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Je déclare la séance ouverte.
Bonsoir, et bienvenue à la 35e réunion du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international.
La réunion d'aujourd'hui se déroule en mode hybride, conformément à l'ordre adopté par la Chambre le 23 juin 2022. Les députés participent, selon le cas, en présentiel ici même ou à distance au moyen de l'application Zoom.
Voici quelques consignes à l'intention des témoins et des députés.
Tout d'abord, veuillez attendre que je vous nomme avant de prendre la parole. Si vous participez par vidéoconférence, cliquez sur l'icône du microphone pour activer votre micro. Assurez-vous de le désactiver lorsque vous ne parlez pas. Je dois aussi ajouter que la greffière nous demande d'utiliser, dans la mesure du possible, les oreillettes mises à notre disposition, car, faute de quoi, nous aurons de la difficulté à entendre tout le monde.
Pour ceux qui utilisent Zoom, le bouton d'interprétation se trouve au bas de votre écran. Vous avez le choix entre le parquet, l'anglais ou le français. Si vous participez en personne, vous pouvez utiliser l'oreillette et sélectionner le canal souhaité.
Enfin, je vous rappelle que tous les commentaires doivent être adressés à la présidence.
Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement et aux motions adoptées par le Comité le lundi 31 janvier 2022 et le mercredi 19 octobre 2022, le Comité reprend son étude de la situation actuelle en Haïti.
J'ai maintenant le plaisir d'accueillir nos témoins de l'ambassade de la République d'Haïti. Nous recevons Son Excellence M. Arthus, ambassadeur de la République d'Haïti au Canada. Il est accompagné de M. Ossé Aristild, ministre-conseiller à l'ambassade ici, ainsi que de M. Nesly Numa, également ministre-conseiller.
Monsieur l'ambassadeur, vous disposez de cinq minutes pour faire une déclaration préliminaire, après quoi les députés vous poseront des questions. Lorsqu'il ne vous restera plus qu'une minute, je vous ferai signe afin que vous puissiez conclure votre exposé dans le temps imparti.
Je vous remercie. Vous avez la parole.
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Merci, monsieur le président.
[Français]
C'est avec grand plaisir que j'ai répondu à l'invitation de me présenter devant vous aujourd'hui pour parler de la préoccupante situation qui sévit actuellement en Haïti.
Je dois avant tout vous féliciter et vous remercier de votre intérêt pour mon pays.
Comme vous le savez, la réalité sur le terrain est difficile. La violence orchestrée par les bandes armées bloque le pays et plonge des millions d'Haïtiennes et d'Haïtiens dans une crise humanitaire aiguë.
La violence a débuté depuis un certain temps. Elle a atteint un degré odieux avec l'assassinat du président Jovenel Moïse, le 7 juillet 2021. Depuis, le vol, le viol et les enlèvements font partie du lot quotidien des Haïtiens.
Depuis deux mois, Haïti est quasiment à l'arrêt. Le blocage, par les gangs, du principal terminal du pays empêche la distribution de carburant sur l'ensemble du territoire national. La rentrée des classes pour l'année scolaire en cours n'a pas encore eu lieu. Plus de 2,4 millions d'enfants n'ont pas encore eu la possibilité de regagner leur salle de classe, restée fermée, et sont enfermés chez eux depuis le mois de juin 2022. Près de 4,7 millions de personnes, soit près de la moitié de la population, sont en proie à des niveaux élevés d'insécurité alimentaire. Dans la foulée, l'épidémie de choléra a refait surface, faisant déjà une cinquantaine de morts.
C'est dans ce contexte que le gouvernement haïtien a fait appel à l'aide de la communauté internationale, l'invitant au déploiement d'une force spécialisée pour faire face à cette crise sécuritaire et humanitaire. Ce n'est presque plus un secret, le Canada est très bien placé pour conduire ce qui pourrait être une mission internationale qui serait déployée en Haïti pour aider les autorités à répondre à ce besoin immédiat de sécurité. C'est un soulagement, car le Canada, faut-il le rappeler, est un partenaire qui jouit d'une très prestigieuse réputation en Haïti et qui a déjà présidé plusieurs réunions internationales sur Haïti au cours de cette année. L'intérêt que le Canada, les Canadiens et les Canadiennes portent à Haïti est sans conteste.
Oui, il y a un débat autour de l'envoi d'une force militaire en Haïti. D'abord, dans l'âme de n'importe quel Haïtien, une force étrangère n'est jamais la bienvenue dans le pays. D'ailleurs, c'est ainsi indiqué depuis la première constitution du pays. Le premier ministre lui-même a longtemps, publiquement, écarté l'idée de demander une aide militaire internationale pour Haïti. En outre, il faut le reconnaître, les missions précédentes ont laissé pas mal de mauvais souvenirs. Je vois donc une occasion, certes pas des plus heureuses, mais une occasion quand même, d'activer la solidarité internationale canadienne à l'égard d'Haïti.
Cependant, cette solidarité ne doit pas se confiner aux seuls problèmes de sécurité. Elle doit s'élargir à des projets de construction ou de reconstruction du pays. Elle peut être l'occasion d'aider Haïti à s'attaquer à certains défis majeurs générateurs du problème récurrent de l'instabilité.
Par exemple, au sein d'une mission militaire canadienne, en plus des troupes et des blindés, il serait bien d'avoir aussi un contingent d'ingénieurs militaires et de matériel de construction. En effet, ce n'est pas possible que, 12 ans après le tremblement de terre, la capitale haïtienne ne soit pas encore reconstruite. Le Canada a un formidable corps de génie qui peut aider en ce sens.
