre séries dramatiques télévisées produites par et sur la communauté noire. En ce qui concerne les longs métrages, il faut entre 9 et 13 ans pour faire un long métrage — d'un premier à un deuxième long métrage. Il y en a eu très peu sur les plateformes traditionnelles.
Avec l'émergence des nouvelles plateformes, nous voyons du contenu généré par les utilisateurs, ce qui est formidable. Cela offre aux groupes sous-représentés la possibilité de se faire entendre et aux nouveaux talents la possibilité de développer leur talent, mais encore une fois, nous voulons avoir le choix. Nous voulons être en mesure de nous assurer que les créateurs de contenu noirs ont accès aux budgets plus importants pour faire les émissions dramatiques, les comédies et les documentaires qu'un grand pourcentage de la population veut voir.
Croyez-vous vraiment que ce projet de loi contribuera à faire en sorte qu'à l'avenir, si nous adoptons le bon type de loi...? Je vous ai entendu dire que vous aviez des suggestions d'amendements. Mais d'après vous, l'esprit général du projet de loi C‑11 serait‑il une bonne chose pour l'ensemble des Canadiens?
Je pense que ce serait formidable pour les Canadiens et surtout pour les groupes sous-représentés, parce que l'équité et l'inclusion sont au cœur du projet de loi.
Je remercie à mon tour les témoins d'être présents aujourd'hui.
Je vais commencer par vous, madame Messier. Je sais que vous avez suivi attentivement nos échanges sur le projet de loi C‑11, et même sur le projet de loi C‑10, depuis le début. C'est un dossier qui vous tient à cœur. Je voudrais avoir vos impressions sur l'état des choses.
C'est une question assez générale, mais ce qui m'a le plus frappée, c'est peut-être l'incompréhension de certains quant à la portée du projet de loi, notamment en ce qui concerne les médias sociaux. La rencontre d'hier avec le CRTC a replacé beaucoup de notions. Cela dit, dans toutes ces discussions sur le contenu canadien, j'avoue que, ce qui me frappe le plus, c'est le peu de considération qu'on a pour la propriété intellectuelle des producteurs indépendants.
Ce que les grands studios et les plateformes sont venus nous dire, c'est qu'ils veulent le statu quo, finalement. Ils veulent que ce qu'ils dépensent déjà au Canada pour faire du contenu américain au Canada soit considéré comme des dépenses canadiennes, tout simplement parce que c'est en sol canadien. Or cela aurait un effet désastreux sur notre système. En fait, cela détruirait tout ce qu'on a essayé de faire depuis 40 ans.
Justement, vous parliez des investissements des entreprises américaines dans le domaine de la production cinématographique en particulier. C'est un bon point. Nous en avons parlé avec Disney, notamment, cette semaine. Nous avons aussi parlé avec Mme Noss et M. Lewis, qui jugent ces contributions suffisantes, comme vous venez de le dire.
De quels outils pourrait-on se doter pour s'assurer que les investissements de ces grandes entreprises dans la production de contenu au Québec et au Canada sont profitables pour l'industrie et non seulement pour elles?
En effet, parce qu'on essaie de nous dire que, lorsqu'on tourne X-Men à Montréal, c'est du contenu canadien. C'est comme dire qu'une voiture Hyundai est une voiture canadienne parce qu'elle a été fabriquée à Bromont par des travailleurs québécois en utilisant des pièces fabriquées au Québec. C'est ridicule. On doit garder la notion du recours maximal à des ressources créatives canadiennes et la notion de propriété intellectuelle au cœur de la définition du contenu canadien.
Le problème n'est pas tant la définition du contenu canadien que la nature des contributions qu'on doit exiger de ces gens. En France, on leur demande d'investir 20 % de leurs revenus dans la production de contenu local. De plus, on doit garder l'obligation pour les diffuseurs traditionnels, par exemple, de travailler avec les producteurs indépendants. Cela devrait être un élément central, mais on pourrait aussi reconnaître d'autres types de contribution. Par exemple, Netflix investit dans le développement de talents canadiens. À mon avis, il s'agit donc de savoir comment évaluer ce type de contribution, plutôt que de s'attarder à la notion de contenu canadien, qui a contribué à la protection de notre contenu et à la création de notre industrie ici, au Canada.
Je vais bifurquer enpassant par les médias sociaux, parce que je sais que vous suivez de très près ce dossier qui vous tient à cœur. Vous proposez non seulement l'inclusion des entreprises de médias sociaux dans la loi, mais aussi celle des fournisseurs de services de téléphonie mobile et d'Internet.
Je cherche à avoir le système le plus équitable possible. On sait que la loi est révisée une fois tous les 30 ans et que c'est difficile de le faire. On dit que tous ceux qui profitent du système doivent y contribuer. Comme on l'a vu, et la Canadian Media Producers Association, ou CMPA, en a parlé aussi, on consomme de plus en plus de contenu sur Internet par l'entremise de ces services. Il serait donc normal de leur demander de contribuer au système. Les câblodistributeurs y contribuent à hauteur de 5 % de leurs revenus. Je pense qu'on devrait élargir l'assiette des contributeurs. Ensuite, puisque les deux tiers des Canadiens sont abonnés et à un service de télévision par câble et à un service de téléphone intelligent ou un service Internet, on pourrait réduire la contribution à 2 ou 3 %, tout en élargissant la base, pour ne pas pénaliser les consommateurs.
On sait aussi que, lorsqu'on s'abonne à un service Internet, ce n'est pas seulement pour écouter du contenu audiovisuel, par exemple. On pourrait donc aussi exempter les revenus provenant des forfaits de base, car on se doute que ceux qui ont un forfait de base ne vont pas consommer beaucoup de contenu audiovisuel, tandis que ceux qui ont un forfait illimité sont plus susceptibles de le faire. Je pense qu'il y a moyen d'adapter le système à cette nouvelle réalité sans nuire au consommateur et qu'il serait équitable d'y inclure les services de télécommunications.
Il me reste quelques secondes pour parler de l'alinéa 3(1)f) que la Coalition pour la diversité des expressions culturelles, la CDEC, propose d'amender, afin qu'il soit encore plus rigoureux et qu'il fasse en sorte que tous aient recours au maximum, sans possibilité d'échappatoire pour les entreprises en ligne. Quelle importance accordez-vous à cet alinéa, vous, les producteurs?
Nous y accordons énormément d'importance, car, en ce moment, il y a un régime à deux vitesses: un pour les entreprises étrangères et l'autre pour les entreprises canadiennes. À notre avis, toutes les entreprises qui font du contenu canadien, et non du contenu fait au Canada, devraient être assujetties aux mêmes exigences, peu importe s'il s'agit d'entreprises étrangères ou canadiennes. C'est notre proposition. Nous soutenons celle de la CDEC.
Je remercie tous nos témoins qui, ce soir, nous font part de nombreuses observations valables.
Je vais tenter de m'adresser au plus grand nombre de témoins possible.
Je vais commencer par vous, madame Messier. Vous avez soumis des propositions d'amendements visant la question de la création et de la présentation de contenu canadien, et de l'obligation des entreprises de radiodiffusion à cet égard, mais aussi de leur obligation de conclure des ententes commerciales et collectives, et de les respecter.
Pouvez-vous nous parler brièvement de l'importance de vos deux amendements?
Je vais insister sur les ententes commerciales. Les producteurs indépendants ont un pouvoir de négociation très restreint devant les diffuseurs traditionnels, et il l'est encore plus devant les plateformes. Mme Winder en a parlé tout à l'heure. Souvent, les producteurs sont obligés de céder leurs droits lors des négociations avec ces acteurs et diffuseurs importants; ils ne peuvent pas profiter des revenus et décider de l'exploitation de leurs œuvres.
On sait que ce sont les producteurs indépendants qui développent les talents et investissent dans la formation de nouveaux réalisateurs, de nouveaux scénaristes. Ce sont eux qui travaillent avec les gens pour exploiter tout le talent créatif au Canada. Par conséquent, c'est important de garder un plus grand contrôle et d'utiliser nos droits.
