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FAAE Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent des affaires étrangères et du développement international


NUMÉRO 089 
l
1re SESSION 
l
44e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le lundi 11 décembre 2023

[Enregistrement électronique]

(1105)

[Traduction]

    Je déclare la séance ouverte.
    Bienvenue à la 89e réunion du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international de la Chambre des communes.
    La réunion d'aujourd'hui se déroule en mode hybride, conformément au Règlement, et les députés sont présents soit en personne, soit à distance à l'aide de l'application Zoom.
    J'aimerais maintenant adresser quelques remarques à l'intention des membres et de nos témoins.
    Veuillez attendre que je vous donne nommément la parole avant de parler.
     Vous pouvez vous exprimer dans la langue officielle de votre choix. Des services d'interprétation sont offerts.
    Bien que cette salle soit équipée d'un excellent système audio, il y a toujours des risques d'effet Larsen, ce qui pourrait être extrêmement dommageable pour les interprètes et causer des blessures graves. Je tiens à souligner que, le plus souvent, l'effet Larsen est causé par une oreillette portée trop près d'un microphone.
     En ce qui concerne la liste des intervenants, la greffière du Comité et moi-même ferons tout notre possible pour maintenir un ordre d'intervention consolidé pour l'ensemble des membres, qu'ils soient présents en personne ou par vidéoconférence.
    Conformément à l'article 108(2) du Règlement et à la motion adoptée par le Comité le mercredi 8 novembre 2023, nous poursuivons aujourd'hui notre étude sur les capacités diplomatiques du Canada.
     Je vais maintenant vous présenter nos témoins.
    Vous êtes nombreux à connaître ce premier témoin, bien sûr. Il s'agit de M. Balkan Devlen, directeur du Programme transatlantique à l'Institut, à l'Institut Macdonald-Laurier.
    Se joignent également à nous deux témoins de la Société nationale de l'Acadie. Nous remercions M. Martin Théberge, président, et Mme Véronique Mallet, directrice générale, d'être des nôtres.
    M. Devlen et un des témoins de la Société nationale de l'Acadie disposeront chacun de cinq minutes pour faire une déclaration préliminaire. Nous entendrons ensuite les questions des membres du Comité.
    Si je vous fais signe de la sorte, c'est que vous devez conclure les dans 10 à 20 secondes.
    Commençons par M. Devlen.
    Vous avez la parole.
    Monsieur le président, je vous remercie infiniment de me donner l'occasion de témoigner devant le Comité sur l'état actuel et l'avenir de la capacité diplomatique du Canada dans un monde en plein tumulte.
    Le paysage géopolitique s'est indéniablement transformé au cours de la dernière décennie. Le retour à l'avant-plan de la compétition entre les grandes puissances, en particulier entre les États-Unis et la République populaire de Chine; la montée de puissances régionales comme l'Inde et la Turquie en tant qu'acteurs plus affirmés de la politique internationale; le recul de la démocratie dans le monde entier; l'émergence d'un axe des régimes autoritaires Chine-Russie-Iran; et, bien sûr, le retour des grands conflits armés en Europe avec la guerre de conquête non provoquée et illégale de la Russie contre l'Ukraine. Ce ne sont là que quelques exemples des événements clés dont nous avons été témoins depuis environ 10 ans.
    Voici la triste réalité: les prochaines années risquent d'être encore plus sombres.
    Que peut faire le Canada dans un tel monde?
     Aujourd'hui, dans le temps qui m'est alloué, j'aimerais faire les observations suivantes.
    La politique étrangère canadienne devrait être formulée et mise en œuvre du point de vue de l'intérêt national. Nous avons de la chance: la géographie permet de concentrer l'intérêt national du Canada principalement dans deux grandes orientations en matière de politique étrangère et d'affaires étrangères.
    D'abord, nos rapports avec les États-Unis sont d'une importance capitale pour la sécurité et la prospérité du Canada. En fait, ils sont carrément existentiels. Maintenir et cultiver ces rapports spéciaux, peu importe qui est au pouvoir au Canada et aux États-Unis, doit être la priorité absolue. Ces rapports ne doivent pas être tenus pour acquis, et nous ne pouvons pas nous permettre d'être complaisants et de présumer que tout ira bien. Le Canada est et doit demeurer un bon ami et un allié fiable des États-Unis et être en mesure de le démontrer par ses paroles et par ses actes.
    Ensuite, en tant que nation commerçante, notre prospérité dépend fortement d'un ordre international stable, fonctionnel et ouvert. Le Canada devrait faire sa part pour le défendre et le maintenir ainsi. En pratique, cela signifie travailler avec nos alliés et nos partenaires dans des contextes multilatéraux et minilatéraux, puis contribuer à leur prospérité et à leur sécurité.
    Pour ce faire, cependant, notre contribution doit être concrète et ne pas se borner à de beaux discours afin d'améliorer la sécurité et la prospérité des autres. Dans le cas du Canada, permettez-moi de dire que nos ressources naturelles, de l'énergie à l'agriculture en passant par les minéraux critiques, sont notre plus grand avantage et notre plus grande source d'influence.
    Qu'il s'agisse de la production, de l'exportation ou des réserves de ce que le monde veut ou de ce dont il a besoin, dans la plupart des cas, le Canada figure parmi les cinq acteurs principaux. Notre priorité en matière de politique étrangère devrait être d'avoir l'infrastructure, les politiques et les capacités nécessaires pour acheminer ces ressources aux marchés mondiaux. Nous réduirions ainsi la dépendance de nos alliés et de nos partenaires à l'égard de régimes autoritaires ou instables en matière d'énergie et de minéraux critiques qui sont essentiels à la transition énergétique, tout en aidant à nourrir les plus vulnérables du monde. C'est un domaine où le Canada peut faire œuvre utile tout en augmentant sa prospérité.
    J'aimerais conclure en disant que ce n'est pas parce que la politique étrangère est fondée sur les intérêts qu'il faut faire fi des valeurs. En fait, les intérêts découlent des valeurs. Notre intérêt national fondamental réside dans la protection de la sécurité et de la prospérité du Canada. Toutefois, cela ne se limite pas à la sécurité physique et au bien-être matériel. Il s'agit aussi de notre capacité de continuer à jouir de notre mode de vie, y compris de nos valeurs et de nos droits, comme la primauté du droit, les droits de la personne, la démocratie, le libre marché et la liberté d'expression, de presse et de réunion. Il est dans l'intérêt national du Canada de les défendre contre les menaces étrangères et nationales.
    Nous devons donc collaborer avec intention avec nos alliés et nos partenaires dans les forums internationaux, et ne pas suivre aveuglément la convention. Nous devrions cerner les organisations multilatérales qui continuent de promouvoir nos intérêts et miser sur celles‑ci. En même temps, nous devrions nous pencher sérieusement sur celles où notre présence n'est pas nécessaire et les quitter lorsqu'elles ne servent plus nos fins. Il faut aussi penser de façon créative à des regroupements internationaux, y compris des ententes minilatérales entre des États aux vues similaires centrées sur des questions précises.
(1110)
    Comme mes deux coauteurs et moi le disons dans un article publié récemment:
Le Canada doit réorienter son approche. Même si nous sommes fiers de notre image traditionnelle de pays coopératif, la réalité est qu'essayer d'être partout signifie souvent n'être nulle part.
    L'article se poursuit ainsi:
Vu nos ressources limitées, nous devons établir avec discernement où investir l'énergie du Canada et nous assurer que les résultats escomptés sont atteints.
    Je vous remercie beaucoup de m'avoir donné l'occasion de m'adresser à vous, et j'ai hâte de répondre à vos questions.
    Merci beaucoup, monsieur Devlen.
    Nous passons maintenant à la Société nationale de l'Acadie.
    Vous avez la parole pendant cinq minutes.

[Français]

     Bonjour. Je vous remercie de nous donner la parole et de nous permettre ainsi d'expliquer la position de la Société nationale de l'Acadie, la SNA.
    La Société nationale de l'Acadie est la doyenne des organisations de la francophonie canadienne. Depuis 1881, elle rassemble et défend les intérêts du peuple acadien. Nous sommes une fédération à but non lucratif qui regroupe les quatre associations francophones porte-parole et les quatre organismes jeunesse des provinces de l'Atlantique, ainsi que plusieurs membres au Québec et dans le monde, là où se trouvent les Acadiens.
    Notre raison d'être est unique au Canada. La SNA représente une communauté linguistique et veille à la promotion ainsi qu'à la défense des droits et des intérêts d'un peuple à part entière. Notre présentation, aujourd'hui, est directement liée à un mémoire que nous avons déposé en août 2022 dans le cadre du Programme d'appui aux langues officielles. Je précise que nous en avons fourni un exemplaire à la greffière afin que vous puissiez le consulter.
    Tout au long de ma présentation, je ferai allusion à la diplomatie civile. La diplomatie civile, dans le sens de « puissance discrète », est une diplomatie qui complète celle des gouvernements. Elle agit dans divers domaines comme la culture, la mobilité et les échanges, notamment en ce qui a trait à la jeunesse, à l'éducation, aux arts et à l'économie.
    Voici ce qu'a exprimé avec puissance la vice-ministre des Affaires étrangères et de la Diaspora du Kosovo lors du Citizen Diplomacy Summit de 2022. Elle a dit que la diplomatie civile reposait sur ceci:
[...] les citoyens peuvent jouer un rôle vital dans la promotion des objectifs de notre Ministère (…). Ils peuvent être des promoteurs très puissants pour accroître notre acceptation dans le domaine numérique ; construire notre économie et nous connecter avec le reste du monde [...]
 
