:
Je déclare la séance ouverte.
Bienvenue à la 137e réunion du Comité permanent du patrimoine canadien.
[Traduction]
La réunion d'aujourd'hui se déroule en mode hybride. Les participants y assistent en majeure partie à distance. Je n'ai pas l'habitude de voir M. Champoux sur Zoom. C'est intéressant.
J'aimerais vous rappeler brièvement les règles. Veuillez attendre que je vous nomme avant de prendre la parole. Vous ne pouvez pas prendre de photos de ce qui apparaît à l'écran, mais vous pourrez obtenir des images plus tard sur le site Web public. Si vous souhaitez intervenir, n'oubliez pas de cliquer sur l'icône de la main levée sur votre écran.
Je pense que c'est tout. Je vous ai rappelé toutes les règles que je devais vous rappeler.
Puisque la connexion de tous les participants fonctionne, nous pouvons amorcer la réunion.
Conformément à l'ordre de renvoi du mardi 29 octobre 2024, le Comité entame son examen approfondi du huitième rapport du Comité permanent du patrimoine canadien de la Chambre des communes.
Conformément à la motion adoptée à la Chambre des communes, nous recevons aujourd'hui la ministre de Patrimoine canadien, l'honorable Pascale St‑Onge.
La réunion sera d'une durée d'une heure.
La ministre est accompagnée de Mme Isabelle Mondou, sous-ministre de Patrimoine canadien, et de Mme Joëlle Montminy, sous-ministre adjointe principale aux affaires culturelles.
Bienvenue, madame la ministre. Merci d'avoir pris le temps de vous joindre à nous. En sachant ce qui se passe dans votre vie en ce moment, nous vous sommes reconnaissants d'être venue témoigner aujourd'hui. Vous avez cinq minutes pour votre déclaration liminaire.
Merci.
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Merci, madame la présidente.
Chers membres du Comité, nous sommes tous réunis pour parler de CBC/Radio-Canada, alors allons-y.
Je veux que ce soit clair pour tout le monde dans cette salle et pour les gens qui nous écoutent: les conservateurs instrumentalisent tout ce qui touche CBC/Radio-Canada pour miner la crédibilité du diffuseur public. En réalité, ils ne veulent aucunement le bien de cette institution et travaillent sans relâche pour obtenir une licence afin de la détruire. Ce sont donc deux visions opposées qui s'affrontent aujourd'hui.
D'abord, les conservateurs prétendent s'inquiéter des emplois et des gens concernés. C'est faux. Leur historique de décisions durant le gouvernement Harper-Poilievre raconte une histoire beaucoup plus sombre, et leur slogan « Définancer CBC » compromet 8 000 emplois directs et des dizaines de milliers d'emplois indirects.
Rappelons les faits. Après 2012, chaque année, les conservateurs ont réduit de 115 millions de dollars le financement de CBC/Radio-Canada. En raison de coupes successives par le gouvernement Harper-Poilievre, plus de 1 700 Canadiens ont perdu leur emploi. Je trouve donc leur soudain intérêt pour la préservation des emplois hypocrite et mensonger.
En ce qui concerne la paie au rendement, nous comprenons les questions que cela soulève. Nous aussi, nous nous attendons à ce que l'argent public soit bien administré en tout temps. Nous allons donc suivre de près l'étude annoncée par le conseil d'administration. Ce dernier indique vouloir revoir ce mode de rémunération et explorer de meilleures façons de faire.
Or, ici encore, le double discours conservateur est malhonnête. Je vous rappelle, chers membres du Comité, que c'est sous le dernier gouvernement conservateur que la paie au rendement a été augmentée de plus de 65 %, y compris pour la personne choisie pour la présidence de CBC/Radio-Canada à cette époque, soit Hubert T. Lacroix.
Vous comprendrez donc qu'il est inutile de faire semblant et de tenir de faux débats. La réalité est que les conservateurs sont en campagne constante pour détruire CBC/Radio-Canada. On ne peut pas les laisser faire.
La vérité est qu'ils ne veulent plus que le diffuseur public indépendant joue un rôle majeur pour informer nos communautés un peu partout au pays. Ils ne veulent plus que CBC/Radio-Canada soit un moteur de notre milieu culturel et artistique. Ils nous disent qu'ils vont effacer près de 100 ans d'histoire de l'une des marques canadiennes les mieux établies et reconnaissables d'un bout à l'autre du pays dans les deux langues officielles.
