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Bonjour à tous. Je déclare la séance ouverte.
Bienvenue à la 78e réunion du Comité permanent du patrimoine canadien.
Je voudrais reconnaître que cette réunion a lieu sur le territoire traditionnel non cédé du peuple algonquin anishinabe.
[Traduction]
Bien entendu, la réunion se déroule sous forme hybride.
Les personnes présentes dans la salle de comité ne sont pas tenues de porter un masque. Ce n'est pas obligatoire, mais vous pourriez envisager de le faire. La COVID circule encore, de même que d'autres maladies respiratoires.
Je profite de l'occasion pour rappeler à tous les participants qu'il n'est pas permis de prendre des photos de la réunion ou de votre écran sur Zoom. Puisque les délibérations seront publiées sur le site Web public, vous y trouverez tout ce que vous souhaitez.
Lorsque vous prenez la parole, veuillez également vous adresser à la présidence.
Il y aura une période de questions et réponses. À ce moment, ne parlez pas à moins que la présidence vous cède la parole.
Je voudrais aussi dire qu'il est important... Au bas de votre écran se trouve une petite icône en forme de globe. Appuyez sur ce bouton pour obtenir l'interprétation en anglais, en français ou la langue du parquet, c'est‑à‑dire la langue d'origine, selon votre choix.
Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement et à la motion adoptée par le Comité le mardi 20 septembre 2022, le Comité se réunit afin de poursuivre son étude sur la pratique sécuritaire du sport.
Nous accueillons aujourd'hui un assez bon nombre de témoins très importants qui semblent posséder différentes formes de connaissances sur le dossier.
Nous recevons les témoins suivants, qui comparaissent à titre personnel: Shauna Bookal, gestionnaire de l'Équité, la diversité, l'inclusion et l'expérience d'étudiant à Sports universitaires de l'Ontario; Whitney Bragagnolo, doctorante et consultante pour la gouvernance du sport et la lutte contre la corruption; Joëlle Carpentier, professeure à l'École des sciences de la gestion à l'Université du Québec à Montréal; et Richard McLaren, chef de la direction de McLaren Global Sport Solutions.
Nous accueillons également Sylvie Béliveau, directrice de l'Équité des genres à Égale Action, ainsi que Guylaine Demers, professeure et directrice du Laboratoire de recherche pour la progression des femmes dans les sports au Québec.
Avant de commencer la réunion et de céder la parole aux témoins, je vois que M. Housefather a la main levée.
Je vous écoute, monsieur Housefather.
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Je vous remercie infiniment, madame la présidente.
Madame, les membres des partis ont discuté au cours de la fin de semaine. Je pense que nous avons tous été profondément ébranlés par le témoignage de M. Steven Reed, l'ancien président de Canada Soccer, qui a comparu devant nous la semaine dernière. Force est de reconnaître que nous avons entendu le témoignage de nombreux anciens présidents de Canada Soccer, mais pas de la présidente actuelle Charmaine Crooks, qui brigue d'ailleurs un nouveau mandat. Je trouve important de la convoquer à la première occasion, compte tenu de ce qui s'est passé devant le Comité la semaine dernière.
Madame la présidente, je crois que la motion suivante fera l'unanimité:
Que, relativement à l’étude du Comité sur la sécurité dans le sport et aux témoignages que nous avons entendus précédemment, la présidente de Canada Soccer, Charmaine Crooks, soit assignée à comparaître devant le Comité pendant deux heures le jeudi 4 mai pour clarifier sa position sur les questions entourant Canada Soccer, y compris les réponses fournies par les témoins précédents.
Je vous remercie, madame la présidente.
Y a‑t‑il d'autres commentaires?
Je constate que M. Lemire a décidé que nous devrions poursuivre le débat. Puisque nos témoins attendent, je me demande si... Je sais que nous essayons d'organiser prochainement une séance de travail pour discuter des modalités de nombreux travaux que nous souhaitons réaliser, qui sont en cours, et ainsi de suite.
Madame Thomas, que diriez-vous de présenter votre motion lors d'une séance de travail? Sinon, souhaitez-vous en discuter maintenant?
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Très bien. C'est ce que nous ferons.
Monsieur le greffier, nous pouvons essayer de régler la question lundi en ajoutant 15 minutes à la fin de la réunion.
Merci beaucoup.
Bien entendu, nous allons reporter la motion au lundi 8 mai. Nous pourrons discuter et régler certaines choses au cours d'une petite séance de travail de 15 minutes. Puisque personne ne s'y oppose, j'avise le greffier que nous tenterons d'avoir du temps à cette fin ce lundi.
Merci beaucoup.
Je veux maintenant passer aux témoins.
Mesdames et messieurs les témoins, vous disposez de cinq minutes chacun. Je vais en effet vous avertir 30 secondes avant la fin de votre temps de parole pour que vous puissiez conclure. Je sais que dire « 30 secondes » est dérangeant, mais j'ai déjà constaté que les gens ne lèvent pas les yeux lorsqu'ils lisent et ne me voient pas leur faire frénétiquement signe que leur temps achève. Je vais simplement dire « 30 secondes », puis vous pourrez conclure. Lors des questions et des réponses, vous aurez le temps de nous en dire plus sur une chose que vous n'avez pas pu terminer dans votre exposé de cinq minutes.
Sans plus tarder, nous allons commencer par Shauna Bookal.
Madame Bookal, vous avez cinq minutes, je vous prie.
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Madame la présidente, je vous remercie de me donner la chance de comparaître devant le comité permanent.
Je ne suis pas une olympienne. Je ne suis pas non plus l'entraîneuse de l'équipe nationale. Je ne suis ni chercheuse ni universitaire. Je suis devant vous en tant que fière Canadienne d'origine jamaïcaine de première génération qui a grandi à Scarborough, en Ontario, et qui évolue dans le monde du sport amateur depuis plus de 30 ans. J'apporterai une perspective différente grâce à mon expérience et mes réflexions. Je suis une ancienne athlète et entraîneuse communautaire qui est devenue administratrice de sport amateur et formatrice.
Puisque j'ai grandi dans le système sportif des années 1990, j'ai été nommée leader noire de demain, et j'ai pu suivre gratuitement le Programme national de certification des entraîneurs, ou PNCE, ainsi que les programmes des leaders en formation. J'ai ensuite obtenu trois diplômes en gestion du sport et participé à presque tous les événements sportifs majeurs de Toronto depuis 2012. J'ai aussi été directrice générale d'une organisation sportive provinciale. J'ai d'ailleurs été la seule femme noire au pays à occuper ce poste pendant deux ans.
Au début des années 2000, le système sportif a amorcé un virage. La vision du « sport pour tous » a laissé place au sport de haut niveau. Les programmes des leaders de demain à l'intention des minorités ont commencé à disparaître. La formation obligatoire est devenue facultative. Le sport amateur a été mis de côté au profit des athlètes d'équipes nationales et des podiums. Vingt ans plus tard, nous voulons savoir ce qui a mal tourné, et ce que nous devons maintenant faire.
En ce qui a trait à la pratique sécuritaire du sport... tout le monde se tourne d'abord du côté des entraîneurs. À l'époque, je me souviens avoir vu mon père, un entraîneur bénévole, et ma mère, une gestionnaire d'équipe bénévole, suivre une formation obligatoire. Le processus comportait notamment la vérification annuelle obligatoire des antécédents et la formation à jour du PNCE. À l'époque, les cours étaient abordables, et les vérifications des antécédents par la police étaient gratuites. Les entraîneurs assumaient les frais, puis obtenaient un remboursement.
De nos jours, certains entraîneurs, surtout ceux issus des minorités, ne détiennent aucun certificat du PNCE en raison du coût élevé des cours. Par exemple, un entraîneur bénévole pourrait débourser entre 250 et 4 000 $ pour accompagner des athlètes, selon le niveau et l'âge de l'équipe. C'est malheureusement pourquoi de nombreux entraîneurs ne complètent pas la formation. De même, des entraîneurs doués ne peuvent même pas faire leur travail puisqu'ils n'arrivent pas à terminer la formation requise pour devenir entraîneur de sport amateur.