Une autre chose qu'il nous faut apprendre du passé, c'est que la démocratie n'est pas seulement le fonctionnement des institutions. Elle a ses corolaires, dont la justice, la lutte contre la corruption et la reddition de comptes. Il y a un autre élément fondamental, et c'est l'économie. Plus de 80 % des jeunes Haïtiens de 18 à 30 ans ne travaillent pas. Leur seule porte de sortie, c'est soit l'immigration, soit le banditisme, soit la politique.
J'en appelle donc au Canada pour aider à mettre nos jeunes au travail. L'aide humanitaire n'a jamais aidé à reconstruire un pays. Les Haïtiens ne se relèveront pas avec la charité. Ils ont besoin d'aide pour se mettre au travail et gagner leur vie dans la dignité. Cela nécessite évidemment un énorme investissement, mais aussi, et surtout, une volonté accrue de faire quelque chose de durable pour aider Haïti.
Finalement, les Haïtiens comme moi seraient heureux d'entendre le Canada dire que, quand il a commencé sa mission en Haïti, 60 % des femmes n'avaient pas accès à des soins de santé, mais que nos ingénieurs ont travaillé pour réduire ce chiffre à 12 %. Nous aimerions l'entendre dire aussi que le chômage, qui touche principalement les femmes et qui force les jeunes filles à se prostituer, a été réduit à un niveau appréciable, qu'il y a un président et un Parlement, et que Port‑au‑Prince est reconnectée au reste du pays.
Pour conclure, j'aurai 49 ans la semaine prochaine. Depuis que je suis entré à l'école secondaire, en 1985, je n'ai pas connu sept années de stabilité en Haïti. Depuis 1994, il y a eu deux grandes interventions militaires et une dizaine de missions onusiennes, et on s'approche vraisemblablement d'une troisième intervention.
Si la communauté internationale, en particulier le Canada, veut nous aider et s'assurer de ne pas retourner en Haïti dans cinq ou sept ans pour une nouvelle opération, il faut non seulement aborder les problèmes de sécurité maintenant, mais aussi nous aider à camper les infrastructures et à construire l'économie de notre pays.
Cela participera du prestige du Canada, cela aidera Haïti à se relever et cela donnera de l'espoir aux autres peuples vulnérables qui tournent leurs yeux vers les pays plus développés pour un lendemain meilleur.
Je vous remercie, monsieur le président
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C'est un peu complexe. Il y a plusieurs ramifications.
Il y a certainement la ramification politique, c'est bien connu. Des études ont été faites sur ce problème en Haïti. La politique n'a pas toujours servi la population. Il est bien connu que c'est un instrument de pouvoir, de prestige et de corruption.
Les gens qui font partie d'un gang sont pauvres, ils ne sont pas riches. Ils n'ont pas la possibilité de voyager pour acheter leurs armes. Il y a donc aussi une ramification économique. Partout où il y a des gangs, toutes sortes de trafics ont lieu. La police saisit parfois des armes qui viennent d'autres pays de la région.
Il y a différents facteurs, économiques comme politiques. Un des facteurs qui font que le problème perdure et qu'on ne l'a pas abordé pendant longtemps, c'est la pauvreté chez les jeunes, qui sont très vulnérables.
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C'est à la fois compliqué et simple. C'est compliqué dans la mesure où les gangs, les personnes qui détiennent les armes sont des jeunes qui sont pauvres et très vulnérables. Il serait important de trouver qui leur fournit ces armes. Qui sont ceux qui achètent ces armes sur le marché international, les importent et les fournissent à ces jeunes?
Il faudrait aussi savoir à qui profitent les enlèvements, un domaine florissant en Haïti. Chaque personne enlevée peut leur rapporter des dizaines de milliers de dollars en rançon.
Cet argent va quelque part, et je pense que certains pays, dont le Canada, font l'effort d'examiner ce qui se passe chez eux, ce qui est très bien. Dans la pratique, des gens qui font des crimes de corruption ou autres en Haïti et se cachent ensuite aux États‑Unis, au Canada ou ailleurs.
Il est important que les pays de la communauté internationale décident, comme le Canada est en train de la faire, de sanctionner les personnes qui vont se cacher chez eux.
Comme je l'ai dit, il est important de sanctionner les gangs, mais ils ne sont pas les seuls responsables.
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Merci, monsieur le président.
[Français]
Je souhaite la bienvenue à ce comité à Son Excellence l'ambassadeur et aux invités qui l'accompagnent. J'en profite pour les saluer.
[Le député s'exprime en créole.]
[Français]
Avant d'aller plus loin, Votre Excellence, je voudrais, par votre intermédiaire, présenter mes sincères condoléances à la famille de Mikaben, ce jeune artiste talentueux, qui vient de décéder subitement. Cela nous a tous attristés.
Votre Excellence, étant donné que je ne dispose que de six minutes, je voudrais vous poser des questions et obtenir des réponses très courtes. Si ces questions vous causent de l'inconfort en tant que diplomate, n'hésitez pas à me demander de passer à la prochaine question.
Voici ma première question.
La demande faite par le gouvernement haïtien ne constitue-t-elle pas, pour lui, un aveu d'échec à diriger le pays?
