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Je déclare la séance ouverte.
Bienvenue à la 54e réunion du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international.
Conformément à l'ordre de la Chambre du 23 juin 2022, la réunion d'aujourd'hui est en format hybride. Les députés y participent en personne, dans la salle, et à distance, avec l'application Zoom.
J'aimerais faire quelques commentaires pour le bien des témoins et des membres du Comité.
Veuillez attendre que je vous nomme avant de prendre la parole. Veuillez également parler lentement et clairement lorsque vous avez la parole. Ceux qui participent à la réunion par vidéoconférence doivent cliquer sur l'icône du microphone pour l'activer, et le mettre en sourdine lorsqu'ils n'ont pas la parole.
En ce qui concerne l'interprétation, l'application Zoom vous offre, au bas de l'écran, le choix entre le son du parquet, l'anglais ou le français. Les personnes qui se trouvent dans la salle peuvent utiliser l'oreillette et choisir le canal souhaité.
Je vous rappelle que tous les commentaires doivent être adressés à la présidence.
Conformément à notre motion de régie interne, la greffière m'a informé que tous les témoins ont effectué les tests de connexion requis avant la réunion.
Nous sommes réunis conformément au paragraphe 108(2) du Règlement et à la motion adoptée par le Comité le 20 juin 2022. Le Comité reprend son étude sur la santé et les droits sexuels et reproductifs des femmes dans le monde.
C'est avec grand plaisir que nous accueillons aujourd'hui deux témoins pour le premier groupe de discussion.
Nous recevons d'abord Beth Woroniuk, vice-présidente, Politiques chez Fonds Égalité. Nous céderons ensuite la parole à Lesia Vasylenko, députée au Parlement de l'Ukraine.
Vous disposerez chacune de cinq minutes pour vos déclarations préliminaires, après quoi les députés pourront vous poser des questions. Lorsqu'il ne vous restera que 30 secondes, je vous ferai signe de conclure votre présentation. Ce processus s'applique non seulement à vos remarques préliminaires, mais aussi aux questions des députés. Essayez de me lancer un regard de temps en temps pour que je puisse vous indiquer le temps qu'il vous reste.
Sur ce point, nous sommes très reconnaissants à Mme Woroniuk de s'être présentée en personne.
Vous disposez de cinq minutes. La parole est à vous.
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Merci monsieur le président, mesdames et messieurs les députés.
Au milieu des années 1980, j'habitais au Nicaragua. L'avortement était illégal, mais on me disait souvent que ce n'était pas un problème, car les Nicaraguayens aiment les enfants. Pourtant, un débat public indispensable a éclaté lorsque des chercheurs ont publié dans la presse locale des renseignements selon lesquels, en moyenne, au moins 10 femmes étaient admises à l'hôpital chaque jour en raison de complications liées à des avortements bâclés. Il s'agissait là d'une preuve évidente que les restrictions mises en place ces dernières années n'empêchent pas les avortements de se produire, mais qu'elles augmentent plutôt le nombre d'avortements pratiqués dans des conditions dangereuses.
Je remercie le Comité de me donner l'occasion de comparaître aujourd'hui. Je représente le Fonds Égalité, un fonds basé au Canada qui soutient les organismes de défense des droits des femmes et les fonds féministes dans l'hémisphère Sud. À l'heure actuelle, les ressources du Fonds Égalité sont versées à plus de 300 organismes de défense des droits des femmes et groupes LGBTQI dans quelque 85 pays.
Pendant le peu de temps qui m'est imparti, je commenterai les tendances mondiales, je fournirai des exemples de la manière dont les militantes travaillent sur les enjeux liés à la SDSR, la santé et les droits en matière de sexualité et de reproduction, et je conclurais par un bref commentaire sur le rôle joué par le Canada.
Je ne répéterai pas les renseignements et les données que d'autres témoins vous ont déjà présentés, mais je soulignerai que si des progrès importants ont été réalisés, principalement en Amérique latine, dans l'ensemble, les tentatives de revenir en arrière suscitent de vives inquiétudes. Nous assistons à des attaques bien organisées et bien financées contre les défenseurs des droits de la personne, de même qu'à des efforts coordonnés pour limiter l'accès à une éducation sexuelle complète et restreindre les droits à l'avortement. C'est ce que l'on appelle souvent le mouvement « anti-genre » , qui est intimement lié aux efforts visant à restreindre les droits des personnes LGBTQI et, de manière générale, à faire reculer les avancées en matière de droits des femmes.
Les organismes de défense des droits des femmes tentent de tenir bon face à ce genre d'attaques. Voici quelques exemples tirés de la liste des organismes que le Fonds Égalité a le privilège de soutenir.
En premier lieu, les organismes de défense des droits des femmes fournissent des services liés à la SDSR de manière gratuite ou à un prix réduit. Le Marsa Sexual Health Centre, au Liban, propose des services confidentiels et anonymes, notamment des tests de dépistage du VIH et des maladies sexuellement transmissibles. Les services sont fournis dans un environnement convivial et exempt de stigmatisation et de discrimination. Je pense aussi à un organisme camerounais qui offre du soutien psychosocial, de la formation professionnelle et des logements temporaires aux jeunes filles qui tentent d'échapper à un mariage précoce ou forcé.
En deuxième lieu, les organismes que nous soutenons plaident en faveur de la promotion et de la protection des droits sexuels et génésiques des femmes et des jeunes. Ce travail implique d'établir un dialogue avec les autorités locales et nationales. Par exemple, le Sarajevo Open Centre présente régulièrement des rapports sur la situation des droits des femmes en Bosnie-Herzégovine, ce qui comprend des discussions approfondies et des renseignements sur les enjeux liés aux droits sexuels et génésiques.
En troisième lieu, les organismes de défense des droits des femmes s'efforcent de lutter contre la désinformation. En Asie, un organisme gère une ligne téléphonique d'urgence pour s'assurer que la population dispose de renseignements et de conseils exacts. D'autres organismes travaillent de manière innovante dans les espaces numériques pour fournir des renseignements clairs et compréhensibles à celles et ceux qui les recherchent.
En quatrième lieu, les militants des droits des femmes travaillent au niveau de la communauté et initient des conversations sur les attitudes et les pratiques sociales. Le groupe Balance, au Mexique, a publié une bande dessinée thématique. Au Népal, Hamro Palo travaille avec des écolières dans des zones reculées pour venir à bout des tabous qui persistent entourant les menstruations.
Cela m'amène à évoquer le rôle du Canada.
Le soutien indéfectible du Canada aux droits sexuels et génésiques fait partie intégrante de son appui aux droits des femmes, des filles et des personnes de diverses identités de genre. Il est important que le Canada s'exprime de manière claire et systématique au sein des forums mondiaux et des discussions bilatérales, ainsi que dans la formulation et la mise en oeuvre de tous les aspects de sa politique étrangère. Il est essentiel de faire preuve de leadership et de s'associer avec des alliés.