L'Association des entraîneurs de l'Ontario et l'Association canadienne des entraîneurs étaient auparavant très présentes lors d'événements communautaires pour faire connaître leurs différents programmes. Désormais, les organisations communautaires ne connaissent pas l'existence de ces associations par manque de communication descendante. Certaines organisations sportives font un excellent travail de communication avec le milieu communautaire, tandis que d'autres n'y arrivent pas.
Des gens se demandent par où commencer pour assurer une pratique sécuritaire du sport. À mon avis, Sport pur et le mouvement Entraînement responsable doivent être obligatoires dans le sport amateur, à l'image du programme High Five qui est obligatoire dans le sport récréatif, en particulier à l'échelle locale. En Ontario, il suffit d'entrer dans des installations récréatives municipales pour voir une affiche, une banderole ou une certification du programme High Five. Quiconque veut travailler auprès des jeunes doit impérativement détenir cette certification. Pourquoi la norme diffère‑t‑elle pour Sport pur et le mouvement Entraînement responsable?
Il faut aussi que la formation sur la gouvernance efficace offerte par le Centre canadien pour l'éthique dans le sport, ou CCES, soit obligatoire. Mon expérience m'a appris que les membres des conseils d'administration du sport amateur ne font pas la différence entre un conseil d'administration et un comité de travail. Le CCES offre de nombreux programmes, mais très peu de gens sont au fait, car bon nombre croient, tout comme moi, que le travail du CCES se limite à la lutte contre le dopage.
En 2020, le meurtre de George Floyd a provoqué une prise de conscience sur le racisme dans bien des secteurs. En réponse, des pays comme l'Australie, la Nouvelle-Zélande, le Royaume-Uni et les États-Unis ont créé une stratégie sportive d'équité, de diversité et d'inclusion qui englobe la pratique sécuritaire du sport. Trois années se sont écoulées, et j'attends toujours que le Canada se dote d'une stratégie sportive nationale centralisée en matière d'équité, de diversité et d'inclusion, ou EDI.
Depuis huit mois, je suis la gestionnaire de l'EDI et de l'expérience d'étudiant à Sports universitaires de l'Ontario, ou SUO, où je m'attarde principalement à l'EDI, aux femmes dans le sport et à la pratique sécuritaire du sport. Mon travail est possible grâce au rapport Making Progress Together, qui établit la manière dont SUO parvient à établir une culture sécuritaire, équitable et diversifiée. Je vous ai transmis le rapport.
Au cours des huit derniers mois, nous avons créé une semaine de sensibilisation à la lutte contre le racisme, révisé notre politique de pratique sécuritaire du sport et entamé la mise en œuvre du plan pour les « femmes dans le sport ». Du 23 au 25 juin prochain, SUO tiendra une conférence sur la diversité dans les sports axée sur le sport amateur avec le soutien du ministère du Tourisme, de la Culture et du Sport de l'Ontario. À cette occasion, les leaders autochtones, noirs et de couleur de demain auront également la chance de recevoir une formation gratuite du PNCE.
Tous mes amis et les membres de ma famille connaissent mon amour des proverbes. Je m'en voudrais donc de ne pas profiter de l'occasion pour en citer un: « Le passé n'est pas garant de l'avenir. »
Merci de m'avoir aujourd'hui donné la chance de vous faire part de mes expériences et réflexions.
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Madame la présidente, mesdames et messieurs les membres du Comité, je vous remercie de l'invitation à comparaître, de votre engagement à vous attaquer à ces importantes préoccupations et de votre intérêt pour l'évolution éthique du sport canadien.
Je suis ici à titre indépendant. J'entends par là que je ne travaille pour aucune entité sportive canadienne. Je n'en consulte aucune et je ne suis pas rémunérée par l'une d'entre elles. Je ne suis affiliée à aucune institution ou organisation universitaire canadienne. J'ai quitté le Canada en 2016 et je réside à La Haye. Ceci est pertinent. Dans certains cas, un examen objectif plus approfondi est nécessaire. Avoir des points de vue impartiaux atténue les risques d'influence indue et favorise la prise de décisions fondée sur des faits et exempte de conflits d'intérêts. L'indépendance contribue à garantir que les opinions sont impartiales, justes et équitables.
Je travaille dans le domaine de l'évaluation des risques, des enquêtes et de l'intégrité du sport. J'ai une maîtrise en éthique et intégrité du sport, et je suis doctorante et chercheuse en gouvernance du sport et en lutte contre la corruption.
Beaucoup ont réclamé cette enquête, dont moi. Bien que certaines personnes puissent avoir de bonnes raisons de s'y opposer, il faut également comprendre que certains pourraient s'y opposer en raison de conflits d'intérêts, étant donné que certaines conclusions pourraient les toucher directement ou indirectement.
Le manque d'intégrité et de capacité professionnelle peut inciter les entités sportives et les acteurs du milieu à rejeter l'intervention du gouvernement ou des autorités judiciaires en invoquant l'autonomie du sport. Dans bien des cas, l'autonomie du sport protège les dirigeants d'un examen moral, social et judiciaire, ce qui donne des organismes qui n'ont pas de comptes à rendre à personne.
Madame la présidente, une enquête totalement indépendante s'impose. L'incapacité du gouvernement d'obliger les organismes sportifs à respecter des normes de gouvernance plus strictes a causé d'importants préjudices, et ce, malgré les nombreux cas d'entités sportives qui se sont montrées incapables d'évoluer. Le gouvernement a la responsabilité d'assurer la santé du public et la pratique sécuritaire du sport.
Je propose trois solutions pour promouvoir l'évolution éthique du sport canadien, où l'intégrité de la gouvernance du sport est un pilier vital.
Premièrement, l'enquête doit comprendre des vérifications indépendantes de la gouvernance du sport. Les cadres de gouvernance du sport existants reconnus mondialement et ayant une histoire bien établie peuvent être utilisés pour mesurer et définir les exigences futures, et établir la norme canadienne pour les pratiques attendues. Des vérifications accessibles et transparentes assurent la reddition de comptes des organismes et permettent de mesurer leur potentiel de croissance éthique et leurs progrès dans la direction souhaitée.
Deuxièmement, toute vérification de la gouvernance doit intégrer les observations anonymes des athlètes et des employés. Même s'ils ont longtemps été ignorés, les athlètes fournissent des renseignements essentiels sur les vulnérabilités, les risques et les occasions. Même si tout semble parfait, sur papier, les commentaires anonymes permettent de veiller à l'adéquation des politiques, des procédures et du personnel avec l'objectif.
Troisièmement, il faut clarifier le concept d'indépendance. Les entités qui œuvrent pour la pratique sécuritaire du sport ont besoin d'indépendance pour être efficaces. Voici certains éléments à prendre en considération pour toute entité. L'entité est-elle financée par un organisme sportif? Une entité participant à une affaire en instance est-elle financée par un organisme sportif? L'entité est-elle tenue de divulguer des informations à un organisme sportif? Quelqu'un au sein de l'entité a‑t‑il un lien personnel avec l'organisation sportive? Quelqu'un au sein de l'entité a‑t‑il déjà facilité les abus ou la corruption dans le sport, à quelque niveau que ce soit?
La non-divulgation de conclusions négatives nuit à l'intégrité des enquêtes, à la responsabilisation et au développement de l'éthique. L'indépendance est essentielle pour prévenir les conflits d'intérêts et les comportements habilitants. Aucune organisation sportive canadienne existante ne peut être chargée de superviser cette enquête. Elle doit être menée en toute indépendance du milieu du sport.
En terminant, j'aimerais vous présenter l'une des conclusions des recherches que j'ai menées avec ma collègue, Yanei Lezama. Moins d'une survivante sur cinq divulgue l'incident dont elle a été victime par l'intermédiaire d'un mécanisme de signalement. Demandez-moi pourquoi. Cela permet de conceptualiser les facilitateurs institutionnels qui existent dans nos systèmes sportifs. La mauvaise gouvernance favorise la perpétuation de l'abus de pouvoir. Cela souligne l'importance de l'indépendance et même l'insuffisance de systèmes en apparence fonctionnels.
