Bienvenue à la 111e réunion du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international de la Chambre des communes.
Avant de commencer, je tiens à rappeler à tous que la semaine dernière, l'interprétation nous a posé de nombreux problèmes. Nous allons essayer de faire en sorte que ce ne soit pas le cas aujourd'hui.
Avant de commencer, je demanderais également à tous les députés et autres participants en personne de consulter les cartes sur la table pour connaître les lignes directrices visant à prévenir les incidents de rétroaction acoustique.
Utilisez seulement une oreillette noire approuvée. Gardez votre oreillette loin de tous les microphones en tout temps. Lorsque vous n'utilisez pas votre oreillette, déposez‑la, face vers le bas, sur l'autocollant placé sur la table à cette fin.
Je vous remercie tous de votre collaboration.
La réunion d'aujourd'hui se déroule sous forme hybride.
J'aimerais faire quelques observations à l'intention des membres du Comité et des témoins. Avant de prendre la parole, veuillez attendre que je vous nomme. Vous pouvez vous exprimer dans la langue officielle de votre choix. Des services d'interprétation sont offerts. Vous avez le choix entre l'anglais et le français. Si vous n'entendez plus l'interprétation, veuillez nous en informer immédiatement.
Conformément à la motion de régie interne du Comité concernant les tests de connexion pour les témoins, je peux vous assurer que la greffière a eu la gentillesse de s'en charger et qu'elle a effectué tous les tests à l'avance.
Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement et à la motion adoptée par le Comité le 16 février 2023, le Comité entreprend son étude du Corps des Gardiens de la révolution islamique et de la situation actuelle des droits de la personne en Iran.
Je voudrais maintenant souhaiter la bienvenue à nos deux distingués témoins. Nous vous sommes très reconnaissants d'être ici tous les deux. Vous avez de nombreuses années d'expérience dans le domaine de la défense des droits de la personne, mais je sais parfaitement que vous avez été très occupés au cours des deux dernières années.
J'aimerais souhaiter la bienvenue à Mme Nazanin Afshin-Jam, une défenseure des droits de la personne et de la démocratie qui comparaît au nom de l'Iranian Justice Collective. Nous accueillons également M. Saeid Dehghan, avocat en droits de l'homme et directeur du collectif Parsi Law.
Vous disposerez chacun de cinq minutes pour faire votre déclaration préliminaire, après quoi nous passerons aux questions des membres du Comité.
Encore une fois, vous avez cinq minutes pour faire votre déclaration préliminaire, puis vous devrez vous assurer de conclure si vous dépassez le temps alloué. Si vous me voyez tenir ce téléphone cellulaire, cela signifie que vous devriez vraiment conclure en 10 à 15 secondes.
Cela étant dit, nous allons commencer par Mme Afshin-Jam.
La parole est à vous. Vous avez cinq minutes pour votre déclaration préliminaire.
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Merci, monsieur le président et honorables députés. Au nom de l'Iranian Justice Collective, un groupe non partisan, qui fait se fait l'écho des voix des Canadiens d'origine iranienne et des Iraniens épris de liberté à l'intérieur de l'Iran, je vous remercie de votre invitation à prendre la parole sur cette question si importante pour tous les Canadiens, à savoir l'inscription du CGRI sur la liste des terroristes en vertu du Code criminel du Canada.
Comme nous le savons tous, la Chambre des communes a voté à l'unanimité l'interdiction du CGRI à deux reprises, la première fois il y a six ans, et la seconde il y a quelques semaines à peine. Aujourd'hui, je vais dissiper les mythes au sujet du CGRI et parler de la nature de cette force répressive à l'intérieur et à l'extérieur du pays. J'espère aussi pouvoir présenter des recommandations stratégiques de notre équipe pour que cette interdiction devienne une réalité.
Premièrement, le Corps des Gardiens de la révolution islamique n'est pas l'équivalent de l'armée iranienne. Ce sont deux forces distinctes. La mission de l'armée, comme celle de toute armée, est de protéger les frontières, la souveraineté et le peuple de l'Iran. Après la révolution islamique de 1979, un paranoïaque, l'ayatollah Khomeini, le chef suprême, a créé le CGRI comme contrepoids à l'armée en cas de coup d'État, et pour protéger spécifiquement son régime islamique et le défendre contre toute menace interne ou externe, autrement dit pour réprimer quiconque entravait son pouvoir et l'expansion de l'idéologie djihadiste islamiste extrémiste.
Le CGRI est devenu de plus en plus puissant dans le domaine de la politique étrangère, et il contrôle maintenant plus de 30 % de l'économie. On peut dire qu'il s'agit d'un vaste groupe mafieux corrompu composé de 150 000 membres impliqués dans le blanchiment d'argent, le terrorisme transnational, la vente de drogues sur le marché noir, l'expropriation de biens, les exécutions extrajudiciaires, les assassinats ciblés, la cyberguerre et la propagation de la propagande islamiste. Son imbrication économique dans de grandes industries, comme la fabrication, l'expédition et les services bancaires, finance ses activités, ses achats d'armes, ses opérations secrètes et son programme nucléaire.
À l'intérieur du pays, le CGRI a pour rôle de réprimer toute dissidence interne. Chaque fois que vous avez vu des images vidéo de femmes iraniennes battues et traînées en hurlant dans des fourgons de police parce qu'elles ne portaient pas correctement le hijab, de chrétiens arrêtés pour avoir pratiqué leur culte dans des églises souterraines, de Kurdes gazés ou d'enfants exécutés, ou de manifestants pacifiques sur lesquels on tire intentionnellement, qu'on aveugle, qu'on viole ou qu'on torture, il s'agit toujours d'actes perpétrés par le CGRI et son sous-groupe paramilitaire, le Basij. Mon propre père a été torturé et presque exécuté entre leurs mains.
Il n'y a pas de procès en bonne et due forme en Iran parce qu'il n'y a pas d'État de droit. Les juges sont autorisés à rendre des décisions sur la base d'un savoir ordonné venant de Dieu — lors de procès bidon qui durent cinq minutes sans véritable représentation juridique —, ce qui se traduit par l'exécution de milliers de prisonniers politiques innocents, et même les journalistes qui parlent de ces procès ou les avocats qui défendent les accusés sont emprisonnés. L'Iran a le plus grand nombre d'exécutions par habitant au monde, 800 personnes ayant été pendues l'an dernier. Le rapport de la mission d'étude de l'ONU sur l'Iran indiquait que les violations des droits de la personne équivalaient à des crimes contre l'humanité. Ce régime d'apartheid sexiste et le CGRI n'ont aucun respect pour la vie humaine.
À l'extérieur de l'Iran, le CGRI utilise d'autres groupes terroristes de l'axe de la résistance comme mandataires pour faire régner la terreur et étendre son idéologie anti-occidentale et anti-israélienne. L'Iran est le principal État qui parraine le terrorisme. Il est responsable de l'affectation de milliards de dollars pour financer et entraîner le Hamas, le Hezbollah, les Houthis et d'autres factions terroristes en Irak, en Afghanistan et au Pakistan, sans parler de l'aide apportée au régime d'Assad en Syrie, qui a tué un demi-million de personnes.
Il continue de nouer des liens avec d'autres régimes autoritaires comme la Russie, en leur fournissant des bombes à glissement lancées par des drones qui sont utilisées contre des Ukrainiens innocents. J'ai déjeuné aujourd'hui avec la lauréate ukrainienne du prix Nobel de la paix, et elle a exprimé cette préoccupation au nom de la communauté ukrainienne également.
Veuillez noter que ce régime poursuit la prolifération nucléaire, avec un taux d'enrichissement de l'uranium de 65 %, ce qui constituera une menace existentielle non seulement pour les juifs, mais aussi pour l'ensemble de notre civilisation et du mode de vie occidentaux. Si nous ne faisons rien maintenant, son terrorisme se propagera comme le cancer et nous coûtera encore plus cher — politiquement par l'ingérence étrangère, économiquement par la cyberguerre et le blanchiment d'argent, et dans nos vies par le terrorisme ici au Canada.
