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Je déclare la séance ouverte.
Bonjour à tous. Bienvenue à la 52e réunion du Comité permanent du patrimoine canadien de la Chambre des communes.
Je tiens à souligner que cette réunion a lieu sur le territoire traditionnel non cédé du peuple algonquin anishinabe.
[Traduction]
Conformément à l'ordre de renvoi adopté par la Chambre le mardi 31 mai 2022, le Comité poursuit son étude du projet de loi , Loi concernant les plateformes de communication en ligne rendant disponible du contenu de nouvelles aux personnes se trouvant au Canada.
La séance d'aujourd'hui se déroule dans une formule hybride, tel qu'il est prévu à l'ordre pris par la Chambre des communes le 23 juin 2022. Suivant cette formule, les députés peuvent siéger en personne ou à distance au moyen de l'application Zoom.
Voici maintenant quelques instructions qui s'adressent autant aux témoins qu'aux députés.
Veuillez attendre que je vous nomme avant de prendre la parole. Si vous nous joignez par vidéoconférence, cliquez sur l'icône au bas de votre écran pour activer votre microphone, et mettez‑le en sourdine si vous n'avez pas la parole.
Dans l'application Zoom, vous pouvez sélectionner le parquet, l'anglais ou le français au bas de l'écran. L'icône est un petit globe, et elle vous donne accès aux services d'interprétation. Si vous êtes dans la salle, vous pouvez bien entendu utiliser votre casque d'écoute et sélectionner le canal anglais ou français.
Je vous rappelle que vous devez en tout temps vous adresser à la présidence.
Je vais demander à la greffière de confirmer que les témoins ont effectué les tests de connexion requis et qu'ils utilisent les appareils de la Chambre des communes. Il serait malheureux que nous ayons de nouveau les difficultés rencontrées par un témoin avec un appareil qui ne venait pas de la Chambre.
Pouvez-vous me donner cette confirmation, madame la greffière?
Je souhaite la bienvenue à nos témoins.
Avant de vous présenter, je rappelle que vous aurez chacun cinq minutes pour nous livrer votre déclaration préliminaire. Si vous n'êtes pas le seul représentant de votre organisme, nous vous laissons le soin de choisir un porte-parole.
Je vais littéralement pousser un cri à 30 secondes de la fin pour que vous puissiez conclure. Après vos allocutions, nous passerons à la période des questions.
Je souhaite à nouveau la bienvenue à nos témoins. Je commence par l'organisme Dadan Sivunivut, représenté par son président-directeur général, M. Jean LaRose. Il nous joint par vidéoconférence.
M. LaRose sera le premier à présenter sa déclaration préliminaire.
Nous recevons également la directrice exécutive du Conseil national de la presse et des médias ethniques du Canada, Mme Maria Saras-Voutsinas, ainsi que le directeur du secteur des médias d'Unifor, M. Randy Kitt. Représentant l'Université d'Ottawa, nous accueillons M. Michael Geist, le titulaire de la Chaire de recherche du Canada en droit d'Internet et du commerce électronique rattachée à la faculté de droit. Enfin, M. Taylor Owen est ici à titre de titulaire de la Chaire Beaverbrook sur les médias, l'éthique et la communication, ainsi que de professeur associé et directeur du Centre for Media Technology and Democracy de l'Université McGill.
Je vais demander à M. LaRose de commencer. Vous disposez de cinq minutes.
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Bonjour, madame la présidente, et bonjour, distingués membres du Comité.
Merci de l'invitation à discuter avec le Comité du projet de loi . Je m'appelle Jean LaRose et je suis le président-directeur général de Dadan Sivunivut. Je suis un Abénaki de la Première Nation Odanak, et je remercie la nation algonquine de nous permettre de nous réunir sur son territoire non cédé.
Dadan Sivunivut a été créé en 2019 par le Réseau de télévision des peuples autochtones, l'APTN, pour s'occuper de ses activités non liées à la télévision. Notamment, Dadan Sivunivut est responsable de First Peoples Radio, qui gère des stations de radio à Ottawa et à Toronto, et joue un rôle actif dans IndigiNews, un service de nouvelles numériques qui dessert les territoires ancestraux et non cédés des peuples des langues halkomelem et squamish dans l'Ouest canadien.
Dadan Sivunivut appuie l'objectif du projet de loi d'assurer un soutien continu aux organismes de nouvelles afin de compenser l'influence des principaux intermédiaires numériques sur le journalisme canadien.
Néanmoins, nous estimons important que le projet de loi tienne mieux compte du rôle unique des organismes de nouvelles autochtones. C'est ce qui est attendu par suite de l'engagement du Canada à mettre en œuvre la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones, la DNUDPA, dont fait partie intégrante notre droit d'établir nos propres médias dans nos propres langues.
Le projet de loi devrait à tout le moins mettre sur un pied d'égalité les médias d'information autochtones et les services de nouvelles locaux non autochtones. Que ce soit intentionnel ou non, le projet de loi introduit une hiérarchie qui désavantage les médias d'information ethniques, y compris ceux qui desservent les communautés autochtones, par rapport à d'autres services de nouvelles locaux.
Je m'explique. Dans sa version actuelle, le paragraphe 11(1) du projet de loi exige que les accords conclus avec les intermédiaires de nouvelles numériques assurent qu'une « partie importante des entreprises de nouvelles locales […] en bénéficie » et qu'ils « contribuent à leur viabilité ». Par comparaison, la seule exigence pour les accords conclus avec des médias d'information autochtones est que « l'éventail de médias d'information qu'ils visent reflète la diversité », ce qui englobe les communautés linguistiques, raciales et autochtones. C'est une norme beaucoup moins stricte. Le projet de loi n'exige pas qu'une partie importante des médias d'information autochtones bénéficie des accords ou qu'ils contribuent à leur viabilité. Il faut en faire une exigence.
Nous avons fait des propositions précises pour remédier à cette lacune dans le projet de loi. Je vous les présente rapidement.
Nous proposons d'intégrer un renvoi à la DNUDPA dans le préambule du projet de loi, et de mentionner explicitement que les récits font partie intégrante du journalisme autochtone. Nous proposons une définition précise pour les médias d'information autochtones, selon laquelle ils doivent être dirigés par des Autochtones et produire du contenu de nouvelles destiné aux Autochtones.
Nous proposons que le paragraphe 11(1) du projet de loi exige que les accords conclus par les intermédiaires de nouvelles numériques bénéficient à une partie importante des médias d'information autochtones et contribuent de manière importante à leur viabilité.
Nous proposons que les critères d'admissibilité des entreprises de nouvelles qui sont énoncés aux paragraphes 27 et 31 du projet de loi tiennent compte des caractéristiques uniques des médias autochtones et des considérations fondamentales liées aux droits autochtones et à l'autonomie gouvernementale, de la même manière que les considérations liées aux institutions démocratiques et aux pratiques canadiennes sont considérées comme fondamentales pour les services de nouvelles non autochtones.
En dernier lieu, nous proposons que des Autochtones soient inscrits sur la liste d'arbitres dont la tenue est exigée à l'article 31.
C'est ce que nous proposons pour faire du projet de loi une mesure significative pour les peuples autochtones et notre droit d'établir nos propres médias dans nos propres langues.
Les Canadiens et les peuples autochtones se trouvent à un moment charnière de leur cheminement vers la réconciliation. Nous allons certainement rencontrer des difficultés, mais nous avons bon espoir de récolter aussi les fruits d'une meilleure compréhension et de la revitalisation des cultures et des langues autochtones.
Nous donnons notre appui à la version modifiée du projet de loi que nous proposons. À nos yeux, il marque un pas en avant, même si nous ne sommes pas au bout du chemin.
Nous avons également encouragé le gouvernement à soutenir directement les médias autochtones par l'intermédiaire d'un fonds administré de manière indépendante, qui sera stable et suffisant. Je sais que ce n'est pas le sujet de cette réunion, mais je suis fermement convaincu de la nécessité de créer un fonds qui sera administré par un organisme indépendant et qui favorisera l'émergence d'une nouvelle génération de journalistes autochtones dans les médias autochtones et d'autres médias représentant diverses cultures. Il ne faut jamais perdre de vue à quel point il est difficile pour les peuples autochtones de conserver et de promouvoir leurs cultures et leurs langues. Un projet de loi n'est pas une panacée, bien évidemment, mais si celui qui est à l'étude tient véritablement compte des droits et des cultures autochtones, il sera un appui précieux en ce moment décisif.
Je serai heureux de répondre à vos questions. Merci.
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Merci, madame la présidente.
Bonjour. Je m'appelle Maria Saras-Voutsinas, et je représente aujourd'hui le Conseil national de la presse et des médias ethniques du Canada.
Nos membres représentent tout l'éventail des organismes de presse et médiatiques, que ce soit la télévision, la radio, la presse écrite ou les médias en ligne. Nos membres sont des organismes de communication qui emploient des journalistes professionnels et qui publient principalement des contenus qui ne sont ni en anglais ni en français sur une base quotidienne, hebdomadaire, mensuelle ou autre. Le fil conducteur est que leurs contenus ne sont pas dans l'une des langues officielles du pays. Notre public, au vu du taux de natalité et des politiques en matière d'immigration du Canada, représente 23 % du marché potentiel d'utilisateurs. C'est la seule tranche de la population en hausse selon Statistique Canada.
