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FAAE Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent des affaires étrangères et du développement international


NUMÉRO 102 
l
1re SESSION 
l
44e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le lundi 15 avril 2024

[Enregistrement électronique]

(1535)

[Traduction]

    La séance est ouverte.
    Bienvenue à la 102e réunion du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international de la Chambre des communes.
    Conformément au Règlement, la réunion d'aujourd'hui se déroule sous forme hybride. Les députés participent donc, selon le cas, en personne ici même ou à distance grâce à l'application Zoom.
    Voici quelques remarques à l'intention des députés et des témoins.
    Avant de prendre la parole, veuillez attendre que je vous désigne par votre nom.
    Vous pouvez vous exprimer dans la langue officielle de votre choix.
    Cette salle est équipée d'un système audio très efficace, mais des phénomènes d'écho extrêmement préjudiciables pour les interprètes peuvent leur causer des blessures graves. La cause la plus courante de ce genre de phénomène est une oreillette portée trop près d'un micro.
    Quant à la liste des intervenants, le greffier voudra bien s'assurer d'organiser les séries de questions.
    Aujourd'hui, conformément au paragraphe 108(2) du Règlement et à la motion adoptée par le Comité le lundi 29 janvier 2024, le Comité reprend son étude de l'approche du Canada à l'égard de l'Afrique.
    Je souhaite la bienvenue à nos distingués témoins.
    Nous accueillons aujourd'hui M. David Black, professeur à l'Université Dalhousie, et M. Christopher Roberts, membre de l'Institut canadien des affaires mondiales, qui s'exprimeront à titre personnel.
    Nous avons également le plaisir d'accueillir M. Nola Kianza, président et directeur général du Conseil canadien pour l'Afrique.
    Chacun de vous aura cinq minutes pour faire son exposé préliminaire. Veuillez me regarder de temps en temps, car je vous ferai signe, quand viendra le temps, de conclure rapidement, et ce, non seulement quand vous ferez votre exposé, mais aussi quand les députés vous poseront des questions.
    Je crois que nous allons commencer par M. Black.
    Monsieur Black, vous avez cinq minutes.
    Merci également aux membres du Comité.
    C'est pour moi une excellente occasion de participer à cette étude importante, qui tombe à point nommé. Ayant passé une grande partie de ma vie à réfléchir aux relations entre les Canadiens et les pays et les peuples africains et à ce qu'elles devraient être, je suis heureux de constater un regain d'intérêt du Canada pour l'Afrique — et pas seulement au sein de ce Comité.
    Il existe de très bonnes raisons stratégiques de s'intéresser plus durablement à l'Afrique. Mais, à y regarder de près, il ne faut guère se faire d'illusions sur la marginalisation du Canada à l'égard des intérêts et des protagonistes africains. Cette marginalisation est en partie attribuable à des changements structurels à l'échelle internationale, mais elle est également délibérée.
     Concrètement, cela signifie que, en renouvelant le dialogue avec l'Afrique, on fait, en réalité, du rattrapage. Il nous faut donc être modestes dans nos attentes, cohérents et ouverts dans le dialogue, exhaustifs dans notre réflexion et soucieux de ne pas exagérer l'importance de ce que nous faisons.
    Je ne dis pas cela pour minimiser les efforts importants actuellement déployés par beaucoup de Canadiens et d'Africains, à l'échelle intergouvernementale aussi bien que transsociétale, pour créer des liens mutuellement avantageux. En effet, les relations entre le Canada et l'Afrique sont plus variées et diversifiées que jamais. Cela dit, la politique officielle du Canada témoigne d'un engagement global toujours limité, qui a diminué au cours des deux dernières décennies, précisément au moment où de nombreux autres gouvernements prenaient acte de l'importance croissante de l'Afrique sur les plans économique, sécuritaire, diplomatique et politique, et prenaient des initiatives visant à nouer des relations plus étroites et plus stratégiques.
    Jusqu'ici, l'engagement du Canada en Afrique a reposé sur la base relativement vaste, mais déconnectée et peu approfondie, de l'aide au développement international, de déploiements militaires et policiers périodiques et parfois difficiles dans le cadre d'opérations multilatérales de maintien de la paix, d'engagements envers des organismes multilatéraux comptant de nombreux membres africains, dont la Francophonie et le Commonwealth, et de liens communautaires par l'entremise d'organisations de la société civile. Ces liens ont ultérieurement été élargis en raison du rôle massif, mais controversé, du secteur extractif canadien.
     Mais ces points de contact ordinaires ont cependant été périodiquement complétés par d'importantes initiatives diplomatiques canadiennes. J'en veux pour preuve deux exemples particulièrement frappants: l'engagement durable du gouvernement Mulroney dans la lutte pour mettre fin à l'apartheid — qui nous a été rappelé dernièrement à l'occasion du décès du premier ministre Mulroney — et la prise de position du gouvernement Chrétien, qui a défendu le plan d'action pour l'Afrique dans le cadre de ce qui était alors le G8, en 2002. Ce genre d'initiative ne s'inscrivait pas dans une stratégie africaine globale. Il n'y a jamais eu de stratégie de ce genre. Mais ces initiatives ont été suffisamment fréquentes pour renouveler régulièrement l'idée que le Canada pourrait et devrait jouer un rôle important dans les questions qui importent aux Africains.
    Cependant, depuis le milieu des années 2000, cet intérêt intermittent pour l'Afrique s'est largement dissipé, et les autorités ont été particulièrement absentes du dialogue avec l'Afrique. Compte tenu des initiatives canadiennes antérieures et de l'intérêt croissant manifesté par d'autres gouvernements étrangers, cela a été interprété comme une sorte d'indifférence. Et c'est resté vrai non seulement de manière générale, mais aussi dans le cadre de relations bilatérales importantes, par exemple avec l'Afrique du Sud après l'apartheid.
    C'est cette perte d'intérêt qu'il faut analyser avant de renouveler notre approche à l'égard de l'Afrique.
     Évidemment que, compte tenu des besoins urgents ailleurs dans le monde et de la limitation des ressources, il peut sembler difficile de justifier un intérêt plus concerté pour l'Afrique, même si je n'ai pas l'impression que ce n'est pas nécessaire ici. Le dialogue avec le continent africain est important pour des raisons à la fois intéressées et systémiques, et on vous a déjà parlé de plusieurs d'entre elles. J'ai regardé votre séance d'introduction. Elle fournit un contexte très utile.
    Le potentiel économique de l'Afrique dépasse celui de toutes les autres régions du globe, mais ses difficultés sur le plan de la sécurité et celui de l'humanitaire sont telles qu'elles ont des répercussions systémiques susceptibles d'entraver sérieusement ce potentiel.
    Les grands enjeux collectifs qui nous touchent tous, dont la migration forcée, la santé mondiale et la durabilité environnementale ne peuvent tout simplement pas être réglés sans des partenariats avec l'Afrique.
    Enfin, en raison de son importance croissante et de son grand nombre d'États, l'Afrique revêt une importance diplomatique croissante à l'échelle internationale. De façon générale, l'Afrique se trouve au foyer des tensions qui contractent de plus en plus l'ordre mondial, et j'espère que nous aurons l'occasion d'en parler au cours de notre conversation. Plus précisément, l'incapacité du Canada à obtenir l'appui solide des gouvernements africains a joué un rôle important dans l'échec de nos deux dernières campagnes pour obtenir un siège non permanent au Conseil de sécurité de l'ONU.
(1540)
     Compte tenu de ces incitatifs, il est tout à fait approprié que le gouvernement envisage des moyens d'élargir l'engagement du Canada en Afrique. Mais, ce faisant, il importe de consolider les liens diversifiés, mais fragiles du Canada pour élaborer une approche plus durable, globale et respectueuse.
    Merci beaucoup, monsieur Black.
    C'est au tour de M. Roberts. Vous avez cinq minutes pour faire votre exposé préliminaire, monsieur.
     Merci beaucoup au Comité de m'avoir invité à participer à ces importantes délibérations sur l'approche du Canada à l'égard de l'Afrique.
    J'ai reçu l'invitation entre deux aéroports. Je me trouvais entre Lusaka et Dar es Salaam, et cela ne pouvait pas mieux tomber.
    Permettez-moi de passer immédiatement à ce que je pense de la nécessité de repenser et de restructurer nos relations avec le continent africain. Je rappelle que c'est mon point de vue personnel.
    Premièrement, nous devons revoir notre conception. M. Black a bien amorcé le processus. Les Canadiens ont de la difficulté à concevoir le continent africain du point de vue plus général de la politique étrangère, commerciale et de défense. Pour certains, cette idée n'a aucun sens puisque le contre-argument est simple: quelle que soit la liste des priorités internationales du gouvernement du Canada, les pays africains ou tout autre pays en crise ne peuvent pas prétendre susciter un intérêt national fondamental.
    Cela dit, il ne s'agit pas aujourd'hui de faire du continent une priorité absolue, pas plus que de couper tous les liens. Comme M. Black l'a souligné, il s'agit de reconnaître la mesure dans laquelle la complexité de la situation mondiale exige que le Canada améliore sa présence dans cette région du monde, à l'avantage de tous et après des années de négligence.
    Comme l'a réitéré la mise à jour de la politique de défense de la semaine dernière:
Les intérêts du Canada sont défendus par un ordre international qui est libre, ouvert, stable et régi par la primauté du droit, et nous avons la responsabilité envers la population canadienne et nos partenaires et alliés aux vues similaires de jouer un rôle essentiel dans le maintien de la stabilité mondiale.
    Tant que nous, Canadiens, ne comprendrons pas que la plupart des États africains dépendent aussi de régimes internationaux et internes assujettis au principe de la primauté du droit et que la plupart des Africains y aspirent, nous ne saurons pas comment le mieux restructurer notre engagement.
    Je vais aussi vous décrire brièvement deux interprétations extrêmes à ne pas entériner au moment où nous cherchons un mode d'engagement plus prudent.
    Il y a, d'un côté, la position trop optimiste qui met l'accent sur la poussée démographique de jeunes Africains friands de technologie. C'est ce que j'ai entendu dire durant les dernières semaines. C'est la main-d'œuvre de l'avenir, pendant que d'autres populations diminuent partout dans le monde.
    L'accord sur la Zone de libre-échange continentale africaine est censé stimuler le commerce régional. Selon les estimations de 2024, l'Afrique sera la région qui connaîtra la croissance la plus rapide au monde, entre 3 et 6 %. Tout cela est bel et bon.
    Il y a aussi le point de vue opposé, le point de vue trop pessimiste, qui souligne la résurgence des coups d'État, des dérives autoritaires et d'un degré de violence politique et de guerres sans fin du Sahel à la Corne de l'Afrique en passant par le Cameroun, la République démocratique du Congo, le Mozambique et le Soudan. Il faut y ajouter les nouvelles crises de la dette souveraine qui rappellent les années 1980.
    Ce sont les deux côtés de la médaille, mais ce que j'essaie de faire valoir ici, c'est qu'il faut tenir compte des cinq réalités suivantes.
    Premièrement, le Canada est une démocratie constitutionnelle fédérale qui s'appuie sur le principe de la primauté du droit, pendant que la plupart des Africains aspirent, eux aussi, à se doter de systèmes politiques fondés sur ce principe.
    Deuxièmement, le Canada fait face à des difficultés en matière de productivité et à différents problèmes internes, mais nous sommes toujours un pays dépendant du commerce, qui a beaucoup d'activités minières et d'investissements à l'étranger, notamment sur tout le continent africain, et qui partage avec les Africains des engagements à l'égard des objectifs de développement durable.
    Troisièmement, nous avons, parmi les pays occidentaux, des liens uniques avec l'Afrique. C'est historique, et je pourrai en parler plus tard. Notre position à l'égard de l'Afrique est sans équivalent dans tous les autres pays du G7 et de l'OTAN.
    Quatrièmement, sur le plan historique, le Canada suit l'exemple des États-Unis et de la France en matière de politique étrangère en Afrique, mais, comme nous l'avons appris, je l'espère, au cours des dernières années, cette approche n'est plus viable, en admettant qu'elle l'ait jamais été.
    Enfin, nous ne pouvons nier que l'Afrique affronte encore plus de difficultés de nos jours en raison de ce qui s'est passé dans les dernières années.
    Ce que j'essaie de dire, c'est qu'il nous faut des leviers politiques plus souples. Nous avons besoin d'un leadership plus coordonné et de plus de persévérance diplomatique, appuyés par un processus décisionnel fondé sur des connaissances et non par des annonces vertueuses momentanées, ou comme Joe Clark, ex-ministre des Affaires étrangères, l'écrivait il y a dix ans, par des discours sans suite.
    La restructuration exige du leadership, et on pourrait discuter du moyen d'obtenir un leadership apte à coordonner tout ce que le Canada fait ou pourrait faire sur le continent.
     J'ai présenté un mémoire qui contient plus de détails sur mes cinq principaux arguments, mais je vais vous parler des mesures à prendre immédiatement pour renouer avec le continent.
(1545)
    Premièrement, il faudrait veiller à bien comprendre, à l'aide de sources et de données factuelles sérieuses, l'histoire et les effets de la politique et de l'engagement du Canada dans les pays africains, auprès des organisations internationales concernées et d'autres parties intéressées...
    Pourriez-vous conclure en moins de 30 secondes, s'il vous plaît?
    Oui, certainement. C'est parfait.
    Deuxièmement, il y aurait lieu de réparer un système de visas défectueux pour les Africains. M. Kianza pourrait vous en parler aussi.
     Troisièmement, cessons de suivre les politiques de la France, des États-Unis, du Royaume-Uni ou de l'Union européenne en Afrique. Nous sommes plus efficaces quand nous développons nos propres idées et connaissances au sujet du continent africain.
    Quatrièmement, cessons de supposer que les intérêts d'une ou de deux entreprises canadiennes installées dans un pays représentent les intérêts nationaux du Canada dans ce pays.
    Enfin, il faut comprendre que les relations du Canada en matière de diplomatie, de développement, d'économie et de défense à l'égard du continent peuvent avoir des effets importants.
    Je me ferai un plaisir de poursuivre cette conversation.
     Merci.
(1550)
    Merci, monsieur Roberts.
    C'est au tour de M. Kianza. Vous avez cinq minutes, monsieur.
     Merci, monsieur le président et merci aux membres du Comité. Je vous suis reconnaissant de me donner l'occasion de m'exprimer. J'ai l'impression d'être chez moi ici. Je vois des visages familiers.
    Le Conseil canadien pour l'Afrique existe depuis plus de 20 ans — 22 ans, pour être exact. Il a été créé dans le seul but de promouvoir le commerce et le développement économique entre le continent africain et le Canada. Les témoins précédents viennent de parler de l'Afrique dans son ensemble, mais je vais me contenter de parler de choses relevant du simple bon sens.
    Qu'est‑ce donc que cette Afrique dont on parle? C'est un énorme marché de 54 pays. C'est 1,2 milliard d'habitants. Nous connaissons toutes ces statistiques, mais pourquoi le Canada devrait‑il s'intéresser à l'Afrique?
    Je vais me concentrer sur l'aspect commercial, l'aspect économique.
    Je tiens à souligner d'emblée que, quand on parle du Canada, on parle d'aide. Nous offrons de l'aide, mais n'oublions pas que, si notre économie ne fonctionne pas, il n'y aura pas d'aide. Et, en Afrique, si l'économie ne fonctionne pas, il n'y aura pas de durabilité.
    Le Conseil canadien pour l'Afrique a été créé pour promouvoir les entreprises canadiennes. On pensait alors qu'il y avait un marché potentiel énorme en Afrique. Dernièrement, nous avons vu l'Afrique consolider son marché au moyen d'un accord de libre-échange continental qui va ouvrir un des plus grands marchés au monde, comme l'a expliqué M. Roberts.
     Et que faisons-nous au Canada? Bien calés dans notre fauteuil, nous disons: « Ah, l'Afrique. » Je ne suis pas ici pour vous dire comment aider l'Afrique. Je vous parle de ce que nous pouvons faire pour aider les entreprises canadiennes à saisir les occasions qui se présentent sur ce continent.
    À la question « Pourquoi l'Afrique? », j'ai répondu en parlant de la taille du marché. Pourquoi le Canada, alors? Quand les gens pensent Canada, ils pensent éthique commerciale. Ils pensent aux valeurs canadiennes. Ils pensent à l'expertise canadienne. Ils pensent au savoir-faire canadien. Ils pensent à notre technologie. Nous avons déjà fait cet exercice. Qu'en est‑il de l'agriculture? Qu'en est‑il des télécommunications? Qu'en est‑il de l'infrastructure? C'est déjà fait.
    Le Canada repose sur les petites entreprises. Je travaille avec des fabricants et des exportateurs canadiens, qui sont de petites entreprises. Ce sont elles qui ont bâti notre pays. Nous sommes capables de bien communiquer avec l'Afrique. C'est ce que les Africains attendent des Canadiens, mais qu'allons-nous faire là‑bas? Nous disons: « Nous pouvons vous aider » ou « Nous avons de l'argent ». Ils ne demandent pas d'argent, ils nous demandent de venir travailler avec eux pour bâtir leur économie.
    Je veux faire comprendre que nous ne faisons pas cela pour l'Afrique. Le monde a changé. Je parle des Canadiens. Comment aider les Canadiens? La politique dont nous parlons consiste à bâtir l'économie. Quand on réunit des entreprises, tout le reste fonctionne.
    Savez-vous pourquoi il y a de l'insécurité? Savez-vous pourquoi il y a toutes ces guerres? Quand les jeunes ne travaillent pas, que croyez-vous qu'ils vont faire? Quand ils ne travaillent pas, quand il n'y a pas d'emplois... Ils vont à l'université. Nous avons des universités de premier plan. Oui, ils étudient, mais il n'y a pas d'emplois. N'importe qui peut inciter des jeunes sans emploi à faire n'importe quoi. Et ensuite, nous voulons vivre en sécurité. Comment allez-vous renforcer la sécurité?
     Ici, au Canada, si l'économie ne fonctionne pas, l'insécurité va aussi augmenter. Il faut donc bâtir nos entreprises. Je m'adresse à nos propres entreprises ici.
     En affaires, les gens ont besoin d'information. Ils ne cherchent pas seulement de l'argent, mais aussi de l'information. Notre gouvernement devrait consacrer des ressources au Service des délégués commerciaux, à notre ministère. Si vous vous adressez à un ministère d'un gouvernement africain, vous trouverez deux personnes qui ne peuvent pas vous donner beaucoup d'information. Ils ont besoin de ressources. Nous avons besoin de meilleurs renseignements. Nous devons trouver un meilleur moyen de rassembler les Canadiens pour partager l'information. C'est de cela que nous avons besoin.
    Le Canada doit évoluer sans tarder.
(1555)
     L'Afrique admire le Canada. Savez-vous ce que nous attendons du Canada? Quelle est votre expertise? Où est votre savoir-faire? Nous voulons vos valeurs. Même si d'autres pays s'intéressent à nous, nous voulons des Canadiens, parce que nous savons comment vous agissez.
     Je veux que nos gouvernements fassent preuve de leadership. Nous étions à l'avant-garde quand le Canada était la voix de la raison. Quand nous étions engagés, les gens disaient: « Voyez ce que font les Canadiens », mais, aujourd'hui, ils ne savent même pas où nous nous situons.
    Je vais terminer en disant que nous avons là une occasion en or. Le marché africain est là pour nous. Ce que je vous demande, très simplement, c'est de m'aider à travailler avec les compagnies canadiennes pour qu'on puisse les amener en Afrique. L'Afrique a besoin d'entreprises. Elle n'a pas besoin d'aide, mais d'entreprises. C'est tout ce dont elle a besoin.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Merci beaucoup, monsieur Kianza.
    Passons maintenant aux questions des députés.
    Nous allons commencer par le député Epp. Vous avez cinq minutes, monsieur.
    Merci, monsieur le président. Nous avons entendu trois excellents témoignages donnant beaucoup de matière à réflexion.
    Monsieur Black, je vais commencer par vous et par la perspective générale.
    Les États-Unis sont le partenaire le plus stratégique du Canada dans une foule de domaines. La déclaration issue de la récente réunion du G7 en novembre indiquait que l'Afrique se classait au septième rang, après l'Ukraine, et je ne prendrai pas le temps d'énumérer tout le classement.
    Du point de vue du Canada, est‑ce le rang auquel l'Afrique devrait se situer? Compte tenu de l'Indo-Pacifique, du Caucase du Sud, de l'Ukraine et de Gaza, où l'Afrique devrait-elle se situer dans l'ordre des priorités du Canada?
    Je suppose que vous vous attendiez à ce que je dise qu'elle devrait être mieux classée.
    Il faut comprendre à quel point l'Afrique est devenue cruciale. J'ai parlé de l'Afrique comme d'une sorte de point focal mondial. C'est là que beaucoup de tensions mondiales se manifestent de façon très intense. J'ai écouté votre réunion de la semaine dernière et j'ai été frappé par le nombre des allusions à la Russie et à la Chine. Ces préoccupations sont très importantes, mais il y a beaucoup plus que cela. Il y a une sorte de bouleversement tectonique en cours, et je pense que c'est dans le contexte africain que les plaques se heurtent.
    Ce n'est pas tant que l'Afrique soit distincte, mais elle est au centre de ces dynamiques évolutives à l'échelle mondiale. Les mesures que nous prendrons sont vraiment importantes pour le genre de monde dans lequel nous évoluerons au cours de la prochaine génération.
    Qui parle pour l'Afrique?
    Il faut éviter de parler de l'Afrique comme si elle était une et indivisible. Il y a l'Union africaine, bien sûr, et je crois que le Canada a pris une mesure très importante en établissant une mission d'observation permanente à l'Union africaine. Mais il y a plusieurs Afriques, et elles sont souvent conflictuelles. Leurs potentiels sont très différents — M. Roberts y a fait allusion — en ce sens que beaucoup de pays africains prennent leur envol, tandis que d'autres sont coincés dans un cercle vicieux de conflits et de pauvreté.
    Nous devons nous positionner par rapport à ces différentes Afriques. Nous devons créer quelques points de contact stratégiques dans différentes régions représentant différentes dimensions de ces Afriques.
    J'ai posé cette question pour préparer la prochaine. Le Canada devrait‑il élaborer une stratégie africaine globale? Est‑ce même possible?
    Je pense à la carte du Mercator, par exemple, qui détruit ou déforme la position de l'Afrique dans le monde. On parle d'environ 25 % de la jeunesse mondiale. M. Kianza a parlé du potentiel économique. Est‑il seulement possible d'élaborer une stratégie globale ou le Canada ne devrait‑il pas plutôt se concentrer... Ce que nous avons réussi grâce à notre engagement contre l'apartheid en Afrique du Sud était plus strictement ciblé à une époque où, compte tenu de notre position dans le monde, nous pouvions peut-être faire toute la différence.
    Je vais inviter M. Roberts à s'exprimer en premier pour nous parler d'une stratégie très générale ou d'une stratégie plus étroitement définie.
    Le Canada doit se doter d'une stratégie globale et exhaustive pour le continent africain. Je ne sais pas pourquoi cela n'a jamais été fait. Nous l'avons fait pour l'Indo-Pacifique et pour d'autres régions du monde. Et nous en avons absolument besoin. Je dirais que nous en avons encore plus besoin pour le continent africain, parce qu'il n'y aura jamais de leadership politique durable dans ces relations.
    Il y en aura pour les États-Unis, pour la Chine et pour les pays euro-atlantiques. Cela dit, à défaut d'une véritable stratégie regroupant les multiples éléments des relations du gouvernement canadien, de concert avec les ONG et les entreprises... À défaut d'une fonction de coordination globale qui remplacerait peut-être le leadership politique, rien ne changera.
(1600)
     Je vous entends bien du point de vue canadien, mais qu'en est‑il du point de vue africain? L'Union africaine vient de publier un document intitulé « Agenda 2063: Vue d'ensemble ». Elle y expose « l'Afrique que nous voulons », et, sous ce « nous », je suppose que l'UA parle de son propre point de vue. Je comprends l'idée de rassembler les multiples volets de l'approche canadienne sous une approche plus globale, mais est‑ce que nous nous intéressons à toute l'Afrique ou à une sous-région?
    Vous avez parlé de l'Indo-Pacifique, mais ce n'est pas toute l'Asie. Je n'entends jamais la Thaïlande, la Corée ou l'Australie parler d'une stratégie nord-américaine. C'est toujours plus précis.
    Est‑ce que nous avons une vision panafricaine ou est‑ce que nous nous intéressons à une sous-région ou à ce que nous pouvons faire pour apporter une expertise?
    Je ne crois pas que le Canada en sache suffisamment pour se concentrer sur une sous-région, parce que le continent est énorme et que les choses changent. Nous avons besoin d'une présence dans le cadre d'une stratégie qui nous donne l'occasion d'être utiles quand nous devons l'être.
    Merci.
    Écoutons maintenant M. Chatel. Vous avez cinq minutes, monsieur.