Je me ferai un plaisir de vous donner des exemples précis pour chacun de ces trois groupes de menaces.
Les États-Unis ont désigné le CGRI comme une organisation terroriste en 2019, et les États membres de l'Union européenne semblent s'orienter dans cette direction. Nous nous attendons à ce que le Canada emboîte le pas à nos plus proches alliés et qu'il règle cette question une fois pour toutes.
J'ai un réseau de 90 groupes de la diaspora iranienne composés d'experts juridiques et d'autres technocrates qui sont prêts à aider tout groupe de travail qui serait mis sur pied pour rédiger une politique iranienne solide visant à lutter contre ces problèmes de sécurité et à éliminer tout obstacle qui retarde cette désignation.
Nous voulons assurer la sécurité du Canada. Nous voulons que les sanctions prévues par la loi de Magnitski soient appliquées pour empêcher les dirigeants du régime d'entrer au pays et bloquer leurs avoirs, et pour renverser le discours selon lequel le Canada est un refuge pour ces criminels, tout en répondant aux aspirations de 80 % de la population iranienne qui veut la fin de ce régime et un Iran libre, laïque et démocratique.
Mesdames et messieurs les membres du comité des affaires étrangères et du développement international, bonjour. Je vous remercie de me donner l'occasion de vous parler du Corps des Gardiens de la révolution islamique, ou CGRI, et de la situation actuelle des droits de la personne en Iran. Dans mon bref exposé, j'aimerais vous faire part de mon point de vue et de mes préoccupations et formuler quelques recommandations.
En tant qu'avocat en droits de l'homme en Iran, j'ai agi à titre d'avocat et représenté plus de 130 défendeurs qui ont fait l'objet de poursuites pour motifs politiques devant les tribunaux iraniens. J'ai également représenté des citoyens iraniens et des personnes ayant une double nationalité devant des tribunaux révolutionnaires.
Je peux affirmer sans l'ombre d'un doute que la magistrature iranienne n'a aucune indépendance dans de telles causes, et que les soi-disant juges de sécurité qui président ces affaires ne font qu'approuver automatiquement les décisions que leur dictent les organisations associées à l'appareil de sécurité, en particulier le service de renseignement du CGRI.
Au cours de la première décennie de mon travail juridique, le CGRI s'est ingéré dans toutes ces affaires en coulisses, et le fondement des décisions rendues n'a jamais été codifié dans les règles ou les règlements judiciaires. Cependant, à compter de 2015, alors que les commandants du CGRI assumaient un contrôle encore plus serré des procureurs parlementaires, ils ont également inscrit dans la loi un processus en faveur de l'appareil de sécurité en le codifiant dans le Code de procédure pénale.
Ces nouveaux règlements ont permis à deux organisations de sécurité et militaires agissant à la demande du CGRI de jouer le rôle d'autorités judiciaires. Cela signifie que les membres de l'organisation du renseignement du CGRI et du Basij étaient désormais pleinement autorisés à manipuler et à déterminer à l'avance le résultat des procédures concernant les poursuites intentées devant les tribunaux révolutionnaires, en vertu de l'article 29 du Code de procédure pénale.
À la suite de ces changements inquiétants, je crois que tout le cadre juridique et judiciaire du système judiciaire iranien s'est effondré. Le système judiciaire iranien n'a aucun semblant de justice ou d'indépendance judiciaire. Il y a trois ans, j'ai analysé ces changements en détail dans un article intitulé « Legal Collapse: The Last Crisis of a Political System », qui a été publié par la BBC.
Cet effondrement s'explique par le fait que les membres du Parlement et du Conseil des gardiens ne défendent pas l'innocence des gens et n'agissent pas pour sauvegarder ce qu'on appelle généralement l'intérêt public. Ils représentent plutôt le leadership politique du régime théocratique et les intentions du CGRI; par conséquent, il n'est pas surprenant qu'ils passent des lois et des règlements qui ne visent qu'à protéger l'apartheid de l'État et ne tiennent absolument pas compte de l'intérêt public ou de la primauté du droit.
Comme nous l'avons vu dans la foulée du mouvement « Femmes, Vie, Liberté », au lieu de rendre la justice, les juges n'agissent que conformément au serment qu'ils ont prêté de protéger les dirigeants suprêmes et de servir la révolution islamique. Ils poursuivent les manifestants innocents avec la plus grande cruauté et la plus grande sévérité.
Le CGRI contrôle efficacement tous les leviers politiques, économiques, judiciaires et sociaux en Iran, et même les institutions culturelles, comme une pieuvre aux multiples tentacules. Nous sommes témoins des conséquences de cette domination sous la forme de l'apartheid sexiste qui complète et renforce les discriminations ethniques et religieuses qui existent depuis longtemps.
En conclusion, j'aimerais formuler les deux recommandations suivantes.
Premièrement, le gouvernement canadien devrait diriger les efforts mondiaux visant à reconnaître l'apartheid sexiste comme un crime en vertu du droit international ou, plus précisément, à codifier l'apartheid sexiste comme un crime contre l'humanité. Tout comme l'apartheid racial constituait un crime international très grave et inacceptable, c'est également le cas de l'apartheid sexiste. Le gouvernement canadien devrait collaborer avec des pays et des alliés aux vues similaires pour rédiger une résolution reconnaissant l'apartheid sexiste, tout comme la résolution 3068 a effectivement défini l'apartheid racial comme une infraction et un crime au niveau international en 1973.
Deuxièmement, le gouvernement canadien devrait cibler les intérêts économiques écrasants du CGRI au moyen de sanctions intelligentes, de sorte que les services de sécurité et de renseignement du CGRI soient considérablement affaiblis et que la répression et l'application de l'apartheid sexiste ne soient plus permises.
Ces deux mesures sont urgentes et pressantes. Je vous exhorte à les considérer comme des priorités.
Je vous remercie de votre attention et de votre intérêt. Je me ferai un plaisir de répondre à vos questions.
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Absolument. Même si, en avril de cette année, le régime a lancé 300 missiles directement vers Israël à partir du sol iranien, il fait généralement régner la terreur par procuration ou par l'entremise de bandes criminelles. Il a été reconnu coupable par les tribunaux argentins de l'attentat à la bombe de 1994 contre un centre communautaire juif, à Buenos Aires, qui a fait 85 morts, ainsi que d'un attentat contre l'ambassade. Il y a quelques jours à peine, on apprenait dans les médias que le régime avait engagé un redoutable gang européen pour poser une bombe à l'ambassade d'Israël en Suède.
Ici, au Canada, des membres des Hells Angels ont été recrutés pour exécuter un complot d'assassinat contre un couple iranien dissident au Maryland, dans l'État de Washington, pour 350 000 $. Des membres de gangs d'Europe de l'Est ont également été embauchés par le régime pour assassiner un militant de haut niveau à New York. Heureusement, les auteurs de ces crimes ont été attrapés, mais Jimmy Sharmahd, un ressortissant allemand et résident des États-Unis, n'a pas eu autant de chance. Il a été kidnappé et est maintenant passible de la peine de mort en Iran.
Des journalistes de l'agence de presse Iran International ont également fait l'objet de tentatives d'assassinat, et 10 complots d'enlèvement ou d'assassinat ont été déjoués au Royaume-Uni. Le SCRS a également identifié au moins trois Canadiens sur une liste cible du régime. Bien sûr, vous êtes tous au courant de l'écrasement du vol PS752 qui transportait 176 personnes, dont 55 Canadiens et 30 résidents permanents. Le CGRI en était responsable.