Vous avez entendu des témoignages d'experts en matière de technologies, de géants du numérique et de médias grand public concernant les répercussions de la transition vers la consommation de contenus numériques de communication et de divertissement. L'exercice reste valable même si rien de tout cela n'est nouveau.
Les gouvernements essaient de rendre les règles du jeu équitables et nous l'en félicitons. Nous ne voulons pas que nos membres soient oubliés. Les effets sont aussi importants pour nous que pour les médias grand public. Depuis toujours, nous sommes en compétition pour les revenus publicitaires essentiels à notre survie.
Les annonceurs, y compris les gouvernements, ont jeté leur dévolu sur les plateformes numériques. Je trouve intéressant de rappeler que l'année dernière, le gouvernement a dépensé plus pour placer des annonces dans Facebook et Instagram que dans l'ensemble des publications imprimées grand public et ethniques. Pour comprendre ce que cela signifie, il vous suffit de revenir au témoignage d'un haut dirigeant de Meta devant le Comité, durant lequel il a déclaré que sa société perçoit plus de 200 millions de dollars par année au Canada sans produire de contenu.
Le projet de loi demande à ces géants du numérique de reconnaître leurs partenariats virtuels avec les créateurs de contenus comme nos membres, dont la croissance permet à ces plateformes d'accroître leur portée.
Nous serions plus rassurés si nous connaissions les règles avant que le sort du projet de loi soit scellé. Nous aimerions notamment connaître les conditions qu'il faudra remplir pour participer à un processus de négociation. Nos membres peuvent remplir ces conditions, et ils vont les remplir.
Nous vous demandons également de proposer un amendement au projet de loi pour que les journalistes propriétaires et exploitants soient pris en compte dans le nombre minimal de journalistes. Cela permettra à un plus grand nombre d'éditeurs de médias ethniques et ruraux de participer à des négociations collectives.
La pandémie a été et continue d'être une période incroyablement mouvementée pour les éditeurs de nouvelles ethniques. Le lectorat a explosé, mais les revenus publicitaires ont fondu comme peau de chagrin. Un choix très déchirant a été imposé à de nombreux éditeurs: continuer d'informer des groupes linguistiques minoritaires qui avaient vitalement besoin de nouvelles sur la pandémie, ou fermer leurs portes pour cesser d'accumuler des pertes. Je suis très fière de pouvoir affirmer que pour la vaste majorité, nos médias ont maintenu leurs activités parce qu'ils ont jugé plus important de diffuser de l'information vitale en matière de santé à leurs communautés, même s'ils le faisaient à perte.
Nos éditeurs jouent un rôle essentiel en informant leur communauté, dont certains membres ont une connaissance très sommaire du français ou de l'anglais. Ils aident les immigrants nouvellement arrivés ou bien établis au Canada à trouver leur place et à établir des liens significatifs avec leur communauté.
Il est crucial pour la démocratie que les Canadiens aient accès à l'information, même si elle n'est pas diffusée dans une langue officielle. Il faut corriger le déséquilibre entre les médias d'information locaux qui produisent les contenus et les grandes plateformes numériques qui en tirent profit.
Nous sommes fermement convaincus que le cadre du projet de loi doit inclure, et qu'il inclura des mesures de soutien pour les éditeurs de médias ethniques, qui en ont besoin plus que jamais.
Les géants du numérique ont signé des ententes avec certains médias canadiens, et c'est tant mieux, mais nous trouvons désolant de constater qu'aucun média ethnique n'en fait partie. De toute évidence, Meta et Google ne prendront pas l'initiative d'établir des partenariats avec la presse ethnique pour leur garantir une rémunération équitable. C'est pourquoi nous demandons que le projet de loi assure à nos membres la possibilité de participer à des négociations équitables et d'obtenir une juste rémunération pour leurs contenus.
Je suis moi-même membre de la communauté grecque, et je ne compte plus le nombre de témoignages que j'ai entendus concernant l'immense différence que peut faire l'accès à des nouvelles canadiennes en grec. Pour beaucoup, c'est ce qui leur a permis de se sentir comme des membres à part entière de la société canadienne et qui les a convaincus de suivre des cours d'anglais ou de français et de demander ensuite la citoyenneté canadienne. C'est toute la force de l'information. Elle permet aux gens de sortir de leur isolement et de mieux comprendre leurs voisins, leur province et leur pays, et c'est bon pour la démocratie.
Nous avons collaboré étroitement avec nos collègues de Médias d'Info Canada, avec qui nous nous sommes mis d'accord sur une approche juste, équitable et profitable pour les grands et les petits éditeurs. Nous formons une industrie unie et nous faisons fièrement front commun pour que les Canadiens aient accès à de l'information fiable dans la langue qu'ils comprennent le mieux.
Merci à vous tous de m'avoir consacré votre temps. Je suis impatiente de répondre à vos questions.
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Merci, madame la présidente.
Avec ses 310 000 membres, Unifor est le plus important syndicat du secteur privé au Canada. Nous représentons plus de 10 000 travailleurs des médias, dont des journalistes du secteur de la radiodiffusion et de la presse écrite.
Nous considérons le journalisme comme un bien public parce qu'il demande des comptes aux autorités. Il est plus important que jamais de renforcer la démocratie et les communautés. Les médias sociaux ont eu pour effet de nous diviser et de dresser les voisins les uns contre les autres. Dans une société aussi polarisée, des médias d'information solides peuvent contribuer à renforcer le sentiment de communauté.
Je ne m'étendrai pas trop longtemps sur le sujet parce que je pense que vous conviendrez tous avec moi que le secteur de l'information est en crise, et que les médias locaux sont particulièrement touchés. Le Forum des politiques publiques propose une excellente analyse de ce déclin dans son nouveau rapport intitulé Le miroir éclaté.
Les revenus de publicité des journaux communautaires ont reculé de 66 % de 2011 à 2020. Durant cette période, près de 300 journaux ont disparu ou ont été fusionnés avec d'autres publications. Il suffit de consulter la liste des journaux défunts pour connaître les régions et les petites villes canadiennes. Le domaine de la radiodiffusion ne fait guère mieux. Les médias d'information disparaissent, se regroupent ou réduisent leurs activités.
Le nombre de membres d'Unifor confirme cette tendance. De 2009 à 2022, les membres du Toronto Star sont passés de 610 à 178, une diminution de 70 %. Dans le domaine de la radiodiffusion, de 2017 à 2021, l'emploi a reculé de 16 %. En conséquence, l'activité journalistique diminue et il y a moins de nouvelles, sans rien pour les remplacer.
Où sont allés les annonceurs? Les géants américains du Web comme Google et Facebook ont accaparé le marché mondial de la publicité. Leur domination du marché mène à un abus de pouvoir parce qu'ils s'en servent pour dicter les conditions et les prix. Pourtant, et c'est important de le souligner, ils ne produisent aucun contenu de nouvelles, ni locales ni d'aucune autre nature.
Existe‑t‑il une solution à ce problème? Pour certains, et j'en suis, la réponse semble simple. Google et Facebook doivent payer leur juste part et contribuer à la production de contenus canadiens de nouvelles, mais comment? Unifor a commencé par dire que le mieux serait d'établir un fonds pour les nouvelles, mais c'était avant que l'Australie adopte une mesure législative efficace qui oblige les plateformes à négocier et à indemniser équitablement les médias d'information qui produisent les contenus.
C'est ce qui a inspiré le projet de loi , la loi canadienne sur les nouvelles en ligne. Unifor appuie l'adoption rapide du projet de loi. Il est minuit moins une. Sans cet appui, d'autres médias d'information au bord du gouffre ne pourront pas tenir.
Unifor relève trois principaux aspects qui posent problème dans le projet de loi . Premièrement, l'inclusivité est primordiale. Aucun média d'information admissible ne devrait être laissé pour compte. Deuxièmement, il faut introduire une obligation de rendre compte. L'argent tiré des accords doit servir à la production de nouvelles. Troisièmement, il faut plus de transparence. La valeur des accords doit être dévoilée publiquement.
Même s'il n'est pas parfait, et Unifor propose de petites améliorations nécessaires à notre avis du projet de loi , nous estimons néanmoins qu'il offre des solutions assez équilibrées pour ces diverses considérations.
Premièrement, le projet de loi accorde un rôle clé à la diversité et à l'inclusivité. Il prévoit l'inclusion des petits médias, et la neutralité quant à la plateforme assure également l'inclusion des diffuseurs et des baladodiffuseurs. Il est essentiel aux yeux d'Unifor que tous les médias d'information admissibles soient inclus.
Deuxièmement, il est clair pour nous que l'argent doit être investi dans la création de contenus de nouvelles. L'embauche de journalistes qui raconteront nos histoires et qui demanderont des comptes aux autorités offrira la mesure la plus fiable de l'efficacité du projet de loi.
Quant au troisième aspect, la transparence, les plateformes ont fait signer des ententes de non-divulgation pour s'assurer que la valeur des accords négociés reste secrète. Unifor demande que la valeur des accords négociés soit dévoilée publiquement. Cela dit, nous savons que le projet de loi autorisera le Conseil de la radiodiffusion et des communications canadiennes, le CRTC, à nous transmettre des chiffres globaux, c'est actuellement le cas pour le secteur de la radiodiffusion.
