Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
Bienvenue à la 89e réunion du Comité permanent du patrimoine canadien.
Je voudrais reconnaître que cette réunion a lieu sur le territoire traditionnel non cédé de la nation algonquine anishinabe.
La réunion d'aujourd'hui se déroule sous forme hybride, conformément à l'ordre de la Chambre adopté le jeudi 23 juin 2022.
[Traduction]
Même si les autorités en matière de santé publique et le Bureau de régie interne ont levé l'obligation de porter le masque, l'indice de pollution atmosphérique est très élevé à Ottawa et le virus de la COVID circule encore, et je vous demanderais donc de porter un masque pour vous protéger, vous et les autres.
J'avise également les participants que les captures et les photos de vos écrans sont interdites durant la réunion. Les délibérations seront diffusées en ligne et accessibles sur le site Web de la Chambre des communes.
La salle est équipée d'un puissant système audio, mais des retours sonores peuvent se produire et exposer les interprètes à de graves lésions. Ces retours sonores potentiellement très dommageables se produisent le plus souvent quand un casque d'écoute est trop proche d'un microphone. Nous demandons par conséquent aux participants de manipuler leur casque d'écoute avec la plus grande prudence, notamment si le leur ou celui de leur voisin est activé. Pour éviter les incidents et préserver la santé auditive de nos interprètes, j'invite les participants à parler dans le microphone auquel leur casque d'écoute est branché et, pour éviter de manipuler leur écouteur, de le déposer sur la table, à bonne distance des autres.
Dès que votre intervention est terminée, veuillez passer au mode sourdine pour éviter les retours sonores dans la salle, qui peuvent produire un bruit strident, du moins pour ceux d'entre nous qui participent virtuellement à la réunion. Si nous, nous entendons ce bruit strident, c'est certain que les interprètes l'entendent aussi.
Comme vous le savez sûrement, mais je le répète quand même, les personnes qui assistent à la réunion à distance aperçoivent un globe au bas de leur écran. C'est l'icône d'accès à l'interprétation. Cliquez dessus pour entendre les interprètes en anglais ou en français.
Veuillez attendre que la présidence vous nomme pour prendre la parole, et n'oubliez pas, comme je l'ai déjà dit, de mettre votre microphone en sourdine à la fin de votre intervention. Je crois que c'est tout pour les consignes.
Nous allons commencer la réunion. Conformément à l'article 108(2) du Règlement et à la motion adoptée par le Comité le mardi 20 septembre 2022, nous poursuivons notre étude de la pratique sécuritaire du sport au Canada.
Au cours de la prochaine heure, nous allons discuter avec Mme Rosemarie Aquilina, qui est juge dans une cour de circuit du Michigan, aux États-Unis. Elle comparaît à titre personnel.
Madame la juge, nous vous allouons cinq minutes pour nous présenter votre déclaration liminaire. Je vais vous avertir quand il vous restera 30 secondes pour vous permettre de conclure. Si vous manquez de temps pour présenter la totalité de votre exposé, vous aurez l'occasion de poursuivre en répondant aux questions des membres du Comité. Vous pourrez alors ajouter tous les compléments d'information voulus.
Madame la juge, vous avez la parole pour les cinq prochaines minutes.
Quand il se produit une catastrophe naturelle ou une crise dans le monde, le Canada vient en aide aux réfugiés, il organise des missions de paix et de stabilisation, il mobilise des équipes d'aide et d'intervention en cas de catastrophe, et il répond vite et bien aux demandes d'assistance des pays aux prises avec des catastrophes, des conflits ou une situation d'insécurité alimentaire aiguë.
Je vous pose par conséquent la question suivante: comment expliquer que les enfants canadiens aient besoin qu'une juge d'un autre pays intervienne pour demander la fin des abus qu'ils subissent dans les milieux sportifs? Les athlètes canadiens vous donnent tout ce qu'ils ont, et ils vous demandent de faire la même chose. Vous êtes leurs parents parlementaires et ils vous demandent de les protéger, de les défendre et de tenir compte de leurs besoins. Leur santé, leur sécurité et leur bien-être sont gravement menacés. Ils courent un risque chaque fois qu'ils sont en présence d'entraîneurs mal formés et insensibles, prêts à tout pour gagner.
Les athlètes méritent et exigent que des mesures soient prises et que des comptes soient demandés immédiatement et de manière concrète. Seule une enquête judiciaire indépendante et l'affranchissement de tout lien avec un organisme pour les athlètes qui ont témoigné devant vous et qui vous ont demandé votre aide pour faire des révélations… Quand le Canada entendra‑t‑il ses enfants et agira‑t‑il concrètement pour les protéger de la douleur, de la souffrance et des traumatismes subis dans les milieux sportifs?
Le Canada devrait célébrer les athlètes canadiens et rendre hommage à leur excellence. Il doit assurer leur bien-être au lieu de profiter des abus qu'ils subissent. Les athlètes ont un droit absolu de s'attendre à ce que leur entraînement se déroule dans un environnement sûr, positif et sain, exempt de toute violence physique et émotionnelle. La culture actuelle permet aux entraîneurs agressifs d'outrepasser et de brouiller les limites, de maltraiter les enfants. Pour préserver l'intégrité des milieux sportifs canadiens, il faut protéger à la fois les sports et ceux qui les pratiquent. N'oubliez pas que tous les athlètes ont été des enfants, et qu'ils ont donc subi les abus qui se produisent actuellement dans les milieux sportifs pendant toute leur vie parce qu'ils ont été banalisés. Rester les bras croisés devant cette situation équivaut à permettre et à pardonner les abus commis contre les enfants. C'est l'âme des athlètes qui est tuée, ce sont eux qui paieront le prix pour le reste de leur vie, pendant que tous les autres en tireront profit.
La science et la psychologie ont prouvé que les pratiques d'entraînement positives donnent toujours de meilleurs résultats sportifs que les pratiques négatives, qui tolèrent les abus et qui causent des préjudices et des traumatismes physiques et émotionnels pour la vie. On ne peut pas se contenter de demi-mesures quand il est question d'abus. Réduire le risque ne suffit pas. La seule solution acceptable est l'élimination du risque. Les ententes de non-divulgation ne doivent jamais être obligatoires. Elles ne peuvent pas être tolérées parce qu'elles contribuent à cacher la vérité aux parents, au public, aux médias, et même à vous.
La preuve en a été faite: les milieux sportifs ne peuvent pas s'autoréglementer. Ils ont besoin de vous. Ils ont besoin de votre aide. Tous les organismes de réglementation doivent être constitués à moitié d'athlètes. Les athlètes affranchis, ceux qui se sont présentés de manière indépendante devant vous et vous ont demandé votre aide… Vous devez les écouter. Ce sont des dissidents, et ce mot n'est pas péjoratif. Quand un dissident prend la parole, il vous permet d'avoir un débat ouvert et de trouver la réponse juste. Ces enfants ont droit à la réponse juste. Ils ont le droit d'être protégés, et ils méritent d'être protégés dès maintenant.
Pour mettre fin à la culture d'abus, il faut que le comité de la santé et des droits de la personne surveille les milieux sportifs et veille à la protection des athlètes, parce que se sentir en sécurité fait partie des droits de la personne. Il n'y a aucun doute à ce sujet. C'est un droit absolu. Le monde du sport doit revoir son image et appliquer la tolérance zéro à l'égard de l'abus sous toutes ses formes. La sécurité doit devenir une priorité, pas quelque chose dont on s'occupe après-coup ou qui est brandi comme une façade pour étouffer une affaire et qui est relégué au second plan, loin derrière l'argent et les médailles. Avant toute action concrète, vous avez l'obligation — je vous implore, je vous supplie — de mener une enquête judiciaire indépendante. C'est une étape incontournable si vous voulez restaurer la confiance perdue.
(1115)
Le processus de signalement et d'enquête actuel est si étroitement lié aux organismes qui surveillent la carrière des athlètes qu'ils hésitent à faire un signalement de peur de subir des préjudices encore plus graves.
Les procédures d'enquête et de signalement doivent être entièrement indépendantes. Il faut instaurer une chaîne qui permet de faire des signalements en toute sécurité, sans peur des représailles. Il faut réécrire le scénario et rééquilibrer les pouvoirs. La confiance est possible seulement s'il y a un équilibre des pouvoirs.