[Français]

    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Merci, chers témoins, d'être parmi nous aujourd'hui.
    Monsieur Kianza, vous avez mentionné l'importance de faire un partenariat économique. J'ai deux questions pour vous.
    Tout d'abord, selon vous, quels sont les secteurs les plus prometteurs où le Canada pourrait amplifier son intervention et ses relations économiques avec le continent africain, notamment avec l'Union africaine?
    Le Canada intervient dans quelques secteurs clés. Nous sommes déjà très forts dans le secteur des ressources naturelles, par exemple. Il y a cependant d'autres secteurs dans lesquels nous pourrions approfondir notre intervention, comme l'énergie, l'infrastructure, l'agriculture, l'éducation, le génie et les technologies. Il y a tellement de domaines que nous pouvons toucher.
    Prenons le Québec, par exemple. Le Québec a quatre bureaux en Afrique. De notre côté, nous avons des partenaires comme 48e Nord International. Ce sont souvent de petites entreprises du domaine des technologies qui vont là-bas pour travailler avec leurs partenaires africains. On ne cherche pas autre chose. Elles partent en apportant avec elles seulement leur savoir-faire, que ce soit dans le domaine de la technologie, de la machinerie ou autres.
    Je vais vous donner un autre exemple. Nous avons eu une conférence avec le premier ministre du Burkina Faso, qui était accompagné du ministre responsable de l'agriculture et du ministre responsable de l'élevage. En Afrique, on importe presque tout. Or, au moment de la conférence, il a été question du fait que le Burkina Faso produisait beaucoup dans le domaine de l'élevage. Tout ce dont il avait besoin, c'étaient des abattoirs. Ici, nous avons déjà ce savoir-faire. Il s'agissait d'explorer la façon dont nous pouvions apporter notre savoir-faire là-bas.
    Il en va de même pour d'autres domaines, comme l'infrastructure et les transports. Pensons aux chemins de fer, par exemple. Nous avons déjà des connaissances que nous pouvons apporter là-bas. Nous sommes aussi des champions dans les domaines de l'énergie et des technologies.
    Par ailleurs, notre organisation a conclu un accord avec le Festival international du film de Toronto. Des gens du domaine du cinéma ont invité le Conseil canadien pour l'Afrique à être leur partenaire. Il s'agit d'inviter des Africains ici pour travailler en partenariat avec des Canadiens afin que ces derniers leur montrent comment bien produire leurs films, tout ce qu'ils peuvent faire à la postproduction et les technologies dont ils peuvent se servir. Nous accueillerons ces gens au mois de septembre. C'est une invitation à venir voir ce que nous faisons.
    Par ces initiatives, nous mettons en valeur l'expertise canadienne. Nous avons beaucoup de choses à offrir en ce qui a trait à notre savoir-faire, aux technologies et, surtout, à nos valeurs et à notre façon de faire des affaires. C'est ce que les gens apprécient des Canadiens. D'autres en ont peut-être plus à offrir sur le plan de l'argent et, à cet égard, nous ne pouvons peut-être pas concurrencer les Chinois, par exemple, mais les gens veulent travailler avec des Canadiens en raison de leur façon de faire des affaires et leur façon d'être. C'est ce qu'ils viennent chercher auprès des Canadiens.
(1605)
    Un peu plus tôt dans cette étude, nous parlions aussi de l'avantage du bilinguisme et de la francophonie. C'est un atout pour les Canadiens.
    Je suis entièrement d'accord avec vous. Vous avez cité des exemples dans divers secteurs. D'ailleurs, les secteurs que vous avez précisés ont aussi été mentionnés par d'autres témoins.
    Pouvez-vous nous dire rapidement quels sont les trois principaux obstacles qui empêchent le Canada d'en faire davantage en matière d'échanges commerciaux, selon vous?
    Tout d'abord, quand il est question de faire des affaires, il importe de définir en quoi cela consiste. De manière banalisée, on peut dire que, faire des affaires, c'est acheter et vendre. Or, pour acheter et vendre, il faut de l'information. Je pense que le premier obstacle est le manque d'information. On veut avoir suffisamment d'information ici au sujet de ces marchés.
    Le deuxième obstacle a trait à l'affectation de ressources. J'en ai parlé. Nos délégués commerciaux qui sont sur le terrain ont besoin de ressources. Partout où il y a des affaires, il faut que les ressources soient là.
    Quels autres obstacles y a-t-il? Certains peuvent dire qu'à certains endroits, il y a de la corruption, mais je n'entre pas là-dedans. Quand les gens ont l'information, ils trouvent leur façon de faire des affaires et d'entrer dans ces marchés.
    Merci beaucoup.

[Traduction]

     Merci.
    Monsieur Perron, c'est à vous. Vous avez cinq minutes.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Je remercie les témoins d'être parmi nous aujourd'hui.
    Monsieur Kianza, vous êtes sur une bonne lancée, alors poursuivons ensemble.
    J'aime beaucoup vous entendre dire que l'Afrique n'a pas tant besoin d'aide que d'activités économiques, de collaboration, de coopération et de façons de faire.
    Par exemple, pour mettre en valeur les productions locales, notamment en matière d'agriculture, le Canada et le Québec ont un système de gestion de l'offre qui est extrêmement efficace. Il y a d'ailleurs un projet de loi à l'étude au Sénat qui vise à s'assurer qu'on ne touchera plus jamais à ce système. Nous espérons qu'il sera adopté.
    Pensez-vous que c'est le genre de choses qu'on devrait implanter?
    Vous avez mentionné les bureaux du Québec. J'imagine que vous êtes au courant aussi des activités d'UPA Développement international dans le domaine de la coopération. J'aimerais vous entendre nous en parler davantage.
    C'est justement le genre de politiques que nous voudrions avoir.
    Je voudrais surtout insister sur un point, et c'est la question de la mentalité. Les Africains ne sentent pas que nous sommes des partenaires ou que nous manifestons même de l'intérêt à leur endroit. C'est à cet égard que nous demandons à notre gouvernement d'agir.
    Par exemple, avant de venir ici, j'ai parlé au président de notre conseil d'administration, Benoît Lasalle, qui est en Afrique depuis longtemps. Il m'a suggéré de tout simplement vous mentionner tout ce dont nous avons besoin et de vous laisser essayer de comprendre.
    Ce dont nous avons besoin, c'est justement d'implanter des organisations de ce genre. C'est dans ces conditions que les partenariats fonctionnent et qu'on voit que les entreprises vont faire des affaires ensemble.
    J'aime bien le modèle du Québec. Nous sommes un partenaire du ministère québécois des Relations internationales et de la Francophonie ainsi que d'Investissement Québec. Pourquoi? C'est parce qu'il faut être là, sur le terrain. Il faut y apporter nos modèles d'affaires et ce qui est gage de notre réussite ici.
    Ce qui est de première importance pour ces gens aujourd'hui, et même pour nos entreprises canadiennes, c'est de sentir que le gouvernement est là et qu'il les soutient. Qu'entend-on ici quand on parle de soutien? Ça veut dire que le gouvernement doit avoir une politique claire qui démontre son intérêt.
    Je vais vous donner un exemple. On a parlé de l'ancien premier ministre Brian Mulroney et de son engagement durant le temps de l'apartheid. On parlera de Jean Chrétien et de son engagement, en 2002, envers le Nouveau Partenariat pour le développement de l'Afrique. Il a accompagné les Africains et il était présent. Maintenant, on est complètement effacé. Les Africains ne savent même pas où le gouvernement canadien se tient, à cet égard. En fait, je ne suis même pas ici pour parler de la perspective des Africains, mais bien de celle des compagnies canadiennes, et même celles-ci ne savent pas où le gouvernement canadien se tient.
    Même quand nous faisons des projets de développement, nous n'avons pas d'information. Je dois chercher pour savoir qui est notre délégué commercial sur le terrain. Je dois chercher pour trouver même de l'information de base au sujet de ce qui se fait. L'information n'est pas communiquée. Pourquoi?
    Il faut qu'on transmette l'information. Il faut qu'on donne de l'information aux entreprises pour qu'elles comprennent l'engagement de notre pays. Voilà ce dont nous avons besoin.
(1610)
    Je comprends que la première étape serait de rendre l'information disponible. C'est la priorité, selon vous.
    Quelle forme cela devrait-il prendre? Avez-vous une recommandation précise à faire au Comité à cet égard?
    Comme mon collègue M. Roberts vient de le dire, il faudrait avoir une politique d'ensemble au sujet de l'Afrique, une politique qui soit inclusive.
    En 2022, à l'invitation du gouvernement égyptien, je suis allé en Égypte. Là-bas, nous nous amusions du fait qu'ici, on dit que l'Égypte fait partie du Moyen‑Orient et on la distingue du reste, alors qu'en réalité, elle est en train de faire des affaires avec l'Afrique. C'est la même chose dans le cas du Maroc. Je me suis arrêté un instant pour y réfléchir. Nous étions là en train de regarder déjà de quelle façon nous pouvions séparer le commerce, au lieu d'avoir une politique d'ensemble pour signifier d'abord que cette région nous intéresse.
    C'est donc la première chose à faire: nous devons dire que cela nous intéresse.
    Après avoir signifié notre intérêt, nous devons déterminer ce que nous devons faire. Nous devons avoir une politique et y consacrer des ressources. Notre politique doit dire clairement que le développement économique est très important. Certes, nous ne devons pas délaisser les programmes de développement, mais il faut les accompagner de développement économique. Cette politique à mettre en place doit donc être très claire.
    Pourriez-vous nous dire rapidement, en 30 secondes, comment vous voyez la mise en œuvre d'une telle politique? Est-ce que ça requiert d'avoir un plus grand nombre de bureaux?
    Comment compose-t-on avec les situations politiques qui changent rapidement? Il y a eu plusieurs coups d'État sur le continent. Comment doit-on s'ajuster à ça? Bien sûr, on ne peut pas contrôler la politique locale, mais il faut pouvoir protéger les investissements de nos entreprises.

[Traduction]

     Il vous reste 20 secondes.

[Français]

    D'accord.
    Dans le cadre d'une conférence à venir en Égypte au sujet des marchés africains, j'ai appelé nos ambassades, mais elles m'ont dit que leur budget avait été réduit. Je vous donne cet exemple. Nos ambassades et nos délégués commerciaux ne peuvent même pas fonctionner, car on a réduit leur budget. J'ai parlé avec une directrice générale pour l'Afrique et elle m'a dit également qu'elle n'avait pas de budget. Vous voyez, ce n'est pas sérieux. Il n'y a même pas de budget pour aider les délégués commerciaux déjà en poste. Vous voyez que, déjà, il y a un problème.