Unifor propose également que les arbitres aient un accès privilégié à la valeur des accords et à d'autres renseignements confidentiels pertinents pour être en mesure de rendre des décisions d'arbitrage éclairées.
Si nous pouvions compter sur une instance quasi judiciaire, indépendante du gouvernement et chargée de l'application du projet de loi... Unifor n'a pas toujours été d'accord avec les décisions du CRTC, mais nous accueillons très favorablement la décision de lui confier l'application du projet de loi parce que nous croyons que c'est tout à fait dans ses cordes.
En résumé, le secteur de l'information est en crise, et les médias locaux sont essentiels pour le bien public dans une démocratie en santé. Nous avons appris des Australiens qu'un cadre de négociation assorti d'un processus d'arbitrage peut fonctionner, et nous estimons que le projet de loi offre une version améliorée de la mesure australienne.
Unifor appuie l'adoption rapide d'une version légèrement modifiée du projet de loi . Ne nous laissons pas distraire par le bruit. Il faut adopter le projet de loi pour assurer un avenir durable aux médias d'information locaux.
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Merci infiniment de m'accueillir aujourd'hui.
On a beaucoup parlé du projet de loi dans les médias et dans le cadre des travaux du Comité dans les derniers mois. D'entrée de jeu, permettez-moi de rappeler que le débat porte sur des enjeux véritables et souvent existentiels pour les entreprises journalistiques, peu importe leur point de vue. Je suis seulement un observateur, mais j'accorde beaucoup d'importance au sort de tous ceux qui seront les plus touchés par les décisions de politique prises ici.
Certains demandent au gouvernement de rester complètement à l'écart du marché journalistique. Bien que je ne le partage pas, c'est un point de vue que je respecte. À mes yeux, le journalisme et, plus largement, l'accès à de l'information fiable sont des conditions sine qua non d'une société démocratique. Tout dysfonctionnement manifeste du marché à cet égard requiert une intervention prudente par l'intermédiaire de politiques publiques.
Voici maintenant quelques observations concernant cette intervention.
Premièrement, les plateformes ont déjà des accords avec les éditeurs. C'est la réalité et il faut la reconnaître. Des éditeurs choisis par les plateformes ont conclu des accords et ils ont signé des ententes de non-divulgation pour que la valeur de ces accords reste secrète. Il est impossible de savoir si les éditeurs ont subi des pressions ou si on leur a proposé des incitatifs. Je comprends que des éditeurs déjà parties à ce genre d'accords préféreraient s'y tenir parce qu'ils savent à quoi s'attendre. C'est le principe qui veut qu'entre deux maux, il faille choisir le moindre. J'estime toutefois qu'une politique publique est nécessaire pour rendre ces accords plus équitables et imposer une obligation de rendre des comptes aux Canadiens.
Deuxièmement, aucune politique ne pourra sauver le journalisme. Les répercussions d'Internet sur les entreprises et les pratiques journalistiques sont vastes et complexes. Le mécanisme proposé s'attaque à un seul aspect du problème, soit le déséquilibre du pouvoir de négociation entre les éditeurs et les plateformes. Cette asymétrie profonde est reflétée par le caractère inéquitable des accords en vigueur. C'est mon avis, mais je pense aussi que le rôle de la politique à l'étude doit être analysé concurremment à celui d'autres politiques de soutien au journalisme canadien et, au premier chef, à celui du crédit d'impôt pour la main-d'œuvre journalistique.
Troisièmement, même si beaucoup ont défendu ce modèle de rechange, et j'en ai fait partie, un fonds centralisé serait loin d'être sans failles. Il obligerait le gouvernement soit à instaurer une mesure fiscale visant expressément les plateformes, communément appelée une taxe sur les liens, soit à verser les revenus généraux dans un fonds qu'il aura lui-même créé et conçu. La première solution contreviendrait à l'Accord Canada-États-Unis-Mexique et, dans les deux cas, il s'agirait d'une ingérence beaucoup plus directe du gouvernement dans le domaine journalistique que le code de négociation.
Quatrièmement, même si le projet de loi est généralement assimilé au modèle australien, il comporte à mon avis d'importantes différences. Les critères d'exemption précis qui ont été ajoutés constituent son mécanisme central. La liste de ces critères, les moyens par lesquels les plateformes pourront attester leur conformité, ainsi que les modes d'évaluation et de vérification sont tous indispensables si nous voulons que le projet de loi serve l'intérêt public. De plus, il prévoit des mécanismes importants de reddition de comptes au public et de transparence qui sont absents de la loi australienne.
C'est ce qui m'amène à mon dernier point. Les améliorations importantes apportées au modèle australien accroissent considérablement la probabilité que d'autres pays, dont le Royaume-Uni, l'Allemagne, l'Afrique du Sud et même les États-Unis, adoptent très rapidement un modèle similaire. Ce n'est pas tant la probabilité de son adoption au Canada, mais celle que le mouvement prenne une ampleur mondiale qui a façonné la réponse la réponse des plateformes au projet de loi.
Google a tous les droits de défendre ses intérêts, mais sa stratégie a été de diviser les organismes de presse, les parlementaires et les Canadiens. Je déteste voir des amis journalistes s'entredéchirer, autant dans les petits que dans les grands organismes. La menace brandie par Facebook de bloquer l'accès à des contenus d'information fiables en dit long sur sa place dans notre société démocratique. J'espère vraiment que cette menace est traitée avec tout le sérieux qu'elle mérite dans les hautes sphères des gouvernements du Canada et des États-Unis.
Bien évidemment, le projet de loi est perfectible et il impose des compromis difficiles. Je soumets au Comité quatre questions pour alimenter sa réflexion à ce sujet.
Premièrement, comment s'assurer que le projet de loi exige que les conditions des accords soient le plus transparentes possible, dans les limites de la légalité? Je sais que tout ne peut pas être divulgué publiquement, mais l'organisme de contrôle devrait rendre des comptes aussi étoffés et aussi fréquents que possible.
Deuxièmement, comment le projet de loi peut‑il assurer une inclusivité optimale sans compromettre l'intégrité journalistique des bénéficiaires? Si, comme le propose Google, le projet de loi est plus restrictif, les petits éditeurs seront exclus. En revanche, des exigences trop souples risqueraient d'ouvrir une brèche pour les sites non journalistiques.
Troisièmement, comment le projet de loi peut‑il encourager les plateformes à favoriser le contenu journalistique et à pénaliser le contenu préjudiciable, et non l'inverse? Une solution facile consisterait à établir des règles claires pour interdire la discrimination.
Et quatrième et dernière question tout à fait raisonnable à mon avis, le projet de loi est‑il suffisamment souple pour être adapté aux changements économiques qui ne manqueront pas de s'opérer dans le monde des plateformes et l'industrie des médias d'information? C'est une erreur de penser qu'une politique sur le journalisme doit être permanente. À l'inverse, l'objectif devrait toujours être qu'elle devienne inutile un jour.
Je serai heureux de proposer d'autres amendements plus détaillés découlant de ces quatre questions. Merci de m'avoir consacré votre temps.
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Merci beaucoup, monsieur le président.
Bonjour. Je m'appelle Michael Geist. J'enseigne le droit à l'Université d'Ottawa, mais je témoigne à titre personnel et je vais présenter mes propres opinions.
Je remercie le Comité de me donner cette chance inattendue de revenir discuter avec lui du projet de loi . Je suis particulièrement ravi après avoir rencontré quelques difficultés techniques à mon passage précédent.
Je vais me concentrer sur les motifs pour lesquels le projet de loi impose un paiement pour les liens et pourquoi, selon moi, il pose une menace à la liberté d'expression. Auparavant, je vais énumérer rapidement d'autres sujets de préoccupation sur lesquels je pourrai revenir plus en détail durant la période de questions.
Premièrement, le projet de loi énonce des critères d'admissibilité très boiteux. Je crois qu'on vous a déjà parlé du fait que les règles proposées excluent des petits médias d'information. Mais au‑delà, il me semble que la domination de certains radiodiffuseurs dans ce système, et notamment de sociétés comme Bell et la Société Radio-Canada, la SRC, va à contre-courant de l'objectif du projet de loi de soutenir les médias locaux indépendants. Le directeur parlementaire du budget estime que ces sociétés percevront plus de 75 % des revenus, malgré la quasi-absence de rapport tangible entre les liens et les stations de radio et le fait que, selon moi, le contenu de nouvelles produit par la SRC constitue un bien public auquel il faut favoriser l'accès.
Deuxièmement, de nombreux médias d'information admissibles en vertu du projet de loi ne seront soumis à aucune norme journalistique. Contrairement au modèle des organisations journalistiques canadiennes admissibles, ou OJCA, qui est assorti de règles détaillées concernant les normes d'accès au soutien fiscal, le projet de loi permet à d'autres médias d'information, y compris des médias étrangers, de se qualifier. La qualité du journalisme risque de pâtir de cette absence de normes.
Troisièmement, l'article 24 du projet de loi ne respecte pas les normes relatives au droit d'auteur en stipulant que les « exceptions et restrictions » ne limitent pas la portée du processus de négociation. C'est tout à fait contraire aux principes mêmes de la Loi sur le droit d'auteur du Canada et une possible violation du paragraphe 10(1) de la Convention de Berne, qui prévoit que le droit de citation s'applique expressément aux articles d'actualité.