Nous allons entamer la période des questions. Pour le premier tour, les députés disposeront de six minutes pour les questions et les réponses. De nouveau, je vous demanderais d'être aussi concis que possible.
Nous allons commencer avec Mme Thomas, du Parti conservateur.
Vous avez la parole pour six minutes, madame Thomas.
Le temps étant limité, je passe sans plus tarder à mes questions.
La première portera sur le témoignage que nous avons reçu de Rachael Denhollander. Elle a comparu devant le Comité il y a quelques semaines. Bien entendu, vous la connaissez puisque vous l'avez entendue dans l'affaire Nassar.
Elle nous a dit entre autres que des problèmes semblables existent aux États-Unis et au Canada. Elle a évoqué le Bureau du Commissaire à l'intégrité dans le sport, le BCIS, l'organisme de surveillance du gouvernement canadien qui est censé mener des enquêtes sur les plaintes. Selon elle, ce système est inefficace en raison de la peur des représailles et de la formation inadéquate des personnes qui sont saisies de ces affaires. Mme Denhollander a ajouté que l'inefficacité du système s'explique aussi par l'absence de mesures de protection pour les personnes survivantes. Elle a affirmé que les mêmes problèmes existent aux États-Unis.
Pourriez-vous nous en dire davantage à propos de ce que vous avez observé et des mesures que nous pourrions prendre pour régler les problèmes et rendre la pratique du sport sécuritaire pour les athlètes au Canada?
Les entraîneurs doivent recevoir la formation, l'éducation et le perfectionnement professionnel voulus, et il faut mettre en place des politiques qui prévoient explicitement qu'une fois ne suffit pas. Dans l'armée, je suivais toutes les années des formations sur la sécurité, le terrorisme et tous les autres sujets qui exigeaient une formation. Il faut des mécanismes de contrôle régulier, des formations continues, et ce n'est pas le cas actuellement.
Il faut que les obligations juridiques et déontologiques soient bien comprises, de même que l'obligation de signaler les violations. Il faut aussi prévoir des conséquences importantes en cas de manquement, y compris des peines criminelles si nécessaire. Nous avons le même problème aux États-Unis. Les entraîneurs sont simplement mutés alors qu'ils devraient être expulsés. Par la suite, s'il est établi qu'il y a eu violation au terme d'une enquête, ils doivent être punis. Ils ne doivent pas être réintégrés dans un milieu sportif. L'exclusion doit être irrévocable. Si l'élément problématique est sans cesse réintégré, le problème empire plutôt que de se résorber. Cette personne trouvera toujours de nouvelles façons, de nouveaux lieux pour maltraiter les enfants qu'elle est censée aider et entraîner.
Nous avons exactement le même problème, et nous avons les mêmes difficultés pour ce qui concerne les enquêtes, la formation et le traitement. Mme Denhollander a tout à fait raison, mais vous avez l'occasion de montrer la voie et de proposer un modèle qui fonctionne.
J'aimerais revenir sur ce que vous avez dit concernant l'expulsion plutôt que la mutation des entraîneurs.
Nous savons que notre système de justice, tout comme celui des États-Unis, est fondé sur le principe de la présomption d'innocence jusqu'à preuve du contraire. Compte tenu de cette présomption d'innocence, je vous transmets deux questions qui ont été soulevées par des personnes inquiètes. Premièrement, comment établissez-vous la culpabilité des entraîneurs visés et, deuxièmement, dans quelle mesure leur réputation doit-elle être protégée tant que leur culpabilité n'a pas été établie? Comment conciliez-vous cette nécessité avec le devoir de prendre soin des athlètes et de veiller à leur bien-être?
Il faut espérer que cela ne se produise jamais parce que la formation sera adéquate… Il faut que l'enquête soit menée par une instance juste et impartiale. Il faut éviter les fuites, mais ils doivent rester des employés qui seront relevés de toute fonction liée aux enfants. S'il est établi que l'allégation est fausse, ils pourront réintégrer leurs fonctions. Autrement, ils doivent être expulsés, tout simplement.
Il ne faut pas oublier que dans les cas d'agressions sexuelles comme ceux qui ont été rapportés, les fausses allégations ne sont pas plus fréquentes que pour d'autres infractions criminelles. Très peu de personnes font de fausses allégations. Les athlètes ne s'amusent pas à dénoncer un entraîneur pour le simple motif qu'il les a laissés sur le banc. Les enfants qui dénoncent des abus doivent être écoutés. Il faut chercher pourquoi ils racontent telle ou telle chose, tirer la situation au clair.
Il faut mener une enquête. Si le processus est juste et impartial, il n'y a pas lieu de s'inquiéter pour la réputation de l'entraîneur. Il faut éviter les manchettes qui annoncent qu'un entraîneur a été expulsé pour telle ou telle allégation parce que les atteintes à la réputation sont irréversibles. Il faut néanmoins mener une enquête. La police ne va pas aller sur la place publique pour dire qu'une personne a été accusée et qu'une enquête est en cours. Elle essaie de rester discrète pour donner toutes les chances à l'enquête avant qu'une affaire se retrouve devant les tribunaux.
Il faut instaurer un système analogue au système judiciaire pour assurer la protection des droits de toutes les parties jusqu'à ce qu'une décision soit rendue.
Dans un ordre d'idée un peu différent, quoique connexe, plusieurs organismes de sport canadiens, dont Hockey Canada et Gymnastique Canada, ont été visés par des allégations sérieuses. Récemment, le gouvernement a rendu une décision de retirer tout financement à Hockey Canada tant que le ménage ne serait pas fait. Le financement a ensuite été rétabli sans que, à mon avis, ce ménage ait été fait ou que la preuve en ait été donnée.
Dans quelle mesure le gouvernement doit‑il exiger des comptes de ces organismes nationaux de sport?
Je dirais qu'il doit exiger des comptes au niveau le plus élevé possible. Le gouvernement ne doit pas financer la maltraitance des enfants. S'il ne fait pas exactement ce que vous avez dit, s'il ne retire pas le financement, il participe à la maltraitance des enfants. Ce n'est pas tolérable. L'organisme doit faire son ménage et c'est seulement après qu'il devrait recevoir de l'argent.
Cela vaut aussi pour les commanditaires, que ce soit Coca-Cola, Pepsi, Levi's ou qui que ce soit d'autre. Aucun commanditaire ne devrait parrainer un sport dans lequel des enfants sont maltraités. Ceux qui le font tirent profit de la maltraitance des enfants. Il faut faire le ménage.
L'argent, c'est le pouvoir. Malheureusement, c'est ce que nous voyons…
Ces enfants grandiront un jour. Peu importe… Les athlètes adultes ont été des enfants. Ils ont grandi dans ce monde. Ils ont été conditionnés et manipulés, ils ont appris à se taire et ils ont vécu dans la peur. Nous devons tout faire pour assurer leur sécurité et leur protection, les écouter.
Le Canada peut vraiment montrer la voie. Vous devez saisir cette occasion. Aucun autre pays ne fait ce que vous faites, alors dépêchez-vous et agissez. Écoutez les enfants et faites ce qui est juste.
Merci, madame la juge, de participer à nos travaux. Je vous en suis très reconnaissant.
Je voudrais revenir brièvement à l'affaire Larry Nassar, car vous êtes certainement la personne la mieux placée pour nous en parler. Tout le monde en parle. Même la cour d'appel du Michigan a fait référence à votre jugement incendiaire, mais Larry Nassar n'était pas la seule personne impliquée ou à blâmer dans cette histoire. Il y avait aussi les entraîneurs, y compris les Karolyis, qui dirigeaient le centre national d'entraînement, et USA Gymnastics.
Pouvez-vous nous parler du degré de culpabilité de chaque personne impliquée dans le système que vous avez mis au jour lors du procès de Nassar?