[Traduction]
En cherchant à détruire le diffuseur public, les conservateurs affichent un mépris total pour la réconciliation. Ils nous indiquent qu'ils ne veulent plus que CBC/Radio-Canada produise du contenu dans huit langues autochtones.
[Français]
Avec leur slogan « Définancer CBC », les conservateurs sont en train de nous dire qu'ils ne veulent plus d'un diffuseur public qui est là pour les communautés francophones partout au pays. Soyons très clairs à ce sujet: peu importe ce que leur slogan creux vise, il est impossible de « définancer » CBC sans que cela ait un impact irrécupérable sur Radio-Canada. Affirmer le contraire illustre l'incroyable niveau d'improvisation et le manque de vision des conservateurs lorsqu'il s'agit du diffuseur public. En fait, l'histoire qu'ils racontent au sujet de CBC/Radio-Canada est fausse et déconnectée de la réalité.
Continuons à exposer des faits. Les sondages démontrent depuis plusieurs années que, malgré des critiques et une volonté de voir une amélioration, la population soutient largement l'existence de CBC/Radio-Canada. Par exemple, la plus récente étude, parue il y a trois semaines seulement, établit le soutien de la population à 78 %. Il serait temps que les conservateurs en prennent acte.
[Traduction]
Se pourrait‑il que la véritable motivation des conservateurs soit de miner la crédibilité de CBC/Radio-Canada? Ils préfèrent peut-être les univers numériques, où prolifèrent la désinformation et les propos douteux d'influenceurs autoproclamés et où les États hostiles au Canada se livrent à des activités d'ingérence étrangère.
[Français]
Rappelons qu'en matière de journalisme, CBC/Radio-Canada emploie près du tiers des journalistes au pays. En voulant « définancer » l'institution, ce que veulent réellement les conservateurs, c'est priver les Canadiens d'information journalistique professionnelle basée sur les faits et produite en fonction d'un code de déontologie. Par exemple, trouvent-ils que des émissions comme Enquête ou The Fifth Estate, qui fête d'ailleurs ses 50 ans, n'ont plus leur place pour faire la lumière sur les problèmes qui nous préoccupent?
S'attaquer au diffuseur public est surtout une manière de nous affaiblir collectivement. Cet acharnement conservateur est dangereux. Les conservateurs se disent pour la liberté, tout en travaillant à priver les Canadiens de leur diffuseur public. Est-ce cela, le plan de match des conservateurs, c'est-à-dire détruire CBC/Radio-Canada pour laisser toute la place aux plateformes étrangères?
[Traduction]
Comme je le disais, il existe deux visions opposées.
Il y a la vision conservatrice, qui veut annihiler un siècle de progrès au Canada et faire de nous le seul pays du G7 sans diffuseur public. Il y a ensuite notre vision, qui reconnaît la nécessité d'investir dans notre pays afin de nous doter des outils et des moyens pour demeurer uniques, autonomes et fiers des contenus créés au Canada.
[Français]
À mes collègues du NPD et du Bloc québécois, je propose que nous travaillions ensemble pour améliorer notre diffuseur public sans jouer le jeu dangereux des conservateurs. Dialoguer ne les intéresse pas et ils n'ont qu'un seul objectif, au bout du compte: fermer CBC/Radio‑Canada.
Je vous remercie de votre attention.
:
Merci beaucoup, madame la présidente. Sachez que je partage mon temps de parole avec M. Gourde. Je vais lui faire signe au moment voulu.
Merci de votre présence, madame la ministre.
Lorsque Mme Tait, présidente-directrice générale de CBC, et le président du conseil d'administration ont témoigné devant le Comité, ce dernier a dit explicitement que le conseil d'administration était satisfait du rendement de la PDG du diffuseur public. Le conseil d'administration a donc approuvé le rendement de Mme Tait, mais le président a affirmé que l'approbation de la prime relevait de vous.
Comptez-vous allouer une prime de rendement à Mme Tait?
:
Merci, madame la présidente.
Je remercie la ministre de sa présence aujourd'hui.
Je vais faire un petit rappel historique. Pendant l'ère libérale de Jean Chrétien, CBC/Radio‑Canada a subi des compressions budgétaires de plus de 400 millions de dollars, alors que son budget était d'environ 950 millions de dollars. Cela représente une réduction du budget de près de 45 %. Je rappelle que, quand les temps sont difficiles, chacun doit y mettre du sien. Sous le gouvernement conservateur, les réductions étaient de l'ordre de 10 %, au lieu de 45 %.