Quatrièmement, le projet de loi propose un mécanisme d'arbitrage sur l'offre finale, mais il autorise néanmoins les arbitres à intervenir pour la rejeter. Cette disposition rend le modèle complètement inopérant puisque son objet est d'inciter les parties à faire la meilleure offre possible.
Cinquièmement, il importe de souligner que les politiques gouvernementales de soutien fiscal qui sont déjà en place pourraient être efficaces. Le a évoqué la disparition de plus de 400 médias d'information depuis 2008, mais il a oublié de mentionner que le même rapport fait état de l'émergence de plus de 200 médias durant la même période et de l'absence de nouvelles pertes nettes depuis près de 2 ans.
Ce ne sont pas mes seules préoccupations, mais je vais consacrer les dernières minutes aux paiements obligatoires pour les liens, qui constituent à mes yeux le principal problème.
Le paragraphe 2(2) prévoit que l'accès au contenu de nouvelles doit être facilité. C'est le fondement du système. Cependant, la définition donnée, qui inclut manifestement les liens, les agrégations et même les répertoires, est incroyablement large.
L'inclusion des liens ne fait aucun doute. Le a parlé de la valeur des liens. L'Association canadienne des radiodiffuseurs en a parlé aussi lors de son passage devant le Comité. Elle a même affirmé que la valeur des liens était ce qui avait motivé sa comparution et que c'était le seul intérêt du projet de loi . Au début de la semaine, M. Coteau s'est dit renversé que des gens puissent prétendre qu'un clic dans Twitter n'a aucune valeur.
La Cour suprême du Canada a tranché que l'association de coûts aux liens risque de nuire au fonctionnement d'Internet. Malgré cette mise en garde, on en a fait la pièce maîtresse du projet de loi. Le préjudice sera le même, peu importe que les coûts soient imposés pour un groupe de liens ou à la pièce.
Non seulement le projet de loi rend les liens payants, mais il n'accorde pas une valeur égale à l'expression à laquelle mènent ces liens. Les liens à des contenus de nouvelles qui viennent de Bell et de la SRC ouvriraient droit à une indemnisation, contrairement à ceux qui donnent accès aux contenus de petits médias d'information.
Il est aussi énoncé explicitement dans le projet de loi que l'indemnisation sera fonction du lieu d'où vient l'expression puisqu'il exige que certains sites paient pour donner la possibilité à leurs utilisateurs de s'exprimer. Selon le projet de loi, si un lien à un article du Globe and Mail est partagé sur Facebook, il a une valeur et ouvre droit à une indemnisation, mais pas s'il est partagé sur Twitter, comme l'a souligné M. Coteau.
C'est une injustice flagrante, certes, mais cette politique a des répercussions beaucoup plus larges et beaucoup plus inquiétantes à mes yeux. Si la loi oblige des plateformes à payer pour autoriser l'expression, il y a un risque que le même principe soit étendu à d'autres objectifs de politique et mette en péril ce qui est à la base du partage d'information en ligne.
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Merci, madame la présidente.
Je voudrais remercier l'ensemble des témoins, pas seulement ceux que nous recevons aujourd'hui, mais tous ceux avec qui nous avons eu la chance d'échanger ces dernières semaines au sujet du projet de loi . C'est la dernière journée d'audition de témoins, et je remercie tous ceux qui nous ont proposé des amendements. C'est la dernière journée pour préparer nos amendements. Le comité du patrimoine examinera ces amendements dans deux semaines.
Je tenais à ce que ce soit inscrit au compte rendu, madame la présidente. Je tiens aussi à préciser que, au cours des derniers mois, les députés conservateurs ont exprimé leurs réserves concernant divers éléments du projet de loi .
J'ajouterai, madame la présidente, que nous sommes d'accord pour que les géants du Web paient leur juste part pour profiter du contenu des médias d'information canadiens, et notamment de celui des journaux locaux qui en arrachent partout au pays. C'est pourquoi le Parti conservateur a invité l'association des journaux de la Saskatchewan à comparaître devant le Comité. C'est pour cette raison aussi que nous avons invité l'association des journaux de l'Alberta, qui nous a affirmé que la moitié de ses membres ne seraient pas admissibles. Je n'ai pas été surpris. Dans ma propre province, le projet de loi ne s'appliquerait pas à 70 à 80 % des médias.
Je vais vous renvoyer à Marie Woolf, qui a magnifiquement exposé une des lacunes du projet de loi dans l'édition d'hier du Globe and Mail. Le journal The Davidson Leader a été vendu pour 1 $ il y a quelques années. J'ai bien dit 1 $. Mme Woolf a raconté l'histoire de Dan Senick, l'acheteur du journal. Les ventes du Davidson Leader se font par abonnement dans une proportion de 60 %. Même si c'est triste, tout le monde veut savoir qui est décédé, et la chronique nécrologique est la plus populaire du journal. Le journal est aussi accessible sur Facebook, qui devrait payer pour cela. Je tenais simplement à souligner à quel point j'ai aimé cet article.
Tout le monde a été cité hier, autant les libéraux, les néo-démocrates que moi. C'est une réalité. Nous sommes très inquiets du sort du journalisme local dans les régions rurales du Canada, pas seulement en Saskatchewan et en Alberta, mais partout au pays.
Sur ce, je vais poser mes questions, en commençant avec le Conseil national de la presse et des médias ethniques.
C'est la première fois que nous avons l'honneur de vous recevoir, madame Saras-Voutsinas. Je vais vous poser une question à développement. Nous savons que les libéraux sont favorables à une immigration massive et qu'ils veulent un programme robuste. Il peut arriver que nos médias locaux prennent du temps à intégrer les médias ethniques destinés aux nouveaux arrivants.
Comment allez-vous composer avec le projet de loi ? Comment votre industrie va-t-elle rattraper les retards et s'assurer que les personnes nouvellement arrivées dans notre pays reçoivent l'information diffusée par vos membres? Pouvez-vous nous l'expliquer?
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Merci, madame la présidente.
Je remercie nos invités pour leurs témoignages. Comme mes collègues avant moi, je tiens à vous exprimer toute ma reconnaissance.
J'aimerais interroger tout d'abord M. Randy Kitt, le porte-parole d'Unifor. Je sais que votre syndicat représente beaucoup de journalistes du Canada, et notamment les employés du média pour lequel je travaillais auparavant. Je dois avouer que je suis une grande admiratrice du Local News Research Project, accessible en ligne. C'est l'œuvre d'April Lindgren, qui a dirigé avec brio la tribune de la presse à Queen's Park avant d'enseigner le journalisme à Ryerson. Depuis 2008, le projet s'est intéressé à tous les organismes d'information qui ont dû cesser leurs activités à l'échelle du pays. Nous avons appris qu'environ 500 organismes ont fermé leurs portes.
Monsieur Kitt, pourriez-vous expliquer au Comité les conséquences de ces fermetures sur les emplois en journalisme et à quoi ressemblera l'avenir dans ce domaine si le Canada n'adopte pas le projet de loi ou une autre mesure du genre?
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Merci, madame la présidente.
Je remercie à mon tour les témoins d'être parmi nous aujourd'hui.
Ma première question s'adresse à M. LaRose.
Je tiens d'abord à vous saluer, monsieur LaRose. Vous venez d'Odanak, qui est située dans la circonscription voisine de la mienne, Drummond. C'est un plaisir de vous rencontrer. Un peu plus tôt cette année, nous avons également eu l'occasion de discuter avec Monika Ille de questions liées à APTN dans le cadre du projet de loi sur la radiodiffusion. C'est un plaisir de vous avoir parmi nous aujourd'hui.
Monsieur LaRose, je ne remets pas en question la pertinence de votre demande, mais j'aimerais savoir pour quelles raisons vous demandez que le projet de loi mentionne précisément les entreprises de nouvelles des Premières Nations. En quoi cela changerait-il le but du projet de loi C‑18? Qu'est-ce que cela vous apporterait de plus, comparativement à ce qui s'y trouve déjà?
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Effectivement, les organismes dont vous parlez, ceux qui n'ont qu'un journaliste, devraient absolument être admissibles. Plusieurs de nos petites publications autochtones sont dans cette situation.
Ce qu'on cherche à créer, ici, c'est un environnement dans lequel on reconnaît précisément les organismes de nouvelles autochtones, ce qui n'est vraiment pas le cas présentement. Si vous regardez la teneur du projet de loi, vous allez remarquer que nous sommes souvent placés en arrière-plan, à un niveau hiérarchique plus bas, à notre avis, comme le sont certaines publications issues de minorités ethniques. À notre avis, c'est injuste.
Lorsqu'on parle de nouvelles et de médias locaux, cela devrait inclure les journaux issus des différentes communautés ethniques et les journaux autochtones, de sorte que nous ayons le même pouvoir de négociation au sein des séances d'arbitrage et de négociation avec les entreprises comme Meta et Google.
C'est pourquoi nous avons souligné précisément la nécessité de définir clairement les besoins des communautés autochtones et des journalistes autochtones.