Oui. Si vous revenez en arrière et que vous regardez ce qui s'est passé — ce que je n'ai jamais fait, mais je m'en souviens très bien —, vous allez entendre les témoignages des « sœurs survivantes » et d'autres personnes devant moi. J'ai entendu 169 témoins, dont 156 sœurs survivantes. Je répétais sans cesse qu'un crime avait été commis, et puis un autre…
Des personnes n'ont pas été accusées pour l'intégralité de leurs crimes. Des personnes qui ont été témoins ou complices de ces actes n'ont pas été accusées, ce qui a laissé croire que le seul coupable était Nassar. Énormément de personnes, je dirais même des centaines, auraient dû faire l'objet d'une enquête, mais cela ne s'est pas produit.
Je n'ai pas été tendre avec Nassar… Son comportement durant le procès a été odieux. Je ne sais pas si vous l'avez vu, mais il a été odieux.
Les sœurs survivantes ont eu la force de raconter leurs histoires, et ces histoires n'auraient jamais dû parvenir à mes oreilles. Il y a 30 ans, si quelqu'un avait écouté ces enfants et fait le nécessaire, des centaines de filles auraient été épargnées.
C'est cette possibilité que nous avons aujourd'hui. Vous avez entendu l'histoire de ces enfants qui sont maintenant des adultes, ou qui sont encore des enfants. Faites ce qui s'impose maintenant.
C'est ce qui a fait défaut dans l'affaire Nassar. Personne n'a agi il y a 30 ans et, même quand j'ai reçu ces témoignages, le FBI a cafouillé. L'enquête sur les Karolyis a fait chou blanc. Sous tellement d'aspects de l'enquête, nous avons échoué auprès de nos propres… Le comté de Meridian n'a pas voulu écouter une survivante et a ensuite payé pour que les survivantes témoignent devant moi en raison de cette enquête bâclée.
Il y a eu tellement de lacunes. En fait, c'est la grande découverte qui a été faite au cours du procès. Nassar est loin d'être seul en cause. Tout le système juridique était déficient, tout le système sportif était déficient, et personne n'écoutait les enfants. Pourquoi des enfants auraient-ils inventé ce genre d'abus? Il n'y a jamais de fumée sans feu. Comment auraient-ils pu savoir ce genre de choses? Ces lacunes sont les plus graves.
Il faut que les témoins et les complices fassent l'objet d'une enquête, qu'ils rendent des comptes parce que s'ils ont été complices des actes du malfaiteur, ils sont passibles des mêmes peines. Ils sont les coauteurs de ces actes.
Dans l'affaire Nassar, énormément de documents et d'autres éléments de preuve ont été dissimulés ou détruits. Ils n'ont pas été produits et nous n'en connaîtrons peut-être jamais le contenu. J'aimerais beaucoup qu'ils soient divulgués pour que nous sachions ce qu'il en est et qu'ils nous servent d'outils pédagogiques à tous.
Je le répète, c'est pour cette raison que dans ce genre d'affaires, il faut mener une enquête complète pour que nous puissions en tirer des leçons et continuer de protéger nos enfants et les générations futures.
C'est pourquoi j'ai posé cette question. J'ai l'impression que vous militez aussi passionnément pour la tenue d'une enquête nationale au Canada entre autres parce que les États-Unis ne l'ont pas fait. Selon ce que j'ai pu voir avec l'affaire Nassar, le défaut des États-Unis de mener une enquête nationale a permis à des personnes qui étaient aussi coupables, ou coupables en partie… Je ne sais pas si je peux dire « aussi coupables », mais ces personnes étaient complices. Elles savaient ce que faisait le coupable et elles n'ont rien fait, mais elles ont réussi à passer entre les mailles du filet.
J'aurais une autre question, madame la juge.
En 2017, après l'affaire Nassar, le Congrès a adopté la Protecting Young Victims from Sexual Abuse and Safe Sport Authorization Act. Pouvez-vous nous parler de cette loi qui vise à protéger les jeunes victimes d'abus sexuels et à assurer la sécurité dans le sport? Quels changements a‑t‑elle apportés dans les milieux sportifs aux États-Unis?
Je n'en connais pas toutes les nuances, mais je peux vous affirmer que les États-Unis sont loin d'avoir pris les commandes dans ce dossier. Les changements ne sont pas assez profonds. Les témoins et les complices continuent de ne pas être inquiétés. Certes, certaines mesures de protection et de formation ont été instaurées pour assurer la protection des enfants dans le sport, mais c'est insuffisant. C'est une belle tentative, mais est‑ce que les athlètes ont été écoutés? La réponse est non.
Aux États-Unis, de l'échelon du Congrès jusqu'à celui des États, on fait du rafistolage, même du côté de la Michigan State University et de la University of Michigan. Certains changements ont été apportés. Les installations ont été modifiées, diverses mesures ont été prises. Si on lit les manchettes, on a l'impression que les solutions sont intéressantes, mais si on cherche plus loin, c'est clair que c'est un autre faux pas.
Qu'il s'agisse du Congrès ou d'une autre instance américaine, c'est toujours le même problème: les athlètes ne sont pas écoutés. Ils ne sont pas suffisamment protégés. Les mesures sont trop timides. Elles ne visent pas les témoins et les complices, la mise en œuvre est trop lente et les mécanismes de contrôle sont insuffisants. Comme il n'y a pas de double contrôle en cas de raté, tout porte à croire que la stratégie est efficace, mais c'est faux.
J'ai une dernière question, madame la juge. Vous êtes certainement au courant des enjeux intergouvernementaux au Canada, du fait que le gouvernement fédéral est responsable des équipes nationales et des fédérations nationales, mais que pour la grande majorité des cas d'abus, la responsabilité incombe à un système de compétence provincial.
Selon votre expérience, quelle est la meilleure manière pour le gouvernement national, ou notre Parlement national, d'intervenir considérant que nous n'avons pas la compétence pour imposer des solutions aux provinces?
Je crois que c'est quelque chose qui a déjà été dit: l'argent est le nerf de la guerre. Cessez de verser du financement tant que le problème n'est pas réglé, et la situation va rentrer dans l'ordre très rapidement.
Madame la juge Aquilina, c'est un très grand honneur pour moi de vous rencontrer aujourd'hui. Par votre présence, nous concluons plus d'un an de travail dans ce dossier.
Au Parlement, le sport n'est pas une question qu'il est facile de mettre en avant. Il a fallu être créatif. Ce débat a fait l'objet de motions à la Chambre des communes. D'ailleurs, dans trois jours, le 22 juin, cela va faire un an que j'ai déposé une motion, qui a été adoptée à l'unanimité par l'ensemble des parlementaires, pour mener une enquête publique sur les abus et la maltraitance dans le milieu du hockey, particulièrement au sein de Hockey Canada.
Depuis ce temps, ce dossier a évidemment évolué. Nous avons fait un travail remarquable grâce à un consensus. Tous les partis politiques se sont entendus pour faire la lumière sur la situation dans le milieu du hockey. Je tenais à le mentionner.
Par la suite, le dossier a été dirigé vers le Comité permanent de la condition féminine pour parler justement de la condition des athlètes, puis le dossier est revenu ici, au Comité permanent du patrimoine canadien.
Nous avons entendu le témoignage des athlètes. Ils ont été très nombreux à parler des situations qu'ils avaient vécues. Ce qui est intéressant, c'est que nous leur offrions aussi un cadre où il y avait une protection, ce qui est fondamental pour libérer la parole des gens.
Nous en sommes rendus à un stade où nous attendons que la ministre des Sports, Mme Pascale St-Onge, puisse faire l'annonce d'une enquête publique et indépendante pour faire la lumière sur l'ensemble des abus dans le sport.
Vous nous invitez à la faire, cette enquête publique, notamment pour l'image de leadership que le Canada pourrait donner à l'international.
En quoi est-ce important pour les États‑Unis et pour l'ensemble des pays qui nous regardent présentement d'avoir ce message fort pour apporter un changement de paradigme dans le monde du sport en faveur de la santé et de la sécurité de nos jeunes athlètes?
Je suis entièrement d'accord. Il faut protéger les lanceurs d'alerte. Il faut opérer un changement en profondeur dans tous les sports mais, là encore, il faut commencer tout en haut. Il faut tout d'abord écouter les athlètes. Si nous ne les écoutons pas, si nous ne donnons pas la chance aux lanceurs d'alerte de nous dire pourquoi ils ont pris la parole, quels obstacles ils ont rencontrés et comment nous pouvons les aider, nous ne sommes pas allés assez loin. C'est comme si une personne se présente aux urgences pour une rupture de l'appendice. Si l'appendice est enlevé, mais pas le pus, cette personne va mourir.