    L'Acadie à une longue expérience en diplomatie internationale, expérience qui remonte essentiellement aux années 1960. C'est lors d'une rencontre historique avec le général de Gaulle, qui était alors président de la République, que la SNA a forgé une relation privilégiée avec la France. Cette relation grandit sans discontinuer, peu importe les gouvernements en place, depuis plus de 60 ans.
    Il y a deux ans, une importante délégation acadienne a été reçue au palais de l'Élysée par le président français M. Emmanuel Macron. Il s'agit de la seule délégation canadienne à avoir été reçue à l'Élysée depuis 2017. À cette occasion, et en réponse à l'invitation que je lui ai faite, le président Macron s'est engagé à venir au Canada, en 2024, dans le cadre du Congrès mondial acadien, qui se tiendra en Nouvelle‑Écosse en août prochain.
    En octobre dernier, à Paris, j'ai eu l'honneur de signer, avec la secrétaire d'État auprès de la ministre de l’Europe et des Affaires étrangères, chargée du Développement, de la Francophonie et des Partenariats internationaux, le renouvellement de l'entente qui lie la France et l'Acadie. Cela fait de la SNA la seule entité non gouvernementale au monde à signer une entente bilatérale avec la France.
    Depuis 2001, la SNA entretient aussi un accord bilatéral avec l'agence Wallonie‑Bruxelles International aux fins de notre relation avec les francophones de la Belgique. De telles ententes, nous en sommes convaincus, peuvent contribuer à resserrer considérablement les liens entre le Canada et ses plus proches alliés et partenaires.
    Depuis 2005, la SNA est une organisation internationale non gouvernementale, ou OING, de la Francophonie et contribue activement au Comité de suivi des OING de l'Organisation internationale de la Francophonie, l'OIF. La SNA participe régulièrement aux Sommets de la Francophonie au sein de la délégation d'accompagnement du Canada, renforçant ainsi le leadership du Canada à l'OIF.
    En 2021, la SNA a aussi été reconnue comme organisme non gouvernemental en partenariat officiel avec l'UNESCO. L'Acadie du Canada atlantique occupe aussi une situation géopolitique unique au Canada, étant donné qu'à quelques milles nautiques de ses côtes se trouve l'archipel français de Saint‑Pierre-et-Miquelon, dont la population partage une partie de l'histoire et du patrimoine acadiens. Cette spécificité a amené la SNA à prendre une part active à la Commission mixte de coopération régionale entre le Canada atlantique et Saint‑Pierre-et-Miquelon, au sein de laquelle elle occupe un rôle prépondérant.
    La SNA joue également un rôle de chef de file dans ses relations avec la communauté « cadienne » de la Louisiane dans les domaines de la culture, de l'enseignement du français et de la mobilisation de la jeunesse.
    Partout, nous donnons l'exemple d'un peuple sans État, d'une société civile forte, d'un chef de file de la gouvernance communautaire, de la jeunesse et du développement identitaire, ainsi que d'un acteur particulièrement bien outillé pour partager son expérience et son savoir-faire dans le monde.
    Les mesures et les outils que nous avons développés pour promouvoir notre culture et nos artistes ainsi que pour encourager l'immigration francophone et la mobilité de notre jeunesse n'ont pas d'égal au pays. Pourtant, à l'heure actuelle, le Canada ne dispose pas de stratégie en matière de diplomatie civile, et le ministère des Affaires étrangères, du Commerce et du Développement n'a toujours pas rétabli de politique qui fasse une place adéquate à la dualité linguistique, comme le demandait, en 2004, le commissaire aux langues officielles du Canada dans une étude sur la disparition du Programme de diplomatie ouverte, le PDO.
    Nous espérions voir nos efforts de diplomatie civile reconnus à leur juste valeur dans le nouveau Plan d'action pour les langues officielles, étant donné que la nouvelle Loi sur les langues officielles engage pour la première fois le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international, ou MAECI. Nous avons été cruellement déçus.
(1115)
     Au regard de l'importante contribution de la diplomatie civile au développement du peuple acadien, nous recommandons que le gouvernement du Canada développe une stratégie de diplomatie civile et qu'il reconnaisse la spécificité de l'Acadie et de son porte-parole, la Société nationale de l'Acadie, comme acteur privilégié de la diplomatie civile et de la promotion du français à l'étranger.
    Il est temps que le gouvernement fédéral reconnaisse ce travail et nous donne les moyens de l'effectuer.
    Merci beaucoup, monsieur Théberge.

[Traduction]

    Nous allons maintenant donner la parole aux membres du Comité.
    Commençons par M. Hoback.
    Vous avez six minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Merci aux témoins d'être ici en personne, ce qui facilite certainement beaucoup les choses par rapport à une participation par Zoom.
    Je pense que je vais commencer par vous, monsieur Devlen.
    Pensez-vous que la somme des compétences à Affaires mondiales était la même en 2015 que ce qui est jugé nécessaire depuis 2022? Pensez-vous que nos rôles dans les ambassades, à l'étranger, devraient fonctionner de la même façon, ou est‑ce que les choses ont changé?
    Je dirais que le personnel est politique, comme on dit. Il faut avoir les bonnes compétences et il faut aussi donner des ressources au personnel pour qu'il puisse atteindre les buts et les objectifs établis par le gouvernement du Canada.
    Le monde n'est plus le même qu'en 2015. Nous sommes ailleurs, du moins depuis plus d'une décennie, mais il a assurément changé au cours des 8 à 10 dernières années.
    Le gouvernement du Canada doit fournir une orientation claire à son noyau diplomatique et au personnel afférent, tant ici qu'à l'étranger, afin de pouvoir atteindre ses objectifs. Voilà ce dont nous avons d'abord et avant tout besoin, et cela exige un aperçu clair de ce qui doit être fait, des compétences qui doivent être employées aujourd'hui et de la concordance des compétences existantes aux besoins actuels du Canada.
    Il n'est toutefois pas possible de le savoir sans un examen adéquat de la politique étrangère.
    Si la politique est bonne, si le personnel reçoit des instructions appropriées sur ce qu'elle devrait être, alors il devrait y avoir la somme des compétences nécessaire au sein de l'ambassade ou d'Affaires mondiales pour exécuter cette politique.
    Je me trompe?
(1120)
    Vous ne vous trompez pas.
    Au fil des embauches au sein d'Affaires mondiales, croyez-vous que la somme des compétences devrait être modernisée et modifiée de sorte à refléter la situation actuelle par rapport à celle d'il y a 20 ans?
    Absolument. Nous devons être attentifs. Nous devons être beaucoup plus souples quant à la façon dont nous tirons parti de la population diversifiée que nous avons au Canada, tant sur le plan des capacités linguistiques et culturelles que des compétences techniques.
    Nous devons moderniser la façon dont les Canadiens peuvent être partie prenante, contribuer à leur pays et le servir, sans forcément devoir passer par un processus de 24 mois pour les intégrer. Nous devons être beaucoup plus souples pour permettre aux autres d'apporter leur contribution et leur participation.
    Je suis désolé, ce n'est pas que je veuille être impoli, mais je ne dispose que de six minutes.
    Croyez-vous, dans ce cas, qu'il convienne que davantage de Canadiens étudient à l'étranger avant d'intégrer les rangs d'Affaires mondiales au lieu de faire leurs études dans une université canadienne?
    Je pense qu'il est important que de plus en plus de Canadiens élargissent leurs horizons et aient une expérience internationale. En plus de la nature multiculturelle actuelle de notre pays, cela permettrait au Canada de mieux comprendre les autres, leurs intérêts et la façon dont ces intérêts interagissent avec les nôtres.
    On ne peut pas vraiment s'occuper de politique étrangère à partir d'Ottawa; il faut aller sur le terrain et comprendre ces questions.
    J'étais aux États-Unis il y a quelques semaines, où j'ai discuté avec un groupe d'étudiants canadiens à la maîtrise, et ils m'ont dit que, à moins d'aller à l'Université d'Ottawa ou à l'Université Carleton, ils ne seraient pas admis à Affaires mondiales, parce qu'ils pensent différemment.
    Est‑ce une opinion courante? Êtes-vous d'accord avec ce commentaire?
    Je n'en sais pas assez sur les exigences particulières de la politique d'embauche d'Affaires mondiales Canada, mais je dirais que nous pouvons nous en faire une idée en examinant où les gens qui travaillent à Affaires mondiales Canada ont fait leurs études universitaires et leurs études supérieures. Nous pouvons adopter un point de vue empirique à ce sujet.
    À quelle fréquence devrions-nous revoir l'emplacement des missions, des ambassades et des installations de ce genre selon vous? Est‑ce quelque chose qui devrait faire l'objet d'un examen continu? Est‑ce quelque chose qui devrait se faire tous les cinq ans, ou les choses sont-elles bien telles quelles?
    Là encore, je dirais que cela découle de l'établissement précis de nos intérêts nationaux, des endroits où nous devons concentrer nos ressources et des endroits où nous devrions avoir nos ambassades et être présents pour promouvoir ces intérêts.
    Au fur et à mesure de ces planifications, nous devons revoir régulièrement notre capacité à mener notre politique étrangère et à faire progresser nos intérêts, et par le fait même réaffecter les ressources en conséquence plutôt que d'être coincés quelque part parce que nous sommes là depuis 25 ans.
    Quand la ministre fait des déclarations comme celle qu'elle a faite il y a quelques semaines sur le fait d'être des intermédiaires honnêtes et d'être très actifs, pensez-vous que nous nous éparpillons trop? Pensez-vous que nous essayons d'en faire trop et que, ce faisant, nous n'arrivons pas à avoir de l'incidence sur quoi que ce soit?
    Je dirais que nous nous éparpillons trop, oui, surtout aujourd'hui, avec la montée de puissances régionales, entre autres. Nous ne sommes plus dans le monde des années 1960 ou 1970. Bien franchement, personne ne s'attend vraiment à ce que le Canada soit un intermédiaire honnête. Vous devez être en mesure de mettre quelque chose sur la table, d'avoir de l'influence et de contribuer de façon significative à la sécurité et aux intérêts économiques d'autres pays pour qu'ils vous écoutent. Nous ne pouvons pas continuer à faire la leçon aux autres et à prétendre que nous mettons quelque chose sur la table.
    Si nous n'avons pas de gaz naturel à vendre, si nous n'avons pas de produits pétroliers à vendre, si nous n'avons pas de minéraux critiques à vendre... Quel poids le Canada a‑t‑il actuellement, si nous ne profitons pas des ressources naturelles dont nous disposons?
    Voilà pourquoi j'ai suggéré que nous utilisions notre plus grande source d'influence, c'est‑à‑dire nos ressources naturelles, ce qui contribuerait non seulement à la prospérité et à la sécurité de nos alliés et de nos partenaires, mais aussi à la prospérité du Canada. En même temps, cela améliorerait la situation des personnes les plus vulnérables du monde, qui souffrent. Par conséquent, nous devons vraiment nous concentrer sur nos forces et sur ce que nos alliés et nos partenaires nous demandent désespérément. Nous devons les écouter et leur fournir ces ressources.
    Je crains que votre temps soit écoulé, monsieur Hoback.
    Six minutes, ce n'est jamais suffisant.
    Nous passons maintenant à M. Zuberi, pendant six minutes.

