:
Je déclare la séance ouverte.
Bonjour à tous. Je vous souhaite la bienvenue à la 71e réunion du Comité permanent du patrimoine canadien.
Je voudrais souligner que cette réunion a lieu sur le territoire traditionnel non cédé du peuple algonquin anishinabe.
La réunion d'aujourd'hui se déroule sous un format hybride, conformément à l'ordre de la Chambre adoptée le jeudi 23 juin 2022.
[Traduction]
Je vais vous faire part de certaines consignes à observer.
Bien que les masques ne soient plus obligatoires, il est recommandé d'en porter un pour se protéger des maladies respiratoires.
Je rappelle à tous qu'il est interdit de faire des captures d'écran...
:
Ne recevons-nous pas la traduction?
Lorsque je me suis branchée, tout semblait aller pour le mieux du côté des traducteurs. Je ne sais pas ce qui s'est passé entretemps.
Le greffier du Comité (M. Michael MacPherson): Ça devrait marcher maintenant.
La présidente: Je vais poursuivre et rappeler à tout le monde qu'il ne faut pas prendre de photos de l'écran ou faire des captures d'écran. Tout sera affiché sur le site Web accessible au public afin que vous puissiez vous voir et voir ce qui a été dit.
Tout ce que vous dites doit être adressé à la présidence, alors ne perdez pas cela de vue lorsque vous prenez la parole. Ne parlez pas tant que je ne vous en ai pas donné l'occasion.
Au bas de votre écran, il y a une petite icône qui représente un globe. Vous pouvez cliquer dessus. Je pense que ceux qui sont dans la salle savent ce qu'il faut faire; vous le faites depuis assez longtemps. Vous pouvez prendre la parole en français ou en anglais. Ceux qui assistent à la séance en mode virtuel n'ont qu'à cliquer sur cette icône pour obtenir la traduction en anglais ou en français.
Conformément à l'article 108(2) du Règlement et à la motion adoptée par le Comité le mardi 20 septembre 2022, le Comité se réunit aujourd'hui pour poursuivre son étude sur la pratique sécuritaire des sports au Canada.
Nous avons une série de témoins. Chacun d'entre vous qui êtes ici à titre personnel dispose de cinq minutes pour nous livrer sa déclaration liminaire. Si vous faites partie d'un groupe, sachez que chaque groupe n'a droit qu'à cinq minutes pour sa déclaration. Je vous ferai signe lorsqu'il ne vous restera plus que 30 secondes.
Nous allons commencer par...
:
Nous commençons déjà cette réunion très tard, elle sera donc tronquée. Si personne n'y voit d'objection, nous pouvons assurément essayer de vous donner ces cinq minutes, monsieur Shields.
M. Martin Shields: Merci, madame la présidente.
La présidente: En ce qui concerne les témoins, je vais simplement les énumérer, puis je les désignerai par leur nom lorsqu'il sera temps pour eux de se lancer.
Nous accueillons, par vidéoconférence, Mme Teresa Fowler, professeure adjointe à l'Université Concordia d'Edmonton; Mme Gretchen Kerr, professeure à la faculté de kinésiologie et d'éducation physique de l'Université de Toronto; et Bruce Kidd, professeur émérite à la faculté de kinésiologie et d'éducation physique de l'Université de Toronto.
Nous accueillons aussi deux représentants d'ALIAS Solution Inc., c'est‑à‑dire Vicky Poirier, présidente et directrice générale, et Danny Weill, vice-président exécutif.
Pour ITP Sport and Recreation Inc. nous avons Allison Forsyth, cheffe de l'exploitation, et Ilan Yampolsky, chef de la direction.
Enfin, la World Association of Icehockey Players Unions est représentée par Randall Gumbley, consultant.
Je commence par Mme Fowler, pour cinq minutes.
Madame Fowler, vous pouvez commencer maintenant.
:
Merci. Je m'appelle Teresa Fowler. Mes pronoms sont « elle » et « la ». Je vous parviens de l'Université Concordia d'Edmonton, qui se trouve sur le territoire du Traité n
o 6, une nation métisse de la région 4.
Je remercie le Comité de m'accorder ce temps et d'avoir rallié les parlementaires qui travaillent à faire en sorte que la pratique des sports au Canada soit sécuritaire et inclusive et qu'elle permette aux enfants et aux jeunes de s'épanouir et d'être en bonne santé. Pendant les cinq minutes qui me sont imparties, je vais parler de la reproduction culturelle telle que je la perçois en tant que chercheuse qui s'intéresse aux caractéristiques de la masculinité, plus particulièrement dans la culture du hockey, et à la sorte de culture qui doit être modifiée.
La reproduction culturelle est le processus par lequel les valeurs et les pratiques culturelles sont transmises de génération en génération par le truchement de divers mécanismes, dont la socialisation et les médias. La socialisation est le vecteur grâce auquel les personnes apprennent et intériorisent les normes et valeurs culturelles. Cela se fait par l'intermédiaire des interactions avec la famille, les pairs et les institutions sociales telles que le sport. Les médias façonnent également la perception que les gens ont du monde et renforcent certaines valeurs et croyances culturelles. Un exemple de cela est le fait que plus d'événements sportifs professionnels masculins sont diffusés que d'événements sportifs professionnels féminins.
La reproduction culturelle perpétue les inégalités et les structures de pouvoir existantes, comme la culture du silence dans le sport. La culture du silence se produit lorsque des individus ou des groupes s'abstiennent de parler de problèmes importants ou de préoccupations importantes par peur, par honte ou parce qu'ils pensent que leur voix ne sera pas entendue ou prise au sérieux. Divers facteurs, dont l'inégalité dans les rapports de pouvoir, les normes sociales et la peur de représailles, peuvent contribuer à entretenir la culture du silence dans le sport. Par exemple, dans le cadre de notre recherche avec des joueurs professionnels de hockey, beaucoup ont parlé de la précarité de leur position au sein de leur équipe. Pour certains d'entre eux, cette précarité leur était constamment rappelée par la présence d'un chariot d'épicerie stationné près de la porte par où ils devaient passer: le joueur qui ne répondait pas aux attentes de l'entraîneur trouvait inexorablement son équipement dans un sac à ordures placé dans ce chariot. Un autre joueur, au moment où il est passé à une ligue de calibre supérieur, s'est fait dire de ne pas poser de questions .
En 2017, Corey Hirsch, un ancien joueur de la LNH, a écrit un essai poignant dans le Players' Tribune sur l'effet que la culture du silence peut avoir sur l'incapacité à parler ouvertement de problèmes de santé mentale. Voici ce qu'il a dit:
Après la séance de patinage du matin, j'ai pris une lame de palette de trop qui était dans la poubelle et je l'ai mise dans mon sac. Une fois revenu à l'hôtel, je me suis assis en silence sur le bord du lit et j'ai sorti la lame.
Mon plan était de me casser la main et de cacher la blessure jusqu'à l'entraînement du lendemain. De cette façon, j'allais pouvoir m'écrouler après avoir pris un coup, et l'équipe allait me renvoyer chez moi pour que je me rétablisse sans savoir ce qui s'était vraiment passé.
La culture du silence peut avoir des effets négatifs tant sur les personnes que sur la société dans son ensemble. Elle peut empêcher que des problèmes importants soient abordés et contribuer à entretenir des inégalités et des injustices sociales. La culture du silence se perpétue dans le sport en raison de la précarité de la position que les athlètes occupent. Les parents craignent que leurs enfants soient mis sur la touche et les enfants craignent de ne pas être à la hauteur des attentes de quelqu'un. Alors, ils gardent le silence même lorsqu'ils sont victimes d'agressions. Or, la culture du silence fait également taire les gens. Si la culture du silence se perpétue dans le sport au Canada, nous continuerons à voir des joueurs abusifs devenir entraîneurs, et nous continuerons à voir ces derniers être déplacés d'un endroit à l'autre en raison de leur notoriété perçue.
L'été dernier, ce comité a pu constater la force de la reproduction de cette culture du pouvoir lorsque Scott Smith a refusé de reconnaître son rôle dans la perpétuation d'une culture dangereuse, et lorsque Andrea Skinner a déclaré devant vous que des changements au sein de la direction n'étaient pas nécessaires. Toutefois, nous avons également pu constater que les travaux de ce comité avaient donné lieu à des résultats positifs. Je pense ici aux changements qui se produisent dans le milieu du sport, de l'émergence d'un certain degré de responsabilisation, ainsi qu'au fait que les gens dans les chaumières parlent désormais de sport avec un certain esprit critique.