Madame la ministre, vous avez accordé plus d'argent à CBC/Radio-Canada dans le dernier budget. Je crois que c'était environ 40 millions ou 45 millions de dollars. Est-ce exact?
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Merci beaucoup de la question.
Je rappelle à tous les Canadiens et à mes collègues conservateurs que le radiodiffuseur public se dévoue pour être une source d'information fiable, durable et indépendante partout au Canada, c'est-à-dire d'un océan à l'autre. Il s'agit du seul média d'information qui a cette capacité et ce mandat. Il est aussi le seul radiodiffuseur qui sert les populations canadiennes autant en français qu'en anglais, en plus de huit langues autochtones.
CBC/Radio-Canada est aussi un média qui investit dans la création et dans les créateurs de chez nous.
Comme nous l'avons vu pendant la pandémie ou lors de situations d'urgence, CBC/Radio-Canada est toujours là pour mettre en lumière notre point de vue.
Par ailleurs, la majorité des Canadiens estime que l'apport de CBC/Radio-Canada est vraiment important. En effet, 74 % des Canadiens sont d'avis qu'il s'agit d'une source d'information fiable. Dans une proportion de 71 %, ils affirment que CBC/Radio-Canada reflète une diversité d'opinions sur un large éventail de sujets.
De façon majoritaire, à raison de 73 %, les Canadiens estiment que les services de nouvelles et d'information en anglais de CBC les aident à comprendre ce qui se passe dans les autres régions du Canada. Il y a aussi 70 % de la population qui dit que ce sont des sources fiables d'information.
Finalement, les francophones accordent à Radio-Canada la cote de confiance la plus élevée parmi toutes les chaînes de nouvelles canadiennes. Les nouvelles et l'information de langue française de Radio-Canada sont une source d'information fiable selon 85 % de la population francophone, alors que les nouvelles sont indépendantes et impartiales selon 72 % de celle-ci.
Cela démontre bien l'importance de Radio-Canada pour les Canadiens. Il est étrange de voir que les conservateurs veulent détruire un joyau canadien comme celui-là.
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Il faut être très clair à ce sujet. Peu importe la signification qu'on peut donner au slogan creux des conservateurs, il est impossible de « définancer » CBC sans que cela ait des conséquences irréversibles sur Radio-Canada, et ce, pour plusieurs raisons.
Premièrement, on sait très bien que, dans plusieurs stations régionales, les équipes techniques sont intégrées. La direction de Radio-Canada l'a d'ailleurs expliqué à ce comité.
Deuxièmement, quand on parle de couper le financement public de CBC, on parle de couper les deux tiers du financement public et d'éliminer des milliers d'emplois. À la lumière de tout cela, il est impossible que les revenus privés de CBC/Radio-Canada ne soient pas touchés. Les coupes seraient donc beaucoup plus importantes qu'on le croit. Je ne vois pas dans quel monde il y aurait suffisamment de moyens pour que Radio-Canada puisse continuer à remplir son mandat auprès des communautés francophones, tant au Québec qu'à l'extérieur du Québec.
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La fermeture de CBC/Radio-Canada ou le fait de « définancer » CBC/Radio-Canada aurait des conséquences dévastatrices. Ce sont des milliers d'emplois qui sont menacés. À peu près 8 000 emplois seront perdus en raison de la suppression du financement de CBC/Radio-Canada. Entendre mes collègues conservateurs s'émouvoir aujourd'hui des emplois à Radio-Canada n'est donc pas crédible.
De plus, plusieurs communautés autochtones du Canada perdraient le seul média qui offre de l'information et du contenu dans leur langue autochtone.
Il faut aussi rappeler que les investissements de Radio-Canada dans la production et l'information ont des retombées extrêmement positives sur notre économie et sur l'ensemble du système culturel au Canada. Selon certaines estimations, chaque dollar investi dans Radio-Canada génère 2 $ d'activité économique. Il s'agit aussi d'un soutien essentiel pour les artistes et pour les créateurs, entre autres, qui contribuent à notre économie à hauteur de 58 milliards de dollars. Le secteur culturel, dans l'audiovisuel, représente environ 673 000 emplois au Canada.
Ainsi, de façon directe ou indirecte, réduire considérablement le financement de CBC/Radio-Canada aura un impact dévastateur sur notre économie et sur tout le secteur de l'audiovisuel, en plus de priver les Canadiens de leur diffuseur public, qui existe depuis près de 100 ans. Je ne comprends pas qu'on s'attaque à un fleuron aussi important de notre pays.