[Français]

     Je remercie tous les témoins d'être ici.
    Je vais d'abord m'adresser à M. Théberge.
    Je vous remercie de votre témoignage. Vous avez dit que les Acadiens devaient avoir une présence plus importante dans notre diplomatie, ce que je trouve très intéressant. C'est une bonne idée.
    Le Canada est un pays officiellement bilingue. Nous avons des fonctionnaires qui parlent français et anglais.
    Comment le bilinguisme officiel et celui de nos diplomates nous aident-ils dans le cadre de nos divers engagements internationaux?
(1125)
    D'abord, permettez-moi de rappeler que, dans la nouvelle Loi sur les langues officielles, on mentionne, pour la première fois à ma connaissance, le ministère des Affaires étrangères, qui doit faire la promotion du français et de l'anglais à l'étranger. Alors, le bilinguisme du Canada est un avantage dont nous devons tirer profit à l'étranger.
    Je me permettrai aussi de citer un rapport de 2004 du Commissariat aux langues officielles, qui avait fait une étude sur la disparition du Programme de diplomatie ouverte, ou PDO. J'y ai fait allusion dans mon mot d'introduction, mais il y a trois citations que j'aimerais faire ressortir de ce rapport. Je crois que cela répondra bien à votre question.
    Premièrement, on disait qu'« au sein du MAECI, le PDO est largement considéré comme une source de financement capital des projets ayant trait à la dualité linguistique ». Deuxièmement, on soulignait que « le fonctionnement du programme est axé sur les partenariats. Le PDO apporte un complément aux divers programmes fédéraux qui n'ont pas tous la même vision de la dualité linguistique. Cela soulève la question de l'intégration de la dualité linguistique dans les programmes du gouvernement fédéral. » Troisièmement, on soulignait que « le Canada se doit d'avoir une politique internationale qui fasse une place adéquate à la dualité linguistique dans l'élaboration des programmes. »
    À mon avis, on parle souvent de la dualité linguistique au Canada, mais on en parle très peu à l'extérieur du Canada. Il faut laisser la place aux organismes de la société civile pour qu'ils jouent un rôle à cet égard et qu'ils créent des partenariats, comme nous le faisons à la Société nationale de l'Acadie, pour appuyer les mesures du gouvernement du Canada.
    Merci.
    Le français est en croissance dans le monde, surtout sur le continent africain. Comment notre capacité à nous exprimer en français dans le cadre de nos échanges diplomatiques et commerciaux peut-elle influencer nos relations et nos engagements internationaux?
    Dans plusieurs de nos démarches, nous sommes confrontés au fait que les étrangers croient que le français, au Canada, n'est parlé qu'au Québec. Ils sont souvent surpris d'apprendre que le français est aussi parlé ailleurs au Canada. J'habite à Halifax, Mme Mallet habite à Moncton et nous en travaillons énormément sur la scène internationale pour faire connaître le Canada atlantique. Le Québec fait aussi partie de l'Acadie. On réalise très rapidement que le français n'est pas parlé seulement au Québec. Plus on en parle, plus les gens sont intéressés et plus cela ouvre la porte à des échanges, économiques ou autres, à des collaborations et à des échanges. Nous en faisons beaucoup sur le plan de l'éducation et de la promotion de la jeunesse, aussi.
    Cela ouvre donc la porte à plusieurs possibilités.
     Par rapport à l'Afrique, plus précisément, avez-vous des idées de la façon dont nous pourrions être plus engagés sur ce continent?
    Des explorations se font. Par exemple, beaucoup de travail se fait en matière de recrutement d'étudiants internationaux africains dans nos établissements d'enseignement, que ce soit l'Université de Moncton ou l'Université Sainte‑Anne. D'ailleurs, la Société nationale de l'Acadie gère le Comité atlantique sur l'immigration francophone, qui promeut le Canada atlantique comme un lieu où vivre tant en français qu'en anglais.
    Beaucoup de choses se font, notamment sur le plan de la mobilité jeunesse et étudiante. Nous pourrions en faire davantage si nous étions soutenus à cette fin.
    Je vous remercie.

[Traduction]

    Monsieur Devlen, il me reste 90 secondes.
    Dans votre déclaration liminaire, vous avez dit que le Canada devrait collaborer avec des organisations multilatérales. C'est quelque chose que nous faisons, mais vous avez indiqué que nous devrions envisager d'autres engagements ou renforcer d'autres engagements. Pouvez-vous nous en dire plus à cet effet en 60 secondes?
    Bien sûr. Appartenir à des organisations multilatérales strictement pour la forme n'est pas forcément dans notre intérêt. Depuis 10 ou 15 ans, les tendances suggèrent qu'il y a de plus en plus d'arrangements minilatéraux, que ce soit l'alliance militaire tripartite formée par l'Australie, les États-Unis et le Royaume-Uni, l'AUKUS, ou divers forums trilatéraux qui deviennent le centre de gravité de la diplomatie internationale.
    Le Canada doit se concentrer sur les cadres minilatéraux qu'ils jugent importants, comme le dialogue quadrilatéral mentionné plus tôt, entre la Corée du Sud, le Japon, le Canada et les États-Unis dans le contexte de l'Asie du Nord-Est, puis établir où il doit être actif et si ces efforts sont plus viables dans une organisation multilatérale traditionnelle comme l'ONU ou dans de petits groupes d'États aux vues similaires. Nous devons en prendre bonne note.
(1130)
    Merci, monsieur Zuberi.

[Français]

    Monsieur Bergeron, vous avez la parole six minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Je remercie également les témoins d'être des nôtres, aujourd'hui, pour éclairer notre réflexion sur la modernisation de la diplomatie canadienne.
    Je suis de ceux qui pensent qu'un gouvernement sûr de lui investit plus de ressources pour soutenir la diplomatie parlementaire, la diplomatie civile et la diplomatie culturelle. En effet, ces différentes formes de diplomatie viennent en appui à la diplomatie traditionnelle. À l'inverse, un gouvernement inquiet aura tendance à voir la diplomatie parlementaire, la diplomatie civile et la diplomatie culturelle comme de possibles menaces et coupera les ressources qui y sont attribuées.
    J'écoutais M. Théberge et j'étais assez impressionné par tout ce que la Société nationale de l'Acadie avait réussi à faire sans l'apport financier d'un programme de diplomatie ouverte. Dois-je comprendre que la Société nationale de l'Acadie serait en mesure de faire beaucoup plus si de tels moyens lui étaient de nouveau alloués pour soutenir la diplomatie canadienne? En d'autres termes, quelles sont les retombées pour le Canada s'il investissait, par exemple, dans la diplomatie civile et dans la diplomatie culturelle?
    Il y a effectivement des retombées. Je peux parler de celles des dernières années. Imaginez ce que nous pourrions faire si les fonds adéquats avaient été investis!
    Pour ce qui est de ce que la diplomatie civile apporte à l'Acadie, les retombées sont réparties sur l'ensemble du territoire des provinces atlantiques. Si cela n'était pas du travail que fait l'Acadie, et par conséquent son porte-parole, la SNA, sur la scène internationale, la portée des actions internationales du Canada atlantique se limiterait en grande partie à des relations avec la Nouvelle‑Angleterre.
    La diplomatie civile permet à l'ensemble de la région d'entretenir des relations à l'étranger, avec des pays avec qui elle ne fait habituellement pas affaire. Je vais vous donner un exemple.
    Il y a deux ans, le président Macron nous a invités à réunir une délégation acadienne qui accompagnerait Mme Antonine Maillet à l'Élysée. Nous avons aussi invité M. Colton LeBlanc, qui était le ministre des Affaires acadiennes et de la Francophonie de la Nouvelle‑Écosse. Il était un jeune ministre, et faisait partie d'un gouvernement qui avait été élu deux mois plus tôt. C'était en pleine pandémie de la COVID‑19, ce qui fait que les frontières étaient presque fermées et que les déplacements étaient limités. Le ministre LeBlanc nous a accompagnés et, à son retour, la semaine suivante, il a raconté à ses collègues du Cabinet ce qu'il avait vécu. Il leur a annoncé que le président Macron s'était engagé à venir en Nouvelle‑Écosse, à l'invitation de la délégation. Ce jeune ministre a donc ouvert la porte à une collaboration entre la France et la Nouvelle‑Écosse. Nous n'aurions pas pu imaginer cela.
    Depuis cette visite, le premier ministre de la Nouvelle‑Écosse est allé en France à deux reprises, afin de tisser d'autres liens et d'établir des relations. De plus, le premier ministre du Nouveau‑Brunswick s'est aussi rendu en France depuis ce temps. Il y a donc des retombées pour les gouvernements.
    Il y a aussi des retombées sur notre travail. Parmi nos initiatives, il y a la Stratégie de promotion des artistes acadiens sur la scène internationale, soit la SPAASI. Nous avons pu démontrer que chaque dollar investi dans ce programme par l'Agence de promotion économique du Canada atlantique occasionne des retombées de cinq dollars pour les artistes acadiens. Depuis la création de la SPAASI, il y a 25 ans, les retombées en provenance de l'étranger pour les artistes acadiens ont atteint 200 millions de dollars. Ce n'est pas rien.
    Pour ce qui est du sommet de 1999, on parle de retombées de 78 millions de dollars pour la région.
     Parlez-vous du Sommet de la Francophonie de Moncton?
    Oui, exactement.
    On parle aussi d'une augmentation de 77 % de l'immigration francophone dans la région, entre 1996 et 2011, et de 37 % depuis 2011. Ce sont des retombées importantes.
    En ce qui concerne l'impact économique des étudiants internationaux, après le Sommet, on a vu un changement important sur le plan du recrutement des étudiants internationaux. Au Nouveau‑Brunswick seulement, depuis 1999, l'impact économique des étudiants internationaux s'élève à 310 millions de dollars. Les bourses France‑Acadie ont été créées en 1969, après la signature de la première entente France‑Acadie. Grâce à ces bourses, 350 Acadiens ont pu aller étudier en France. Depuis les années 1990, on a créé les bourses Acadie‑France, qui sont financées par l'Acadie et qui permettent à des Français de venir étudier en Acadie. Un fonds d'un demi-million de dollars a permis à une cinquantaine de boursiers français de venir faire des études ici.
    Depuis leur création, toutes ces bourses ont aussi permis de créer un certain leadership acadien au cours des 50 dernières années.
    Il y a donc des retombées importantes, mais nos moyens sont limités. On ne peut qu'imaginer l'importance qu'auraient ces retombées si nous avions réellement les moyens de mettre en place certains programmes.
(1135)
    Monsieur Théberge, vous faisiez référence à des recommandations du commissaire aux langues officielles, mais, si je comprends bien, aucune de ces recommandations n'a été mise en œuvre.
    Aucune recommandation n'a été mise en œuvre, en effet. C'est d'ailleurs l'objet de notre mémoire de 2022 et de notre témoignage d'aujourd'hui. Tout ce que Mme Mallet vient d'expliquer me fait penser à une publicité du Club Med: « Imaginez si nous avions des moyens pour y arriver! »
     Je vous donne en exemple notre visite à l'Élysée. Le président Macron avait fait quatre promesses. J'en ai mentionné une, soit sa visite au Congrès mondial acadien, qui aura lieu en août prochain. Il avait aussi promis la création d'un lycée international français en Acadie, qui ouvrira à Saint‑Jean au Nouveau‑Brunswick. De plus, il était question du maintien du consulat, qui était régulièrement menacé. Enfin, il y a la présence de l'Acadie à la Cité internationale de la langue française.
    Des promesses ont été faites. On s'engage à bien des choses, mais on a très peu de moyens. Imaginez si on en avait!