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La première difficulté sera une difficulté d'acceptation. Comme je l'ai dit, il y a des débats sur la question, et ceux-ci sont presque légitimes, vu l'histoire d'Haïti et ses expériences en ce qui concerne les forces internationales.
Par ailleurs, je ne suis pas expert en sécurité, mais je crois qu'il y aura un défi sur ce plan. Il faudra identifier les gangs et entrer dans les quartiers pour mener des opérations, ce qui risque d'être compliqué. C'est pourquoi il sera important de collaborer avec la police.
Mon plus grand souhait serait que le Comité permanent des affaires étrangères et du développement international ne se réunisse pas de nouveau dans cinq ou sept ans pour parler d'Haïti, de la crise et de la sécurité. C'est pourquoi j'appuie la stratégie canadienne afin de trouver un plan.
Je suis bien content qu'une mission soit allée en Haïti, la semaine dernière, et qu'elle soit revenue avec des conclusions et des recommandations. J'espère que celles-ci mèneront à la création d'un plan crédible permettant au moins à une nette majorité d'Haïtiens de comprendre et d'accepter l'aide qu'il est nécessaire de recevoir de la communauté internationale, en particulier celle du Canada. On n'aura jamais tous les Haïtiens à bord, et c'est normal.
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Merci, monsieur le président.
Bonjour, Votre Excellence.
Je vous remercie infiniment d'être des nôtres aujourd'hui et je remercie aussi vos collaborateurs.
Je pense que vos propos, jusqu'à présent, sont des plus éclairants pour les membres de ce comité.
Je ne vous cacherai pas que nous recevons, chacun et chacune d'entre nous, une foule de messages de gens qui nous disent que nous devons aller en Haïti, et de gens qui nous disent que nous ne devons surtout pas y aller. S'il y a une leçon à tirer de toutes les expériences antérieures, c'est que nous sommes débarqués en Haïti en ayant l'impression de savoir ce qu'il fallait faire, et ce, sans jamais réussir à améliorer la situation. On le voit bien aujourd'hui.
L'une de nos préoccupations actuelles est de faire en sorte de mettre les Haïtiens dans le coup et que le projet, les solutions et ce qui sera mis en œuvre seront inspirés par les Haïtiennes elles-mêmes et les Haïtiens eux-mêmes.
La difficulté devant laquelle nous nous retrouvons est que la diaspora au Québec et au Canada nous invite soit à appuyer une mission d'intervention, soit à nous y opposer. Cela nous confronte à une situation où nous ne savons pas qui est notre interlocuteur. Le gouvernement en place à Port‑au‑Prince est un gouvernement qui ne contrôle pas le territoire pour les raisons que vous avez évoquées. C'est un gouvernement dont la légitimité est hautement remise en question. À défaut de ne pas avoir d'autres interlocuteurs, nous sommes obligés de prendre en considération la demande qui nous est adressée, tout en ayant la diaspora, au Québec et au Canada, qui nous dit dans un cas d'aller en Haïti, et dans l'autre qu'il ne faut pas y aller.
À défaut d'avoir un interlocuteur, comment pouvons-nous nous assurer que la demande qui a été adressée par le gouvernement haïtien correspond à ce que veulent les Haïtiennes et les Haïtiens?
Vous avez bien évoqué, Votre Excellence, les mauvais souvenirs que les Haïtiennes et les Haïtiens continuent de ressentir à cause des expériences antérieures, et je peux le comprendre.
Comment pouvons-nous être assurés que la demande qui nous est adressée par le gouvernement haïtien répond ou correspond à ce que souhaitent les Haïtiennes et les Haïtiens? Y a-t-il eu des sondages ou des consultations, considérant le fait qu'on ne contrôle pas le territoire? J'imagine que c'est un problème qu'on veut régler au moyen de cette demande d'intervention.
Vous comprenez la difficulté devant laquelle nous nous retrouvons, Votre Excellence. À défaut d'avoir un interlocuteur, comment pouvons-nous être certains de mettre les Haïtiens dans le coup?
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Je suis tout à fait d'accord que c'est une question difficile à résoudre et que le consensus est difficile à obtenir.
En ce qui a trait aux interlocuteurs, comme je l'ai dit il y a quelques années, je dois reconnaître qu'Haïti n'est pas dans une situation complètement constitutionnelle. On a quand même un gouvernement en place. On a un premier ministre, reconnu sur le plan international, qui a participé aux sommets et aux congrès internationaux et qui a adressé une demande au secrétaire général de l'ONU et à plusieurs gouvernements, dont celui du Canada.
De plus, la situation sur le terrain parle un peu d'elle-même. Je crois que les médias canadiens qui ont un correspondant en Haïti nous expliquent la situation très clairement: c'est une situation désespérante à laquelle il faut trouver une solution. Maintenant, je suis tout à fait d'accord que la forme que doit prendre cette solution ou, du moins, l'unanimité derrière cette solution n'est pas encore là. C'est pour cela que je crois que le dialogue qui se poursuit entre les Haïtiens de manière à obtenir un consensus minimal sur ce qu'il faut faire avec le pays est important, même si ce n'est pas un large consensus.
J'ai eu des échos de la mission canadienne qui a été en Haïti. Comme je l'ai dit, je suis content que le Canada ait envoyé une mission en Haïti. Les représentants de cette mission ont rencontré différents acteurs à la fois de l'opposition du gouvernement et de la société civile, c'est-à-dire des personnes qui ne font pas du tout partie du gouvernement.