Pour conclure, voici nos recommandations:
Premièrement, poursuivre le soutien aux organismes de défense des droits des femmes, et en élargir la portée. Malgré le rôle essentiel qu'ils jouent, ces organismes manquent cruellement de financement. En effet, selon les dernières données du CAD de l'OCDE, le financement global des organismes de défense des droits des femmes dans le cadre de l'aide au développement a en fait diminué.
Deuxièmement, mettre en place la politique étrangère féministe promise depuis longtemps. La SDSR est au coeur de l'équité en matière de genre. Un document clair décrivant l'approche cohérente et fondée sur les droits de la politique étrangère féministe du Canada sera à même de garantir que nos diplomates et nos travailleurs humanitaires disposent de lignes directrices claires pour leur travail.
Troisièmement, veiller à ce que la SDSR constitue un aspect essentiel dans les réponses du Canada aux diverses crises. Le gouvernement élabore actuellement le troisième plan d'action national du Canada pour les femmes, la paix et la sécurité, et met à jour la politique d'aide humanitaire tenant compte du genre. Les ressources consacrées à la SDSR, en particulier les aspects négligés, devraient représenter des éléments clés de ces deux plans.
Quatrièmement, réaliser des progrès clairs et cohérents en ce qui a trait aux engagements de financement de la santé sexuelle et reproductive, notamment au sein des domaines négligés décrits par les témoins précédents, et veiller à ce que des rapports publics clairs et réguliers soient établis sur les dépenses et les répercussions.
Cinquièmement, et pour conclure, le Canada doit continuer à être un ardent défenseur mondial de la SDSR pour les femmes, les filles et les personnes LGBTQI en général. Comme l'a dit le secrétaire général des Nations unies, M. Guterres l'année dernière, nous assistons à un recul des droits des femmes et nous devons refaire reculer ce recul. Le leadership et les investissements du Canada sont essentiels dans notre lutte pour les droits des femmes.
Merci, et n'hésitez pas à me faire part de vos questions.
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Je vous remercie de cette question.
Absolument. En 2017, le gouvernement du Canada a adopté la Politique d'aide internationale féministe, que beaucoup ont applaudie. Nous faisons clairement partie de ceux qui s'en sont réjouis. Elle a défini de nouvelles orientations quant à la façon dont l'aide au développement du Canada serait attribuée.
On nous a également dit que l'ensemble de la politique étrangère du Canada reposait sur une approche féministe, mais nous ne disposons d'aucun document écrit pour en attester. Il n'y a aucune directive politique définissant l'approche féministe globale de la politique étrangère. Plusieurs ébauches ont été préparées, mais nous attendons toujours leur publication. Ce sera un document très important, parce qu'il établira des orientations politiques féministes non seulement pour le développement international, mais aussi pour le commerce, l'immigration, la diplomatie et les affaires consulaires.
Sans ce document, les diplomates et les travailleurs humanitaires ne sont souvent pas conscients de leurs responsabilités, et notre orientation n'est pas claire non plus au regard du monde. Récemment, l'Allemagne a adopté une politique étrangère féministe assortie d'orientations claires fondées sur des principes. Il n'y a pas de document semblable au Canada, donc même dans le monde, beaucoup se demandent en quoi consiste la politique étrangère féministe du Canada.
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Merci pour cette question.
En 2000, le Conseil de sécurité des Nations Unies a adopté une résolution sur les femmes, la paix et la sécurité. Cette résolution était absolument révolutionnaire, parce qu'on y reconnaissait pour la première fois l'interdépendance entre la sécurité des États et la sécurité des femmes.
Des études montrent que l'un des principaux facteurs permettant de prédire si un pays entrera en guerre avec ses voisins est la condition des femmes dans ce pays, donc je pense que ce qu'une politique étrangère féministe nous offre, c'est la possibilité de repenser la sécurité et d'intégrer de nouvelles façons de voir la paix et la sécurité à notre stratégie pour nous attaquer aux problèmes les plus urgents de notre époque.
On dit parfois qu'une politique étrangère féministe pourrait sembler très abstraite ou ésotérique; je pense au contraire que ce serait vraiment pratique. Je pense qu'une telle politique nous guiderait dans la façon de bâtir des sociétés plus pacifiques, plus durables et plus prospères.
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Merci, monsieur Ehsassi.
Je remercie les membres du Comité de m'accueillir. Je suis très heureuse de pouvoir enfin témoigner devant votre comité, même si c'est sur un sujet dont je préférerais ne pas avoir à parler. Comme beaucoup d'Ukrainiens, j'ai maintenant le devoir de dire la vérité solennelle sur ce qui se passe dans notre pays.
Malheureusement, en ce qui concerne la santé sexuelle et reproductive et les droits des femmes — qui est le sujet de cette réunion —, nous devons faire état de nombreux développements tristes et très inquiétants en Ukraine. Au cours de la dernière année, l'agression de la Russie contre l'Ukraine s'est intensifiée jusqu'à atteindre des proportions absolument inconcevables. Tout ce qui peut servir comme arme est utilisé contre le peuple ukrainien, y compris la violence sexuelle.
Malheureusement, l'Ukraine ne fait pas exception à la règle, c'est plutôt la très triste perpétuation de l'utilisation systématique de divers crimes sexuels (y compris le viol) ainsi que de la torture, des agressions et du harcèlement qui reviennent essentiellement à utiliser la violence sexuelle comme arme de guerre. Les soldats et l'armée russes ne font pas exception à la règle.
Lorsque la région de Kiev était sous occupation russe, nous avons entendu dès le mois de mars dernier que les unités militaires avaient reçu l'ordre de n'épargner aucun civil et d'intimider la population civile par tous les moyens possible. C'est la raison pour laquelle le viol a été adopté et on lit des histoires absolument horribles dans les nouvelles, comme on en entend probablement dans des réunions comme celle‑ci. Des femmes et des jeunes filles ont été gardées en captivité, parfois dans le sous-sol de leur propre maison, où elles étaient contraintes d'entendre les conversations des soldats qui les retenaient en otage; elles étaient victimes de viols et devaient choisir, parmi elles, laquelle serait violée cette nuit‑là.
Il y a une foule d'histoires d'horreur comme celle‑là à l'heure actuelle, étant donné qu'il y a 171 enquêtes ouvertes pour viols et violences sexuelles commis contre des femmes ukrainiennes par des soldats russes en Ukraine. Ce nombre ne cesse d'augmenter. Il y a quelques mois, dans la même réunion, j'aurais fait état de 154 cas, mais de plus en plus de femmes et de jeunes filles se manifestent.
En Ukraine, nous ne les appelons plus des « victimes », mais des « survivantes ». Aujourd'hui, le gouvernement ukrainien appuie de nombreux programmes visant à aider les survivantes. Ces programmes sont dirigés par la première dame d'Ukraine, Olena Zelenska. Avec l'aide de donateurs internationaux, grâce aux programmes de la Représentante spéciale auprès des Nations Unies sur la violence sexuelle dans les conflits, presque toutes les régions ont mis en place un réseau complet de centres d'assistance aux survivantes, où les femmes et les filles — et les hommes aussi — peuvent venir chercher soutien et assistance. Ces centres existent partout en Ukraine.