[Traduction]

    Nous passons maintenant à Mme McPherson.
    Vous avez six minutes.
    Merci, monsieur le président, et merci beaucoup à vous tous d'être ici aujourd'hui.
    Je tiens à vous remercier d'avoir souligné la présence de nombreux francophones à l'extérieur du Québec. Je représente le quartier français, en Alberta, et ma circonscription compte environ 20 % de francophones. Il est important de le souligner. Maintenant, mes questions aujourd'hui s'adressent à vous, monsieur Devlen.
    Dans un article de 2021, vous parlez de la nécessité d’aligner notre politique étrangère sur l’opinion publique, ce qui me pose problème depuis très longtemps. J'y ai réfléchi dans le cadre de nos efforts de développement international, et je m'interroge entre autres sur le fait que, tout d'abord, au cours des dernières années, au cours des 15 dernières années environ, il y a eu des compressions massives dans la mobilisation et la sensibilisation du public du point de vue de l'opinion publique sur la citoyenneté mondiale. Nous n'en parlons donc plus dans les écoles, dans les médias et dans les universités, comme c'était le cas auparavant. D'autre part, nous disons que nous devrions nous aligner sur l'opinion publique, alors que nous n'avons pas investi pour nous assurer que les Canadiens participent à l'opinion publique.
    Pourriez-vous nous parler des conséquences de cela? Ensuite, si c'est le cas, si nous avons une population dont l'opinion publique n'a pas été informée par certaines de ces initiatives, devrions-nous essayer de nous aligner sur cette opinion publique?
    J'aimerais savoir ce que vous en pensez.
    Merci beaucoup. Je pense que c'est une question très, très importante, surtout parce que l'appui des citoyens est essentiel en démocratie si l'on souhaite défendre l'intérêt national. La population se doit donc d'être bien informée de l'importance des raisons justifiant la participation active du Canada dans le monde et des endroits où elle a lieu, des raisons sous-jacentes à certaines politiques étrangères particulières et de la façon dont cela sert les intérêts des gens ordinaires.
    Comme vous l'avez souligné, cela exige un effort soutenu, surtout dans un pays aussi chanceux que le Canada, qui n'est pas confronté aux menaces que vivent de nombreux autres pays dans le monde. Nous sommes entourés de trois océans et d'une superpuissance très amicale, et nous avons fait partie, au cours des 150 dernières années, du groupe qui a façonné l'ordre international, de sorte que nos citoyens font fi de la politique internationale sans remords.
    Maintenant, le fait que les choses changent aujourd'hui, le fait que nous n'avons plus le luxe de présumer que les malheurs n'arrivent qu'aux autres, dans des lieux lointains, devrait être un signal d'alarme, non seulement pour le gouvernement, mais aussi pour la société civile, les médias et d'autres intervenants, de sorte qu'ils communiquent régulièrement avec les Canadiens ordinaires, qu'ils leur fournissent des explications et de l'information, et qu'ils constatent la nécessité d'un mécanisme de rétroaction. Il doit y avoir des échanges pour répondre à leurs préoccupations et expliquer comment la promotion de nos intérêts en matière de politique étrangère contribue également à accroître leur sécurité et leur prospérité, ce qui ne peut pas se faire sans investissements. Si nous ne le faisons pas, nous perdrons la légitimité démocratique de poursuivre ce que nous faisons.
(1140)
    Je dirais en outre que notre politique étrangère actuelle choisit quand elle doit s'aligner sur l'opinion publique.
    Par exemple, vous entendrez souvent le gouvernement dire qu'il n'appuie pas les augmentations à l'aide au développement parce qu'il n'y a pas d'appui public pour cela, et pourtant, nous voyons, par exemple, dans le cas d'un appel à un cessez-le-feu entre Israël et le Hamas, à Gaza, que 71 % des Canadiens appuient un cessez-le-feu selon un sondage de Mainstreet. Le gouvernement choisit malgré tout de ne pas en demander un.
    Nous choisissons quand nous voulons utiliser l'opinion publique pour légitimer notre politique étrangère, ce qui est évidemment un très gros problème.
    Cependant, il est aussi question aujourd'hui de diplomatie et du rôle diplomatique du Canada, et je dirais aussi que nous nous concentrons ici sur le commerce, ce qui est important, à mon avis. Toutefois, de mon point de vue, le commerce est le fruit de grands efforts en diplomatie, en développement et sur toutes ces autres questions de politique étrangère, ce que je ne pense pas que nous ayons fait.
    Pourriez-vous nous en parler un peu et peut-être nous dire en quoi certaines des choses que les entreprises canadiennes font à l'étranger nuisent à notre réputation? En quoi cela pourrait‑il nuire à nos grands objectifs en matière de politique étrangère?
    Permettez-moi d’abord de répondre au premier point sur l’alignement démocratique, puis je parlerai de la façon dont nous pouvons faire de la diplomatie pour promouvoir nos intérêts.
    En ce qui concerne l'alignement, il faut également souligner toute l'importance du leadership. Personne ne s'attend vraiment à ce que le public fasse preuve de leadership dans de tels dossiers. Dans une démocratie représentative, il incombe aux représentants élus de prendre les rênes et de jouer un rôle actif. Il incombe au gouvernement et aux représentants élus de faire valoir au public que certaines politiques sont dans l'intérêt national.
    Il ne s'agit pas de suivre aveuglément ce que fait le public et ce que dicte son humeur. À vrai dire, la politique étrangère n'est un sport public dans aucun pays; elle est toujours l'apanage de l'élite gouvernementale. Toutefois, il est important qu'elle concorde aux intérêts généraux du public, ce qui exige une interaction constante avec la population, plutôt que de faire des suppositions et de choisir des endroits où nous croyons qu'elle concorde.
    En ce qui concerne la diplomatie, je suis d'accord pour dire que nous devons faire le travail de fond, mais cela exige également que nous nous concentrions sur nos forces, sur ce que nous pouvons mettre sur la table. Nous devrions en somme éviter de faire la leçon aux autres pays sans leur offrir quelque chose de substantiel pour améliorer leur sécurité, leur bien-être ou leur prospérité. Le simple fait de parler à la population ne nous permettra pas nécessairement d'y arriver, mais nous devons aussi écouter les autres pays, nos alliés et nos partenaires, et ne pas forcément nous fonder sur nos propres perceptions de ce qui est bon pour les autres pays. Nous devons être à l'écoute de leurs besoins — ce qu'ils espèrent tirer d'un engagement avec le Canada et si ces désirs et aspirations correspondent à nos intérêts. Je pense que c'est là que le volet diplomatique est essentiel.
    J'ajouterais un autre point...
    Merci, monsieur Devlen. J'ai bien peur que vous ayez largement dépassé votre temps.
    Nous allons maintenant passer à la deuxième série de questions.
    Commençons par M. Aboultaif, pendant trois minutes.
    Monsieur Devlen, vous avez dit que la géographie est notre meilleur ami. Pourrait‑il aussi être notre pire ennemi?
    Pour ce qui est de bien réfléchir à la politique étrangère et à la nécessité d'y consacrer des ressources, ce pourrait aussi être une malédiction.
    Comment pouvons-nous tirer parti de cet avantage géographique? Le faisons-nous? Sommes-nous en mesure de le faire? Si vous pouviez nous donner des exemples, ce serait formidable.
    Je pense que nous pourrions tirer parti de notre position sûre de manière beaucoup plus efficace dans le monde. Grâce à sa situation géographique, comme je l'ai dit, le Canada a la chance d'être présent dans deux des plus grands océans — l'Atlantique et le Pacifique — ainsi que dans l'Arctique, qui prend de plus en plus d'importance en politique internationale. Nous avons la chance d'avoir un voisin avec lequel nous entretenons de très bonnes relations depuis bien longtemps. Par conséquent, au‑delà des deux éléments clés que j'ai mentionnés — entretenir de bonnes relations avec les États-Unis et contribuer au maintien d'un ordre international stable et ouvert dont dépend notre prospérité —, tout le reste est, d'une certaine manière, un luxe pour le Canada.
     En tant que pays riche, le Canada est en mesure de consacrer des ressources à des questions pour lesquelles il peut se servir de ses ressources, de sa géographie et de sa position pour contribuer à résoudre les problèmes dans le monde, car il n'a à s'occuper que de deux choses fondamentales, au lieu de 20 choses différentes comme c'est le cas d'autres pays.
(1145)
    Nous avons investi autant de ressources que nous le pouvons. La Norvège a investi plus que nous dans le développement. Sa population ne représente même pas un cinquième de celle du Canada. Le rôle du Canada sur la scène internationale fait également partie de la politique chez nos alliés. Croyez-vous que nous ayons perdu de l'indépendance dans notre position sur les questions internationales au cours des deux dernières décennies?
    Je dirais qu'il ne s'agit pas tant d'une perte d'indépendance que d'une pertinence décroissante dans la mesure où, si nous ne répondons pas aux besoins et aux préoccupations de nos alliés et si nous n'apportons pas les capacités et les ressources nécessaires, on ne nous demandera pas notre avis. Notre influence diminuera et nous ne serons pas nécessairement en tête de liste lorsque des alliés se réuniront pour régler des problèmes communs.
     Je dirais que ce n'est pas tant la perte d'indépendance que la perte d'influence.
    Merci, monsieur Aboultaif.
    Nous passons maintenant au député Longfield.
    Bienvenue à notre comité. Vous avez la parole pour trois minutes.
    Merci, monsieur le président. Mes questions s'adresseront à M. Devlen.
     Votre titre de directeur du programme transatlantique a attiré mon attention.
     J'ai été membre d'un groupe de discussion réunissant l'Allemagne, le Canada et les États-Unis sur la question des changements climatiques et les possibilités qu'ils offrent du point de vue des technologies propres. J'ai été président de la Chambre de commerce de Guelph. Notre maire a participé à ces discussions avec Berlin et les États-Unis. Nous nous sommes rencontrés à notre ambassade à Berlin. J'ajouterais à la liste de M. Bergeron la diplomatie environnementale et les possibilités sur ce plan. Notre ambassade a réuni des entreprises et des municipalités pour examiner comment nous réagissons aux possibilités qui s'offrent dans le contexte des changements climatiques. Nous avons pu attirer une entreprise du Danemark. Elle est installée à Guelph grâce aux efforts diplomatiques de notre ambassade.
    La COP28 vient de se terminer. De nombreuses possibilités se présentent à l'échelle mondiale. Le Canada joue un rôle de premier plan dans le domaine des technologies propres.
     Pourriez-vous nous parler de la manière dont notre service diplomatique doit être en mesure de répondre aux nouvelles possibilités que les changements climatiques apportent au Canada?
    Merci beaucoup. Je pense que c'est un point très important.
    En octobre, j'étais à Berlin, avec d'autres collègues. Nous avons eu l'occasion de nous entretenir avec certains intervenants sur place et d'avoir des discussions avec notre ambassade. L'un des principaux sujets abordés a été la manière dont le Canada peut contribuer à la sécurité énergétique de l'Europe, notamment en matière d'énergie propre et de technologie.
    Ce qui est très clair pour moi, c'est qu'il y a une demande de la part de nos alliés et amis européens, ainsi que de nos alliés et amis du Pacifique, pour que l'énergie canadienne — les technologies propres canadiennes — en fasse partie. J'inclus ici le nucléaire, qui est un élément de plus en plus important du bouquet énergétique. Le monde entier, nos alliés européens et d'autres joueurs le reconnaissent. Nous devons être en mesure d'en fournir. Nous avons la technologie. Nous avons les ressources dans le Nord de la Saskatchewan, par exemple. Il en va de même pour d'autres technologies.
    Nous disposons de très peu de temps.
     En ce qui concerne les technologies propres, lorsque je regarde ce que fait l'Allemagne dans le domaine de l'énergie de quartier... Nous en sommes au tout début. On a pratiquement épuisé certaines parties du marché.
    Lorsqu'il s'agit des possibilités qui s'offrent à l'échelle internationale, si nous nous intéressions à l'énergie de quartier, est‑ce quelque chose que nous serions en mesure de développer?
    Puisque je ne suis pas nécessairement un spécialiste de cette technologie, je ne peux pas faire d'observations à ce sujet.
    Je peux dire par contre que nos alliés allemands ont fait une chose étonnante. Ils ont agi très rapidement lorsqu'il leur fallait s'adapter. Ils ont notamment mis en place un terminal de gaz naturel liquéfié en mer en 18 mois. Il faut des années pour faire quelque chose de semblable au Canada.
     Je pense que nous devons être beaucoup plus agiles dans la mise à disposition de ces ressources. Nos alliés nous montrent que c'est possible.
(1150)
    Merci.
    Nous passons maintenant à M. Bergeron.
    Vous disposez d'une minute et demie.