Je suis sûr que, dans quelques semaines, il pourrait y avoir un bilan assez clair et presque neutre, si je peux le dire ainsi, qui viendra de cette mission canadienne en Haïti.
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Je crois que les leçons sont là et qu'elles sont claires. Il y a des erreurs à ne pas commettre sur le plan de la discipline et du déploiement.
Comme je l'ai dit, l'un des éléments importants qui pourraient donner une très forte légitimité, ce serait d'avoir une force qui, peu importe son nom ou sa composition, arrive en Haïti et se met vraiment au travail et qui, parallèlement à la sécurité, se met au travail dans le domaine de la construction. La construction est très importante pour nous, en Haïti, aujourd'hui, parce que nous ne sommes pas encore relevés du tremblement de terre.
Je suis sûr qu'en deux ou trois semaines, rapidement, les gens verraient des résultats, verraient le travail. Ils pourraient alors comprendre que celui qui vient d'ailleurs ne vient pas forcément en Haïti pour humilier les Haïtiens ou pour des raisons strictement impérialistes, mais...
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Merci, monsieur le président.
Je tiens à remercier Son Excellence d'être ici avec nous. Nous avons eu droit à une conversation fort intéressante. Mes collègues ont posé des questions très importantes, et vous nous avez fourni des renseignements très importants.
Je tiens également à exprimer, comme d'autres l'ont fait, mes condoléances relativement à ce qui se passe en Haïti. Je constate à quel point cette situation affecte Son Excellence, mais en fait, elle affecte toutes les personnes en Haïti et toutes les communautés de la diaspora au Canada qui ont des liens avec Haïti. De toute évidence, le pays traverse une période horrible, et nous tous ici présents essayons de trouver la meilleure façon de soutenir les Haïtiens dans l'immédiat.
Je vais poser des questions sur une gamme de sujets différents, à commencer par la crise politique.
Monsieur l'ambassadeur, nous savons qu'Haïti n'a pas tenu d'élections depuis plusieurs années. Nous savons que le premier ministre n'a pas été élu. Vous avez dit que ce dernier avait été reconnu par d'autres pays, mais en réalité, il est un chef non élu.
Quelles discussions le premier ministre a‑t‑il avec les partis de l'opposition et la société civile? Vous pourriez peut-être parler des signataires de l'accord de Montana. Quelles sont les solutions possibles pour assurer la transition vers un gouvernement provisoire et la tenue d'élections ultérieures?
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Merci, Votre Excellence.
Je vais maintenant parler des droits de la personne. C'est, bien entendu, un sujet très important pour moi, ce qui ne devrait pas surprendre grand monde dans cette salle.
Je lisais justement un article intitulé « Killing with Impunity », publié en 2021 par l'International Human Rights Clinic de la faculté de droit de l'Université Harvard. On y apprend qu'au cours des dernières années, en Haïti, les organisations de défense des droits de la personne ont fait état de graves allégations, notamment de massacres de civils, de corruption et de ciblage de manifestants politiques et de membres de l'opposition. Certains de ces abus auraient été perpétrés par le gouvernement ou la police.
Pouvez-vous nous parler du travail effectué par votre gouvernement pour lutter contre la corruption? Quels sont les recours en justice dont disposent ces victimes d'abus?
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Merci, Votre Excellence.
Je remercie vos conseillers d'être des nôtres aujourd'hui, et je vous remercie également de nous faire part de votre expérience.
Mes premières questions m'ont été proposées par l'une de mes employées, qui est membre de la diaspora haïtienne. En fait, elle a toujours de la famille en Haïti.
Elle se rappelle qu'au début des années 1990, le Canada avait aidé à la formation des policiers — c'était plus précisément en 2004 — et, comme vous l'avez mentionné, le Canada avait alors envoyé des Casques bleus sur le terrain en Haïti.
Votre gouvernement réclame des forces extérieures supplémentaires. Quelle est la réaction de la police haïtienne à cet égard? Comment ces forces extérieures seraient-elles accueillies, d'après vous?
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Le principal problème, c'est les armes. En effet, les gangs ont des armes beaucoup plus performantes que celles de la police.
Ensuite, il y a un problème quant à l'entraînement. L'une des choses qu'on ne dit pas, c'est que plusieurs Haïtiens ont quitté le pays, incluant plusieurs policiers des forces spécialisées. Celles-ci ont parfois été entraînées ou financées par le Canada. Leur départ laisse donc un vide.
L'une des choses qu'on dit très rarement, mais que tout le monde reconnaît, c'est que lorsqu'un pays a un taux de violence élevé ou accru, cela veut dire qu'il y a une certaine implication des forces de sécurité en place. On l'a prouvé ailleurs, et Haïti ne fait pas exception à la règle.
On parle des intérêts économiques et politiques. On peut comprendre que les forces sur place aient envie de protéger ces intérêts. C'est la raison pour laquelle la collaboration internationale est importante. Cependant, je ne suis pas certain qu'une autre force peut venir faire le travail de la police. D'ailleurs, je ne suis pas sûr que c'est ce que le gouvernement demande.
De toute façon, l'accompagnement de la communauté internationale sera nécessaire, ne serait-ce que dans le cas de la force policière. C'est à la fois un problème de sécurité, un problème politique et un problème économique.
Haïti ne pourra pas s'en sortir sans l'aide de la communauté internationale.
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Merci beaucoup, monsieur le président.
[Français]
Monsieur l'ambassadeur, tout comme vous, je souhaite ardemment qu'Haïti redevienne l'Haïti chérie qu'on a déjà connue. Même si j'ai quitté Haïti quand j'avais 15 ans, je suis la situation de très près.