Je vous remercie, madame la présidente.
Je remercie le Comité de m'avoir invitée à lui faire part de mon expérience, de mes connaissances et de mon point de vue sur le sport de haut niveau en général, et plus précisément dans le contexte canadien.
Je suis professeure au Département d'organisation et ressources humaines à l'École des sciences de la gestion de l'Université du Québec à Montréal. J'ai fait un doctorat en psychologie sociale, dans le cadre duquel je me suis spécialisée en psychologie sportive. Dans mes recherches, je m'intéresse plus particulièrement à la relation entraîneur-athlète et aux comportements que les entraîneurs doivent adopter afin de favoriser à la fois les performances et le bien-être des athlètes.
Je suis moi-même une ancienne athlète et entraîneuse de niveau national, et je demeure active dans le monde du sport de haut niveau en agissant aujourd'hui comme consultante en psychologie de la performance, en offrant des conférences et des formations aux entraîneurs et aux organisations sportives, en étant une officielle sur la scène nationale et, finalement, en étant membre du conseil d'administration d'une fédération provinciale.
Ce que j'aurais envie de porter à l'attention du Comité aujourd'hui, ce sont surtout les connaissances scientifiques sur les répercussions qu'a l'environnement social sur le développement des athlètes. Les études scientifiques sont catégoriques: les environnements qui mettent l'accent strictement sur les performances sont nocifs pour les êtres humains. Qui plus est, généralement, ce sont ces environnements qui génèrent les moins bons résultats à long terme. Dans de tels environnements, les individus sont prêts à tout faire pour obtenir des résultats immédiats, même à poser des gestes ou à prendre des décisions qui peuvent avoir un effet destructeur sur eux-mêmes, sur les autres ou sur leur organisation.
Or, le système sportif canadien, et plus particulièrement la façon dont il est financé, s'appuie principalement sur l'atteinte de résultats rapides. Rendre le financement dépendant des performances à court terme amène les fédérations à exiger des résultats immédiats pour maintenir leur financement et, ultimement, maintenir leur fédération en vie. Cela les amène à tolérer des comportements inacceptables de certains entraîneurs, administrateurs ou athlètes au nom des résultats à court terme. De surcroît, un tel système finance toujours les mêmes fédérations, les mêmes sports, les mêmes entraîneurs et les mêmes façons de faire, au détriment de l'innovation, de l'actualisation, de la diversité et du bien-être.
Le fait de tolérer de tels comportements destructeurs, voire de les encourager de façon implicite, contribue à l'établissement d'une culture sportive où ces comportements deviennent en fait la norme. Le temps est venu de réellement conscientiser tous les acteurs du système sportif canadien sur ce qui constitue des comportements acceptables et sur ce qui, au contraire, devrait être jugé comme étant inacceptable dans le domaine du sport. Trop longtemps, le système axé sur les résultats a toléré des comportements inacceptables au nom des performances, à un point tel que tous en sont venus à penser que ces comportements sont acceptables, et parfois même souhaitables.
Au cours des derniers mois, plusieurs entraîneurs ont été pointés du doigt, de façon juste, pour des comportements inappropriés envers les athlètes. Il faut toutefois s'interroger sur la façon dont le système sportif en place influence et encourage même ces comportements. Un système axé sur les résultats et, encore pire, sur l'atteinte rapide de certains résultats met une pression sur les entraîneurs, qui à leur tour font reposer cette pression sur les athlètes.
Il est donc temps de ne pas seulement pointer du doigt les entraîneurs, mais aussi de les former, de les accompagner et de les soutenir. On doit les former sur les composantes d'une relation entraîneur-athlète saine, sur les comportements à adopter et ceux à éviter afin de favoriser cette relation saine, sur la santé mentale des athlètes, et encore plus. Il est aussi temps de les encadrer et de leur offrir des ressources vers lesquelles se tourner en cas de doute, des ressources en codéveloppement et des ressources pour leur propre santé mentale. Encadrer les entraîneurs et prendre soin d'eux facilitera le changement de culture et les aidera à mieux composer avec la pression qui pèse sur leurs épaules.
En conclusion, pour créer un environnement sportif plus sain et sécuritaire au Canada, il faut entre autres réviser le système de financement, éduquer la population et les acteurs du milieu sportif pour changer la norme et la culture, former et outiller les entraîneurs, avoir une approche centrée sur le bien-être des athlètes et des entraîneurs, donner la parole aux athlètes et leur donner l'autonomie nécessaire pour créer leur environnement d'entraînement optimal. Le financement actuel produit des médailles à court terme, mais au coût de la santé mentale et physique des athlètes à long terme. Les études scientifiques ont pourtant démontré qu'il est possible d'obtenir d'aussi bons résultats et de gagner autant de médailles, et ce, à moindre coût. La science nous informe qu'en créant un environnement sain, centré sur le bien-être de l'athlète plutôt que sur les performances, on obtient d'aussi bons résultats, voire de meilleurs résultats à long terme. Il est temps de cesser d'agir d'une façon instinctive ou selon les traditions en place, et de choisir plutôt de s'appuyer sur les connaissances scientifiques disponibles.
Il faut résister à la tentation de se concentrer sur ce qui est facilement visible, comme les performances, et commencer à s'intéresser à ce qui est invisible et qui, pourtant, permet l'atteinte de ces résultats. Il faut demander aux fédérations de rendre visibles certains indicateurs auxquels nous n'avions pas tendance à porter attention à ce jour, comme le bien-être des athlètes, le sens derrière l'engagement sportif et le développement d'habiletés. Il est temps de viser le développement à long terme de nos athlètes et de laisser le temps et l'espace nécessaires aux divers acteurs pour qu'ils puissent bien faire les choses. Il faut se rappeler que les résultats ne sont, en vérité, qu'une conséquence du fait de bien faire les choses, et ils ne devraient en aucun cas constituer l'objectif en soi.
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Madame la présidente, mesdames et messieurs les membres du Comité, je vous remercie de me donner l'occasion de présenter mes observations sur la question essentielle qu'est la pratique sécuritaire du sport au Canada.
McLaren Global Sport Solutions, ou MGSS, comme on l'appelle, se concentre sur les enquêtes et les examens de la gouvernance au sein d'organismes au Canada et dans le monde. Notre travail porte sur diverses questions liées à l'intégrité, notamment la pratique sécuritaire du sport, l'usage de substances pour améliorer la performance athlétique, la manipulation des compétitions, la fraude, d'autres formes de corruption et les questions générales d'intégrité de la gouvernance qui en découlent.
J'occupe le poste de responsable indépendant de l'intégrité pour la Fédération internationale de basketball, ou FIBA, et pour l'Association internationale de boxe, ou AIBA. Je suis également responsable principal de la lutte contre la corruption dans le milieu mondial du tennis professionnel. Je suis aussi un tiers indépendant pour Tennis de table Canada.
Au cours de ma carrière, j'ai dirigé des enquêtes complexes sur la corruption dans les milieux de la boxe internationale, de l'haltérophilie et de nombreux autres sports, y compris des enquêtes pour l'Agence mondiale antidopage, enquêtes qui ont révélé le dopage d'athlètes parrainé par l'État russe aux Jeux olympiques de Sotchi et dans divers sports en Russie, en particulier l'athlétisme.
Un exemple récent de mon travail international dans le domaine de la pratique sécuritaire du sport concerne une enquête complexe sur des allégations d'agressions sexuelles par des responsables du basketball et de l'État au Mali, à la suite de rapports de Human Rights Watch publiés dans le New York Times. Mon équipe a mené une enquête indépendante approfondie sur les abus sexuels systémiques commis à l'encontre de jeunes joueuses de basketball. Ce rapport et tous nos autres rapports sont publics et publiés sur le site Web de ma société.