Je salue tous vos efforts. J'ai suivi ce qui s'est passé dans le milieu du hockey, où des entraîneurs ont été expulsés puis réintégrés. Je crois que les lanceurs d'alerte, dont vous avez parlé dans votre question, ont un rôle essentiel, mais il faut absolument les protéger. Actuellement, un climat de peur règne dans les milieux sportifs. Il faut éradiquer cette peur. Une fois qu'elle sera éradiquée, vous verrez des êtres humains émerger et se concentrer pour représenter le Canada et vous donner le meilleur d'eux-mêmes. C'est ce qu'ils vous demandent maintenant: de donner le meilleur de vous-mêmes.
Par votre leadership et par votre fonction, vous créez un cadre favorable à la liberté d'expression.
Vous avez été témoin de tous les stratagèmes qu'utilisent des fédérations pour protéger leur image et leur réputation. Des organismes indépendants vont parfois faire des enquêtes. Cependant, il y a un risque, sur le plan juridique, que des preuves se retrouvent contaminées. J'aimerais avoir vos observations à ce sujet.
Quels mécanismes nous permettraient de protéger les victimes qui osent prendre la parole?
Les preuves contaminées posent un immense problème, même aux États-Unis. Il faut protéger la chaîne de possession. Il faut faire de l'éducation à propos des éléments à recueillir, de la manière de les recueillir et du lieu de conservation pour éviter leur perte, leur destruction ou leur contamination. C'est aussi un énorme problème aux États-Unis, comme nous l'avons vu dans l'affaire Larry Nassar. L'affaire remontait à si loin qu'au moment de l'enquête, des éléments avaient été déchiquetés, perdus ou détruits. Il faut faire de l'éducation, mais il faudra aussi sévir parce qu'il s'agit de falsification de preuves.
Vous devrez coopérer avec le système juridique pour voir avec lui comment il peut vous être utile, et vous devrez ensuite aller au bout du processus. Même s'il y a une certaine réticence, il faudra emprisonner les entraîneurs délinquants, comme les autres délinquants. Ce n'est pas parce que quelqu'un est entraîneur qu'il ne peut pas se retrouver devant un juge et, éventuellement, aller en prison.
Il faut tenir compte des preuves, et même donner une formation aux athlètes à ce sujet. Ils devraient savoir où les chercher, comment les protéger, comment se protéger eux-mêmes et comment faire un signalement. L'éducation sur tous ces aspects est un premier pas important pour réduire la contamination, augmenter les signalements et assainir le système.
Dès le mois de mars 2022, des gens du milieu de la gymnastique dénonçaient, dans une lettre, les abus qui étaient commis au sein de leur fédération. Vous leur avez donné votre appui publiquement, ce qui était très audacieux, venant d'une personne ayant votre statut.
Pourquoi est-il important pour vous de donner votre appui à des athlètes canadiennes et de lancer un message qui traversera les frontières?
C'est important de prendre la parole, sinon on contribue au problème. Pour ma part, je choisirai toujours de faire partie de la solution et de sortir des sentiers battus. Sortir des sentiers battus, c'est s'assurer que les gens sont en sécurité et que toutes les options possibles sont envisagées. Rester sur les sentiers battus, c'est éviter de voir la forêt ou les arbres. Nous ne protégeons personne et nous évitons de voir les problèmes. C'est pourquoi je vais toujours prendre la parole, sans me soucier des conséquences que j'encoure.
Nous devons unir nos voix, travailler tous ensemble en faveur de la sécurité. Si nous ne le faisons pas, nous contribuons à la maltraitance des enfants et d'autres personnes, et jamais je ne vais cautionner cela. Je vais toujours emprunter les chemins les moins fréquentés, peu importe les conséquences pour moi. Je sais très bien que mon discours déplaît à certains. Je le sais et je m'en moque.
Merci infiniment, madame la juge. Vous faites partie de nos héros. Votre témoignage est l'un des plus importants que nous allons entendre dans le cadre de cette étude. Comme certains de mes collègues l'ont mentionné, nous avons entrepris cette démarche il y a une année environ. Nous sommes rendus à l'étape de la formulation de nos conclusions et de nos recommandations. Votre témoignage arrive donc à point nommé.
J'ai été frappé par certaines de vos déclarations. Tout d'abord, vous avez parlé de l'emprise de la peur des représailles, qui réduit les victimes au silence s'il y a un déséquilibre, si les institutions en place ne les aident pas à se faire entendre. Vous avez aussi parlé des témoins, des personnes qui restent les bras croisés. Si je vous ai bien entendue, vous avez dit que des centaines de personnes pourraient avoir laissé Larry Nassar commettre des abus, faire des victimes et des viols en série, et qu'il a fallu qu'il soit traduit en justice pour que les gens parlent.
J'aimerais vous entendre sur ces deux points. Premièrement, comment éradiquer la peur des représailles? Dans l'affaire Larry Nassar, tellement de personnes sont restées sans rien faire, même si elles étaient au courant des abus. Comment faire pour que cela ne se produise plus? Comment établir une culture où les gens osent parler parce qu'ils comprennent que c'est une faute de se taire?
La culture actuelle a banalisé la manipulation et le conditionnement. Les gens se taisent parce qu'ils ont peur. Ils ont peur de ne pas jouer durant la prochaine partie. Ils ont peur que leurs amis les ridiculisent. Ils ont peur d'être expulsés ou intimidés. Ils ont peur de ne pas recevoir une bourse ou autre chose. Les représailles prennent toutes sortes de formes et ils ont peur.
Il faut recommencer à zéro. Nous devons enseigner aux gens que c'est une bonne chose de signaler les abus et de contribuer à la sécurité des autres. Il faut aussi mettre en place des processus sûrs de signalement et des personnes de confiance qui recevront ces signalements. Un athlète ne peut pas dénoncer un entraîneur agresseur à un entraîneur adjoint qui risque de subir des représailles. Il faut beaucoup de temps pour expulser un entraîneur.
Existe‑t‑il une autre filière? Dans l'armée, il existe une chaîne de commandement. Quelle chaîne de commandement faut‑il suivre pour faire un signalement? Je parie que si vous le demandez aux athlètes, ils ne sauront pas s'il existe une chaîne de commandement pour faire un signalement en toute sécurité. Certains se confieront à leurs parents, qui leur répondront que s'ils font un signalement, il y a un risque qu'ils ne puissent plus jouer. Les enfants… En fait, tous les athlètes, peu importe leur âge, diront alors qu'ils veulent jouer, que c'est leur vie.
Il n'y a pas de lieu sûr pour dénoncer les abus. Il n'y a pas de chaîne connue ou sûre, un mécanisme qui assure une prise d'action immédiate. Si un agresseur est signalé et qu'il reste en poste, et que la personne qui l'a signalé doit continuer de voyager à ses côtés ou de le fréquenter dans les vestiaires, est‑ce qu'on peut parler d'un mécanisme de signalement sûr? Non. La victime aura peur que quelqu'un dise à l'entraîneur qui l'a dénoncé.
Il faut que ce soit très clair que le lanceur d'alerte est un héros et qu'il peut parler sans peur des représailles ou des sanctions. Si jamais il y a des représailles ou des sanctions, c'est la personne qui les aura infligées qui sera expulsée. C'est elle qui sera expulsée, pas le lanceur d'alerte. Elle sera expulsée… Il faut que les règles soient établies clairement, qu'elles soient enseignées et suivies. Les règles ne doivent pas exister seulement sur papier. Elles doivent être appliquées.
Vous avez travaillé avec des membres du Congrès pour essayer de mettre au point un système sportif sûr aux États-Unis. Vous avez travaillé, je crois, avec un certain nombre de membres du Congrès qui se sont penchés sur le comité olympique américain et ont apporté des changements.