[Traduction]

    C'est au tour de Mme McPherson.
    Vous avez cinq minutes, madame.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Merci beaucoup pour cette conversation intéressante, messieurs.
    Ce que vous me dites tous les trois, c'est que le Canada n'a pas pris au sérieux son engagement envers le continent africain. Ce n'est pas quelque chose que je mets uniquement sur le dos du gouvernement actuel; c'est un problème que nous constatons depuis un certain nombre d'années.
    Vous savez, mon collègue conservateur a demandé à quelle position nous devrions classer l'Afrique, et je suis assez contrariée par cette formulation, car je pense que nous ne devrions pas choisir de première, de deuxième et de troisième place. Je n'aime pas cette idée.
    Il y a une chose qui me chicote plus particulièrement dans l'approche actuelle de ce gouvernement… Vous avez parlé de la nécessité d'une politique globale. Eh bien, au cours de la dernière année, nous avons vu cette politique passer d'une stratégie à un cadre, puis, lors de la dernière réunion, on nous a dit qu'il s'agissait désormais d'une approche. C'est une façon très peu sérieuse d'engager le dialogue avec le continent africain.
    Je ne le comprends pas. Je ne comprends pas les réductions de l'APD. Je ne comprends pas tout ce que nous voyons. Vous dites tous que nous devons réaliser plus d'investissements en Afrique et accorder une plus grande attention à ce continent, mais le gouvernement actuel nous signale que nous pouvons nous attendre, demain, à des coupes sombres dans le budget d'Affaires mondiales Canada. Comment convaincre le gouvernement de l'importance d'investir dans une occasion en or?
    De plus, pourriez-vous nous parler un peu de…? Monsieur Black, vous avez dit que l'Afrique jouait un rôle au centre des tensions mondiales. Nous savons que la Chine est présente en Afrique. Nous savons que Poutine est présent en Afrique. Nous, nous ne le sommes pas, et cette absence est très dangereuse pour la sécurité mondiale.
    Comme nous l'avons entendu la semaine dernière, nous avons actuellement 52 soldats de la paix sur le terrain. C'est inacceptable. Comment convaincre le gouvernement que nous devons en faire plus? Je suis consciente que c'est une question délicate.
    Je commencerai par vous, monsieur Black, puis j'inviterai vos collègues à commenter.
(1615)
    Il y a un problème plus important, à savoir que nous devons retrouver le sentiment que ce que nous faisons a de l'importance dans le monde. Si ce que nous faisons est important dans le monde, alors l'Afrique doit faire partie de ce calcul.
    Trop souvent, ce que nous faisons en politique étrangère consiste à nous contenter d'envoyer des signaux à des fins de politique intérieure. Ce dont nous avons besoin, c'est d'une sorte d'engagement sérieux à l'égard des enjeux face auxquels nous allons devoir vivre. Il s'agit de défis d'action collective. De défis d'ordre mondial.
    L'Afrique est au centre de ces calculs. Nous avons le potentiel, et nous avons, par le passé, joué périodiquement un rôle d'intermédiaire impartial entre le monde occidental et d'autres parties du monde. Ce rôle est plus que nécessaire. Trop souvent, je vois les gouvernements canadiens opter pour la sécurité, se réfugier dans les endroits qui leur semblent les plus familiers, plutôt que de penser à ce que nous pouvons faire pour essayer de nous y retrouver dans ce qui sera une transition très difficile, je crois, au cours des 20 prochaines années.
     Monsieur Roberts, avez-vous quelque chose à ajouter?
    Je ne sais pas comment nous pouvons convaincre un gouvernement en particulier de le faire, si ce n'est, en l'absence d'une meilleure politique globale, en ayant un meilleur rapport qualité-prix, même si les ressources n'augmentent pas. C'est ainsi. C'est peut-être comme cela qu'il faut vendre la chose, parce que, quand on a une politique qui dit que nous allons faire X, Y et Z, et que des jalons sont posés, il n'est pas nécessaire d'augmenter le budget, mais on peut être plus efficace de cette manière qu'en adoptant une approche tous azimuts ou si aucun groupe ne la soutient. Pour tout le monde dans la salle, ce serait mon cas. Une stratégie concentre les ressources de manière à accroître l'efficacité sans ressources supplémentaires.
    Essentiellement, vous dites que nous avons besoin d'une feuille de route. Nous avons besoin d'une carte pour savoir où nous allons au lieu de prendre des décisions ponctuelles.
    Monsieur Kianza, vous avez parlé de deux personnes bloquées quelque part dans les entrailles d'Affaires mondiales, qui étaient responsables des relations commerciales avec l'Afrique. Pouvez-vous nous dire ce que le gouvernement canadien pourrait faire de plus à cet égard?
    Oui. Je crois qu'un certain nombre de mesures sont prises. Comme je l'ai dit, il faut d'abord et avant tout mieux coordonner l'information. Bien des choses ont été accomplies, mais elles ne se rendent pas jusqu'aux gens qui pourraient avoir besoin de cette information. Je pense que la première chose dont nous avons besoin est une information bien coordonnée.
    Deuxièmement, il nous faut une mentalité, et cette mentalité doit être recentrée. Je pense que nous devons rajuster les choses plutôt que de nous concentrer uniquement sur le développement, parce qu'à l'heure actuelle, tout le monde se concentre sur le développement alors que la situation évolue.
    Quand on parle de partenariat, on parle de deux personnes. L'un des ingrédients clés d'un partenariat est la communication et qui dit la communication, dit écoute. Les Africains sont en quête de partenariats pour leur développement économique. Ils veulent se développer. Je pense que nous devons les écouter un peu plus. Selon moi, le gouvernement doit coordonner l'information et affecter les ressources nécessaires pour faire évoluer les mentalités.
    Merci, monsieur Kianza.
    Nous passons maintenant à M. Fast. Vous avez trois minutes pour poser vos questions.
    Messieurs, ce que j'entends de votre part et de celle de notre collègue du NPD, c'est qu'à l'heure actuelle, le Canada n'a pas d'importance sur la scène mondiale et certainement pas en Afrique. Nous devons rétablir la position du Canada sur la scène mondiale afin de pouvoir faire les investissements et nous engager dans des endroits comme l'Afrique qui feraient une différence, une vraie différence.
    Monsieur Black, je ne voudrais pas déformer vos propos, mais je crois que vous avez suggéré que l'Afrique a un potentiel économique plus important que n'importe quelle autre région.
    Oui. Sur le plan économique, mais c'est aussi parce que, franchement, si l'on se base sur la situation historique des pays africains, on voit qu'il n'y a rien d'autre à faire que d'aller vers le haut. Cette formulation peut sembler un peu brutale, mais il est clair que la population augmente et que les taux de croissance économique sont très rapides. Aucun autre endroit n'est confronté au même type de possibilités démographiques que l'Afrique. Je pense que le contexte africain offre d'énormes possibilités.
    J'aimerais ajouter quelque chose à ce que M. Roberts a dit plus tôt… Oui, allez‑y.
(1620)
    Merci, c'est que mon temps est limité.
    Je m'adresse à M. Kianza.
    Combien d'accords sur le commerce le Canada a‑t‑il conclu jusqu'ici avec les 54 pays d'Afrique?
    Allez‑y, je vous en prie.
    C'est une bonne question, parce que, comme je le disais, parfois…
    Y en a‑t‑il?
    Je pense que nous en avons quelques-uns; je pense que nous en avons 20.
     Je parle des accords sur le commerce, pas des Accord sur la promotion et la protection des investissements étrangers, les APIE.
    Si on parle d'accords de libre-échange, non, nous n'en avons aucun.
    Non.
     Nous avons quelques traités d'investissement. Combien de bureaux commerciaux avons-nous en Afrique, ce continent qui, selon M. Black, offre plus de possibilités que toute autre région du monde?
     À l'heure actuelle, je crois que nous en avons une vingtaine.
    Combien d'entre eux sont dotés par des agents du SDC? Nous avons beaucoup de personnel recruté sur place, mais le nombre de bureaux commerciaux qui, selon vous, sont bien dotés pour un continent de cette taille est un problème, et je suis tout à fait d'accord avec M. Kianza.
    Manquons-nous de ressources?
    Nous manquons cruellement de ressources. Tout cela… Il suffit de regarder l'importance du marché. Si nous pensions que le marché était important, nous y consacrerions suffisamment de ressources.
    Si vous deviez identifier…
    Je crains que votre temps soit écoulé, monsieur Fast.
    Déjà? Je m'excuse.
    Nous passons maintenant à M. Zuberi. Vous avez trois minutes.
    Merci, monsieur le président.

[Français]

    Merci aux témoins d'être ici aujourd'hui.

[Traduction]

    J'aimerais me concentrer sur la gouvernance.
     Monsieur Black, vous pouvez répondre.
     Il y aura 13 élections en Afrique en 2024, à ma connaissance. Vous avez dit que le Canada a joué un rôle unique au sein du G7 dans le passé. Comment voyez-vous notre contribution à la bonne gouvernance en Afrique en ce qui concerne ces 13 pays en 2024, mais aussi en général? Souhaitez-vous faire un commentaire?
    C'est un problème qui remonte bien avant 2024.
    L'un des défis auxquels nous sommes confrontés dans nos relations avec les pays africains est le profond sentiment de désaffection à l'égard du monde tel qu'il a été constitué. Il y a un sentiment de résistance anticoloniale. Dans une certaine mesure, la façon dont cela se passe est une réaction à la forme de démocratie libérale qui a été présentée aux gouvernements africains comme une conditionnalité.
     M. Kianza a parlé de la nécessité du dialogue. Il faut une approche dialogique. Ce besoin commence maintenant, mais se poursuit bien au‑delà des élections de cette période, et ne consiste pas à dire que nous savons comment faire les choses, et que c'est ainsi que les choses devraient être faites. Il s'agit d'écouter, de s'engager et d'être ouvert à la possibilité qu'il existe d'autres façons de mener une vie politique démocratique que celles que nous avons imaginées.
    C'est une réponse détournée et très théorique.
     L'autre chose que je dirais, c'est que la gouvernance ne concerne pas seulement les processus électoraux, mais aussi les processus administratifs. Elle concerne les possibilités d'investissement. Elle concerne la manière dont nous traitons les défis du secteur extractif. Toutes ces choses doivent faire partie de l'équation également.
    Certainement.
     Nous sommes le Comité des affaires étrangères et du développement international. Je dirais que le commerce, surtout, appuie les affaires étrangères et tout le reste.

[Français]

    Monsieur Kianza, pouvez-vous expliquer comment les relations économiques appuient les relations diplomatiques et permettent des relations plus étroites entre des nations?

[Traduction]

    Pouvez-vous nous en parler un peu?
    Bien sûr.
    Je vous demande de ne pas dépasser 30 secondes.
    Je peux vous en parler.
    La première chose à faire est de regagner la confiance. Pour que quelqu'un vous écoute…
    Nous parlons d'élections. Avant même de pouvoir donner des conseils, il faut gagner la confiance des peuples. À l'heure actuelle, les Africains ont l'impression que nous n'écoutons même pas leurs problèmes. Nous leur disons quelque chose, et ils nous disent quelque chose. Ils nous envoient des signaux différents et nous leur envoyons des signaux différents. Nous ne pouvons même pas être avec eux dans la même pièce.
    Il faut commencer par là. Les Africains veulent bâtir leur économie. Nous devons nous présenter à la table et leur dire que nous les entendons, que nous venons à eux et que nous pouvons travailler ensemble. En procédant de la sorte, on peut commencer à suggérer d'autres choses, parce que ce que nous avons fait auparavant n'est pas tout à fait à la hauteur.
     Ils ne veulent pas que quelqu'un vienne leur dire comment la démocratie devrait fonctionner Non. Ils veulent savoir…
(1625)
    Je crains de devoir vous interrompre, monsieur Kianza.
    Nous passons maintenant à M. Perron. Vous avez une minute et demie, monsieur.

[Français]

    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Monsieur Roberts, vous avez entendu l'échange que j'ai eu tantôt avec M. Kianza sur le sérieux de l'approche du Canada à l'égard de l'Afrique et sur les investissements. J'ai terminé mon intervention en abordant la question de la sécurité. Selon ce que je peux voir dans les notes d'information, vous avez une expertise à ce chapitre.
    Je ne sais pas jusqu'à quel point on comprend même ce qui se passe, quand il y a des coups d'État ou des revirements de situation. Cela dit, comment peut-on être mieux outillé? Dans un premier temps, il faut bien comprendre les situations, bien sûr, et il faut être présent. Au-delà de ça, quelles recommandations le Comité pourrait-il faire au gouvernement en vue d'assurer la sécurité des investissements qui pourraient être faits en Afrique?