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Monsieur LaRose, je vous entends parfaitement. Je ne sais pas si ce sera précisément le langage que vous recherchez, mais je pense que nous devons effectivement nous assurer que tous les groupes seront représentés, y compris ceux qui incarnent ces nouveaux modèles de journalisme. Je suis tout à fait d'accord avec vous.
J'aimerais quand même parler à M. Kitt, d'Unifor.
Monsieur Kitt, tout à l'heure, dans votre allocution d'ouverture, vous avez dit qu'aucun média admissible ne devait être laissé de côté. Plus tard, vous êtes revenu sur cette question pour parler des médias admissibles.
À votre avis, à la lumière de ce que vient de dire M. LaRose et de ce qu'ont dit d'autres groupes aussi, devrait-on davantage tenir compte des nouveaux modèles de journalisme, où il n'y a pas nécessairement deux journalistes ou plus dans la salle de nouvelles, par exemple, plutôt que de les écarter par défaut parce qu'ils ne correspondent pas au modèle de journalisme traditionnel? Devrait-on laisser de côté ces entreprises? Que voulez-vous dire, quand vous parlez de médias admissibles? Pensez-vous aussi que l'on devrait élargir les critères et s'ouvrir un peu aux nouvelles façons de présenter les nouvelles?
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Merci beaucoup, madame la présidente.
Je remercie les témoins d'être ici aujourd'hui.
Monsieur Kitt, je vais commencer avec vous.
M. Waugh a pris le tiers de son temps de parole pour faire une déclaration. J'aimerais à mon tour citer un article du National Post en guise de préambule à ma question. Ce matin, l'éditorial portait sur les menaces de Meta de retirer ses services, à l'instar de ce qui s'est passé en Australie.
Dans le National Post, le journaliste soutient que les députés conservateurs du comité du patrimoine n'ont pas agi dans l'intérêt de leurs électeurs et de la démocratie canadienne en général en traitant avec beaucoup trop d'indulgence une société qui n'hésite pas à user de tactiques d'intimidation pour échapper à ses obligations à l'égard des entreprises médiatiques dont elle siphonne les revenus depuis des années.
Monsieur Kitt, pouvez-vous me dire tout d'abord à quel point il importe de ne pas céder à ces tactiques d'intimidation. Ensuite, vous avez parlé d'inclusivité, de responsabilité et de transparence, et j'aimerais savoir quelles améliorations seraient nécessaires selon vous pour intégrer au projet de loi des exigences à tous les échelons, et notamment pour ce qui concerne la responsabilité et la transparence.
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Facebook a tenté des manœuvres d'intimidation en Australie et nous avons vu les résultats de ces parades. Nous sommes exactement dans la même situation parce que ces sociétés ont tellement de pouvoir dans les marchés… Nous devons mettre fin à leurs abus de pouvoir et le projet de loi marquera selon moi un pas vers un marché mieux équilibré.
Quant à l'inclusivité, j'aimerais revenir à l'observation de M. Geist sur les raisons pour lesquelles les diffuseurs devraient être indemnisés. Nous saluons la décision du gouvernement de proposer un projet de loi qui ne tient pas compte des plateformes. Le journalisme est le journalisme, peu importe qu'il s'exerce sur papier, en ligne ou dans un balado. C'est seulement une question de bande passante. La presse écrite a été la première touchée et, maintenant qu'il est facile de diffuser des vidéos dans tous les réseaux sur Internet, la diffusion est devenue tout aussi efficace. Facebook et Google tirent profit autant des bulletins de nouvelles que du journalisme écrit, et il faut les inclure.
Nous aimons tous détester les grandes sociétés de téléphonie comme Bell, Rogers et Québecor, mais il faut rappeler qu'elles emploient beaucoup de journalistes. Ces journalistes racontent nos histoires, et ce serait une grave erreur de ne pas les inclure. Le remède doit être efficace pour l'ensemble de l'écosystème, qui comprend des grands et des petits joueurs.
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Merci de ces questions.
Concernant la solution facile, je pense qu'il suffirait d'ajouter un énoncé à l'article 51 pour préciser que l'optimisation des procédés usuels des moteurs de recherche pour indexer et classer des nouvelles de toutes sortes de sources n'est pas considérée comme un avantage déraisonnable. À mon sens, c'est un argument bidon et facile à contrer.
Concernant le site Facebook Australia, je sais que le Comité a discuté abondamment de ce qui s'est passé là‑bas et je ne crois pas utile d'y revenir. Je trouve tout de même important de rectifier quelque chose qui vient d'être dit concernant la menace de Facebook de cesser la diffusion de nouvelles en Australie. En fait, Facebook a gagné sur certains fronts. Elle a obtenu des concessions assez importantes dans le projet de loi, et je crois qu'il ne faut pas négliger les pressions qu'elle a exercées et le fait qu'elle a atteint ses véritables objectifs, comme nous avons pu le constater dans le rapport publié par des lanceurs d'alerte. C'était une démonstration de force qui en a valu la peine pour elle.
Pour ce qui est des critères d'exemption, je précise que c'est ce qui différencie les approches canadienne et australienne à mon avis. Une vision très rigide de la désignation, comme celle qui a été adoptée dans le modèle australien, laisse une grande latitude quant…
Monsieur Julian, c'est tout. C'était une belle tentative, cependant.
Nous allons maintenant passer au deuxième tour, qui est un tour de cinq minutes. Encore une fois, essayez d'être aussi clairs et concis que possible dans vos questions et vos réponses. Merci.
C'est au tour de Marilyn Gladu pour le Parti conservateur.
Vous avez cinq minutes. Allez‑y, s'il vous plaît.
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Merci, madame la présidente.
Merci à tous les témoins d'être ici aujourd'hui.
De toute évidence, le but du projet de loi est d'essayer de protéger les petits médias locaux qui ont été tellement attaqués et diminués, et je l'appuie. Je ne pense pas que ce projet de loi y parviendra, surtout quand j'entends que Bell, CBC et Rogers vont se retrouver avec les trois quarts de l'argent.
J'ai en quelque sorte aimé l'idée initiale de M. Kitt. Il a dit qu'il pensait au départ que le gouvernement devrait prélever une taxe sur les grandes entreprises et la verser dans un fonds pour les nouvelles. Les journalistes de tout le pays pourraient déterminer qui obtient quoi.
Monsieur Kitt, pour développer cette idée, pensez-vous que ce serait une amélioration par rapport à ce que nous avons aujourd'hui? Si vous n'êtes pas d'accord, comment faire en sorte que toutes les petites plateformes locales sont incluses? Faut‑il avoir au moins deux journalistes? Doit‑on abandonner l'accent mis sur les nouvelles générales pour que les médias ethniques et diversifiés puissent être inclus? Que proposez-vous?
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Comme l'a déjà dit un autre témoin, je crois, il n'y a pas de solution qui réussira à elle seule à régler les problèmes fondamentaux auxquels le journalisme est confronté à l'heure actuelle.
Oui, un fonds pour les nouvelles, je pense, est une excellente idée. Je pense que le Forum des politiques publiques travaille sur une proposition visant à élargir le fonds pour les nouvelles de l'IJL pour y inclure la philanthropie et d'autres gouvernements. C'est un fonds à partir duquel les gens pourraient travailler. C'est prévu dans deux ans.
En ce qui concerne le projet de loi , nous avons proposé à un moment donné un modèle hybride, soit dit en passant. Un fonds pour les nouvelles est une excellente idée. À mon avis, le projet de loi C‑18 traite un grand nombre de nos problèmes. Comme je l'ai dit, le CRTC s'occupera de l'admissibilité. Je crois que le gouvernement lui a donné une directive à ce sujet.
Le projet de loi est une étape. Il faut qu'il soit adopté, parce que ces médias d'information perdent de l'argent, et cela vaut pour la radiodiffusion et la presse écrite.
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Merci, madame la présidente. Je vous adresserai toutes mes questions.
Je tiens à remercier les témoins d'être ici en personne et en ligne.
Je commence par Mme Saras-Voutsinas, directrice exécutive du Conseil national de la presse et des médias ethniques du Canada.
Dans ma circonscription, nos journaux locaux ne se sont pas arrêtés pendant la pandémie. La presse ethnique ne s'est pas arrêtée pendant la pandémie dans ma région et, en fait, dans tout le Canada. Je voulais profiter de l'occasion pour remercier vos membres — tous les médias locaux du Canada — d'avoir fourni ces nouvelles vitales en matière de santé et de sécurité publiques pendant la pandémie.
Vous avez dit dans votre déclaration liminaire que le lectorat a augmenté, mais que la publicité s'est effondrée. Toujours dans votre déclaration liminaire, vous avez dit que Facebook gagne environ 200 millions de dollars grâce aux revenus publicitaires canadiens. C'est ce que cette loi essaie de faire. Elle essaie d'uniformiser les règles du jeu.
Je voulais voir si je pouvais éclaircir ce point. Dans votre déclaration liminaire, je crois que vous avez dit qu'aucun accord n'avait encore été conclu. Combien de membres de votre organisation ont conclu des accords avec les plateformes technologiques?
La semaine dernière, nous avons entendu certains témoins — et même des témoignages de mes collègues d'en face, les députés conservateurs — plaider en faveur de la création éventuelle d'un fonds — une taxe sur les géants de la technologie, j'imagine — auquel ils contribueraient et où ils ne seraient soumis à aucun examen réglementaire.