Prenons l'exemple de la France. Les ententes qu'elle a conclues avec les plateformes, que ce soit pour la télévision ou le cinéma, renferment une disposition d'exclusivité qui peut leur être accordée pour une certaine période, c'est-à-dire entre 12 mois et 36 mois. Ainsi, le producteur est certain de récupérer ses droits après cette période, de pouvoir les garder dans son catalogue et de les exploiter.
Il y a différentes façons de composer avec cet enjeu. C'est difficile pour un producteur seul de négocier avec un diffuseur, et c'est pourquoi la négociation collective est importante. Nous prônons qu'elle puisse se faire par l'entremise des associations qui représentent les producteurs.
Je vais poursuivre avec M. Mastin et Mme Winder, de la Canadian Media Producers Association.
Vous avez beaucoup insisté sur la propriété intellectuelle. Pourquoi la propriété intellectuelle est-elle si importante pour les producteurs indépendants? Pourquoi est‑il important que le CRTC ait le pouvoir d'encadrer les relations économiques entre les radiodiffuseurs et les producteurs indépendants?
Les modalités commerciales aident à rééquilibrer équitablement le pouvoir de négociation ou à uniformiser les règles du jeu, étant donné que les diffuseurs en continu et les radiodiffuseurs ont un énorme pouvoir de négociation. Elles aident également les entreprises canadiennes à posséder leur propre contenu, ce qui stimule la croissance, comme Mme Messier l'a mentionné.
Les modalités commerciales et le financement provenant des diffuseurs en ligne permettront aux producteurs d'investir dans du nouveau contenu canadien, ce qui est essentiel.
Parlons un instant du contenu pour les enfants. Nos enfants sont les futurs spectateurs du Canada. Alors que les Canadiens étaient autrefois des chefs de file mondiaux dans le domaine du divertissement pour enfants grâce aux obligations des radiodiffuseurs à l'égard du contenu canadien et des émissions pour enfants, il reste aujourd'hui peu d'acheteurs au Canada et beaucoup moins de possibilités pour les producteurs de produire ce contenu que par le passé.
La réalité, c'est que, compte tenu de la hausse des coûts de production, les producteurs n'ont d'autre choix que de quitter le pays pour obtenir le financement de ce type de contenu. Ce faisant, les producteurs n'ont plus l'influence qu'ils avaient auparavant lorsqu'ils étaient en mesure d'amener les distributeurs et les radiodiffuseurs canadiens à participer au financement dès le début de leurs transactions. Le résultat, c'est que nous avons vraiment besoin de modalités commerciales pour nous aider à nous assurer que nous ne sommes pas obligés de renoncer à ces précieux actifs canadiens à long terme.
Un exemple parfait est Paw Patrol. Dans le Globe and Mail, il y a quelques semaines, Patrimoine canadien a publié des chiffres montrant qu'en 2019, Paw Patrol représentait 33 % du PIB culturel du pays. Comme vous pouvez le constater, il est extrêmement important que nous conservions ces actifs.
Madame Jenkinson, le Comité a entendu des témoignages au sujet de l'exclusion d'OUTtv par un certain nombre d'entreprises de diffusion en continu en ligne. Vous avez mentionné le problème des plateformes en ligne non réglementées.
Êtes-vous d'avis que les Canadiens noirs et racialisés pourraient être exclus des plateformes en ligne de la même façon que OUTtv l'a été?
Nous ne croyons pas qu'ils seront exclus des plateformes en ligne de la même façon, certainement pas.
Ce que nous disons, je le répète, c'est que nous voulons nous assurer qu'il y a du financement dans le système pour créer un contenu qui va au‑delà du contenu généré par l'utilisateur et que le système de radiodiffusion offre la possibilité d'avoir un contenu plus coûteux produit par des créateurs noirs.
Ce que nous disons, c'est qu'il ne faudrait pas se fier uniquement aux plateformes en ligne pour assurer la diversité dans le système, de sorte que les groupes sous-représentés y seraient relégués pour trouver leur contenu. La diversité dans le système ne doit pas dépendre uniquement du contenu généré par l'utilisateur. Nous voulons aussi nous assurer qu'il y a de l'argent dans le système pour produire du contenu — dramatiques, comédies et documentaires — très populaire et que les créateurs noirs en bénéficient pour pouvoir produire un tel contenu. Encore une fois, c'est une question de choix. Cela ne veut pas dire que nous serions absents de l'un ou l'autre de ces espaces. Nous avons besoin des deux.
Monsieur McCullough, mes questions s'adressent à vous.
De nombreux témoins sont venus ici — beaucoup sont avec nous aujourd'hui — qui croient que nous pouvons les classer parmi les artistes traditionnels, je pense. Ils croient que nous devrions adopter ce projet de loi à toute vapeur à la Chambre des communes.
Il me semble important de souligner que la plupart des témoins et des intervenants qui sont en faveur de ce projet de loi en profiteraient financièrement, s'il était adopté. Il y a de l'argent qui va dans ce qu'on appelle le fonds des arts. Ceux qui y contribuent le font à hauteur de 30 % de leurs revenus. Bien sûr, les artistes traditionnels peuvent puiser dans ce fonds, mais non les artistes numériques. Les artistes traditionnels ont tout à gagner et les artistes numériques ont beaucoup à perdre.
Êtes-vous d'accord avec cette observation? Si oui, pouvez-vous nous parler des dommages que pourraient subir les créateurs qui donnent la priorité au numérique?
Je dois dire que, ayant écouté les autres témoins, j'aimerais vraiment qu'un grand mur soit érigé entre les anciens médias et les nouveaux. Étant créateur dans les nouveaux médias, je ne veux pas vivre dans le monde des anciens médias. Il y a tellement de réglementation, tous ces problèmes de financement. Les gens veulent ces subventions, ils ont recours à ces sources de financement, comme vous l'avez mentionné, après quoi ils doivent se plier à toutes ces exigences de contenu canadien. Je dirais, sans vouloir offenser qui que ce soit, que cela me paraît être un monde stressant, pénible et difficile.
Dans le monde des nouveaux médias, qui est beaucoup plus dynamique, nous sommes tous indépendants. Nous sommes des travailleurs autonomes. Nous ne sommes pas en relation avec le gouvernement et nous n'avons pas besoin d'énormes équipes d'avocats pour nous y retrouver dans toute cette réglementation des médias. Si nous avons le goût de travailler avec les Américains, nous le faisons sans que cela devienne une grosse crise existentielle. Nous avons eu beaucoup de succès.
J'ai mentionné qu'il y a plus de 100 youtubeurs canadiens avec 3,5 millions d'abonnés et plus d'un milliard de visionnements de leurs vidéos. À l'origine, je voulais connaître le nombre de youtubeurs avec plus d'un million d'abonnés, mais la liste est si longue que Social Blade ne donne pas la possibilité de la lire au complet.
Nous avons réussi. Un grand nombre de ces jeunes youtubeurs autonomes et indépendants au Canada ont connu une carrière des plus fructueuses en tant que créateurs de contenu, racontant les histoires qu'ils veulent raconter, s'épanouissant, réussissant, quelques-uns devenant de vraies célébrités mondiales.
Je fais parfois des causeries dans les écoles primaires parce que tous les enfants veulent rencontrer un youtubeur. Ils veulent voir ce que c'est. Ils rêvent tous d'une telle carrière. Ils veulent aussi devenir des youtubeurs. Je leur dis, à eux et à leurs parents, que c'est une option de carrière tout à fait viable. Tout ce qu'il faut pour qu'un youtubeur canadien réussisse, c'est de la motivation, de l'initiative et de l'autodiscipline.