[Traduction]

     Je vais devoir vous répondre dans ma langue.
    La question que vous me posez est elle aussi liée à ce dont M. Kianza et M. Black viennent de parler, à savoir que les coups d'État ne sont qu'une forme de gouvernance qui a mal tourné. Les gens ont perdu confiance dans le système politique, et les jeunes, qui n'ont pas d'emploi, semblent appuyer les coups d'État. Ils en font la promotion. Ils veulent du changement et ils sont prêts à appuyer un changement de gouvernement inconstitutionnel. Tout cela fait partie de l'insécurité que les gens ressentent, surtout au Sahel, mais aussi au Nigeria et ailleurs.
    Nous ne pouvons pas séparer la sécurité de la gouvernance et du développement, et c'est pourquoi nous avons besoin d'une stratégie. Nous ne pouvons pas séparer le commerce de la sécurité et du maintien de la paix. Nous avons besoin d'une stratégie qui reconnaît les liens qui existent entre eux, et nous devons avoir une présence qui témoigne qu'ils sont liés.
    Merci, monsieur Roberts.
    La dernière question revient à Mme McPherson. Il vous reste une minute et demie. Je vous en prie.
    Je vais profiter de ma minute et demie.
    Ce que j'aimerais dire, c'est que j'ai l'impression — ou c'est certainement ce que l'on croit — que le continent africain, les pays d'Afrique, ont beaucoup amélioré leur capacité de collaborer de façon cohérente, d'avoir une vision commune et de travailler ensemble à la réaliser. Je ne pense pas que notre pays ait réagi adéquatement à cela.
    Quelles sont les répercussions d'un mouvement panafricain plus fort, que ce soit dans des forums multilatéraux ou dans nos relations bilatérales?
    J'aimerais revenir en partie sur ce que j'ai dit dans l'une de mes premières réponses au sujet de la diversité de l'Afrique et souligner que les Africains ont toujours aspiré à être perçus dans le monde dans une optique panafricaine.
    Cela ne veut pas dire qu'ils n'ont pas d'idées différentes sur ce que signifie cette notion, mais ils se sont orientés de façon beaucoup plus systématique vers cette vision et vers son opérationnalisation. Cela signifie qu'ils fonctionnent de plus en plus en bloc dans divers contextes multilatéraux. Cela fait en sorte qu'il y a beaucoup moins de décideurs et beaucoup plus de défenseurs des politiques, du point de vue des affaires mondiales, et nous devons nous habituer à cette idée. Nous ne sommes pas dans la situation où nous faisions partie d'un bloc occidental imposant des conditions à des régions endettées du monde. Cette équation a changé, et ils ont un pouvoir qu'ils n'avaient pas auparavant, et ils savent comment l'utiliser.
    Monsieur Kianza, avez-vous quelque chose à ajouter? Je sais que mon temps est probablement écoulé.
    Effectivement, votre temps est écoulé, madame McPherson.
    Une minute et demie est vite passée.
    J'aimerais maintenant remercier M. Kianza, M. Black et M. Roberts. Nous vous sommes très reconnaissants de votre temps, de vos idées et de votre expertise. Merci.
    Nous allons suspendre la séance pendant environ cinq minutes.
(1625)