J'ai moi-même été menacée à maintes reprises, d'être prises pour cible, ou de voir mes proches pris pour cible si je ne cessais pas mes activités. Il y a quelques semaines à peine, mon organisation, Iranian Justice Collective, était ici sur la Colline pour rencontrer des parlementaires, et lorsqu'elle est rentrée chez elle, une de mes collègues a reçu un appel de sa mère, et c'est ensuite un représentant du CGRI qui était au bout du fil. Il lui a dit que si elle ne cessait pas ses activités, elle connaîtrait le même sort que les femmes qu'elle essaie de défendre. Nous avons échappé à l'Iran pour nous sentir plus en sécurité ici au Canada, et pourtant nous regardons toujours par-dessus nos épaules lorsque nous faisons des discours, lorsque nous nous rassemblons. Nous surveillons toujours l'auditoire pour voir qui est présent.
Comme vous l'avez mentionné, un article d'enquête de Global News a révélé qu'il y avait au Canada 700 affiliés au régime du CGRI. Neuf d'entre eux sont sur le point d'être expulsés, mais ce que nous suggérons, c'est qu'au lieu de les expulser, nous espérons que le Canada exercera sa compétence universelle et les traduira en justice pour montrer que les violations des droits de la personne ne peuvent pas être commises en toute impunité.
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Merci, monsieur le président.
Je remercie les témoins d'être ici aujourd'hui. Je tiens à vous remercier de votre courage, de votre force et de vos efforts dans ce dossier très difficile qui, je le sais, a des répercussions importantes sur vous personnellement et sur votre entourage. Je tiens à le reconnaître pleinement.
J'ai une formation juridique et j'aimerais commencer par M. Dehghan, s'il vous plaît.
J'aimerais que vous nous parliez davantage du système judiciaire. Vous avez dit que vous avez représenté 130 personnes, si j'ai bien compris, tant devant les tribunaux iraniens que devant les tribunaux révolutionnaires.
Y a‑t‑il eu une érosion du système de justice au cours des dernières années? Y a‑t‑il une différence entre ces deux tribunaux?
Au sujet des principes fondamentaux de l'application régulière de la loi et du droit de monter un dossier, pouvez-vous nous parler de ces principes fondamentaux du droit qui se rapportent à ces deux premiers points, s'il vous plaît?
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Permettez-moi de parler en farsi pour répondre aux questions, s'il vous plaît.
[Le témoin s'exprime en persan, et l'interprétation en anglais de ses propos est traduite ainsi:]
J'aimerais parler des tribunaux iraniens. La vérité, c'est qu'on peut certainement dire qu'aucun des tribunaux révolutionnaires en Iran, dans toutes les causes que j'ai eues là‑bas... Les tribunaux révolutionnaires relèvent des juges de sécurité. Sous leur direction, ils rendent un verdict conformément au serment qu'ils ont prêté. Par conséquent, aucun d'entre eux n'a quoi que ce soit à voir avec les jugements rendus. Ce sont toujours des décisions politiques.
À partir du point A, à partir du moment où les gens sont arrêtés, c'est comme s'ils avaient été kidnappés. Sans système judiciaire, ils vont devant les tribunaux de sécurité, puis des enquêteurs du Sepah les interrogent sans qu'ils soient représentés par un avocat. Sous la torture, ils admettent certains faits. C'est consigné et le jugement est rendu par seulement trois tribunaux dans tout le pays. Ce sont les tribunaux révolutionnaires dont je parle.
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Merci infiniment, monsieur le président.
Je remercie les deux témoins d'être des nôtres aujourd'hui. Je les remercie également du travail qu'ils font au quotidien pour défendre les droits de la personne en Iran.
Madame Afshin‑Jam, dans votre présentation, vous avez bien pris soin d'établir la distinction entre l'armée iranienne, ou les forces armées iraniennes, et le Corps des gardiens de la révolution islamique. Vous avez dit que l'une des fonctions de l'armée iranienne était de protéger la population, entre guillemets. Vous nous avez aussi dit que l'ayatollah Khomeini avait créé le Corps des gardiens de la révolution islamique pour servir de contrepoids à l'armée et empêcher celle-ci de commettre, éventuellement, un coup d'État.
A-t-on jamais eu le sentiment, depuis 1979, que l'armée iranienne s'était employée à protéger la population?
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Mon français est rouillé. Je vais donc répondre en anglais.
[Traduction]
Sous le shah, il y avait l'armée iranienne. Il y avait ceux qui étaient sous son... L'armée a poursuivi ses activités après la révolution de 1979. Beaucoup de gens ont été exécutés à ce moment‑là, mais certains ont été... Je dirais que la fonction de l'armée est de protéger la souveraineté et le territoire et, dans une certaine mesure, de protéger la vie des Iraniens contre, disons, la guerre venant de l'extérieur.
Ceux qui occupent des postes de pouvoir adhèrent généralement dans une certaine mesure au chef suprême et aux principes de la République islamique. Je ne dirais pas que tout le monde dans l'armée iranienne est en sécurité ou digne de confiance, mais il ne fait aucun doute que le rôle principal du CGRI — son seul rôle — est de protéger l'establishment du régime islamique.
C'est pourquoi vous remarquerez que le nom « Corps des Gardiens de la révolution islamique » ne contient pas le mot « iranien ». Il n'est pas là pour protéger le peuple iranien; il n'est là que pour protéger le régime et l'expansion de cette idéologie islamiste.
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Je pense que nous devrions certainement inscrire le CGRI, mais entretemps, nous devrions continuer de sanctionner ceux qui font partie de ce régime.
Le gouvernement canadien a déjà inscrit sur sa liste un certain nombre de représentants du régime islamique, mais nous devons certainement en ajouter d'autres. En fait, l'Iranian Justice Collective a produit un nouveau rapport que nous avons commencé à distribuer aux députés de tous les partis. Vous devriez le recevoir dans vos courriels au cours des prochains jours. Il nomme 20 hauts fonctionnaires qui font partie de la magistrature et du système judiciaire iraniens, et il figure sous la rubrique « Sanctions Toomaj ».
Toomaj, bien sûr, est un rappeur qui est devenu un héros en Iran pour ses paroles — des paroles contre l'oppression en Iran. Il est maintenant dans le couloir de la mort, alors nous utilisons son nom pour lui rendre hommage et pour utiliser l'acronyme « Toomaj », qui signifie « cibler les agents oppresseurs pour atténuer les abus dans le système judiciaire iranien ». Nous avons cité 20 noms, mais ce n'est que 20 parmi tant d'autres.
J'aimerais également attirer votre attention sur un site Web appelé facesofcrime.org, où une organisation du nom de « Justice for Iran » a créé une base de données des responsables du régime. On y trouve leurs photos, leurs titres et ce pour quoi ils sont criminellement responsables, les types de violations des droits de la personne dont ils sont responsables. C'est un très bon outil pour nos agences frontalières, vous, les parlementaires ou d'autres forces de sécurité au Canada, comme la GRC, s'il y a des citoyens de l'Iran qui essaient de venir au Canada, parce qu'il donne la liste des personnes impliquées dans des violations des droits de l'homme ou des crimes contre l'humanité.
:
Je sais que vous vous trompez souvent. Je comprends, monsieur le président.
Je remercie les témoins de leur présence et de leurs témoignages importants.
J'ai présenté la motion pour que le Comité entreprenne cette étude en raison de ce que nous avons vu pendant le mouvement Femme, vie, Liberté et des appels que j'ai entendus de la part de membres de ma communauté, de membres de la communauté iranienne qui ont demandé que ce travail soit fait. Vos efforts de défense des droits au cours des derniers mois et des dernières années ont été essentiels pour que nous puissions faire ce travail.
L'objectif de cette étude est de déterminer ce que le Canada peut faire, ce que le Canada doit faire de plus pour aider à soutenir les Canadiens d'origine iranienne, et les Iraniens dont les droits de la personne sont bafoués.
Vous avez parlé de l'impact disproportionné sur les femmes, de l'apartheid contre les femmes. Pas plus tard que ce matin, en fait, j'ai vu en ligne qu'il y a des prisonniers politiques, des femmes emprisonnées pour des motifs politiques à la prison d'Evin, qui ont demandé que le procès de Narges Mohammadi soit public.