Je n'ai pas à vivre dans le même monde que ces autres personnes, où tout est question de réglementation, de navigation dans le dédale des règlements, de formule de financement, de ce genre de choses. Nous recevons notre argent de nos annonceurs. Notre réussite est fondée sur notre capacité de produire du contenu que les masses veulent regarder, pas seulement au Canada, mais aussi ailleurs au monde. Aucun youtubeur canadien ne réussit avec pour seule base un auditoire canadien. Ils réussissent parce qu'ils attirent un auditoire mondial. C'est ainsi que les médias fonctionnent au XXIe siècle.
Je fais des vidéos sur des choses canadiennes. Je fais des vidéos sur l'histoire du Canada, Wilfrid Laurier, notre vie politique, toutes sortes de choses de ce genre. Les auditoires internationaux n'en ont jamais assez. Ils en raffolent. Ils adorent en apprendre davantage sur le Canada. Je rencontre des gens dans la rue qui disent avoir déménagé au Canada à cause de mes vidéos. C'est remarquable.
Je pense simplement qu'il faut prendre davantage conscience du dynamisme, de l'enthousiasme, de l'esprit d'entreprise et de la prospérité du milieu canadien de création de contenu dans les nouveaux médias. Je pense que le Comité et la Chambre des communes n'ont pas besoin d'adopter à la hâte un projet de loi qui pourrait causer de graves dommages à ce secteur dynamique et fécond, non seulement de l'économie canadienne, mais plus particulièrement de l'industrie culturelle canadienne.
Qu'on veuille s'occuper des anciens médias, continuer de les réglementer, je n'ai rien à redire, mais laissez-nous simplement à l'écart. Voilà ce que j'ai à dire au Comité.
Très rapidement, vous dites que les Canadiens réussissent très bien à atteindre un auditoire mondial. De toute évidence, ils en dépendent. Quel sera l'effet du projet de loi C-11 à cet égard?
Il me semble que l'objectif ici est d'amener les créateurs de contenu canadien à produire un certain type de contenu pour consommation entièrement canadienne. Si je comprends bien ce qui est énoncé ici, l'objectif du gouvernement, du Parlement, est de créer des mandats pour les créateurs canadiens, comme moi, de produire un contenu plus explicitement canadien, destiné exclusivement à un auditoire canadien. C'est le consensus général à la base de notre régime actuel de contenu canadien qui s'applique à la télévision, à la radio et à ce genre de médias. L'idée, c'est que le gouvernement doit établir un ensemble explicite d'identificateurs de contenu canadien, et ces identificateurs sont visiblement déterminés au bénéfice d'un auditoire canadien restreint qui est résolu à bénéficier d'un contenu canadien.
Dans mon monde, nous créons du contenu en fonction d'un auditoire mondial, qui comprend des Canadiens. Ceux‑ci font certainement partie de cette base de consommateurs, mais ils ne sont pas les seuls que nous ciblons.
Je pense que si vous créez un nouveau système de réglementation, vous limiterez, au fond, le rayonnement des créateurs des nouveaux médias. Vous dites savoir qu'ils ont des ambitions mondiales, mais vous voulez maintenant qu'ils les réduisent considérablement et se contentent de ne cibler que les Canadiens, de ne vivre que dans ce jardin clairsemé et clos et de se borner à n'attirer que d'autres Canadiens. Cela réduira considérablement leurs revenus et leur attrait, et, franchement, diminuera l'influence des créateurs culturels canadiens à l'échelle mondiale.
C'est une bonne chose que les créateurs de contenu canadien des nouveaux médias réussissent à attirer un auditoire mondial. Comme je l'ai dit, mon propre parcours est une étude de cas. J'ai fait connaître le Canada au monde, j'ai suscité l'intérêt de nombreux étrangers pour le Canada et les affaires canadiennes, à tel point que certains ont voulu déménager ici.
Je pense que nous devons être très conscients de l'idée que la mondialisation est chose faite. Les nouveaux médias offrent un rayonnement mondial sans précédent. Je pense que nous devons, du moins en ce qui concerne les nouveaux médias, écarter l'idée que les créateurs de contenu canadien n'existent qu’au bénéfice des Canadiens. Nous existons au bénéfice du monde.
Il est curieux d'entendre dire que c'est une industrie viable, alors que nous avons entendu un témoignage plus tôt cette semaine selon lequel les trois quarts des youtubeurs admissibles ne gagnent rien et que 60 % du quart restant gagnent moins de 10 000 $.
Mme Rachael Thomas: Vous en êtes, monsieur Bittle.
M. Chris Bittle: Madame la présidente, Mme Thomas m'interrompt. Je sais qu'elle était très contrariée la semaine dernière, mais je suis sur le point de poser des questions aux témoins. J'espère que le chronomètre sera remis à zéro, madame la présidente.
J'aimerais remercier Mme Thomas de son intérêt soudain. Je sais qu'elle s'est servie de la plupart des témoins pour s'exprimer, mais c'est bien qu'elle soit attentive en ce moment.
Je m'adresse à la CMPA. Pouvez-vous nous parler de la présence d'artistes traditionnels sur les plateformes numériques, puisque nous entendons parler d'un mur entre dans ces deux mondes. Je me demandais si vous pouviez nous en dire quelque chose.
Cette discussion a été très intéressante jusqu'à maintenant. Je pense qu'elle nous donne à tous l'occasion de corriger les malentendus.
Je tiens tout d'abord à souligner que les producteurs canadiens ont toujours été ouverts sur le monde pour la simple raison que la production de contenu professionnel coûte très cher. Elle nécessite beaucoup de gens hautement qualifiés, qui sont bien rémunérés pour contribuer à la programmation canadienne. Par conséquent, pour produire des émissions à gros budget, il est et a toujours été nécessaire de se tourner vers le marché international pour trouver des partenaires.
Ordinairement, cela signifie que l'émission sera diffusée et distribuée dans toutes sortes de différents marchés dans le monde. Je pourrais vous donner une très longue liste d'émissions canadiennes qui sont diffusées et ont trouvé un immense auditoire sur des centaines de marchés partout dans le monde. Il n'est jamais arrivé que l'industrie de la production ou les médias canadiens dits traditionnels soient cantonnés au Canada, même si, bien sûr, nous sommes très fiers de servir les auditoires canadiens, d'être bien enracinés dans notre pays et d'offrir du travail aux dizaines de milliers de créateurs et d'employés du secteur de la production.
La semaine dernière, Jérôme Payette nous a dit que la diffusion en continu et les plateformes des médias sociaux ne sont pas neutres. Ils choisissent des gagnants et des perdants. Je me demande si vous pourriez nous en parler.
M. Payette est membre de la Coalition pour la diversité des expressions culturelles. Pour ce qui est de la CMPA et ses membres, du fait que nos activités se déroulent en très grande partie avec des radiodiffuseurs canadiens et des plateformes de diffusion en continu, nous n'avons pas le même niveau de connaissances que M. Payette ou la Coalition quant à la façon dont les plateformes de médias sociaux gèrent leurs activités ou à la meilleure façon de les réglementer. Cependant, la Coalition possède certainement ces connaissances approfondies. Nous sommes membres de la Coalition et nous nous fions à ses conseils et appuyons ses propositions à cet égard.
Comment pouvons-nous nous assurer de ne pas devenir une simple succursale dans une économie culturelle, une économie à pronostics favorables et défavorables rapides, de façon à ce que les Canadiens en profitent, mais aussi que l'industrie conserve sa valeur?
Cela nous ramène aux droits de propriété intellectuelle et à la nécessité de veiller à ce que les Canadiens conservent la propriété intellectuelle des productions dans lesquelles ils ont investi et qui racontent des histoires canadiennes et mondiales. Je tiens à souligner que tout ce que nous faisons en tant qu'entreprise ici est tourné vers le monde. Nous créons des auditoires mondiaux et des marques d'envergure mondiale.
J'aimerais vous raconter une histoire qui illustre bien comment nous pourrions devenir un moteur de la production.