[Français]

     D'abord, je veux préciser à mon collègue M. Longfield que la diplomatie civile peut inclure les groupes environnementaux.
    Monsieur Théberge, je crois comprendre que le gouvernement canadien a décidé de retenir 3 millions de dollars de son financement à l'Organisation internationale de la francophonie pour des motifs d'organisation interne.
    Savez-vous comment cet argent est dépensé et si cette coupe a un caractère pérenne?
    Je vous remercie de cette excellente question.
    Trois millions de dollars ont été retirés de la contribution volontaire du Canada à l'Organisation internationale de la Francophonie, l'OIF, pour des raisons qui appartiennent au gouvernement. On sait qu'une minime portion de cette somme, soit environ 100 000 $, a été transférée à certains partenaires. À notre connaissance, il reste donc 2,9 millions de dollars qui n'ont pas encore été attribués. C'est de l'argent du Canada destiné à la diplomatie.
    Cet argent pourrait être transféré pour réaliser le principe du « par, pour et avec » les communautés du Canada et nous pourrions l'utiliser à cette fin. Je reviens à ce que je disais tout à l'heure: imaginez si la Société nationale de l'Acadie avait des fonds pour faire le travail de diplomatie qu'elle fait!
    Ce retrait du financement à l'OIF est-il pérenne? Nous ne le savons pas. Nous souhaitons que cet argent puisse être attribué dans l'avenir. Il pourrait retourner à l'OIF, mais il pourrait aussi être attribué à des organismes de la société civile, comme la Société nationale de l'Acadie, pour reconnaître l'incidence de leurs activités sur la diplomatie canadienne.

[Traduction]

     Merci.
    C'est maintenant au tour de la députée McPherson. Vous disposez d'une minute et demie.
    Monsieur Devlen, très rapidement, en réponse à mes questions un peu plus tôt, vous avez dit qu'il fallait offrir quelque chose de concret. Nous savons qu'il est essentiel d'établir des liens avec les économies émergentes.
     Dans le peu de temps dont nous disposons, pourriez-vous nous parler des mesures que le Canada devrait prendre pour établir des liens avec les économies émergentes et du rôle que jouent les trois piliers que sont la diplomatie, le commerce et le développement?
    Nous devons voir où nous pouvons tirer parti de nos ressources, comme je l'ai souligné — dans quels pays nous pouvons tirer profit de nos forces. Échanger avec les économies émergentes qui seront avides de ressources énergétiques, de minéraux et d'autres ressources constitue un pas important. Il faut aller au‑delà des relations avec les gouvernements. Nous devons être en mesure de parler aussi au secteur privé et aux organisations de la société civile de ces pays.
     Nous devons tirer parti de nos propres capacités, ce qui inclut les organisations de la société civile et notre capacité multiculturelle à nouer des liens. L'expérience du Québec pourrait, en fait, aider considérablement le gouvernement fédéral lorsqu'il s'agit de ses relations avec l'Afrique francophone, par exemple. Ce sera le continent le plus peuplé du monde.
     Nos liens avec l'Afrique sont très limités, bien que le Canada soit membre du Commonwealth et de l'Organisation internationale de la Francophonie, l'OIF. C'est une ressource avec laquelle nous devons vraiment renforcer nos relations. Nous devons le faire de différentes manières, non seulement de gouvernement à gouvernement, mais aussi en incluant le secteur privé et la société civile.
    Merci.
    Nous passons à M. Chong. Vous disposez de trois minutes.
    Merci, monsieur le président. Merci de comparaître, monsieur Devlen.
    Vous avez récemment corédigé un article dans lequel vous indiquez que l'ONU s'était montrée peu pertinente sur des questions importantes. Vous avez écrit qu'à notre époque, le multilatéralisme a été supplanté par des ententes minilatérales entre des États aux vues similaires, comme le Dialogue quadrilatéral pour la sécurité et AUKUS.
    Dans son document de travail intitulé L'avenir de la diplomatie, Affaires mondiales Canada recommande de renforcer la présence du Canada à l'ONU.
    Êtes-vous du même avis? Pourquoi?
    Le Canada peut mieux utiliser ses ressources en ayant recours à des arrangements minilatéraux plutôt qu'en misant davantage sur le système des Nations unies. Comme nous l'avons constaté au cours des 10 à 15 dernières années, les Nations unies sont de plus en plus dans l'impasse et s'avèrent de moins en moins utiles pour résoudre les problèmes internationaux auxquels nous sommes confrontés. Il ne s'agit pas de se retirer complètement ou de ne pas fournir de ressources aux Nations unies. Il s'agit de déterminer où nous pouvons réellement changer la donne et si nos services, nos forces et nos intérêts sont mieux servis dans un cadre minilatéral au lieu de nous enliser dans les Nations unies.
(1155)
    Vous avez également recommandé que le Canada concentre ses efforts à l'échelle internationale en se retirant de certaines institutions mondiales, telles que la Banque européenne pour la reconstruction et le développement.
     Est‑ce que votre recommandation s'applique également à la Banque asiatique d'investissement pour les infrastructures?
    Absolument. En fait, dans le document, nous expliquons que nous ne devrions pas faire partie de la banque de développement de la Chine, qui est utilisée pour des partis communistes.
    Pourquoi devrions-nous nous retirer de la Banque européenne pour la reconstruction et le développement?
    La fonction première de la Banque européenne pour la reconstruction et le développement est de participer à l'aide au développement qui se situe aujourd'hui principalement à un niveau avancé dans les pays en développement. Nos ressources peuvent très bien être orientées vers d'autres endroits, comme en Afrique, par exemple. Nous devrions jouer un rôle dans le développement d'infrastructures numériques et matérielles là‑bas, plutôt que de continuer à financer ce qui a été conçu au départ comme une organisation européenne de reconstruction d'après-guerre.
    Merci.
    Je n'ai pas d'autres questions, monsieur le président.
    Merci, monsieur Chong.
    Nous allons maintenant passer au dernier intervenant, le député Oliphant.

