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FAAE Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent des affaires étrangères et du développement international


NUMÉRO 112 
l
1re SESSION 
l
44e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mercredi 5 juin 2024

[Enregistrement électronique]

(1720)

[Traduction]

    Je déclare la séance ouverte.
     Bienvenue à la 112e réunion du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international de la Chambre des communes.
    Avant de commencer, je demande aux députés et aux témoins sur place de consulter les autocollants qui se trouvent sur leur table pour connaître les directives à suivre pour éviter les incidents liés à la rétroaction acoustique. N'utilisez que l'oreillette noire homologuée. Gardez votre oreillette éloignée de votre micro à tout moment. Lorsque vous n'utilisez pas votre oreillette, veuillez la placer face cachée sur l'autocollant placé sur la table à cet effet.
    La réunion d'aujourd'hui se déroule dans un format hybride. Conformément à la motion de régie interne du Comité relative aux tests de connexion des témoins, j'informe le Comité que tous les témoins ont effectué les tests de connexion requis avant la réunion. Je tiens d'ailleurs à remercier la greffière pour son aide précieuse.
     Conformément à l'article 108(2) du Règlement et à la motion adoptée par le Comité le lundi 29 janvier 2024, le Comité entreprend son étude de la nomination de Carolyn Bennett au poste d’ambassadrice du Canada auprès du Royaume du Danemark.
    Madame Bennett, je vous souhaite la bienvenue. C'est un plaisir de vous revoir ici. Merci d'avoir rendu cela possible. Je crois savoir que vous avez un autre engagement aujourd'hui. Vous teniez absolument à quitter cette réunion avant 17 h 45, mais vous avez gracieusement accepté de rester jusqu'à 17 h 55. Ai‑je bien compris?
    Oui, c'est bien cela. C'est aujourd'hui le Jour de la Constitution du Danemark, et je suis censée assister à la fête d'adieu de l'ambassadeur du Danemark. Nous souhaitons arriver sur les lieux avant le début des discours, car la ministre Joly va prendre la parole.
     Très bien, je comprends. Merci beaucoup, madame l'ambassadrice.
    Nous allons appeler un taxi tout à l'heure, pour tous ceux et celles qui souhaitent venir avec nous.
    Des voix: Oh, oh!
    Merci pour l'invitation, c'est bien noté.
    Vous disposerez de cinq minutes pour présenter vos remarques préliminaires.
     Si tout le monde est d'accord, vu les contraintes de temps, chaque parti n'aura droit qu'à une seule série de questions.
    Cela convient‑il à tout le monde?
    Des députés: D'accord.
    Le président: Excellent.
    Madame l'ambassadrice, soyez la bienvenue. Vous avez la parole. Vous disposez de cinq minutes pour vos remarques préliminaires.

[Français]

     Merci, monsieur le président.

[Traduction]

    Je vous remercie de m'avoir invitée à me présenter devant le Comité. Je tiens d'abord à rappeler que nous sommes ici sur le territoire traditionnel et non cédé du peuple algonquin. Par ailleurs, j'aimerais souligner que se tient aujourd'hui la célébration du Jour de la Constitution au Danemark.
    Je serai heureuse de répondre à toutes vos questions.
    Comme vous l'avez fait observer, je suis accompagnée de M. Robert Sinclair, haut représentant pour l'Arctique et directeur général, Affaires de l'Arctique, de l'Eurasie et de l'Europe.
    Je dois dire que j'ai été particulièrement honorée lorsque le premier ministre m'a nommée au poste d'ambassadrice auprès du Royaume du Danemark en janvier, mais que j'ai dû faire preuve d'une grande humilité lorsque j'ai présenté mes états de service à Sa Majesté le Roi Frederik X à Copenhague le 24 mai.
    Représenter le Canada à ce moment crucial de l'histoire est un grand défi, et je ferai tout ce qui est en mon pouvoir pour faire avancer les intérêts de la politique étrangère du Canada à l'égard du Royaume du Danemark. Je m'engage également à porter une attention particulière aux différents enjeux liés à l'Arctique.
    Le Canada accorde une grande importance à son amitié de longue date et à sa coopération efficace avec le Royaume du Danemark, qui, comme vous le savez, comprend le Danemark, le Groenland et les îles Féroé. Aujourd'hui, plus de 196 000 Canadiens revendiquent des origines danoises. Par ailleurs, les Inuits du Canada et du Groenland ont également des liens culturels, historiques et linguistiques avec le Danemark, ainsi que des liens familiaux qui remontent à plusieurs générations.
    Nous avons collaboré étroitement avec le Danemark et d'autres pays aux vues similaires pour soutenir la défense, le redressement et la reconstruction de l'Ukraine. Le Danemark a d'ailleurs rejoint la coalition internationale visant à faciliter le retour des enfants ukrainiens déportés par la Russie. Enfin, le Danemark a toujours été à nos côtés pour affronter différents défis mondiaux, notamment en mettant sur pied une politique de tarification du carbone, et en participant à la création du Centre d'excellence OTAN pour le changement climatique et la sécurité.
    Cela fait deux ans que le Canada et le Royaume du Danemark ont signé l'accord frontalier qui règle le différend vieux de 50 ans concernant la souveraineté de la mer de Lincoln et de l'Île Hans, ou Tartupaluk, qui établit une frontière sur le plateau continental dans la mer du Labrador. Je sais qu'un travail important est réalisé pour concrétiser les promesses de cet accord, notamment en ce qui concerne la question de la mobilité des Inuits. La manière dont nous avons résolu ce différend témoigne de notre engagement commun en faveur de l'État de droit et de l'ordre international fondé sur des règles, ainsi que d'un engagement significatif avec les Inuits.
    L'Arctique représente un domaine de collaboration stratégique et particulièrement intéressant pour le Canada et le Royaume du Danemark. En octobre dernier, le Canada et le Groenland ont signé une lettre d'intention de coopération sur Pikialasorsuaq en marge de l'assemblée du cercle polaire arctique en Islande. Il s'agit d'une étape importante pour assurer une gestion responsable de l'une des régions les plus productives sur le plan biologique au nord du cercle arctique.
    Comme le Canada, le Royaume du Danemark est fermement attaché à la valeur durable du Conseil de l'Arctique, d'autant plus qu'il s'apprête à en assumer la présidence en 2025.
    En février, le Groenland a publié sa politique en matière d'affaires étrangères, de défense et de sécurité, intitulée « Rien pour nous, sans nous », et dont le chapitre 6 est directement axé sur le Canada, son voisin le plus proche.

[Français]

     Le Canada et le Danemark sont de solides alliés de l'OTAN et ils participent activement aux opérations de l'alliance. La Force opérationnelle interarmées du Nord des Forces armées canadiennes collabore étroitement, dans l'Arctique, avec le commandement conjoint des forces armées danoises au Groenland.
    Le Danemark est une nation commerçante prospère et un ardent défenseur de l'Accord économique et commercial global entre le Canada et l'Union européenne, qui a été ratifié en juin 2017. Le commerce bilatéral a augmenté de plus de 30 % depuis son entrée en vigueur. Canadian North et Air Greenland se sont associés pour proposer une nouvelle liaison saisonnière entre Iqaluit et Nuuk à partir de juin 2024. Le Danemark s'est fixé des objectifs qui sont parmi les plus ambitieux au monde en matière de changement climatique, ce qui crée des occasions commerciales pour les entreprises canadiennes pour ce qui est de la coopération multilatérale.
(1725)

[Traduction]