Il est important de faire part de mon expérience internationale, car, malheureusement, la sécurité dans le sport est un problème international, et pas seulement un problème canadien. Prenons par exemple la gymnastique. Pas moins de six examens nationaux majeurs ont eu lieu dans le monde de la gymnastique, notamment au Royaume-Uni, en l'Australie, en Nouvelle-Zélande, en Suisse, aux Pays-Bas et, bien sûr, aux États-Unis, comme la plupart des membres du Comité le savent, j'en suis certain.
Permettez-moi de vous donner deux exemples des travaux récents de McLaren Global Sport Solutions au Canada, soit notre examen indépendant sur Canada Soccer, en 2022, et notre rapport de 2023 sur Gymnastique Canada. Nous avons également publié, en 2021, un rapport sur la création d'un organisme national indépendant pour la sécurité dans le sport au Canada.
Dans le cas de Canada Soccer, nous avions pour mandat d'examiner la réponse de l'organisme aux allégations de harcèlement formulées en 2008 à l'encontre de Bob Birarda, l'ancien entraîneur de l'équipe nationale féminine des moins de 20 ans. Les membres de ce comité connaissent bien cette saga grâce au témoignage courageux d'Andrea Neil et d'autres personnes. Nous avons constaté que Canada Soccer avait à l'époque des politiques et des procédures d'enquête assez rigoureuses. Cependant, les hauts dirigeants et l'Association canadienne de soccer n'accordaient pas beaucoup d'importance à la pratique sécuritaire du sport et n'ont pas suivi leurs propres politiques écrites.
L'enquête conjointe sur M. Birarda menée en 2008 par Canada Soccer et les Whitecaps de Vancouver, de la MLS, comportait de graves lacunes. Par exemple, aucun rapport écrit n'a été publié par l'enquêteur et aucun procès-verbal n'a été rédigé sur les processus ou les décisions prises par le conseil d'administration de l'Association canadienne de soccer. Il n'y a eu aucune transparence, un défaut que nous avons constaté à maintes reprises dans le monde du sport. Les politiques raisonnables ne sont pas appliquées.
En octobre 2008, sur recommandation de l'enquêteur, le comité de direction de l'Association canadienne de soccer a voté le congédiement de M. Birarda. Toutefois, au lieu de le congédier, il a négocié une sortie. On lui a permis de démissionner, et l'Association a indiqué qu'il s'agissait d'une séparation mutuelle. Les raisons véritables de son départ soudain ont été présentées comme étant personnelles lors d'une conférence de presse à laquelle certaines plaignantes ont assisté et savaient pertinemment qu'il en était autrement. Invoquer des « raisons personnelles » est un euphémisme fréquemment utilisé pour dissimuler un comportement inapproprié et éviter des mesures de suivi.
Une telle approche est malheureusement courante dans le sport. Le dossier et les véritables motifs du congédiement sont cachés sous le couvert d'un départ négocié et d'une démission. Cela permet aussi à l'auteur de commettre d'autres abus dans le cadre de fonctions ultérieures.
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Merci, madame la présidente.
Je remercie le Comité de me donner l'occasion de témoigner au nom d'Égale Action, où je suis directrice de l'équité des genres depuis un an.
Pour commencer, j'aimerais mentionner qu'Égale Action est un organisme en activité depuis plus de 20 ans dont la mission est de rendre le système sportif québécois équitable et égalitaire à l'égard des filles et des femmes, et de soutenir ces dernières dans le développement de leur plein potentiel.
En matière de pratique sécuritaire du sport au Canada, j'aimerais mentionner, dans un premier temps, qu'il faut continuer à prioriser, à juste titre, les mesures visant à protéger les victimes. Pour ce faire, il faut maintenir et améliorer les mécanismes qui leur viennent en aide, ce qui inclut notamment les services d'assistance téléphonique et le Centre de règlement des différends sportifs du Canada, pour ne nommer que ceux-ci. De plus, il faut améliorer les outils nécessaires pour prévenir les abus et toute forme de violence, à tous les niveaux et dans tous les contextes de la pratique sportive.
Dans un deuxième temps, nous sommes d'avis que des mesures doivent être mises en place auprès des organisations sportives. C'est ce que nous nous attardons à faire, à Égale Action. Je suis certaine que nous souhaitons tous et toutes voir diminuer le nombre d'appels reçus par les services d'assistance téléphonique. Un travail en amont doit donc être fait, car il est nécessaire de changer la culture malsaine. Cela passe par la prise de conscience, par l'analyse du milieu respectif, en effectuant notamment des portraits organisationnels, et par la mise en place de stratégies qui mèneront vers des mesures concrètes et les résultats souhaités.
Les personnes représentant les organisations qui viennent vers nous ont de bonnes intentions, mais parfois elles sont démunies et souhaitent cet accompagnement ainsi qu'une coconstruction de solutions. Cela m'amène à dire que nous avons besoin d'organisations comme Égale Action au Québec, c'est-à-dire une partie neutre, pour l'accompagnement des fédérations et des organisations sportives.
Permettez-moi de donner des exemples de mesures qui seraient bénéfiques. L'accompagnement que nous offrons se fait notamment sous forme de mentorat, par exemple pour l'analyse des enjeux ainsi que pour la mise en place de stratégies et d'un plan d'action, mais également sous forme d'ateliers de formation qui permettent une prise de conscience plus globale de la culture organisationnelle et de ses préjugés.
Bien entendu, tout ne repose pas simplement sur l'intérêt d'agir manifesté par une personne au sein d'une organisation. La capacité des organisations et les ressources dont elles disposent font partie des obstacles qui se présentent à nous, de même que le temps qu'elles allouent au changement alors que les tâches quotidiennes les occupent et les préoccupent.
Nous croyons également qu'il faut continuer d'accompagner et d'outiller les femmes pour maintenir et accroître la présence de celles-ci au sein des organisations sportives. Au Québec, les conseils d'administration sont composés à 33 % de femmes. Nous espérons que c'est le résultat des efforts déployés depuis quelques années et que cette progression continue pourra être assurée. Par contre, nous constatons que les femmes représentent une maigre proportion de 19 % des entraîneurs au Québec. Les entraîneurs sont tout de même les personnes en autorité immédiate dans la vie des sportives. Ce chiffre n'a pas évolué dans le temps, malgré les programmes de soutien mis en place pour les entraîneurs.
Par l'intermédiaire de nos services auprès des femmes, nous souhaitons évidemment qu'il y ait une plus grande présence des femmes, mais surtout que leurs voix soient entendues. Notamment par la mise en place de communautés de pratique, nous souhaitons permettre aux femmes de minimiser leurs doutes et d'augmenter leur confiance afin qu'elles s'intègrent dans les structures sportives et qu'elles prennent leur place au sein de celles-ci.
Enfin, pour que tout perdure dans le temps, l'élaboration de différentes politiques est nécessaire. Nous croyons qu'il est incontournable de mettre en place des moyens afin de mesurer les gestes qui mèneront à un changement de culture. Cela nous permettrait de baliser et de réorienter au besoin les organisations, les rendant ainsi redevables à leurs membres respectifs et aux instances politiques. De plus, cela nous permettrait de bien analyser la progression.
Au Québec, depuis peu, nous avons la chance de compter sur le Lab PROFEMS, un nouveau laboratoire de recherche dont la directrice nous fait don de sa présence aujourd'hui.
Merci.
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Merci, madame la présidente.
Je vous remercie de l'invitation. C'est ma troisième comparution en comité parlementaire. Je suis contente de pouvoir contribuer à l'amélioration du système sportif.
Comme Mme Béliveau l'a mentionné, je suis ici en tant que directrice du nouveau Laboratoire de recherche pour la progression des femmes dans les sports au Québec. À ce titre, ma présentation sera vraiment axée sur l'importance de la recherche. Cette dernière contribuera à rendre le système sportif non seulement plus égalitaire et équitable, mais surtout sécuritaire pour tous et toutes.