Ce qui m'intéresse... Vous avez parlé un peu du recours à la torture et du fait que le régime agit en secret pour infliger des souffrances au peuple iranien. Dans ce cas particulier, pouvez-vous nous dire pourquoi il est si important que ce procès se déroule en public, et ce que cela signifie pour le fonctionnement actuel du régime?
Je vais commencer par vous, monsieur Dehghan.
:
[
Le témoin s'exprime en persan et l'interprétation en anglais de ses propos est traduite ainsi]
Je pense que votre question contient la réponse. Lorsqu'il y a un procès, bien qu'il y ait des règlements, le procès est politique, et il doit se dérouler en arabe. Cependant, depuis environ 43 ans, nous n'avons pas vu un seul procès public. Cela démontre que lorsque tout se fait de façon clandestine, ce n'est pas un procès. C'est décidé à l'avance.
Narges Mohammadi est également reconnue coupable de propagande contre le régime. C'est l'accusation la plus politique qui soit. Encore une fois, cela s'est fait derrière les portes du tribunal et sans jury. Cela montre qu'en raison de la corruption du système judiciaire, de ce travail de sécurité, les procès publics sont totalement absents de la République islamique.
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Je vais simplement répéter ce qu'a dit M. Dehghan.
En Iran, comme je l'ai dit, la primauté du droit n'existe pas. Il n'y a pas de véritables tribunaux. Lorsqu'ils rendent un jugement, c'est pour faire un exemple.
En fait, Narges Mohammadi, pour ceux d'entre vous qui ne le savent pas, est la lauréate du prix Nobel de la paix.
Souvent, ces procès sont devant des tribunaux fantoches, et ce ne sont donc pas des procès en bonne et due forme. Normalement, la victime n'est pas représentée par un avocat, et s'ils acceptent que ce soit public, ce ne sera qu'une astuce pour essayer de montrer à la communauté internationale qu'il y a un semblant de justice.
Cependant, n'oublions pas que les victimes sont souvent forcées de se confesser. Elles sont torturées en coulisse ou on leur dit que les membres de leur famille seront violés ou tués s'ils témoignent. Ce n'est donc qu'une sinistre comédie. J'espère que le procès sera public pour que la communauté internationale puisse s'en rendre compte, mais il ne faut jamais leur faire confiance.
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Bien sûr. Nous l'avons vu après l'attaque horrible contre des civils lors de l'écrasement du vol PS752, lorsqu'ils ont tiré sur des innocents et les ont assassinés. Ce que nous avons vu, c'est l'intimidation qui était alors dirigée contre les familles de ceux qui avaient perdu la vie au Canada et en Iran.
Vous avez également parlé de Toomaj, et nous savons qu'il a été condamné à mort. Nous savons que des personnalités culturelles, des artistes, des auteurs et des gens qui représentent le peuple iranien sont ciblés, et s'ils sont ciblés, c'est également pour envoyer un message.
Que devrait faire de plus le Canada? Nous avons des députés au Parlement... Ma collègue, , a exprimé très clairement son appui à Toomaj.
Que pouvons-nous faire d'autre pour protéger les gens dans ces situations? De plus, qu'est‑ce que cela signifie pour le peuple iranien lorsque les icônes culturelles de son pays sont assassinées?
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C'est une bonne question.
Pour ceux d'entre vous qui ne le savent pas, Toomaj est un célèbre rappeur iranien qui est aimé de la plupart des gens en Iran en raison non seulement de son talent et de ses chansons, mais surtout de sa bravoure et ses paroles courageuses qui touchent le cœur et l'esprit de la population et s'attaquent à tous les maux sociaux causés par ce régime, comme la corruption et l'oppression de tous les citoyens. Il est devenu un héros — un personnage plus grand que nature — en Iran. Le régime l'a emprisonné, l'a torturé et lui a injecté des substances inconnues, et il est maintenant condamné à mort.
Il y a une pétition signée par plus de 500 000 personnes qui demandent à la communauté internationale de faire pression sur le régime islamique pour qu'il suspende son exécution. Je pense que c'est la seule chose que vous puissiez faire en tant que parlementaires. Lorsque je dirigeais l'organisation Stop Child Executions, nous avons remarqué que c'étaient les parlementaires qui exerçaient des pressions dans ces cas particuliers qui obtenaient un sursis d'exécution.
Par conséquent, continuez de dire leur nom et de leur faire payer pour ces crimes contre l'humanité et ces abus. Cela signifie qu'il faut inscrire le CGRI sur la liste, imposer des sanctions en vertu de la loi de Magnitski et obtenir davantage...
D'accord. Je suis désolée.
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J'aimerais bien avoir la réponse. En fait, c'est une question que nous avons posée à maintes reprises aux députés, ici au Canada, au Royaume-Uni et en Europe, et nous leur avons demandé pourquoi ils hésitaient.
Il y a des raisons qui reviennent parfois. Premièrement, ils disent qu'ils ont peur de cibler des personnes innocentes, des conscrits forcés. En Iran, les hommes adultes doivent faire deux ans de service militaire. C'est obligatoire. La question est donc de savoir si des innocents seront ciblés s'ils essaient de venir au Canada, et la réponse est simple. Pour ceux qui sont conscrits, à la fin de leur mandat de deux ans, on leur remet une carte d'identité qui indique le jour où ils se sont enrôlés et le jour où leur service a pris fin. Si cela montre que c'est à peu près au bout de deux ans, alors on peut les distinguer de ceux qui ont passé leur vie au service du CGRI.
De plus, les gens ont le choix. Lorsqu'ils font leur service militaire, ils peuvent choisir l'armée ou le CGRI, alors ils prennent déjà une décision éclairée en faisant ce choix. Pour ceux qui ont des emplois de bureau subalternes dans un bureau du CGRI, encore une fois, leur poste est indiqué sur la carte d'identité, alors nous pouvons les laisser passer, si c'est là le véritable problème, mais on ne nous donne jamais la vraie raison.
C'est pourquoi je vous demande de nous dire quels sont les obstacles. Nous avons des experts juridiques. Notre groupe de travail est heureux de régler ces questions. Si c'est à cause de ce que coûterait l'augmentation des effectifs de la GRC et du SCRS pour exercer ce contrôle, eh bien, vous devez vous demander quel est le coût d'une vie humaine.
Je sais que le problème est en voie d'arriver au Canada. Nous voyons déjà des assassinats et des enlèvements. La prochaine chose que vous saurez, c'est qu'il y aura du terrorisme sur le sol canadien, et ensuite, comment chacun d'entre vous sera-t‑il en mesure de regarder en face la population canadienne et de dire pourquoi nous n'avons pas inscrit le CGRI sur la liste des terroristes?
:
[
Le témoin s'exprime en persan, et l'interprétation en anglais de ses propos est traduite ainsi:]
Compte tenu de cela, je pense que nous devons nous assurer de vraiment les différencier de ceux qui sont dans l'armée. Nous n'avons pas le choix. Ils peuvent choisir le Sepah, la police ou l'armée lorsqu'ils sont forcés d'y aller.
Tout d'abord, le CGRI doit figurer sur la liste des terroristes, puis nous pouvons séparer et différencier les autres personnes.
C'est comme les talibans en Afghanistan, à la différence près que Sepah est dans l'ombre du gouvernement, qui a pris le contrôle de la population. Dans les années 1990, en Afrique du Sud, l'apartheid a été pratiqué. C'est comme une pieuvre qui a étendu ses tentacules sur le peuple iranien.
Il suffit d'ajouter ce nom à la liste. C'est une chose que le Canada doit prendre en charge, comme il l'a déjà fait par le passé.