Ce dont nous avons également besoin, c'est d'action. Pour que le sport devienne un lieu sécuritaire, nous devons d'abord définir ce que nous entendons par « sécuritaire » et savoir à qui cela s'adresse. Il est certain que le sport n'est pas sécuritaire pour vous, à moins que vous adhériez à la norme et que vous restiez silencieux, ce qui est la façon dont cette culture se reproduit. Par exemple, le hockey professionnel masculin reste homophobe, comme l'a montré James Reimer des Sharks de San Jose ce week-end en refusant de porter un maillot à l'effigie de la Fierté et en rejetant Nazem Kadri, le premier musulman à remporter la Coupe Stanley. Il n'y a actuellement aucun homosexuel déclaré qui joue dans la Ligue nationale de hockey, et nous disons seulement « déclaré » parce qu'il est normal d'être dans une relation hétérosexuelle.
Si « sécuritaire » signifie que les enfants et les jeunes peuvent pratiquer un sport sans subir de mauvais traitements, alors le sport doit faire échec à la façon dont il permet la reproduction d'une culture malsaine. Pour ce faire, je propose ce qui suit.
J'appuie la tenue d'une enquête judiciaire sur le sport au Canada. Une enquête judiciaire est un mécanisme puissant qui permet de mettre à jour des vérités et de solliciter la responsabilité et la transparence du gouvernement et d'autres institutions publiques qui reçoivent des fonds du gouvernement fédéral.
Je demande au gouvernement du Canada d'intégrer le sport au portefeuille de la santé. L'intégration du sport au secteur de la santé provoquera un changement de perspective, un changement du point de focalisation. Au lieu de courir après les médailles et de perpétuer une culture malsaine, le sport peut être centré sur la santé, contribuer à faire reculer l'obésité, accroître le bien-être et fournir aux enfants et aux familles les moyens de mener une vie active et saine.
Je vous remercie.
Je vous suis reconnaissante de me donner l'occasion de comparaître devant vous aujourd'hui. Il est formidable que le comité parlementaire du patrimoine canadien se penche ainsi sur la situation du sport au Canada. Il va de soi que le sport est une question d'intérêt, mais il est rare que le Parlement et ses comités s'y intéressent d'aussi près.
Mes observations et celles du confrère qui me suivra s'inspirent des éléments mis de l'avant dans le mémoire que nous avons soumis au Comité en décembre dernier de concert avec notre collègue Peter Donnelly. Je vais mettre l'accent sur trois considérations principales. Premièrement, il faut s'intéresser à toutes les formes de menaces mettant en péril le bien-être des athlètes. Deuxièmement, le Code de conduite universel pour prévenir et contrer la maltraitance dans le sport, ou CCUMS, et le Bureau du commissaire à l'intégrité dans le sport, ou BCIS, sont des outils précieux qui devraient pouvoir bénéficier à l'ensemble du monde sportif. Troisièmement, tout nouveau progrès doit se faire avec le soutien des athlètes et en s'appuyant sur la recherche.
Il faut d'abord et avant tout préciser ce qu'on entend par l'expression « pratique sécuritaire du sport ». C'est intentionnellement que l'on utilise le terme « maltraitance » dans l'appellation du code de conduite. Ce terme générique aussi employé par l'Organisation mondiale de la santé englobe les différentes formes de mauvais traitements, y compris ceux d'ordre sexuel, physique et psychologique, de même que la négligence, l'intimidation, le harcèlement et la discrimination. Il est important de s'en remettre à une désignation aussi large que possible, car toutes les formes de maltraitance sont des violations des droits de la personne. Ces comportements découlent à la base d'une utilisation abusive du pouvoir, et sont tous à l'origine d'effets néfastes sur la santé à court et à long terme.
Les effets néfastes des abus sexuels semblent aller de soi pour nous, mais des recherches révèlent également que des expériences répétées d'abus psychologique, de négligence et de discrimination peuvent aussi porter atteinte à la santé et au bien-être d'une personne. En outre, toutes les études de prévalence menées au Canada et ailleurs dans le monde mettent au jour une tendance systématique, à savoir que les abus psychologiques et la négligence sont les formes de préjudice le plus souvent signalées par des athlètes, sans égard à leur sport, à leur niveau de participation ou à leur sexe. C'est en raison de ces formes de maltraitance que des athlètes en viennent à qualifier de toxique leur environnement sportif. Il conviendra donc de s'y attaquer dans nos politiques et nos mesures de sensibilisation à venir pour une pratique sécuritaire du sport.
Le Code de conduite universel a notamment pour avantage de tenir compte de l'étendue des préjudices possibles. Comparativement à ce qu'on retrouve ailleurs dans le monde, le CCUMS établit la norme la plus complète et la plus réaliste qui soit quant aux torts pouvant être causés dans un contexte sportif. Le CCUMS est d'autant plus efficace qu'il émane d'un appel à l'action lancé par les athlètes eux-mêmes en faveur de l'adoption d'un code de conduite harmonisé pour l'ensemble des disciplines sportives. On voulait ainsi que tous les athlètes, sans égard à leur niveau, à leur sport ou à la région du pays où ils vivent, puissent compter sur le fait qu'un seul et même code s'appliquera dans tous les cas. C'est ainsi que le Code de conduite universel a été élaboré à l'issue de vastes consultations tenues dans toutes les provinces et tous les territoires. Ces consultations ont permis de mettre au jour un défi à relever pour l'ensemble de la communauté sportive. Il faut en effet que l'on cesse de faire valoir que les préjudices psychologiques sont simplement une autre composante de la pratique du sport et devraient par conséquent être considérés comme un outil courant, voire nécessaire, pour permettre à un athlète de réaliser son plein potentiel et de remporter des victoires. Cette façon de voir les choses va de plus à l'encontre des comportements attendus dans d'autres domaines d'activité pour les jeunes.
Le CCUMS est un grand accomplissement et un premier pas important en faveur d'un changement de culture. Il énonce les comportements prohibés et fixe la norme à respecter de telle sorte que les participants aussi bien que les dirigeants sportifs sachent à quoi s'en tenir. Notre travail n'est toutefois pas terminé. Nous devons désormais voir à généraliser l'application de ce code pour qu'il devienne une exigence à satisfaire dans l'ensemble du monde du sport et au sein de toutes les organisations sportives, du milieu communautaire jusqu'aux niveaux provincial et national.
La mise en place du Bureau du commissaire à l'intégrité dans le sport est une autre réalisation nous permettant d'espérer un avenir meilleur. Cette initiative fait également suite aux revendications des athlètes qui voulaient pouvoir s'en remettre à un mécanisme indépendant pour les signalements et les plaintes. Elle s'appuie en outre sur des recherches révélant que moins de 15 % des athlètes ayant subi de la maltraitance font un signalement ou portent plainte par les voies officielles. Bien que la mise en œuvre soit plus lente que nous le souhaiterions, il s'agit, là également, d'un premier pas important dans la bonne direction.
Nous devons garder le pied sur l'accélérateur pour poursuivre cet important travail en évitant de répéter les erreurs du passé alors que des réformes du sport canadien ont été proposées à la suite de cas très médiatisés donnant lieu à un examen public pour ensuite être plus ou moins abandonnées.
:
Merci beaucoup de me donner l'occasion de prendre la parole devant vous.
Je veux vous demander aujourd'hui d'entériner les importantes réformes récemment apportées — notamment avec le Code de conduite universel pour prévenir et contrer la maltraitance dans le sport et le Bureau du commissaire à l'intégrité dans le sport — et de faire le nécessaire pour assurer qu'elles soient mises en œuvre de façon durable.
Voilà plus de 60 ans que je participe directement aux grands débats d'orientation sur le sport canadien à titre d'athlète, de chercheur, de directeur athlétique et de président de différents organismes consultatifs du fédéral, de l'Ontario et du Commonwealth. Cette position privilégiée m'a permis de constater, au cours des quatre dernières années, des progrès vers une pratique sécuritaire du sport plus marqués que jamais auparavant. Je crains seulement que, faute d'une mise en œuvre systématique et résolument engagée, le CCUMS et le BCIS en viennent à perdre du soutien et à être aussi vite oubliés que les propositions de réforme qui les ont précédés.
Je vous rappelle que tout cela découle des idées progressistes mises de l'avant par les protestations, les reportages et les audiences tenues dans le contexte de la Commission Dubin il y a plus de 30 ans déjà. Sport Canada a adopté une politique rigoureuse pour contrer le harcèlement sexuel, seulement pour la laisser par la suite sombrer dans l'oubli. À la même époque, le Canada a mis en place une approche de gouvernance beaucoup plus inclusive et axée sur l'athlète en misant sur le Conseil canadien du sport, seulement pour le laisser ensuite s'estomper et disparaître à la faveur des compressions budgétaires des années 1990. Les progrès réalisés peuvent donc bel et bien être perdus par la suite.