    Le Canada a beaucoup à gagner d'une relation renforcée avec le Royaume du Danemark. Mon rôle est de veiller à ce que ces avantages se concrétisent. Je continuerai à m'acquitter de cette tâche au mieux de mes capacités.
     Merci. Thank you. Tak. Qujanak.
    Merci beaucoup, madame l'ambassadrice.
    Nous allons maintenant passer aux questions des membres du Comité. Chaque député disposera de six minutes.
    Je vous avertis tous que, lorsque les six minutes seront écoulées, je vais devoir vous interrompre, compte tenu des contraintes de temps.
    Nous allons commencer par M. Hoback. Vous avez six minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Madame l'ambassadrice, tout d'abord, je tiens à vous féliciter et à vous souhaiter bon succès dans vos nouvelles fonctions. Je vous remercie de vos années de service comme ministre et députée. J'ai eu le plaisir de faire du porte‑à‑porte dans votre circonscription pour un député conservateur — un futur député conservateur — il y a quelques semaines. Nous verrons bien ce qui en adviendra.
    À mesure que vous vous adaptez à vos nouvelles fonctions, quelles compétences acquises dans le cadre de votre emploi précédent apporterez-vous à ce nouveau travail? Selon vous, en quoi cela profitera‑t‑il au Canada, en fin de compte?
    Je vous remercie de votre question, monsieur Hoback.
    Je me suis jointe au caucus de l'Arctique en 1998, lorsque Nancy Karetak et moi avons été élues en même temps. J'y ai participé, en me rendant dans le Nord chaque été depuis. Je suis devenue ministre des Affaires autochtones et du Nord en 2015. Cela m'a permis de poursuivre mon intérêt pour le Nord et aussi pour les relations avec les pays du Nord, allant de Barrow, en Alaska, jusqu'aux réunions du cercle arctique, en Islande.
    Je pense aussi que la relation — la reconnaissance des droits, le respect et le partenariat coopératif — avec les Premières Nations, les Inuits et les Métis fait partie intégrante de mon désir de veiller à ce que les gens soient entendus et de montrer que c'est ainsi que l'on fait bouger les choses.
    Il ne me reste plus beaucoup de temps, alors je serai très bref.
    Pour ce qui est de faire progresser la relation entre le Canada et le Danemark, quelle est la chose que vous aimeriez faire d'ici la fin de votre mandat d'ambassadrice? Qu'aimeriez-vous voir se concrétiser avant votre départ?
    Je pense qu'il faudrait officialiser la relation avec le Groenland, car grâce aux nouveaux vols, capacités et politiques, je pense que nous savons que nous avons... Le Groenland nous voit comme son plus proche voisin. De la télésanté aux minéraux critiques, en passant par toutes les choses dont notre pays peut bénéficier en collaborant étroitement avec le Groenland et le Royaume du Danemark, qui appuie fortement une telle collaboration, surtout avec l'arrivée du Danemark à la présidence du Conseil de l'Arctique, le rôle du Groenland et sa voix deviendront de plus en plus importants.
    Rapidement, en ce qui concerne l'OTAN et le rôle du Danemark au sein de l'OTAN et celui du Canada et de l'OTAN dans l'Arctique, comment entrevoyez-vous la collaboration entre le Canada et le Danemark? Pensez-vous qu'il y aura plus d'opérations conjointes dans l'Arctique? Prévoyez-vous ce genre de choses?
    Absolument. Lorsque nous étions à Nuuk, il y a deux semaines, nous avons rencontré le commandement interarmées de l'Arctique et le major-général Søren Andersen. C'était très important de voir les exercices conjoints qui ont lieu, mais aussi de bien comprendre la sécurité et, encore une fois, la façon dont les gens qui vivent dans le Nord doivent avoir leur mot à dire sur ce qui s'y passe. Je pense que le NORAD a été extrêmement important, de même que notre partenariat avec le Danemark dans la région.
     D'accord.
     Monsieur le président, je vais céder le reste de mon temps de parole à M. Genuis.
    Merci, monsieur le président.
    Merci à vous, madame l'ambassadrice. J'ai quelques questions au sujet de vos nouvelles fonctions, en tenant compte de votre parcours et de son incidence possible sur votre travail.
    Selon une question inscrite au Feuilleton, lorsque vous étiez ministre de la Santé mentale et des Dépendances, vous avez personnellement rencontré quatre fois en deux ans des représentants d'une société appelée Fair Price Pharma. Cette entreprise est dirigée par le Dr Perry Kendall, qui occupait jusqu'à très récemment le poste d'administrateur de la santé publique en Colombie-Britannique, et son secteur d'activité est la vente d'héroïne. Il semble très étrange qu'une ministre en exercice rencontre, à quatre reprises, des représentants d'une entreprise qui vend de l'héroïne, et je me demande quelle incidence cela pourrait avoir sur vos nouvelles fonctions. J'ai donc quelques questions à vous poser à ce sujet.
    Avez-vous eu des échanges avec Fair Price Pharma depuis que vous êtes ambassadrice?
(1730)
    J'invoque le Règlement.
     Le président: Allez‑y, monsieur Oliphant.
     L'hon. Robert Oliphant: J'attire vraiment l'attention du président sur le principe de pertinence. Cette réunion porte très précisément sur le travail de l'ambassadrice et sur la représentation du Canada au Groenland.
    On peut essayer d'établir un lien entre des fonctions antérieures et le poste actuel — ce n'est pas la première fois que les conservateurs se livrent à un tel exercice —, mais je dirais que cela n'a rien à voir avec les questions que nous devons poser à l'ambassadrice en ce qui concerne son travail.
    Je vous prie donc de demander au député de passer à autre chose.
    À ce sujet, je n'ai même pas eu l'occasion de poser la question. C'est à propos de la crédibilité dans le rôle actuel, alors...
    D'accord, mais si vous pouviez établir une certaine pertinence, je vous en serais reconnaissant, monsieur Genuis.
    Oui.
    Aux fins du compte rendu, est‑ce qu'il me reste deux minutes et huit secondes?
     Le président: Oui.
     M. Garnett Genuis: Merci, monsieur le président. Je redémarre le chronomètre.
    Avez-vous eu des échanges avec Fair Price Pharma depuis que vous êtes ambassadrice?
    Avez-vous participé à des réunions, pris part à des appels ou reçu des copies conformes de toute correspondance avec Fair Price Pharma depuis que vous avez quitté vos fonctions de ministre?
    Pas à ma connaissance. Sachez que le Dr Kendall et moi nous connaissons depuis longtemps, depuis l'époque où j'étais ministre de la Santé publique. Il a joué un rôle de premier plan dans la mise sur pied du réseau de santé publique, et j'ai beaucoup de respect pour le travail qu'il a accompli. Je pense que Mme Fry en sait vraiment beaucoup, sans doute plus que moi, sur le travail qui a été fait, mais je ne pense pas que ce soit pertinent dans le contexte de mes fonctions actuelles.
    Eh bien, je sais que vous avez beaucoup d'estime pour le Dr Kendall. C'est quelqu'un qui est passé assez rapidement du monde de la santé publique à une entreprise qui vend de l'héroïne.
    Pourquoi l'avez-vous rencontré quatre fois en deux ans, en tant que ministre?
    Monsieur Genuis, si vous pouviez établir...
    Je pense que c'est une question de crédibilité.
    Oui, je pense que c'est déjà...
    J'invoque le Règlement, monsieur le président.
    En quoi est‑ce pertinent, s'il vous plaît?
    Oui, madame Fry.
    Sur ce point, je pense que cela en dit long sur la crédibilité. Je crois que ce sont des questions qui pourraient être posées à l'ambassadrice, notamment sur la scène internationale. Elle a eu ces quatre réunions. Par respect pour l'ambassadrice, je vais lui céder le reste de mon temps de parole pour lui permettre de répondre à la question.
    C'est ma dernière question. Pourquoi a‑t‑elle rencontré des représentants de cette entreprise quatre fois en deux ans?
    Si le Comité me le permet, je vais lui donner le reste de mon temps de parole pour qu'elle explique simplement ce qui a été discuté lors des quatre réunions auxquelles elle a participé en personne avec des représentants de cette entreprise. J'espère que les membres du Comité auront l'obligeance de laisser l'ambassadrice répondre.
    J'invoque le Règlement, monsieur le président. On n'a pas établi de lien rationnel entre cette question et l'étude.
    Nous allons permettre à l'ambassadrice de répondre.
    Merci, monsieur le président.
    Il vous reste 35 secondes.
    Je vous remercie.
    En fait, je ne pense pas que ce soit pertinent dans le cadre de mon travail actuel, même si j'estime que la surveillance des drogues... comme ce qui se fait à Lisbonne, pour ce qui est de l'avenir dans le dossier des précurseurs du fentanyl, il y a beaucoup de choses que d'autres pays aident à améliorer, mais je ne pense vraiment pas que les réunions avec cette entreprise ont...
    Pourquoi avez-vous pris part à ces quatre réunions?
    Monsieur Genuis, elle n'a pas fini de répondre.
    J'invoque le Règlement, monsieur le président. Le député a dit qu'il céderait le reste de son temps...
    Je sais.
    Je ne fais que répéter la question, au cas où on ne l'aurait pas entendue ou comprise.
    Monsieur Genuis, vous pourriez peut-être lui laisser le soin de répondre, comme vous l'avez dit initialement.
    Il reste 10 secondes, madame l'ambassadrice.
    En fait, je pense que la question n'a rien à voir avec mon travail.
    Je comprends tout à fait.
    Vous avez eu l'occasion de répondre, mais vous ne l'avez pas fait.
    Merci, monsieur Genuis.
    Nous allons passer à Mme Fry.
    Madame Fry, vous avez six minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Bienvenue, Votre Excellence.
    Je pense que nous partageons beaucoup de choses avec le Danemark, et je me réjouis de votre nomination à ce poste. Comme vous le savez bien, le Danemark est l'un des membres fondateurs de l'OTAN, à l'instar du Canada. De plus, le Danemark fait partie de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe, l'OSCE, et il est tout aussi déterminé que le Canada à aider l'Ukraine à gagner cette guerre contre la Russie. C'est la première partie de mes observations, en guise de préambule à la question que je vais vous poser.
    Deuxièmement, le Danemark a réussi, avec le Canada, à assurer la sécurité dans l'Arctique. Sachant que la Russie déploie d'immenses navires militaires dans l'Arctique, je pense que nous devons tous nous préoccuper de la sécurité dans l'Arctique. Avez-vous eu des discussions à ce sujet avec le Danemark? Y a‑t‑il un moyen pour le Canada et le Danemark de collaborer plus étroitement en ce qui concerne l'Ukraine et la sécurité dans l'Arctique?
(1735)
    Absolument. Je pense que nous avons beaucoup appris au cours de la réunion que nous avons eue à Nuuk avec le major-général Søren Andersen sur le genre d'exercices que nous menons ensemble et sur le plan énoncé en détail dans le Cadre stratégique pour l'Arctique et le Nord.
    Je pense que vous avez tout à fait raison, madame Fry. Depuis l'invasion illégale de l'Ukraine par la Russie, tous les pays nordiques se concentrent beaucoup sur ce que nous pouvons faire ensemble en matière de sécurité, en particulier dans l'Arctique. D'ailleurs, j'étais aux îles Féroé la semaine dernière, et je pense que tout le monde est inquiet, malgré l'aide que les États-Unis souhaitent apporter.
    Nous avons déposé des couronnes à l'occasion de l'anniversaire de la libération du Danemark, et le Canada a joué un rôle très important à cet égard, de même que les États-Unis, le Royaume-Uni et la Pologne. Ayant connu l'occupation, le Danemark se concentre aujourd'hui sur l'Ukraine, sur la façon de lui venir en aide et sur la possibilité de faire tout le nécessaire pour vraiment soutenir l'Ukraine dans ses efforts de reconstruction.
    Autre fait intéressant — cela vous intéressera sans doute, madame Fry —, lorsque j'étais à l'OMS en Europe, qui, là encore, figure parmi les organisations multilatérales ayant une présence à Copenhague, il a été question du financement canadien pour le soutien en matière de santé mentale en Ukraine. Il y a donc beaucoup de liens.
    Il y a beaucoup de choses que vous pourriez faire. J'ai remarqué que le Danemark vient d'augmenter sa tarification du carbone. Il impose l'une des tarifications du carbone les plus élevées en Europe et dans le monde. Très conscient du sort de l'Arctique en raison de la fonte des glaces, le Danemark examine les répercussions possibles sur ses infrastructures, son agriculture et toutes les mesures prises en conséquence.
    Y a‑t‑il eu des discussions sur la façon dont nous pouvons collaborer sur le plan environnemental?
    Oui, je pense que des représentants de nombreuses municipalités canadiennes se rendent à Copenhague pour apprendre comment atténuer les changements climatiques et comment les citoyens et les municipalités peuvent faire partie des solutions nécessaires pour combattre et atténuer les changements climatiques.
    Il est intéressant de constater que même Copenhague prévoit construire une île qui protégera le port et tous les canaux pour se préparer à une éventualité qui, nous l'espérons tous, ne se produira pas, à savoir l'élévation du niveau de la mer.
    Oui. Parlez-vous d'une île artificielle?
    Vraiment? C'est un exploit d'ingénierie intéressant.
    Pensez-vous que nous pouvons travailler ensemble et apprendre quelque chose du Danemark? Les Danois sont des chefs de file dans la gestion de problèmes et d'enjeux environnementaux.
     Cela fait maintenant partie de leur identité, surtout quand on sait que 9 personnes sur 10 possèdent un vélo, que les gens sont encouragés à délaisser leur voiture et qu'ils peuvent utiliser des choses comme l'énergie éolienne plutôt que le diésel.
     Il est intéressant de noter que le port situé dans la partie la plus à l'ouest du Danemark était un village de pêcheurs, qui s'est ensuite transformé en un lieu de forage pétrolier et, aujourd'hui, on y construit des éoliennes. En matière de transition équitable, nous avons beaucoup à apprendre du Danemark. Franchement, il y a aussi beaucoup à apprendre au sujet de la garde d'enfants, de l'éducation postsecondaire gratuite et d'un système d'aide sociale très généreux qui a fait baisser le taux de criminalité. Bien entendu, les Danois pratiquent le hygge, un art de vivre qui prône le bonheur dans la simplicité et qui met tout le monde sur un pied d'égalité. C'est une culture vraiment intéressante.
    Combien de temps me reste‑t‑il, monsieur le président?
    Il vous reste 24 secondes.
     C'est noté.
     Avez-vous quelque chose à dire au Comité sur la façon dont nous pouvons examiner et améliorer nos relations avec le Danemark en matière d'affaires étrangères?
    En prévision de son mandat à la présidence du Conseil de l'Arctique, nous voulons être en mesure d'appuyer le Danemark. Nous voulons aussi faire comprendre que, dans ce royaume, le Groenland et les îles Féroé, ainsi que le Danemark, sont des pays distincts, qui se trouvent à l'intérieur d'un même royaume. Je pense que nous verrons la nécessité de les soutenir. Alors que le Danemark s'apprête à assumer la présidence du Conseil de l'Arctique, avec le leadership du Groenland qui représentera les Groenlandais et les habitants du Nord, le Canada a l'occasion de faire valoir que la politique sur l'Arctique doit continuer d'être dirigée par les États de l'Arctique.
    Le Canada étant un pays arctique, nous devons aider les autres pays arctiques à concrétiser cette vision, contrairement aux gens qui semblent penser que l'Arctique est un bien public. Il ne s'agit pas de l'Antarctique. Il s'agit du Nord où vivent des gens et, à ce titre, ils doivent avoir leur mot à dire.
(1740)
    Nous remercions Lloyd Axworthy d'avoir créé le Conseil de l'Arctique.
     Merci.
     Merci à vous.
     Nous passons maintenant à M. Bergeron.
     Monsieur Bergeron, vous avez six minutes.