Tout d'abord, je tiens à vous remercier tous les deux. Vous avez fait un travail remarquable pour montrer à quel point la situation des droits de la personne en Iran est horrible et sans précédent. Je ne vois aucun autre pays où une lauréate du prix Nobel de la paix languit en prison. Je ne vois aucun autre pays où l'avocat le plus éminent est en prison, et je ne vois certainement aucun autre pays où le chanteur et rappeur le plus populaire a été condamné à mort, simplement parce qu'il chantait des chansons.
Merci pour toutes ces explications.
Si vous me le permettez, j'aimerais maintenant poser quelques brèves questions à M. Dehghan.
Essentiellement, vous dites que le système judiciaire est une véritable imposture. Il n'y a pas de principes juridiques qui mènent à la condamnation à mort. Ai‑je raison de supposer que si vous êtes reconnu coupable de quelque chose en Iran, il n'y a presque aucune chance que vous puissiez vous faire représenter par un avocat de votre choix?
:
Non, pas vraiment. De nombreux avocats sont en prison. Arash Keykhosravi, Mohammad Najafi, Amirsalar Davoudi et Khosrow Alikordi, ils sont en prison.
Il y a une loi, le Parlement a déclaré en 2015 que seuls les avocats approuvés par le chef de la magistrature peuvent représenter les accusés devant des tribunaux révolutionnaires. Les accusés ne peuvent donc pas choisir un avocat indépendant.
[Le témoin s'exprime en persan] [Traduction de l'interprétation]
[Inaudible] ce que je veux expliquer, c'est que seulement les avocats qui ont été approuvés par le gouvernement peuvent défendre ceux qui s'opposent à cela. Les avocats qui défendent ces gens prêtent serment de défendre le gouvernement. C'est pourquoi on voit que la presse et les artistes sont d'un côté et que l'avocat qui les défend sera incarcéré et détenu [inaudible].
Autrement dit, le gouvernement permet seulement à ses propres avocats de défendre les gens qui s'opposent à lui.
:
[
Le témoin s'exprime en persan.] [
Traduction de l'interprétation]
En parlant d'un régime dont la réglementation se base sur l'apartheid, on ne pense qu'à l'apartheid racial. À l'heure actuelle, en droit international, quand nous parlons d'apartheid entre les sexes, nous soutenons que ce n'est pas seulement de l'apartheid de genres. C'est un apartheid racial qui s'en prend aussi aux minorités. N'oublions pas que les gens LGBTQ doivent être exécutés s'ils sont gais ou lesbiennes. Même les bahá'ís en Iran n'ont pas la permission d'aller à l'université. Ils ne peuvent pas occuper un emploi. Ils n'ont pas de carte d'identité nationale. Ils ne peuvent vivre nulle part.
Il y a trois ou quatre jours, dans l'une des fermes du nord de l'Iran, à Mazandaran, des gens sont venus et ont pris leur riz et ont détruit leurs rizières. Même si ces terres leur appartiennent, dans de telles conditions, il ne s'agit pas seulement d'apartheid racial. Tout cela est lié à la question du hidjab, qui s'entrelace dans tous les actes du gouvernement. C'est comme une pieuvre. C'est une excuse pour écraser les gens.
Pour les minorités, même pour les baha'is, le fait de fuir du Baloutchistan vers le Kurdistan est un crime, et nous devons vraiment examiner ce problème au plus haut niveau décisionnel.
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Nous voici de retour, mesdames et messieurs les députés. Nous reprenons notre audience sur la situation en République islamique d'Iran.
Nous accueillons maintenant un nouveau groupe de témoins. Nous sommes très reconnaissants d'avoir avec nous trois experts qui ont travaillé très fort au cours de ces deux dernières années.
Nous accueillons en personne Mme Nimâ Machouf, qui se consacre à la recherche.
Nous accueillons en personne M. Hamed Esmaeilion, que vous connaissez tous et qui est membre du conseil d'administration de l'Association des familles des victimes du vol PS752.
Nous sommes également très reconnaissants d'entendre deux témoins qui se joignent à nous par téléconférence. Il s'agit de Mme Hanieh Ziaei, politologue et iranologue qui détient la chaire Raoul-Dandurand à l'UQAM.
Nous accueillons également M. Kourosh Doustshenas qui, comme je l'ai indiqué, est également membre de l'Association des familles des victimes du vol PS752.
Si j'ai bien compris, nous avons trois déclarations préliminaires.
Nous allons commencer par Mme Machouf, puis MM. Esmaeilion et Doustshenas partageront leur temps de parole, puis nous entendrons Mme Ziaei.
Madame Machouf, bienvenue. Vous avez cinq minutes pour nous présenter votre déclaration préliminaire.
Veuillez, s'il vous plaît, me regarder de temps en temps. Lorsque vous verrez ce signal, je vous demanderai de conclure en 10 à 15 secondes.
Cela dit, madame Machouf, vous avez la parole. Vous avez cinq minutes.
Si vous me le permettez, je vais parler en français.
[Français]
La liberté d'expression constitue le socle de la démocratie. En Iran, la liberté d'expression n'a jamais existé, ni à l'époque du shah, ni — et encore moins — depuis la mise en place de la République islamique. Les premières victimes de la répression ont été les femmes et la presse.
Aujourd'hui, je veux expressément parler, comme l'ont fait mes collègues, d'ailleurs, de l'apartheid sexuel qui règne en Iran, c'est-à-dire un système de ségrégation systémique et institutionnalisé envers les femmes. L'obligation de porter le voile dans l'espace public n'est que la partie visible de la discrimination que l'on vit en Iran. Depuis l'instauration de la théocratie islamique en Iran en 1979, légalement, la femme vaut la moitié de ce que vaut l'homme. La femme hérite de la moitié de ce dont hérite l'homme. En matière de témoignage juridique, cela prend deux femmes pour que leur témoignage soit équivalent à celui d'un homme, même en cas de meurtre prémédité. Si un homme assassine sa fille, il ne sera pas châtié, parce qu'elle lui appartient. Une mère ne peut pas faire une demande de documents juridiques, par exemple un passeport pour ses enfants, parce que la signature de la femme n'a aucune valeur juridique.
Par ailleurs, la femme n'a pas le droit d'être juge. Mme Shirin Ebadi, qui a gagné le prix Nobel de la paix en 2003, en est un exemple. Elle a perdu son droit de pratique après la révolution. La femme n'a pas non plus le droit de postuler pour la présidence du pays. De nombreux sports lui sont interdits. Une femme ne peut étudier, travailler ou voyager sans la permission de son mari. La polygamie est permise pour les hommes. L'homme peut divorcer de sa femme à tout moment, sans condition, sans même qu'elle le sache, tandis que la femme doit convaincre le juge, avec des raisons valables, pour obtenir le droit de divorcer. D'ailleurs, ce droit partiel a été obtenu à la suite de nombreuses années de lutte féministe en Iran. Après un divorce, la garde des enfants est confiée au père ou à tout autre mâle de sa famille, sauf si l'enfant est handicapé.
Ce ne sont que quelques exemples. Les femmes iraniennes résistent et, malgré la discrimination systémique qu'elles vivent, 60 % des personnes qui occupent les bancs des universités sont des filles et, au grand dam des autorités, les femmes occupent la scène sociale et économique du pays.
Je vous ai parlé des droits des femmes, mais les droits de la personne en général sont bafoués, et la répression est brutale. La liberté d'expression et le droit d'association n'existent pas. Les médias sont censurés. L'accès à Internet est contrôlé. Toute protestation est violemment réprimée. Vous en avez probablement plus entendu parler depuis l'assassinat de Mahsa Zhina Amini et le soulèvement Femmes, vie, liberté.
En quatre mois de protestations, 600 personnes ont été tuées dans les rues, dont plus de 50 enfants. On a arrêté des dizaines de milliers de personnes, dont 22 000 ont été amnistiées, aux dires du gouvernement iranien. Plusieurs ont reçu des peines de mort. D'ailleurs, plusieurs d'entre vous ont participé à la campagne de parrainage et de marrainage des prisonniers politiques menacés d'exécution, et nous vous en sommes très reconnaissants.