Comme Mme Kerr vous l'a indiqué, le CCUMS a été créé à l'initiative des athlètes. Ce code de conduite fondé sur des données probantes a le soutien d'une vaste coalition de dirigeants sportifs nationaux. C'est l'un des codes semblables les plus complets au monde, ce qui représente tout un accomplissement pour le Canada, mais il est à peine connu. Pour changer la culture sportive en profondeur, il faut généraliser l'application du CCUMS et le faire connaître davantage de telle sorte que les interdictions qu'il impose et les valeurs d'émancipation qu'il préconise puissent être comprises et adoptées à tous les niveaux de la pratique sportive, du terrain de jeu jusqu'aux ligues professionnelles et aux Olympiques, en passant par les universités, les collèges et les écoles. Il faut organiser une campagne pancanadienne de grande envergure en anglais, en français et en langues autochtones, avec des ateliers interactifs, la participation d'athlètes de renom, des messages d'intérêt public, des tribunes médiatiques et un engagement ferme des trois ordres de gouvernement. Il faut que cela devienne une caractéristique définissant la pratique du sport au Canada au même titre que le contrôle antidopage, l'esprit sportif et la poursuite de l'excellence. Il faut en faire un critère d'embauche, d'évaluation et de promotion.
Par ailleurs, le gouvernement fédéral doit s'assurer que toutes les fédérations sportives adhèrent au BCIS. À ma connaissance, les ministres des sports provinciaux et territoriaux ont accepté d'y adhérer, comme la Nouvelle-Écosse vient de le faire, ou de créer leur propre structure s'inscrivant dans la même lignée, comme on l'a fait au Québec. Nous devons absolument nous assurer que les 13 gouvernements provinciaux et territoriaux s'engagent en ce sens.
Il faudra un certain temps pour mettre en place une nouvelle organisation pleinement efficace et consciente de la nécessité d'intervenir en tenant compte des traumatismes vécus et en s'appuyant sur les principes de justice naturelle. Il faut noter à ce titre qu'il a fallu quatre ans de travail assidu pour mettre en marche le Centre de règlement des différends sportifs du Canada il y a de cela une vingtaine d'années. Il faut aussi du temps pour établir des politiques et des règles en matière de harcèlement sexuel dans des établissements publics comme les universités. Nous devrions donc nous montrer compréhensifs envers le BCIS tout en lui demandant de multiplier les communications, de veiller à ce que les athlètes aient leur mot à dire dans la prise de décisions, et de tester ses différentes façons de faire avant de les déployer à grande échelle afin de maximiser la confiance et la crédibilité.
En outre, les représentants des athlètes doivent être intégrés à toutes les instances décisionnelles avec traitement paritaire, droit de parole et droit de vote. Il convient par ailleurs de mettre en œuvre toutes les mesures prévues dans la déclaration de Red Deer qui est le fruit des recommandations formulées par un groupe largement représentatif à l'issue de vastes consultations. Le Canada doit élaborer et mettre en application un code de conduite en matière de gouvernance comme l'Australie, l'Union européenne et le Royaume-Uni l'ont fait il y a une dizaine d'années déjà.
La présidente: Il vous reste 30 secondes.
M. Bruce Kidd: Il faut investir considérablement dans le renforcement des capacités. Le sport canadien est déjà largement sous-financé. Nous ne parviendrons jamais à une pratique sécuritaire du sport sans pouvoir compter sur du personnel additionnel, une formation approfondie et des ressources supplémentaires.
Toute situation de crise est un moteur de changement. Bien que le sport canadien vive des moments extrêmement difficiles, des solutions prometteuses émergent des discussions approfondies découlant de l'intérêt public accru. Il n'en demeure pas moins qu'en l'absence d'un effort concerté pour mettre en œuvre l'ensemble des réformes proposées de façon durable, ces belles promesses risquent de simplement s'envoler en fumée comme ce fut le cas avec les réformes précédentes.
:
Honorables membres du Comité permanent du patrimoine canadien et membres de la communauté canadienne du sport sécuritaire, nous vous remercions de nous avoir invités, ici, aujourd'hui.
Nous sommes chefs d'une entreprise spécialisée dans la réception et le traitement de plaintes, entreprise qui contribue grandement au sport sécuritaire.
En effet, l'ensemble de la communauté sportive et de loisir du Québec bénéficie de notre mécanisme de signalement et de nos services à titre de bureau de l'Officier des plaintes. Depuis deux ans déjà, nous y desservons 90 fédérations sportives et de loisir, conformément au mandat que nous avons reçu du Regroupement Loisir et Sport du Québec. Nous comparaissons également devant vous, aujourd'hui, en tant que parents d'athlètes de compétition, par exemple, au football, au rugby, au baseball et au hockey.
Je m'appelle Vicky Poirier. Je suis comptable professionnelle agréée, experte-juricomptable, fondatrice et présidente d'ALIAS. Je suis accompagné de mon collègue Danny Weill, le vice-président exécutif d'ALIAS.
Lorsqu'une personne trouve le courage d'émettre une dénonciation, il est essentiel qu'elle soit accueillie avec bienveillance et professionnalisme et que son dossier soit traité avec efficacité.
Je me suis lancée dans l'aventure ALIAS en raison de mes expériences en juricomptabilité, alors que j'enquêtais sur des fraudes financières dévastatrices. J'avais le sentiment que les fraudes auraient pu être évitées si quelqu'un avait osé les dénoncer. Or les témoins ne parlaient pas parce qu'ils avaient peur des représailles et peur de ne pas être crus. C'est ainsi que j'ai créé ALIAS, un mécanisme de signalement anonyme et confidentiel conçu pour traiter une plainte de sa réception à sa résolution.
Par la suite, j'ai rapidement réalisé que la majorité des situations dénoncées n'étaient pas de nature financière, mais qu'elles étaient plutôt liées aux interactions humaines. La passion qui sommeillait en moi s'est enflammée. Depuis ce jour, nous recevons et traitons les plaintes de toute nature.
Chez ALIAS, nous nous inspirons de trois grands principes directeurs: l'éthique, l'efficience et l'objectivité.
Cette voie nous a conduits au monde du sport, où nous agissons comme bureau de l'Officier des plaintes pour la province de Québec, comme nous l'avons mentionné.
:
La ministre fédérale des a récemment invité tous les gouvernements provinciaux et territoriaux à adopter une politique uniformisée pour assurer la sécurité dans les sports, conformément à la norme établie au Québec. Nous sommes fiers de donner le ton au Canada. Grâce à notre expérience unique, nous espérons pouvoir inspirer et aider d'autres provinces à faire de même.
Au cours des deux dernières années, ALIAS a reçu et géré plus de 500 plaintes au sein du réseau québécois des loisirs et du sport. Nous avons établi une norme de service à cette fin. Nous assurons une première communication avec le plaignant dans un délai maximal de 48 heures suivant le dépôt d'une plainte. Dans les 10 jours suivant la réception de la plainte, nous complétons son analyse et confirmons sa recevabilité. Le plaignant est ainsi rassuré de savoir que son dossier est traité et pris au sérieux. Pour les organisations, cela permet de s'assurer qu'elles sont au fait des problèmes touchant les parties qu'elles représentent et qu'elles ont mis en place les meilleures pratiques pour les résoudre.
Dans le mémoire sur la pratique sécuritaire du sport soumis par ALIAS au Comité permanent du patrimoine canadien le 22 mars 2023, nous proposons différentes recommandations s'articulant autour de trois principes fondamentaux.
Le premier de ces principes réside dans l'uniformisation du processus. Comme au Québec, chaque province devrait avoir une politique et un processus centralisés pour les plaintes, leur traitement et leur suivi. Le tout doit être confié à une équipe multidisciplinaire qualifiée.
Deuxième principe, les programmes doivent être conçus pour s’adapter à la croissance de la demande, sans compromettre la qualité de traitement ou la confidentialité. Compte tenu de l'importance de chacune des plaintes, les programmes provinciaux doivent être conçus de manière à ce que chaque dossier soit traité rapidement et avec soin, et ce, en toute confidentialité. Le nombre de dossiers reçus ne doit pas avoir d'incidence sur l’efficacité du traitement.
Enfin, la communication est essentielle. Il faut ainsi s'assurer de mieux faire connaître le mécanisme afin que les acteurs du sport sachent comment ils peuvent faire un signalement et à qui ils doivent s'adresser à cette fin. Il faut en outre rester en contact avec la personne qui a fait le signalement et avec tous les intervenants ayant un rôle à jouer dans le traitement de celui‑ci.