Récemment, nous avons demandé à un diffuseur en continu de faire une offre sur l'une de nos émissions. L'entente était typique de celles offertes de nos jours par les diffuseurs en continu, par les grands studios, où nous avons dû renoncer à tous nos droits de distribution mondiale, à nos droits de formatage et, essentiellement, à notre plein contrôle créatif pour que notre émission soit produite. En retour, on nous a offert une participation relativement modeste et le remboursement de frais de service de production décents. Bien que nous ayons investi massivement dans le développement du projet et que nous ayons apporté une partie du financement de l'émission grâce à nos crédits d'impôt, le studio en question n'a pas reconnu que ces contributions financières justifiaient la conservation d'une part importante de nos droits.
Le défi auquel nous sommes confrontés, comme de nombreux producteurs indépendants, c'est que nos éventuels partenaires américains ont pour position que les incitatifs gouvernementaux n'ont pas pour objet de promouvoir l'industrie canadienne, mais plutôt d'aider à financer leurs bibliothèques de contenu.
Comme la plupart des producteurs n'ont pas les ressources nécessaires pour leur tenir tête, des précédents ont été établis, qui ont fini par devenir la norme, et nous avons peu de moyens de pression, voire aucun. Selon la structure proposée...
J'aimerais m'entretenir avec Mme Moses des Entreprises Bell Canada.
Nous avons parlé tout à l'heure des activités de Bell dans le secteur de la télévision, mais celles-ci sont également importantes dans le domaine de la radio. Bell possède en effet plusieurs stations radiophoniques, notamment au Québec. C'est ce dont je veux vous parler.
Un sondage qui a été mené récemment par les gens de l'ADISQ auprès de 4 003 répondants nous fournit une foule de chiffres très intéressants. Je ne sais pas si vous avez pris connaissance de ce sondage. On y précise notamment que 90 % des répondants, au Québec, disent trouver important que l'État protège la culture québécoise.
Pour ce qui est de la mise en valeur de la musique québécoise, 70 % de ceux qui recourent aux services d'écoute en ligne affirment aimer que ceux-ci leur proposent d’écouter de la musique québécoise francophone.
De plus, 67 % des répondants considèrent que le gouvernement doit mettre en vigueur une législation faisant en sorte que les plateformes de musique en ligne — Apple Music, Spotify, YouTube, et ainsi de suite — mettent en valeur la musique québécoise francophone.
Madame Moses, Bell et ses stations de radio doivent composer avec les quotas de musique francophone imposés par le CRTC. Que pensez-vous de l'efficacité de cette mesure pour ce qui est de la mise en valeur du contenu francophone et québécois?
Par ailleurs, pensez-vous que l'effet serait aussi bénéfique si ces mesures étaient appliquées aux plateformes de diffusion en ligne?
En fait, nous sommes tous en faveur de la promotion de la culture québécoise, moi la première, étant donné que je suis québécoise. Comme je l'ai déjà dit, nous investissons beaucoup dans le contenu québécois, autant audio que vidéo. Pour ce qui est de cette histoire de quotas, je pense que l'idée est en quelque sorte d'offrir aux gens ce qu'ils veulent entendre. S'ils veulent écouter de la musique québécoise, nous leur en offrons. Il en va de même s'ils veulent regarder de la télévision québécoise.
En fin de compte, l'objectif est d'offrir aux Canadiens et aux Québécois...
Madame la présidente, M. Julian et moi-même avons démarré nos chronomètres en même temps et notre décompte est le même. Je dispose d'au moins 30 ou 40 secondes avant que vous ne m'interrompiez.
J'aimerais, s'il vous plaît, poser ma dernière question à Mme Moses.
Je vais vous accorder cette latitude, malgré ce qu'indique mon chronomètre. J'ai l'ai parti à l'instant même où je vous ai dit que vous aviez deux minutes et demie...
Madame Moses, vous dites qu'il faut offrir aux gens ce qu'ils veulent entendre, mais c'est un peu contraire au principe selon lequel il faut aussi permettre aux gens de découvrir de la musique. On ne peut pas continuellement faire entendre aux gens ce qu'ils connaissent déjà.
N'êtes-vous pas d'accord pour dire que les obligations en matière de découvrabilité font en sorte que les gens découvrent et apprécient la musique?
Oui, je suis d'accord avec vous, et j'allais justement dire que la diversité et l'offre de contenu sont extrêmement importantes. C'est ce qui fait que notre industrie est effervescente, autant du côté de la télévision que de celui de la radio. La découvrabilité des talents fonctionne sur toutes les plateformes, pour toutes les formes d'art. C'est notre objectif.
Peu importe le contenu, s'il n'est pas diversifié, il n'y a pas d'auditoire. En revanche, plus l'auditoire est important, plus nos revenus sont élevés, et plus nous investissons dans le contenu canadien, québécois, français et anglais de chez nous.
Madame Boltman, le mémoire de Les Amis fait état de dizaines de milliers d'emplois perdus ces dernières années et mentionne que Google et Facebook ont gagné 7,5 milliards de dollars au Canada grâce aux publicités numériques en 2019.
Est‑ce pour cela que Les Amis presse le Comité d'adopter le projet de loi C-11? Est‑ce parce que, en plus de l'inégalité des règles du jeu, nous sommes en train d'envoyer à l'étranger de l'argent, dont une partie devrait servir à créer des productions canadiennes et à permettre aux Canadiens de raconter leurs histoires, tant à eux-mêmes qu'au reste du monde?
Si vous me le permettez, je suppose que vous voulez savoir pourquoi le projet de loi C-11 est important à nos yeux.
Nous partageons la plus longue frontière internationale avec la puissance la plus dominante et le producteur le plus prolifique de contenu de divertissement au monde. Pour le meilleur ou pour le pire, le contenu américain a une influence extraordinaire sur notre culture. Cependant, l'histoire nous a appris à maintes reprises que, faute de protéger et de promouvoir notre culture et notre identité, nous subissons la domination étrangère.
Notre capacité de protéger et de promouvoir la culture et l'identité canadiennes passe par la communication de nos histoires, qu'il s'agisse de films, de télévision, de journalisme ou de musique. Par quelque moyen audiovisuel que ce soit, la transmission de nos histoires a toujours bénéficié de l'appui du gouvernement, et le projet de loi C-11, venant renforcer cet appui, nous permettra de conserver la maîtrise de notre culture et de nos histoires.
Exiger des contributions de géants étrangers de la technologie, qui extraient des milliards de dollars de notre pays, aidera à soutenir notre industrie tout en stimulant l'investissement et l'innovation dans la création de contenu canadien qui continuera de refléter la diversité de nos voix et notre identité en tant que Canadiens. Cette exigence uniformisera les règles du jeu entre les radiodiffuseurs canadiens et les plateformes étrangères. Franchement, par ce moyen, le Canada fait savoir au monde qu'il est ouvert aux affaires, mais qu'il n'y a plus de passe-droits. Ceux qui tirent profit du système doivent aussi y contribuer.
Le lien entre la perte d'emplois dans l'industrie et, simultanément, l'exode massif de revenus tient essentiellement, comme vous le soulignez dans votre mémoire, au fait que les médias canadiens ont perdu 50 % de leurs revenus publicitaires de 2017 à 2019.
Je pense que dans notre mémoire, nous traitons davantage du secteur des actualités. Si vous voulez parler des emplois dans le secteur culturel en général, je pense qu'il y a d'autres personnes... La GCR en a parlé la semaine dernière, au sujet du secteur en déclin, et je pense que la CMPA peut en parler également.
Je suis heureuse de parler des actualités, mais j'ai l'impression que vous vous intéressez plutôt à l'industrie culturelle en général. Je serai heureuse de discuter du secteur de l'information, si c'est ce que vous voulez savoir.