Ces centres d'aide aux survivantes font état de beaucoup plus de cas que les 171 enquêtes ouvertes par le procureur général. La raison en est que la culture ukrainienne est telle qu'essentiellement, le fait d'être une survivante de violence sexuelle ou de viol est encore très stigmatisé dans la société. Ce n'est pas nécessairement quelque chose qu'on veut révéler ou à laquelle on veut être associé pour le reste de sa vie et, plus important encore, pour le reste de la vie de ses enfants et des membres de sa famille.
Les ONG font tellement de choses de nos jours. Les femmes qui ont survécu à la torture et aux violences sexuelles en 2014 et 2015, au début de l'agression russe contre l'Ukraine, font un travail considérable. Elles ont elles-mêmes traversé un douloureux processus de rétablissement, mais elles peuvent aujourd'hui apporter une forme de soutien par les pairs aux survivantes des crimes qui ont été commis et qui sont encore commis depuis le début de ces 12 mois d'agression russe.
Les pires situations s'observent, bien sûr, dans les territoires qui sont sous le contrôle effectif de la Russie, sous occupation russe. Je viens de Kiev. Lorsque les parties nord de la région de Kiev ont été libérées des Russes le 1er avril et qu'il a été possible de s'y rendre pour parler à la population, de nombreuses histoires ont été mises en lumière. Le problème, comme je l'ai souligné, c'est que c'est une chose que les gens viennent vous voir pour vous raconter leurs histoires ou celles qu'ils ont entendues, de leurs voisins ou de familles, sur ce qu'ils ont pu voir ou subir dans les régions voisines ou dans la rue voisine, mais que c'en est une autre que ces personnes viennent témoigner et présenter des preuves consignées en bonne et due forme par les procureurs, pour appuyer un dossier judiciaire qui permettrait d'ouvrir des enquêtes et d'obliger les coupables à en répondre devant la justice.
Je pense qu'en Ukraine, le plus grand défi à l'heure actuelle est de bâtir ce pont.
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Merci beaucoup, monsieur le président.
Madame Vasylenko, je vous suis vraiment reconnaissante de votre témoignage d'aujourd'hui. J'ai eu le privilège de me rendre en Ukraine en 2017 et de visiter l'hôpital où l'on soignait les blessés à Kiev. Vingt de nos urgentistes étaient là‑bas pour travailler avec leurs homologues ukrainiens. J'accorde une grande importance à la contribution que le Canada apporte ainsi en Ukraine, car ce pays fait également partie de mon bagage familial.
Nous devons donc constater que depuis 2014, soit depuis neuf ans, l'Ukraine doit composer avec les conséquences de cette guerre avec la Russie et notamment avec l'utilisation du viol comme arme de guerre. À la Chambre des communes, une députée a porté à notre attention le sort des femmes ukrainiennes qui attendent un enfant et veulent le porter à terme. Dans le contexte de cette guerre, ces femmes sont également ciblées par les Russes, une tactique d'intimidation visant, je présume, à semer la crainte encore davantage.
Y a‑t‑il selon vous des choses que nous pourrions faire pour vous aider dans cette situation? Je sais que vous vous êtes portée à la défense des soins de santé et que vous êtes membres du comité de la santé. Qu'est‑ce que le Canada pourrait faire de plus pour vous aider dans ces circonstances?
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Selon moi, il y a un problème de compréhension en ce moment et j'aimerais qu'on l'éclaircisse.
Nous avons eu un problème de connexion avec la deuxième témoin. Pour régler ce problème, nous avons décidé collectivement d'accorder un premier tour de parole de trois minutes avec la première témoin.
Selon notre compréhension, le premier tour de parole était séparé en deux. Ainsi, six minutes divisées par deux équivalent normalement à trois minutes pour la première témoin et à trois minutes pour la deuxième. Ensuite, il y aurait un deuxième tour de parole.
Or vous avez décidé que ce deuxième tour de parole avec le deuxième témoin était le deuxième tour de parole. Je ne vois pas pourquoi le deuxième témoin aurait moins de temps de parole que la première pour répondre aux questions.
En tout respect, monsieur le président, je considère qu'il s'agit de notre premier tour de parole, que nous avons séparé en deux, c'est-à-dire trois minutes pour la première témoin et trois minutes pour la deuxième. C'était ma compréhension des choses. Manifestement, ce n'était pas la vôtre.
J'aimerais m'en remettre à mes collègues. J'espère que ma compréhension était la bonne et qu'il s'agit toujours du premier tour de parole séparé en deux.
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Merci pour la question.
D'abord et avant tout, merci encore une fois pour le soutien offert par le Canada qui a contribué généreusement au travail de la Cour pénale internationale et, notamment, du bureau de son procureur dans le dossier des crimes de violence sexuelle perpétrés par des soldats russes en Ukraine.
Pour ce qui est par ailleurs des mandats d'arrêt contre Poutine et Mme Lvova‑Belova, je pense qu'il s'agit d'une décision historique créant un précédent depuis longtemps attendu. Il est honteux qu'autant de violations du droit international et qu'un si grand nombre de crimes de guerre et de crimes contre l'humanité aient pu être commis avant que de tels mandats d'arrêt soient finalement lancés.
Il convient maintenant selon moi de se demander comment on procédera pour exécuter ces mandats, si tant est que l'on en vienne à les exécuter vraiment. Les 123 pays signataires du Statut de Rome devraient respecter les règles en vigueur et exécuter ces mandats d'arrêt si Poutine et Mme Lvova‑Belova se retrouvent sur leur territoire. Nous avons toutefois été témoins par le passé de nombreux exemples de situations où de tels mandats d'arrêt contre des dirigeants politiques n'ont pas été exécutés.
J'y vois une question de principe pour la communauté internationale dans son ensemble. Tous les pays qui ont adhéré à la Cour pénale internationale doivent convenir en bloc que l'on ne peut pas se contenter de lancer un mandat d'arrêt, mais qu'il faut également l'exécuter. Il faut que ce soit notre prochain objectif, car les criminels doivent être tenus pleinement responsables de leurs actes.
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Merci, monsieur le président.
Merci, madame Vasylenko, pour votre témoignage d'aujourd'hui et, bien évidemment, pour la force et la résilience incroyables dont votre peuple et vous-même faites preuve.
J'avais moi aussi une question concernant la Cour pénale internationale, mais je vous remercie d'avoir déjà reconnu le leadership du Canada en la matière.
Peut-être alors pourrais‑je vous demander de nous en dire plus long sur le recours au viol, à la torture et aux agressions, comme vous nous l'avez indiqué, et sur l'utilisation de la violence sexuelle comme arme de guerre par la Russie. Pourriez-vous notamment nous en apprendre davantage sur ces ordres qui auraient été donnés aux soldats russes afin qu'ils intimident les civils en se livrant à des viols et à des agressions sexuelles?
C'est là l'un des sujets les plus difficiles que je dois aborder pour relater la façon dont les choses se passent sur le terrain en Ukraine.