J'ai deux questions à vous poser.
D'abord, la demande du premier ministre Henry ne comporte pas d'échéancier. En avez-vous un en tête?
Ensuite, on entend souvent parler d'une solution dirigée par les Haïtiens. Des gens disent qu'il y aurait du pétrole et des minerais en Haïti, et que c'est pour cela que des pays s'arrangent pour y mettre les pieds.
Que pouvez-vous nous dire sur ces ressources qui seraient cachées dans le sol haïtien?
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Il y a un système en place et c'est très compliqué. Il nous faudrait toute une séance pour l'expliquer. C'est un système où il y a des élections au moins tous les deux ans. Il faut changer les sénateurs, qui ont un mandat de six ans. Les députés ont des mandats de quatre ans, les maires ont des mandats de quatre ans et le président a un mandat de cinq ans. Dans notre pays, il faudrait que des élections aient lieu tous les ans.
Malheureusement, jusqu'à maintenant, la diaspora, aussi forte et aussi importante soit-elle, ne participe pas au processus électoral. Les Haïtiens qui sont à l'étranger ne peuvent pas voter ni soutenir des candidats. C'est ce que je peux vous dire rapidement sur le processus pour démontrer à quel point il est compliqué.
En parlant du Canada, j'aimerais ajouter quelque chose que j'ai souvent dit à mes collègues. Je suis ici depuis exactement deux ans et j'ai vu qu'il y a une manière canadienne de faire les choses. J'ai vu la discipline, le dialogue et la quête du consensus, même si ce n'est pas toujours évident en politique.
Le Canada ne va pas lâcher Haïti, et, avec ou sans intervention, le Canada demeurera un bon partenaire d'Haïti. Peu importe la solution que le Canada prévoit pour Haïti, j'aimerais que cette manière de faire du Canada soit aussi employée dans la manière de fonctionner avec Haïti.
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Merci beaucoup, monsieur l'ambassadeur.
Merci également à MM. Aristild et Numa. Vos témoignages ont été très utiles.
Comme vous avez sûrement pu le constater, tous les membres du Comité souhaitent ardemment trouver des pistes de solution. Nous reconnaissons combien il est important, combien il est impératif, que la stabilité revienne en Haïti et, comme l'a dit notre collègue, nous espérons pouvoir contribuer à la reconstruction d'Haïti afin que le pays redevienne très bientôt l'« Haïti chérie ».
Nous vous saurions gré de bien vouloir nous faire parvenir vos réponses aux questions que nous vous enverrons afin qu'elles soient prises en compte dans le cadre de notre étude.
Je vous remercie.
Nous allons maintenant suspendre la séance pendant quelques minutes afin de pouvoir prendre une photo avec l'ambassadeur, après quoi nous passerons à notre étude sur les inondations extrêmes au Pakistan.
Merci.
Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement et à la motion adoptée par le Comité le mercredi 21 septembre 2022, le Comité reprend son étude sur les inondations extrêmes au Pakistan.
J'ai maintenant le plaisir d'accueillir nos deux témoins. Il y a d'abord Mme Zeina Osman, directrice de l'équipe des dons et de l'impact à l'International Development and Relief Foundation. Ensuite, nous recevons une témoin du Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés. C'est avec grand plaisir que nous accueillons de nouveau Mme Rema Jamous Imseis, la représentante de l'UNHCR au Canada.
Vous disposerez chacune de cinq minutes pour faire une déclaration préliminaire, après quoi nous passerons aux questions des députés.
Madame Osman, nous vous écoutons.
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Merci, monsieur le président.
J'aimerais tout d'abord remercier le Comité de m'accorder du temps pour traiter de la désastreuse crise humanitaire qui sévit au Pakistan.
Je suis persuadée que, à l'heure actuelle, vous êtes tous au fait de l'ampleur de cette catastrophe d'origine climatique et du rôle subséquent du Canada dans l'aide apportée aux Pakistanais.
Depuis 1984, l'International Development and Relief Foundation, ou IDRF, fournit une aide humanitaire efficace et des programmes de développement durable basés sur les principes de dignité humaine, d’autosuffisance et de justice sociale. L'IDRF figure sur la liste des 100 principaux organismes de bienfaisance de Charity Intelligence. À ce titre, elle œuvre dans le cadre d'un modèle de localisation où la majorité de son travail à l'international est mené par l'intermédiaire de partenaires locaux fiables de sorte à joindre les plus vulnérables de la façon la plus efficace possible.
Nous savons tous que le Pakistan est gravement touché par les changements climatiques, bien que sa population n'en soit essentiellement pas responsable. Il est quelque peu scandaleux, à la lumière du nombre croissant de phénomènes météorologiques extrêmes comme celui‑ci à l'échelle du globe, que l'action climatique soit encore mise en veilleuse tandis que les émissions de gaz à effet de serre continuent d'augmenter, ce qui accroît les risques pour l'ensemble de la planète. Le financement que le Canada accorde à la lutte aux changements climatiques ne convient pas à ce genre de phénomènes dont la fréquence et la gravité s'accentuent. Est-ce que le Canada va attendre que de telles catastrophes se produisent ici pour établir un plan d'action crédible?