Monsieur McCullough, vous avez fait paraître un texte dans le New York Times il y a quelque temps, en avril, dans lequel vous décrivez le projet de loi comme:
[...] un acte d'un gouvernement autoritaire qui cherche à exercer un contrôle plus étendu sur les médias indépendants à des fins purement idéologiques à la faveur d'une reformulation, sans précédent à l'échelle mondiale, du droit de l'État de contrôler le contenu en ligne, ayant pour seule justification l'affirmation impérieuse que les politiciens et les bureaucrates ont à décider ce que les citoyens doivent regarder.
S'il est adopté, il ne servira qu'à encourager d'autres régimes qui croient que la liberté illimitée de choisir ce que nous regardons et entendons est un monstre à abattre.
Je précise, pour le compte rendu, que c'était dans le Washington Post. Je pense que ce genre de discours dérange certaines personnes. On nous dit que nous devons nous protéger contre la domination étrangère et que nous devons affirmer notre souveraineté culturelle. C'est toujours cette idée que la culture canadienne est une chose fragile que les méchants étrangers vont corrompre et éroder en quelque sorte. À mon avis, c'est le genre de discours qu'on associe à la Hongrie de Viktor Orbán ou quelque autre régime du genre.
Je ne crois pas qu'un pays démocratique progressiste comme le Canada veuille d'une feuille de route pour réglementer l'Internet, qui pourrait ensuite être reprise par les Viktor Orbáns de ce monde. Qu'est‑ce qui empêche un gouvernement autoritaire de dire qu'il veut aussi protéger sa souveraineté culturelle et qu'il faut réglementer YouTube pour s'assurer qu'on n'y trouve que du contenu patriotique. Et de décider de manipuler l'algorithme pour faire en sorte que seul le contenu patriotique qu'il estime que les gens devraient consommer sera stimulé dans leurs flux et leurs comptes d'abonnés, et ce genre de choses.
C'est une façon vraiment dépassée de considérer le Canada et la culture canadienne, et je ne m'y suis pas beaucoup attardé. Je pense qu'il s'agit d'une prémisse de plus en plus périmée de la pensée culturelle, que la plupart des youtubeurs ne conceptualisent tout simplement pas de la même façon. Ils ne songent pas à faire du contenu pour préserver la fragile souveraineté canadienne. Ils songent à faire une vidéo de cuisine, un tutoriel de conditionnement physique ou une vidéo de bricolage.
Je fais des vidéos qui portent précisément sur des choses canadiennes, mais il y a des foules de youtubeurs canadiens qui ont réussi simplement en créant le genre de contenu pour lequel ils pensent trouver un auditoire. Parfois, cet auditoire est canadien, parfois international.
Les Canadiens sont très diversifiés, et nous avons beaucoup d'intérêts différents. Je pense que l'avantage de YouTube et des nouveaux médias, c'est qu'ils permettent aux Canadiens de créer le genre de contenu qu'ils veulent pour un marché qu'ils croient exister. Ils réussissent ou ils échouent selon la popularité de leur contenu. Ce que l'un des témoins a dit est bien vrai, à savoir qu'il y a beaucoup de jeunes Canadiens qui ont échoué. Il y a beaucoup d'acteurs canadiens qui ont échoué. Personne n'est assuré de réussir dans le domaine culturel.
À mon avis, YouTube permet une merveilleuse étude de cas montrant comment on peut être un créateur de contenu canadien indépendant et en récolter réussite, richesse, renommée et tout ce que les créateurs souhaitent, sans réglementation gouvernementale ni subventions, sans mandats ni exigences de contenu canadien, et toutes les contraintes de ce genre.
Je pense que nous devons en quelque sorte nous éloigner de... Si des médias traditionnels veulent continuer à vivre sous ce régime, libre à eux. Pour ma part, en tant que créateur dans les nouveaux médias, quand j'entends parler de protéger notre culture contre la domination étrangère et dire que nous avons besoin de la main paternaliste du gouvernement pour rendre YouTube plus patriotique et plus canadien et que les consommateurs de YouTube ne sont pas exposés aux vidéos du bon genre, cela me hérisse, comme d'ailleurs beaucoup d'autres créateurs de contenu canadien qui ne veulent pas se faire dire quel genre de contenu ils doivent produire.
Monsieur McCullough, ce dont vous parlez, c'est ce que souhaite faire le gouvernement au moyen du projet de loi C-11 pour protéger la culture canadienne. En définitive, cela signifie que le contenu canadien, tout ce qui correspond à cette définition, qui est une définition désuète au départ, sera priorisé dans la file d'attente, pour ce qui est de sa découvrabilité en ligne, et que d'autres contenus qui ne correspondent pas à cette définition désuète seront en fait déplacés vers le bas dans la file, peut-être même relégués à la page 553 de l'Internet, où personne ne les découvrira de son vivant.
Quelles répercussions est‑ce que cela aura sur les créateurs qui donnent priorité au numérique?
Dans le monde de YouTube, nous avons un terme pour dire « se faire enterrer ». YouTube a son propre algorithme, lui-même controversé, qui rend une vidéo YouTube facile ou pas facile à découvrir. YouTube a son propre système pour cela. Si le gouvernement s'en mêle, si le CRTC intervient et établit ses propres paramètres, il y aura tout ce nouveau stress avec lequel il faudra composer. Votre vidéo sera‑t‑elle supprimée non seulement par l'algorithme de YouTube, mais aussi par le nouveau régime de contenu imposé par le CRTC à YouTube? Votre vidéo sera‑t‑elle supprimée bien que produite par un Canadien parce qu'elle n'est pas suffisamment canadienne selon la définition qu'en donne le CRTC?
Comme je l'ai dit dans ma déclaration préliminaire — je suis sûr que les autres témoins le savent —, le CRTC dresse toutes sortes d'obstacles à l'obtention de ce qu'on appelle la « certification canadienne », pour laquelle il faut attester qu'il y avait suffisamment d'acteurs canadiens, suffisamment de musique canadienne, que l'émission a été produite au Canada, etc., sans parler de contenu.
Voilà tous les obstacles qu'il faut surmonter. Beaucoup de Canadiens n'en savent rien. Beaucoup de youtubeurs canadiens ne sont même pas au courant du débat en cours. Je crains fort que beaucoup d'entre eux se réveillent un jour et voient soudainement leur contenu supprimé. Du jour au lendemain, ils vont cesser de gagner autant d'argent et n'auront plus suffisamment de visionnements, tout ça parce que le gouvernement s'en sera mêlé.
Monsieur Mastin, je tiens à vous remercier de nous avoir rappelé que la radio-télévision canadienne traditionnelle a aussi un auditoire à l'extérieur du Canada. Je sais que quand nous étions enfants, c'était Degrassi qui était exporté. Aujourd'hui, c'est Schitt's Creek. Ce ne sont pas les youtubeurs qui ont été les premiers à exporter leur contenu à l'extérieur du Canada.
Nous n'en avons pas beaucoup parlé aujourd'hui, mais je tiens également à dire que nous abordons ce projet de loi dans une optique culturelle. Il s'agit aussi de protéger le contenu original en français au Canada. Nous avons une minorité francophone dans ce pays que nous devons protéger et promouvoir.
Soit dit en passant, monsieur McCullough, je ne veux pas vous attaquer injustement. Je suis un fier Canadien qui vit au Québec, qui est Québécois, qui est contre les projets de loi 96 et 21 et qui s'est prononcé contre ces choses. Je crois aussi au droit des Canadiens francophones de vivre n'importe où au pays et d'y être à l'aise ou des Canadiens anglophones de vivre au Québec et d'y être à l'aise.
C'est pourquoi je voudrais vous poser quelques questions sur ce que vous avez dit au sujet du bilinguisme. J'ai trouvé un article dans lequel vous avez qualifié le français de « langue exotique mourante, tout à fait sans pertinence » dans la vie ordinaire de la plupart des Canadiens.
J'ai aussi trouvé l'article que vous avez écrit qui dit que le bilinguisme est une menace à la démocratie canadienne.
Une partie du projet de loi C-11 procède de notre devoir, en tant que gouvernement national, de protéger le fait français partout au Canada. Je vous pose cette question en anglais, plutôt qu'en français, parce que je ne cherche pas à marquer des points politiques.