Juste pour vous donner une idée de l'ampleur du problème, disons que les victimes peuvent être aussi jeunes que quatre ans et aussi âgées que 80 ans. On ne fait aucune discrimination entre jeunes et vieilles ou en fonction du statut social. Dans le cas des viols perpétrés par l'armée russe à l'encontre du peuple ukrainien, il ne s'agit pas pour les soldats d'en tirer un plaisir sexuel quelconque, mais plutôt d'intimider les gens, de semer la crainte au sein de la population et de la démoraliser pour miner sa résilience et sa résistance.
Je crois que l'armée russe a constaté d'abord et avant tout en arrivant en Ukraine que Kiev n'allait pas tomber en trois heures ou même en trois jours, et que la population allait se défendre avec vigueur en appuyant les forces militaires ukrainiennes. C'est de là qu'a germé l'idée de trouver un moyen pour saper le moral des gens.
Il faut également considérer le nombre de prisonniers de guerre. Il n'y a pas seulement des militaires, mais aussi des civils. Parmi ces civils, on retrouve une majorité de femmes, car ce sont elles qui continuent d'offrir des services à leur communauté à titre de travailleuses sociales, de médecins ou de balayeuses de rues. Ce sont ces mêmes femmes qui deviennent les proies des soldats russes, car les Russes veulent les réduire à l'impuissance afin que la société ne puisse pas fonctionner normalement et finisse par s'écrouler. C'est le plan d'ensemble des forces russes.
Pour répondre à votre dernière question, juste un mot en terminant sur ces ordres qui ont été donnés.
D'après ce que nous ont rapporté les citoyens de la région de Kiev, lorsque les premières troupes d'élite sont arrivées le 24 février à Gostomel, à Bucha et à Irpin, on s'est rendu compte que l'on ne serait pas capable de prendre le contrôle de Kiev. Ces troupes ont alors été retirées de la région, mais non pas sans avoir d'abord servi une mise en garde à la population. On a dit aux civils de partir sans tarder s'ils pouvaient le faire, car les prochains soldats à être déployés là‑bas ne faisaient pas partie des corps d'élite et avaient reçu des ordres très clairs les invitant à se livrer sans vergogne au pillage, à la torture, aux assassinats et aux viols.
C'est donc l'avertissement donné par certains soldats d'élite russes aux civils ukrainiens qu'ils invitaient à abandonner leur domicile parce que les militaires qui devaient les suivre seraient là simplement pour tout détruire et exterminer toute forme de vie dans ces régions.
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Merci, madame Larouche. C'était un plaisir de vous revoir, la semaine dernière, à l'Assemblée générale de l'UIP. Je suis reconnaissante de vos efforts continus et de ceux de la délégation du Canada pour soutenir l'Ukraine, surtout lorsqu'il est question d'appuyer de telles motions pour tenir des débats d'urgence.
La motion adoptée visait à tenir un débat d'urgence sur les crises humanitaires du monde entier, y compris la crise humanitaire causée par l'agression russe contre l'Ukraine, qui a causé beaucoup de souffrances, surtout aux femmes et aux enfants.
Aujourd'hui, le problème principal qui doit être réglé le plus vite possible est la déportation illégale d'enfants ukrainiens vers le territoire russe. C'est un autre élément du génocide que la Russie est en train de commettre contre l'Ukraine. Il doit y avoir un effort international uni pour arrêter ce genre de crimes atroces. On doit tout mettre en œuvre pour que les enfants ukrainiens rentrent en Ukraine le plus vite possible. Quant à la façon de procéder, cela devrait faire l'objet d'un débat beaucoup plus long. C'est un sujet qui mérite une discussion beaucoup plus vaste, puisque ce problème n'a pas de solution immédiate. Les Russes ne veulent pas de représentants d'autres pays ou même de grandes organisations humanitaires sur leur territoire, alors nous ne savons même pas dans quelles conditions ces enfants ukrainiens se trouvent.
Ce que nous savons, c'est que le gouvernement russe a des programmes, soutenus par Maria Lvova‑Belova, visant à adopter le plus vite possible des enfants ukrainiens pour les mettre dans des familles russes afin d'éradiquer leurs racines ukrainiennes: leur langue, leur culture, leurs traditions, bref tout ce qu'il y a d'ukrainien. C'est une tactique qui a été employée auparavant, surtout par le régime nazi, en Allemagne, lors de la Seconde Guerre mondiale. Cela se reproduit aujourd'hui, au XXIe siècle, en Europe, en plein milieu du monde civilisé. Ce n'est absolument pas normal. Nous devons unir davantage nos efforts et tenir plus de discussions à l'Union interparlementaire, mais aussi au sein des communautés internationales et avec les organisations internationales humanitaires, pour établir ce que nous pouvons faire concrètement pour arrêter ces crimes.
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Merci pour la question, madame McPherson.
Je crois que ce que vous avez pu voir à Irpin n'est que la pointe de l'iceberg par rapport à ce que l'on sera à même de constater une fois que seront libérées des villes comme Mariopoul, Melitopol, Donetsk et Luhansk, ces deux dernières étant occupées depuis bientôt 10 ans.
Il y a beaucoup de travail qui nous attend pour reconstruire et tout remettre en état. Je pense que le Canada peut apporter sa contribution en demeurant un chef de file dans la recherche de mécanismes pour aider l'Ukraine à se remettre sur pied. Je donne moi-même l'exemple du Canada pour inciter d'autres gouvernements à adopter des lois permettant l'utilisation d'actifs confisqués à la Russie pour financer les projets de relance en Ukraine. J'exhorte les dirigeants gouvernementaux et les parlementaires canadiens à parler à leurs homologues d'autres pays, et surtout des États-Unis, du Royaume-Uni et de la Suisse, où se trouvent actuellement les actifs russes, car il s'agit là de ressources financières bien réelles que l'on pourrait d'ores et déjà utiliser pour reconstruire l'Ukraine et y faciliter la reprise des activités.
Mais comment reconstruire et redresser la situation? Une grande partie de la solution doit passer par les femmes. En Ukraine, les petites et moyennes entreprises qui assurent la survie des communautés et procurent de l'emploi aux simples citoyens sont principalement dirigées par des femmes.
Je veux rappeler également qu'il faut bien comprendre que l'escalade du conflit au cours de la dernière année a entraîné d’importants déplacements de populations. On recense ainsi 8 millions d'Ukrainiens qui ont été déplacés à l'intérieur du pays et 7 millions qui sont maintenant à l'étranger. Il s'agit dans la majorité des cas encore une fois de femmes et d'enfants, surtout parmi ceux qui ont quitté le pays. Si l'on aidait toutes ces femmes à rétablir leur lien avec l'Ukraine en leur offrant la possibilité de rentrer au pays pour relancer leur entreprise ou occuper de nouveau un emploi, on contribuerait grandement à la reprise de l'économie ukrainienne ainsi qu'à la relance démographique de notre société.
Merci.
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Nous allons reprendre nos travaux.
Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement et à la motion adoptée par le Comité le lundi 20 juin 2022, nous poursuivons notre étude de la santé et des droits sexuels et reproductifs des femmes dans le monde.