[Français]

     Merci, monsieur le président.
    J'espère que mon temps de parole sera aussi généreux que celui de Mme Fry.
    Votre Excellence, je vous remercie infiniment d'être des nôtres et de nous accorder plus de temps que l'heure à laquelle vous aviez consenti au départ. Nous vous en sommes vraiment très reconnaissants.
    Vous savez sans doute que le Comité des affaires étrangères et du développement international a mené, pendant quelques semaines, des audiences sur la diplomatie canadienne. Un des éléments qui a fréquemment été soulevé par les témoins, c'est qu'il faudrait limiter, jusqu'à un certain point, les nominations politiques.
    Or il fut un temps où les premiers ministres récompensaient les loyaux services de gens en les nommant au Sénat. L'actuel premier ministre a choisi de mettre un terme à cela. Toutefois, on a vu une nouvelle tendance se développer de la part du premier ministre, soit de nommer d'anciens députés ou ministres à des postes de diplomates. Il y a les cas de Bob Rae, qui a été nommé ambassadeur et représentant permanent auprès des Nations unies à New York, et de Stéphane Dion, qui est maintenant ambassadeur du Canada en France. Il y a eu aussi les cas de Marc Garneau, à qui on avait offert le poste d'ambassadeur en France, de David Lametti, à qui on avait offert le poste d'ambassadeur en Espagne, et on vous a offert le poste d'ambassadrice au Royaume du Danemark.
    Vous succédez à M. Denis Robert, un diplomate de carrière. qui a été en fonction de 2020 à 2024. Il est entré au ministère des Affaires extérieures en 1989 et il a aussi été ambassadeur du Canada en Belgique de 2012 à 2016.
    Vous n'êtes pas une diplomate de carrière. J'ai longtemps eu l'occasion de siéger avec vous, que ce soit dans ma première vie comme parlementaire ou dans ma deuxième vie comme parlementaire. J'ai beaucoup d'estime pour ce que vous avez réussi à faire durant votre longue et prolifique carrière, à la fois comme médecin de famille et comme parlementaire.
    En plus d'avoir occupé des fonctions qui vous ont mise en contact avec les Premières Nations, qu'est-ce qui vous préparait tout particulièrement à occuper le poste d'ambassadrice du Canada auprès du Royaume du Danemark?
    Vous posez presque la même question que M. Hoback.
    Je pense que c'est dû à une sagesse, à une compréhension des questions concernant l'Arctique et la collaboration entre les deux pays. Il est aussi très important pour le premier ministre de nommer des personnes comme Tom Clark ou John Horgan. On ne nomme pas nécessairement seulement des députés.

[Traduction]

    Robert Sinclair sait comment la diversité de la fonction publique et du service extérieur s'est avérée très utile, je crois, au fil des ans, car cela favorise la présence de différents points de vue aux échelons les plus élevés, et — j'hésite à le dire — cela apporte un vent de fraîcheur. J'essaie de faire de mon mieux pour mettre à profit ce que j'ai appris, en particulier au sein du groupe spécial du Groenland. L'objectif là‑bas était de mobiliser les citoyens. On m'avait alors demandé d'expliquer ce que signifie une mobilisation véritable des peuples autochtones, et comme vous me l'avez déjà entendu dire, monsieur Bergeron, cela ne devrait pas faire peur. Je pense que le Canada a un rôle à jouer pour vraiment faire avancer la réconciliation ou, comme le dit Willie Littlechild, la « réconciliaction ». J'ai vraiment hâte à ce travail et, bien entendu, à la relation entre les Inuits et le Conseil circumpolaire inuit.
    J'aime beaucoup mon nouveau rôle et je suis heureuse d'être entourée de fonctionnaires de carrière qui sont vraiment fantastiques. Quand je songe à mon parcours, même lorsque je pratiquais la médecine, j'avais l'habitude de dire qu'on sait ce qu'on sait et ce qu'on ne sait pas, mais il faut aussi savoir à qui s'adresser et quand le faire pour obtenir de l'aide. Voilà l'approche que j'adopte dans le cadre de mes nouvelles fonctions.
(1745)

[Français]

     Un des arguments avancés par certains des témoins qui demandaient de limiter le nombre de nominations politiques était que cela pouvait avoir un effet démotivant pour les gens qui font toute leur carrière dans la fonction publique et qui voient les postes d'ambassadeurs finir par leur échapper.
    Avez-vous des commentaires à nous fournir sur ce point de vue qui nous a été exprimé?
    Ce ne sont pas les sentiments qu'on m'a exprimés.