Pouvez-vous nous parler de certains succès ou de certaines déceptions que vous avez constatés dans le cadre de vos conversations avec les membres du Congrès? Manifestement, ces derniers se débattent avec les mêmes problèmes que nous, en tant que membres députés, à savoir comment formuler des recommandations pour changer le système.
Je me suis exprimée à l'échelle nationale et locale dans le Michigan et dans d'autres États. Il y a des problèmes communs. Tout d'abord, il faut reconnaître qu'il y a un problème. Beaucoup de gens ne veulent pas reconnaître l'existence d'un problème, parce que cela signifie une perte d'argent.
L'un de nos succès est d'avoir réussi à placer 50 % des athlètes au sein d'une instance dirigeante. Il faudra voir à long terme comment cela fonctionne, mais ce n'était pas le cas auparavant. Nancy Hogshead-Makar, qui a remporté plusieurs fois la médaille d'or olympique en natation, a été le fer de lance de cette initiative. Cette initiative a été très réussie.
Les délais de prescription ont été modifiés, ce qui a permis d'étendre la période de déclaration. La situation varie d'un État à l'autre, mais cela a permis de mettre en relief certains problèmes. Le débat se poursuit dans l'ensemble des États-Unis. Certains États ont complètement supprimé le délai de prescription, d'autres l'ont simplement allongé. Cela a vraiment contribué à mettre en relief certaines de ces vieilles questions. Elles peuvent désormais faire l'objet d'une enquête et vous pouvez faire ce que vous faites ici, c'est‑à‑dire examiner comment nous en sommes arrivés là. Je pense que c'est une grande réussite.
Aux États-Unis, il n'y a pas eu ce type d'enquête publique. Il y a eu d'autres types d'enquêtes sur les abus dans le monde du sport et sur la sécurisation des sports.
Est‑il juste de dire que nous pouvons apprendre les uns des autres des deux côtés de la frontière afin que, espérons‑le, dans toute l'Amérique du Nord, nous puissions rendre les sports plus sûrs pour tout le monde?
Non seulement nous devrions apprendre les uns des autres, mais nous devrions également établir des partenariats. Aux Jeux olympiques, nous devrions nous associer pour assurer la sécurité. Si l'Amérique voit que le Canada fait quelque chose de bien ou de mal, nous devons en parler. C'est la même chose si le Canada voit quelque chose que l'Amérique fait bien ou mal. Nous devons en parler. Nous devons nous attaquer à ces problèmes fondamentaux afin de les résoudre ensemble. C'est parce que nous sommes tous partenaires. Nous sommes tous des êtres humains. Nous souffrons tous de la même manière.
Comme vous le savez, nous avons des sonneries d'appel de 30 minutes. Nous devrons bientôt passer à huis clos, mais je pense qu'il nous reste encore du temps pour un tour. Je réduis le tour à quatre minutes et deux minutes.
Nous commençons par Kevin Waugh et les conservateurs pour quatre minutes.
Je suis désolée. J'invoque le Règlement, madame la présidente.
Nous n'avons pas de sonnerie ici, et je ne vois pas de courriel à cet effet. Si j'ai bien compris, le vote est prévu vers 13 heures.
Il y a eu des conversations dans la salle. Nous sommes curieux de savoir si nous pourrions accepter de faire un tour complet. Puisque nous avons commencé avec 10 minutes de retard, nous pourrions peut-être aller jusqu'à 12 h 10 pour terminer le prochain tour.
Nous avons commencé ce débat parce qu'il y a eu des allégations d'agression sexuelle lors d'une cérémonie organisée par Hockey Canada en juin 2018, il y a cinq ans aujourd'hui, à London, en Ontario. C'était il y a cinq ans. Qu'on se le dise.
Le week-end dernier, j'ai lu que plusieurs joueurs de cette équipe junior s'énervaient parce qu'ils n'étaient pas présents à la réception, alors qu'ils ont été liés à la réception et ne peuvent plus représenter le Canada dans des compétitions mondiales. Est‑ce juste pour eux? Cinq années se sont écoulées et le temps passe. Nous n'avons toujours rien entendu des forces de police de London, en Ontario.
C'est le problème auquel nous sommes confrontés dans ce pays. Tout le monde attend l'enquête. Personne ne sait quand. Vous avez dit que l'enquête policière... Ils devraient la clore et mettre tout ça au grand jour. Cela pourrait prendre cinq ans de plus. Je n'en sais rien. Personne ne le sait.
Que devrions-nous faire de tout cela? C'est là que cette étude sur la pratique sécuritaire du sport a commencé. Cet incident a été rapporté un an et demi après qu'il s'est produit, par quelqu'un de TSN qui regardait les registres des tribunaux: « Oh, regardez ce que je vois ».
Il faut imposer des délais. Si l'enquête dure 10 ans, y a‑t‑il des preuves? Après 10 ans, s'il n'y a pas de preuves, que se passe‑t‑il? Il faut avoir des preuves.
De plus, lorsqu'il y a des accusations contre des personnes, il faut extraire ces personnes pour que les autres puissent avancer. Cela ne devrait pas affecter des générations de joueurs de hockey.
Il doit y avoir une analyse qui va de l'avant. On ne peut pas se contenter de dire « Oh, je vais poursuivre cette enquête pendant des années et des années », puis bloquer le hockey et des générations de joueurs. C'est inadmissible. C'est également très antisportif. Il y a un chronomètre dans chaque match, n'est‑ce pas? Où est le temps mort pour les forces de l'ordre? Soit ils ont une affaire, soit ils n'en ont pas. Je rejette tout le temps des affaires devant moi. S'ils ont un dossier, ils peuvent le monter contre ces quelques personnes, et les autres devraient pouvoir vivre leur vie.
Il faut faire le ménage. Il doit y avoir des politiques claires, des procédures d'établissement de rapports et des délais, et il faut comprendre les limites éthiques et juridiques et les délais.
Nous avons une organisation appelée Sport Canada. Tout ce qu'elle fait, c'est distribuer de l'argent. Elle ne discipline jamais personne jusqu'à ce que, tout à coup, c'est le scandale! Aujourd'hui, Hockey Canada récupère tous ses fonds. Nous ne savons toujours pas ce qui s'est passé; c'était il y a cinq ans aujourd'hui. Ils reçoivent leur argent, et le gouvernement fédéral dit: « Nous recommandons que Hockey Canada reçoive son argent. »
Voilà notre problème. Il y a trop de bureaucrates impliqués. Nous avons Sport Canada, et maintenant, il y a un an, nous avons créé le Bureau du Commissaire à l'intégrité dans le sport, ou BCIS.
Permettez-moi de vous lire une lettre, car il y a plus d'un mois, j'ai parlé à quelqu'un de l'Ontario qui avait un problème avec sa fille qui était harcelée au Centre national de développement de Canada Soccer à Markham, en Ontario. Il a déposé une plainte auprès du BCIS. Il l'a fait. Pourquoi ne le ferait‑il pas? Je lui ai dit que c'était la procédure à suivre, et il l'a fait. On lui a dit qu'il recevrait une réponse dans les sept jours. Dix jours plus tard, il a fait un suivi, et trois semaines plus tard, il n'y avait toujours pas de réponse. Un mois plus tard, toujours pas de réponse.
Vous voyez le problème que nous avons? C'est la bureaucratie: Sport Canada et maintenant le BCIS un an plus tard. Ils lui ont dit: « Nous allons étudier la question », mais un mois plus tard, rien du tout.
Encore une fois, c'est l'argent qui parle. Aux États-Unis, si je dépose une plainte ou une demande en vertu de la Freedom of Information Act , ils doivent répondre dans un certain nombre de jours. Ils peuvent demander un délai supplémentaire. S'ils n'obtempèrent pas, il y a de l'argent associé à cela. S'ils récidivent, ils peuvent être traduits en justice.
Pourquoi ne fixez-vous pas des délais? S'ils doivent répondre à une lettre, ils devraient avoir sept ou dix jours, peu importe. S'ils ne le font pas, ils doivent fournir une explication ou demander un délai supplémentaire, et s'ils ne le font pas, ils doivent payer une amende. S'ils continuent à payer, en fin de compte, l'argent finit par parler. Pourquoi le gouvernement fédéral distribue‑t‑il de l'argent pour des abus? Il s'associe à des abus, et il doit être dénoncé pour ces abus.