En conclusion, en tant que chefs de file dans la pratique sécuritaire du sport au Canada, il est de notre responsabilité de contribuer aux efforts visant à mettre fin à la culture toxique du silence. En offrant une voix aux victimes et aux autres acteurs du milieu sportif, nous envoyons un message fort: aucune forme de comportement inacceptable ne sera tolérée. Étant donné l'importance cruciale du sport dans le tissu social de notre pays, l'intérêt du gouvernement à promouvoir les meilleures pratiques en matière de signalement des actes répréhensibles aura un impact majeur sur toutes les facettes de la vie des citoyens canadiens.
Nous vous remercions de votre temps et de votre attention.
Bonjour, madame la présidente et mesdames et messieurs les membres du Comité. Merci de nous avoir invités aujourd'hui pour vous exposer notre point de vue sur la pratique sécuritaire du sport et la situation actuelle dans notre pays.
Je m'appelle Allison Forsyth, et je suis la cofondatrice d'ITP Sport & Recreation, la seule firme d'experts-conseils au Canada à offrir toute la gamme des services liés à la pratique sécuritaire du sport.
Je suis accompagnée aujourd'hui de mon associé, Ilan Yampolsky, qui travaille depuis plus de 10 ans dans le domaine de la protection de l'enfance et de la pratique sécuritaire du sport. À ce titre, il a occupé des postes clés à Patinage Canada et à Tennis Canada après en avoir fait tout autant à Scouts Canada.
J'ai participé deux fois aux Jeux olympiques, et je suis la mère de trois jeunes joueurs de hockey. J'ai survécu à d'odieux abus sexuels perpétrés au sein du système sportif canadien. Comme si le sort horrible que m'a réservé ce prédateur sexuel ne suffisait pas, j'ai eu droit à une expérience tout aussi traumatisante lorsque je l'ai dénoncé. Je me suis ainsi retrouvée complètement vidée et privée de tout soutien pour vivre mon traumatisme, mener ma quête de justice et même obtenir, au bout d'une période incroyablement longue, que l'on reconnaisse tout au moins que j'avais effectivement été victime de ces abus. Même si j'ai tout fait pour que cela ne puisse pas se produire, cet homme a continué de travailler comme entraîneur à temps partiel avec des enfants pendant 17 autres années avant qu'une autre survivante fasse montre du courage nécessaire pour le dénoncer. Il a alors enfin dû subir un procès et reçu une peine d'incarcération de 12 ans.
À l'issue du procès, un groupe de survivantes dont je faisais partie est sorti de l'anonymat pour entamer un combat afin de mettre fin à la maltraitance dans les sports, une initiative qui a enclenché tout un mouvement. C'est en ma qualité d'athlète survivante que j'ai travaillé depuis avec de nombreuses agences gouvernementales fédérales afin que le changement de culture puisse s'amorcer.
C'est dans le cadre de ce processus que notre entreprise a vu le jour en réaction aux nombreuses lacunes que nous avons pu constater dans les mandats gouvernementaux. Nous offrons notre soutien et notre expertise à de nombreuses organisations souhaitant concrétiser à l'interne les préceptes théoriques et les principes fondamentaux de la pratique sécuritaire du sport.
Nous aimerions aujourd'hui vous faire bénéficier de notre expertise quant à la nature complexe d'une telle pratique sécuritaire, car cela n'a effectivement rien de simple. À titre de survivante, j'avais mes propres perceptions à cet égard, mais je sais maintenant de quoi il en retourne exactement. La pratique sécuritaire du sport n'est nullement influencée par l'âge, le sexe et le niveau des participants. On recense, non pas une ou deux, mais bien huit formes de maltraitance qui sont définies dans le Code de conduite universel pour prévenir et contrer la maltraitance dans le sport.
Cependant, au fil des quatre dernières années, j'ai pu constater — et nous le savons tous maintenant — que le problème est beaucoup plus profond et que le défi sera nettement plus difficile à relever que nous l'aurions imaginé. Le fait est que notre système sportif tolère depuis des décennies la maltraitance et les abus en offrant un environnement propice à de tels comportements. Pour assurer la pratique sécuritaire du sport, il ne s'agit pas simplement de régler un problème. Il faut inscrire le tout au cœur d'une démarche essentielle pour toutes les organisations à tous les niveaux de participation sportive au Canada.
Je peux comprendre que ce mouvement puisse sembler nouveau pour certains d'entre vous, mais nous sommes actifs dans ce dossier depuis maintenant cinq ans. Certains progrès ont pu être réalisés depuis, mais ils sont nettement trop lents. Nous avons vu quelques organisations faire le nécessaire pour assurer une pratique sécuritaire du sport, mais nous en avons aussi vu beaucoup trop d'autres mettre en place des programmes en ce sens uniquement parce que c'était un critère à satisfaire pour recevoir du financement. Il y a aussi des organisations qui se sont contentées d'établir des normes minimales pour pouvoir cocher cette case et passer à autre chose.
En réalité, on ne peut en aucun temps affirmer que la question est réglée lorsqu'il s'agit de protéger nos athlètes. On ne pourra jamais prévenir les abus si l'on se concentre uniquement sur les mesures à prendre lorsque des événements horribles surviennent. Il faut absolument miser sur une démarche continue de sensibilisation, d'engagement et d'amélioration.
Il est temps de poser des gestes vraiment significatifs si l'on ne veut pas laisser perdurer tous les comportements inappropriés, des cris et des réprimandes adressées aux enfants jusqu'aux rituels initiatiques extrêmes récemment mis au jour dans la LHCQ, en passant bien sûr par le scandale des agressions sexuelles contre des mineurs.
Comment en arriver à une pratique sécuritaire du sport? Notre entreprise est aux premières lignes de ce combat. Mon rôle consiste à diriger les efforts de prévention. Je vais voir directement ce qui se passe dans l'environnement des sportifs. J'évalue les différents risques, comme ceux liés à la gouvernance, à l'écosystème, aux communications et aux normes culturelles jugées acceptables. Je vise en outre la sensibilisation de tous les acteurs du milieu dans un format adapté à leur niveau de participation en plus d'offrir, au besoin, le soutien nécessaire pour des changements de comportement.
Nous devons éliminer les conditions propices aux différentes formes d'abus. Nous nous employons à concevoir de nouveaux systèmes, à évaluer les facteurs de risque et à sensibiliser les gens.
Il est particulièrement alarmant pour nous de constater qu'un si petit nombre d'organisations et de participants comprennent bien la démarche d'un abuseur pour amadouer ses éventuelles victimes. Il faudrait absolument que chaque parent, chaque entraîneur, chaque administrateur et chaque jeune athlète connaisse et comprenne les quatre étapes de ce stratagème, à savoir le favoritisme, l'établissement de liens personnels, l'isolement et la complicité.
Nous offrons en outre des services indépendants de gestion de cas à de nombreuses organisations au pays. Je ne suis informée de la teneur d'aucune plainte, car cette division est séparée de la prévention. Dans le cadre de ce travail, nous avons recours à une firme externe pour traiter les signalements et à une autre entreprise pour mener les enquêtes. Il est primordial que les organisations ne traitent pas elles-mêmes les plaintes les concernant.
Nous devons accélérer les choses, et ce, sans tarder. Les survivants et les survivantes prennent leur courage à deux mains et les nouveaux cas s'accumulent à un rythme trop soutenu pour que nous ayons le temps de mettre en place les mesures de sensibilisation, de protection et d'embauche nécessaires.
La pratique sécuritaire du sport doit pouvoir s'appuyer sur des communications ouvertes et transparentes afin d'encourager chaque victime à dénoncer son agresseur. Nous espérons voir le jour où la pratique sécuritaire du sport sera une réalité bien concrète.
Je vous remercie.
:
Madame la présidente, je m'appelle Randy Gumbley et je suis consultant auprès de la World Association of Icehockey Players Unions.
Avant d'entretenir le Comité des diverses formes d'abus qu'ont subies des joueurs de la LCH pendant des décennies sous la gouverne de la ligue de hockey professionnel, la Ligue canadienne de hockey, et son ONS partenaire, Hockey Canada, je dois dire que je vais parler de ce sujet avec l'intention de sensibiliser les gens afin de créer un changement de culture fort nécessaire dans le milieu du hockey et dans le milieu des sports en général, tout en protégeant les droits des athlètes. J'espère que le Comité sera en mesure de favoriser un renouvellement de la confiance chez les parents, les athlètes et les commanditaires au sein du système de sport amateur au Canada.
En 1968, le premier ministre Pierre Trudeau a chargé un groupe de travail d'enquêter sur le sport amateur au Canada. Le groupe de travail a conclu qu'il ne devrait pas y avoir de lien entre le sport amateur et le sport professionnel. Il a demandé que des mesures draconiennes soient prises immédiatement sur les points suivants: les contrats liant des mineurs, les contrats niant les droits des joueurs et les joueurs liés par des contrats frôlant l'esclavage, et le hockey junior majeur qui fonctionnait en prétendant être amateur.