[Traduction]

    Nous devrions peut-être entendre l'avis de M. Sinclair en sa qualité de fonctionnaire.

[Français]

    Monsieur Bergeron, chaque personne qui devient chef de mission amène avec elle ses propres histoires et expériences, entre autres.
    Nous sommes motivés par les chefs qui ont du leadership qui, comme je viens de dire...

[Traduction]

    Je suis désolé de vous interrompre. Veuillez conclure en 10 secondes.
    Je suis très heureux et impatient de travailler avec l'ambassadrice Bennett.
    Merci beaucoup, monsieur Sinclair.
    Nous passons maintenant à Mme Zarrillo.
    Madame Zarrillo, vous avez six minutes.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je tiens à féliciter l'ambassadrice Bennett.
    Il y a de nombreuses années, lorsque j'étais à la Commission de la condition de la femme des Nations unies, on nous a dit que seulement 19 % des diplomates dans le monde étaient des femmes. Je pense que ce pourcentage est passé aujourd'hui à environ 20,5 %. Nous savons que le pourcentage est beaucoup plus élevé au Canada, soit 35 % ou plus. Je tiens donc à vous féliciter de votre nomination. Surtout en ce moment, alors qu'il y a tant d'agitation dans le monde, nous savons que nous avons besoin de plus de femmes aux tables de négociations pour le maintien de la paix. Je voulais donc simplement vous féliciter au nom du NPD.
    Vous avez parlé un peu de la réconciliation. Quel rôle l'ambassade du Canada au Danemark joue‑t‑elle dans le respect et la promotion de la réconciliation au Nunavut, au Québec et à Terre-Neuve‑et‑Labrador? Comment envisagez-vous cela?
    Je vous remercie. En fait, 50 % des postes d'ambassadeur ou de chef de mission sont occupés par des femmes, et nous en sommes ravis.
    Pour ce qui est de savoir ce que nous essayons de faire au Danemark, nous avons organisé quatre réunions sur l'Arctique. Nous avons d'ailleurs été satisfaits des discussions qui ont eu lieu lors de la réunion que nous avons tenue le mois dernier. Natan Obed était un des invités, tout comme Cynthia Wesley-Esquimaux, qui préside le Centre national pour la vérité et la réconciliation et qui est présidente de la réconciliation à l'Université Lakehead. Ces réunions ont été très, très bien accueillies.
    Je pense que cela devient très important, car le Canada peut donner l'exemple et mettre particulièrement l'accent sur la relation avec les Inuits et sur leur mobilité. J'espère que les nouveaux vols qui partiront de Nuuk pour se rendre à Iqaluit, puis vers le nord du Québec, à Kuujjuaq, seront un exemple concret du principe selon lequel « rien de ce qui nous concerne ne doit se faire sans nous ». J'espère également que nous pourrons ainsi montrer que la réconciliation est un cheminement, et non une destination, et qu'elle ne doit inspirer aucune crainte. Ces relations nous permettent d'apprendre beaucoup de choses.
    Je sais qu'à l'occasion de la réunion parlementaire sur l'Arctique, qui s'est déroulée récemment dans les pays nordiques, votre collègue Lori Idlout était un peu préoccupée par la façon dont les choses étaient présentées en ce qui concerne les droits des Autochtones. Je pense qu'à titre de parlementaires, nous devons tous unir nos efforts et travailler à favoriser ce genre de réconciliation partout dans le monde, tout en reconnaissant que les peuples autochtones du Canada, et leur relation de nation à nation, seront d'une très grande importance à mesure que nous ferons entendre leurs voix.
(1750)
    Merci, madame l'ambassadrice.
    Cela m'amène à ma prochaine question. Comment le Canada et le Royaume du Danemark collaborent-ils avec les peuples autochtones en ce qui concerne la coopération économique bilatérale et le respect des droits des Autochtones et de leur mode de vie?
    J'aimerais ajouter quelque chose, parce que vous venez de mentionner les vols. Vous savez peut-être que ma collègue, Lori Idlout, a pris la parole aujourd'hui pour dénoncer le prix exorbitant des vols et toutes les limitations qui s'ensuivent. On est loin de l'équité économique. À ce prix, on ne permet pas vraiment la libre circulation des personnes — pas plus que des marchandises d'ailleurs.
    Vous pourriez peut-être nous faire part de vos réflexions à ce sujet.
    Je pense que nous sommes tous préoccupés par le prix des vols qui font maintenant en sorte que certains pourraient juger plus avantageux d'aller à Copenhague et d'en revenir, plutôt que d'emprunter les nouveaux itinéraires proposés. Nous devons faire quelque chose.
    Je pense que nous pouvons aussi trouver des façons de faciliter les déplacements pour les équipes sportives ou les groupes de musique, les échanges de jeunes — il y a en fait une entente entre le Danemark et le Canada à cet effet — et la mobilité des jeunes d'une manière générale. Comment pouvons-nous favoriser le succès de telles initiatives, et comment pouvons-nous travailler ensemble pour faire baisser les prix?
    Je vous demanderais simplement de rester en contact avec la députée Idlout et de discuter de cet enjeu avec elle dès que possible. Il est primordial que nous assurions la libre circulation des personnes et des biens et que les droits et l'indépendance économique des peuples autochtones soient respectés.
    Oui. C'est d'ailleurs l'un des premiers appels que j'ai faits. Avant de présenter mes lettres de créance, j'ai parlé à certains sénateurs du Nord, aux premiers ministres, évidemment, et aux dirigeants d'organisations autochtones nationales, comme Natan Obed. Nous voulons connaître leur point de vue sur la mobilité des Inuits, ce qui est très important. Lori Idlout m'a parlé de ses électeurs de Pond Inlet, qui ont de la parenté au Groenland. Comment leur permettre de faire des allers-retours, même avant que leurs documents de voyage ne soient délivrés ou...? Si je ne m'abuse, M. Obed a parlé des mesures temporaires à mettre en place pour nous assurer d'honorer cet engagement que nous avons pris à l'égard de la mobilité des Inuits. Nous ne pouvons pas dire aux dirigeants du Groenland ce qu'ils devraient faire au sujet de leur définition des personnes admissibles, car ils ne peuvent pas compter sur des registres officiels comme c'est le cas au Canada.
    C'est un défi. Nous savons que nous pouvons le relever en prêtant une oreille attentive aux revendications des personnes concernées. C'est la seule manière de se doter de politiques vraiment efficaces.
    Très bien. J'espère que vous ferez entendre la voix de Mme Idlout et de ses commettants quant à la possibilité d'obtenir des passeports rapidement. Si vous pouviez apporter votre aide à l'égard de ce problème qu'elle a soulevé à la Chambre, ne serait‑ce que pour le Groenland, ce serait très bénéfique pour les résidents du Nunavut.
    Merci. Nous avons dépassé le temps imparti de 30 secondes.
    Permettez-moi de conclure en vous remerciant, madame l'ambassadrice, de vos longues années au service de la population canadienne. Je sais que je parle au nom de tous les députés ici présents lorsque je vous souhaite de continuer à bien représenter notre pays dans les années à venir.
    Je vous en remercie.
(1755)
    Venez nous rendre visite.
    Certainement.
    Compte tenu du peu de temps à notre disposition, nous allons interrompre la séance pendant deux ou trois minutes, pas plus.
(1755)

(1755)
    Bon retour à tous.
    Conformément à l'article 108(2) du Règlement et à la motion adoptée par le Comité le jeudi 16 février 2023, le Comité reprend son étude sur le Corps des Gardiens de la révolution islamique et la situation actuelle en Iran.
    J'aimerais maintenant souhaiter la bienvenue à nos trois distingués témoins. Nous recevons, en personne, M. Noomane Raboudi, professeur à l'Université d'Ottawa. Nous accueillons, également en personne, M. Shahram Kholdi, de Kiaxar Inc., spécialiste du Moyen-Orient. Est aussi avec nous en mode virtuel, M. Behnam Taleblu, agrégé supérieur, de la Foundation for Defense of Democracies.
    Encore une fois en raison des contraintes de temps, dès que nous aurons entendu les trois témoins, nous enchaînerons avec des séries de questions de cinq minutes — seulement cinq minutes — afin de pouvoir terminer vers 18 h 35.
    Nous allons d'abord entendre M. Raboudi.
    La parole est à vous. Vous avez cinq minutes.
(1800)

[Français]