Pouvez-vous me dire pourquoi vous croyez que le bilinguisme est une menace à la démocratie canadienne et si vous croyez que le gouvernement fédéral devrait avoir un rôle à jouer dans la protection de la culture française partout au Canada?
Madame la présidente, je ne crois pas qu'il soit approprié de discuter de mon point de vue sur le bilinguisme. Cela ne me semble pas être le sujet de la discussion de cet après-midi.
Madame la présidente, ça va. Je vous remercie de votre intervention.
Monsieur McCullough, je crois que ce projet de loi concerne le bilinguisme. Je crois que ce projet de loi vise à faire en sorte que le contenu pour la minoritaire de langue anglaise au Québec et le contenu pour la minorité de langue française dans le reste du pays sont traités avec respect et qu'ils donnent aux gens la possibilité de s'exprimer dans les deux langues dans l'ensemble du pays et d'élaborer leurs propres émissions originales.
Au cours de la dernière législature, monsieur McCullough, le Comité a apporté de nombreux amendements à ce projet de loi qui portaient précisément sur ce point. De nombreux témoins sont venus nous souligner son importance.
Je vous pose de nouveau, monsieur, la question suivante. Pensez-vous qu'il est juste que le gouvernement fédéral, dans le projet de loi C-11 — du moins une importante partie du projet de loi — protège le contenu en français et la création originale de contenu en français partout au Canada sous toutes ses formes?
Je ne crois pas que ce soit le rôle du gouvernement d'imposer le contenu en français aux Canadiens s'ils n'en veulent pas. Si les Canadiens veulent regarder, disons, des vidéos en français sur YouTube, rien ne les empêche de les trouver et de les regarder. Je ne crois pas qu'il soit approprié que le gouvernement adopte des lois, des règlements ou des mandats qui obligeraient YouTube à imposer un contenu en français aux utilisateurs qui n'en veulent pas. Cela me semble simplement exorbitant.
Je pense qu'il devrait s'agir, en fin de compte, d'un phénomène tributaire du consommateur. Ce que les consommateurs veulent consommer, ils devraient être libres de le consommer. Je ne pense pas que ce soit le rôle du gouvernement de leur dire de regarder plus de vidéos en français ou de leur dire de regarder plus de vidéos sur X, Y ou Z. À mon avis, cela n'a rien à voir avec le français, mais tout à voir avec la demande des consommateurs.
C'est mon point de vue, car je crois en un marché libre et je crois en une approche de marché libre pour la culture. Je rejette l'idée d'une approche d'un gouvernement qui sait ce qu'il y a de mieux en matière de culture, où les politiciens, les bureaucrates ou qui que ce soit d'autre se réunissent et décident que les Canadiens devraient regarder plus souvent ceci et cela et qu'il faut exercer l'autorité et le pouvoir du gouvernement pour le leur imposer dans leurs flux YouTube, leurs comptes d'abonnés, sur leurs ondes ou à la radio, ou quoi que ce soit. Voilà ce que je pense.
Je sais que ce n'est sans doute pas votre opinion, mais c'est ce que je crois. Je crois à la liberté de choix des consommateurs. Je crois que le contenu devrait réussir ou échouer en fonction de sa popularité.
Je vous donne l'occasion d'exprimer ces points de vue ici, devant le Comité. Tous les Canadiens peuvent entendre exactement ce que vous en pensez, ce qui est important. Cela ne se produirait probablement pas dans la Hongrie de Viktor Orbán, ni dans beaucoup des différents pays totalitaires auxquels vous nous avez comparé... quand vous parliez de ce projet de loi.
Pour ce qui est de la comparaison que vous venez de faire avec la Hongrie en réponse à Mme Thomas — vous avez également fait la comparaison avec la Chine et la Russie —, pourquoi croyez-vous que ce projet de loi permette la censure et le contrôle de la pensée à des fins idéologiques? Au fond, c'est ce que vous dites.
Non, je ne parle pas de contrôle de la pensée, mais ne pensez-vous pas qu'il y a des analogies? Si les Chinois établissaient un projet de loi comme celui‑ci et se justifiaient en disant qu'il est nécessaire pour protéger leur souveraineté culturelle contre les méchants étrangers et leurs mauvaises idées étrangères qui vont contaminer leur culture, ne trouveriez-vous pas cela problématique?
Ne pensez-vous pas qu'il y a quelque chose de problématique dans le fait qu'un gouvernement affirme qu'il doit protéger la souveraineté culturelle du pays? Que penseriez-vous si les Chinois en disaient autant? Ne trouvez-vous pas cela problématique?
Je veux bien croire que les Chinois pourraient vouloir protéger leur souveraineté culturelle, mais qu'ils s'y prendraient d'une façon très différente de la nôtre. En Chine, le gouvernement dit aux gens ce qu'ils doivent penser et ce qu'ils doivent dire et, s'ils ne le disent comme il se doit, ils risquent d'être jetés en prison et de subir de terribles conséquences. Cela n'arrive pas au Canada.
Au Canada, vous pouvez vous présenter devant un comité parlementaire et dire ce que vous voulez. Vous pouvez dire ce que bon vous semble sur votre chaîne YouTube. Il n'y a rien dans ce projet de loi — permettez-moi d'être catégorique sur ce point — qui vous priverait de votre droit à la liberté d'expression dans ce pays. C'est un droit protégé en vertu de l'article 2 de la Charte, et il l'est tout autant dans ce projet de loi.
Merci, madame la présidente, pour le temps que vous m'avez accordé.
Je pense qu'il est temps de mettre fin à la période de questions et donner congé à nos témoins, puisque nous devons nous occuper des questions internes du Comité.
Je remercie les témoins de leur comparution. Je tiens à vous remercier d'avoir patienté pendant que nous attendions la tenue d'un vote à la Chambre, puis pendant le début manqué de la réunion et notre absence pour un autre vote. Je vous en suis grandement reconnaissante. Vous nous avez donné un bon aperçu de certaines des questions complexes dont le Comité est saisi.
Je tiens à vous remercier de vous être déplacés.
J'avise la greffière de la suspension de la séance afin de permettre aux gens de partir, après quoi nous reprendrons nos travaux.
Chers collègues, je pense que nous devrions poursuivre la séance sans tarder. Il nous reste 15 minutes.
J'aimerais revenir là où nous nous étions arrêtés la dernière fois. Nous devons décider d'une date limite pour le dépôt des amendements. Lorsque nous nous sommes quittés, la date limite de vendredi, à 16 heures, heure de l'Est, avait été proposée. Discutons de la date limite, puisqu'il faut en fixer une pour être en mesure de remettre les amendements aux greffiers législatifs pour qu'ils puissent commencer leur travail, qui prendra un certain temps.
Quelqu'un a‑t‑il levé la main pour intervenir sur cette question?
Merci beaucoup, madame la présidente. J'aimerais proposer que la date limite soit fixée à vendredi, à 16 heures, et que le Comité n'accepte les amendements ultérieurs que par consentement unanime.
La motion qui a été proposée prévoit que nos amendements doivent être présentés au Comité au plus tard vendredi, à 16 h 30, et — je crois que ça devrait suffire — si d'autres amendements sont souhaités, ils pourraient être présentés et adoptés par consentement unanime.
Je ne crois pas que M. Julian ait dit que les amendements proposés devraient être adoptés à l'unanimité. Je ne pense pas que cela figurait dans sa motion.
Peut-être qu'il serait utile de distribuer sa motion pour que nous la lisions. Par respect pour nos collègues francophones, cela devrait peut-être se faire dans les deux langues officielles.
J'invoque le Règlement, madame la présidente. Il s'agit d'une motion procédurale, mais Mme Thomas a raison de dire que les amendements qui arrivent après la date limite ne seraient acceptés par le Comité que par consentement unanime. J'ai mentionné, lors de nos discussions plus tôt cette semaine, que l'objectif est de faire avancer les choses, de sorte que tout le travail de traduction et de production puisse être entrepris.