Je crois comprendre que le gouvernement a déjà pris un certain nombre de mesures visant les petits joueurs, en plus de la loi que nous voulons. Nous avons le Fonds du Canada pour les périodiques. L'Initiative de journalisme local a également été mentionnée aujourd'hui.
Pouvez-vous parler de l'importance de ces autres sources de financement pour vos membres, et de la façon dont elles compléteraient une loi comme le projet de loi ?
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Merci, madame la présidente.
Je remercie les témoins d'être ici aujourd'hui pour participer au débat important que nous avons présentement.
J'aurais une question assez simple pour M. Owen.
Quand on s'attaque aux géants du Web, on entend beaucoup de voix qui s'élèvent pour dire que ce sont des attaques contre la liberté d'expression. Nous l'avons vu au Parlement lors de l'étude du projet de loi , où on a beaucoup discuté de cela. Maintenant, il en est question dans le cadre du projet de loi .
Monsieur Own, est-ce que vous partagez cet avis? Est-ce que le projet de loi est une attaque à la liberté d'expression au Canada?
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Merci beaucoup, madame la présidente.
Je voulais revenir sur la tentative des conservateurs de lier les personnes qui reçoivent un financement légitime du gouvernement fédéral à quelque chose... quelque chose qui devrait être soumis au Comité. Nous avons eu des témoins conservateurs qui reçoivent un financement direct de la part de grandes entreprises technologiques, et ils ont quand même pu témoigner malgré ce conflit d'intérêts manifeste.
Je voulais commencer par cette remarque, pour ensuite passer à Mme Saras-Voutsinas.
Merci beaucoup d'être ici aujourd'hui. Les membres de votre organisation rendent un énorme service — nous l'avons vu lors de la pandémie — en atteignant souvent une grande variété de publics. Dans ma collectivité, on parle plus de 150 langues, et bon nombre des publications qui font partie de votre organisation ont énormément aidé. Je sais que les gens se sont battus pour maintenir en vie les journaux communautaires qui sont dans des langues autres que les langues officielles.
Dans quelle mesure est‑il important d'avoir un volet propriétaire-exploitant pour que les gens puissent avoir accès à ce financement même si les journalistes sont également propriétaires-exploitants? Si nous n'incluons pas cette composante dans le projet de loi, quel pourcentage de vos membres ne serait pas en mesure de participer ou pourrait même fermer ses portes?
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Merci, madame la présidente.
Monsieur Geist, mon père a lancé un journal hebdomadaire. Il était le propriétaire-journaliste. Il n'aurait jamais été admissible à cela.
De nombreux journaux hebdomadaires m'ont dit que l'argent de la publicité fédérale est allé aux étrangers. L'argent de nos contribuables va aux gros bonnets étrangers. S'ils disaient qu'ils nous le rendraient, ça va encore.
Hier, 40 millions de dollars de plus ont été donnés à la CBC, qui reçoit déjà 1,2 milliard de dollars. Rien de tout cela n'ira aux journaux hebdomadaires de ma circonscription.
Vous avez parlé de beaucoup de choses, peut-être. Vous n'avez pas eu l'occasion de parler des droits d'auteur. C'est une question très importante que nous avons abordée dans un certain nombre de comités ici, sur la Colline.
Voulez-vous en parler?
Il est important, je crois, de reconnaître que nous devons nous poser la question: qu'est‑ce qui est indemnisé exactement ici?
Je ne crois pas que l'on puisse simplement parler d'indemnisation parce qu'un groupe d'entreprises a bien réussi et qu'un autre groupe d'entreprises est en difficulté. Nous n'avons pas demandé à Netflix d'indemniser Blockbuster parce qu'ils ont mis au point un meilleur modèle. Ce que nous indemnisons, c'est l'utilisation. On parle d'utilisation ici.
Si nous parlions de la publication intégrale de ces oeuvres, alors je pense que vous pourriez dire de manière crédible que si Facebook ou Google copient le texte intégral, nous aimerions voir une indemnisation pour cela. Je crois, en fait, que c'est à cela que servent les accords qu'ils ont conclus avec ces publications. C'est pour cela que ce sont des accords commerciaux, différents de ceux mentionnés dans ce projet de loi.
Ce n'est pas ce dont nous parlons ici. Nous ne parlons pas de publication complète. Nous parlons de quelque chose d'aussi simple qu'un lien. Un lien, je dirais, du point de vue du droit d'auteur, n'est certainement pas un acte de republication.
De plus, l'utilisation qui est faite de ce lien est clairement autorisée par la loi sur le droit d'auteur. Je dirais, franchement, qu'elle n'est peut-être même pas régie par cette loi, en partie parce qu'elle est si minime. Elle n'arrive même pas au stade de l'utilisation soutenue. Mais si c'est le cas, il s'agit clairement d'une utilisation équitable. La Cour suprême du Canada a déclaré que c'est un droit de l'utilisateur, qui est fondamental dans notre loi sur le droit d'auteur.
Que cette loi dise que ces règles ne s'appliquent tout simplement pas à une catégorie particulière d'utilisateurs, cela me fait peur. Que se passe‑t‑il lorsque vous dites que l'éducation n'a pas ce droit? Que se passera‑t‑il lorsque vous direz que d'autres grandes publications n'y ont pas droit et qu'elles devraient être indemnisées?
Je pense que nous comptons, et que les journalistes comptent, sur l'utilisation équitable. Cette insertion dans la Loi sur le droit d'auteur, qui, je le signale, ne figure pas dans la loi australienne, est une erreur qui devrait être éliminée.
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Plusieurs personnes ont parlé du modèle de fonds. Très franchement, le modèle de fonds n'est pas le même que certains des fonds existants. Ces fonds qui existent et dont nous avons déjà entendu parler sont plutôt positifs et ils ont eu un effet positif, ce qui explique pourquoi vous avez vu au cours des deux dernières années un équilibre, essentiellement, entre les nouvelles entreprises en démarrage et les entités qui ont été fermées.
Cependant, un modèle de fonds ici nécessiterait la contribution des Facebook et des Google de ce monde. Cela pourrait se faire en fonction des revenus qu'ils génèrent ou à partir des recettes fiscales générales. Il y a plusieurs façons d'essayer de faire cela et de supprimer toute la série de problèmes, parce que maintenant vous financez le journalisme. Vous vous débarrasserez de la question des critères d'admissibilité, car n'importe qui peut postuler, dans la mesure où ce qu'il fait est activement engagé dans le journalisme.
Vous vous débarrasserez de certaines des autres questions sur la raison pour laquelle tout cet argent va aux radiodiffuseurs. Si les radiodiffuseurs produisent des émissions et présentent des demandes de fonds, ils pourront les obtenir. Cela permet d'uniformiser les conditions d'accès, d'écarter la question du manque de transparence dans ces accords et d'éliminer l'influence de certaines de ces entreprises dans ces domaines.
Je pense, franchement, qu'il s'agit d'un bien meilleur modèle qui élimine bon nombre des préoccupations soulevées dans ce contexte, et qui va au coeur de ce que le gouvernement dit vouloir réaliser, à savoir, soutenir davantage le journalisme. Le fonds pourrait aider à y parvenir sans certains des effets négatifs externes qui ressortent de ce projet de loi particulier.
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Merci beaucoup, madame la présidente.
C'est un tel plaisir pour moi d'être au Comité aujourd'hui.
Je tiens également à remercier tous les témoins d'être ici aujourd'hui. Il est très important pour nous d'entendre vos témoignages.
Madame Saras-Voutsinas, merci beaucoup de votre présence. Nous ne vous avons pas vue depuis le comité des finances. Merci pour tout votre travail incroyable.
Messieurs Geist et Owen, j'ai lu vos travaux. Tout ce que vous écrivez, je le lis. C'est très réfléchi.
Monsieur Owen, je vais commencer par vous et poursuivre la conversation que nous venons de terminer. Par le passé, je crois que vous avez défendu et soutenu un modèle de fonds. Je sais que beaucoup d'autres l'ont fait. Si j'ai bien compris vos observations, vous avez maintenant évolué pour soutenir le cadre de négociation.
Pourriez-vous nous expliquer un peu plus pourquoi le cadre de négociation est une politique plus appropriée?
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Je ne suis pas sûr que j'irais jusqu'à dire que c'est plus approprié. En ce moment, c'est plus faisable sur le plan juridique, pratique et politique.
Je suis d'accord avec le professeur Geist pour dire qu'il y a une élégance dans un modèle de fonds. Je suis d'accord sur bien des choses qu'il a défendues à ce sujet. De nombreux autres universitaires en ont fait la promotion, également dans d'autres administrations. Je vois cependant quelques défis dans sa mise en oeuvre.
Il y a deux façons de mettre de l'argent dans un fonds. Vous pourriez créer une taxe spéciale sur les plateformes. J'ai appris — je ne suis pas juriste — que ce pourrait être très compliqué, d'un point de vue juridique, de créer une taxe particulière pour un sous-ensemble d'entreprises, compte tenu des accords commerciaux existants. Si ce n'est pas possible, il faut alors que les fonds proviennent des recettes générales. Si vous créez un fonds à partir des recettes générales, alors quelqu'un, quelque part au sein du gouvernement — comme nous l'avons fait avec le crédit d'impôt sur la main-d'oeuvre — doit décider de l'argent à verser et des critères d'attribution de cet argent.