(1635)
     Bon retour à tous. Nous allons passer à la deuxième heure de témoignages aujourd'hui.
    Nous sommes très heureux d'accueillir quatre témoins. Tout d'abord, nous recevons le professeur Akuffo, de l'Université Fraser Valley. Nous sommes également très heureux d'accueillir Mme Meg French, de la Fondation Stephen Lewis.
    Nous recevons aussi M. Garreth Bloor, président, et Mme Paula Caldwell St-Onge, présidente du conseil d'administration, de la Chambre commerciale Canada-Afrique.
    Nous allons commencer par M. Akuffo. Vous avez cinq minutes pour votre déclaration préliminaire. Je vous en prie.
     Merci, monsieur le président, de m'avoir invité. Je vais être honnête et franc dans mes commentaires.
    Permettez-moi d'abord de féliciter le Comité pour cette importante étude sur l'approche du Canada à l'égard de l'Afrique. C'est un signe clair d'un engagement renouvelé envers ce continent.
    Monsieur le président, le Canada a au moins deux décennies de retard pour ce qui est d'approfondir son engagement sur le continent africain. Néanmoins, la région en est toujours à un moment charnière au chapitre de la sécurité et de la transformation économique. J'espère que cette étude aidera le Canada à miser sur ses forces passées, à retrouver sa position de force morale et à approfondir ses engagements dans la région.
    Dans cette optique, je tiens à recommander d'emblée que le Canada élabore une stratégie globale et cohérente pour l'Afrique. Cette stratégie devrait positionner le Canada en tant que partenaire clé de l'Afrique en matière de sécurité, de développement et de diplomatie. La stratégie doit être le tremplin qui permettra au Canada de jouer dans la cour des grands, comme il le faisait dans des dossiers particuliers sur le continent africain.
    Les principes fondamentaux de la stratégie devraient être le respect mutuel, la réciprocité et la non-indifférence avec l'agence africaine et son espace géopolitique et géoéconomique croissant. Pour être durable, une stratégie Canada-Afrique doit être résiliente et adaptable et elle doit être un produit vraiment multipartite qui résiste aux changements de gouvernement. Pour être efficace, la stratégie doit mettre en synergie la sécurité, le développement et les efforts diplomatiques.
    J'ai des recommandations précises à soumettre.
    Premièrement, la Stratégie de coopération économique Canada-Afrique qui est proposée doit faire partie intégrante d'une stratégie globale et cohérente pour l'Afrique.
    En matière de sécurité, le Canada doit diriger les efforts visant à renforcer la coopération interrégionale en matière de sécurité de l'Union européenne et de l'OTAN, ainsi que la capacité des centres d'excellence africains en formation au maintien de la paix, qu'il a aidé à établir au début des années 2000.
    Sur le plan de la diplomatie, le Canada doit augmenter le nombre de ses ambassades dans les États africains et établir des missions permanentes dans les communautés économiques régionales pour assurer l'efficacité et la visibilité de son engagement dans la région.
    En matière de développement, le Canada doit mettre en place des programmes innovateurs [Inaudible] inspirés du défunt Fonds canadien pour l'Afrique et du Fonds d'investissement du Canada pour l'Afrique, afin d'aider à renforcer les capacités des partenaires africains et canadiens.
    Un élément essentiel — et c'est ma dernière recommandation — d'une stratégie Canada-Afrique doit être un fonds spécial pour favoriser les partenariats en éducation entre les universités canadiennes et africaines, avec comme objectif de produire des recherches pertinentes sur le plan des politiques pour soutenir la stratégie pour l'avenir.
    Monsieur le président, le continent africain a toujours été un espace de concurrence géopolitique et géoéconomique. Malgré d'importants défis en matière de développement et de sécurité, y compris des menaces hybrides, l'Afrique devrait connaître la croissance économique régionale la plus rapide en 2024.
     Les communautés économiques régionales et les États membres de l'Union africaine entreprennent d'importantes réformes politiques pour renforcer la gouvernance démocratique, la paix et la sécurité, ainsi que le développement économique, grâce à des institutions comme l'Architecture africaine de paix et de sécurité et la zone de libre-échange continentale africaine. Ces éléments viennent renforcer l'agence africaine et son potentiel en tant que puissance majeure à l'avenir.
    Dans les faits, l'intérêt économique du Canada est en croissance, surtout en ce qui concerne le commerce des produits miniers et celui des marchandises, qui ont représenté respectivement 37 milliards de dollars et 16,2 milliards de dollars en 2023. Pourtant, dans l'ensemble, la région n'a jamais été une priorité en matière de politique étrangère pour les gouvernements canadiens, l'Afrique étant largement perçue comme étant pauvre et déchirée par les conflits.
    Je crois fermement que le Canada doit changer son comportement en matière de politique étrangère. Il ne fait aucun doute que le Canada a une identité morale en Afrique, étant donné son absence de bagage colonial et du fait qu'il n'est pas perçu comme belligérant. Cette manière douce positionne de façon unique le Canada comme un acteur majeur potentiellement attrayant dans la région.
    L'engagement du Canada doit refléter l'Afrique du XXIe siècle. Le Canada devrait donc, pour la première fois, élaborer une stratégie globale et cohérente pour l'Afrique, afin d'établir des partenariats mutuellement avantageux avec des acteurs africains et de protéger les intérêts canadiens pour l'avenir.
    Monsieur le président, si cela convient au Comité, je me ferai un plaisir de soumettre un mémoire détaillé de ma présentation.
    Merci beaucoup.
(1640)
     Merci beaucoup, monsieur Akuffo.
    Nous passons maintenant à Mme French, de la Fondation Stephen Lewis.
    Vous avez cinq minutes pour votre déclaration préliminaire. Je vous en prie.
     Merci beaucoup. Je suis très heureuse d'être ici aujourd'hui.
    Lorsque la Fondation Stephen Lewis a vu le jour, en 2003, deux millions de personnes mouraient chaque année de maladies liées au sida en Afrique subsaharienne, la plupart de ces personnes étant âgées dans la vingtaine, la trentaine et la quarantaine. Face à cette dévastation, des groupes de membres de la collectivité se sont mobilisés pour fournir des soins et du soutien aux personnes, ainsi qu'assurer leur dignité en fin de vie, et pour soutenir les enfants et les familles touchés par ces décès.
    En dépit de leur travail important, épuisant et vital, ces groupes et organisations ont eu un accès minimal aux fonds de lutte contre le VIH qui commençaient à être versés à l'échelle mondiale.
    Stephen Lewis et sa fille Ilana Landsberg-Lewis ont lancé la FSL pour mobiliser des fonds, afin de soutenir ces organisations communautaires, et 21 ans plus tard, nous continuons de défendre l'expertise des communautés et le pouvoir de la société civile en Afrique.
    Bien que l'épidémie de VIH ait considérablement évolué au cours de ces 21 années, il n'en demeure pas moins que la structure de la riposte internationale au VIH, de même que de l'aide internationale en général, n'a pas beaucoup changé. Les pays donateurs, dont le Canada, et les organisations qui y sont basées, continuent de détenir le pouvoir et de contrôler les ressources. Si vous ne pouviez retenir qu'une chose de mes observations d'aujourd'hui, j'espère que ce sera la suivante: Il faut transformer la façon dont le Canada interagit avec l'Afrique dans le cadre de sa coopération internationale, de sa diplomatie et de ses échanges commerciaux en général, une transformation qui doit être axée sur les besoins et les priorités des collectivités en matière de réduction de la pauvreté, de croissance économique et de respect des droits de la personne.
    Parlons d'abord de l'aide canadienne.
    Au Comité d'aide au développement de l'OCDE, le Canada a exprimé haut et fort son appui pour habiliter la société civile et résoudre la question de la fermeture des espaces civiques, mais il n'a pas pris suffisamment de mesures pour investir dans des organisations de la société civile solides en Afrique. Au cours de l'exercice 2022‑2023, environ 4,1 milliards de dollars au total en aide internationale canadienne ont été alloués par la voie de dépenses bilatérales et multilatérales pour tous les pays africains et pour des initiatives régionales. En comparaison, l'Ukraine a reçu 5,4 milliards de dollars cette année‑là seulement. Pour être un véritable partenaire des pays africains et de leur population, le Canada doit augmenter considérablement ce chiffre, dans le contexte d'une hausse de l'enveloppe globale de l'aide internationale.
    Je veux aussi insister sur la nécessité pour le Canada de veiller à ce qu'une part beaucoup plus importante de l'aide destinée à l'Afrique se rende jusqu'aux organisations et mouvements de la société civile pour appuyer leurs priorités. L'aide internationale du Canada continue de renforcer la relation coloniale avec le continent africain. Même si nous n'avons pas été des colonisateurs, nous pratiquons des pratiques coloniales dans notre aide. Le Canada doit délaisser les approches descendantes en matière d'aide internationale au profit d'une approche où les organismes communautaires, comme les partenaires de la Fondation Stephen Lewis, ont accès à un financement de base souple à long terme.
    Cela nécessitera une approche pangouvernementale. Des changements doivent être apportés au sein du Conseil du Trésor et d'Affaires mondiales Canada pour veiller à ce que l'aide internationale canadienne ne soit pas gaspillée pour soutenir des couches de bureaucratie dont l'objectif même est de réduire les dépenses injustifiées. Le fait est que les couches de bureaucratie et l'aversion aux risques financiers font en sorte que l'argent des contribuables est englouti dans des formalités administratives ou dans le paiement de la gestion de programmes par des ONG internationales et des organisations multilatérales, plutôt que de servir à faciliter le travail des organisations locales de la société civile qui ont l'expertise, les relations et l'expérience nécessaires pour atteindre les objectifs en matière de santé, d'autonomisation économique et de droits de la personne.
    Deuxièmement, l'augmentation et l'amélioration de l'aide internationale du Canada doivent s'accompagner d'un leadership en matière de droits de la personne et de santé publique dans les espaces multilatéraux et bilatéraux. Le Canada doit faire preuve de plus de franchise et de leadership dans ses actions visant à protéger la santé publique et à mettre fin aux violations des droits de la personne.
    À titre d'exemple de l'échec du Canada, on n'a qu'à penser à la longue histoire du Canada pour ce qui est de bloquer ou d'utiliser à mauvais escient l'Accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce de l'OMC, du Régime canadien d'accès aux médicaments à la COVID‑19, qui a coûté la vie à beaucoup trop d'Africains.
    Un autre exemple qui me vient à l'esprit aujourd'hui est la loi draconienne contre l'homosexualité en Ouganda, à laquelle le Canada ne s'est pas opposé adéquatement, et le projet de loi anti-LGBTQI récemment adopté au Ghana.
    Nous devons veiller à ce que l'aide internationale canadienne ne serve pas à financer des groupes qui font la promotion de violations des droits dans d'autres pays. Qui plus est, nous avons besoin d'une réponse pangouvernementale aux crises liées aux droits de la personne. Comment la diplomatie, les échanges commerciaux et l'aide peuvent-ils être utilisés ensemble pour protéger les droits et veiller à ce que les organisations de la société civile en Afrique disposent des ressources nécessaires pour répondre aux urgences et demander des comptes aux gouvernements? À quel niveau se situent les tracasseries administratives qui empêchent le Canada de prendre les mesures nécessaires, et comment pouvons-nous les éliminer? Où est la volonté politique de tous les partis de défendre ce qui est juste?
    Enfin, je ne peux pas parler des relations du Canada avec l'Afrique sans mentionner les répercussions disproportionnées et dévastatrices des changements climatiques sur les nations et les communautés africaines, ainsi que sur la vie et les moyens de subsistance des Africains.
    En 2022, l'ONU déclarait que les scientifiques ont longtemps noté que les pays d'Afrique étaient ceux qui contribuaient le moins aux émissions de gaz à effet de serre, mais que le changement climatique menaçait d'exposer jusqu'à 118 millions d'Africains parmi les plus pauvres à des sécheresses, des inondations et des chaleurs extrêmes d'ici 2030.
(1645)
     Les partenaires communautaires de la Fondation Stephen Lewis sont déjà aux prises avec des répercussions importantes des changements climatiques. Nous avons entendu de nombreux partenaires parler de la nécessité de rediriger le financement limité des programmes de santé vers l'adaptation aux changements climatiques, afin que les membres de leurs collectivités puissent survivre aux sécheresses et aux inondations. Le Canada doit agir, à la fois en réduisant considérablement sa contribution aux changements climatiques et en engageant de nouveaux fonds d'aide internationale pour la préparation et l'adaptation à ces changements, ainsi que leur atténuation, dans les communautés africaines, en appuyant des solutions conçues par les Africains pour leurs communautés.
    Merci. Je serai heureuse de répondre à vos questions.
    Merci beaucoup, madame French.
    Nous passons maintenant à la Chambre commerciale Canada-Afrique.
    Je crois comprendre que c'est M. Bloor qui va faire la déclaration préliminaire. Vous avez cinq minutes. Je vous en prie.
    Tout d'abord, en tant que présidente du conseil d'administration de la Chambre commerciale Canada-Afrique, j'aimerais vous remercier, monsieur le président, de nous avoir invités à témoigner.
    Je vais céder la parole à M. Bloor.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    D'après mon expérience, le Canada est un partenaire de choix pour les marchés africains. Cela ne tient pas seulement à ce que nous faisons ou pouvons faire, mais surtout à ce que nous sommes en tant que pays. Compte tenu des priorités budgétaires concurrentes, il est donc important pour moi de souligner que notre succès ne doit pas nécessairement dépendre d'importantes sommes d'argent public, mais plutôt d'un engagement constant en matière de commerce et d'investissement.
    Je crois que la clé de notre approche sur les marchés africains et sur le continent est un dialogue continu sur les politiques avec l'Union africaine. Nous sommes le seul pays du G7 à ne pas avoir encore planifié un sommet africain sur place. Les membres de notre Chambre de commerce nous le rappellent souvent en faisant remarquer que des pays comme la Russie, la Chine et l'Arabie saoudite, entre autres, tiennent des sommets en Afrique.