Le Rapport Downey recommandait les changements suivants: l'interdiction pour les équipes de conclure des contrats avec des mineurs; l'interdiction des contrats visant à interdire aux joueurs d'être libres de s'associer en interligue et en intraligue; et la séparation des sports amateur et professionnel. Ces recommandations ont aidé à formuler l'article 48 de la Loi sur la concurrence.
Malheureusement, plus d'un demi-siècle plus tard, les mêmes problèmes persistent encore aujourd'hui. Ces athlètes sont toujours à la merci d'un groupe de hockey aux allures de cartel.
En 1976, des joueurs de la LCH avaient signé un contrat les obligeant à verser 20 % de leurs revenus futurs aux clubs de la LCH s'ils étaient repêchés par la LNH.
En 2001, la cour de l'impôt de l'Agence du revenu du Canada a jugé que les joueurs de la LCH étaient des employés et elle a réfuté la catégorie d'athlètes-étudiants amateurs de la LCH.
En 2013, la LCH a été avisée qu'elle avait commis des infractions relatives aux salaires et aux heures de travail. La LCH a pris une mesure extraordinaire. Elle a conspiré avec Hockey Canada pour modifier la classification des joueurs, les faisant passer de la catégorie joueurs professionnels au plus haut niveau de la catégorie joueurs non professionnels. Ensuite, la ligue a diffusé une note de service à tous ses clubs leur demandant de ne plus se conformer aux règlements de l'Agence du revenu du Canada. La LHJMQ a annulé tous les contrats conclus avec des joueurs qui qualifiaient les joueurs d'employés.
En 2014, une poursuite de 180 millions de dollars a enfin été intentée contre la LCH pour vol de salaires et d'heures de travail.
En 2018, lors d'une audience au Sénat de Portland, des joueurs ont informé la LCH de diverses formes d'abus survenus au sein de la ligue. L'administration de Portland a refusé d'acquiescer aux demandes de la WHL visant des modifications aux normes d'emploi. Des semaines plus tard, la LCH a tenté d'intimider des porte-parole quelques jours seulement avant une audience à l'Assemblée nationale du Québec sur la législation en matière d'emploi en menaçant les joueurs d'intenter contre eux une action en libelle diffamatoire s'ils dénonçaient les abus dans le hockey.
En 2018, une plainte au criminel a été déposée auprès du Bureau de la concurrence du Canada découlant d'une clause dans le contrat d'un joueur exigeant que le joueur verse un montant de 500 000 $ advenant qu'il quitte la ligue.
De 2014 à 2020, la LCH, en ayant recours aux polices d'assurance de Hockey Canada, a assuré sa défense dans le cadre du recours collectif en déboursant environ 20 millions de dollars en frais juridiques et 15 millions de dollars en indemnités, qui provenaient des coffres du système de sport amateur.
La LCH est parvenue à contourner la législation relative aux salaires et aux heures de travail dans plusieurs provinces au Canada. Personne ne s'est demandé pourquoi les lois existantes n'ont pas été appliquées et si les lois devaient être modifiées.
Hockey Canada et la LCH ont réussi à créer un système où la LCH tente de revendiquer le statut d'amateur à des fins de gains financiers tout en maintenant un système professionnel afin d'empêcher systématiquement les joueurs d'être admissibles à des bourses offertes par la NCAA.
En 2018, en 2019 et en 2020, Hockey Canada, la IIHF et le cabinet du ministre des Sports ont été informés des diverses formes d'abus, mais ils ont fait la sourde oreille.
En septembre 2020, les joueurs ont intenté une poursuite contre la LNH, Hockey Canada et la LCH pour des agissements anticoncurrentiels.
En 2020, des joueurs ont aussi intenté une poursuite relativement à une affaire très médiatisée. Nous savons aujourd'hui que ces joueurs étaient Daniel Carcillo et Garrett Taylor.
Où est la justice lorsque des athlètes s'adressent aux tribunaux, et que le cartel est en mesure d'exercer des pressions sur des élus pour qu'ils modifient les lois au beau milieu de la tenue d'un procès?
Où est la justice lorsque le Bureau de la concurrence met quatre ans à agir à la suite d'une plainte, lorsque l'ONS complote avec une ligue de sport professionnel pour priver des athlètes non seulement d'un salaire, mais aussi de l'accès à des bourses d'études? Où est la justice lorsque Hockey Canada verse 125 millions de dollars dans une caisse noire destinée à être utilisée pour des événements contre lesquels il ne peut s'assurer, mais que, lorsqu'un arbitre subi une blessure grave à la colonne vertébrale, qui met sa vie en danger, Hockey Canada lui offre un paiement de 345 $ et affirme qu'il n'est pas couvert par la police d'assurance? Cet arbitre, Derrick Henderson, a passé les 10 années suivantes devant les tribunaux pour tenter d'être indemnisé.
:
Comme je l'ai mentionné, je ne m'occupe pas des plaintes. Je peux vous répondre du point de vue d'une athlète, et ensuite, je vais céder la parole à M. Yampolsky, si vous me le permettez, car je ne m'occupe pas des plaintes.
Du point de vue d'une athlète, je peux vous dire que je respecte beaucoup toutes les différentes opinions exprimées actuellement par les athlètes sur la notion d'indépendance. Je connais aussi de nombreux athlètes qui sont très satisfaits du travail du BCIS, mais qui ne s'expriment pas autant que d'autres athlètes qui ne sont pas satisfaits. En outre, en tant qu'athlète qui n'avait personne à qui porter plainte, sauf le PDG qui avait embauché l'individu qui m'a agressée, je vois d'un bon oeil un mécanisme indépendant pouvant offrir un service aux athlètes.
Ce que je crains en tant qu'athlète, c'est que, si nous nous empêtrons dans ce que j'appelle des « nuances », mais ce n'est peut-être pas le bon terme aux yeux de nombreuses personnes qui ont différentes croyances au sujet de la notion de véritable indépendance, nous allons ralentir le progrès et décourager les participants de dénoncer parce qu'ils auront peur de le faire.
Je vais céder la parole à M. Yampolsky.
:
Bien sûr. Je vous remercie pour votre question.
Veuillez me pardonner mon ignorance au sujet de la façon dont fonctionnent les parlementaires et les portefeuilles, mais, dans le milieu de la recherche, nous élaborons des théories. En tant que théoricienne critique, j'examine les choses sous un certain angle. Un spécialiste de la recherche quantitative abordera les questions dans une optique différente.
Le milieu du sport est malsain. Je pense que nous sommes tous d'accord là‑dessus. C'est la raison pour laquelle nous sommes tous réunis ici et que nous consacrons beaucoup de temps et d'énergie à ce problème. Que se passera‑t‑il si nous envisageons le sport dans une optique qui s'éloigne de l'atteinte du podium et de la victoire à tout prix pour se rapprocher de ce que la pratique du sport devrait favoriser?
L'Institut Aspen a mis sur pied le projet Play. Il a publié un rapport de recherche qui décrit tous les bienfaits du sport. Toutefois, étant donné que le sport demeure axé sur l'obtention de médailles, nous observons que la santé est un aspect qui est mis de côté. Nous en voyons les répercussions dans le système d'éducation. Par exemple, des académies sportives existent dans le système scolaire pour les élèves de la maternelle à la 12e année. Des enfants cherchent à être acceptés dans ces programmes qui ne sont pas bénéfiques sur le plan de la santé. Ces programmes mettent l'accent sur la compétition à un jeune âge. Plus nous répandons l'idée dès un jeune âge qu'il faut gagner des médailles, plus nous perdons les bienfaits du sport.
Nous savons que les valeurs que nous véhiculons dans le sport professionnel ou aux Jeux olympiques se reflètent chez les enfants qui pratiquent un sport.
Nous devons notamment nous pencher sur le financement des sports au pays. Lorsque des programmes comme À nous le podium financent des athlètes et des équipes principalement en fonction des médailles qu'ils remportent ou qu'ils pourraient remporter, sans égard au parcours qui mène à l'obtention de ces médailles, la santé et le bien-être des athlètes sont des aspects qui risquent de devenir très marginaux ou d'être relégués aux oubliettes. On favorise ainsi cette approche « gagner à tout prix », sur laquelle est fondé le modèle de financement.
Nous gagnerions aussi à modifier le discours. Plutôt que de mettre l'accent sur l'excellence, il faudrait diffuser le message que l'obtention de résultats sur le plan de la performance passe par la santé et le bien-être de l'athlète. Il faut changer le discours dans tous les sports.
Je le répète, la question du financement doit faire partie de la solution au défi de la pratique sécuritaire du sport.
:
Merci, madame la présidente.
Ma question s'adresse à la professeure Kerr.