Ces deux dernières années, le gouvernement a aussi tenté de défigurer le mouvement de contestation. Il visait expressément les yeux des manifestants dans la rue. Plus de 500 personnes ont perdu la vue.
L'Iran est aujourd'hui sous surveillance électronique. Plus d'un million de femmes qui continuent à résister aux diktats du régime et qui se présentent en public sans porter le voile ont reçu des constats d'infraction par texto, elles se sont fait confisquer leur voiture, elles se sont fait donner des amendes et elles ont été envoyées en prison, et elles continuent à résister.
Chaque année, le rapporteur spécial des Nations unies dénonce la violation des droits de la personne en Iran. Les prisons sont pleines de détenus d'opinion. Amnistie internationale dénonce régulièrement l'usage de la torture, du viol, des décharges électriques, des simulacres d'exécution, des aveux forcés et des exécutions arbitraires.
Ces dernières années, la torture chimique s'est ajoutée à la torture physique et mentale. Étrangement, plusieurs suicides ont été répertoriés à la sortie de prison; les prisonniers se suicidaient quelques jours après leur sortie. Ces mêmes armes chimiques ont été utilisées pendant la révolte Femmes, vie, liberté. L'objectif était de semer la terreur dans des écoles de filles. Des milliers d'élèves ont été empoisonnées et hospitalisées, entre janvier et avril 2023. Je parle ici de mineures.
En 2013, le Parlement canadien a reconnu les massacres des prisonniers politiques des années 1980 comme étant des crimes contre l'humanité, où environ 9 000 prisonniers ont été exécutés et jetés dans des fosses communes de Khavaran. Ces 44 ans de régime islamique ont été accompagnés de 44 ans de résistance. Les gens ont tout essayé: la confrontation, la réforme et la désobéissance civile. La société iranienne est jeune, bouillonnante et surtout déterminée à en finir avec ce régime de terreur. Cependant, nous devons faire face à un monstre.
J'espère avoir le temps d'en parler davantage en répondant aux questions des membres du Comité.
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Merci, monsieur le président.
Je remercie les membres du Comité.
Cinquante jours avant l'écrasement du vol PS752, plus de 1 500 manifestants iraniens pacifiques ont été brutalement assassinés dans les rues sur une période de plusieurs jours lorsque le régime a mis fin à Internet et a déchaîné ses forces armées brutales sur les gens. C'est ce que nous appelons maintenant le « vendredi sanglant ».
Selon la fondation Boroumand, ces 45 dernières années, le Corps des gardiens de la révolution islamique a commis plus de 540 assassinats et attentats à la bombe au nom du régime iranien. Cette organisation infâme est devenue une source de terreur pour les Iraniens et pour une grande partie du reste du monde.
Il s'agit d'une vaste organisation militaire infâme qui a la mainmise sur toutes les ressources de l'Iran, des mines aux aéroports, de l'industrie cinématographique aux sports, aux ports de commerce, aux usines, au bazar et au commerce des devises. Elle contrôle même la nomination aux postes des gouverneurs provinciaux. C'est une entité monstrueuse qui n'a aucune pitié pour les enseignants, les travailleurs, les artistes et les citoyens ordinaires. Elle persécute, emprisonne, torture, viole et assassine impunément pour perturber la société civile et détruire toute résistance pacifique de la population.
Le meurtre d'une belle jeune Iranienne, Mahsa Jina Amini, a ouvert un nouveau chapitre dans l'histoire des crimes contre l'humanité commis par le régime islamique. En 2022, pendant la révolution Femme, Vie, Liberté, des dizaines de milliers de personnes sont descendues dans les rues en Iran et partout dans le monde. La commission d'enquête des Nations unies a signalé au moins 551 meurtres commis par le Corps des gardiens de la révolution.
Un grand nombre des victimes étaient des enfants et des jeunes qui ont été assassinés de manière horrible partout au pays. Le Baloutchistan, le Kurdistan, le Mazandaran et Téhéran ont subi les plus grandes pertes. En une seule journée, au moins 104 citoyens ont été assassinés par le Corps des gardiens de la révolution au Baloutchistan, et plus de 130 citoyens ont été aveuglés par des coups au visage.
Toomaj Salehi, le célèbre rappeur iranien et de nombreux autres jeunes manifestants iraniens sont actuellement menacés d'exécution. De nombreux militants sont en prison partout au pays. Jusqu'à présent, un grand nombre de jeunes manifestants ont été exécutés, et des milliers d'autres sont détenus dans des conditions horribles. L'année dernière seulement, le régime islamique a exécuté 798 citoyens sans rendre de comptes au peuple iranien et à la communauté internationale.
Toutes ces atrocités sont orchestrées par les échelons supérieurs du régime islamique, qui est concentré dans le Corps des gardiens de la révolution. Cette organisation infâme constitue une menace non seulement pour tous les niveaux de la société iranienne, mais aussi pour la sécurité du Moyen-Orient et du monde. Il est urgent de dénoncer ce qu'elle est réellement et de l'ajouter officiellement à la liste des organisations terroristes au Canada et dans le reste du monde libre.
Les familles de l'association des victimes du vol PS752 appuient tous les proches des victimes de cette organisation brutale en présentant cette demande.
Je cède maintenant la parole à M. Doustshenas.
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Merci, docteur Esmaeilion. Merci, monsieur le président.
Le 8 janvier 2020, le Corps des gardiens de la révolution islamique a tiré des missiles contre le vol PS752 d’Ukraine National Airlines peu après son décollage de l’aéroport international de Téhéran. L’équipage et 177 passagers innocents, dont un grand nombre se rendaient au Canada, notamment un enfant sur le point de naître, ont perdu la vie lors de cette attaque terrifiante survenue au sud-ouest de Téhéran.
Cette attaque contre le vol PS752 n’était pas le premier des crimes odieux commis par le Corps des gardiens de la révolution contre les Irano-Canadiens. Ce ne sera pas non plus le dernier de ces crimes. Quelques années plus tôt, la photojournaliste irano-canadienne Zahra Kazemi et l’environnementaliste Kavous Seyed-Emami ont été assassinés par Corps des gardiens de la révolution pour le régime islamique.
Ces cinq dernières années, les familles des victimes du vol PS752 ont été persécutées, menacées et maltraitées par le régime islamique. L’Human Rights Watch de l'ONU a signalé une montée fulgurante de la torture et des mauvais traitements infligés aux familles des victimes en Iran.
En octobre dernier, Mme Zarabi, qui a perdu quatre de ses proches lors de l’écrasement du vol PS752, a assisté aux funérailles d’une jeune femme nommée Armita Geravand, qui avait été assassinée par le régime. Mme Zarabi a été arrêtée et brutalement battue avant d’être traînée à terre jusqu'à un lieu de détention. La mère d’une autre victime a été sauvagement battue par les forces du Corps des gardiens de la révolution devant la tombe de son enfant. Le régime a interdit à certaines familles du vol PS752 de quitter l’Iran pour assister aux cérémonies d’anniversaire des victimes du vol PS752 à Toronto. Pendant les cérémonies d’anniversaire tenues en Iran dans des conditions de sécurité très strictes, les familles ont subi de la persécution, des menaces, des arrestations, et même des enlèvements.
À la suite de l’écrasement du vol PS752, les familles des victimes et les militants ont trouvé la position du gouvernement canadien à l’égard du Corps des gardiens de la révolution très ambiguë. À l’occasion du quatrième anniversaire de l’écrasement du vol PS752, notre nous a dit qu’il prendrait les mesures nécessaires à cet égard.
Il reste sept mois avant le cinquième anniversaire de l’écrasement, et notre association s’attend à recevoir une réponse rapide et claire à sa demande. Comme le Canada a essuyé le plus grand nombre des attaques commises hors de l’Iran par le Corps des gardiens de la révolution, il doit être le premier pays qui inscrive officiellement cette entité sur la liste des organisations terroristes. Nous espérons qu'il fera cela sans plus tarder.