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Merci, madame la présidente.
Madame la ministre, je vous remercie d'avoir dégagé du temps dans votre horaire qui, je le soupçonne, est bien chargé de dossiers qui suscitent de vives émotions ces temps-ci. Je vous suis donc très reconnaissant de votre présence, d'autant plus que vous êtes venue parler d'un sujet qui nous touche, qui nous préoccupe et qui préoccupe des Québécois et des Canadiens d'un peu partout, comme vous l'avez dit tantôt dans votre allocution d'ouverture. En effet, je pense qu'environ 80 % des Canadiens à qui on a posé la question ont affirmé vouloir avoir un diffuseur public de qualité et en santé.
Cela étant dit, je pense que vous conviendrez que tout n'est pas parfait, que tout n'est pas rose et qu'il y a effectivement des critiques qu'on peut adresser à l'endroit de CBC/Radio‑Canada et de la gestion des dernières années de Mme Tait. On pourra y revenir.
Je suis d'accord avec vous pour dire qu'on doit aussi se mettre à la recherche de solutions, d'abord pour assurer la survie du diffuseur public, mais aussi pour assurer son avenir.
Vous avez parlé déjà des répercussions de la menace que font peser les conservateurs sur les services français de Radio‑Canada en voulant « définancer » CBC. Revenons un peu là-dessus.
Selon vous, quelle serait la gravité des répercussions sur la culture francophone au Québec et au Canada si on devait ne fût-ce qu'amputer le budget présentement alloué à Radio‑Canada?
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Madame la présidente, je remercie mon collègue de sa question fort pertinente.
Nous savons tous les deux à quel point Radio‑Canada est une institution phare pour le Québec, pour les communautés francophones à l'extérieur du Québec et pour la survie de la langue française dans un univers nord-américain à peu près complètement anglophone.
On parle de supprimer les deux tiers du financement public, soit la portion qui va à CBC. Évidemment, cela laisserait très peu d'argent pour la mission de Radio‑Canada. De surcroît, on risquerait de voir disparaître tellement d'emplois que la capacité de production technique serait également compromise du côté des activités francophones de notre diffuseur public.
Selon moi, les répercussions sont évidentes. Je n'arrive pas à comprendre comment les conservateurs peuvent faire une telle proposition en prétendant que les Canadiens vont accepter qu'on finance un diffuseur public seulement en français et que, ce faisant, on prive le reste du Canada d'avoir accès à un diffuseur public dont les services sont vraiment offerts par et pour la population canadienne. Cela m'apparaît tout à fait incohérent et impossible.
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Je me permets de faire un aparté.
C'est sans compter le fait que, si on sabrait les services de production de Radio‑Canada, en l'occurrence les services français, pour ne parler que de ceux-là, cela aurait des répercussions très importantes sur l'ensemble de l'industrie télévisuelle au Québec. En effet, comme vous l'avez dit un petit peu plus tôt, Radio‑Canada joue un énorme rôle, mais a aussi des répercussions sur tout l'écosystème. Un écosystème en santé doit inclure aussi la présence de Radio‑Canada comme producteur, comme diffuseur et comme générateur de contenu.
Je veux parler aussi des coûts que cela représente. Nous en avons parlé avec Mme Tait lors de son dernier passage à ce comité. Les conservateurs dépeignent ces coûts comme étant excessifs ou prohibitifs. Moi aussi, je remets en question la pertinence des primes de rendement. Je trouve que c'est une formule qui doit être revue, mais c'est un autre sujet. Il reste que, dans le discours conservateur, on véhicule le fait que cela nous coûte une fortune d'administrer un diffuseur public de qualité.
Évidemment, il y a des défis différents ici, au Québec et au Canada. On a un immense territoire à couvrir et cela engendre des coûts. Malgré tout, cela coûte environ 33 $ par habitant par année pour avoir CBC et Radio‑Canada, qui offrent respectivement des services dans chacune des deux langues officielles, en plus de couvrir certaines langues autochtones. Par comparaison, est-ce que vous avez une idée de ce que cela coûte dans les autres pays, madame la ministre?