En même temps, j'accepte volontiers le point soulevé par Mme Thomas, qu'il y aura des amendements présentés après la date limite. Mon objectif est de faciliter cela. Je pense que les quatre partis représentés dans le Comité ont déposé leurs amendements en toute bonne foi, reconnaissant que les conservateurs voudront apporter des amendements tardifs, que ce n'est pas un problème et que nous les accepterons — comme le veut la tradition — par consentement unanime.
Il ne s'agit pas de bloquer les amendements tardifs, mais de nous permettre d'avancer. Nous avons déjà travaillé avec diligence sur nos amendements, et je sais que les autres partis l'ont fait également. Il faut amorcer le mouvement parce que le travail de production prend beaucoup de temps.
Je sais qu'il n'est pas conforme à la procédure de faire un rappel au Règlement pendant la discussion sur le rappel au Règlement d'un autre membre, mais je tiens à souligner que l'information que vient de communiquer mon concitoyen de la Colombie‑Britannique, M. Julian, constituait en fait des éléments de débat. Si nous invoquons le Règlement, ce devrait être pour des raisons procédurales, non pour soulever des points qui distraient du débat. Je crois que la députée Thomas avait la parole.
Cela étant dit, je me retire.
Madame la présidente, j'espère que vous rendrez une décision sur ce point.
Il n'y a rien sur quoi me prononcer. Une question a été posée à M. Julian, à savoir s'il pouvait faire circuler sa motion par écrit, en anglais et en français. Je pense que c'est ce que Mme Thomas demandait.
Madame la présidente, tout ce que j'ai entendu, c'est un rappel au Règlement. Je ne vous ai pas entendu donner des clarifications. Je le demande à la présidence. J'aimerais obtenir des précisions sur cette motion. D'après ce que je comprends de la motion, nos amendements doivent être présentés au plus tard vendredi, à 16 h 30, et les amendements ultérieurs ne peuvent être présentés que par consentement unanime.
Madame la présidente, je vous demande de préciser si c'est bien le cas. Je demande également que cette motion soit distribuée par écrit afin que nous l'ayons sous les yeux.
Je confirme que c'est ce que M. Julian a dit et il l'a précisé à nouveau en réponse à votre question initiale.
Monsieur Julian, avez-vous le texte de la motion? Pouvez-vous la mettre rapidement par écrit pour que nous puissions en envoyer une copie aux membres du Comité?
Il s'agit d'une motion de procédure et non de fond, madame la présidente. Mme Thomas le sait. Je peux la mettre par écrit, si c'est ce qu'elle souhaite. C'est une motion très simple: 16 heures vendredi et les derniers amendements seront acceptés par consentement unanime. Je peux toutefois mettre cela par écrit, à moins que les conservateurs veuillent proposer des amendements favorables, ce qui pourrait modifier la motion.
À mon avis, l'idéal serait que les conservateurs nous disent s'ils veulent apporter des changements ou des amendements favorables à ce que je viens de proposer.
Je veux poser une question à M. Julian concernant la nécessité d'avoir le consentement unanime pour les nouveaux amendements qui seront proposés après l'heure limite. Selon la pratique habituelle, il est possible de présenter des amendements sans avoir le consentement unanime. C'est la question que je pose.
Madame la présidente, c'est encore Dan Albas. Je m'excuse, car je ne suis pas un membre régulier du Comité. J'ai l'habitude d'assumer la présidence d'un autre comité, j'ai donc de la difficulté à suivre vos règles.
Ce que je voulais savoir précisément... En fait, M. Julian a proposé une motion. J'espère toujours en recevoir une copie, parce que j' ai compris le début, mais pas la fin. D'après ce que j'ai compris, il y est question de consentement unanime. J'aimerais y jeter un coup d'œil, pour voir si nous pouvons proposer un amendement. J'ai du mal à suivre le débat.
Ne pouvez-vous pas suspendre la séance quelques instants, le temps de mettre la motion par écrit et de la distribuer à tout le monde dans les deux langues officielles. C'est un peu étrange qu'un député présente une motion et dise ensuite qu'il est ouvert aux amendements favorables, alors que nous n'avons pas encore eu une copie de la motion originale. C'est peut-être simplement parce que je n'ai pas bien compris ce que M. Julian a dit, ou parce que j'ai été distrait.
Je m'en excuse, madame la présidente, mais je souhaite vraiment contribuer aux échanges ici à titre de remplaçant.
Il est arrivé souvent, monsieur Albas, que des membres du Comité proposent directement des amendements durant l'étude d'un sujet particulier, sans les mettre par écrit dans les deux langues officielles. C'est ainsi que nous travaillons ici, toujours de bonne foi et avec de la bonne volonté. C'est ce que fait M. Julian.
Monsieur Julian, pour éviter ces brèves interruptions, pourquoi ne mettez-vous pas cette motion par écrit? Nous pourrons ensuite en débattre et proposer des amendements et des sous-amendements?
Je peux le faire volontiers, mais si les conservateurs... Elle est assez simple et je sais qu'il y a beaucoup de parlementaires d'expérience autour de la table. Elle précise vendredi, 16 heures... J'ai proposé que les amendements tardifs soient acceptés par consentement unanime, mais je suis très ouvert à toute suggestion de la part des conservateurs, ou de tout autre membre du Comité, afin que nous en arrivions à une solution.
Monsieur Julian, comme vient de le dire M. Méla, il n'est pas nécessaire d'avoir le consentement unanime pour les motions proposées pendant l'examen article par article.
Je vous demande de répéter votre motion. Elle est brève. Je ne crois pas qu'il soit nécessaire d'en distribuer une copie à chacun.
Voulez-vous la répéter succinctement, monsieur Julian, en français aussi pour ceux ici présents dont la langue première n'est pas l'anglais?
Je vais la simplifier encore davantage. Je vais essayer de deviner ce que les conservateurs pourraient proposer comme amendement, puis je vais simplifier la motion en proposant simplement que la date et l'heure limite pour soumettre des amendements en vue de l'étude article par article du Comité soient fixées à vendredi, 16 heures.
Je propose que la date et l'heure limite pour soumettre des amendements en vue de l'étude article par article du projet de loi C‑11 soit à 16 heures, vendredi prochain.
Je propose que la date et l'heure limite pour soumettre des amendements en vue de l'étude article par article du projet de loi C‑11 soit ce vendredi, à 16 heures.
On a proposé de préciser qu'il s'agit bien de l'heure avancée de l'Est. Ce serait donc à 16 heures, heure avancée de l'Est, c'est-à-dire l'heure d'Ottawa.
J'ai été un peu pris par surprise, parce qu'en examinant la liste des témoins présentée par les libéraux, par nous, par les bloquistes et par les néo-démocrates, je constate que nous n'avons pas encore entendu 33 groupes qui ont accepté l'invitation des néo-démocrates, des bloquistes et des libéraux.
À mon avis, ces gens ne doivent pas être contents. Ils ont pris le temps de répondre par écrit. Ils souhaitent venir exprimer ce qu'ils pensent du projet de loi C‑11 et bon nombre d'entre eux appuient le gouvernement. Je sais que le ministre viendra demain. Les fonctionnaires du ministère ont généreusement accepté de venir demain après-midi. De plus, comme vous le savez, nous avons prolongé la séance de demain de 15 h 30 à 18 h 30 et nous n'avons que quatre témoins de prévus pour la première heure demain.
Beaucoup de gens nous ont exprimé leur vive préoccupation. Certains appuient le projet de loi, d'autres non. Il y a des groupes importants. Prenons APTN, par exemple, nous n'avons pas entendu ses représentants. C'est un témoin proposé par le NPD. APTN est l'une des raisons pour lesquelles le CRTC... Je n'ai pas besoin de vous dire, madame la présidente, que CBC/Radio-Canada, le radiodiffuseur public, ne s'acquittait pas bien de son rôle de représentation de l'ensemble de la population de ce pays. C'est donc pour cette raison que le réseau APTN a été créé à Winnipeg et qu'il s'est étendu. C'est grâce au CRTC que cette station est maintenant présente d'un bout à l'autre du pays. Je pense que nous devons entendre ses représentants, parce que le projet de loi C‑11 pose certains problèmes.