Merci beaucoup.
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Monsieur le président, honorables membres du Comité, mesdames et messieurs, je vous remercie de me donner l'occasion de m'exprimer sur le Corps des gardiens de la révolution islamique, ou CGRI, en Iran et sur la situation actuelle en Iran.
Il est crucial de distinguer la légitimité de la légalité lorsqu'on aborde la question du pouvoir en Iran. Selon mes recherches sur le système idéologico-politique de la République islamique d'Iran, il est évident que la légitimité du régime s'effrite de manière considérable. Cela est illustré par les mouvements de protestation récurrents, par les contestations systématiques et par le taux croissant d'absentéisme lors des élections. Par exemple, lors des élections législatives du 1er mars 2024, le taux de participation était seulement de 41 %, le plus bas taux depuis l'instauration de la République islamique, en 1979.
Je peux aussi donner l'exemple de la réaction euphorique à la suite de l'annonce du décès du président Raïssi. Cette réaction est révélatrice de l'état d'esprit d'une partie importante de la population iranienne. Ce sentiment de soulagement et de joie a mis en lumière l'opposition profonde et l'exaspération accumulée quant à un régime perçu comme oppressif, autoritaire et illégitime.
Cette absence de légitimité politique affaiblit profondément l'autorité de tout régime, même s'il n'est pas démocratique, et cela constitue une base essentielle pour évaluer sa stabilité et son acceptabilité auprès du peuple, en l'occurrence le peuple iranien.
L'Iran est actuellement gouverné par un système politique considéré par une partie de sa population comme anachronique. La République islamique d'Iran se présente comme une théocratie, alors que les femmes et les jeunes de ce pays aspirent à une séparation claire entre les sphères religieuse et politique. Même les régimes non démocratiques doivent s'appuyer sur une assise légitime et légale pour maintenir leur pouvoir. Or, en quoi ce régime est-il légitime aux yeux du peuple iranien, surtout après les nombreux témoignages que nous avons entendus aujourd'hui?
Les actions, pratiques et actes de la République islamique d'Iran sont profondément illégitimes et illégaux, tant au regard du droit international que des conventions internationales, sans parler des nombreuses violations des droits de la personne qu'elle perpétue. De nombreux exemples de ces abus vous ont été rapportés par des collectifs engagés, comme le regroupement Iranian Justice Collective, notamment par Mme Nazanin Afshin-Jam, par M. Saeid Dehghan et par Mme Nima Machouf. Cela est donc corroboré par les nombreux témoignages des personnes ici présentes.
Je vais maintenant parler plus précisément du Corps des gardiens de la révolution islamique. Celui-ci a vu son pouvoir croître de manière considérable depuis sa création, en 1979. À l'origine, il s'agissait d'une organisation militaire fondée pour protéger les valeurs révolutionnaires de 1979. Son indépendance à l'égard de l'armée traditionnelle iranienne lui a permis de devenir une force armée influente et redoutable.
Le CGRI n'est pas seulement une force militaire, il s'est également profondément impliqué dans l'économie, la politique et les services de renseignement iraniens. Le renforcement de ses moyens d'action et de son influence en fait un acteur incontournable du paysage politique iranien.
Le CGRI s'est transformé en une véritable puissance au sein de l'Iran. Il contrôle des secteurs clés de l'économie, notamment les industries pétrolière et gazière, et il possède de nombreuses entreprises servant de sociétés-écrans. En outre, il joue un rôle central dans la répression des manifestations de dissidence internes et dans la projection de l'influence iranienne à l'étranger, en plus de soutenir différents groupes non étatiques dans la région.
Aujourd'hui, le peuple iranien se bat courageusement contre l'islamisation forcée de la société. Il s'agit d'une idéologie qui, malgré les efforts du CGRI, a en partie échoué. Le mouvement Femmes, vie, liberté en est une illustration poignante. Cette lutte pour la liberté et les droits de la personne est non seulement vitale pour l'Iran, mais elle a aussi des répercussions sur toute la région et le monde.
L'islamisation par la force est une terreur qui pèse lourdement, menaçant la paix et la stabilité non seulement en Iran et au Moyen-Orient, mais aussi en Europe, au Canada et dans le monde, comme en témoignent les attentats répétés et les prises d'otages visant des ressortissants occidentaux.
Pour conclure, je dirai qu'il est impératif de soutenir activement le peuple iranien dans son combat contre cette idéologie oppressive.
L'avenir repose également sur votre capacité politique et institutionnelle à mettre en lumière l'illégitimité et l'illégalité du régime iranien devant toutes les instances internationales et nationales. Votre rôle en tant que défenseur des valeurs démocratiques et humanistes peut considérablement renforcer la capacité des Iraniens et des Iraniennes à surmonter cette répression étatique et à rétablir un système politique respectueux des droits de la personne et des libertés fondamentales. La communauté internationale doit se sentir résolument aux côtés de ceux qui luttent pour un Iran libre et démocratique en dénonçant vigoureusement les violations des droits de la personne et en appliquant des sanctions ciblées contre leurs auteurs.
Je vous remercie de votre attention.
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Je vous remercie de votre question.
Mme Nazanin Afshin‑Jam a souligné le fait qu'aujourd'hui, les collectifs, les associations et la diaspora iranienne commencent à constituer des données accompagnées de photos et d'éléments d'identification. Le gouvernement du Canada dispose aussi de moyens pour d'abord identifier ces personnes sur le territoire canadien. Aujourd'hui, avec la technologie numérique, il est facile d'identifier ces personnes qui arrivent en sol canadien. Le travail pourrait évidemment se faire en collaboration avec les Iraniens qui sont, eux aussi, en train de regrouper toutes ces données, ces photos et ces éléments d'identification.
C'est vraiment un travail qui doit se faire avec les organisations mentionnées ici et par Mme Nazanin Afshin‑Jam au début de sa présentation. Il doit se faire de manière régulière et s'effectuer à court, moyen et long termes. Il serait donc vraiment très important de fixer des objectifs de temps pour les tâches à réaliser. La diaspora iranienne peut aussi être une alliée pour le gouvernement du Canada.
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Merci, monsieur le président.
Je remercie les témoins des deux groupes. Tout ce que vous nous dites nous est utile.
Je vais maintenant m’adresser aux familles des victimes du vol PS752. Je tiens à vous aviser que je demanderai peut-être à notre comité de vous réinviter, parce qu'à mon avis, votre travail est essentiel à l’œuvre du Canada dans le monde. J’espère que vous participerez à un plus grand nombre de nos audiences sur la reddition de comptes et je voudrais que vous ayez l’occasion de nous en dire plus.
Je vais axer mes questions sur l'influence que subissent les proches et les survivants à l'étranger ainsi que sur les activistes qui sont au Canada et qui auront critiqué le régime iranien.
Ma question s'adresse à Hamed ou — je ne vous appelle jamais par vos noms de famille — à Kourosh. Merci. Je vous laisse le reste de mon temps de parole.
Comme je l’ai dit devant la Commission sur l’ingérence étrangère il y a quelques mois, je pense que nous devons reconnaître l’ampleur de l’ingérence du régime islamique au Canada. C’est la première étape à franchir.
J’avais donné un exemple. Nous avons au Canada un ancien banquier du régime islamique, M. Mahmoud Reza Khavari. L’ancien chef de police, M. Morteza Talaei, est lui aussi au Canada. L’ancien ministre de la Santé, M. Ghazizadeh Hashemi, qui a intimidé et menacé les familles des victimes du vol PS752, était au Canada l’été dernier. Il a dit qu’à son retour, ces familles subiraient des représailles. Nous avions l’actuel président de la chambre du régime, l’homme nommé à la présidence aujourd’hui en Iran. Son fils a présenté une demande pour venir au Canada il y a quelques mois, et il a intenté une poursuite contre le gouvernement canadien parce qu'il ne lui accordait pas assez rapidement le statut d’immigrant au Canada.