Par ailleurs, est-ce que vous avez une idée de ce que les Québécois et les Canadiens seraient prêts à payer pour avoir un diffuseur public sans frais d'abonnement pour différents services ou sans ces publicités qu'on voit passer dans à peu près toutes les émissions et sur toutes les plateformes? Est-ce que vous pensez que les Canadiens seraient prêts à payer un peu plus cher que le petit montant de 33 $ ou 34 $ par année qu'ils paient actuellement, pour que le diffuseur public paie ses employés à même les revenus gouvernementaux, donc à même ses revenus publics, plutôt que de devoir offrir des primes de rendement pour essayer d'attirer des gens à l'aide de salaires concurrentiels?
Que pensez-vous de l'option d'augmenter non pas le fardeau, parce qu'un montant de 33 $ ne constitue pas vraiment un fardeau, mais le coût annuel par habitant?
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On fait piètre figure à l'international, du moins du côté des pays qui se disent démocratiques. Au Canada, le niveau de financement du diffuseur public est de 33 $ par habitant par année, alors que la moyenne des pays du G7 est de 86 $. Vous voyez donc qu'on est extrêmement loin des autres pays. De plus, des pays qui ont connu de la propagande, comme l'Allemagne pendant la Seconde Guerre mondiale, investissent des centaines de dollars par année par habitant dans leur diffuseur public, parce qu'ils comprennent très bien l'importance d'avoir un service public qui est une source d'information indépendante du gouvernement.
Effectivement, je pense qu'il y a moyen d'examiner la façon dont CBC/Radio‑Canada est financée. Présentement, le financement de CBC/Radio‑Canada représente 33 $ par habitant par année, mais je rappelle que, à la suite des coupes de 115 millions de dollars effectuées sous le gouvernement Harper, il était descendu à 29 $. À ce niveau de financement du diffuseur public, on se rapproche vraiment du cancre des pays du G7 en la matière, c'est-à-dire les États‑Unis, qui investissent 4 $ par année par habitant. Or, on sait ce qu'ils pensent des diffuseurs publics de façon générale.
Selon moi, il y a une marge de manœuvre pour mieux financer notre diffuseur public et pour trouver des formules qui permettent de la prévisibilité et de la stabilité. C'est important pour assurer non seulement des emplois, mais aussi le rayonnement de notre spécificité culturelle, tant au Québec que dans le reste du Canada, sans oublier les communautés autochtones.
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Madame la ministre, j'ai récemment proposé une motion qui a été bloquée par mes collègues du Parti libéral et du Bloc québécois, et qui portait sur des problèmes assez graves à Canada Soccer. On vient d'apprendre que ce n'est que la pointe de l'iceberg.
Soyons clairs sur ce dont nous parlons: une culture de tricherie et de pression omniprésente au sommet de notre organisme national de soccer et de nos équipes nationales.
On cite des joueurs qui ont affirmé que dire « non » n'était pas une option et que John Herdman a mis beaucoup de pression sur son personnel. Si ses assistants refusaient de faire quelque chose, ils étaient mis de côté et pouvaient être placés sur une liste noire, ce qui changeait tout le cours de leur carrière.
En tant qu'ancienne ministre des Sports et actuelle ministre du Patrimoine, étiez-vous au courant de cette culture omniprésente à Canada Soccer?
Plus important encore, qu'avez-vous fait, le cas échéant, en sachant que le gouvernement fédéral finance Canada Soccer?
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Eh bien, nous avons également une ministre qui a été ministre des Sports, et CBC/Radio-Canada a largement couvert, au cours des derniers jours, le scandale à Canada Soccer.
J'aimerais demander à la ministre du Patrimoine de travailler avec sa collègue, la , qui ne s'est pas prononcée sur ce scandale, pour nous faire parvenir l'information sur les sommes d'À nous le podium qui ont été consacrées au financement d'activités liées à l'espionnage, comme l'achat de drones.
Combien d'argent a été dépensé pour la surveillance, les déplacements des entraîneurs ou l'équipement utilisé pour l'espionnage...
Pendant mon temps de parole, je parle d'un sujet que CBC/Radio-Canada a couvert, et je crois que les Canadiens méritent qu'on leur rende des comptes.
En fait, je suis très inquiète de voir à quel point les libéraux ne veulent pas parler du scandale qui se déroule à Canada Soccer. Je rappelle que Canada Soccer est financé par le fédéral. Je suis très déçue d'entendre le manque de transparence des libéraux sur cette question. J'espère vraiment recevoir l'information sur les sommes d'À nous le podium qui ont été consacrées aux activités d'espionnage de Canada Soccer.