Qu'est-ce qui explique, selon vous, que la ignore toujours les appels pour aller au fond des choses concernant les athlètes, notamment dans plus de 16 disciplines? On peut les nommer: gymnastique, waterpolo, patinage de vitesse, boxe, nage artistique, patinage artistique, hockey sur glace, soccer, et j'en passe. Il y a aussi l'escrime, comme on nous l'a appris aujourd'hui dans une autre sortie publique qui, encore une fois, est à glacer le sang.
Comment expliquez-vous, madame Kerr, qu'on ne sente pas le besoin d'aller au fond des choses en lançant une enquête publique indépendante?
:
Lorsqu'on parle de la sécurité et de la santé des athlètes, les coûts doivent-ils vraiment être le facteur déterminant?
J'ai écouté votre témoignage au Comité permanent de la condition féminine et je trouve que, au contraire, tous les éléments que vous soulevez démontrent la nécessité d'une enquête publique indépendante qui nous amène à réfléchir davantage.
Vous dites que beaucoup d'études ont été faites. D'ailleurs, je souligne la contribution du milieu universitaire, et la vôtre particulièrement. Toutefois, j'ai l'impression que le changement ne s'est fait qu'à partir du moment où on a déposé au Parlement une motion qui a permis à Hockey Canada de venir s'expliquer. Cela a fait bouger les choses, d'abord à Hockey Canada et dans le reste des organismes nationaux de sport. Les gens ont osé prendre la parole parce qu'il y avait un lieu où ils pouvaient s'exprimer en toute confiance, c'est-à-dire le Comité permanent du patrimoine canadien et le Comité permanent de la condition féminine de la Chambre des communes. Je veux aussi souligner tout le travail médiatique qui a été fait pour briser cette culture du silence et aller au fond des choses.
A-t-on vraiment le luxe de se passer d'une enquête publique indépendante?
:
Tout à fait. Nous allons perdre du temps et ralentir le progrès. Nous avons l'information dont nous avons besoin pour aller de l'avant.
Si vous demandez pourquoi on n'a pas progressé davantage, c'est un défi culturel. Une solution à plusieurs volets est nécessaire. Nous devons nous pencher sur tout ce qui se rapporte à la gouvernance, au financement, à la formation et à la sensibilisation; nous devons amener les organismes nationaux de sport, les ONS, et les organismes provinciaux de sport, les OPS, à recourir au Bureau du commissaire à l'intégrité dans le sport ou à un mécanisme de plainte équivalent; nous devons veiller à ce que le Code de conduite universel pour prévenir et contrer la maltraitance dans le sport soit utilisé partout dans le système sportif; et, ce qui est très important, nous devons harmoniser le système. En ce moment, il y a un décalage entre le pouvoir qu'un ONS exerce sur un OPS et, par la suite, entre le pouvoir que l'OPS exerce sur le sport communautaire. Il est seulement question des sports dans le système. Il y en a beaucoup qui ne relève aucunement de Sport Canada ou du système des OPS.
Nous en savons assez pour aller de l'avant. Utilisons cette information et mettons en œuvre les solutions dont on parle ici.
Je veux remercier les témoins d'être ici aujourd'hui. Vos témoignages sont très importants. C'est une chose dans laquelle les membres du Comité se sont embarqués l'année dernière sans connaître la destination, mais en sachant qu'il y avait des problèmes dans le milieu canadien du sport. Nous savons maintenant qu'il y a une crise et qu'il faut protéger les athlètes.
Lorsque nos filles et nos fils joignent une organisation sportive, on doit s'attendre à ce qu'ils soient en sécurité, à ce que les athlètes le soient, tout comme la population, tout le monde. Vos témoignages nous sont donc utiles, je crois, pour formuler les recommandations que nous finirons par soumettre au gouvernement.
Je vais commencer mes questions par vous, madame Forsyth. Il n'y a pas vraiment de mots pour exprimer à quel point nous devrions tous être désolés à propos de ce qui vous avez subi tout comme d'autres personnes au sein de la population. Vous n'étiez tout simplement pas dans un environnement sûr. Je crois que cela vous a permis de comprendre l'importance de mettre en place des systèmes qui protégeront tous les athlètes et la population.
Dans votre témoignage, vous avez dit que nous avons des organisations qui cherchent à faire le minimum. Elles ne s'efforcent essentiellement pas de créer des milieux sportifs sûrs, mais cherchent plutôt, j'imagine, à présenter une façade. Selon vous, comment pouvons-nous en arriver au point où tous les athlètes, tout comme le reste de la population, sont en sécurité au pays? Quels sont les investissements nécessaires et comment pouvons-nous forcer les organisations à en faire plus que le minimum, à aller au‑delà d'une façade, en mettant en place un système sportif entièrement sécuritaire pour protéger tout le monde?
:
Merci beaucoup de cette excellente question. Je suis honorée de pouvoir y répondre en donnant mon point de vue de survivante et d'experte.
Pour commencer, il est devenu très évident pour nous, et je le dis avec tout le respect que je dois aux décideurs et aux analystes de ce monde, que notre système sportif a été mis sur pied en cochant des cases. Lorsque je m'adresse à des organisations et que je le leur demande clairement, car je ne peux pas m'en empêcher, ce qu'elles font pour assurer une pratique sécuritaire du sport, elles me répondent qu'elles ont une politique. Je leur demande ensuite si quelqu'un est au courant. Cherche‑t‑on à mettre les gens au courant? Si je décide maintenant de me rendre sur le terrain de jeu pour demander à un enfant s'il sait en quoi consiste l'intimidation, pourra‑t‑il me répondre? Nous pensons que les politiques préviennent les abus, et c'est la première case que nous cochons.
L'autre chose qu'on dit également dans le milieu du sport, c'est que la norme minimale est la formation en ligne. Je suis la première à dire que j'ai le plus grand respect pour les modules de formation en ligne et que j'ai moi-même contribué à en créer. Je suis également la première à dire que lorsque je fais une formation en ligne, je regarde habituellement ce qu'il me reste à faire et je clique le plus rapidement possible avec mon curseur pour la terminer. C'est la raison pour laquelle, quand je dis que nous faisons le minimum, la formation en ligne ne procure qu'une base. Elle offre de l'information et une sensibilisation d'ordre général, et chaque organisation doit passer au niveau suivant au moyen d'une sensibilisation axée sur les différents sports et sur la participation.
Je tiens également à préciser qu'il y a les abus de la part de prédateurs — et nous sommes au courant — et aussi, comme Mme Fowler l'a mentionné, les abus qui reposent sur des normes culturelles, à savoir des comportements bien intégrés par nos entraîneurs selon l'entraînement qu'ils ont suivi. J'explique ici la complexité du problème pour faire comprendre que nous devons déployer un énorme effort concerté afin de ne pas perdre confiance dans nos entraîneurs en tant que personnes en position d'autorité en cherchant plutôt à les sensibiliser et, bien honnêtement, à les déprogrammer pour qu'ils renoncent à la façon dont le milieu du sport a toujours fonctionné. Nous traversons actuellement cette crise parce que le sport a toujours été ainsi, et nous prenons les devants face à la crise parce que nous en parlons enfin.
Ce qu'il nous faut, pour revenir à votre question, c'est un investissement massif — je sais que c'est difficile à entendre — de ressources pour la sensibilisation et les politiques, afin non seulement de les mettre en place, mais aussi pour forcer leur mise en pratique, pas seulement sur papier, à des fins de vérification et de conformité et pour avoir des mécanismes indépendants. Dans les faits, nous partons du haut pour ensuite aller vers le bas, ce qui est ridicule selon moi. Depuis que j'ai commencé mon travail de sensibilisation dans ce dossier il y a quatre ans et demi, j'ai compris que le gouvernement fonctionne de cette façon, en tenant compte des champs de compétence, et je ne comprends pas l'intérêt de limiter nos mesures de protection à l'échelle nationale. Pour être honnête, si je devais tout recommencer, je me battrais plus fort.
Il faut agir maintenant. À mon avis, le plus important, ce sont les enfants. Je le dis en tant que mère qui voit encore tous les jours des problèmes dans les sports pratiqués par son enfant, et je nous encourage tous à prendre les devants, à accorder nos violons et à travailler ensemble pour prévenir les mauvais traitements. Nous pouvons le faire.
:
Bien, ce sera cinq minutes.
Je suis heureux que vous soyez tous ici.
Madame Forsyth, merci. Vous étiez une excellente athlète au début des années 2000. Vous avez frappé en plein dans le mille en disant que nous partons du haut pour ensuite aller vers le bas.