Je voudrais rappeler au Comité que, de 2020 à 2022, le Canada a eu la chance d'avoir le premier centre de recherche sur l'équité des genres dans le domaine du sport. Malheureusement, ce centre n'a été financé que pour une période de deux ans. J'ai eu le bonheur d'être codirectrice de ce centre avec Gretchen Kerr, dont vous avez certainement entendu le témoignage sur la sécurité dans le sport. Je trouve vraiment dommage que ce financement ait été de courte durée, parce que nous avions commencé à mettre en place une structure pour soutenir le système sportif et aider les politiciens que vous êtes à prendre des décisions éclairées et basées sur des données probantes.
La recherche devrait être au cœur de toute initiative. Chaque fois qu'on propose quelque chose ou qu'on met en place une structure ou une solution, il faut pouvoir l'évaluer et savoir quels en seront les effets.
Mme Bookal, qui a été la première personne à présenter son allocution aujourd'hui, nous a fait part d'une citation. À mon tour, je vais citer un éminent chercheur du nom d'Einstein. Il disait que la folie consiste à refaire sans cesse la même chose en espérant obtenir un résultat différent. Je pense que cela a souvent été le cas au Canada; on pense qu'on a des bonnes idées et on les met en place. Or, un de mes premiers messages que je porte au Comité, c'est qu'il faut s'appuyer sur la recherche; quand on met quelque chose en place, il faut pouvoir l'évaluer.
Ma collègue Mme Carpentier a parlé de ce que la recherche nous avait appris. En lien avec la pratique sécuritaire du sport, il a été démontré que, dans plusieurs secteurs, la présence accrue de femmes en position de leadership entraînait rapidement une diminution de la violence et du harcèlement. C'est le cas aussi bien en milieu de travail qu'en milieu carcéral au Canada, par exemple. De fait, l'augmentation du nombre de gardiennes de prison a eu pour effet de pratiquement éliminer la violence physique dans les prisons fédérales.
Nous avons des documents qui démontrent que plus on a de femmes, plus on a un effet positif sur la qualité du milieu. Mme Béliveau a évoqué le pourcentage d'entraîneurs féminins au Canada. On retrouve le même phénomène à l'échelle mondiale: les athlètes sont entraînés majoritairement par des hommes, à raison de près de 80 %, si ce n'est plus dans certains sports.
J'insiste donc pour dire, en premier lieu, que la recherche est essentielle.
Dans un deuxième temps, il faut se pencher sur la question de la reddition de comptes. D'autres de mes collègues en ont parlé. Il faudrait que le financement soit lié à une reddition de comptes. Pour ce faire, on aurait besoin d'une organisation qui viendrait soutenir la collecte de données. Une fois de plus, je fais le lien avec la recherche. Si le gouvernement décidait, comme je l'espère, de réinvestir dans le centre canadien de recherche sur l'équité des genres, cet organisme objectif et indépendant pourrait assurer le suivi relatif à la reddition de comptes, et ce, pour nourrir le politique et favoriser la prise de décisions, notamment en ce qui concerne la structure de financement.
À ce sujet, j'ai beaucoup aimé la présentation de ma collègue Mme Carpentier. Comme elle le disait, dans un contexte où le financement est uniquement lié aux performances et où l'obtention de médailles est tout ce qu'on souhaite, il ne faut pas se leurrer: les athlètes vont continuer de subir des abus.
J'en arrive au dernier point, qui a aussi été abordé par Mme Béliveau.
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Je suis d'accord avec la dernière intervenante. La reddition de comptes est un problème important. De nombreuses associations sportives sont dotées de politiques raisonnablement étoffées, mais ne les utilisent pas. Elles ne sont pas appliquées. Je l'ai constaté à maintes reprises dans le cadre de mon travail au Canada et à l'étranger. La reddition de comptes est un problème majeur.
Un autre problème, que personne n'a mentionné ce matin, est la dénonciation. Pour mener de nombreuses enquêtes, comme je l'ai fait, il faut des dénonciateurs. Or, les dénonciateurs sont confrontés à de graves problèmes de représailles sous diverses formes. Dans notre pays, tant dans le monde des affaires que dans celui du sport, les lois relatives à la protection des dénonciateurs sont très limitées. Nous accusons un important retard par rapport à l'Europe et d'autres pays du monde à cet égard. Donc, il s'agit d'un aspect important qu'il convient aussi d'examiner et qui nous ramène à la reddition de comptes.
Un autre élément dont j'ai parlé dans ma déclaration est l'utilisation des « raisons personnelles » lors du départ négocié de gens qui ont réellement commis des gestes inappropriés. Cacher les véritables raisons nuit à ceux qui voudraient peut-être retenir les services de cette personne à l'avenir, car ils ne trouvent jamais d'informations publiques sur les véritables raisons du départ. Le pire, dans cette sortie négociée, c'est que la personne peut alors aller dans un autre sport ou un autre pays — mais particulièrement dans un autre sport — et y reproduire les abus déjà observés dans d'autres contextes.
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Comme je l'ai mentionné, il existe à l'échelon mondial des cadres de gouvernance du sport, notamment l'observateur de la gouvernance du sport. Il s'agit d'outils d'analyse comparative qui permettent aux organismes d'améliorer leur gouvernance par l'évaluation d'éléments précis. Il y a la transparence, les processus démocratiques, la responsabilité sociétale, la reddition de comptes interne et les contrôles. Ces éléments ont été mis en œuvre dans certains pays européens dès 2011.
Cela fonctionne. Ces évaluations garantissent que les organismes progressent dans la direction souhaitée. Elles appuient aussi l'atteinte de l'objectif de promouvoir la croissance éthique. Grâce à ces vérifications, les entités peuvent être tenues de respecter des normes de reddition de comptes plus élevées, car on leur demande de maintenir — et d'améliorer, espérons‑le — leurs capacités d'une façon qui peut être mesurée et évaluée. La transparence, y compris les déclarations anonymes de l'athlète en question et les observations du personnel, permet aussi au public, notamment les contribuables canadiens, les parents, les athlètes et les médias, de déterminer si les dirigeants s'acquittent réellement de leur travail.
Pour corroborer les propos de Mme Demers, j'ajouterais que dans certains pays, le financement public est conditionnel au respect des principes de bonne gouvernance et que pour toute vérification, les organisations sportives n'ont absolument pas leur mot à dire quant au choix de la personne qui procède à la vérification.
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Merci beaucoup. Je tiens à remercier les témoins de leur présence parmi nous aujourd'hui. J'ai trouvé tous les témoignages très utiles. Je vous remercie de vous être libérés pour comparaître.
J'aimerais commencer par Mme Bookal et parler de certaines de ses déclarations.
Madame Bookal, je vous remercie d'avoir soulevé les questions que vous avez abordées, de l'accessibilité au racisme. Ces questions ont été soulevées dans nos délibérations, mais on n'a pas beaucoup parlé du racisme en particulier. Merci d'avoir attiré l'attention du Comité sur la question. Je vous remercie du travail que vous faites pour promouvoir l'accessibilité et la lutte contre le racisme.
Vous avez indiqué qu'au cours des deux dernières décennies, nous sommes passés du sport pour tous au sport d'élite. Pouvez-vous parler de ce changement précis? Selon vous, pourquoi sommes-nous passés d'un accès pour tous à une approche plus élitiste du sport en Ontario et dans l'ensemble du pays?
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Je ne suis pas certaine de ce qui s'est passé lors de cette transition. Comme je l'ai indiqué, beaucoup de choses étaient accessibles dans les années 1990. Les coûts étaient faibles; les cours sur l'entraînement étaient donc abordables. En outre, tout était obligatoire.
Quant aux compétitions, tout le monde voulait l'or. Tout le monde voulait être premier au monde. Ce qu'on entendait, au niveau de la base, c'était: « En tant que pays industrialisé, pourquoi ne sommes-nous pas dans les cinq premiers, parmi les trois premiers? Pourquoi certains pays qui n'ont pas autant de ressources que nous ont-ils de meilleurs résultats que nous? »
On a alors commencé à constater que beaucoup de fonds allaient désormais au sport de haut niveau. Il se passait de moins en moins de choses du côté du sport amateur. Faisons une analogie avec un entonnoir. Il faut bien que les athlètes viennent de quelque part, et cette source, c'est le sport amateur. Cet entonnoir devient de plus en plus petit. Beaucoup de gens n'ont pas les moyens de faire du sport.