Passons à CBC/Radio-Canada.
Catherine Tait termine son mandat à CBC/Radio-Canada, et la réputation de la société d'État en a pris un coup en raison de son leadership et de la gestion faite par les libéraux.
Examinons les faits. Je suis fière de dire que la Chambre a récemment reconnu que la menace des compressions libérales s'est traduite par l'une des plus importantes réductions d'emplois de l'histoire de CBC/Radio-Canada. À cause des libéraux, son effectif est maintenant inférieur à ce qu'il était même pendant les années de Stephen Harper, et c'était avant que l'ancien chef conservateur ne fasse ses propres compressions.
Il y a de nombreuses collectivités, y compris dans ma propre région, ici, dans le Nord du Manitoba, où la société d'État n'est toujours pas présente, alors que cela fait partie de son mandat, selon le CRTC. Pendant ce temps, nous savons que CBC/Radio-Canada dépense des sommes exorbitantes en primes pour ses dirigeants. Tout cela a contribué à la volonté des conservateurs de vouloir détruire CBC/Radio-Canada.
Les Canadiens ont besoin de CBC. Ils ont besoin de Radio-Canada. Ils ont besoin d'un radiodiffuseur public fort, mais pas d'un radiodiffuseur qui distribue des primes à ses dirigeants tout en supprimant des emplois, et d'un radiodiffuseur qui n'est pas présent dans des régions entières du pays, alors que cela fait partie de son mandat.
Comment allez-vous travailler avec la nouvelle PDG pour modifier le mandat de CBC/Radio-Canada afin de veiller à ce que le journalisme local soit la priorité et non pas les primes des dirigeants?
:
Merci, madame la présidente.
Bonjour à mes collègues.
Madame la ministre, merci beaucoup d'avoir pris le temps de venir aujourd'hui.
J'aimerais d'abord revenir sur les commentaires de M. Waugh.
Il disait — et cela revient constamment dans le manuel des conservateurs — que les cotes d'écoute sont en baisse. Qu'est‑ce que cela signifie vraiment? Comment les cotes d'écoute sont-elles mesurées, madame la ministre? Ces mesures tiennent-elles vraiment compte de la façon dont les Canadiens consomment les médias en 2024? D'après ce que j'en sais, c'est principalement par la diffusion en continu.
Avant que vous ne répondiez, j'aimerais aussi faire un bref commentaire concernant ma circonscription, Saint John—Rothesay.
Les gens de ma circonscription adorent CBC. Ils adorent la radio de CBC. Ils adorent CBC Nouveau-Brunswick. Ils adorent le contenu canadien. Ils adorent le fait que CBC unit notre communauté. En fait, vous savez, si les conservateurs veulent un conseil gratuit de ma part ici dans le Sud du Nouveau-Brunswick, je pense que ce n'est pas une bonne idée de parler constamment de supprimer le financement et de démanteler CBC. Je pense que c'est une grave erreur, et je pense que les Canadiens vont se rallier, comme ils l'ont fait en 2015, en 2019 et en 2021.
Quoi qu'il en soit, madame la ministre, je reviens à vous. J'aimerais savoir ce que vous pensez du fait que les conservateurs disent que les cotes d'écoute sont en baisse.
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Je pense que les conservateurs sont pris dans les années 1980, à l'époque où Internet n'existait même pas.
Rappelons les faits.
Comme vous m'avez clairement entendue le dire, plus de 21 millions de Canadiens utilisent les services de CBC et de Radio‑Canada tous les mois. Cela correspond à plus de la moitié de la population adulte. Chaque mois, près de la moitié du pays utilise les sites Web et les services numériques de CBC/Radio‑Canada, soit 17 millions de Canadiens dans le cas de CBC et 8 millions de Canadiens dans le cas de Radio‑Canada. On compte 10 millions de téléchargements de balados par mois, de même que des millions d'autres téléchargements sur d'autres applications et plateformes, y compris les services de diffusion en continu.
CBC exploite aussi le premier service d'information numérique au Canada pour ce qui est du nombre d'utilisateurs. Le service CBC Radio est le numéro 1 dans 17 des 22 marchés pour le nombre d'auditeurs, notamment à Toronto, mais aussi à Calgary et à Edmonton.
De plus, cinq balados de CBC/Radio‑Canada figurent parmi les quinze premiers balados au Canada en 2023.
Quand on tient compte de la réalité et des faits, on se demande pourquoi les conservateurs veulent éliminer une source aussi précieuse pour les Canadiens et les Québécois.