Les milliers d'associations communautaires au pays n'ont pas la capacité nécessaire pour assurer une pratique sécuritaire du sport. Elles ne communiquent même pas avec leurs associations provinciales. Mon association en Saskatchewan est peut-être différente de son homologue albertain ou néo-écossais, ce qui signifie que nous sommes vraiment déconnectés du Bureau du commissaire à l'intégrité dans le sport, ou BCIS.
Vous pouvez parler des programmes nationaux, des ONS, mais nous n'incluons pas les associations communautaires du pays, alors qu'il y en a carrément des milliers, et c'est là que nous devons commencer. Qui fournira les fonds nécessaires? C'est le problème que nous avons maintenant depuis la mise sur pied du BCIS, car le gouvernement provincial demande qui pourra se le permettre, qui pourra payer la note pour cela.
Qu'en pensez-vous? Vous avez dit que nous partons du haut pour ensuite aller vers le bas. Cela devrait être le contraire: il faut commencer par le bas et ensuite remonter.
:
Je veux juste ajouter — même si vous ne l'avez pas demandé — que la question de la capacité doit faire partie de la discussion. Je vais donner comme exemple le United States Center for SafeSport, qui a été créé après l'horrible affaire Larry Nassar au sein de l'organisme USA Gymnastics.
Je parle de la capacité parce que, lorsqu'un plaignant se manifeste, il faut non seulement que la plainte soit entendue rapidement, mais aussi qu'un suivi constant soit fait auprès du plaignant. Lorsque nous mettons sur pied des structures, que nous créons et finançons des organisations comme le BCIS, nous devons les financer en fonction du nombre de plaintes que nous nous attendons à recevoir au cours d'une année civile, selon des experts comme l'organisation ALIAS dans la salle.
Comme je l'ai dit dans notre déclaration, nous sommes submergés de plaintes provenant de tous les échelons du milieu du sport. Pour ce qui est des organisations communautaires, j'ai l'impression, bien franchement, de prendre l'avion ou l'autobus toutes les semaines pour essayer de rencontrer chacune d'elles. Je le dis avec tout le respect possible. J'ai récemment rencontré 50 entraîneurs dans la belle ville de Weyburn, en Saskatchewan.
Nous avons besoin d'économies d'échelle et d'un engagement de nos gouvernements provinciaux pour financer cela en tant que priorité. La pratique sécuritaire du sport est importante au point où le principal message que je transmets aux gens que je rencontre est de ne même pas avoir d'organisme s'ils n'ont pas de budget à cette fin. La réalité, c'est que nous avons également des organismes qui nous disent, et je les comprends, qu'ils ne peuvent même pas trouver de bénévoles et qu'il leur est donc impossible de leur donner une formation sur la pratique sécuritaire du sport. Je pense que tous les parents diraient que, dans la pratique, lorsqu'on dirige une association communautaire ou un club local, il y a des choses essentielles à faire pour pouvoir assurer son fonctionnement, et avoir au minimum des normes de base pour la formation des bénévoles est un aspect crucial de ce qu'ils doivent faire.
J'aimerais avoir tout l'argent du monde, ce qui n'est pas le cas, mais je sais qu'il nous faut désespérément plus de monde, plus de ressources et plus de financement pour que nos enfants remplissent tous ces clubs formidables.
:
C'est ce qui est en train de se produire.
Je vais m'adresser à vous, madame Kerr, car j'ai regardé le procès-verbal de la réunion du 6 septembre 2021 de Gymnastique Canada, dans lequel il est indiqué qu'Ellen MacPherson, qui était directrice du sport sécuritaire, est partie après avoir accepté un rôle de chercheuse à l'Université de Toronto, peut-être avec vous.
Gymnastique Canada n'a donc dans ses rangs aucun expert de la pratique sécuritaire du sport. Ces organismes se font voler des employés, car la recherche est payante. Pouvez-vous en parler? Je ne sais pas si Ellen MacPherson est avec vous à l'Université de Toronto, mais c'est le problème avec ces organismes sportifs. Une fois que les connaissances des gens sont à jour, d'autres organisations vont les chercher, ce qui est d'autant plus vrai pour les universitaires qui cherchent à financer leurs travaux de recherche.
:
Merci beaucoup, monsieur le président, et merci à tous les témoins de se joindre à nous en ligne et en personne. Je vais limiter mes interventions, car j'ai déjà beaucoup appris.
Madame Forsyth, j'ai entendu dire qu'il faut plus de sensibilisation, et je vous ai entendu, dans votre témoignage précédent, comparer cela à la façon dont nous traitons les commotions maintenant par rapport à avant. Vous avez dit que tout comme les commotions, lorsque nous en saurons plus à propos de ce genre de mauvais traitements, nous pourrons faire mieux.
Pouvez-vous nous expliquer comment nous pouvons nous attaquer à la culture qui consiste à dire que « c'est toujours ainsi que cela a fonctionné », ou répondre aux gens qui disent que c'est ce qu'ils ont vécu lorsqu'ils faisaient du sport et qu'ils s'en sont bien sortis? Quelles sont certaines des mesures que nous pouvons prendre en tant que parents, associations et gouvernements, et quelles sont les solutions qui existent déjà? Vous avez parlé de « déprogrammer » les gens et de comportements « bien intégrés ». C'est tout un défi.
:
Oui, bien sûr. Merci de votre question.
Encore une fois, nous avons dans ce groupe d'incroyables chercheurs qui ont établi les chiffres et la science derrière tout cela. Pour ma part, j'ai eu l'occasion de me trouver dans des auditoriums remplis d'entraîneurs de football qui me regardaient, les bras croisés, et me demandaient pour qui je me prenais, de leur dire qu'ils ne pouvaient plus imposer des courses de vitesse « suicide ».
Je dirai simplement, selon cette expérience directe et ce que je vois en matière d'entraînement, que nous parlerions probablement aujourd'hui d'abus psychologique, selon la gravité — les cris, les réprimandes et la méthode du dur à cuire qui consiste à crier après les enfants pour qu'ils s'améliorent.
Les enfants n'ont pas la capacité de faire la distinction entre ce qu'ils sont et ce qui se passe sur la glace ou sur le terrain. Ce que nous savons maintenant, d'après ce que j'ai compris, c'est que nous traumatisons le cerveau de l'enfant comme le ferait une commotion cérébrale, lorsque nous crions et hurlons après lui. En tant qu'entraîneuse et athlète, je me suis fait crier après, et c'était tout à fait normal à l'époque.
J'aimerais bien avoir une solution magique, mais il faut en fait examiner chaque sport et les comportements qui prévalent dans ce sport. Le hockey sur glace est l'exemple parfait d'un sport où je constate beaucoup de maltraitance psychologique liée au style d'entraînement.
L'autre aspect de mon travail auprès des entraîneurs, c'est la réalité. Je tiens à préciser que nous travaillons actuellement avec des athlètes de la génération Z, âgés principalement de 12 à 25 ans. Ils ne réagissent même pas à un entraînement axé sur le renforcement négatif. L'exemple que j'utilise est que lorsque nous en savons plus, nous obtenons de meilleurs résultats, parce qu'en plus de mieux comprendre ce qu'est un traumatisme, nous comprenons que nous avons affaire à une nouvelle génération d'athlètes qui s'adaptent et réagissent différemment.
Si vous le permettez, je dirais une dernière chose en ce qui concerne, par exemple, la course de vitesse « suicide » ou les longueurs en patin, qu'on appelle du « bag skating ». Étant donné que ces pratiques sont maintenant considérées comme des formes de punition, nous devons nous demander où cela commence, car c'est la progression du préjudice. Si les entraîneurs se contentent de faire faire 20 pompes aux athlètes, est‑ce qu'il faut considérer cela comme un cas flagrant de maltraitance? Probablement pas. Mais est‑ce que cela peut facilement dégénérer de sorte qu'on fasse patiner des enfants en cercle sur la glace jusqu'à ce que l'un d'entre eux vomisse dans une poubelle, ce qui est assez courant? Absolument.
C'est à ce point que je souligne la nécessité d'éliminer les premiers signes de microagressions et les conditions dans lesquelles les abus les plus graves peuvent se produire. Malheureusement, votre formation en ligne ne couvrira pas ce point. Il faut que d'importantes ressources soient consacrées à ce problème dans toutes les organisations de ce pays.
:
Tout est basé sur trois composantes fondamentales.
La première est la culture éthique du signalement. Nous devons donc nous assurer de faire la promotion d'une politique simple, que les athlètes comprennent. Nous devons nous assurer de faire la promotion d'un bouton « Je porte plainte ». Nous devons aussi mettre en place les outils d'éducation.
La deuxième composante est la démontration que nous avons un mécanisme robuste, confidentiel et anonyme.
La troisième est la démontration que nous avons la capacité de traiter le signalement de façon objective, indépendante et dans le respect des meilleures pratiques. Pour donner confiance aux athlètes, il faut donc faire la promotion de ces trois composantes.