[Français]

    Monsieur Théberge et madame Mallet, je vous remercie.
    Il est très important que la société civile apporte sa contribution. Je suis aussi d'accord avec M. Bergeron sur les autres formes de diplomatie, comme la diplomatie civile, la diplomatie parlementaire et la diplomatie culturelle.
    Est-il question seulement de bourses et d'argent, ou est-ce qu'il y a une structure à recommander pour les affaires mondiales?
     Je mentionnerai deux choses. L'étude porte sur les capacités diplomatiques du Canada. Comme vous l'avez dit, la diplomatie civile et la diplomatie culturelle peuvent grandement appuyer la diplomatie gouvernementale.
    Chez nous, la Stratégie de promotion des artistes acadiens sur la scène internationale, ou SPAASI, fait la promotion des artistes et de leur œuvre à l'étranger. C'est un très bon exemple de levier à utiliser.
    Je mentionnerai aussi l'Entente France‑Acadie qui a été renouvelée en octobre dernier. Cette entente porte sur trois axes principaux: la promotion de la culture acadienne et française et de la langue française, l'élément socioéconomique et l'élément de la mobilité jeunesse. Cette entente comprend un plan d'action à développer sur 10 ans. Cela nous permettra de générer des mesures qui pourront être évaluées dans le but de déterminer les répercussions du plan d'action.
    Imaginez si le gouvernement du Canada acceptait de développer une stratégie diplomatique incluant la diplomatie civile, la diplomatie ouverte et la diplomatie culturelle et qu'il nous donnait les moyens de développer ce plan d'action de façon robuste pour accompagner et complémenter les mesures du gouvernement du Canada. Tout le monde y gagnerait, et pas seulement l'Acadie. C'est le Canada dans son ensemble qui y gagnerait.
    Votre association, et les autres, ont-elles un rôle à jouer dans la protection des langues minoritaires? Je ne parle pas seulement de la langue française et de la culture acadienne, mais des langues minoritaires partout au monde.
    C'est une excellente question.
    Votre collègue parlait tout à l'heure de la dualité canadienne et de la façon dont on en fait la promotion à l'étranger. Une des forces du Canada sur la scène internationale est la capacité qu'il a à maintenir cette dualité linguistique. L'Acadie est un excellent exemple d'une société civile qui a réussi, contre vents et marées, à exister et à s'épanouir.
    Nous pouvons partager notre façon d'organiser la société civile dans une perspective de paix avec le gouvernement. Nous avons des exemples très positifs à offrir sur la scène internationale.
    Merci.

[Traduction]

    Merci beaucoup.
    Au nom de tous les membres du Comité, j'aimerais remercier nos trois témoins: M. Devlen, M. Théberge et Mme Mallet. Nous vous sommes très reconnaissants de nous avoir accordé du temps et de nous avoir donné vos points de vue.
     Je vais suspendre la séance très brièvement, pendant deux ou trois minutes. Je vois que les témoins de notre prochain groupe sont présents dans la salle. Cela ne devrait donc pas prendre plus de deux minutes.
(1155)