Je fais partie, j'en suis sûre, des nombreuses personnes dans le monde qui ont été absolument horrifiées par l'affaire Larry Nassar. Il y a des éléments de preuve que, je pense, je n'oublierai jamais. Je vous félicite vraiment du travail que vous avez accompli pendant cette période. Je pense que c'est vous qui avez pris la décision d'entendre autant de victimes. Je ne pense pas que le procès devait nécessairement se dérouler de cette manière. Pouvez-vous nous dire pourquoi vous avez pris cette décision et ce que vous en avez appris?
Je suis juge depuis 20 ans en janvier. C'est ce que j'ai fait dans chaque affaire. J'écoute toujours toutes les personnes impliquées dans l'affaire en raison de leur histoire. C'est un peu la même chose que ce que je vous demande à tous. C'est l'histoire qui motive ma décision.
Lorsque j'ai appris l'affaire Larry Nassar, je ne connaissais pas les athlètes, et je ne le connaissais pas non plus. Lorsque je l'ai appris, j'ai décidé que tous ceux qui avaient été touchés par lui — pas seulement les survivants, mais tout le monde — pourraient témoigner afin que je sois renseignée et que je puisse prendre une décision en fonction de ce qui s'est passé.
De plus, grâce à l'effet curatif des victimes qui témoignent — parfois, ce sont même les familles des accusés qui témoignent devant moi —, cette guérison ne se produit nulle part ailleurs. C'est aussi pour cela que je parle aux victimes et que je leur dis « Vous êtes important », « Vous êtes une héroïne », et ainsi de suite. C'est le pouvoir de l'habit, et je pense que c'est ce dont nous sommes tous responsables — servir le public de multiples façons. Je ne suis ni thérapeute ni guérisseuse, mais j'écoute, et je veux qu'ils sachent que c'est leur salle d'audience et que c'est leur moment. Je les ai entendus et je prendrai les mesures qui s'imposent.
J'ai écouté pendant sept jours. J'aurais écouté pendant sept mois s'il l'avait fallu. Cette histoire est importante. Elle raconte aussi comment nous allons de l'avant. Je ne savais pas que le monde entier écouterait et que nous en parlerions encore cinq ans plus tard, mais je n'ai pas agi différemment de n'importe quel autre cas. L'histoire est à chaque fois un moment propice à l'apprentissage, et elle guérit les gens lorsqu'ils racontent leur histoire et lorsqu'ils vivent ces moments.
Je vous demande d'écouter les athlètes, de les guérir et de leur donner leur chance.
C'est exact. Je suis sûre que vous savez que notre ministre des Sports a déclaré qu'il y aurait une sorte d'enquête nationale sur la sécurité du sport dans ce pays. Je pense qu'à ce stade, il s'agit surtout de savoir à quoi elle ressemblera et qui la dirigera. Je pense que le travail que nous avons effectué au sein de ce comité permettra d'éclairer cette enquête.
J'ai une petite question. Vous avez dit que les États-Unis n'ont pas mené d'enquête sur la pratique sécuritaire du sport, et que d'autres pays ne l'ont pas fait. Pensez-vous que si nous prenons l'initiative, d'autres pays suivront? Quelles devraient être, selon vous, certaines des recommandations pour éclairer une telle enquête?
Absolument. D'autres pays suivront, ne serait‑ce que parce qu'ils seront obligés de faire ce qu'il faut. Je pense que vous faites ce qu'il faut. Vous pourriez être le chef de file — comme je l'ai fait, sans le savoir, avec Nassar — et catapulter le monde entier à faire ce qu'il faut. Une partie de votre enquête devrait être ce que j'ai fait avec Nassar: écouter, prendre des notes, poser des questions et créer un espace sûr pour que les victimes puissent écouter et dire leur vérité. C'est leur vérité, ce n'est pas la vôtre. C'est la leur, quoi qu'elles aient à dire. Prenez ce qu'elles disent, utilisez‑le comme des moments d'enseignement et demandez: « Comment en sommes-nous arrivés là? Comment pouvons-nous y remédier? » Posez-leur des questions.
Lorsque vous ferez cette enquête, vous serez aussi surpris que le monde l'a été par l'affaire Larry Nassar. Vous serez surpris, et les solutions vous apparaîtront très clairement. Vous deviendrez le chef de file mondial.
Vous avez dit que le Canada et les États-Unis devraient parler de certaines choses. Si des choses se produisent, nous devrions en parler. Pouvez-vous nous en dire un peu plus? Pensez-vous que les autres pays et les États-Unis observent le Parlement canadien pour voir ce que nous faisons ici?
Je ne peux pas parler pour les autres législateurs. Je peux vous dire que je regarde. Je sais que les athlètes et les parents nous regardent.
Le Canada et les États-Unis... J'ai de la famille ici. Nous ne sommes pas si différents. Nous avons peut-être des frontières, mais j'ai toujours l'impression que le Canada fait aussi partie de mon foyer. Je ne pense pas que le Canada et les États-Unis soient si différents. Nous devrions nous associer et le montrer au monde. Si vous êtes le chef de file, les États-Unis monteront à bord de votre train et diront: « Merci de l'avoir fait. Comment pouvons-nous vous aider? Comment pouvons-nous nous joindre à vous? » C'est du moins ce que j'espère que notre gouvernement fera.
Les États-Unis, comme le Canada, ont toujours eu une politique d'accueil et d'ouverture pour aider et être présents. Comme je l'ai dit dans ma déclaration liminaire, le Canada apporte son aide en cas de crise, tout comme les États-Unis. Nous sommes partenaires dans ce domaine. Pourquoi ne pas nous associer pour assurer la sécurité dans les sports, protéger les enfants et être leur porte-parole? Vous pouvez être le chef de file et les États-Unis se joindront à vous.
Merci, madame Aquilina. Votre passion est tellement éloquente. Vous voulez donner un avenir à nos enfants, et je vous en remercie.
J'aimerais profiter de votre expertise pour vous poser une question précise. Un des problèmes dans le monde du sport, surtout à l'international, est lié à la dynamique dans laquelle s'inscrivent des comités olympiques et d'autres organisations sportives. Nous voyons qu'il y a beaucoup de conflits d'intérêts, que les gens se protègent, que la machine se protège d'elle-même et que la réputation du sport et des individus l'emporte sur celle des athlètes.
Pouvez-vous nous en dire davantage sur cette situation?
Quels seraient les bons mécanismes qui nous permettraient de mettre un frein à cette façon dont la machine se protège d'elle-même?
Tout d'abord, si vous avez des règles en place, des rapports et toutes les mesures de sécurité et de formation, c'est un bon début, mais si vous enlevez l'argent et mettez la sécurité au premier plan, vous obtiendrez de meilleurs résultats avec vos athlètes. Vous serez également un véritable chef de file. Nous devons faire abstraction de l'argent: la sécurité d'abord, puis l'argent et les médailles. Vous devez inverser le scénario. Sans cela, vous n'aurez rien changé. Ce serait de la rhétorique, des paroles et de multiples réunions.
Les réunions n'ont pas d'importance, c'est le changement qui en a. Retirez l'argent. Protégez les athlètes, et l'argent et les médailles viendront. Les performances seront meilleures. Ces athlètes seront plus performants. Ce que vous trouvez fantastique aujourd'hui, ils le dépasseront.
Je suis d'accord avec vous là-dessus. J'ai les mêmes valeurs.
J'aimerais avoir vos commentaires sur l'une des recommandations qui ont été mentionnées à plusieurs reprises dans le cadre de nos travaux. Il s'agit de sortir le sport du ministère du Patrimoine canadien. Les bourses sont actuellement remises en fonction de la performance et de la recherche de la médaille d'or. Le fait de transférer cela vers Santé Canada ne ferait-il pas partie de la solution à long terme?
En effet, Santé Canada pourrait faire la promotion de saines habitudes de vie et rendre le sport sécuritaire et accessible pour nos enfants. Nous miserions ainsi sur des infrastructures.