Comme notre greffière a effectué, de concert avec l'équipe technique, les tests de connexion requis avant la séance en plus d'informer les témoins comparaissant par vidéoconférence de la marche à suivre pour la tenue d'une réunion hybride, j'ai maintenant le plaisir de souhaiter la bienvenue à nos invitées.
Nous accueillons d'abord la Dre Nkechi Asogwa qui va témoigner en mode virtuel. Nous recevons ici même Mme Julia Anderson, directrice générale du Partenariat canadien pour la santé des femmes et des enfants. Enfin, Mme Mohini Data-Ray, directrice générale de l'organisme Planned Parenthood Toronto, est avec nous par vidéoconférence.
Chacune de vous aura droit au départ à cinq minutes pour nous présenter ses observations préliminaires, après quoi nous passerons aux questions des membres du Comité.
Docteure Asogwa, vous serez la première à pouvoir nous présenter son exposé. Je vous ferai signe lorsqu'il vous restera une vingtaine de secondes. Je vous saurais gré de bien vouloir conclure à ce moment‑là.
À vous la parole, docteure Asogwa, pour les cinq prochaines minutes.
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Merci beaucoup, monsieur le président.
Bonjour à tous.
J'ai l'honneur et le privilège de vous parler aujourd'hui de la santé sexuelle et reproductive des femmes dans le monde.
Puisque nous parlons de la santé sexuelle et reproductive, j'aimerais vous citer la définition du mot « santé » qu'utilise l'Organisation mondiale de la santé. La santé est un état de « complet bien-être physique, mental et social et ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou d’infirmité ». Lorsque cette définition s'applique au système reproducteur, elle englobe les processus et les fonctions. Je tiens à vous dire que l'avortement ne contribue pas à la santé physique, mentale et sociale des femmes.
Pourquoi dis‑je cela?
Une étude menée par les Nations unies en 2003 indique que 71 % de la population subsaharienne vit dans la pauvreté. Les femmes en souffrent le plus. Elles subissent l'impact multidimensionnel de la pauvreté, surtout en Afrique subsaharienne, et notamment en ce qui a trait à la santé, l'éducation et de l'espérance de vie.
J'aimerais vous brosser le portrait d'une telle femme. Elle s'appelle Jane. Elle a 23 ans et vit à Lagos, au Nigeria. Elle a un époux et deux enfants et est enceinte d'un troisième enfant. Jane et son mari ont hâte à l'arrivée du bébé. Ils vivent dans une seule pièce sans installations sanitaires ni cuisine avec d'autres [inaudible] dans un quartier populeux de Lagos. Ils doivent partager les W.‑C. et la salle de bain. Les gens font leurs besoins partout. Il y a beaucoup de mouches et de moustiques. Jane vend de la nourriture. Elle et son mari gagnent moins de 30 dollars américains par mois. De plus, à cause de la situation sécuritaire au Nigeria, Jane devra verser un montant aux racketteurs locaux pour de la protection. Ces racketteurs peuvent devenir agressifs selon le montant d'argent.
Objectivement, quels sont les besoins de Jane en matière de santé?
Il lui faut des soins prénataux. Il lui faut une alimentation saine. Il lui faut des soins pendant sa grossesse et l'accouchement. Elle aura probablement les moyens d'engager une accoucheuse qui n'est pas formée pour réagir aux complications qui peuvent survenir pendant la grossesse ou l'accouchement.
Objectivement, que faut‑il à Jane?
Il lui faut un logement. Il lui faut de la nourriture saine. Il lui faut de l'eau potable. Des soins de service accessibles et abordables. Une éducation. Elle doit s'émanciper économiquement.
Qui parle au nom des Jane de ce monde? Qui écoute ces femmes pauvres qui ont besoin d'enfants, qui veulent en avoir, mais qui vivent dans des conditions lamentables?
D'un côté, Jane est la victime de la situation qui règne dans son pays. De l'autre côté, elle est la victime des donateurs étrangers qui présentent l'avortement comme la seule solution.
Un ancien ministre des affaires étrangères du Nigeria a dit que le financement étranger des organisations à but non lucratif est « un outil de subversion du Sud par le Nord ». Je crois que cela est vrai lorsqu'il est question de la santé sexuelle et reproductive et lorsque l'avortement est l'aide principale offerte à ces femmes pauvres.
En Afrique, nous aimons les enfants. Les couples africains adorent les enfants. La grossesse est vue comme un cadeau du ciel. L'avortement est tabou pour nous. Lorsqu'on offre à Jane la possibilité d'avorter comme seule solution, personne ne tient compte de sa culture ou de ses croyances religieuses. Jane n'a pas la possibilité de parler pour elle-même et de chercher un soutien qui sera conforme à ses croyances.
Monsieur le président, j'aimerais féliciter le gouvernement du Canada d'avoir entrepris cette étude. L'année dernière, le gouvernement canadien a fait don d'une grande somme pour lutter contre le VIH-sida, la tuberculose et le paludisme. C'est un pas dans la bonne direction.
Je vais conclure en vous disant que les Jane de ce monde seraient plus heureuses si on les appuyait et on leur donnait les moyens de trouver des solutions qui sont en phase avec leurs croyances religieuses et culturelles, sans être forcées à accepter la solution proposée par les donateurs.
Merci beaucoup de votre attention.
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Merci, monsieur le président.
C'est un honneur de comparaître aujourd'hui. Comme vous l'avez entendu, je représente Planned Parenthood Toronto, un centre de santé communautaire qui, depuis les années 1960, soutient la santé sexuelle et reproductive et la justice reproductive des jeunes gens en offrant des soins primaires, des soutiens de santé mentale et des programmes communautaires et en participant à la recherche et aux efforts de revendication.
Pourquoi les observations faites par notre organisation sur le terrain sont-elles pertinentes pour votre comité? C'est à cause des tendances inquiétantes que nous remarquons, notamment en ce qui a trait aux questions de genre, d'autonomie corporelle et de la sécurité des femmes, des filles et des transgenres, des questions qui sont parfois directement liées à la présence et à l'influence du Canada à l'étranger. Les catastrophes climatiques ont une incidence disproportionnée sur les femmes, les filles et les transgenres, mais je n'exagère pas en vous disant que le recul terrifiant que nous observons dans les questions liées au genre est le problème le plus urgent de notre génération, car c'est un outil qui sert à implanter l'autoritarisme dans le monde.
Évidemment, le Canada n'est pas à l'abri de telles tendances mondiales. Elles se font ressentir partout au monde. La Coalition pour le droit à l'avortement du Canada a indiqué récemment que des militants antiavortement bien financés œuvrent à chaque ordre de gouvernement, y compris plus de 80 militants au sein du gouvernement fédéral, ce qui montre bien qu’ici au Canada, le mouvement pro-vie a bien appris ses leçons.
J'ai maintes choses à vous dire et il y a tant de liens à vous expliquer. Toutefois, je vais saisir l'occasion pour me concentrer sur deux sujets très parlants: l'incidence profonde sur les jeunes femmes et les filles dans les régions rurales de l'Inde des prétendus collèges canadiens sans scrupules et la violence continue contre les femmes et les filles découlant des projets canadiens d'extraction des ressources.