À la fin du mois d'août, nous avons signé une lettre ouverte à l'intention du gouvernement du Canada à titre d'allié clé de notre intervention humanitaire au Pakistan, où quelque 30 millions de personnes sont touchées par ces inondations destructrices. Dans la lignée du principe humanitaire « ne pas nuire », nous estimions nécessaire que le gouvernement du Canada fournisse du soutien aux organismes autres que les quelques membres choisis d'une coalition humanitaire. S'engager à avoir le plus grand impact possible en fournissant de l'aide aux nombreux organismes internationaux qui ont déjà une présence importante au Pakistan est tout aussi important.
Dans cette lettre ouverte, nous avons détaillé nos 30 ans de travail dans la région à titre d'organisme international, mais aussi mis en lumière notre travail dans la foulée des inondations de 2010 au Pakistan, où nous avons construit plus de 1 000 maisons, exploité des cliniques de soins de maternité où des femmes enceintes ont reçu des prestations de santé, puis installé plus de 1 000 pompes à main pour l'approvisionnement en eau douce. Voilà essentiellement où résident nos forces dans ce type d'aide en cas de catastrophe.
Tout comme nombre de nos pairs dans le secteur humanitaire, nous avons invité le gouvernement canadien à revoir sa politique de jumelage des fonds applicable à une poignée d'organismes, puisque cela aurait une incidence directe sur notre capacité à aider un maximum de gens, et pourtant nous demeurons sur notre faim. Heureusement, nous avons pu rallier notre communauté d'amis pour ainsi recueillir 3 millions de dollars en soutien aux Pakistanais, ce qui témoigne indubitablement à la fois de la réputation et de l'intégrité de notre organisme et de ses amis.
Il a fallu environ trois ans à la population pour se relever des inondations de 2010 et on s'attend à ce que ce soit plus long après celles de 2022, puisque les dommages se chiffrent déjà à plus de 10 milliards de dollars. Ajoutez à cela l'instabilité économique et l'inflation, et le rétablissement sera encore plus difficile pour ces communautés sans un financement adéquat. Tout comme en 2010, nous demandons que le gouvernement crée un fonds d'aide au Pakistan pour une intervention humanitaire soutenue et un rétablissement tant immédiat qu'à long terme.
L'IDRF est idéalement placée pour accéder aux communautés grâce à son réseau de partenaires locaux et à un solide réseau d'organismes communautaires. Notre modèle de localisation est une réussite clé de notre travail. Il est important que l'IDRF veille à ce que ses projets et programmes soient pertinents, adaptés au contexte et ancrés dans la culture. Nous adaptons notre intervention aux besoins de chaque communauté.
Je vais m'arrêter ici et serai heureuse d'avoir une discussion approfondie avec vous.
Merci.
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Merci beaucoup, monsieur le président, et merci aux membres du Comité.
Permettez-moi de prendre un instant pour bien cadrer la question, afin que nous ayons tous les mêmes renseignements avant de commencer cette séance importante.
Depuis juin dernier, des pluies torrentielles et des crues éclairs ont causé une catastrophe d'origine climatique sans précédent au Pakistan, touchant plus de 33 millions de personnes. Des milliers de personnes sont mortes et blessées, tandis que l'infrastructure du pays, ce qui comprend les maisons, les routes, les ponts, les établissements de soins de santé et les écoles, a été endommagée ou détruite. Les terres agricoles ont subi de vastes dommages et la mort du bétail a eu un impact majeur sur la vie et la subsistance de nombreuses personnes, précipitant des millions d'entre elles dans la pauvreté.
Les inondations ont également bloqué l'accès aux communautés isolées, leur population ayant donc du mal à trouver un lieu sûr et les intervenants humanitaires peinant à leur apporter l'aide dont elle a bien besoin. Près de huit millions de personnes ont dû quitter leur foyer, beaucoup se réfugiant dans des camps. Bien que le pire des inondations soit passé, les conditions dans les régions les plus touchées, où il y a encore de l'eau stagnante, sont fort inquiétantes. Les maladies hydriques menacent des millions de personnes, dont la majorité sont des femmes et des enfants. Déjà, on constate une hausse des cas de malaria, de dengue et de choléra.
Il est important de se souvenir que, en plus des Pakistanais qui ont vu leur vie dévastée par ces inondations, le pays et sa population ont généreusement accueilli des réfugiés afghans pendant plus de 40 ans. Plus de la moitié des districts déclarés régions sinistrées par le gouvernement accueillent quelque 800 000 réfugiés afghans. Les inégalités préexistantes exacerbées par les inondations, y compris les risques de violence fondée sur le genre et contre les enfants, font craindre des risques accrus à cet égard. Avec l'hiver qui approche à grands pas, des millions de personnes déplacées ont un besoin urgent d'aide pour se préparer aux dures conditions météorologiques, surtout que leur capacité à s'adapter était déjà grevée par une inflation galopante et la hausse des prix de la nourriture avant les pluies.
D'emblée, mon organisme, le Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés, de pair avec des intervenants du secteur humanitaire local et international, appuie l'intervention menée par le gouvernement dans les régions touchées où il y a une concentration élevée de réfugiés. Nous avons livré des milliers de tonnes métriques d'approvisionnement de secours, y compris des tentes, des matelas de camping, des couvertures, des lanternes solaires, des trousses d'accessoires de cuisine, des moustiquaires et des trousses d'hygiène à partir de nos stocks dans le pays et dans les entrepôts régionaux des Émirats arabes unis et de l'Ouzbékistan, grâce à plus de 300 camions et 23 avions-cargos. Nous avons aussi fourni de l'aide monétaire aux familles les plus vulnérables qui ont épuisé tous les autres mécanismes à leur disposition.