    Je vous remercie de votre invitation.
    Je veux commencer par une petite introduction, parce que, quand je m'exprime sur le Moyen‑Orient, c'est souvent — comme vous le savez très bien — sur des sujets de polémique, qui peuvent dégager une image qui n'est pas la mienne. Je tiens à préciser dès le départ que je n'ai absolument aucune sympathie pour le régime iranien et encore moins pour ce groupe violent qu'est le Corps des gardiens de la révolution islamique, ou CGRI. Cependant, je suis aussi tout à fait conscient que je vais probablement dire certaines choses qui iront à contre-courant. Bien évidemment, je ne le ferai pas pour des raisons idéologiques, mais plutôt dans l'intérêt du Canada et dans celui, puisque j'ai été invité en tant que professeur, de l'audience ici présente qui veut profiter de ma spécialité.
    La première chose que je tiens à dire, c'est que cinq minutes ne sont pas suffisantes pour parler de tout; je vais donc tout simplement parler du problème que pose le fait d'inscrire le CGRI sur la liste des entités terroristes. À ce sujet, je vais être très clair: dans les circonstances actuelles, ce n'est pas une très bonne idée, et je vais vous explique pourquoi.
    Premièrement, il faut appréhender ce débat en dehors de toutes les orientations idéologiques. L'actualité internationale des 30 dernières années nous a fourni la preuve incontestable de l'effet dévastateur de la construction des choix des politiques internationales et des politiques étrangères sur des conceptions idéologiques prédéterminées et déconnectées de la réalité du contexte international, particulièrement le contexte moyen-oriental, qui non seulement les a contredites, mais les a aussi défiées. Le groupe terroriste État islamique a été la conséquence directe de cette logique à éviter à tout prix.
    Il faut donc apprendre à tirer les leçons de l'Histoire et éviter de reproduire les erreurs du passé. Le CGRI est certainement l'un des acteurs déstabilisateurs du Moyen‑Orient. Toutefois, il n'en est qu'un parmi d'autres, non moins dangereux. Une telle décision sélective nuira certainement à la position relativement neutre et modérée que le Canada cherche et, à mon avis, devrait préserver au Moyen‑Orient. Elle pourrait certainement l'empêcher de jouer un rôle de médiation dans les interminables conflits qui secouent cette région, particulièrement à la lumière de l'échec total des politiques américaines, dont le discrédit — selon l'avis de la plupart des spécialistes de cette région, y compris les spécialistes américains eux-mêmes — n'est plus à démontrer.
    Il faut avoir le sens du risque. Il faut mesurer les dangers potentiels de la manipulation d'un sujet aussi dangereux pour trouver des avantages politiques. Nous savons très bien qu'il existe dans notre vie politique des tendances idéologiques qui cherchent à aligner les politiques étrangères canadiennes au Moyen‑Orient sur celles des États‑Unis. Il me semble que c'est un choix purement idéologique dépourvu de toute vision stratégique qui, en plus, comporte des dangers réels pour nos intérêts dans le monde et pour notre sécurité nationale.
    En agissant ainsi, nous allons intervenir de manière à prendre parti dans des conflits identitaires déjà profondément ancrés, aggravés encore plus par des contentieux historiques, coloniaux, politiques, religieux, confessionnels et territoriaux quasi insolvables. Parce qu'ils sont d'une extrême complexité, il est difficilement possible de prendre une position équilibrée, équitable à égale distance de tous les antagonistes qui s'y affrontent.
    En plus d'intervenir inutilement dans ces conflits, nous allons certainement aussi les inviter chez nous. Une telle invitation pourrait avoir des conséquences sérieuses pour notre paix sociale et notre sécurité interne. La terrible tragédie qui frappe Gaza actuellement est venue confirmer que la société canadienne est profondément et particulièrement divisée sur les problèmes du Moyen‑Orient. Les États adoptent souvent des définitions du terrorisme qui leur permettent de servir leur intérêt, d'imposer leur vision, de prendre des dispositions parfois impopulaires, voire liberticides, de délégitimer l'action de leurs ennemis et d'imposer des mesures qui dépendent des conjonctures qu'ils affrontent.
(1805)
     À titre d'exemple, le Service canadien du renseignement de sécurité définit le terrorisme comme étant la menace ou la perpétration d'actes de violence graves pour forcer le gouvernement canadien à agir d'une certaine façon...

[Traduction]

    Je suis désolé de vous interrompre, monsieur Raboudi, mais nous en sommes déjà à cinq minutes. Puis‑je vous demander de conclure vos remarques en une vingtaine de secondes?

[Français]

    Tout ce que je voulais dire, c'est que ce corps est certainement la branche répressive de l'État iranien, qui est bien évidemment une des dictatures les plus détestables et les plus odieuses sur la planète. En revanche, vu le climat quasi inflammable qui existe au Moyen‑Orient et le degré de haine qui sévit malheureusement dans le monde musulman, je ne pense pas que ce soit une bonne idée de prendre une telle décision dans les circonstances actuelles.

[Traduction]