Je donne cet exemple, parce que M. Julian veut que tout soit ficelé d'ici vendredi, 16 heures, heure de l'Est. Je suis surpris qu'il ne veuille pas entendre les représentants d'APTN. Ce réseau est l'une des grandes forces de notre pays. Il n'y a pas beaucoup d'organisations ethniques dans la liste. Nous en avons entendu une aujourd'hui, et son témoignage a été plutôt troublant. Cette organisation n'est pas reconnue par les télédiffuseurs canadiens, qu'il s'agisse de Bell, de Global ou même du radiodiffuseur public. Elle est exclue.
Nous avons beaucoup d'enjeux à examiner et je pense qu'APTN est l'un des... nous parlons d'un radiodiffuseur traditionnel. Je viens de ce milieu. Je veux vraiment les entendre. J'aimerais aussi entendre les représentants de la radio communautaire et de la radio de campus. C'est une autre association proposée par les néo-démocrates, madame la présidente. Ils ne semblent pas tenir tellement à les entendre...
M. Waugh fait des commentaires tout à fait déplacés. Hier soir, les conservateurs ont fait de l'obstruction. Nos témoins ont dû attendre des heures. Comme nous avons déjà accepté de recevoir des amendements après l'heure limite et que nous voulons seulement démarrer nos travaux, les conservateurs devraient permettre que la motion suive son cours. Ils auront l'occasion d'entendre d'autres témoins et ils auront aussi l'occasion de présenter d'autres amendements après cette date.
Nous devons lever la séance à 19 h 30 pile. Nous sommes de retour à la case départ. C'est là une tentative pour nous empêcher d'en arriver à une décision. Je vous rappelle rapidement qu'au moment où nous l'avons adoptée de bonne foi — elle a été adoptée à l'unanimité par ce comité —, la motion se lisait ainsi:
Que le Comité entende des témoins sur le projet de loi C‑11, Loi modifiant la Loi sur la radiodiffusion et apportant des modifications connexes et corrélatives à d'autres lois, durant une réunion de cinq heures au cours de la semaine du 23 mai 2022; que le Comité poursuive l'audition de témoins durant trois réunions de cinq heures au cours de la semaine du 30 mai 2022...
C'est cette semaine. Je le répète, il s'agit d'une motion claire visant à définir ce que nous faisons, et nous voyons maintenant que tout cela est... Elle a été adoptée à l'unanimité. Depuis que je préside ce comité, je n'ai jamais vu une liste aussi exhaustive de témoins. Quand nous commençons nos travaux, nous décidons de faire notre travail durant une certaine période et nous fixons une date limite que nous respectons. Si nous ne réussissons pas à entendre tous nos témoins durant cette période, eh bien, c'est tant pis.
La greffière travaille très fort pour appeler les témoins. Bon nombre d'entre eux n'ont pas pu être entendus pendant la discussion sur la motion qui a été présentée et adoptée à l'unanimité, nous avons donc terminé l'audition des témoins. Nous avons fait nos 20 heures. Nous avons eu 19 heures d'audition cette semaine. Nous avions demandé 20 heures au total et nous aurons une heure de plus. Le Comité a donc eu 20 heures. Il a rempli la demande qui a été acceptée à l'unanimité, conformément à la motion que je viens de vous lire.
Nous devons maintenant poursuivre nos travaux, selon la tradition des comités. Je précise qu'aucun minimum n'a été déterminé pour cette période de 20 heures, nous allons donc passer à l'étape suivante et fixer une date limite pour les amendements. Nous devons lever la séance à 19 h 30 pile, il ne nous reste donc plus que quelques minutes pour l'étude de la motion dont nous sommes saisis, conformément à notre tradition et à ce que nous avons dit. J'aimerais que nous évitions d'examiner à nouveau une motion déjà dûment adoptée à l'unanimité par le Comité.
Non, mais vous allez peut-être devoir le faire, monsieur Waugh, parce que nous devons lever la séance. Nous n'avons pas de salle de réunion et nous n'avons pas de personnel pour nous aider à poursuivre la réunion.
... de parler tout seul, comme vous l'avez probablement remarqué durant les réunions.
Des voix: Oh, oh!
M. Kevin Waugh: Madame la présidente, je regarde la liste des témoins... Pour l'amour du ciel, tout le monde est abonné à Spotify, et nous n'avons pas entendu cette entreprise. Elle fait partie des nouveaux médias. Nous avons entendu M. McCullough aujourd'hui nous parler des nouveaux médias. Je suis issu du milieu des médias traditionnels. J'ai interrogé Bell aujourd'hui. J'aimerais parler à APTN. J'ai d'autres questions à poser à l'industrie de la radio et de la télévision.
Madame la présidente, comme nous l'ont dit M. McCullough et d'autres témoins, les nouveaux médias doivent être au cœur de notre étude, parce que la Loi sur la radiodiffusion date de 31 ans. Je sais qu'elle doit être modernisée, mais pensons un peu au legs que ce comité laissera quand le projet de loi sera débattu à la Chambre. Faudra‑t‑il attendre 31 années de plus, madame la présidente, avant que nous ayons une nouvelle loi? Cette loi s'appelle, à juste titre, la loi sur la diffusion continue parce que le contexte évolue.
Nous devons nous pencher sur les nouveaux médias tout autant que sur les médias traditionnels. Je ne crois pas que nous ayons eu l'occasion d'en discuter autour de cette table. Aujourd'hui, l'un de nos témoins a ouvert les yeux de bon nombre d'entre nous sur la liberté d'expression et la possibilité de faire les choses à sa guise. Je ne suis peut-être pas l'un de ses abonnés, mais il est clair que beaucoup de gens le suivent. De plus, certains youtubeurs ont plus d'abonnés que Bell et Global. C'est dans cette direction que va l'industrie actuellement. C'est dans cette direction que le projet de loi C‑11 doit aller. Ce n'est pas pour rien que la Loi sur la radiodiffusion est devenue la Loi sur la diffusion en continu. Nous sommes au XXIe siècle. La Loi sur la radiodiffusion est archaïque. Nous devons aller de l'avant et la diffusion en continu deviendra...
Sauf le respect que j'ai pour mon collègue M. Waugh, pour qui j'ai aussi beaucoup d'estime, madame la présidente, je voudrais simplement exprimer ma déception.
Avant de partir pour la relâche parlementaire, nous avions discuté du nombre d'heures à consacrer à l'audition des témoins. Il y avait de la dissension. Certains voulaient aller plus rapidement, et d'autres voulaient prendre plus de temps. Nous avions discuté avec les conservateurs et nous avions convenu de tenir 20 heures de rencontres avec les témoins. C'était une entente, un compromis que nous avions trouvé.
Madame la présidente, et c'est là où j'exprime ma déception, nous sommes souvent en désaccord avec nos collègues conservateurs, et parfois d'accord avec eux, et c'est tant mieux, mais une chose est certaine, c'est que, en tout temps, nous pouvons habituellement nous fier à la parole des conservateurs quand nous concluons une entente avec eux. Alors, il est décevant de voir comment les choses tournent présentement et de voir qu'ils ne respectent pas leur propre parole.
Là-dessus, madame la présidente, je propose l'ajournement de la réunion.
Quelqu'un s'oppose‑t‑il à la motion d'ajournement?
Si personne ne s'y oppose, il est temps de lever la séance. Un grand merci à tous.
Nous poursuivrons nos travaux jusqu'à ce que nous convenions d'une date et d'une heure limite pour le dépôt des amendements, ce qui veut dire que nous serons de retour demain.