(1200)
    Nous reprenons.
    J'aimerais maintenant accueillir notre deuxième groupe de témoins. Nous sommes heureux de recevoir M. Charles Burton, agrégé supérieur à l'Institut Macdonald-Laurier; et M. Ardi Imseis, professeur adjoint à la Faculté de droit de l'Université Queen's. Nous avons la chance également d'accueillir M. Colin Robertson, membre de l'Institut canadien des affaires mondiales.
    Bienvenue. Comme vous le savez, puisque vous êtes ici depuis une heure, vous disposerez de cinq minutes chacun pour faire votre déclaration préliminaire, après quoi nous passerons aux questions des députés.
    C'est M. Burton qui commence.
    Monsieur Burton, vous disposez de cinq minutes pour faire votre déclaration préliminaire.
(1205)
     Les relations de la Chine avec l'Occident, en particulier les stratégies chinoises de guerre hybride et les opérations d'influence que mène le Parti communiste chinois dans les pays occidentaux, constituent mon domaine d'expertise.
    J'ai étudié en Chine. J'ai ensuite travaillé au Centre de la sécurité des télécommunications et j'ai occupé deux postes diplomatiques à l'ambassade du Canada à Pékin au début de ma carrière.
     Le Canada est aujourd'hui confronté à un défi de plus en plus destructeur posé par un régime complexe regroupant Parti communiste chinois, État, militaires, civils et marché de la République populaire de Chine. L'objectif stratégique de la Chine à l'égard du Canada est diamétralement opposé à nos intérêts et à nos valeurs.
    Cependant, la réponse d'Affaires mondiales Canada au défi pernicieux global et coordonné que représente la Chine pour nos institutions démocratiques a été, en toute franchise, lamentablement faible et très inefficace.
    En effet, dans le rapport du Sénat intitulé Relever le défi: renforcer le service extérieur du Canada, qui vient d'être publié, on indique que les capacités en langues étrangères d'Affaires mondiales Canada ont diminué au cours des dernières décennies et que le nombre de membres du personnel qui peuvent parler le mandarin, le russe et l'arabe est insuffisant.
    Dans le même ordre d'idées, dans le document de travail de juin 2023 d'Affaires mondiales Canada, qui s'intitule L'avenir de la diplomatie: Transformer Affaires mondiales Canada, on peut lire ce qui suit:
[...] les agents du service extérieur possédant une expertise approfondie dans des zones géographiques et des domaines particuliers [...] se sont sentis de plus en plus désavantagés au fil du temps, y compris dans les processus de promotion, où l'accent a été mis sur les compétences en matière de gestion plutôt que sur l'expertise géographique, linguistique ou liée à un domaine particulier.
    En réponse à cela, on indique dans le rapport:
Le ministère coordonne un investissement de 35 millions de dollars sur 5 ans afin de renforcer les capacités d’analyse axées sur la Chine dans l'ensemble de son réseau de missions dans le monde.
     À mon avis, c'est trop peu, trop tard. Quoi qu'il en soit, cette affirmation a été contredite par le National Post qui, dans son article de la semaine dernière, révélait que, en août dernier, par souci d'économie, Affaires mondiales Canada avait suspendu tous les programmes de langues étrangères offerts dans les missions jusqu'au 31 mars 2024.
     En outre, l'approche diplomatique adoptée par Affaires mondiales Canada à l'égard la Chine, soit une approche qui fait abstraction du pays qu'est la Chine, ne tient pas compte du fait que nos institutions canadiennes ne sont pas compatibles avec celles du système léniniste chinois et qu'elles n'ont pas d'équivalents véritables.
    Ce que je veux dire, c'est que le rôle le plus important de l'ambassadeur chinois à Ottawa est de diriger le comité du Parti communiste chinois de l'ambassade. L'ambassadeur supervise un énorme réseau en dehors des locaux de l'ambassade et des consulats, ce qui inclut les postes de police et les organisations mandataires qui permettent l'ingérence dans nos élections et autres processus démocratiques et qui chargent des entreprises chinoises au Canada de participer à un large éventail d'activités en zone grise et d'activités d'espionnage afin de transférer des technologies sensibles au régime de Pékin.
     Le manque d'expertise approfondie sur la Chine au sein d'Affaires mondiales Canada qui en résulte fait en sorte que nos diplomates sont facilement trompés par des interlocuteurs habiles du régime chinois et par des intérêts spéciaux canadiens qui dépendent des intérêts du régime chinois.
    Un autre problème que je me dois de soulever est la tendance que l'on voit chez les agents du service extérieur qui prennent leur retraite à assumer des rôles qui, en fait, aident la RPC à mener à bien son programme au Canada. Je veux dire par là qu'ils occupent des postes très payants au sein d'organismes comme la Fondation Asie Pacifique du Canada ou le Conseil commercial Canada-Chine, ou encore dans des cabinets d'avocats et d'autres entreprises qui entretiennent des relations étroites avec les réseaux d'affaires du régime chinois.
    De telles sinécures post-gouvernementales ne sont pas accessibles aux fonctionnaires qui, alors qu'ils occupaient des postes de confiance, ont été identifiés par l'ambassade de Chine comme ayant travaillé activement à défendre la sécurité du Canada contre les activités malveillantes du régime chinois. Nous nous rendons de plus en plus compte que les autorités chinoises tiennent à jour un grand nombre de listes et de dossiers sur nous tous, avec l'aide de l'intelligence artificielle. Cette réalité a une incidence négative sur la rigueur avec laquelle Affaires mondiales Canada cherche à défendre la sécurité et la souveraineté du Canada par rapport au défi très sérieux que nous lance la Chine.
(1210)
     Nous parlons beaucoup de la Chine, mais nous ne faisons pas grand-chose. Il en résulte que, malheureusement, en raison de la naïveté, de l'avidité et de la passivité du Canada, la Chine finit toujours par prendre le dessus, au détriment des intérêts nationaux canadiens en matière de sécurité et de souveraineté.
    Merci, monsieur le président.
    Merci beaucoup, monsieur Burton.
    Nous passons à M. Imseis.
    Vous disposez de cinq minutes, monsieur.
    En résumé, j'ai simplement trois points à soulever.
    Premièrement, l'engagement déclaré du Canada à l'égard de l'ordre juridique international fondé sur des règles est essentiel au maintien de sa réputation morale dans le monde. Il est essentiel de faire du droit international le seul critère normatif de l'ordre international si l'on veut que la diplomatie future du Canada porte fruit.
    Deuxièmement, pour que l'engagement déclaré du Canada à l'égard du droit international se traduise par des gains concrets sur le plan diplomatique et renforce sa réputation à l'échelle internationale, il doit être sincère et crédible aux yeux des autres. La crédibilité est primordiale, et dans un monde où le tumulte géopolitique s'accentue, il est dans l'intérêt national du Canada de cultiver et de protéger sa crédibilité.
    Troisièmement, de toute évidence, le Canada n'a malheureusement pas réussi à garder sa crédibilité pour ce qui est de faire respecter le droit international dans les faits. La preuve en est que le Canada applique manifestement deux poids, deux mesures, si l'on se fie aux préférences et aux alliances politiques auxquelles il semble accorder un plus grand poids qu'à l'application universelle de normes et à la primauté du droit.
    À titre d'exemple, prenons la position du Canada sur deux des conflits les plus médiatisés de notre temps: l'occupation de l'Ukraine et l'occupation de la Palestine.
    En Ukraine, le Canada affirme avec fermeté et constance son opposition à l'agression russe, à l'occupation de l'Ukraine et à l'annexion de territoires à la Russie. La position du Canada est ancrée dans deux principes clés du droit international: premièrement, l'interdiction de conquête territoriale et, deuxièmement, l'obligation de respecter le droit des peuples à l'autodétermination. Comme ces normes sont de nature péremptoire, la dérogation à ces principes n'est pas permise en droit international. Par conséquent, tous les États, y compris le Canada, ont l'obligation de ne pas reconnaître le résultat de leur violation et de ne rien faire pour aider les acteurs contrevenants.
    En Palestine, bien que la position officielle du Canada demeure qu'Israël est une puissance occupante et que les colonies israéliennes sont illégales, le gouvernement a adopté une politique qui favorise la perpétuation de cette violation. Ainsi, il permet l'importation en franchise de droits de douane de produits des colonies israéliennes en vertu de l'Accord de libre-échange Canada-Israël. En vertu de l'ALECI, le territoire israélien est défini de manière à inclure le territoire palestinien occupé, violant ainsi l'interdiction de conquête territoriale et le droit du peuple palestinien à l'autodétermination. Le procureur général du Canada est maintenant d'avis qu'il est raisonnable d'étiqueter les produits des colonies israéliennes comme « produits d'Israël » lorsqu'ils sont importés au Canada, même s'ils ont été produits en Palestine occupée.
    De toute évidence, l'ALECI est un traité illégal en droit international puisqu'il contrevient aux deux normes péremptoires que j'ai mentionnées plus tôt. De plus, les dispositions de l'ALECI ne sont pas conformes à l'obligation du Canada en vertu de la résolution 2334 du Conseil de sécurité « de faire une distinction, dans leurs échanges en la matière, entre le territoire de l'État d'Israël et les territoires occupés depuis 1967 ».
    De plus, le Canada manque clairement à son obligation de respecter, et d'en assurer le respect, des termes de la quatrième Convention de Genève, ainsi que du Statut de Rome de la Cour pénale internationale à cet égard, qui énoncent que l'établissement de colonies constitue un crime de guerre. Ces conventions sont pourtant intégrées à la législation canadienne, comme vous le savez tous.
    Compte tenu de la situation sans précédent en Palestine à l'heure actuelle, je dois soulever deux autres points au sujet de la position du Canada qui nuisent clairement à sa réputation dans le monde.
    Il y a d'abord la position du Canada selon laquelle malgré l'impunité qui domine au Moyen-Orient, la Palestine ne devrait pas être autorisée à demander réparation devant la Cour pénale internationale ou la Cour internationale de justice. Ces mécanismes sont essentiels au maintien de l'ordre juridique international fondé sur des règles, puisqu'ils encouragent les États à régler les différends de façon pacifique plutôt qu'en ayant recours à la force. S'il y a quelque chose qui ressort des événements actuels, c'est que nous avons besoin de plus et non de moins de lois. Nous avons besoin de plus de règlements pacifiques des différends, et non de moins. Alors, pourquoi le Canada prend‑il activement des mesures pour s'opposer au recours de la Palestine à la justice au moyen de ces mécanismes?
    Dans le même ordre d'idées, environ deux mois après le début des plus récentes hostilités, qui ont à ce jour entraîné la mort de plus de 18 000 Palestiniens — dont deux tiers sont des femmes et des enfants — et de 1 200 Israéliens et causé des blessures à 50 000 Palestiniens et 5 000 Israéliens, il est inexplicable que le Canada refuse de se joindre à la majorité des États qui réclament un cessez‑le‑feu général. Chaque jour qui passe, des centaines d'autres personnes sont tuées et des millions d'autres souffrent de la famine utilisée comme arme de guerre. Gaza est rasée par des bombardements israéliens systématiques effectués à l'aveugle, et le spectre du transfert forcé permanent des 2,3 millions de Gazaouïs hors de la bande de Gaza se profile lourdement à l'horizon. Si la paix doit prévaloir, le moins que le Canada puisse et doive demander, c'est la cessation immédiate des hostilités.
(1215)
    Je vous remercie de votre attention. Je vais m'arrêter là. Je serai heureux de répondre à vos questions.
    Merci, monsieur Imseis.
    Nous passons maintenant à M. Robertson.
    Monsieur Robertson, vous avez cinq minutes.
    Mes observations sur les capacités diplomatiques se fondent sur mes 33 années d'expérience au sein du service extérieur du Canada et mes 15 années passées à l'Institut canadien des affaires mondiales.
    Nous avons besoin de capacités diplomatiques pour faire avancer nos objectifs à l'échelle internationale. C'est difficile dans ce monde de plus en plus chaotique, impitoyable et éparpillé. C'est d'autant plus difficile que le fossé politique de notre époque est grand ouvert plutôt que fermé, puisqu'il n'y a pas consensus sur des normes ou des règles communes, surtout en ce qui concerne les droits de la personne. Par-dessus tout cela, il y a que les médias sociaux répandent de la désinformation et de la mésinformation afin de déstabiliser et de diviser les démocraties.
    Les capacités diplomatiques dépendent à la fois du pouvoir de contraindre et du pouvoir de convaincre. Nous avons donc besoin d'un service extérieur robuste pour servir les Canadiens et défendre les intérêts canadiens. Nous avons aussi besoin de forces armées musclées pour avoir un effet de dissuasion et assurer la sécurité collective, ainsi que d'aide au développement bien financée pour faire face aux inégalités mondiales et soutenir les autres démocraties.
    Nous ne sommes plus l'intermédiaire utile pour trouver des solutions que nous avons déjà été. Nous pouvons encore jouer ce rôle, mais nous devons pour cela renforcer nos capacités diplomatiques.
    Dans un premier temps, je vous encourage à appuyer et à financer les recommandations contenues dans le récent rapport du Sénat intitulé Plus qu'une vocation: le Canada doit se doter d'un service extérieur adapté au XXIe siècle.