    Merci beaucoup, monsieur Raboudi.
    Nous passons maintenant à M. Kholdi. Vous disposez également de cinq minutes pour nous présenter vos observations préliminaires.
    La parole est à vous.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Honorables membres du Comité, je tiens à vous remercier de cette occasion que vous m'offrez et de votre travail acharné sur cet enjeu crucial au cours des deux dernières années.
    Pour votre gouverne, j'ai joint à mon mémoire des liens vers plusieurs de mes documents d'analyse publiés en anglais sur le site Iran International. J'y traite des activités du Corps des Gardiens de la révolution islamique, ou CGRI. Aujourd'hui, je vais d'abord vous brosser un tableau du contexte historique avant de vous parler des récents développements et de conclure avec un résumé de la situation.
    À partir des années 1960, les guérillas urbaines iraniennes chiites fanatiques ont fomenté et organisé plusieurs attaques terroristes couronnées de succès à l'encontre des représentants de l'État impérial d'Iran. Ces guérilleros ont été entraînés à la guerre urbaine et à l'assassinat par des organisations palestiniennes armées, avec l'appui financier de l'Égypte de Nasser, des régimes baasistes d'Irak et de Syrie et de Kadhafi en Libye. Ils ont également travaillé avec les services de sécurité de plusieurs États du bloc soviétique, dont l'Allemagne de l'Est communiste et la Chine maoïste.
    Plus important encore, ce réseau s'est livré au trafic d'armes et de devises fortes et a collaboré à différentes insurrections armées, de l'Asie du Sud-Est jusqu'à l'Armée républicaine irlandaise au cours de cette période. Après la chute de la dynastie pahlavi en 1979, ce sont les membres de ces guérillas qui ont fondé le Corps des Gardiens de la révolution islamique.
    Pour gagner du temps, je vais sauter quelques paragraphes de mon allocution.
    J'ai étudié le droit en Iran. Je veux porter à votre attention le fait que le CGRI est une entité officiellement inscrite, aux termes de l'article 150 de la Constitution de la République islamique d'Iran. Il n'a de comptes à rendre à personne, sauf au chef suprême de la République islamique. Il est inattaquable pour le parlement soi-disant élu de la République islamique.
    Dans les années 1980, le CGRI a joué un rôle essentiel dans la répression brutale des dissidents politiques iraniens. Il a fomenté plusieurs tentatives de coup d'État contre les monarchies du golfe Persique dans cette région. Au cours de la même période, l'occupation israélienne du Liban lui a fourni l'occasion d'établir le premier mandataire armé de l'Iran, et peut-être le plus important, avec le Hezbollah libanais.
    Depuis les années 1990, le CGRI joue un rôle important dans l'économie de l'après-guerre en Iran. Il s'est transformé en un grand racket de construction, alors que le groupe Khatam al‑Anbiya Construction Headquarters et ses sociétés de génie-conseil ont obtenu des contrats de plusieurs milliards de dollars pour des projets de barrage, de pétrochimie et de transport. La force spéciale Al‑Qods du CGRI a joué un rôle clé dans la répression brutale et militaire des soulèvements récurrents du peuple iranien au cours des 15 dernières années, et notamment du mouvement Femme, Vie, Liberté à l'automne 2022.
    Depuis 2015, le CGRI a établi un réseau criminel en collaboration avec les cartels de la drogue mexicains et sud-américains. Il est en outre très actif sur le Web clandestin, sur le marché des cryptomonnaies et dans le cadre d'autres opérations internationales de blanchiment d'argent qui utilisent diverses sociétés-écrans, de la région du Golfe et de l'Asie du Sud-Est jusqu'à l'Amérique latine, en passant par les États-Unis et le Canada.
    Depuis 2022, le complexe militaro-industriel du CGRI a fourni à la machine de guerre russe des dizaines de milliers de projectiles de divers types à la fine pointe de la technologie, sans compter d'autres projectiles moins perfectionnés.
    Je vais encore sauter quelques paragraphes.
    Le CGRI a grandement contribué à l'instabilité qui règne actuellement au Moyen-Orient en soutenant les rebelles houthis du Yémen suivant le modèle du Hezbollah. Je ne saurais trop insister sur la participation du CGRI à des activités criminelles internationales et sur la menace qu'il représente pour tous les Canadiens, et en particulier pour les Irano-Canadiens.
    Je me dois aussi de souligner la participation directe ou indirecte du CGRI au recrutement du Hezbollah au Liban, des Hells Angels canadiens et d'autres réseaux de gangsters transnationaux pour fomenter des attaques contre des centres religieux et culturels juifs ainsi que contre des dissidents iraniens dans le monde entier.
    Je dois ajouter ici que le CGRI est également impliqué dans des crimes contre l'humanité au détriment d'un demi-million de civils syriens, qui ont été pour ainsi dire massacrés, et dans le déplacement d'environ deux millions de Syriens de concert avec le Hezbollah pendant la guerre civile menée pour défendre le régime baasiste de Bachar el‑Assad.
(1810)
    Certains ont fait valoir que l'inscription du CGRI sur la liste des entités terroristes risque d'entraîner toute une gamme de problèmes juridiques et politiques. Même Josep Borrell, haut représentant sortant de l'Union européenne pour les affaires étrangères, l'a affirmé: sans preuve judiciaire valide, on ne peut pas risquer d'inscrire le CGRI sur la liste des organisations terroristes. Je ne suis pas d'accord. Des informations historiques, des événements récents ainsi que plusieurs actions terroristes menées au fil des 30 dernières années, le tout ayant été établi par des tribunaux européens, confirment que le CGRI est un commanditaire du terrorisme en Occident et qu'il représente une menace pour la paix et la sécurité du Canada ainsi que pour notre alliance transatlantique.
    Merci beaucoup de m'avoir donné l'occasion de m'adresser à vous.
    Merci beaucoup, monsieur Kholdi.
    Nous passons maintenant à M. Taleblu, qui est des nôtres en mode virtuel.
    Bienvenue, monsieur Taleblu. La parole est à vous. Vous disposez de cinq minutes pour votre déclaration liminaire.
    Monsieur le président, messieurs les vice-présidents et distingués membres du Comité, je vous remercie de me donner l'occasion de témoigner virtuellement devant vous aujourd'hui pour vous faire part de mon analyse de la situation.
    Je vais d'abord présenter les choses dans une perspective générale, avant de meconcentrer sur une période particulièrement mouvementée en Iran qui peut être difficile à comprendre pour les observateurs externes et non iraniens.
    Récemment, le président du pays, Ebrahim Raisi, a perdu la vie dans un écrasement d'hélicoptère dans le nord-ouest de l'Iran. Même si on peut maintenant voir des drones iraniens être utilisés dans des zones de conflit sur au moins quatre continents, c'est un drone turc qui aurait été le premier à repérer le lieu de l'écrasement. Ailleurs, dans des pays plus normaux, un accident de cette ampleur susciterait un deuil national et une tristesse populaire. Pourtant, en Iran et dans les médias sociaux en langue persane, l'annonce du décès du président a été accueillie par des bravos, de la jubilation et même des blagues par de larges segments de la société.
    Il n'y a effectivement rien de normal dans le gouffre qui existe aujourd'hui entre l'État et la société en Iran. La République islamique d'Iran est un régime islamiste et autoritaire qui réprime de toute sa hauteur un peuple nationaliste laïque en quête de démocratie.
    Même si des « élections » éclair ou, pour être plus juste, des « sélections » sont prévues plus tard en juin, on s'attend à ce qu'elles soient boycottées en masse, tout comme les élections parlementaires l'ont été il y a quelques mois à peine. Depuis l’éclosion de manifestations anti-régime à l’échelle nationale en 2017, la très grande agitation a entraîné des taux de participation électorale plus faibles que jamais, et ce, même si l'on s'en remet aux statistiques officielles du régime.
    Pour un régime ayant aussi peu de légitimité sociale que celui de la République islamique, des chocs exogènes comme des élections éclair ou des accidents impliquant des personnalités politiques importantes peuvent agir comme déclencheurs dans un contexte où la population iranienne a profité de presque toutes les occasions, y compris les crises, qu'elles soient sociales, économiques, environnementales ou même liées à la politique étrangère, pour manifester et faire valoir que l'État n'est pas représentatif des citoyens et que le temps n'est plus aux réformes progressives, mais bien aux transformations politiques en profondeur.
    Ce désir de changement politique de fond en comble est venu aux oreilles des membres de ce distingué comité en 2022‑2023 avec l'essor du mouvement « Femme, Vie, Liberté » ou « Zan. Zendegi. Azadi. » Au plus fort des manifestations anti-régime, ce mouvement a ébranlé plus de 150 villes et villages dans les 30 provinces de l'Iran.
    Le Corps des Gardiens de la révolution islamique a été l'un des ingrédients du cocktail de forces de sécurité qui a fortement contribué à la répression de ces manifestations. Dans les premiers jours de la révolution islamique, le CGRI a été mis sur pied à titre d'armée idéologique parallèle pour faire contrepoids à l'armée nationale. Chargée de défendre l'intégrité de la « révolution », cette force, avec ses anciens combattants, ses affiliés et ses partisans, constitue maintenant l'institution la plus importante de l'Iran contemporain. C'est le fer de lance du principal État à soutenir le terrorisme dans le monde actuel et la plaque tournante assurant le rayonnement du terrorisme transnational et de la répression.
    Depuis près de deux décennies maintenant, la tendance dominante dans le discours des élites du régime iranien qui appuient le CGRI a été de présenter son réseau à l'étranger comme un « axe de résistance anti-statu quo » constitué de mandataires et de partenaires du Moyen-Orient qui ont été créés de toutes pièces, comme l'Organisation Badr en Irak ou le Hezbollah au Liban, ou cooptés, comme les rebelles houthis au Yémen ou le Hamas à Gaza.
    Le CGRI forme, équipe, soutient et appuie financièrement ces milices terroristes faisant partie de son axe en leur donnant accès à des capacités équivalentes à celles d'un État, comme c'est le cas des rebelles houthis au Yémen depuis 2015.
    Ce groupe, le plus récent à se joindre à l'axe de résistance, possède maintenant des missiles balistiques de moyenne portée et des missiles balistiques antinavires. À ce jour, il est le seul mandataire de l'Iran à avoir déployé et utilisé de telles capacités. Ailleurs, on aide les mandataires à produire des armes localement, comme c'est le cas en Iran et avec le Hamas depuis 2014.
    Depuis l'attaque terroriste du Hamas contre Israël, le 7 octobre, une attaque soutenue par l'Iran, le CGRI a déployé une plus grande partie de son arsenal terroriste, utilisant la stratégie du « cercle de feu » afin de transformer la guerre à Gaza en conflit régional et d'empêcher qu'un membre de son axe soit sorti militairement de l'échiquier.