Pour retenir les services de ces entraîneurs de haut niveau, ou pour aider à payer les athlètes, certains organismes sportifs intègrent ces coûts aux frais des programmes de certification des entraîneurs. Suivre un cours coûte 300 $; beaucoup de gens n'ont pas les moyens.
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Je me permets d'intervenir de nouveau.
J'ai fait un peu de recherches. J'ai constaté que la Colombie-Britannique, le Manitoba et d'autres provinces ont mis en place des stratégies de lutte contre le racisme dans le cadre de leurs programmes PlaySafe. Si je ne me trompe pas, le Manitoba a annoncé, il y a quelques semaines, un investissement dans une stratégie de lutte contre le racisme.
Vous avez parlé de la stratégie de lutte contre le racisme de votre organisme. J'ai aussi remarqué une initiative de la lutte contre le racisme, et l'organisme Le sport, c’est pour la vie. Mes modestes recherches m'indiquent que le gouvernement fédéral s'est engagé à investir dans des programmes de lutte contre le racisme systémique.
De votre point de vue, les gouvernements provinciaux et le gouvernement fédéral en font-ils assez, ou y a‑t‑il encore beaucoup de travail à faire? Je parle des investissements dans divers organismes et de la recherche de solutions pour contrer le racisme systémique.
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Merci, madame la présidente.
Je vais commencer par vous, madame Bragagnolo.
Je vous remercie beaucoup de vos remarques préliminaires, de l'ensemble de votre contribution et du modèle que vous représentez.
Tout d'abord, quelle est votre position quant à la mise sur pied d'une enquête publique et indépendante pour faire la lumière sur les situations d'abus dans le monde du sport? Quels éléments une telle enquête devrait-elle inclure?
Par ailleurs, est-ce que vous faites une distinction entre les termes « inquiry » et « investigation »? En français, on utilise le même mot, mais il y a une distinction en anglais. Je serais curieux de vous entendre nous l'expliquer.
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En ce qui a trait à l'enquête, je recommande fortement qu'elle comprenne des vérifications indépendantes de la gouvernance du sport. Je crois que le gouvernement s'est engagé, ou il l'a mentionné dans le passé, à procéder à des vérifications des organismes nationaux de sport et des organisations sportives, mais il ne l'a pas fait. J'estime que c'est prioritaire et indispensable.
Je le répète, cela ne peut pas être effectué par une entité sportive qui existe actuellement au Canada. Cela doit être fait par une entité extérieure au milieu du sport. Je crois que nous devrions utiliser les cadres existants de gouvernance du sport qui ont été éprouvés, qui ont été mis à l'essai à l'échelle mondiale et qui se sont révélés efficaces.
Je pense que ces vérifications de la gouvernance doivent inclure les observations anonymes des athlètes et des employés. Les athlètes ont longtemps été ignorés, mais leurs commentaires et leurs points de vue sur les vulnérabilités, les risques et les occasions sont très importants.
Encore une fois, tout peut sembler parfait sur papier, comme M. McLaren l'a souligné. Les politiques semblent correctes, mais les commentaires anonymes permettent de veiller à l'adéquation des politiques, des procédures et du personnel avec l'objectif. Ils nous indiquent quels aspects améliorer.
Des vérifications transparentes forcent les gens et les organisations à rendre des comptes d'une façon qui est mesurable. Je pense qu'une enquête peut enfin nous permettre de commencer à entreprendre des vérifications. Cela devrait faire 10 ans que nous menons des vérifications. Comme je l'ai mentionné, on procède à des vérifications en Europe depuis plus d'une décennie.
Nous accusons un grand retard à cet égard, et j'estime qu'une enquête serait une excellente façon d'entamer cela.
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J'estime que les vérifications indépendantes de la gouvernance devraient être obligatoires au Canada en ce qui a trait aux organisations sportives, aux mécanismes de dénonciation et à ces entités à but lucratif vouées à la pratique sécuritaire du sport. Essentiellement, tout organisme travaillant dans le milieu du sport doit être tenu de rendre des comptes.
Même si les intentions sont bonnes, le manque de capacité professionnelle, un conflit d'intérêts ou l'absence d'indépendance vont nuire à l'évolution éthique de la pratique sécuritaire du sport canadien et à la prestation de soins adéquats aux athlètes. Les allégations d'actes répréhensibles, les enquêtes et les systèmes de soutien doivent être gérés de façon impartiale par des professionnels tenus de rendre des comptes qui possèdent les compétences et la formation nécessaires et qui n'ont jamais facilité les abus ou la corruption à quelque niveau que ce soit.
Comme M. McLaren l'a expliqué, il existe dans le milieu du sport des personnes qui, sur papier, semblent jouir d'une bonne réputation, mais qui ont facilité les abus ou ont abusé de leur pouvoir et tentent maintenant de tirer profit de la question de l'intégrité en se présentant comme des experts en matière de pratique sécuritaire du sport. Ils travaillent actuellement au sein d'entités sportives ou de cabinets d'experts-conseils dans le domaine de la pratique sécuritaire du sport.
Pour atténuer le risque, il faut obliger toute entité oeuvrant pour la pratique sécuritaire du sport à rendre des comptes dans le cadre d'une vérification.
Ce n'est pas un problème qui concerne uniquement le Canada. Mes collègues au Brésil, en Colombie, en Australie et aux États-Unis sont également d'avis que nous devons réduire le risque.
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Merci beaucoup, madame la présidente.
Je remercie tous les témoins. Leurs témoignages sont extrêmement importants.
On sait très bien que les organismes nationaux de sport sont en crise. On l'a vu dans le cas de Hockey Canada, de Canada Soccer et de nombreuses autres organisations.
J'aimerais poser quelques questions à Mmes Béliveau, Carpentier et Demers, et je leur demanderais d'être aussi brèves que possible.
Premièrement, appuyez-vous l'idée d'une enquête nationale publique pour examiner plus à fond les questions relatives à la sécurité dans le sport au Canada?
Deuxièmement, pensez-vous qu'il est approprié que Sport Canada continue de financer des organisations comme Hockey Canada même si elles n’atteignent pas nécessairement tous les objectifs qui sont importants pour assurer la sécurité du grand public et des athlètes?
Troisièmement, Hockey Canada continue de signer des ententes de non-divulgation avec des victimes. Trouvez-vous que c'est approprié, ou pensez-vous que les victimes ne devraient pas être obligées de signer de telles ententes?
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Je vais répondre à la première question, au sujet de la tenue d'une enquête nationale.
Je pense effectivement qu'il faut aller au-delà des sports de plus grande envergure que sont le hockey et le soccer, par exemple. Il faut avoir un portrait très net de l'ensemble de la situation.
Cela dit, il faut s'assurer qu'on donnera suite à une telle enquête. Des rapports tablettés, on en a vu assez souvent.
À mon avis, on n'a qu'une petite idée de l'ampleur du problème. Comme mes collègues l'ont mentionné, ce n'est que la pointe de l'iceberg. Dans ce contexte, la tenue d'une enquête nationale me semble justifiée.
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Comme je l'ai mentionné, certains pays exigent déjà le respect de normes en matière de bonne gouvernance comme condition à l'obtention du financement. Je crois fermement que c'est une condition qu'il faut envisager d'imposer.
En ce qui a trait au non-signalement, j'ai effectué des recherches avec ma collègue Yanei Lezama sur l'extorsion sexuelle dans le sport. Nous avons posé des questions sur le non-signalement. Nous voulions savoir pourquoi les gens ne signalaient pas les incidents.