À mon avis, ces deux choses ont un rôle gouvernemental bien plus intrusif dans le secteur du journalisme que le fonds. Ils sont tous deux beaucoup plus intrusifs. Étant donné le contexte dans lequel nous débattons de ce projet de loi en particulier, qui, à mon avis, est beaucoup moins intrusif, je trouve très peu probable qu'un grand nombre des personnes qui sont pour un fonds et qui préconisent le fonds au cours de ce débat voient d'un bon oeil une plus grande intrusion du gouvernement dans le secteur du journalisme.
Pour ces deux raisons, je pense que c'est fondamentalement difficile.
Cela étant dit, je pensais que, selon toute vraisemblance, des pays allaient l'essayer. Il existe des modèles qui pourraient être mis en oeuvre à l'échelle internationale comme un type de fonds mondial pour le journalisme dans le monde. C'est intéressant. Je crois que, comme cela a été mentionné plus tôt, cela pourrait être une chose qui s'ajoute de sorte que, pour certains — éventuellement les organisations de journalisme locales —, ce modèle pourrait être appliqué d'autres façons. Je ne pense pas qu'ils s'excluent mutuellement, nécessairement.
À l'heure actuelle, il est incroyablement difficile d'imaginer que ce fonds puisse être établi efficacement au Canada.
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Merci, madame la présidente. C'est merveilleux d'être de retour au comité du patrimoine cette semaine.
J'aimerais commencer par faire écho aux premières observations de mon collègue conservateur, Kevin Waugh. Je crois que M. Waugh a mis le doigt sur le problème en présentant notre position sur ce projet de loi et le soutien que nous accordons en général au journalisme et aux médias d'information.
J'ajouterai simplement, puisque M. Kitt d'Unifor est présent, que mon collègue Kevin Waugh est membre d'Unifor depuis 39 ans et qu'il est certainement un participant de longue date dans l'industrie. C'est vraiment agréable de bénéficier de ses connaissances expertes à ce comité.
Je commence par M. Geist. Je donnerai également à M. Owen l'occasion de répondre à ma première question. Elle porte sur la notion d'innovation dans l'industrie des médias d'information. Il est certain que nous avons vu, particulièrement au cours des dernières années, des modèles nouveaux, différents et innovateurs en ce qui concerne la façon dont les Canadiens reçoivent les nouvelles et la façon dont les différents fournisseurs fournissent les nouvelles.
Je suis curieux d'entendre votre point de vue à tous les deux — en commençant par M. Geist — sur la place qu'occupe l'innovation dans le projet de loi et sur le rôle qu'elle pourrait avoir en ce qui concerne l'entrée de nouveaux venus dans le secteur des médias d'information et du journalisme.
Je vais commencer par vous, monsieur Geist, puis M. Owen pourra répondre également.
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Nous avons assisté à une énorme quantité d'innovations dans ce secteur. J'ai organisé un balado régulier. J'ai fait participer certaines des entités qui desservent les collectivités locales. Mme Hepfner a mentionné le projet de journalisme local auquel April Lindgren a contribué. Grâce à ce projet, elle a repéré des centaines de nouvelles entreprises qui ont vu le jour au cours de la même période.
Franchement, il est malheureux de dévaloriser ces entreprises en les qualifiant de petites boutiques familiales d'une ou deux personnes. Dans de nombreux cas, je crois qu'elles seront l'avenir des services dans certaines de ces collectivités. En fait, il y a des collectivités où c'est l'une des sources principales.
Certaines de ces jeunes entreprises ont dit, en fait, que ce n'est pas l'approche qu'elles aimeraient voir se produire. Elles s'inquiètent de la perspective d'une réduction du partage des nouvelles. Elles voient certaines de ces grandes plateformes comme des partenaires plutôt que des adversaires. J'estime que l'aspect innovation est important, et je m'inquiète lorsque nous voyons des critères d'admissibilité qui peuvent exclure un grand nombre de ces jeunes entreprises innovantes. Je m'inquiète lorsque les estimations du directeur parlementaire du budget indiquent que presque tout l'argent va à des acteurs bien établis.
En fin de compte, si nous voulons voir la prochaine génération d'innovations, il ne s'agit pas seulement de soutenir certains des acteurs traditionnels, dont certains ont peut-être eu du mal à s'adapter à cet environnement; il s'agit de ceux qui l'ont adopté et qui trouvent de nouvelles façons de le faire. Je pense qu'il y a beaucoup de choses passionnantes qui se passent. Je m'inquiète des lois qui prétendent uniformiser les règles du jeu, mais qui en fait font tout le contraire.
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Merci de me donner l'occasion d'intervenir ici.
Je suis tout à fait d'accord pour dire que l'avenir du journalisme canadien viendra du réseau de petites organisations journalistiques et de jeunes entreprises journalistiques qui innovent le modèle des nouvelles. Je n'ai absolument aucun doute à ce sujet.
Cela étant dit, l'idée que nous devrions opposer et positionner les petits éditeurs et les éditeurs indépendants contre les grands éditeurs comme s'ils avaient des objectifs, des valeurs et des intérêts financiers fondamentalement différents est, pour moi, un effet secondaire décevant des résultats du débat que nous avons eu sur le projet de loi . Il nous faut aller au‑delà de cela.
Les petits éditeurs et les éditeurs indépendants ont-ils soulevé des préoccupations légitimes au sujet de ce projet de loi? Bien sûr.
Je crois que l'élargissement des critères d'admissibilité pour inclure les propriétaires-propriétaires est tout à fait logique. L'allocation de l'argent est également un peu délicate parce qu'à l'heure actuelle, si vous avez une allocation de base équitable calculée au prorata de l'ETP ou au prorata de la quantité de journalisme effectué, les grands acteurs vont obtenir plus. Maintenant, est‑ce 75 % ou 60 %? J'ignore la manière exacte dont cela a été mesuré et ce qui est inclus dans l'estimation du directeur parlementaire du budget. Mais, bien sûr, les grands éditeurs, s'ils ont beaucoup plus de journalistes, recevront une plus grande proportion de l'argent. Cela signifie‑t‑il que l'obtention d'une subvention importante pour une entreprise d'une ou deux personnes ne constitue pas une contribution qui compte beaucoup pour cette petite entreprise, une contribution qui lui permet éventuellement d'innover et de continuer à croître? Je ne pense pas que ces deux choses s'excluent mutuellement.
La dernière chose qu'il est vraiment important de noter, c'est qu'à l'heure actuelle, le statu quo est important parce que parmi ces éditeurs indépendants, seule une petite fraction obtient des contrats. Je crois que ce scénario, surtout avec les dispositions relatives à la négociation collective et les dispositions qui permettent d'ajouter des personnes aux conventions collectives après coup, inclurait un éventail beaucoup plus large de petites entreprises, voire toutes celles qui le souhaitent, tout comme dans le cas des organisations journalistiques canadiennes qualifiées.
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Merci, madame la présidente.
Ma première question s'adresse à M. Geist et à M. Owen.
Je suis avocat, et nos amendements doivent être déposés le 10 novembre. Je m'intéresse en fait à l'arbitrage dans le domaine du baseball, à la fois parce que j'aime le baseball et parce que je pense que c'est un élément important de l'équation.
Monsieur Geist, dans votre article, vous dites, en anglais:
Pourtant, l'article 39 donne à la formation arbitrale le droit de rejeter une offre pour plusieurs motifs de principe. Pourquoi une telle disposition serait-elle nécessaire dans un système d'arbitrage final qui encourage les parties à soumettre leur meilleure offre? Elle n'est nécessaire que si l'on craint qu'une partie examine les preuves et présente une offre basse parce qu'elle ne croit pas qu'une valeur indemnisable a été démontrée.
Je serais certainement d'accord avec vous s'il s'agissait d'un arbitrage comme dans le milieu du baseball, où l'on lance un montant de salaire et où toute la proposition se résume à un montant de salaire. Cependant, à l'article 39 — et c'est là que j'aimerais avoir votre avis sur la formulation —, il est dit ceci, et je m'en tiendrai aux alinéas a) et b):
(1) La formation arbitrale rejette toute offre dont elle estime, selon le cas:
a) qu’elle permet à une partie d’exercer une influence indue sur le montant de toute indemnisation à payer ou à recevoir;
b) qu’elle n’est pas dans l’intérêt public en raison du préjudice grave qu’elle est fortement susceptible de causer à la fourniture d’un contenu de nouvelles aux personnes se trouvant au Canada;
En nous fondant sur la façon dont Facebook est venu ici la semaine dernière, disons, par exemple, que Facebook a offre un montant qui est élevé et dit, « Mais, avec ce montant élevé, vous n'êtes pas autorisés à écrire des articles qui sont critiques à l'égard de Facebook, et vous devez publier des témoignages élogieux sur Mark Zuckerberg trois fois par mois. » Pour moi, c'est la raison pour laquelle vous avez l'article 39. Ce sont des éléments qui n'ont rien à voir directement avec l'offre réelle, qui ne sont certainement pas dans l'intérêt des médias d'information, et qui pourraient assurément permettre à Facebook d'exercer une influence sur l'autre partie.