    Alors que le CGRI a toujours fait appel à ses mandataires dans la région pour camoufler sa participation aux conflits étrangers, voilà que l'on met ses cartes sur la table concernant l'enchevêtrement régional du régime, ses capacités croissantes et sa tolérance au risque.
    Le CGRI a aidé Téhéran à se livrer à une répression interne et à des agressions externes, et son rôle de plus en plus important offre aux membres distingués de ce comité, aux décideurs nord-américains et, en fait, à tous les pays du Groupe des cinq, la possibilité de rectifier le tir quant à leurs politiques relatives à l'Iran.
    À mon avis, tous les pays du Groupe des cinq devraient, en vertu de leurs propres autorités nationales de lutte contre le terrorisme, désigner le CGRI comme étant une organisation terroriste dans son intégralité. Je serai heureux de vous expliquer pourquoi, ainsi que les avantages de cette approche, en répondant à vos questions.
    Tous les pays du Groupe des cinq devraient aussi profiter de l'occasion pour faire pression en faveur de sanctions anticorruption ou de type Magnitsky contre le chef suprême de l'Iran et sa garde rapprochée, et en profiter pour harmoniser d'autres régimes de sanctions, qu'elles s'appliquent aux armes nucléaires, aux missiles, aux drones, à la Russie ou aux droits de la personne.
(1815)
    Il faut dire que le Corps des Gardiens de la révolution islamique fournit de plus en plus de drones à la Russie qui s'en sert en Ukraine, qu'il contribue à l'escalade nucléaire en Iran, qu'il utilise plus ouvertement des missiles balistiques, y compris pour des frappes et des attaques dans quatre pays au cours des quatre premiers mois de 2024 seulement, et qu'il intensifie sa répression contre les dissidents à l'intérieur du pays. Le prédicat en faveur d'une action multilatérale plus soutenue existe déjà.
    Monsieur Taleblu, puis‑je vous demander de conclure dans les 10 à 15 prochaines secondes, s'il vous plaît?
    Bien sûr.
    La question principale est la suivante: l'Occident a‑t‑il la détermination nécessaire pour intervenir afin de contrer ces menaces et réagir de manière à la fois réfléchie et sentie à la politique iranienne?
    Je vous remercie du temps que vous m'avez consacré et de l'occasion que vous m'avez offerte.
    Merci beaucoup.
    Compte tenu de l'heure qui avance et des engagements de certains députés, chaque tour de questions sera de quatre minutes.
    Nous allons commencer par M. Aboultaif.
    Vous avez quatre minutes
    Merci, monsieur le président.
    Je remercie les témoins et je leur souhaite la bienvenue au Comité.
    Je vais d'abord m'adresser à M. Kholdi.
    Nous savons que le réseau du CGRI est très étendu au Canada. Sa présence se manifeste sous différentes formes, du blanchiment d'argent à la contrebande, en passant par les armes, les drogues et tout le reste. Nous savons que cet argent gagné illicitement est destiné au régime. Ces activités illégales ont cours depuis des années au Canada.
    La désignation du CGRI en tant qu'organisation terroriste est-elle la première mesure sérieuse à prendre pour commencer à lutter contre sa présence au Canada, oui ou non?
    Oui. Certainement.
    Avez-vous une idée de l'ampleur des activités de blanchiment d'argent et du réseau mis en place ou du nombre d'individus qui pourraient être déployés en sol canadien? Nous savons qu'au Moyen-Orient, ils l'ont fait avec le Yémen, le Liban, la Syrie, l'Irak. Ils sont partout. J'ai bien peur qu'ils agissent suivant le même modèle au Canada et peut-être, bien sûr, ailleurs dans le monde. Avons-nous beaucoup d'information sur cette organisation et ses activités au Canada?
(1820)
    Je vous dirais brièvement que les renseignements dont nous disposons ne sont jamais suffisants. Le groupe a démontré sa grande capacité d'adaptation, depuis l'époque où tout était analogique dans les années 1960 et 1970 jusqu'à aujourd'hui, en passant par les années 1980 et 1990 où tout le monde utilisait un fax. Il nous faut consentir des efforts incessants pour bien suivre ces adaptations successives.
    Il ne faut pas oublier que ces commandants des Gardiens de la révolution, surtout ceux qui sont partis du Liban, ont une deuxième et une troisième épouse là‑bas. Ils ont des familles là‑bas. Il est parfois impossible de savoir qui est vraiment Libanais et qui est vraiment Iranien. Ils ont fait la même chose en Syrie.
    Il convient surtout de noter que la commission mandatée par le gouvernement de la Colombie-Britannique a indiqué dans son rapport que le Hezbollah du Liban travaillait avec le cartel El Chapo pour blanchir de l'argent en Colombie-Britannique. Le Hezbollah ne fait rien sans coordination préalable avec les Gardiens de la révolution. S'ils sont ici, ils ne sont pas seulement actifs par l'entremise de la diaspora et de certains proches au Canada; ils font aussi des affaires en collaboration avec le cartel latino-américain.
    Docteur Taleblu, ou plutôt monsieur Taleblu, l'heure n'est plus à la diplomatie. Nous devons être véritablement prêts à nous battre. Le CGRI est un groupe idéologique. Il ne va pas simplement s'arrêter à un moment donné. Il va poursuivre ses activités. Ces gens‑là sont très patients et disposent de pouvoirs considérables. N'est‑il pas temps de commencer à lutter sérieusement contre ce fléau au Canada?
    Oui. Je suis tout à fait de cet avis.
    Je vous remercie de la promotion honoraire que vous m'accordez, mais hélas, je n'ai pas de doctorat en médecine.
    Si le Canada n'utilise pas ses pouvoirs juridiques ou politiques pour interdire en quelque sorte la présence illicite de cette organisation terroriste mondiale sur son territoire, cela nous laisse vraiment avec un énorme déficit de capacité en plus de nous placer dans une situation encore plus difficile quand vient le temps de lutter contre la répression transnationale, le terrorisme, le trafic de drogues, la prolifération des armes et tout ce qui préoccupe les responsables canadiens.
     Le président: Il vous reste 20 secondes.
    D'accord.
     Enfin, monsieur Taleblu, croyez-vous que nous avons suffisamment de renseignements au sujet de cette organisation et de l'ampleur de son réseau au Canada?
    Nous en avons certainement suffisamment pour lancer un appel public à l'interdiction. Je le dis en tant qu'Américain qui a également intérêt à ce que les politiques nord-américaines à l'égard de ce groupe soient plus uniformes. Il nous faut cependant davantage de renseignements sur l'ampleur et la profondeur des autres activités illicites qu'elle mène et qui ne faisaient pas partie de ce qu'ont révélé les bons articles dont, par exemple, les reportages de Shahram Kholdi ont fait état.
    Merci.
    Merci beaucoup.
    Nous passons au député Oliphant pour quatre minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Je pense que je vais tout d'abord paraphraser les observations préliminaires de M. Raboudi en disant qu'il n'y a pas de tolérance et qu'il y a en fait du dégoût pour les actes commis par le régime ainsi que par le CGRI. Je pense que nous nous entendons sur ce point. Nous n'envisageons peut-être pas les choses exactement de la même façon, mais je pense que nous nous entendons pour condamner le régime.
    Il n'y a aucun doute là‑dessus.
    Monsieur Kholdi, je me demande si vous pouvez décrire les différences entre le régime et le CGRI, que ce soit sur le plan organisationnel ou sur le plan politique. Y a‑t‑il une différence entre les deux?
     Absolument pas, monsieur.
    D'accord.
    À la fin de votre témoignage, vous avez dit que le CGRI soutenait bel et bien le terrorisme.
    Les commandants eux-mêmes s'en vantent dans leurs entretiens publics. Je peux vous fournir une foule de preuves à cet égard concernant les responsables du CGRI.
    Il n'y a pas de différence entre le CGRI et le régime.
    En 2012, sous le régime précédent, le Canada a inscrit l'Iran sur la liste des États qui soutiennent ou ont soutenu le terrorisme. Cette décision a été réaffirmée chaque année lors de l'examen bisannuel. Nous avons, en fait, déterminé qu'il s'agit d'un État qui appuie le terrorisme. Nous avons décrété que le groupe al‑Qods est une organisation terroriste. Nous avons mis en place des sanctions et des mesures d'immigration restrictives.
    Monsieur Raboudi, vous avez exprimé votre mépris et condamné le CGRI, mais vous avez parlé de la pertinence de l'inscrire sur la liste des organisations terroristes maintenant. Combien de pays dans le monde parmi nos alliés — alliés de l'OTAN, alliés européens — ont désigné le CGRI comme une organisation terroriste?
(1825)
    [Difficultés techniques] pays, surtout au Moyen-Orient, on hésite. Au Moyen-Orient, comme vous le savez, même dans la communauté sunnite, il y a des divisions. Le régime dit une chose et la population en dit une autre.
    Comme je vous l'ai dit, et je tiens à ce que vous le compreniez, ce n'est pas parce que je nie ce que tous mes collègues ont dit. Tout ce qui a été dit est vrai. Le problème, c'est le moment choisi, la situation au Moyen-Orient et la façon dont le monde musulman perçoit le Canada à l'heure actuelle. Lorsque j'ai dit ce que j'ai dit, je parlais des incidents politiques qui pourraient résulter d'une telle décision, si elle était prise maintenant, dans le monde musulman. Elle associera notre pays à ce qui se passe là‑bas. Cela contribuera à la propagande du régime. Il est très doué, très doué, pour la propagande.
    Le Parlement canadien a clairement indiqué qu'il considérait le CGRI comme une organisation terroriste. Le Parlement européen a dit la même chose.
    Oui.
     Cependant, je crois comprendre que la décision de l'inscrire sur la liste des organisations terroristes entraîne d'autres complications. J'ai examiné sa situation à l'intérieur du pays et les effets qu'il a sur la vie de certains Canadiens d'origine iranienne. Vous évoquez également les répercussions géopolitiques d'une telle démarche.
     Serait‑il préférable d'agir de concert avec les alliés? Ou comment pourrions-nous procéder? Ce problème n'est pas nouveau. Il dure depuis 30 ans. Les gouvernements précédents ont dû faire preuve de prudence pour trouver le meilleur moyen de protéger les Canadiens d'origine iranienne, d'envoyer un message à l'Iran et de mettre fin aux activités menées à l'extérieur et...
    Monsieur Oliphant, vous avez dépassé les quatre minutes.
    Je suis désolé. Je vais juste...
    Si vous pouviez nous répondre par écrit à un moment donné, je pense que ce serait très utile.
    En fait, si n'importe lequel des témoins pouvait répondre par écrit à cette question concernant les préoccupations que nous avons, en tant que députés qui veulent adopter une position ferme sur le CGRI, en tenant compte des problèmes que cela peut entraîner et du meilleur moment pour le faire, cela pourrait nous être utile.
    Je pense que nous devons attendre...
    Merci.
    Nous vous serions reconnaissants de nous faire parvenir vos observations et votre réponse à la question du député Oliphant par écrit, car notre temps est très limité.
    Monsieur Bergeron, vous avez la parole pour quatre minutes.