Une fois la sécurité établie, l'argent et les médailles viendront. Cela ne fait aucun doute. Les parents amèneront leurs athlètes. Les athlètes voudront être performants. Ils seront en sécurité. Ils seront libres d'être ce qu'ils sont. La science a prouvé que lorsqu'il y a de la sécurité, lorsqu'il y a un encadrement positif, vous aurez de super athlètes.
Que se passe‑t‑il maintenant? Ils sont performants, parce qu'il y a un peu d'argent et un peu de célébrité. Ils veulent tous ces petits moments, mais il y aura beaucoup de moments, de grandes performances et ils seront ce qu'il y a de mieux. Renversez le scénario et mettez la sécurité au premier plan. Le reste viendra.
Vous avez parlé de la peur de représailles. Vous avez également mentionné dans votre introduction l'utilisation d'ententes de non-divulgation. Dans un sens, ce sont les deux faces d'une même médaille. La peur des représailles incite les gens à ne pas s'exprimer, pour les raisons que vous avez décrites avec grande éloquence, ce qui signifie parfois — souvent — que les enfants sont punis. Les athlètes sont punis plutôt que les auteurs.
Au Canada, nous avons vu un certain nombre de cas où des organisations sportives nationales ont utilisé des ententes de non-divulgation pour museler les victimes après coup, de sorte qu'elles craignent des représailles avant de s'exprimer. Elles soulèvent des préoccupations, puis sont muselées en permanence par un cadre juridique qui ne leur permet pas de dire leur vérité.
Dans quelle mesure avez-vous constaté ce phénomène aux États-Unis? La façon de faire les choses commence‑t‑elle à changer lorsqu'on comprend que les ententes de non-divulgation musellent les victimes au lieu de les aider?
Oui, la pratique commence à changer. Les gens s'expriment et disent: « Nous ne signerons pas d'entente de non-divulgation ». Le problème n'est pas seulement que la victime est réduite au silence — c'est un énorme problème —, mais que l'agresseur est protégé, parce qu'avec une entente de non-divulgation, tout ce que l'on fait, c'est de dire: « Oui, vous avez été agressée, mais nous allons garder cet entraîneur. Nous allons garder ce médecin. Nous allons garder cette personne en place parce que personne n'en saura rien. » Tout ce que font les ententes de non-divulgation — et c'est le débat aux États-Unis —, c'est protéger l'agresseur; les ententes de non-divulgation doivent donc disparaître.
Nous devons protéger les dénonciateurs. Nous devons protéger les personnes qui dénoncent des abus. Il faut mettre fin à la peur et commencer à faire peur aux agresseurs. Laissez-les obtenir de l'aide. Laissez-les s'engager dans une autre carrière. Qu'ils fassent autre chose. Punissons-les, mais arrêtons la peur des athlètes. Ils sont vos atouts. Pourquoi ont-ils peur?
Vous avez parlé avec éloquence de l'équilibre des pouvoirs .
Il ne me reste que quelques secondes.
Y a‑t‑il d'autres recommandations que vous pourriez nous faire pour aider à établir cet équilibre des pouvoirs au Canada afin que les athlètes et le public soient protégés contre les agresseurs et les auteurs d'abus? Jusqu'à présent, le système a protégé les agresseurs. Nous avons besoin d'un système qui fait qu'il n'y a pas de victimes.
Il ne devrait pas y avoir d'interdiction pour les parents d'être présents. Les parents ont un droit protégé par la Constitution sur l'enfant, pas l'entraîneur, et lorsque la présence des parents est interdite, l'enfant perd sa voix, et c'est maintenant la voix de l'entraîneur. Il s'agit là d'un déséquilibre des pouvoirs, et cela ne devrait jamais se produire légalement, jamais. Pourquoi un parent est‑il banni? Pourquoi m'interdit‑on d'approcher mon enfant au nom du sport?
Il devrait y avoir un thérapeute, comme un conseiller de camp ou un conseiller scolaire, qui soit là pour que l'enfant se sente en sécurité lorsqu'il va le voir et qu'on ne lui demande pas: « Pourquoi es‑tu allé voir le conseiller? » Il suffit de procéder à des contrôles quotidiens de la santé mentale. Nous avons des enfants et des adultes qui sont suicidaires, qui se mutilent ou qui sont toxicomanes. Il y a toutes sortes de choses dues à ce traumatisme, et ce dont nous avons besoin, c'est d'une intervention précoce pour nous assurer qu'ils sont en sécurité, que nous pouvons rééquilibrer les pouvoirs de sorte qu'ils n'ont pas peur, mais se sentent plutôt en sécurité, et que c'est l'entraîneur qui a peur.
Non, parce qu'aux États-Unis, les gens sont libres de passer des contrats, ce qui leur accorde donc la liberté de conclure une entente de non-divulgation, mais il y a beaucoup plus de conversations disant « Vous n'êtes pas obligés de faire ça. Vous n'avez pas à accepter ça. Faites en sorte que l'accord stipule qu'aucune entente de non-divulgation ne sera signée, ou alors il n'y aura pas d'accord et vous vous adresserez aux tribunaux, irez trouver les médias et ferez des déclarations publiques. »
On trouve davantage de solutions acceptables et sûres lorsqu'ils ne signent pas d'entente de non-divulgation. Lorsqu'ils signent une entente de non-divulgation, ils taisent les abus, et nous ne pouvons tolérer cela dans aucun pays.
Nous avons parlé d'un registre et que c'est le plus grand défi. A‑t‑on réussi à mettre en place un registre quelque part, à l'échelle de l'État ou de l'organisation, aux États-Unis?
Pas à ma connaissance. Lorsqu'il y a un entraîneur coupable d'abus, il devrait y avoir une sorte de registre. Il n'y en a pas, mais il faut le faire — pas un registre public, mais il devrait y avoir un registre pour qu'un entraîneur ne puisse pas passer d'un gymnase à l'autre ou d'un État à l'autre. On en parle, et il y a une sorte de courant sous-jacent, mais officiellement, non.
Devrait‑il y en avoir un? Absolument. Nous avons des registres de délinquants sexuels. Pourquoi ne pas inscrire les entraîneurs sur ces registres lorsqu'ils maltraitent des enfants? À moins qu'ils ne figurent sur le registre des délinquants sexuels, il n'y a pas de registre, mais nous devrions avoir un registre des entraîneurs qui abusent des enfants.
Vous avez parlé des organisations qui repartent à zéro. Avez-vous des exemples d'organisations qui ont dit: « Reprenons à zéro. Nous devons tout refaire et créer une nouvelle image de marque »?
Bien sûr que non. Personne ne veut repartir à zéro lorsque l'argent est en jeu. Retirez l'argent et insérez la sécurité, et l'argent et les médailles viendront.
Madame Aquilina, tout à l'heure, vous disiez qu'un adulte devait être sur place. Je trouve cela intéressant, car on a souvent dit que les parents n'avaient rien à faire là.
Concernant Hockey Canada, nous savons qu'une enquête est toujours en cours. Cela prend du temps, comme mon collègue vient de le dire. Au début de l'enquête, quand le gouvernement a appris l'existence de tous ces abus, il a retiré à Hockey Canada son financement. Un peu plus tard, avant d'avoir le résultat de l'enquête, il le lui a redonné.
Je me demande si, en faisant cela, le gouvernement n'est pas un peu complice, surtout quand on sait que la proportion du financement de Hockey Canada qui provient du gouvernement est minime et que le gros de son financement vient de grands commanditaires. Je n'ai pas compris pourquoi le gouvernement lui a redonné son financement sans avoir fait toute la lumière sur la situation.
Je suis tout à fait d'accord. Je pense qu'il est complice.
Si, pour quelque raison que ce soit, ils avaient besoin de les refinancer, cela aurait dû s'accompagner d'une série de mesures de formation et d'éducation, d'un processus de rapports et de bonnes consignes. En revanche, s'ils ont simplement rendu l'argent en disant: « Il s'est écoulé suffisamment de temps et nous n'avons rien vu », ils sont complices. Ce sont des co‑conspirateurs, et les commanditaires devraient être retirés. Si c'est Coca-Cola ou qui que ce soit d'autre qui les a soutenus, n'achetez pas de Coca-Cola. Le public doit également s'exprimer.