:
Je vais profiter de votre indulgence, madame la présidente.
Madame la ministre, encore une fois, je vais faire un aparté. Je me questionne toujours sur les vraies motivations des conservateurs quand ils critiquent le salaire de la PDG de CBC/Radio-Canada. Je trouve cela curieux de leur part, parce qu'ils prônent généralement le libre marché et sont conscients des réalités de marché en général. Ce n'est pas que je pense que Mme Tait mérite un tel salaire ou qu'elle méritait ce poste; la question n'est pas là.
Je reviens à l'idée d'établir des comparaisons. Prenons le cas de l'Australie, puisque les chiffres pour ce pays sont disponibles. L'Australie compte 27 millions d'habitants. Le directeur général de l'Australian Broadcascting Corporation, qui est le diffuseur public australien, gagne annuellement 820 000 $ en devise canadienne. On peut aussi comparer des pommes avec des pommes, pour que les critiques que l'on porte soient les plus judicieuses et les plus justes possibles.
Cela dit, je veux vous parler d'autre chose, madame la ministre.
Décrédibiliser les médias d'information qui sont généralement des médias grand public est une tendance qu'on observe dans plusieurs pays, chez un certain type de politiciens. On n'a pas besoin d'aller très loin pour le voir. Depuis des années, M. Trump, aux États‑Unis, parle de fausses nouvelles quand il parle des médias traditionnels. Cela a créé une espèce de fossé entre les médias dits de gauche et ceux dits de droite, un fossé qui s'est d'ailleurs accentué, à tel point qu'il s'est probablement créé un clivage relativement aux médias d'information aux États‑Unis. À mon avis, c'est ce qu'essaient de faire certains tenants du populisme et de la désinformation, sur le plan politique. Ils cherchent à décrédibiliser les journalistes qui font leur métier avec beaucoup de rigueur et qui débusquent de fausses informations ou de faux discours.
Madame la ministre, que pensez-vous de l'approche de Pierre Poilievre et du fait que les Canadiens ne semblent pas du tout adhérer à cette méthode?
Il vous reste environ une minute pour vous amuser à répondre à ma question.
:
Merci beaucoup de la question.
Comme vous, je trouve que cette approche est extrêmement dangereuse. Comme on le sait, dans une société démocratique, il faut que les personnes au pouvoir, qu'il s'agisse du pouvoir politique, des grandes entreprises ou des gens qui influencent le plus le monde, aient l'obligation de rendre des comptes à la population. C'est ce qui différencie une société démocratique d'un pays autoritaire où personne ne peut critiquer quoi que ce soit.
Quand je vois des députés conservateurs s'attaquer aux journalistes, je les vois s'attaquer à notre démocratie et à ceux qui exigent des réponses de leur part. Or, on sait que les conservateurs n'aiment pas donner de réponses.
Bref, je trouve qu'il s'agit d'une approche extrêmement dangereuse, et je trouve que cela en dit long sur la façon dont les conservateurs perçoivent le fonctionnement d'une société démocratique.
Je trouve aussi que c'est dangereux sur le plan de la sécurité nationale. Comme on le sait, énormément de désinformation circule sur Internet. On y fait même de l'ingérence étrangère. Si on veut que le Canada puisse contrer ceux qui tentent de déstabiliser notre démocratie, il doit y avoir des sources d'information gérées par et pour les Canadiens. Quand on s'attaque à CBC/Radio-Canada, qui est le diffuseur le plus solide au Canada et qui emploie le tiers des journalistes, on s'attaque de facto à notre sécurité nationale.
J'aimerais utiliser mon temps de parole pour présenter une motion pour laquelle vous avez tous reçu un avis. Elle concerne la protection continue par le Canada des nazis qui ont été autorisés à entrer au Canada pendant et immédiatement après l'Holocauste. C'est une partie honteuse de notre histoire, et j'exhorte tous mes collègues à appuyer cette motion.
Nous venons de souligner le jour du Souvenir. Je suis certaine que nous avons tous assisté à des cérémonies en l'honneur des soldats canadiens qui ont servi notre pays. Nous nous sommes engagés à ne jamais oublier les sacrifices des nombreux Canadiens qui ont servi et qui sont morts au cours de l'histoire. Cette année marquait également le 80e anniversaire du jour J et de la bataille historique de Normandie, au cours de laquelle les Canadiens ont joué un rôle essentiel pour libérer l'Europe et le monde du fascisme. La bataille de Normandie a coûté cher. Quelque 19 000 Canadiens ont été tués ou blessés par les nazis.