Le meilleur exemple est ce qui s'est produit au Québec en deux ans. La quantité de plaintes a augmenté de 234 % entre la première année et la deuxième année.
:
Merci, madame la présidente.
J'aimerais revenir à la question de l'argent. En effet, dans le milieu du sport, il y a de l'argent. Ce n'est pas un problème. Il ne manque pas d'argent, mais l'argent est souvent donné aux mauvaises personnes. Cela démontre toute la nécessité d'une enquête publique indépendante.
Par ailleurs, madame Forsyth, je vous remercie d'avoir le courage de faire partie de la solution. Vous êtes un exemple à suivre qui mérite d'être souligné. Merci beaucoup.
Malheureusement, mon temps est limité.
Madame Poirier et monsieur Weill, je vous remercie aussi de faire partie de la solution.
Le mécanisme créé par ALIAS pourrait-il être utilisé, par exemple, dans un contexte d'enquête publique indépendante, pour aller plus loin du côté du fédéral?
Quelles failles constatez-vous actuellement dans le système de gestion des plaintes? Proposez-vous des solutions à ces failles?
:
Je vous remercie de votre réponse.
J'ajouterais que, dans une enquête publique indépendante, il peut y avoir des témoignages anonymes qui pourraient aussi contribuer à formuler des recommandations pour cette cause.
Madame Fowler, j'ai adoré votre présentation sur la santé et les saines habitudes de vie dans le sport.
J'aimerais aussi souligner votre expertise en ce qui a trait aux Premières Nations. Puisque nous faisons face à d'importantes questions de réparation, je m'en voudrais de ne pas vous poser de question à ce sujet.
J'ai entendu parler de la possibilité fantastique de permettre à la nation iroquoienne, qui a inventé la crosse, de participer aux Jeux olympiques sous les couleurs de leur nation.
Selon vous, devrait-on valoriser ce genre d'initiative?
Je voudrais m'adresser à M. Gumbley et à M. Kidd.
En ce qui concerne le BCIS, le Bureau du Commissaire à l'intégrité dans le sport, la question de savoir s'il couvre ou non les joueurs de la Ligue canadienne de hockey, par exemple, est une question importante, et je vous la pose donc, monsieur Gumbley. Pensez-vous qu'un mécanisme tel que le BCIS offrirait une protection importante aux joueurs de la Ligue canadienne de hockey?
Monsieur Kidd, j'ai la même question pour ce qui est d'en étendre la portée à tous les types de sports amateurs.
:
L'objectif est de faire en sorte que le BCIS couvre tous les aspects du sport canadien. Je suis tout à fait d'accord avec cela.
Comme nous l'entendons depuis le début de l'après-midi, le défi est, premièrement, le fédéralisme canadien. Il faut obtenir l'adhésion des autorités fédérales, provinciales et territoriales.
Deuxièmement, l'autonomie générale du sport canadien dans ce pays constitue un défi. Ce qui est révélateur, c'est qu'il y a 30 ans, lorsque nous avons mis en œuvre la lutte contre le dopage, il a fallu recourir à un mécanisme fondé sur le consentement, plutôt que sur la contrainte.
Je pense que nous devons mettre en place une stratégie destinée à obtenir l'adhésion de tous les acteurs du pays, à tous les niveaux. Nous devons permettre au BCIS de développer ses capacités, puis, dans le prolongement de la campagne d'éducation dont moi-même, Allison et d'autres avons parlé, nous devons persuader les gens de permettre à leurs participants d'avoir accès au BCIS ou aux organismes équivalents qu'on est en train de créer dans des provinces telles que le Québec. Il faudra pour cela...
:
Les choses ont énormément changé. Des gens comme moi se sont rendus aux Jeux olympiques grâce aux programmes publics et communautaires qui étaient très accessibles, compte tenu de la nature de la société à l'époque, et en particulier pour les enfants de la classe ouvrière. C'était surtout pour les garçons. Les filles étaient loin d'avoir le même accès, à l'époque, mais du point de vue de la classe sociale, c'était très accessible.
Mon ami Rick Gruneau a écrit un article à ce sujet. Gordie Howe ne se rendrait pas jusqu'à la LNH aujourd'hui, car avec le système selon lequel il faut payer pour jouer, au Canada, les coûts sont si élevés que seule la classe moyenne supérieure, à quelques exceptions près, fait du sport. C'est l'une des principales raisons pour lesquelles la participation au sport est si faible et ne cesse de diminuer.
Nous devons rétablir, dans les écoles et les municipalités, les programmes publics qui ont été éviscérés par le néolibéralisme et la COVID. Nous devons aussi, comme l'ont dit des témoins, fournir une capacité beaucoup plus complexe aux programmes communautaires fondés sur le bénévolat, car les attentes sont aujourd'hui beaucoup plus élevées qu'elles l'étaient à l'époque où j'ai pu réussir dans un tel programme.
Je serais ravi que...
:
Est‑ce qu'il y a des personnes présentes qui s'y opposent?
Puisque personne ne s'y oppose, l'amendement est adopté à l'unanimité.
(L'amendement est adopté.)
La présidente: Nous allons maintenant mettre la motion modifiée aux voix.
(La motion modifiée est adoptée.)
La présidente: Si vous le permettez, M. Coteau attend son heure de gloire, son tour de cinq minutes, après quoi nous lèverons la séance.
Monsieur Coteau, vous disposez de cinq minutes.
:
Merci beaucoup, madame la présidente. Merci de me donner l'occasion de prendre la parole.
Ce que M. Kidd a dit tout à l'heure, à savoir qu'il faudrait considérer le sport comme un bien public, m'a vraiment interpellé. En fait, quand j'étais responsable des Jeux panaméricains en 2015, j'ai travaillé avec M. Kidd. Cela m'a permis de découvrir un univers intéressant. Je n'avais jamais été impliqué dans le sport à ce degré.
Je constate un fossé entre les athlètes et ceux qui dirigent le sport. J'ai toujours pensé que le sport était l'un des grands facteurs d'égalité. Il crée des possibilités. Je pense que c'est Nelson Mandela qui a dit que le sport peut changer le monde. Je le crois vraiment. Je me souviens que pendant les Jeux panaméricains, je me suis rendu sur un terrain de football à Flemingdon Park, dans ma communauté, et j'ai regardé les enfants jouer. Il n'y a rien de plus réjouissant que de regarder des enfants prendre plaisir à ce qu'ils font et des jeunes pratiquer un sport et s'amuser.
Je tiens à remercier tous ceux qui sont ici aujourd'hui, tous les témoins, pour le travail qu'ils accomplissent dans le domaine du sport, car c'est quelque chose qui peut réellement changer le monde. J'en suis fermement convaincu.
Les questions soulevées aujourd'hui sont très importantes, mais j'ai une question à poser. En ma qualité de membre du Comité et de député, et parce que je crois au pouvoir du sport, je trouve que, tout au long de ce processus, alors que nous parlons de sport sécuritaire, il n'est pas beaucoup question des effets du racisme dans le sport. Il y a pourtant des enjeux très, très sérieux qui sont soulevés.
Je vais peut-être commencer par vous, monsieur Kidd. Lorsque nous parlons de sécurité dans le sport, où se situent le racisme et la discrimination par rapport aux meilleures pratiques et à ce que le secteur du sport essaie vraiment de réaliser, soit de créer un environnement plus inclusif, plus diversifié et plus équitable pour les jeunes et pour toutes les personnes qui veulent pratiquer un sport?
:
Eh bien, je vais utiliser ces 38 secondes pour vous raconter une petite histoire.
Lorsque je siégeais à l'Assemblée législative de l'Ontario, un entraîneur de hockey m'a appelé. Il me parlait d'un jeune homme de Rexdale qui était le meilleur joueur de hockey de l'équipe. Il avait été victime d'insultes raciales. Il avait 16 ans et mesurait 1,80 m. Il était le meilleur joueur de la division. Il a arrêté le hockey à cause de ce qui lui arrivait sur la glace. Je pense à ces histoires et aux occasions manquées à cause des propos blessants et haineux qui sont proférés — contre les femmes, contre les membres de la communauté LGBTQ, contre les Noirs. Je pense que nous avons l'occasion, parce que nous croyons au pouvoir du sport, de vraiment changer les choses.
Je tiens à remercier chacun d'entre vous pour les récits que nous avons entendus aujourd'hui et pour la force qu'il vous faut pour venir raconter vos histoires. Merci pour le travail que vous faites et que vous continuez à faire. Je me réjouis de travailler avec vous tous pour trouver des moyens de faire tomber ces barrières.
Merci beaucoup à chacun d'entre vous.
Merci, madame la présidente.