    Les pays africains dépassent encore une fois la moyenne mondiale projetée sur le plan économique. C'est la deuxième région qui connaît la croissance la plus rapide après l'Asie, avec un vaste espace ouvert pour le développement du potentiel agricole et des ressources naturelles, pour ne nommer que deux secteurs importants où le Canada peut accroître considérablement sa diversification du commerce. Dans ce dernier cas, plusieurs entreprises canadiennes du secteur des ressources naturelles ont remporté un succès retentissant en mettant à l'avant-plan les technologies propres liées aux changements climatiques et aux préoccupations environnementales. Je pense que c'est un modèle de ce qui est possible dans un éventail d'industries, notamment dans le contexte des chaînes d'approvisionnement à zéro émission, des minéraux critiques et de ces engagements précis. Comme l'a dit le fondateur d'Alibaba il y a quelques années à peine: « L'Afrique d'aujourd'hui est la Chine d'il y a 20 ans! »
    Les réussites du Canada en matière de libre-échange sont un modèle pour un continent qui s'est engagé dans cette voie en tant que clé de la prospérité. Les Africains et les membres de l'Union africaine nous disent souvent qu'ils souhaitent vivement que l'expertise canadienne continue à soutenir la mise en œuvre de l'accord de libre-échange continental africain. Je pense que le soutien continu et, espérons‑le, croissant du Canada est puissant. L'ancien président de notre conseil d'administration, Sebastian Spio‑Garbrah, est actuellement notre envoyé spécial au Ghana, à cet égard, au secrétariat du libre-échange de l'Union africaine. De plus, je pense que le Canada doit mieux faire connaître l'excellent travail bilatéral déjà entrepris qui est axé sur le développement économique.
    À son tour, le Canada pourra profiter des avantages d'une relation d'égalité en renforçant la primauté du droit et les normes envers lesquelles beaucoup se sont engagés, ce qui réduira le risque pour nos entreprises canadiennes. Le secteur privé du Canada peut jouer un rôle clé dans le développement économique qui est crucial pour l'ensemble du programme, et qui est essentiel à la stratégie de diversification du commerce du Canada. Je crois que le succès de l'intégration économique régionale à ce jour en Afrique démontre l'engagement de l'Afrique à l'égard du commerce intra-africain régional.
    Je pense qu'il est important de bien établir les éléments de base qui sont souvent déjà prévus dans le budget si nous voulons maintenir l'incroyable bonne volonté dont nous avons entendu parler de la part du continent africain. En ce qui concerne les délais de traitement des demandes de visa, je pense que nous voulons resserrer nos liens avec l'Afrique, mais il est essentiel que nous nous assurions que les Africains puissent visiter le Canada, surtout dans le contexte d'importantes conférences et tribunes. Par conséquent, je pense qu'il serait bon d'avoir des délais de traitement raisonnables et peut-être un mécanisme officiel pour faciliter la venue de délégations plus importantes à des événements légitimes au Canada dans des délais plus courts.
    Bon nombre de nos membres parlent fièrement d'Équipe Canada. Je pense que les entreprises doivent savoir que le gouvernement est conscient des marchés africains et qu'il s'intéresse sérieusement au continent africain dans le cadre de notre stratégie de diversification du commerce. Je sais que bon nombre d'entre nous aimeraient voir un mandat d'Équipe Canada semblable à celui que nous avons vu dans la région indo-pacifique.
    Notre organisation est entièrement financée par des commanditaires privés au Canada ainsi que sur les marchés africains. Même si nous n'avons pas de personnel à temps plein, nous sommes reconnaissants envers notre Service des délégués commerciaux, nos ambassadeurs et nos hauts-commissaires, qui participent à nos activités partout sur le continent. Ce ne sont pas tous les marchés importants qui sont couverts. Il ne serait pas mauvais que le Service des délégués commerciaux dispose de plus de ressources pour appuyer les organismes à qui on demande d'exécuter des programmes.
    Nous remplissons notre mission d'accélérer les échanges commerciaux et les investissements entre le Canada et l'Afrique grâce à des événements de réseautage et d'échange de renseignements de calibre mondial. Nous le faisons par le biais de conférences, d'un réseautage interentreprises, et d'échanges d'idées sur les stratégies et les politiques qui rassemblent des penseurs et des dirigeants des secteurs public et privé. Le mois prochain, par exemple, nous serons à Washington pour mettre l'accent sur la collaboration Canada-États‑Unis avec nos partenaires africains, surtout dans des domaines comme les minéraux critiques, dans le contexte de nos engagements envers le G7.
    Je suis très heureux d'être ici avec chacun d'entre vous aujourd'hui, ainsi qu'avec la présidente de notre conseil d'administration, et je me ferai un plaisir de répondre à vos questions.
    Merci, monsieur le président.
(1650)
     Merci, monsieur Bloor.
    Nous passons maintenant aux questions des députés.
    Pour le premier tour, chaque membre dispose de quatre minutes. Lorsque vous répondez, si vous voyez que je vous fais signe, cela signifie que vous devez vraiment conclure en 15 secondes.
    Je crois que le premier député à poser des questions sera M. Fast. Vous avez quatre minutes.
    Merci beaucoup à tous nos témoins.
    Monsieur Bloor, j'ai été intrigué par votre commentaire selon lequel les succès commerciaux du Canada — je suppose que vous faites référence à nos succès commerciaux passés — pourraient servir de modèle pour notre engagement en Afrique. Pourriez-vous nous en dire un peu plus à ce sujet?
    Le Canada a certainement un grand nombre d'accords de libre-échange à l'échelle mondiale, et je pense que c'est quelque chose qui suscite beaucoup d'admiration dans un pays de libre-échange, ce que nous sommes. C'est dans ce contexte que, dans les conversations à l'Union africaine auxquelles j'ai fait allusion, on souhaite vivement que l'expertise canadienne participe à la mise en œuvre continue de la zone de libre-échange continentale africaine. Je pense que cela tient à l'idée que le Canada est un partenaire de confiance et un arbitre honnête, pour reprendre des expressions déjà mentionnées. C'est le contexte précis: c'est notre succès mondial en matière d'accords de libre-échange à ce jour.
(1655)
    Dans le même ordre d'idées, l'Afrique du Sud est un important intermédiaire de pouvoir dans la région et un pays très protectionniste. C'est un défi de négocier avec l'Afrique du Sud, et j'ai certainement pu voir, à l'Organisation mondiale du commerce, les pays des BRICS — comme le Brésil, la Chine, la Russie et l'Afrique du Sud — bloquer souvent le consensus sur la libéralisation du commerce. Cela peut être très frustrant.
    Ma question est la suivante: dans quelle mesure l'Afrique du Sud oriente‑t‑elle la politique de l'Union africaine, surtout en matière de commerce?
    Comme je ne fais pas partie de l'Union africaine, mais que j'ai une perspective plus commerciale, je peux parler des commentaires que nous recevons dans nos forums.
    De plus en plus, nous voyons un certain nombre d'autres pays africains se hisser sur le devant de la scène, et nous constatons que parfois, la prédominance d'un pays particulier à l'Union africaine peut refléter le fait que la direction ou la présidence de l'UA est attribuée à ce moment‑là à un pays spécifique. Cependant, je pense que nous entendons un éventail de plus en plus large de voix au sein de l'Union africaine, et que c'est en grande partie lié à la proportion de l'activité économique dans ce pays particulier.
    Pour ce qui est de la bonne volonté à l'égard du Canada dans son ensemble, je constate que l'appréciation et le respect de l'ambition africaine d'un marché unique au fil du temps, la reconnaissance de cette aspiration, sont très puissants pour démontrer que le Canada ne cherche pas seulement à commercer de façon continue avec un ou deux grands pays qui ont souvent été dominants par le passé, mais qu'il a en fait un point de vue cohérent avec la vision panafricaine d'un marché africain unique. J'aimerais ajouter quelque chose, si vous me le permettez.
    Êtes-vous en train de dire que le Canada devrait s'efforcer de se positionner pour négocier un accord commercial élargi, un accord commercial panafricain, plutôt qu'une série d'accords bilatéraux?
    Je pense que nous ferions bien de respecter... Je ne vois rien de mal à cela, mais c'est un jeu à long terme, parce qu'à l'heure actuelle, je pense que l'Union africaine, et certainement les dirigeants africains, tiennent à cet échange technologique et technique. Nous l'avons vu dans certaines des contributions du Canada au développement de la zone de libre-échange continentale africaine.
    Nous avons les signataires, et maintenant je pense que la mise en œuvre est essentielle, mais je crois qu'une aspiration déclarée à cette fin serait probablement très bien accueillie sur le continent africain.
    L'autre préoccupation concerne la sécurité des investissements. Lorsque les Canadiens investissent en Afrique, ils veulent s'assurer que ces investissements sont sûrs, et c'est un peu difficile. Nous le constatons maintenant au Mali, où Barrick, une bonne société aurifère canadienne, s'inquiète de ce que l'ingérence russe dans ce pays pourrait signifier pour ses investissements.
    Avez-vous quelque chose à dire à ce sujet?
    Oui. Je dirais que dans de nombreuses régions où il y a de l'instabilité, cela reflète souvent beaucoup de choses sur lesquelles il faut se pencher. Cela ne concerne pas ce cas en particulier, mais nous avons rencontré des collectivités minières, et nous avons parlé à une entreprise canadienne locale qui nous a dit: « Écoutez, nous n'avons pas été touchés par cette transition, parce que la collectivité dans laquelle nous exerçons nos activités est très satisfaite de ce que nous faisons. »
    Une bonne partie des conflits ou des problèmes concernant la prise de contrôle sont liés à des défis beaucoup plus importants sur le plan de la gouvernance et de l'accès aux ressources. C'est pourquoi je pense que les points d'une stratégie sont très clairs, parce que l'aspect institutionnel doit faire partie de la stratégie et coïncider avec le développement économique.
     Merci. Nous vous en sommes vraiment reconnaissants, monsieur Bloor.
    Nous passons maintenant à Mme Damoff. Vous avez quatre minutes.
    Je dois vous dire, monsieur le président, que quatre minutes, ce n'est pas très long.
    Madame French, je vais commencer par vous. J'ai assisté, début mars, à un petit-déjeuner des Nations unies sur le sida où l'on a exprimé de très sérieuses préoccupations au sujet de la situation actuelle en Afrique. Des progrès ont été réalisés dans la lutte contre le sida, mais on commence maintenant à voir un recul, en particulier pour les femmes et les filles.
    Je me demande si c'est ce que vous constatez et si vous pouvez peut-être nous parler de la situation actuelle et nous dire ce que vous pensez de la lutte contre le sida en Afrique.
(1700)
    Bien sûr.
    De toute évidence, il y a eu d'énormes progrès. Je pense que ce que nous voyons maintenant, c'est l'impact des violations des droits de la personne et des inégalités entre les sexes sur les groupes marginalisés. Vous voyez, par exemple, que les taux de VIH et de nouvelles infections chez les adolescentes et les jeunes femmes sont très élevés. Ils sont trois fois plus élevés que chez leurs homologues masculins, par exemple. Vous voyez que les taux de VIH parmi ce qu'on appelle les « populations clés » — les hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes, les professionnel(le)s du sexe, les femmes trans, les personnes en prison et les consommateurs de drogues injectables — sont beaucoup plus élevés qu'ils ne le sont dans la population en général parce que la discrimination et la peur de demander des soins de santé les mettent de plus en plus en danger. Essentiellement, il y a des lois qui les en empêchent.
    Il est vraiment nécessaire que nous continuions à investir dans les communautés, parce que nous savons que ce sont les organisations communautaires et les ripostes au VIH qui ont vraiment aidé à rejoindre les communautés. Nous l'avons vu avec la COVID. Nous avons constaté que l'expérience de ces groupes dans la riposte au VIH a permis aux groupes communautaires de rejoindre des personnes qui n'avaient pas accès au système de soins de santé plus traditionnel pendant la pandémie de COVID‑19. C'est un investissement vraiment important.
    Il est également important que nous ne reculions pas sur cet investissement, car même si les gens ne meurent pas au même rythme, il y a encore des millions de personnes vivant avec le VIH qui doivent rester sous traitement. Si vous suivez un traitement, cela peut aider à prévenir la propagation de la maladie, et c'est ainsi que nous finirons par mettre fin au sida.
    Nous ne pouvons pas laisser ralentir les progrès réalisés. Nous ne pouvons pas mettre fin à l'investissement continu, au soutien continu aux gouvernements et aux organisations communautaires afin de pouvoir atteindre les personnes à risque du VIH ou celles qui sont actuellement sous traitement. Nous n'avons pas terminé le travail que doit faire la communauté mondiale et nous devons continuer à investir.
    Merci.
    Il ne me reste qu'environ une minute, mais j'aimerais vous poser une question sur les changements climatiques également, parce que le continent africain est celui qui a le moins contribué aux changements climatiques, mais qui en est le plus touché. Cette question a été soulevée lors d'une conversation que j'ai eue récemment. On s'attend à ce que ces pays investissent autant que d'autres pays dans l'infrastructure.
    Vous pourriez peut-être nous en dire un peu plus sur la façon dont un pays comme le Canada peut soutenir l'infrastructure nécessaire pour faire face aux changements climatiques.
    Les gens dépendent de l'industrie agricole ainsi que de l'agriculture à petite échelle pour leur alimentation ou leur revenu sur le continent. Ils sont grandement touchés par les changements climatiques. Je pense qu'il est important d'appuyer les autres méthodes d'agriculture, la technologie et le savoir-faire, qu'il s'agisse d'agriculture à petite ou à grande échelle.
    Il est également important de se préparer aux sécheresses ou aux inondations. En parlant à nos partenaires, nous apprenons que les gens sont souvent déplacés. L'effet cumulatif de cela, c'est que les gens n'ont pas accès aux soins de santé dont ils ont besoin et à l'éducation dont ils ont besoin, et qu'ils sont continuellement à risque.
    Merci.
    Nous passons maintenant à M. Perron.
    Vous avez quatre minutes.