Comme je l’ai dit, nous avons l’ancien banquier, l’ancien chef de police, l’ancien ministre et le président de la Chambre. Qui viendra ensuite? Je ne suis plus surpris de voir le chef suprême de l’Iran marcher dans les rues de Toronto, vous savez. Cela peut arriver n’importe quand, et il y a des centaines de ces gens. Ce n’est que la pointe de l’iceberg.
Je pense qu’aucun d’entre vous ne serait à l’aise en sachant, par exemple, que le fils du président actuel de la chambre est votre voisin au Canada et que le chef de police fait son conditionnement physique dans un gymnase à deux kilomètres de chez moi, à trois kilomètres de là où ma femme et ma fille ont été enterrées à la suite de l'écrasement du vol PS752. Vous sentez-vous en sécurité dans ces conditions? Je ne le crois pas.
Parlons un peu du blanchiment d’argent. Si vous observiez un grand nombre de comptoirs de change au Nord de Toronto, vous verriez quel montant d’argent le Corps des gardiens de la révolution envoie au Canada pour le faire blanchir. Voilà pourquoi nous ne nous sentons pas en sécurité dans ce pays.
Merci.
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Merci, monsieur le président.
Ma question s'adresse à Mme Ziaei.
Madame Ziaei, vous avez fait état de l'enthousiasme qui a suivi la mort accidentelle du président Raïssi dans l'accident d'hélicoptère survenu le 19 mai dernier. Des élections auront lieu le 28 juin prochain. Vous avez aussi fait état du faible taux de participation aux dernières élections présidentielles.
Quels sont vos pronostics concernant ces élections, compte tenu de ce qui peut apparaître comme une contradiction, c'est-à-dire l'enthousiasme à la suite du décès du président, d'une part, et ce faible taux de participation, d'autre part? À quoi peut-on s'attendre, le 28 juin prochain?
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On peut s'attendre à la continuité quant au grand taux d'abstention. Les Iraniens ont aussi, parfois, cette possibilité de démontrer leur mécontentement par rapport à ce régime et de montrer qu'ils ne le considèrent plus comme légitime ni, surtout, comme représentatif. Il est donc possible que les Iraniens ne se rendent pas aux urnes. C'est l'une des hypothèses. Il est aussi possible que cela débouche sur d'autres types de manifestations.
La question principale pour les semaines, les mois, voire les années à venir, porte surtout sur la succession du guide suprême. Le guide suprême Ali Khamenei est vieux, et on pense qu'il est malade. Le président Raïssi était un candidat possible, l'hypothèse étant que son poste de président était un tremplin vers le siège du guide suprême.
Tout le débat sera davantage axé sur la succession du guide suprême plutôt que sur les élections. En effet, on sait que, au bout du compte, c'est le guide suprême qui a le pouvoir absolu. Il délègue des responsabilités à d'autres organisations, mais il détient un droit de veto au sommet de la hiérarchie, qui est très pyramidale en ce qui concerne le pouvoir institutionnel.
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Merci beaucoup, monsieur le président.
Merci pour votre témoignage. C'est horrible d’entendre parler d’apartheid sexiste, d'écouter la description de pareilles situations. Je peux à peine imaginer la sensation de répression et la douleur que vous devez ressentir, docteur, alors que votre femme et votre enfant sont... de vous retrouver tout près d'un individu qui a orchestré leur mort, c'est effroyable. Je suis désolée que vous deviez vivre tout cela.
Cette étude vise à déterminer pourquoi le Corps des gardiens de la révolution n’est pas inscrit à la liste des entités terroristes. Quelles raisons le gouvernement a‑t‑il données?
Nous avons entendu le député conservateur. Il ne comprend pas cela, et nous non plus. Madame Machouf, vous nous avez dit que vous ne comprenez pas pourquoi il n'est pas inscrit à cette liste.
Auriez-vous quelques instants pour nous dire en quoi l'inscription de cet organisme à la liste changerait la vie de la communauté iranienne au Canada? En quoi cela changerait‑il votre vie et celle des gens de partout au pays?
Pour nous, cela signifierait beaucoup plus de sécurité. En fait, l'objectif du Corps des gardiens de la révolution islamique, comme mes collègues l'ont expliqué, est de garder et de protéger la révolution islamique en Iran et, surtout, de l'exporter. Mes collègues ont aussi parlé des nombreux attentats commis contre les opposants du gouvernement islamique. Le Centre Abdorrahman Boroumand en a répertorié 540 depuis les 40 dernières années. Ces assassinats et ces attentats ont été fomentés à l'extérieur des frontières iraniennes par le gouvernement iranien avec son bras armé, les pasdarans.
Certains attentats ont heureusement échoué, mais il y a beaucoup de menaces. Avant de venir ici, j'ai demandé à des gens s'ils avaient reçu des menaces, parce qu'on entend beaucoup parler de gens qui en reçoivent et qui ne se sentent pas en sécurité ici. J'ai reçu des messages d'étudiants de Toronto, qui disaient que plusieurs d'entre eux avaient reçu des menaces anonymes par téléphone. On leur disait qu'on avait leur photo et que l'on connaissait leur identité. On leur disait aussi que, s'ils ne cessaient pas leurs activités contre le gouvernement iranien, on contacterait et on convoquerait leur famille. En Iran, quand on veut arrêter quelqu'un et qu'on ne le trouve pas, on arrête les membres de sa famille. On les prend en otage en espérant que la personne se dénoncera. On leur disait aussi d'oublier toute possibilité de retour au pays, même si on leur disait aussi que, si jamais ils décidaient de revenir, on serait ravi de les accueillir. Il y a donc des menaces de ce genre, mais il y en a d'autres.
À Montréal, nous avons vu un cas où un chargé de cours à l'Université McGill, Soroosh Shahriari, ne s'est pas gêné pour inciter les gens à la haine et à l'élimination des opposants. Il se réjouissait du fait que le gouvernement iranien allait éliminer ses opposants rapidement.
On ne se gêne donc pas pour proférer des menaces. Il y a également eu d'autres attentats. Un diplomate iranien qui a été arrêté en Belgique et condamné à 20 ans de prison a récemment été échangé contre un otage belge détenu par le gouvernement iranien. Ils font ce genre de chose. Les gens se sentent donc menacés.
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Merci, monsieur le président.
Je vais m'adresser à Mme Ziaei.
Madame Ziaei, après la mort de Mahsa Zhina Amini, on espérait que le soulèvement de la population entraînerait des changements en faveur de la démocratie et des droits de la personne.
Selon vous, quelles mesures le Canada et la communauté internationale pourraient-ils adopter pour promouvoir les droits de la personne et les mouvements démocratiques dans le pays?
Vous avez parlé d'imposer des sanctions ciblées et de renforcer la capacité des Iraniens à se défendre et à défendre leurs droits.
Quelles seraient vos suggestions à cet égard, un peu plus concrètement?
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Je vais vous décrire un incident survenu en Iran il y a deux semaines.
Mon père a 75 ans et ma mère a 74 ans. On leur interdit de quitter le pays pour venir au Canada. Cela date d'environ six mois, quand ils ont décidé de venir au quatrième anniversaire. Il y a deux semaines, en Iran, trois agents en civil ont frappé à leur porte et les ont emmenés au service de renseignement. Mon père a dû répondre à des questions liées à mes activités ici. Ce n’est qu’un exemple. Des centaines de familles subissent cette même expérience.
Comme mes collègues l’ont dit aujourd’hui, nous ne comprenons pas vraiment pourquoi le Corps des gardiens de la révolution ne figure pas à la liste, parce que cela entraîne de graves répercussions pour les familles. Ce que je veux dire, c’est que nous voyons que notre gouvernement fait quelque chose. Nous l'entendons parfois dire qu’il se préoccupe de la sécurité des Canadiens, mais le Corps des gardiens a déjà tué des Canadiens.