Donc, je reviens vers vous et vous demander ceci: compte tenu de ce type d'approche, ne serait‑il pas raisonnable d'avoir une telle disposition si elle se limitait à ce genre de choses?
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Merci. C'est une excellente question.
Je vais dire deux ou trois choses.
Tout d'abord, il y a l'alinéa c), qui parle d'équité sur le marché, et c'est « ou », donc n'importe lequel de ces critères s'applique. Je crois, en outre, que si nous disons que nous faisons confiance au CRTC et, par extension, à la formation arbitrale qui sera nommée, si leur offre dérisoire n'est pas seulement une offre dérisoire sur le plan de l'indemnisation, mais une offre dérisoire du fait même qu'elle est assortie de toutes sortes de conditions que nous pourrions juger inacceptables, par opposition à une offre de l'autre partie qui est jugée plus équitable et qui n'est pas assortie de ces conditions, eh bien, il me semble que c'est un coup sûr. La formation arbitrale examinera cette offre, rejettera l'offre de Facebook et déclarera qu'elle accepte l'autre offre. C'est tout le but de ce système et de cette capacité d'intervention.
Si j'ai une inquiétude, c'est qu'à mon avis, les parties pourraient regarder cela et dire: « Nous ne voyons pas la valeur des liens. Au contraire, nous voyons la valeur des liens dans l'autre sens, alors voici notre offre. » Elle est considérée comme faible, et elle ne permet pas d'atteindre les objectifs plus larges qu'a le gouvernement avec cette loi.
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Merci beaucoup, madame la présidente.
Mes prochaines questions s'adressent à M. LaRose. Ce sont des questions que j'ai posées à tout le monde ou presque.
Pourquoi est-ce important de ne pas céder aux menaces des grandes compagnies de technologie en ce qui concerne la mise en œuvre du projet de loi ?
Par ailleurs, il y a toute la question des définitions. Je comprends très bien ce que vous proposez lorsque, en ce qui concerne les journalistes ou les sources de médias autochtones et des Premières Nations, vous dites que la définition doit correspondre davantage aux besoins des communautés.
Croyez-vous que le projet de loi , dans sa forme actuelle, donne l'occasion aux journalistes des communautés autochtones et des Premières Nations d'entreprendre des négociations qui pourraient aboutir à plus de ressources pour leur permettre de faire du journalisme pour ces communautés?
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Merci, madame la présidente.
Mes questions s'adresseront à Randy Kitt d'Unifor.
Dites-moi encore une fois pourquoi CBC, Bell et Rogers devraient être visés par le projet de loi ? La CBC a reçu 1,2 milliard de dollars de financement cette année, et hier, dans l'énoncé économique de l'automne, nous avons appris qu'elle recevrait 42 millions de dollars de plus. Le cours de l'action de Bell Media, pour laquelle j'ai travaillé pendant 39 ans, est aujourd'hui de 61,35 $. Pour Rogers, le prix de l'action est aujourd'hui de 41,73 $.
Pourquoi permettrions-nous à ces trois conglomérats médiatiques de participer à ce projet de loi? Vous savez et je sais — parce que vous êtes avec Unifor, et j'ai été avec Unifor pendant des décennies — que Bell Media ferme des stations de radio tous les mois, et pourtant ils pourraient être les bénéficiaires du projet de loi . Alors en quoi est‑ce plus juste pour le reste des médias de ce pays qui essaient de faire concurrence à Bell, Rogers et CBC?
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Merci pour la question.
Je demanderais pourquoi les radiodiffuseurs ne devraient pas être inclus. Nous félicitons le gouvernement d'avoir fait en sorte que ce projet de loi soit indépendant des plateformes. Facebook et Google profitent des nouvelles diffusées autant que de la presse écrite.
Par ailleurs, pour faire écho aux remarques de M. Owen, opposer les petites entreprises de journalisme aux grandes entreprises de journalisme est contre-productif dans ce forum. Nous aimons haïr les grandes entreprises de télécommunications, et nous pouvons regarder le prix de leurs actions, mais nous savons que le problème ici est que Facebook et Google paient et indemnisent ces médias pour les nouvelles, grandes ou petites. Les grands acteurs, qu'ils soient de la presse écrite ou audiovisuelle, emploient beaucoup de monde. Ils font beaucoup de journalisme, local et autre, et ils devraient être rémunérés proportionnellement pour leurs efforts.
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Permettez-moi de dire ceci. Je suis d'accord pour dire que Facebook et Google devraient rémunérer les autres médias dans ce pays. Je suis tout à fait d'accord avec vous.
Dites-moi, pourquoi Bell Media a‑t‑elle fermé Prince Albert? Elle avait 85 membres d'Unifor à Prince Albert il y a quelques années. Il n'y a plus qu'un seul journaliste maintenant. Elle a fermé CKOS Yorkton. Il n'y a plus qu'un seul journaliste alors qu'il y avait plus de 40 personnes.
Maintenant, on va leur donner de l'argent. Pour quoi faire? Vont-ils rouvrir Prince Albert et Yorkton, ou est‑ce que le siège social à Montréal va décider de prendre l'argent et de choisir où le mettre?
Je peux vous dire, et Unifor le sait très bien, qu'il n'y aura pas d'emplois ajoutés à Prince Albert. Il n'y aura pas d'emplois ajoutés à Yorkton. Je ne sais pas ce que Bell Media va faire avec l'argent qu'elle recevra de Facebook et de Google, mais en tant que membre de longue date d'Unifor, je vais vous dire que je ne vois pas Prince Albert ouvrir une salle de presse complète ni Yorkton.
Vous êtes responsables de cela parce qu'Unifor se bat pour ses membres. Ne voyez-vous pas ce que je dis depuis plusieurs mois ici, en ce qui concerne le projet de loi ? Ce projet de loi va détruire les moyennes et petites entreprises de ce pays.
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Merci beaucoup, madame la présidente.
J'aimerais commencer par une remarque.
Nous avons vu les conservateurs être les meneurs de claque pour Facebook et être son équipe de relations publiques ici, au Comité. Tout à coup, aujourd'hui, il y a un léger changement de ton, ils soutiennent les journalistes, bien que maintenant nous entendons qu'ils ne les soutiennent pas s'ils travaillent pour CTV ou s'ils travaillent pour Citytv. M. Waugh est d'accord avec moi... ils ne soutiennent pas les journalistes.
Si vous dites une chose et voulez dire tout à fait autre chose, je ne peux pas qualifier cela, je suppose, parce que ça irait à l'encontre des valeurs parlementaires, mais c'est vraiment choquant. Les conservateurs continuent de se mettre en travers du chemin. Ils ne se soucient pas du journalisme. Ils sont idéologiquement opposés aux médias traditionnels dans ce pays, malgré les avantages et l'importance qu'ils ont dans un processus démocratique.
Il y a une seconde, nous avons entendu parler de la fermeture de toutes ces salles de presse, et l'on continue de laisser entendre qu'elles ne devraient pas recevoir d'argent et qu'elles ne devraient pas bénéficier de cette loi. Ensuite, d'après un autre député conservateur, si quelqu'un a reçu une subvention, il ne devrait pas être autorisé à comparaître devant ce comité.
M. Geist a reçu une subvention du Conseil de recherches en sciences humaines il y a plusieurs années. Est‑ce que cela l'empêche de comparaître? Jamais personne de ce côté‑ci n'a laissé entendre cela. Les conservateurs n'ont aucun problème à autoriser des témoins à venir ici — dont l'un a menti au Comité — après qu'ils ont reçu de l'argent de TikTok et de Google. Ça, ce n'est pas grave, parce qu'ils sont d'accord avec eux.
Les témoins qui ont reçu de l'argent des grandes entreprises technologiques se sont succédé sans que le Parti conservateur s'en émeuve, lui qui continue à encourager les grandes entreprises technologiques dans ce pays. Il s'agit de certaines des plus grandes entreprises étrangères du monde. Aucun autre parti conservateur dans aucun des pays que j'ai étudiés, que ce soit les États-Unis ou l'Australie, n'a encouragé les grandes entreprises comme le fait le Parti conservateur du Canada. C'est consternant.
Je vais poser la première question à M. LaRose.
Partout au Canada, nous constatons une augmentation des déserts de nouvelles. Je n'ai pas vu de données précises sur la perte de nouvelles dans les collectivités autochtones. Je me demandais si vous pouviez nous dire si c'est le cas.
Certains des médias d'information... Par exemple, à l'un des médias que je représente, First Peoples Radio, nous avons dû licencier nos reporters à cause de la perte de revenus due aux réductions de la publicité et d'autres formes de soutien, qui étaient minimes. Nous n'avons maintenant aucun reporter dans notre équipe. Il y a d'autres publications, plus petites, qui ont essayé de se lancer et qui n'ont pas été capables de maintenir le cap.
Je n'ai pas de chiffres exacts parce que nous ne sommes pas vraiment structurés, en tant qu'organisation, d'une manière qui nous permettrait d'avoir de telles données à portée de main, ce qui est regrettable parce que cela permettrait d'avoir des arguments plus solides ici.
Il y a eu d'autres journaux autochtones plus petits dans l'Ouest qui ont dû fermer leurs portes parce que les recettes publicitaires s'étaient totalement taries et que la publicité fédérale sur laquelle ils comptaient pour survivre s'était également tarie.