Vu l'ampleur colossale des besoins, les Nations unies et ses partenaires du secteur humanitaire ont émis un appel au financement auprès de la communauté internationale afin de soutenir les efforts de secours. De même, mon organisme a demandé une aide financière supplémentaire pour répondre aux besoins croissants dans les régions où il y a des populations de réfugiés importantes. Ces appels visent à nous aider à fournir de l'aide vitale immédiate, mais aussi à mener de premiers efforts de rétablissement, comme la réparation des maisons, des établissements de soins de santé et des écoles, de même que des systèmes relatifs à l'eau, à l'assainissement et à l'hygiène.
Au‑delà de ces besoins immédiats et du fait que le Pakistan est en première ligne de l'urgence climatique, les plans d'intervention comprennent des mesures de prévention et de préparation pour éviter et minimiser les effets des phénomènes météorologiques extrêmes à l'avenir et favoriser la résilience, surtout dans les communautés les plus vulnérables, ce qui inclut les réfugiés. La météo imprévisible est susceptible d'aggraver les conditions, donc il sera vital d'investir dans du logement et une infrastructure communautaire durables afin d'accroître la préparation et la résilience par rapport aux catastrophes futures.
Puisqu'il risque d'y avoir des pluies semblables dans le futur, le programme d'aide au logement devra adapter le choix de ses matériaux en conséquence de sorte que les maisons puissent mieux résister aux pluies que les structures en briques crues actuelles, qui s'avèrent vulnérables dans ce genre de situation d'urgence. Ce programme doit aussi comprendre une expansion des programmes de subsistance en établissant un lien entre le rétablissement et la reconstruction adaptés au climat, d'une part, et la création d'emplois verts ainsi qu'un accent accru mis sur l'environnement, d'autre part.
Le Pakistan et le peuple pakistanais ont fait preuve d'une immense générosité en accueillant des réfugiés afghans pendant plus de 40 ans. Nous exhortons tous les pays, y compris le Canada, à se montrer solidaires du Pakistan et des communautés qui accueillent des réfugiés dans ce pays pour les aider à reconstruire leur vie tout en limitant l'incidence des chocs climatiques à venir.
Merci, monsieur le président.
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J'aimerais remercier les témoins, Mme Osman de l'IDRF et Mme Imseis de l'UNHCR, pour leur présence. Merci pour le travail fabuleux que vos organismes et vous faites.
Je vous avise que j'étais au Pakistan en juin dernier, avant la déferlante de nouvelles et le début des inondations violentes, mais j'ai vu le début des moussons et certaines de leurs conséquences.
Je suis à moitié Pakistanais. Contrairement à ce que les gens peuvent croire, je ne suis qu'en partie d'origine pakistanaise et non totalement. J'ai échangé avec beaucoup de Canadiens d'origine pakistanaise qui se sont adressés à moi et qui tentent d'amener le Canada, notre pays, à faire quelque chose par rapport aux inondations.
Je tiens à souligner que, pendant mon séjour au Pakistan, j'ai vu beaucoup de tentes de l'UNHCR le long des routes vers le Nord. Beaucoup de gens vivent le long des grandes routes dans ces tentes qui sont couvertes de l'acronyme « UNHCR ».
Nous savons qu'il y a 1,4 million d'Afghans qui sont inscrits au Pakistan. Pouvez-vous nous dire combien d'Afghans inscrits et non inscrits il y a, et de quelle façon ces inondations placent ces réfugiés en situation encore plus précaire, tant sur le plan littéral que figuré, et pas seulement les Afghans, mais bien tous les réfugiés?
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Je vous remercie de cette question.
En effet, il y a 1,3 million d'Afghans qui sont enregistrés comme réfugiés auprès du Haut Commissariat pour les réfugiés. En plus de cela, il y a environ 850 000 Afghans qui portent une carte de citoyen afghan, et nous estimons que 600 000 ou 700 000 autres Afghans sont sans papiers. C'est une population assez importante dans le pays et, comme je l'ai dit dans ma déclaration liminaire, elle est là, en grande partie, depuis plus de 40 ans.
Bien sûr, nous avons eu des afflux récents et de nouveaux flux de réfugiés qui sont entrés dans le pays à la suite de la prise du pouvoir par les talibans en août dernier, mais les conditions étaient déjà très difficiles. Lorsque vous avez une situation de déplacement de ce type qui s'éternise, qui s'étend sur des décennies, il devient très difficile de maintenir le soutien des donateurs et le financement des opérations sur place. Le Haut Commissariat pour les réfugiés est présent dans ce pays depuis plus de 40 ans, et nous avons dû lutter à maintes reprises pour assurer de façon constante et durable le financement des besoins de ces personnes.
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Merci beaucoup, monsieur le président.
Je remercie les témoins de leur présence parmi nous aujourd'hui et du travail qu'ils effectuent.
Le 28 octobre, le Programme des Nations unies pour le développement, le PNUD, a publié une évaluation des dommages, des pertes et des besoins à la suite des inondations au Pakistan. Selon cette évaluation, le total des dommages dépasse 14,9 milliards de dollars américains, les pertes économiques totales atteignent environ 15,2 milliards de dollars américains et les besoins estimés en matière de réhabilitation et de reconstruction sont d'au moins 16,3 milliards de dollars américains.