En d'autres mots, nous pourrions dire que l'argent mène le sport. Il y a beaucoup d'argent là-dedans.
Les commanditaires jouent un rôle important. Quand les dirigeants de Hockey Canada se sont aperçus qu'ils perdaient des commanditaires majeurs, ils ont commencé à prendre la chose au sérieux. Les commanditaires ont donc une incidence directe sur ce qui se passe.
Les commanditaires devraient-ils, eux aussi, être visés par toutes ces réprimandes? Ils sont associés à tout cela, en fin de compte.
Je suis d'accord pour dire qu'ils sont associés aux abus. Je ne sais pas comment les rendre responsables, si ce n'est que les médias sont des chiens de garde. Les médias devraient dire: « Voici les commanditaires. Ne les soutenez pas tant que tout n'est pas réglé. » De cette façon, c'est une sanction suffisamment importante. Lorsque les gens cesseront d'acheter et diront: « Je vais acheter l'autre marque, parce que cette marque abuse de nos enfants, de nos athlètes et de notre pays », ils prendront conscience de la situation. L'argent parle, malheureusement.
Tout à l'heure, vous avez dit qu'il fallait imposer des délais pour les enquêtes. Il faut parfois compter de 5 à 10 ans avant qu'elles soient menées à terme.
Comment pouvons-nous imposer des délais, alors que les organismes n'en fixent pas eux-mêmes?
Engagez plus d'enquêteurs. Où est l'argent? Si vous avez besoin de plus d'enquêteurs... Si vous en avez 5 et qu'il vous en faut 10, engagez‑en 10 ou 20, peu importe. Si c'est une question d'argent, financez l'enquête. Faites‑le, et correctement. Établissez un calendrier. Quelle est l'excuse? Il n'y a que deux enquêteurs? C'est pour cela qu'il faut cinq ans? Mettons plus d'enquêteurs sur la tâche et faisons le travail.
Je pense que l'une des raisons pour lesquelles le Comité voulait vous entendre était votre approche tenant compte des traumatismes dans l'écoute des témoignages, ce qui, malheureusement, est absent des processus habituels aux tribunaux. Je me demande si vous pouvez nous en parler; je sais que le ministre a dit que la question n'est pas de savoir s'il y aura une enquête, mais comment. Pouvez-vous nous dire à quel point il est important qu'elle tienne compte des traumatismes?
Oui. Si vous ne tenez pas compte des traumatismes, les gens ne diront pas leur vérité. Ils doivent sentir qu'ils peuvent s'exprimer en toute sécurité.
En ce qui me concerne, j'ai le marteau. J'essaie d'être la bonne sorcière et non la mauvaise. J'essaie d'être à la fois la guérisseuse et le marteau. Je pense qu'il faut être le guérisseur, écouter et découvrir, comme un médecin, ce qui se passe chez le patient. Ensuite, il faut prendre les décisions difficiles.
Si nous n'écoutons pas et si nous ne posons pas de questions ouvertes comme « Qu'est‑ce que vous aimeriez que je sache? », « Comment puis‑je vous aider? » ou « Qu'est‑ce qui devrait se passer, d'après vous? » — faire en sorte qu'ils fassent partie de l'équation —, nous ne parviendrons jamais à la vérité, et n'est‑ce pas là notre raison d'être? Nous sommes ici pour connaître la vérité et pour assainir une fois pour toutes le sport.
Absolument. Je pense que nous sommes tous d'accord sur ce point.
Seriez-vous d'accord avec moi, cependant, pour dire qu'il faudra une personne très particulière pour mener cette enquête et qu'il ne devrait pas s'agir de prendre les règles d'enquête judiciaire existantes et de les appliquer à la pratique sécuritaire du sport, parce qu'il s'agit d'un processus différent?
C'est exact. Je peux vous dire qu'avec mon approche, même les avocats demandent à s'approcher du banc et disent: « Votre Honneur, comment avez-vous obtenu ces renseignements de mon client alors que je l'ai rencontré une demi-douzaine de fois et que je n'ai jamais appris cela? » Je réponds que ce sont les questions ouvertes. Il faut écouter. Il faut croire. Vous devez leur dire que vous êtes prêts, quoi qu'ils disent, à entendre leur vérité. Ce n'est pas votre histoire. C'est ce que je crée et je peux vous dire qu'en 20 ans, j'ai entendu des choses qui ont étonné les gens, que j'ai obtenu ces renseignements. J'espère que c'est ce que vous faites.
C'est ce que j'ai fait dans mon travail. Je l'ai fait pendant mes 20 années dans les forces armées. Je l'ai fait en tant que juge. Ces questions ouvertes, l'écoute, le contact visuel, l'attention et le soutien... Je leur dis: « Merci d'être là. Votre histoire est tellement importante. Vous êtes important. Je sais qu'il est difficile de témoigner, mais je veux que vous sachiez que vous êtes un superhéros. Vous parlez au nom de tant de personnes qui ne peuvent pas s'exprimer et qui n'ont pas de voix. Merci d'être leur voix. »
Ils viennent me voir et m'écrivent des lettres de partout dans le monde pour me dire: « J'ai entendu ce que vous avez dit; je ne vais pas me suicider aujourd'hui. J'ai entendu ce qu'ils ont dit; ils ont dit mes mots. Je vais chercher de l'aide. »
C'est ce dont on a besoin dans le sport. Écouter, être la voix, être le guérisseur et être le marteau.
J'aimerais revenir sur certaines observations précédentes pour éclaircir les choses.
D'une part, vous avez parlé des délais de prescription en ce qui concerne la possibilité pour les victimes et les survivants de raconter leur histoire. En même temps, il y a — pas par vous, mais peut-être par certaines des questions — une critique voilée de l'enquête du service de police de London sur l'incident de Hockey Canada. Pour éclaircir les choses, je précise que, si j'ai bien compris, l'enquête a été rouverte il y a moins d'un an seulement.
Compte tenu de la difficulté des affaires d'agression sexuelle, les enquêtes policières devraient-elles être limitées dans le temps? Cela ne revient‑il pas à dire qu'il devrait y avoir un délai de prescription? Il n'existe pas dans les cas de ce que l'on appelle les actes criminels, c'est‑à‑dire les crimes.
Vous parlez de deux choses différentes. Le délai de prescription s'applique à une victime qui est traumatisée et qui ne se souvient peut-être même pas qu'elle a été agressée parce que son corps ne le lui permet pas. Le corps dit: « Je vais d'abord sauver ma vie. » Il se peut qu'elle ne se souvienne pas de son traumatisme ou qu'elle ne soit pas en mesure d'en parler.
Lorsque nous parlons d'une enquête, il faut qu'il y ait une fin, une clôture. Il faut qu'il y ait quelque chose, alors s'ils empêchent une équipe de hockey de jouer ou s'ils enquêtent sur une personne, ils n'arrêtent pas complètement leur vie. Ce sont des pommes et des oranges.
Si le délai est, par exemple, de cinq ans, pourquoi ne pas mettre plus d'agents sur le coup? Pourquoi ne pas mettre en place une plus grande équipe d'enquêteurs? S'ils ne trouvent rien, peut-être qu'il n'y a rien à trouver et qu'ils peuvent classer l'affaire. S'il y a plus de preuves, ils peuvent rouvrir l'enquête. Pourquoi retirez-vous les fonds, arrêtez-vous le hockey et faites-vous toutes ces choses à l'ensemble de l'équipe? S'il y a un mauvais élément qui fait l'objet d'une enquête, il faut le retirer, le payer ou faire ce qu'il faut pour que l'équipe continue avec un autre entraîneur.
Il y a beaucoup d'options. Je ne sais pas pourquoi ces options n'ont pas été explorées. Pourquoi faire cela à une équipe entière qui n'a rien à voir avec cette affaire? Je pense que les options n'ont pas été pleinement explorées quant à la manière de faire avancer l'enquête en temps voulu tout en permettant au sport de se poursuivre.
Je pense que nous sommes arrivés à la fin de la séance. Je tiens à remercier la juge Aquilina pour son témoignage et ses paroles très sages et stimulantes.
Nous suspendons maintenant la séance pour passer à huis clos afin de parler aux analystes des instructions de rédaction du rapport.