[Français]

    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je remercie les témoins d'être parmi nous et de nous accorder de leur temps aujourd'hui.
    Monsieur Akuffo, je vais d'abord m'adresser à vous. J'ai trouvé votre allocution d'ouverture très intéressante. Vous avez parlé d'avoir une stratégie cohérente, un cheminement global. Vous avez également parlé d'un centre de maintien de la paix. En effet, on se pose beaucoup de questions sur la sécurité. Il a aussi été question d'avoir plus d'ambassades et de bureaux régionaux.
    Par contre, il faut se rendre à l'évidence: les témoins précédents ont dressé des constats sévères quant au niveau d'investissement du Canada en Afrique, comparativement aux investissements qu'il fait dans d'autres régions du monde.
    Si on avait à établir des priorités, par quoi devrait-on commencer pour améliorer la situation?

[Traduction]

     La question s'adresse à moi. D'accord, bien sûr. Je suis désolé, je n'ai pas saisi ce que vous disiez au début.
    Je pense que notre priorité ou notre investissement devrait se rattacher à ces trois domaines dont j'ai parlé: la sécurité, le développement et la diplomatie. Pour répondre à votre question, je dirais qu'il faut examiner la synergie entre les trois. Nous ne pouvons pas seulement nous concentrer sur, disons, l'investissement dans le secteur économique, dans les mines par exemple, parce que la viabilité de notre investissement va dépendre en grande partie de la sécurité ou de la stabilité des États africains. Par conséquent, il faut voir aussi comment nous nous engageons à faire progresser ces États, ce qui signifie que notre investissement dépend à la fois de la sécurité et de notre engagement diplomatique sur le continent africain.
    Pour vous répondre, je dirais que nous devons adopter une approche globale à l'égard du continent et exprimer clairement nos intérêts dans ces trois domaines que sont la sécurité, le développement et la diplomatie.
(1705)

[Français]

    Merci.
    Monsieur Bloor, je vous voyais opiner de la tête pendant que je posais ma question et pendant que M. Akuffo y répondait. Voulez-vous faire des commentaires à ce sujet?
    Permettez-moi de répondre à la question pour ajouter aux propos de M. Akuffo.
    La question était de savoir comment on peut aborder ce qu'on appelle la synergie entre le commerce, la diplomatie et le développement. On dit toujours que la pierre angulaire de tout investissement, c'est bien sûr la sécurité. C'est la base. C'est ce qu'on voit dans les autres pays du monde. Après ça, on regarde vraiment la synergie entre le développement et le commerce international. On peut avoir beaucoup de programmes de développement qui visent le développement économique des pays, comme ce que les Africains nous demandent, mais qui vont aussi contribuer à la sécurité et à l'établissement d'une structure dans laquelle les compagnies canadiennes qui veulent moins de risques se sentiront à l'aise d'aller explorer les marchés de l'Afrique.
    Alors, il s'agit vraiment de considérer ça comme des étapes, comme M. Akuffo l'a dit.
    La base, c'est donc la sécurité.
    Pour ce qui est de la première étape, est-ce que vous avez des recommandations précises? Vous pourrez toujours nous les envoyer par écrit, si vous n'avez pas le temps de nous les donner maintenant.
    Bien sûr, nous pourrons vous faire parvenir des détails par écrit plus tard.
    Je dirais qu'il faut vraiment se concentrer sur les forces du Canada. Parmi celles-ci, on retrouve notamment les technologies financières, les technologies vertes, l'agriculture, l'éducation et l'industrie minière. Il s'agit d'abord de regarder où se situent nos forces et ensuite de regarder dans quels domaines l'Afrique cherche à établir des partenariats avec nous. À ce moment, nous pourrons nous concentrer à certains endroits.
    C'est d'ailleurs une recommandation que je ferais. Nous ne pouvons pas être présents partout en Afrique. Nous n'avons pas les ressources pour le faire. Nous n'avons pas non plus les programmes pour aider nos compagnies à aller explorer les marchés en Afrique. Nous n'avons pas assez de programmes qui offrent cette possibilité.
    Merci.

[Traduction]