La justice reproductive, telle que définie par les féministes noires et autochtones du SisterSong Women of Color Reproductive Justice Collective, est le « droit d'avoir des enfants », « de ne pas en avoir » et d'élever ces enfants « dans des collectivités sûres et durables ». Soulignons que cette définition amène l'argument plutôt mince des droits reproductifs à épouser une approche axée sur la justice sociale. Chaque femme, fille et personne transgenre devrait avoir le droit d'avoir des enfants, de ne pas en avoir et d'élever ces enfants dans des collectivités sûres et durables.
Au fur et à mesure que les catastrophes climatiques se multiplient et que les gouvernements d'extrême droite deviennent plus puissants dans le monde, nous en voyons le résultat désolant à l'échelle locale. Chaque année, notre organisation reçoit du gouvernement provincial 74 000 $ pour nos clientes non assurées, dont la plupart ont un statut précaire ou sont des étudiantes ayant une assurance maladie insuffisante. Les fonds servent essentiellement à des avortements. De plus en plus, nous voyons des étudiantes étrangères inscrites à des collèges sans scrupules qui s'activent à recruter à l'étranger et qui ensuite abandonnent les étudiantes une fois qu'elles sont au Canada. Aucune éducation n'est dispensée et ces étudiantes ne peuvent rentrer chez elles. Leurs familles ont dépensé toutes leurs économies et bien souvent contracté des prêts exorbitants pour que leurs filles se rendent au Canada. Notre budget pour les soins liés à l'avortement destinés à la clientèle non assurée est passé de 74 000 $ à 500 000 $ en une année.
Cette clientèle fait partie d'un nouveau phénomène: des collectivités agricoles rurales indiennes nous envoient non pas leurs fils, mais leurs filles afin qu'elles soient éduquées. Leurs familles espèrent ainsi leur offrir une meilleure vie dans le contexte du changement climatique grandissant, de la mondialisation et d'un endettement profond, sans aucun soutien de la part d'un gouvernement indien qui leur est hostile. Bon nombre de ces jeunes femmes sont horriblement exploitées: elles sont agressées sexuellement par les propriétaires de leur logement, elles sont trafiquées localement ou se retrouvent dans des relations coercitives sans aucune ressource. Nous cherchons tous les moyens pour les aider et militer pour elles.
J'ai regardé des témoins faire des déclarations éloquentes devant votre comité enjoignant le Canada à demeurer responsable et à respecter ses engagements pour ce qui est de financer de façon stable les efforts féministes et sexospécifiques d'une importance cruciale à l'échelle mondiale. J'abonde dans le même sens. Plus que jamais, c'est une question de vie et de mort. Le Canada doit impérativement travailler avec les leaders féministes locaux, à la fois sur le terrain et en ligne, où l'on observe de plus en plus des agissements misogynes et autoritaires bien financés. J'aimerais également vous décrire mon expérience personnelle pour souligner l'urgence du problème.
Mon père était cadre au sein d'une société minière et d'extraction de ressources canadienne. Plus précisément, il occupait un rôle clé dans la négociation des contrats entre les sociétés minières canadiennes et des pays comme l'Inde, le Mexique, la Chine, la Sierra Leone, le Libéria et le Madagascar. Bien souvent, il voyageait accompagné de toute la famille, ce qui m'a donné une merveilleuse enfance avec une vitrine sur le monde. J'ai pu faire des tours dans des camions-bennes gigantesques, et j'ai entendu des conversations banales, alors que je mangeais des Pizza Pockets importés, dans lesquelles on décrivait comment des villages entiers seraient déplacés à tout jamais afin de céder la place à des activités minières canadiennes. Déjà à l'âge de 12 ans, j'ai fait l'objet d'attentions sexuelles agressives de la part d'hommes canadiens qui étaient peut-être habitués à avoir affaire à des gamines locales qui avaient été déplacées et trafiquées et à qui je ressemblais. Nous avons fui la guerre civile pour retrouver la sécurité du Canada, laissant derrière nous des amis, des camarades de classe et des voisins qui eux, devaient faire face à l'horreur.
Le Canada est à la fois une grande source d'espoir dans le monde et, ce qui est frustrant, un des plus grands auteurs d'activités minières qui contribuent aux catastrophes climatiques, à la dégradation des droits de la personne et des terres et à une hausse prononcée des violences, y compris les violences sexuelles, la traite et la dégradation de personnes et le terrorisme d'État dirigé contre les femmes, les filles et les transgenres. Outre nos engagements visant à financer les efforts stratégiques et féministes liés à la santé et aux droits sexuels et reproductifs, le Canada doit également examiner avec rigueur et lucidité ses pratiques économiques dans le monde.
Je suis immigrante et féministe. Enfant, j'ai connu le monde des projets miniers canadiens. Je suis également la directrice générale de Planned Parenthood Toronto, et je vous enjoins de procéder à cet exercice dans les délais les plus brefs. Il en va de la survie des femmes, des filles et des transgenres, ainsi que de notre planète.
Merci beaucoup.
Je vous remercie de m'avoir invitée aujourd'hui dans le cadre de votre étude d'une importance critique.
Je représente un partenariat constitué de plus de 100 organisations canadiennes, dont des entités du secteur privé, des établissements de recherche et des organisations de la société civile. Tous ces acteurs œuvrent ici au pays et ailleurs dans le monde pour promouvoir la santé et les droits des femmes et des enfants.
J'ai dans ma tête une foule d'histoires qui montrent bien l'importance de cet enjeu. Il y a notamment mon histoire personnelle, car je suis devenue mère pendant mon adolescence, ainsi que les histoires de mes filles, de mes nièces et des nombreuses femmes que j'ai rencontrées pendant mes déplacements ici au pays et ailleurs dans le monde. Il en ressort un thème constant. Je pense que les deux autres témoins en ont parlé.
Ce thème est le choix: le choix de décider quand, avec qui et si on a des enfants, et combien d'enfants. Ce choix ne vise pas juste le moment présent. C'est un choix intergénérationnel qui concerne son avenir et sa capacité d'obtenir une éducation, de gagner sa vie, de trouver un emploi et d'offrir une sécurité économique à soi-même et à sa famille. C'est un choix de la façon dont on veut bâtir sa collectivité. Ce sont des choix faits par des femmes partout au monde, et ce sont des choix critiques. En fait, ces choix touchent à chaque aspect du développement international.
En 2019, plus de 218 millions de femmes et de filles en âge de procréer étaient incapables de faire valoir leurs droits sexuels et reproductifs dans des pays à faible et à moyen revenu. Cette situation s'est aggravée depuis la pandémie. Non seulement les progrès réalisés ont été effacés dans certains endroits, mais il y a eu un net recul. Les militantes adolescentes, les femmes et les filles dans les collectivités concernées nous disent la même chose: elles indiquent que leurs besoins ne font plus partie des priorités dans le contexte de la pandémie et sont désignés comme étant non essentiels. Pour une femme en âge de procréer qui a des relations sexuelles, le fait de minimiser l'accès à la contraception est risible et problématique.