Dans une lettre ouverte datée du 30 août 2022, l'International Development and Relief Foundation, l'IDRF, demande au gouvernement du Canada de créer un fonds d'aide de 50 millions de dollars pour le Pakistan, afin de financer à la fois l'intervention humanitaire immédiate et le redressement à long terme. Au total, le Canada a fourni une aide de 33 millions de dollars pour la réponse aux inondations et le rétablissement à long terme au Pakistan.
Ma première question s'adresse à Mme Osman.
D'une part, compte tenu de la demande de 50 millions de dollars, j'imagine que l'aide de 33 millions de dollars vous apparaît insuffisante. D'autre part, j'aimerais savoir comment vous avez évalué cette somme de 50 millions de dollars. Jugez-vous que ce montant représente un financement adéquat pour relever le Pakistan à la suite des épreuves qu'il a connues?
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C'est vrai, oui. C'est un bon argument.
C'est l'une des choses qui me préoccupent lorsque j'entends parler du programme de jumelage. Nous voulons que le ministère des Affaires mondiales soit flexible. Nous voulons qu'ils soient réactifs, en particulier lorsque nous voyons des choses comme celles qui se produisent au Pakistan.
Bien sûr, ce ne sont pas des choses que l'on peut prédire avec un certain degré de fiabilité. Nous savons qu'il s'agit de répercussions de la crise climatique et nous savons que ces catastrophes se reproduiront. Nous ne savons évidemment pas où elles se produiront ni à quelle fréquence.
Le gouvernement du Canada a également proposé 5,3 milliards de dollars pour financer la lutte aux changements climatiques. Lorsque vous parlez du financement de contrepartie et de l'incidence négative qu'il a eue, je regarde ces 5,3 milliards de dollars et je constate que la grande majorité est destinée à de grands organismes multilatéraux. Cet argent n'est pas destiné aux organismes canadiens ou aux organismes locaux. Pensez-vous que la façon dont ces 5,3 milliards de dollars sont affectés devrait également être revue et corrigée afin d'inclure davantage d'acteurs au Pakistan et dans d'autres pays?
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Je pense que vous faites référence aux observations que le secrétaire général António Guterres a formulées suite à sa visite du pays à la fin du mois de septembre.
Comme je l'ai souligné dans mon exposé, il s'agit vraiment de faire les choses un peu différemment. Il s'agit de créer des structures résistantes au climat, de mieux reconstruire.
Il y a quelques jours à peine, les Nations unies, l'Union européenne, la Banque mondiale et la Banque asiatique de développement ont publié leur première évaluation des besoins post-désastre. L'un des principaux points de cette évaluation, c'est qu'au fur et à mesure que nous reconstruisons, nous devons nous assurer — cela demande un effort considérable — de le faire avec des technologies qui peuvent résister aux conditions climatiques et en gardant à l'esprit l'observation des principes qui assurent la résistance aux conditions climatiques.
Comme vous l'a dit ma collègue du groupe d'experts, nous savons que cela va se reproduire. Pas plus tard que l'année dernière, les régions touchées par les inondations ont souffert de différents degrés de sécheresse, de léger à grave. Comme nous savons que le climat va continuer d'être imprévisible et que les phénomènes météorologiques extrêmes vont se poursuivre, une partie de notre réponse — je dirais même une partie substantielle de notre réponse — doit inclure la garantie que tout ce que nous reconstruisons est aussi résistant que possible aux conditions climatiques de l'endroit.
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Merci, monsieur le président. Pourriez-vous me faire signe lorsqu'il ne me restera plus que 30 secondes?
Le président: Bien sûr.
M. Randy Hoback: Je veux reprendre là où la députée néo-démocrate s'est arrêtée. C'est à cet endroit que je commence à avoir de la difficulté.
Lorsque je parle à des ambassadeurs, l'une des choses qu'ils me disent, c'est qu'en situation normale, les programmes offerts par le Canada sont de bons programmes. Cependant, dans une situation comme celle que connaît le Pakistan, ces programmes continuent d'appliquer les mêmes exigences qu'en temps normal.
Comment pouvez-vous prendre un scénario et dire « nous allons réaliser ce projet » alors qu'en réalité, tout ce dont vous avez besoin c'est de la nourriture, de l'eau et des médicaments, bref du strict nécessaire qui permettra à ces gens de traverser la crise? Pourquoi ne pouvez-vous pas prélever ces fonds à court terme à partir des programmes existants et être ainsi en mesure de réagir immédiatement? Qu'est‑ce qui vous retient de faire cela?
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C'est une excellente question.
Dans le cas de nos bailleurs de fonds privés, nous sommes en mesure de décider rapidement, et nous passons, sur la base d'une évaluation des besoins, à une réponse de crise immédiate. Nous essayions bien entendu d'avoir une réponse à plusieurs volets en place et, heureusement pour nous, nous travaillons déjà dans plusieurs de ces régions, de sorte qu'une partie du travail que nous faisons sur les différents projets est assez facile à modifier et à adapter afin d'assurer que les besoins en matière de nourriture, de santé et d'eau sont satisfaits.
Cependant, lorsqu'il s'agit de financement gouvernemental, la réaffectation des ressources aux fins de réponse de crise ne se fait pas aussi facilement. Il faudra que le gouvernement se penche sur certains de ses modèles de financement des programmes et des projets.
Nous sommes assurément en faveur d'une plus grande marge de manœuvre qui nous donnerait l'autonomie nécessaire pour prendre des décisions quant à la réaffectation des ressources lorsque cela est nécessaire.