    Nous passons maintenant à M. Cannings.
    Soyez le bienvenu, monsieur Cannings. C'est bon de vous revoir.
    Vous avez quatre minutes.
    Quatre minutes, ce n'est pas beaucoup par rapport à d'autres comités, mais je vais essayer de m'adapter.
    Je vais commencer par Mme French.
    J'étais au Kenya et au Rwanda il y a quelques semaines, où nous avons rencontré de nombreux réfugiés, des migrants, dont certains vivent dans des camps de réfugiés depuis plus de 30 ans. Au Soudan, au Soudan du Sud, au Tchad et en Somalie, les gens sont pris dans une spirale de sécurité alimentaire précaire, de violence et de déplacement. Cette crise grandissante a de fortes répercussions de genre, les femmes et les filles étant exposées à un risque accru de violence sexiste.
    Qu'est‑ce que le Canada peut faire? Comment s'y prendre pour dénouer ces liens entre l'insécurité alimentaire et la violence sexuelle et sexiste?
    Il faudrait poser la question aux gens eux-mêmes. Au bout du compte, les collectivités savent ce dont elles ont besoin. La plupart du temps, ce qui leur manque, ce sont les ressources pour faire le travail qu'elles ont à faire ou pour régler les problèmes auxquels elles font face, les plus grands défis qui se posent à elles.
    Le Canada investit beaucoup d'argent dans des ONG internationales et des organismes multilatéraux de grande taille. Il nous est très difficile ainsi d'amener l'aide canadienne sur le terrain à des organismes communautaires qui peuvent réagir rapidement, qui connaissent les enjeux, les parties en présence, la culture, l'histoire. Ils pourraient intervenir, mais ils n'ont tout simplement pas les ressources pour le faire et ne peuvent donc pas peser de tout leur poids dans la balance.
(1710)
     D'accord, merci.
    Monsieur Akuffo, vous avez soulevé le point que le Canada ne semble pas prendre au sérieux son rôle diplomatique en Afrique ou qu'il devrait... Nous avons entendu des rumeurs à ce sujet de différentes sources au Kenya et au Rwanda également. D'autres pays déploient pleinement leurs ambassades sur le continent africain, mais pas le Canada.
    Nous avons joué un rôle important dans le passé. Pourquoi ne pas y revenir sérieusement? Pouvez-vous nous dire pourquoi le Canada ne répond pas à l'appel et ce qu'il devrait faire?
    Si le Canada ne l'a pas fait, c'est en partie parce que nous avons entièrement réorienté nos efforts vers l'Afghanistan au début des années 2010. Si vous vous souvenez bien, en 2002, le Canada invitait pour la première fois des dirigeants africains à la conférence de Kananaskis, sous la gouverne de l'ancien premier ministre Chrétien.
    C'est l'élan que le Canada se donnait. En fait, nous pouvions faire jouer beaucoup de ressorts diplomatiques... Nous marquions beaucoup de points diplomatiques à l'époque. Par exemple, les dirigeants africains ont appuyé la création de la Cour pénale internationale, la responsabilité de protéger et le régime de certification de Kimberley, qui vise à écarter les diamants de la guerre, mais nous avons ensuite fait marche arrière. C'est pourquoi je dis que nous avons perdu notre élan diplomatique, parce que nous nous sommes retirés de ces dossiers‑là.
    Je pense que le Canada a été un des premiers pays à obtenir le statut d'observateur à l'Union africaine lorsqu'elle a succédé à l'Organisation de l'unité africaine en 2002, mais nous avons tardé jusqu'en 2020 environ à établir une mission permanente. Voilà tout l'élan que nous avons perdu en deux décennies.
    Merci.
    Nous allons maintenant passer au deuxième tour, avec trois minutes chacun.
    Nous commençons par M. Aboultaif.
    Merci, monsieur le président, et merci aux témoins.
    Madame Caldwell St‑Onge, vous représentez deux mondes: Affaires mondiales d'un côté et la Chambre commerciale Canada-Afrique de l'autre. Vous me semblez avoir une solide expérience des affaires.
    Des pays comme la Chine ont trouvé un moyen de s'implanter en Afrique et d'y faire de très bonnes affaires. Voyez-vous une façon pour le Canada de faire de même, d'après votre expérience dans les deux mondes?
    Je suis à la retraite. Je ne parle pas au nom d'Affaires mondiales, monsieur le président.
    Comme chacun sait, la Chine est présente en Afrique depuis longtemps. Elle était là avant tout le monde, depuis 30 ou 35 ans. Il s'agit toujours d'entrer dans le jeu dès le début. Nous étions dans le jeu, comme l'a dit M. Akuffo, et maintenant nous devons y revenir.
    Comment nous y prendre? Je pense que votre comité et d'autres aussi peuvent offrir de très bonnes recommandations sur la collaboration avec les gouvernements, mais aussi avec le secteur privé et les entreprises. Nos entreprises ont très envie d'aller en Afrique. Il y a des pays qui offrent la sécurité recherchée en Afrique et qui se marient très bien avec les atouts canadiens. Il s'agit d'apporter à nos entreprises suffisamment de soutien pour qu'elles aillent en Afrique voir s'il y a des débouchés pour elles.
    Il faut commencer quelque part. J'ai aussi une formation en commerce international. J'ai fait des affaires dans cette partie du monde. L'Afrique du Nord m'apparaît l'endroit idéal pour commencer, en Égypte, par exemple, et dans d'autres pays comme la Tunisie, etc.
    Où pouvons-nous vraiment commencer à pénétrer le marché? Nous savons que c'est bon pour nous, mais nous ne pouvons pas nous étendre dans 54 pays. C'est une grande région de 1,2 milliard d'habitants. Par où commencer? Quel pays serait un bon cas d'espèce pour commencer à nous implanter sérieusement en Afrique?
(1715)
    Je peux nommer quelques pays qui nous ont approchés et qui veulent vraiment faire des affaires. Nous étions récemment au Kenya...
    Pourriez-vous nommer ces pays?
    Il y a le Kenya qui nous a approchés. Nous y avons tenu une conférence d'affaires. Nous sommes allés en République démocratique du Congo, où nous avons des intérêts miniers et d'autres aussi dans la partie sud du pays. Nous sommes allés en Afrique du Sud. Évidemment, c'est toujours un point de départ, puisque nous avons maintenant des investissements au Canada qui viennent de l'Afrique du Sud. Il y a le Ghana aussi, comme nous l'avons entendu. Il y a la Côte d'Ivoire. Il y a de nombreux pays où les entreprises canadiennes...
     Est‑ce que nous prenons ces demandes au sérieux? Croyez-vous que oui?
    Bien sûr. Ce sont nos membres, alors nous les appuyons, nous tenons des congrès d'affaires chez eux. Nous allons tenir notre quatrième en septembre au Zimbabwe, et il s'agit d'une initiative du secteur privé. C'est lui qui nous finance.
    Il y a aussi le Maroc, ce qui est intéressant. Le Conseil canadien des affaires se rendra au Nigéria un peu plus tard. Il disait dans son rapport sur l'Afrique pourquoi nous devrions aller là‑bas, en Égypte, en Afrique du Nord, où le Maroc est un membre important. Nous avons examiné...
    Il n'y a plus de temps, madame St‑Onge.
    Nous passons maintenant à Mme Fry. Vous avez trois minutes.
    Merci, monsieur le président. On ne va pas bien loin en trois minutes.
    Ce sont d'excellents groupes de témoins, le premier et maintenant celui‑ci.
     Je pense que nous devons changer notre façon de voir l'Afrique. Nous pensions savoir ce qu'était l'Afrique; c'était toujours la pauvreté, l'aide, etc. Maintenant, je vous entends dire qu'il y a trois domaines dans lesquels nous devrions investir. Je pense que l'un d'eux est le développement économique, évidemment, avec la création d'emplois, le savoir-faire et la compétence. Nous sommes tous d'accord.
    J'ai une autre question au sujet de la santé. Vous êtes la seule personne à avoir parlé d'infrastructure de la santé. Si les gens ne sont pas en santé, ils ne peuvent pas travailler. S'ils n'ont pas d'éducation, comme vous l'avez dit plus tôt, monsieur Akuffo, ils ne peuvent pas travailler. Il ne faut pas s'en tenir uniquement au commerce ou au développement économique. Il faut envisager un portrait global qui comprend des gens en bonne santé, des gens instruits et formés qui sont capables de travailler.
    J'ai une question.
    J'adhère à tout cela, tout le monde en a parlé. Voici ma question. Nous parlons de 54 pays en Afrique. Est‑ce qu'il faut commencer par l'Union africaine? L'Europe comprend 57 pays et plus, et nous traitons avec l'Union européenne. Est‑ce que l'Union africaine serait le point central où commencer à travailler pour créer une sorte de synergie entre les pays africains? C'est ce que j'aimerais savoir, parce que l'Afrique est très diverse et très disparate à bien des égards.
    Vous parlez de la richesse de l'Afrique du Nord. Vous parlez d'autres pays qui se portent bien — l'Afrique du Sud, le Kenya, etc. —, mais il y a d'autres pays où les institutions démocratiques laissent à désirer et où la corruption fait rage. Comment peut‑on construire quelque chose dans ces pays‑là? Comment peut‑on s'attaquer à ces problèmes‑là? Faut‑il aller à l'Union africaine, ou bien faut‑il traiter avec les pays un à un? Dans ce cas‑là, nous n'avons pas de stratégie africaine; nous avons un grand nombre de stratégies bilatérales.
    Je veux simplement obtenir des réponses, parce que c'est assez difficile et complexe.
    Allez‑y, monsieur Akuffo.
    Je pense que le Canada devrait avoir un engagement diplomatique à trois niveaux avec le continent africain: avec les États, avec les communautés économiques régionales et avec l'Union africaine.
    Dans mon exposé, j'ai souligné que le Canada a besoin d'établir des missions diplomatiques permanentes dans d'autres communautés économiques régionales. On en compte cinq en Afrique: celles de l'Afrique de l'Est, de l'Afrique de l'Ouest, de l'Afrique centrale, de l'Afrique du Nord et de l'Afrique australe. Nous devons établir des liens diplomatiques avec chacune d'elles. Nous devons aussi accroître le nombre de nos missions en Afrique. À l'heure actuelle, nous en avons 17 dans 54 pays. Je pense que c'est nettement insuffisant.
    Nous devons également renforcer la relation avec l'Union africaine.
    Merci beaucoup.
    Merci.
    Monsieur Bloor...
    Merci. Je crains que votre temps soit écoulé, madame Fry.
    Nous passons maintenant à M. Perron. Vous avez une minute et demie.
(1720)

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Sans perdre de temps, je vais continuer sur la même lancée. J'aimerais entendre votre opinion, madame Caldwell St‑Onge, sur la question régionale. Quand on vous a posé la question tantôt, vous avez mentionné le Kenya, entre autres. Comment se fait-il que l'Union européenne soit en chantier là-bas, tandis que nous n'y sommes pas?
    Comment devrions-nous procéder? Souvent, nous nous demandons s'il faudrait procéder par région ou par pays. Je pense qu'il faut commencer par un cas particulier, qui servirait d'exemple ailleurs.
    J'aimerais entendre votre opinion là-dessus.
    C'est au gouvernement de choisir le pays et de décider comment il procédera.
    J'aimerais bien revenir sur quelque chose que M. Akuffo a dit au sujet des communautés économiques régionales, ou CER. On voit des CER qui travaillent très bien ensemble. Le Kenya fait partie de la Communauté de l'Afrique de l'Est, qui regroupe des pays qui sont plus sécuritaires, pour la plupart. Des compagnies sont donc désireuses d'aller dans cette région. Il y a aussi la Communauté de développement de l'Afrique australe, une région située à la pointe de l'Afrique. Il y a aussi ces régions où l'on pourrait avoir des discussions régionales. Je suis fortement en accord là-dessus. Il y a des régions où ça marche déjà. Je pense notamment au commerce intra-africain dans la région de l'Est. Là, ce serait très intéressant.
    De plus, dans le cas de certains pays, des gens viennent nous voir directement, à la Chambre commerciale Canada-Afrique, pour nous demander de leur trouver des compagnies qui iraient chez eux.
    Merci.

[Traduction]

     Pour la dernière question, nous passons à M. Cannings.
    Vous avez une minute et demie.
    Je reviens à Mme French.
    Vous avez mentionné que le Canada devrait investir davantage dans des projets qui partent de la base plutôt que du sommet. Chaque fois que je voyage avec des groupes canadiens à l'étranger et que nous parlons à des ambassades, on nous montre souvent des projets canadiens de ce genre, menés surtout avec des groupes de femmes, des organismes communautaires et des petites entreprises. Est‑ce le genre de choses que nous devrions faire davantage?
    On nous dit aussi que nous devrions doubler notre budget total de l'aide internationale. Est‑ce le genre de choses que vous aimeriez voir?
    Je vais remettre en question une expression que vous avez employée, celle de « projets canadiens ».
    Cette expression en dit long sur la nature de la relation d'aide que nous entretenons avec le continent. Ce ne devrait pas être « nos » projets.
    Nous avons actuellement un système qui demande aux organisations canadiennes de décider ce qui doit se passer dans une collectivité, puis d'engager des groupes communautaires pour mettre en œuvre les projets qu'elles ont conçus. Voilà ce qu'on demande aux organismes de bienfaisance canadiens. Cela commence tout juste à changer, mais par l'entremise d'Affaires mondiales Canada, c'est encore ainsi que cela fonctionne.
    Autrement dit, ce ne sont pas des solutions africaines aux problèmes africains; ce sont des gens installés à Toronto ou à Ottawa qui arrivent avec les solutions qu'ils ont trouvées ou qu'ils empruntent à l'expérience d'autres pays.
    Oui, absolument, nous devons investir davantage dans le travail communautaire local, mais ce travail doit être dirigé par les organisations locales, avec l'appui des organisations canadiennes, en véritable partenariat.
    Merci beaucoup.
    J'aimerais poser une dernière question à M. Akuffo. Vous avez dit que le Canada doit renforcer sa présence diplomatique en Afrique. Pouvez-vous nous donner une idée de l'empreinte diplomatique que nous avons actuellement en Afrique?
    Pour l'instant, elle n'est pas très marquée, à mon avis. Je crois que nous avons 17 ambassades et cinq missions commerciales sur le continent africain. Puis il y a la mission permanente auprès de l'Union africaine.
    Monsieur le président, une des choses qui nous échappent habituellement lorsqu'il est question des relations du Canada avec l'Afrique, ce sont les communautés économiques régionales. Ce sont elles qui constituent l'Union africaine. En fait, on ne peut pas aller seulement au sommet sans s'arrêter au palier intermédiaire.
    C'est pourquoi je recommande fortement que le Canada envisage d'élargir son dialogue de haut niveau avec l'Union africaine afin d'y inclure les communautés économiques régionales et, surtout, d'y établir des commissions permanentes, parce que c'est par elles que se construit l'Union africaine.
    Enfin, pour ce qui est de la paix et de la sécurité, il y a la Force africaine en attente, qui assure le maintien de la paix dans les communautés économiques régionales, en déployant ses forces. C'est sous cet angle qu'il faut voir les choses.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je vous remercie de cette réponse aimable et courtoise.
    Permettez-moi maintenant de vous remercier tous.
    Madame French, monsieur Akuffo, madame Caldwell St‑Onge et monsieur Bloor, nous vous sommes très reconnaissants de nous avoir fait profiter de votre savoir-faire et de vos conseils. Merci.
    Nous allons suspendre la séance et donner congé à nos témoins.
    [La séance se poursuit à huis clos.]
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