Que cela veut‑il dire? Selon nos projections, une baisse moyenne de 12 % de l'accès à la contraception moderne donnerait lieu à 734 000 grossesses non désirées. Une baisse moyenne de 25 % des soins essentiels pendant la grossesse causerait 134 000 complications obstétriques et 3 400 décès maternels supplémentaires. Pendant que nous témoignons, une femme meurt chaque deux minutes dans le monde pendant sa grossesse ou son accouchement.
Je souligne que ce sont des décès parfaitement évitables. Ces décès ont lieu dans des endroits pauvres, et non pas là où des soins de santé sont offerts. Nous n'avons pas besoin d'innover, mais tout simplement d'intensifier nos efforts là où nous savons qu'ils sont utiles.
Une hausse de 23 % des avortements dangereux mènera à 491 000 avortements supplémentaires dans des conditions insalubres. Derrière ces chiffres se cachent des personnes. Il faut absolument des fonds et une politique uniforme pour que la santé et les droits sexuels et reproductifs ne deviennent pas un enjeu à part ou minimisé. Nous devons investir dans des initiatives ciblées, novatrices et multisectorielles qui tiennent compte des déterminants sociaux de la santé et qui permettent d'offrir un accès équitable aux services de santé pour les femmes, les adolescentes et les enfants et d'investir dans leur avenir.
Cela veut dire pour le Canada qu'il ne peut pas occulter, détourner ou réorienter les fonds qui ont été clairement affectés à la santé et aux droits sexuels et reproductifs. Nous devons respecter nos engagements visant des hausses régulières, stables et prévisibles pour le financement, ce qui veut dire investir directement à hauteur de 700 millions de dollars dans ce domaine d'ici la fin de l'année.
Toutefois, les investissements à eux seuls ne suffisent pas. L'érosion des droits des femmes, des filles, des enfants et des collectivités veut dire qu'il nous faut une approche à plusieurs volets pour garantir ces droits. Nous devons agir sur le front de la diplomatie et de la politique étrangère et concevoir une stratégie cohérente sur la santé et les droits sexuels et reproductifs.
Le Partenariat canadien pour la santé des femmes et des enfants a trois recommandations à ce chapitre.
Premièrement, le Canada doit augmenter ses dépenses conformément à ses engagements. Cela veut dire comptabiliser et surveiller les dépenses. Cela veut dire que vous, les parlementaires, devez exiger des comptes d'Affaires mondiales Canada et de nous, les acteurs dans la société civile.
Deuxièmement, le Canada devra épouser la cause de la santé et des droits sexuels et reproductifs et occuper un rôle de leader dans le monde, comme il l'a fait pour l'initiative de Muskoka, et encourager les autres donateurs à faire de la santé des femmes et des enfants une priorité, et non pas une question mineure ou une qui peut être mise de côté ou ignorée lorsqu'il y a des conflits et des crises.
Troisièmement, le Canada devra continuer à investir dans un programme sanitaire complet qui accorde la priorité aux droits des femmes et des enfants en matière de santé et cherche à regagner le terrain perdu pendant la pandémie. Cela devrait être la priorité de notre gouvernement maintenant et à l'avenir.
Merci beaucoup.
En ce qui concerne votre premier point, dans notre organisation, nous adoptons une approche fondée sur des données probantes pour réfléchir à ces questions. Les faits sont clairs. Restreindre l'accès à l'avortement ne met pas fin à l'avortement. Cela fait plutôt augmenter le nombre d'avortements dangereux et cause la mort de femmes. Je suis sûre que ma collègue aura les chiffres. Les données sont très claires à ce sujet.
Pour ce qui est de votre deuxième point, il y a eu des investissements. Le Canada investit depuis longtemps dans les questions relatives à la santé des femmes et des enfants. J'ai été fière de voir le financement de 1,4 milliard de dollars par année que le gouvernement a annoncé en juin 2019, pour un total de 14 milliards de dollars.
Je pense que c'est sur le plan diplomatique que nous pouvons en faire davantage. Selon moi, il s'agit d'adopter une approche favorisant la cohésion — de ne pas se présenter sur les scènes internationales en se contentant d'affirmer des choses, mais plutôt de participer aux discussions.
Je viens du Nord de l'Alberta, d'une collectivité très religieuse, et je sais que ces discussions sont difficiles. Il faut faire attention lorsqu'on parle de ces sujets, mais la santé, c'est la santé, et les soins de santé, ce sont les soins de santé. C'est la position que nous devons adopter, et c'est la manière dont nous devons travailler avec les collectivités et les pays avec lesquels nous entretenons des relations bilatérales, multilatérales, etc.
Je pense également que nous pouvons faire beaucoup de choses par l'intermédiaire des organismes multilatéraux en tant que chefs de file, en mettant en valeur des questions comme la santé et les droits sexuels et reproductifs dans le cadre du Fonds mondial, du Mécanisme de financement mondial, etc. Je pense que nous pouvons nous améliorer en adoptant une approche plus coordonnée.
Le manque d'accès à des services d'avortement ne met pas fin à l'avortement. Cela ne fait que rendre les avortements très dangereux et entraîne la mort de femmes, essentiellement. C'est ce qui a été confirmé par de nombreux exemples dans le monde — ici aussi — et c'est ce qui a poussé le Canada à décriminaliser l'avortement.
Pour ce qui est de ce que le Canada pourrait faire de plus, je dirais qu'il devrait s'appuyer sur les organisations féministes sur le terrain. Je pense que, comme des témoins l'ont indiqué, il y a souvent une tension, un sentiment qu'on a une approche occidentale ou une mentalité de sauveur blanc. On peut contourner cette difficulté en construisant des liens sur le terrain avec les féministes qui sont toujours là, qui défendent leurs droits fondamentaux et la justice relative à la reproduction.
Je pense qu'il s'agit de nous assurer que lorsque nous disons qu'il faut faire preuve de leadership dans les collectivités locales, cela ne signifie pas que nous nous adressons aux éléments les plus conservateurs et les plus anti-choix de ces collectivités. Il s'agit plutôt de trouver les féministes qui sont déjà à l'œuvre, peu importe la situation dans laquelle nous essayons d'apporter notre aide — et il s'agit généralement d'aide et non d'intervention.
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Merci, monsieur le président.
Toute personne du public qui s'interroge sur l'équité dont fait preuve le président en ce qui concerne le temps de parole peut faire l'observation suivante. Mon temps de parole pour mes questions... On m'a dit que je disposais de quatre minutes. Mon temps a commencé à 12:25:28. Le député du Bloc québécois a invoqué le Règlement à 12:27:54. Il l'a fait deux minutes et 26 secondes après que j'aie commencé à parler.
Le président a attendu 11 secondes après le début du rappel au Règlement du député du Bloc avant d'intervenir. C'est le temps qu'il a pris.
Le président a invité la témoin à répondre à ma question à 12:28:39, mais 25 secondes plus tard, le député du Bloc a de nouveau invoqué le Règlement au sujet du temps. C'était à 12:29:04.