Je tiens à préciser que l'extorsion sexuelle consiste à abuser de son pouvoir à des fins sexuelles. Si la personne abuse de son pouvoir et demande de l'argent, on considère cela comme de la corruption, mais si la personne abuse de son pouvoir et demande des faveurs sexuelles, on ne considère pas toujours cela comme de la corruption. Des accusations ne sont pas toujours portées ou des sanctions ne sont pas toujours imposées.
Ainsi, comme je l'ai mentionné, moins d'une victime sur cinq signale l'incident par le biais d'un mécanisme de signalement. Nous voulions savoir pourquoi. En ce qui a trait aux principales raisons du non-signalement, 60 % des victimes ont affirmé ne pas avoir confiance que leur organisation ferait quoi que ce soit pour les aider; 59 % ont déclaré ne pas avoir confiance que le contrevenant serait puni; et 52 % ont affirmé craindre que le signalement ait une incidence négative sur leur carrière. Ces données mettent en lumière le manque de confiance envers nos institutions sportives. Cette confiance se mérite.
Pour faire suite aux propos de Mme Bookal, je dois dire que nous avons constaté que dans le cas de l'extorsion sexuelle en particulier, le risque est beaucoup plus grand au niveau communautaire. Au Canada, c'est un niveau qui est considérablement négligé, car l'attention et les ressources sont consacrées principalement au sport d'élite. Chez les répondants autochtones, le plus grand nombre de victimes se trouvait dans le sport communautaire, et ils couraient deux fois plus de risque d'être victimes d'un incident que les Blancs.
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Oui, je crois que ces chiffres mettent en évidence l'importance de l'indépendance des mécanismes de dénonciation. Comme certains de mes collègues l'ont mentionné, il est important également d'assurer la protection des dénonciateurs.
La recherche de pointe sur le harcèlement sexuel dans le sport souligne que le harcèlement et les agressions semblent être plus nombreux dans le sport d'élite. En ce qui a trait à l'extorsion sexuelle en particulier, nos résultats démontrent que les cas sont tout aussi nombreux dans le sport communautaire. Le niveau communautaire est largement négligé au Canada. Nos mécanismes actuels de dénonciation ne sont pas en mesure d'aider les victimes de ce niveau. Les ressources à cet égard sont dirigées ailleurs.
Les personnes autochtones, noires et de couleur étaient deux fois plus préoccupées par les répercussions qu'aurait la dénonciation sur leur carrière, alors elles n'ont pas dénoncé l'incident. Quatre-vingt-un pour cent des répondants autochtones, noirs et de couleur ont indiqué que c'était la principale raison pour laquelle ils ont choisi de ne pas dénoncer l'incident. Chez les personnes blanches, cette proportion était de 34 %. Non seulement la confiance envers le système est faible, mais en plus les personnes les plus vulnérables de nos communautés souffrent énormément.
Je le répète, l'indépendance est d'une importance cruciale.
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Merci, madame la présidente.
Monsieur McLaren, je veux d'abord vous exprimer ma reconnaissance pour votre témoignage d'aujourd'hui. Je dois dire que votre passage devant le Comité permanent de la condition féminine avait suscité un questionnement chez moi. En ce qui concerne la question des ententes de non-divulgation et de confidentialité, j'avais l'impression que vos rapports penchaient davantage du côté de la protection des organisations.
Que pouvons-nous faire pour réduire au minimum les opérations de camouflage et d'évitement de la part des dirigeants, et particulièrement ceux de Soccer Canada? Des gens comme MM. Montagliani, Montopoli, Reed ou Bontis auront peut-être utilisé des éléments de votre rapport pour gagner du temps et se donner bonne conscience publiquement, plutôt que de changer les choses dans leur organisation. On se dit peut-être que, pendant qu'un rapport est en cours, l'opinion publique a le temps de passer à autre chose. Quand vient le temps d'agir pour vrai, cependant, on attend encore.
Que pensez-vous de cette situation?
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Eh bien, je ne sais trop comment répondre à votre question, monsieur.
Il ne fait aucun doute que les administrateurs essaient souvent de se protéger plutôt que de poursuivre l'objectif global qui est lié à la raison d'être du conseil d'administration et de l'organisation sportive et à ce qu'ils essaient d'accomplir.
Toutefois, dans le cadre de mon travail, comme celui d'enquêter… J'ai eu une discussion avec le conseil d'administration de Canada Soccer. Je lui ai dit que je n'étais pas prêt à travailler avec lui à moins que le fruit de mon travail soit rendu public une fois terminé. J'ai dû comparaître devant le conseil d'administration pour le persuader que c'était la bonne chose à faire. Il a fini par accepter, et c'est pourquoi mon rapport a été rendu public. S'il n'avait pas été rendu public, je n'aurais pas effectué le travail. Lorsqu'on travaille de façon indépendante, je crois que c'est un aspect important à retenir. Il faut s'assurer que le travail sera rendu public.
Cependant, il est vrai que les administrateurs peuvent utiliser le rapport. Si les choses traînent en longueur, les gens risquent de perdre intérêt en ce qui concerne l'enjeu en question. Je ne crois pas que c'est ce qui se produit en ce qui a trait au sujet d'aujourd'hui, la pratique sécuritaire du sport; je ne crois pas que les gens sont en train de perdre intérêt. Lorsqu'il s'agit de certaines formes de corruption, par exemple de la fraude, il est vrai que les gens peuvent perdre intérêt.
Je pense que la meilleure façon d'éviter que cela se produise… Je ne sais plus quel témoin a mentionné cela, mais il est vrai que l'éducation au sujet de la gouvernance et du rôle d'un administrateur est très importante. Cette formation n'est généralement pas fournie aux membres des conseils d'administration d'organisations sportives, mais elle devrait l'être, afin que les membres prennent connaissance de leurs obligations, notamment faire preuve d'intégrité et ne pas utiliser le processus pour se cacher et se protéger.
C'est la meilleure réponse que je puisse vous donner, monsieur.
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Madame Bookal et monsieur McLaren, je voudrais continuer de vous questionner.
Madame Bookal, nous savons que des organisations comme Hockey Canada se sont engagées à combattre le racisme dans leurs propres organisations sportives nationales. Hockey Canada n'a pas rempli ses obligations, mais, pourtant, en ce moment même, il reçoit un généreux financement.
C'est le genre de questions qui me semblent très irritantes. Si nous savons que les victimes racisées sont moins à l'aise de signaler les crimes qui se commettent, c'est à notre société de les combattre. Mais nous avons un système de financement très poreux, et, essentiellement, Sport Canada distribue de l'argent même à des organisations oublieuses de leurs obligations.
Je reviens à… Estimez-vous que les organisations sportives nationales doivent respecter leurs obligations avant de recevoir du financement public? Estimez-vous, également, qu'une enquête publique est justifiée pour que nous puissions tirer au clair ces problèmes qui ont pénétré partout dans les sports de notre pays et qui y ont provoqué une crise ces dernières années?
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Oui, je crois qu'une enquête ou une sorte d'évaluation, si vous préférez…
Nous l'avons dit à quelques reprises. Des pays comme le Royaume‑Uni, les États-Unis, la Nouvelle-Zélande et l'Australie remplissent tous des fiches d'évaluation de leurs propres organisations sportives nationales. Ils les publient. Ils ne les gardent pas confidentielles, à l'abri des regards. Ils les publient pour faire voir exactement où se classe l'organisation sportive. Ça ne concerne pas seulement la lutte contre le racisme mais tout le secteur de l'équité, de la diversité et de l'inclusion, notamment l'égalité, l'inclusion et tout ce qui en découle.
De plus, l'un des pays — son nom m'échappe — s'est fixé des objectifs annuels. Ses organisations doivent les atteindre. Sinon, elles doivent s'expliquer publiquement.
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Merci, madame la présidente.
C'est intéressant.
Faut‑il passer un savon à Sport Canada? Il fait partie du problème. Il savait de première main. On l'a prévenu que Gymnastique Canada avait un problème, Hockey Canada aussi, et il n'a rien fait. Le financement de Hockey Canada aurait dû cesser en 2018, mais ça n'a pas eu lieu.