[Français]

     Merci, monsieur le président.
     Je remercie également les témoins.
    Je vais m'adresser à vous, monsieur Raboudi. Ma question est fort simple. Croyez-vous que la liste des entités terroristes a une certaine pertinence?
     Politiquement, oui, c'est certain. Toutefois, pour l'instant, même si c'est légitime, même si c'est justifiable, je ne pense pas que ce soit une bonne idée d'inclure le Corps des gardiens de la révolution islamique, ou CGRI, dans la liste des entités terroristes.
    Cela va-t-il l'empêcher de faire ce qu'il est en train de faire? Je ne le sais pas. Je n'ai pas la compétence juridique pour m'exprimer sur cela, mais, ce que je peux dire, c'est que nous pouvons toujours engager toutes les procédures possibles; prendre toutes les dispositions possibles sans nécessairement prendre une décision politique qui va avoir une résonance idéologicopolitique, géostratégique et géopolitique au Moyen‑Orient, ce qui pourrait ternir l'image du Canada et continuer à créer ce vide. Actuellement, il n'y a personne qui puisse jouer l'intermédiaire dans toute cette anarchie qui frappe le Moyen‑Orient.
    Le Canada jouit d'une certaine notoriété là-bas. C'est un pays qui est reconnu pour sa neutralité, qui n'est pas trop islamophobe, en comparaison avec d'autres pays, comme la France ou les États‑Unis. Si le Canada prend décide de désigner le CGRI comme une organisation terroriste maintenant, dans les circonstances actuelles, il va, premièrement, tout simplement détruire cette image.
    Deuxièmement, dans tous les milieux, que ce soit chiite ou sunnite, dans le monde musulman, le Canada va malheureusement être associé à la tuerie de masse qui se produit maintenant à Gaza. Je veux dire par là que les désavantages de cette décision sont beaucoup plus importants que les avantages. De plus, je le dis, les membres du CGRI ne sont pas des enfants de chœur, mais des tueurs. C'est certain. Ce n'est cependant pas le bon moment pour prendre une décision comme celle-ci.
(1830)
    D'accord.
    J'essaie cependant de comprendre le raisonnement derrière vos propos. Au paragraphe c- de la page 2 de votre mémoire, vous reconnaissez que le CGRI a posé des actes condamnables moralement et politiquement, et qu'il serait donc justifié de les inclure dans la liste des entités terroristes. Cependant, pour des motifs politiques, indépendamment de la justesse du geste, vous nous recommandez de ne pas le faire. Or, je cherche à comprendre en quoi le fait de condamner ou de pointer du doigt, non pas un groupe ethnique ou un groupe religieux, mais un groupe terroriste, pourrait nous discréditer auprès du monde arabo-musulman.
     C'est la dimension sélective qui va tout de suite sauter aux yeux dans les opinions publiques du monde musulman parce que...
    Dites-moi alors clairement ce que vous avez en tête. Voudriez-vous, par exemple — je pousse le raisonnement jusque-là —, que, parallèlement, un peu comme l'a fait la Cour pénale internationale, ou CPI, nous déclarions que l'État d'Israël est un État terroriste?
    Malheureusement, si vous voulez qu'on utilise cette logique, nous allons nous trouver dans cette situation.
    Vous savez que, au Moyen‑Orient, il y a beaucoup de conflits. Comme je l'ai dit dans les 11 pages que je vous ai envoyées, il est extrêmement difficile de blanchir une partie totalement, et d'accuser une autre complètement. Dans tous les conflits qui existent — ce sont des conflits de type identitaire, mais qui sont conjugués à une foule d'autres contentieux —, on voit qu'il y a beaucoup d'acteurs qui, eux aussi, pratiquent le terrorisme. Il y a des acteurs non étatiques qui pratiquent le terrorisme comme nous le concevons, mais il y a aussi des États qui pratiquent le terrorisme d'État, et d'autres États sont aussi impliqués.
    On a parlé de l'implication de l'Iran en Syrie, par exemple. L'Arabie saoudite, la Turquie et le Qatar sont impliqués en Syrie. Il faudrait alors déclarer tous ces pays des entités terroristes. L'État d'Israël, que nous le voulions ou non, a aussi utilisé des tactiques de terrorisme d'État. Vous voyez donc ce qui va sauter aux yeux...

[Traduction]

    Monsieur Raboudi, vous avez dépassé les quatre minutes.

[Français]

    ... dans les opinions publiques musulmanes, ce sera le « sélectivisme », et le Canada va être taxé de pays islamophobe. C'est certain.
    Merci.

[Traduction]

    Merci beaucoup.
    Nous terminons avec la députée Zarrillo.
    Vous disposez de quatre minutes.
    Merci, monsieur le président.
     Je tiens à remercier ma collègue, Heather McPherson. Le NPD a été le premier... La députée McPherson a proposé cette étude il y a plus d'un an. J'en suis ravie. Nous sommes contents que le Comité la mène maintenant. Malheureusement, elle aurait dû avoir lieu il y a plus d'un an, mais nous y sommes.
     Je veux revenir à la situation en Colombie-Britannique et dans ma circonscription de Port Moody—Coquitlam.
    Je vais poser une question à M. Kholdi.
     Des milliers de Canadiens d'origine iranienne vivent dans ma circonscription. Bon nombre d'entre eux ont peur de voir dans les nouvelles, lorsqu'ils se réveillent le matin, ce qui se passe avec le mouvement Femmes, Vie, Liberté. Le fait est qu'ils n'ont pas l'impression de vivre en toute liberté au Canada. Ils sont surveillés ici et ils ont parfois peur de rentrer chez eux ou ne peuvent pas le faire. Ils perdent des membres de leur famille en Iran. Ils ne peuvent pas rentrer chez eux. Ils vivent dans la peur. Ils voient des membres importants du régime à Vancouver et dans les environs.
    Je veux parler de la mesure dans laquelle l'inscription du CGRI sur la liste des organisations terroristes pourrait aider les Canadiens d'origine iranienne à vivre librement au pays.
    Je remercie l'honorable députée pour sa question.
    Chaque fois que quelqu'un invoque le sélectivisme, ma question est la suivante: si au cours des 60 dernières années, la police italienne n'a pas été en mesure de lutter contre la mafia, cela a‑t‑il empêché les procureurs de Milan qui ont été assassinés par la mafia de lutter contre la mafia? Si certains pays ne respectent pas... et qu'ils sont nos alliés et que nous ne pouvons pas nous tenir debout devant eux — comme la Turquie —, cela justifie‑t‑il que nous n'agissions pas contre d'autres pays et que nous laissions aller les choses n'importe comment? Ce genre de relativisme est fascinant. Il s'agit en fait d'un faux raisonnement, que je conteste absolument, non seulement sur le plan des principes moraux, mais aussi sur le plan pratique.
    Attendons-nous que quelqu'un à Port Coquitlam — ou il pourrait s'agir de moi — soit assassiné par les agents du CGRI? De temps à autre, je reçois toutes sortes de menaces de la part des hommes de main de la République islamique, non seulement dans ce pays, mais c'est arrivé aussi lorsque j'enseignais à l'Université de Manchester, où j'ai fait mon doctorat. Allons-nous attendre jusqu'à ce moment‑là?
    Madame, je crois qu'il est temps d'agir et de le faire avec toutes les ressources dont nous disposons. Au moins, nous pourrons dire que nous avons essayé d'agir et que nous avons échoué, et non pas que nous n'avons pas essayé d'agir et que nous avons échoué.
(1835)
    Merci, monsieur Kholdi.
    Je vais poser une question à M. Raboudi dans les deux dernières minutes qui me restent.
    Monsieur Raboudi, vous êtes également professeur. Je sais qu'un certain nombre de professeurs ont travaillé dans des universités en Iran et n'ont pas été conscrits, mais ils avaient toujours leur carte du Sepah pour pouvoir avoir des passeports. Je sais que cela leur pose un problème et je sais que bon nombre d'entre eux se sont réunis au Canada pour parler de leur situation.
     Je me demande si vous pourriez nous expliquer comment l'inscription de l'IRGC sur la liste pourrait aider les Canadiens à vivre librement au Canada et protéger les professeurs d'université qui n'ont pas servi.
     C'est une très bonne question, mais il est également très difficile d'y répondre.
    Une autre fois, quand... Je ne parle absolument pas de tous les faits que mon collègue a expliqués, mais je ne pense pas, pour l'instant, que désigner le CGRI comme organisation terroriste, si... Il ne fait aucun doute qu'ils pratiquent le terrorisme — il n'y a aucun doute —, mais cela ne changera absolument rien pour les gens qui se trouvent en Iran. Le régime va probablement s'en servir pour justifier ce qu'il fait. Cela va légitimer ce qu'il fait.
    Cependant, monsieur Raboudi, est‑ce que cela va changer quelque chose pour les Canadiens? Je suis désolée de vous interrompre...
    Je crains que nous ayons largement dépassé le temps imparti.
    ..., mais est‑ce que cela changera quelque chose pour les Canadiens d'origine iranienne?
     Nous avons dépassé de 50 secondes le temps imparti. Je suis désolé, mais nous allons devoir conclure.
    Permettez-moi maintenant de remercier MM. Raboudi, Taleblu et Kholdi.
    Merci beaucoup.
     Étant donné que nous n'avons eu que peu de temps pour poser des questions, si certains d'entre vous souhaitent donner des précisions, n'hésitez pas à nous les envoyer par écrit. La greffière les acceptera très volontiers pour les députés.
    Merci beaucoup.
    La séance est levée.
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