Le temps cumulatif qu'on m'a accordé totalise deux minutes et 51 secondes. Le président, bien entendu, peut mettre cela en doute, mais toute personne équitable peut faire exactement ce que mon équipe vient de faire, c'est‑à‑dire calculer le temps qu'on m'a accordé. De 12:25:28 à 12:27:54, cela fait deux minutes et 26 secondes. On m'a ensuite accordé 25 secondes, soit de 12:29:04 à 12:29:28. Cela totalise deux minutes et 51 secondes.
Monsieur le président, lorsque j'ai fait remarquer que je chronométrais mon temps et qu'il me restait environ une minute, vous m'avez fortement contredit et vous m'avez dit que vous calculiez mon temps. Vous étiez très clairement dans l'erreur.
Je dois dire, avec tout le respect que je vous dois, que vous devriez peut-être vérifier le fonctionnement de votre chronomètre. J'ose espérer que vous serez juste à l'avenir en ce qui concerne le temps et que vous m'accorderez au prochain tour la minute et les neuf secondes que j'aurais dû avoir.
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Premièrement, permettez-moi de m'excuser auprès des trois témoins. Il est très inacceptable, à mon avis, d'avoir ces échanges concernant le temps de parole.
Monsieur Genuis, lorsque vous avez soulevé le sujet la première fois, vous vous souviendrez que je vous ai dit qu'il me semblait qu'il vous restait 10 secondes. Cependant, par mesure de prudence, j'ai entrepris de vérifier et j'ai ajouté le temps que vous aviez perdu au temps qu'il restait.
C'est ce que j'ai fait. Deux personnes ont vérifié le temps, et ces deux personnes m'ont fait savoir que je me trompais de 10 ou 12 secondes.
Je peux très bien vous donner ces 20 secondes supplémentaires, mais c'est tout ce que je ferai, monsieur Genuis.
Vous avez pris du temps au Comité, vous avez perturbé ses travaux et vous avez manqué de respect envers les témoins.
Comme je l'ai dit, je vous ai donné ma parole...
Le président: Voulez-vous relire votre motion?
M. Dave Epp: Oui:
Que, dans le cadre de son étude en cours sur l'invasion russe en Ukraine, le Comité se penche sur le soutien que le Canada peut apporter à ses alliés touchés par des problèmes d'accès aux ressources découlant de l'invasion et sur les mesures que devrait prendre le gouvernement du Canada pour résoudre ces difficultés, et qu'il en fasse rapport à la Chambre.
Monsieur le président, si je puis me permettre, j'aimerais formuler quelques commentaires.
Lorsque les gens ont faim et froid, l'histoire nous a démontré quelle en est la conséquence. Quand l'apport calorique moyen au sein d'une population descend en dessous de 1 800 calories, cela entraîne des troubles civils.
Au commencement de la guerre, l'Ukraine et la Russie produisaient 30 % du blé exporté dans le monde, 17 % du maïs, 30 % de l'orge et 75 % de l'huile de tournesol.
Je peux vous parler pendant quelques minutes de l'Initiative céréalière de la mer Noire. La Russie ne considère plus qu'il s'agit d'une mission humanitaire. Elle envisage de mettre fin à l'entente après l'actuelle période de prolongation. L'Ukraine et la Russie ne s'entendent même pas au sujet de la durée de cette période de prolongation, à savoir si elle devrait être de 120 ou de 60 jours. En date du 2 mars, l'Initiative céréalière de la mer Noire avait permis l'exportation de 22,8 millions de tonnes de céréales sur le marché mondial, malgré les perturbations au sein de la chaîne d'approvisionnement, mais seulement 64 % du blé a été exporté dans des pays en développement.
Bien sûr, nous sommes tous au courant des interruptions dans l'approvisionnement en gaz naturel en Europe de l'Ouest. Dans la Déclaration de Versailles de mars 2022, les dirigeants de 27 États membres ont accepté de cesser progressivement l'utilisation des combustibles fossiles russes le plus tôt possible. Combien de mesures doivent être prises à cet égard?
Nous devons diversifier davantage nos sources d'énergie et nos modes d'acheminement. Nous devons accélérer le déploiement des énergies renouvelables, accroître l'efficacité énergétique et améliorer l'interconnexion entre les réseaux de gaz et les réseaux électriques.
Nous n'avons pas encore vu le plein effet des perturbations commerciales sur le marché des engrais. La Russie et le Bélarus étaient bien entendu d'importants fournisseurs de potasse et de phosphore. J'ai parlé plus tôt de l'apport calorique au sein d'une population. Lorsque cet apport passe en dessous de 1 800 calories par personne, cela entraîne des troubles civils. Il y aura une réaction tardive à ce qui se passe sur le marché des engrais. Le Canada est un grand exportateur de potasse, mais dans ma ferme à Leamington, nous avons toujours utilisé davantage de potasse provenant de la Russie ou du Bélarus. Cette voie commerciale est perturbée, et cela se passe dans un pays développé, monsieur le président.
Les coûts qu'entraînent les perturbations du marché des engrais touchent les agriculteurs dans tous les pays en développement. Cette situation aura comme conséquence la dimunution de la production alimentaire dans les pays en développement.
Je vais revenir au principal point que j'ai fait valoir plus tôt, à savoir qu'une baisse de l'apport en calories en deçà d'un certain seuil, comme nous l'avons vu en 2007-2008 lors du printemps arabe en réaction à la montée des prix du pain...
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Merci, monsieur le président.
Le nombre de personnes dans le monde qui souffrent d'une grave insécurité alimentaire a bondi de 135 millions à 345 millions depuis 2019. Dans 45 pays, 50 millions de personnes sont sur le point de connaître une famine. Cette situation est directement reliée à des conflits en cours, particulièrement à la guerre en Ukraine.
Les gens ne sont peut-être pas tellement au courant du fait que la Chine est devenue le principal importateur de denrées alimentaires au monde. Bien sûr, nous voyons la relation entre la Chine et la Russie évoluer devant nos yeux, particulièrement en ce qui a trait aux denrées alimentaires et aux intrants de production alimentaire, comme les engrais. Cela aura pour effet d'accroître la compétition pour la nourriture, ce qui justifie davantage la tenue de cette étude.
En 2020, la Chine a enregistré pour la première fois — et j'ai trouvé cette statistique ahurissante — 160 millions de ménages ayant un revenu disponible de plus de 25 000 $. C'est davantage qu'aux États-Unis, où on dénombre seulement 120 millions de ménages dans cette situation. Réfléchissez à cela un instant du point de vue des trois piliers de la sécurité alimentaire, à savoir la disponibilité, l'accessibilité et l'abordabilité. En outre, la Chine tente de nourrir sa population en étendant son initiative La Ceinture et la Route, en grande partie en Afrique. Cette expansion contribue grandement à la dégradation du climat et à la déforestation dans le monde.
Compte tenu des six points que j'ai soulevés, j'ose espérer que le Comité se penchera sur cette motion et qu'il la considérera comme prioritaire lors de ses discussions à venir.
Merci, monsieur le président.