Que faisons-nous de Sport Canada? On peut presque se demander la même chose pour le Bureau du commissaire à l'intégrité dans le sport?
Monsieur McLaren, je vous laisse aller. Vous avez mis le doigt sur le bobo. La base locale se fiche pas mal des organisations provinciales, et ces dernières des nationales.
Ici, le Bureau du commissaire à l'intégrité dans le sport engloutit des sommes faramineuses. En réalité, il n'a qu'à se soucier des organisations nationales, parce que je sais que les autorités provinciales se fichent pas mal de ce commissariat et des organisations locales. Vous l'avez dit et nous en avons discuté longtemps.
C'est le problème du sport dans notre pays, où les organisations de la base se fichent pas mal des autorités provinciales et vice versa. Il est profond.
Monsieur McLaren, qu'en pensez-vous?
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Je suis d'accord avec vous. C'est un problème majeur, que j'ai observé et qui est omniprésent dans mon travail au Canada.
Par exemple, l'argent que reçoit le Bureau du commissaire à l'intégrité dans le sport ne peut aller qu'à l'élite, des athlètes très performants qui relèvent de l'organisation sportive nationale. Le commissaire n'a pas l'autorité de le distribuer plus loin.
Des mécanismes permettraient de créer une structure aux niveaux local, provincial, fédéral et national, en passant par celui des clubs, et d'améliorer considérablement notre système, mais il faudrait que ça parte de la base. Ça ne peut pas venir d'en haut. C'est le problème. Le haut ne possède pas l'autorité ni la compétence. Beaucoup de nos organismes sportifs du niveau national sont à couteaux tirés avec leurs homologues des provinces… Et cette mésentente se retrouve à partir de là à tous les niveaux inférieurs.
Nous devrions chercher de bons exemples de clubs, d'organisations provinciales et nationales — il y en a quelques‑uns — qui vont bien, qui sont efficaces, et nous devrions essayer d'encourager ce modèle. C'est la voie de sortie de ce problème.
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Oui. Il faut notamment insister sur la nécessité, cette fois‑ci encore, d'une reddition de comptes, mais également sur les compétences des administrateurs et des dirigeants des organisations sportives nationales. À tous les niveaux, pour s'attaquer au problème et le faire disparaître, il faut des équipes interdisciplinaires pour entreprendre ces enquêtes, ces audits et mettre en place ces mécanismes de déclaration pour la sécurité dans la pratique du sport.
Par équipes interdisciplinaires, j'entends des équipes constituées d'experts indépendants de la gouvernance des sports, des professionnels agréés de la santé mentale, des juristes spécialistes des droits de la personne, toutes des professions indispensables, mais que peu exercent ici. Des compétences particulières et poussées sont utiles à ces évaluations, mais un diplôme en droit ou une vaste expérience de la gouvernance ou le fait d'être un athlète n'équivalent pas nécessairement aux compétences adaptées à une réponse aux agressions et aux allégations qui tient compte des traumatismes et qui est centrée sur la victime, particulièrement si l'expérience de la gouvernance a seulement été acquise dans un système détraqué.
Ces audits sur la gouvernance aideront à déterminer ce dont on est capable et aideront également les organisations à évoluer et à prendre conscience de certaines de leurs lacunes — par exemple le manque de professionnels agréés en santé mentale, d'éthiciens dans les comités d'éthique et de professionnels indépendants en gouvernance des sports. D'autre part, à l'embauche ou dans les pratiques professionnelles, il n'est pas tenu compte de l'intégration des questions d'égalité entre les sexes ni des discriminations imbriquées.
Voilà tous des problèmes actuels dans le sport canadien. Nous pourrions faire appel à des experts interdisciplinaires pour évaluer ces types d'audits de la gouvernance pour nous assurer que nos dirigeants sportifs seront à la hauteur…
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Merci beaucoup, monsieur Bittle.
Nous entamons l'autre tour. Comme on l'a proposé — et personne n'a fait mine de s'y opposer — chaque intervention durera deux minutes.
Je ne peux entendre la sonnerie. J'ignore donc combien de temps nous avons. Si nous accordons à tous la chance de participer à un autre tour, ça devrait nous conduire à 15 minutes, si ça nous donne assez de temps, parce que nous devrions partir voter 15 minutes d'avance.
Commençons par les conservateurs.
Monsieur Shields, vous avez la parole.
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Merci, madame la présidente.
Je crois que, dans 15 minutes, nous serons déjà au beau milieu du vote, mais je vais y aller rapidement.
Monsieur McLaren, d'après les médias, c'est une sorte de catastrophe nationale si les Maple Leafs de Toronto ne remportent pas la première ronde, puisqu'ils n'ont pas gagné depuis 2004.
Ayant été témoin de la dernière coupe, en 1967, je vous le demande: comment changer la culture — proposition que nous avons entendue? D'après moi, au vu des grands titres sur le quotidien et l'élimination de l'équipe et sur le fait que la ville est fichue si elle ne remporte pas la première ronde, la pression psychologique et le poids de la culture atteignent des sommets.
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Bien sûr, elle n'a rien eu à y voir. Elle ne faisait pas partie du conseil d'administration et elle n'a participé à aucune de ses décisions, parce que c'était en 2008 et qu'elle n'a commencé à jouer un rôle que dernièrement. Voici les questions pour elle:
Pourquoi fallait‑il cette « sortie négociée », comme je l'ai décrite dans mes observations, qui permet à quelqu'un de quitter une organisation en taisant les motifs réels, qui n'entreront jamais dans le domaine public?
Ensuite, pourquoi a‑t‑on cessé de conserver des registres? Il n'y a pas eu de rapport d'enquête. Il n'y avait pas de compte rendu des réunions du conseil d'administration. La gouvernance était opaque.
De plus, qu'avez-vous fait pour changer la façon de traiter ces situations alors que vous étiez tenue de faire d'autres enquêtes en 2023?
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Merci, madame la présidente.
Monsieur McLaren, en nommant les lanceurs d'alerte, votre rapport aura aussi dirigé l'attention vers les victimes. Or, les experts ont parlé de l'importance de préserver l'anonymat des victimes, étant donné les traumatismes pouvant leur être causés. Ils ont aussi parlé de l'importance de traiter les victimes de façon équitable et de leur offrir certains services.
Compte tenu de l'avis de ces experts, avez-vous des regrets en ce qui concerne la confidentialité?
Quelles recommandations pourriez-vous faire pour préserver l'anonymat des victimes et les protéger, tout en veillant à obtenir leurs témoignages et leur participation aux différents processus de rapport ou d'enquête visant à faire la lumière sur les événements?
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Merci, madame la présidente.
Comme je l'ai mentionné, je pense qu'il est important de faire appel à des professionnels de la santé mentale certifiés et agréés.
En outre, je pense que nous devons nous pencher sur le nombre d'avocats spécialisés dans le sport au sein du système canadien. Je dirais que les avocats spécialisés dans les droits de la personne seraient mieux équipés pour traiter les cas d'abus, car ils possèdent des connaissances spécialisées dans des domaines comme la violence fondée sur le sexe, la discrimination et les violations des droits de la personne.
En outre, ils pourraient aborder les cas dans une perspective plus large qui tienne compte de l'intégration des questions du genre et de l'intersectionnalité et qui tienne également compte des causes profondes...
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Merci, madame la présidente.
Monsieur McLaren, vous avez probablement vu le témoignage de Steven Reed il y a quelques jours au Comité. J'ai été choqué — je pense que tous les membres du Comité l'ont été — d'entendre qu'il se sentait complètement incapable d'empêcher, de quelque manière que ce soit, un délinquant sexuel condamné, Bob Birarda, d'accéder à d'autres victimes.
Pensez-vous que c'est vrai, que les personnes au pouvoir sont incapables d'empêcher ces agresseurs, ces délinquants, d'accéder aux victimes? Selon vous, que devrions-nous demander à Charmaine Crooks, la présidente de Canada Soccer, lorsqu'elle témoignera, étant donné qu'elle a été convoquée, ce jeudi?