En France, les gens s'en souviennent. Ma famille et moi avons été très émues, lors d'une visite privée cet été, en entendant le Ô Canada et en voyant les démonstrations de gratitude des gens dans une ville libérée par des soldats canadiens. Quatre-vingts ans plus tard, ils s'en souviennent. Ils se souviennent de la lutte contre le nazisme et le fascisme.
C'est une question personnelle pour bon nombre d'entre nous. Aujourd'hui, je ne peux m'empêcher de penser à plusieurs membres de ma famille qui ont combattu les nazis. Ils savaient ce qui était en jeu. C'était l'avenir même de l'humanité.
Je pense à ma famille et à ma collectivité. Je pense à ma famille en Grèce, qui a souffert de l'occupation nazie et de la brutalité fasciste. Je pense aux communautés juives de la Grèce et du village près de chez mes pappos, mes grands-pères, qui ont été anéanties par l'Holocauste. C'était le résultat incontestable de l'idéologie nazie. Je pense à d'autres personnes dont des membres de la famille ont été victimes des nazis, ou aux familles qui n'ont jamais pu entrer au Canada parce que les autorités éprouvaient beaucoup moins de scrupules à dire non aux Juifs, les victimes de l'Holocauste, qu'à dire oui à un trop grand nombre de ses auteurs.
Les Canadiens méritent de savoir comment, selon la commission Deschênes, les nazis ont été accueillis au pays. De nombreuses organisations juives, polonaises et ukrainiennes ont clairement indiqué que les noms devaient être divulgués, mais Bibliothèque et Archives Canada, qui relève de la ministre du Patrimoine canadien, a dit non.
C'est honteux, alors je veux présenter ma motion. Je propose « Que, étant donné que le Comité permanent du patrimoine canadien regrette la protection continue accordée par la ministre du Patrimoine canadien aux quelque 900 nazis autorisés à entrer au Canada après la Seconde Guerre mondiale », etc., et qu'elle reçoive l'appui des membres du Comité à la réunion aujourd'hui.
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Madame la présidente, encore une fois, Mme Ashton nous arrive avec des surprises en fin de réunion. Il y aurait matière à discuter longuement de cette motion, et je serais tout à fait disposé à le faire au moment opportun.
J'ai de très sérieuses préoccupations relativement à cette motion.
D'une part, une enquête et un rapport ont été faits. La motion de Mme Ashton parle de quelque 900 nazis, alors qu'à certains endroits, on parle plutôt de 800 nazis. Cela dit, est-ce que ces personnes étaient des nazis? Ce n'est pas nécessairement le cas. L'enquête a révélé qu'au contraire, dans la très vaste majorité des cas, il n'y avait pas matière à entretenir quelque soupçon que ce soit envers ces gens, et ils ont été disculpés immédiatement.
D'autre part, parmi les questions que je soulève présentement, parlons des gens qui ont fait l'objet d'une enquête après la commission Deschênes. Je crois qu'il y en avait très peu, à peine quelques dizaines, et ils ont été disculpés. On n'a pas jugé bon d'aller plus loin.
Or, aujourd'hui, la motion demande la divulgation des noms de ces quelque 800 ou 900 personnes, qui sont fort probablement décédées aujourd'hui, dans la très vaste majorité des cas. Leurs descendants se sont sans doute très bien intégrés et n'ont rien à voir avec quoi que ce soit qui aurait pu être répréhensible de la part de leurs parents ou de leurs grands-parents. Je trouve que c'est extrêmement délicat. Mme Ashton nous arrive avec cette motion en fin de réunion, alors que cela nécessiterait probablement des débats un peu plus éclairés et un peu moins pressés.
Alors, je suis extrêmement mal à l'aise devant cette proposition, qui nous arrive, je ne sais trop pour quelle raison, alors que nous étions en train de discuter de CBC/Radio‑Canada.
Allez‑y, madame la greffière.
(La motion est adoptée par 6 voix contre 5.)
La présidente: Nous avons commencé avec 10 minutes de retard. Il est maintenant 12 h 10. Je pense que la ministre a dit très clairement qu'elle avait une heure à nous accorder en raison de circonstances liées à son congé de maternité.
Je pense que nous devrions décider de lever la séance maintenant.
Je tiens à remercier la ministre...