    Ma deuxième observation, c'est que les États-Unis seront toujours notre principal partenaire commercial, notre allié en matière de défense et de sécurité et le coresponsable de la gestion de notre environnement commun. Nous ne pouvons pas changer la réalité géographique, et nous ne le voudrions pas non plus.
    Nous pensons tout savoir des États-Unis. C'est faux. J'encourage les parlementaires à se rendre aux États-Unis et à cultiver des relations avec les membres du Congrès, sur divers enjeux locaux, régionaux ou politiques. Ces relations ont beaucoup à nous apporter, d'autant plus que les États-Unis sont las des grands empêtrements internationaux et se referment de plus en plus sur eux-mêmes, au point de prendre un virage isolationniste.
    Pour gérer l'oncle Sam, il y a trois choses à ne pas oublier.
    Premièrement, notre influence à l'étranger dépend de la perception extérieure de notre accès à Washington et de notre compréhension des Américains. Pour leur part, les États-Unis sont toujours à l'écoute de nos renseignements et des idées constructives que nous pouvons leur apporter. Encore une fois, cela exige une diplomatie mondiale active et agile, qui comprend une présence dans des endroits où les États-Unis ne sont pas, comme Pyongyang, Téhéran et La Havane.
    Deuxièmement, comme Brian Mulroney le disait, nous pouvons être en désaccord sans être désagréables. Les Américains savent recevoir les critiques. Ce qu'ils ne peuvent pas tolérer, ce sont les tergiversations et les faux-fuyants.
    Enfin, il faut éviter de leur faire la morale. Soyons attentifs à ce conseil de Lester Pearson: « au fur et à mesure que les difficultés américaines augmentent, il faut résister à toute tentation de verser dans l'arrogance et à tout sentiment de supériorité » et « notre propre expérience, alors que nous sommes aux prises avec nos propres problèmes, ne nous permet pas de condamner qui que ce soit ».
    Ma troisième observation, c'est qu'il faut trouver un équilibre entre nos relations bilatérales avec les États-Unis et un multilatéralisme actif visant à créer des normes et des règles. Il faut renouer avec le fonctionnalisme, c'est‑à‑dire que dès qu'on a des intérêts et des compétences pertinentes, on mérite sa place à la table. Le fonctionnalisme permet aux puissances de petite ou moyenne envergure de jouir de règles équitables par rapport aux grandes puissances, qui nous ramèneraient sinon à un système fondé sur les sphères d'influence, où les grands dictent le jeu aux petits.
    En conclusion, plus que pour la plupart des autres pays, le sentiment d'identité des Canadiens tient beaucoup à la façon dont nous agissons et dont nous sommes perçus dans nos actions à l'étranger. La prospérité du Canada dépend tout particulièrement de notre capacité de commercer et d'investir à l'étranger et d'attirer de nouveaux arrivants talentueux. Cela signifie que pour renforcer nos capacités diplomatiques, nous devons nous engager tout aussi fermement à renforcer nos forces armées qu'à renforcer notre aide diplomatique.
    Merci, monsieur le président.
    Merci beaucoup, monsieur Robertson.
    Nous allons maintenant passer aux questions des membres du Comité; nous allons commencer par M. Epp.
    Vous avez cinq minutes, monsieur.
(1220)
    Merci, monsieur le président, et merci aux témoins. La technologie est merveilleuse, mais en personne, c'est beaucoup mieux.
    Je vais commencer par vous, monsieur Burton. Vous avez critiqué la diminution du pouvoir de contraindre du Canada. Nombreux sont ceux qui demandent que le rôle du Canada dans le monde se limite à exercer un pouvoir de convaincre. Pouvons-nous exercer un pouvoir de convaincre sans pouvoir de contraindre?
    Non.
    Monsieur Robertson, allez‑y.
    Non. Il y a des années, le fils de M. Pearson, Jeff Pearson, était un diplomate canadien et il est devenu notre ambassadeur à l'ONU et à Moscou. Pendant un dîner, nous avons parlé de tout ce que nous faisions.
    Il m'a dit que ce que le gouvernement de l'époque avait oublié, c'est qu'on ne peut pas exercer un pouvoir de convaincre sans pouvoir de contraindre. Son père avait bien compris que nous avions si bien réussi dans la période d'après-guerre — ce qu'on appelle « l'âge d'or » — en grande partie parce que le pouvoir de convaincre était soutenu par le pouvoir de contraindre. M. Pearson et les diplomates de cette période comprenaient cela. Je pense que les deux gouvernements de cette période l'avaient également compris.
    Merci.
    Je vais revenir à M. Burton.
    Le Canada n'a pas été inclus dans l'accord des trois nations de 2021 visant à contrer l'influence chinoise.
    Pourquoi?
    J'étais à Washington il y a trois semaines, et nous en avons parlé.
    Honnêtement, particulièrement sous le premier ministre actuel, je pense qu'on a l'impression que le Canada ne mérite pas de faire partie de ces institutions multilatérales importantes, ou de ce que nous appelons des institutions « minilatérales ». Notre contribution n'est tout simplement pas suffisante. La déclaration de notre premier ministre selon laquelle nous ne respecterons jamais les 2 % est tombée comme une pierre dans un étang.
    Le Canada tient beaucoup de beaux discours, mais il n'offre pas ce qu'il faut pour être considéré comme un intervenant responsable au sein de ces institutions.
    C'est sans compter les problèmes de fuite de renseignements provenant de documents confidentiels qui sont partagés entre les membres du Groupe des cinq.
    Merci.
    Vous avez dit que la contribution du Canada n'est pas suffisante. M. Balkan Devlen, qui faisait partie du premier groupe de témoins, a expliqué que les priorités du service extérieur du Canada devraient être, bien sûr, notre relation avec les États-Unis, nos relations commerciales et la contribution du Canada.
    Êtes-vous d'accord avec cette affirmation en ce qui a trait aux priorités?
    Je vais demander à M. Burton de répondre en premier.
    Je pense que nous ne devrions certainement pas chercher à nous mettre en porte‑à-faux avec les États-Unis. Il ne fait aucun doute que ce pays est notre principal partenaire et que nous devons continuer à compter sur lui.
    Je ne suis pas d'accord pour dire que nous devrions nous concentrer entièrement sur le commerce. Je pense que nous devons porter beaucoup plus attention à la menace à la sécurité que représentent la Russie et la Chine, en particulier dans le Nord de notre pays, et à la menace à la sécurité qui vise à nous miner partout.
    Quand j'ai appris que les Chinois tentaient de s'en prendre à la famille de M. Chong pour faire pression sur lui, je me suis dit qu'il y avait là un grave problème auquel nous devrions nous attaquer de façon beaucoup plus rigoureuse.
    Merci.
    Monsieur Robertson, vous avez aussi témoigné dans le cadre de l'étude du Sénat. Compte tenu de cette étude et des 29 recommandations, que faisons-nous ici?
    Que pouvons-nous ajouter autour de cette table à l'étude du Sénat?
    Je pense que le rapport du Sénat est assez complet, et je vous encourage à examiner les recommandations qu'il contient, à choisir celles qui vous semblent les plus pertinentes et à les appuyer.
    Au bout du compte, tout se résume à l'argent, et, dans certains cas, probablement à un redéploiement des ressources.
    L'un des commentaires formulés dans le rapport du Sénat est que le ministère est très hiérarchisé, qu'il est trop concentré au pays et qu'il n'est pas assez présent à l'étranger, comme on le dit. Je suis tout à fait d'accord.
    Vous devriez appuyer cela. Je crois que la ministre et le sous-ministre aimeraient aller dans cette direction, mais je pense qu'il serait utile que votre comité les encourage à cet égard.
    Je pense que nous avons besoin de plus de gens au sein du service extérieur et de moins de comptables. Au bout du compte, c'est ce dont nous avons besoin.
    Il y a le conflit à Gaza et le conflit en Ukraine. Nous n'avons tout simplement plus la capacité de jouer un rôle. Nos forces armées sont dans une situation semblable, mais notre service extérieur en particulier n'est pas à la hauteur. N'oubliez pas que le service extérieur est à peu près de la même taille qu'il y a près de 50 ans, et pourtant, la population du Canada a augmenté d'un tiers. Si nous voulons jouer un rôle, nous devons investir dans le service extérieur.
    Encore une fois, je souligne que tout cela fait partie d'un ensemble…
    Si vous me le permettez, j'aimerais vous poser une autre question. Elle est dans la même veine. C'est exactement là où je voulais en venir.
    Compte tenu des contraintes en matière de ressources, quelles seraient vos priorités? Vous avez critiqué le fait de couper dans l'étude des langues au lieu de couper dans les échelons supérieurs de la hiérarchie.
    Quelles seraient vos priorités et dans quels domaines pourrions-nous en faire moins?
    Les langues sont vraiment importantes. Nous l'avons fait valoir. Il faut pouvoir comprendre les cultures et faire preuve d'empathie à leur égard. Couper dans l'étude des langues, c'est faire preuve d'un manque total de vision, surtout dans un pays comme le nôtre, où il y a des gens qui peuvent probablement...
    Il faut un tout nouveau regard sur la façon dont nous gérons les ressources humaines au sein du ministère des Affaires étrangères. Il faudrait probablement procéder à une réaffectation des ressources. Je le répète, il faut un service extérieur moins concentré au pays et plus présent à l'étranger.
    J'ai passé la moitié de ma carrière à l'étranger. Aujourd'hui, les gens passent peut-être 10 % de leur carrière à l'étranger. Cela ne rend pas le service extérieur très efficace.
(1225)
    Merci.
    La parole est maintenant à M. Alghabra.
    Vous disposez de cinq minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Je regrette de ne pas être là avec vous tous, mais je suis reconnaissant d'avoir l'occasion de poser des questions à nos témoins.
    On dit souvent que les valeurs dont nous faisons la promotion et les intérêts que nous défendons façonnent la politique étrangère. Il y a un autre facteur qu'on reconnaît, mais dont on parle rarement publiquement, et c'est la politique. Dans une démocratie, les citoyens et la société civile ont un rôle à jouer dans le façonnement de nos politiques, mais ce n'est pas [difficultés techniques]
    Ma question est la suivante: si notre comité devait offrir des recommandations au gouvernement sur la façon de promouvoir la participation de la société civile et des citoyens au façonnement des politiques, tout en nous protégeant du point de vue cynique selon lequel les politiques peuvent être achetées et vendues, que proposeriez-vous que nous recommandions au gouvernement ou que nous étudiions?
    Je pose la question d'abord au professeur Imseis.
    Je pense qu'il s'agit de faire exactement ce que vous faites en ce moment. Discuter avec des gens qui sont bien renseignés, recueillir de l'information et veiller à ce que le gouvernement agisse selon certaines valeurs.
    On nous dit, par exemple, que nous avons des valeurs en commun avec divers pays dans le monde avec lesquels nous entretenons des relations étroites et solides, mais ces pays violent les principes les plus fondamentaux du droit international que nous prétendons respecter. Il est donc clair que nos valeurs ne valent pas grand-chose lorsque nous tenons compte d'autres facteurs.
    Il est important pour notre fonction publique, peu importe qui est au pouvoir, de veiller à ce que les valeurs demeurent solides et conformes aux politiques progressistes des puissances moyennes. Voilà quelle devrait être l'empreinte du Canada sur la scène internationale.
    Merci.
    Monsieur Robertson, allez‑y.
    Eh bien, je sais que le Comité s'est demandé s'il devait procéder à un examen de la politique étrangère. J'aimerais qu'on fasse comme nous avons fait dans les années 1990, lorsqu'un comité parlementaire mixte du Sénat et de la Chambre a fait le tour du pays pour étudier nos relations étrangères, y compris dans les domaines de la défense et du développement.
    Je pense que les parlementaires sont les mieux placés pour écouter les Canadiens. Vous représentez les Canadiens. En parcourant le pays, vous obtiendrez de nombreux points de vue.
    Le comité mixte a publié un rapport au bout d'environ six mois. C'est beaucoup plus efficace que de confier un tel examen à Affaires mondiales, où mener une telle étude équivaut à une visite des démenteurs. Il faut des années et des années avant d'obtenir un résultat. Prenons par exemple notre stratégie indo-pacifique, qui a pris cinq ou six ans, et nous n'avons toujours pas de cadre pour l'Arctique.
    En tant que parlementaires, si vous décidez d'effectuer un tel examen et que vous pouvez le réaliser en six mois, je pense que ce serait une option tout à fait logique. Vous pourriez dégager l'essentiel, c'est‑à‑dire déterminer les intérêts des Canadiens, expliquer comment nos valeurs appuient nos intérêts et établir, en tant que parlementaires, ce sur quoi vous estimez que le gouvernement devrait se concentrer.
    Je trouve qu'il est parfois impossible au sein d'Affaires mondiales ou de certains autres ministères de s'entendre sur quoi que ce soit au sujet de nos priorités. Il appartient au gouvernement de déterminer les priorités, et je pense que les parlementaires ont pour rôle d'aller sur le terrain, d'écouter, de faire rapport et de proposer une liste des priorités.
    J'ai une dernière question à vous poser.
     Monsieur Imseis, vous avez parlé des valeurs, mais nous avons aussi parlé des intérêts. Que se passe‑t‑il lorsqu'il y a une tension entre les valeurs et les intérêts? Nous savons que cela se produit parfois, par exemple, avec notre principal partenaire commercial, les États-Unis. Comment pouvons-nous résoudre ces tensions ou ces questions lorsqu'elles surgissent?
    À mon humble avis, ce qui nous a nui entre autres, c'est que nous avons tenté à deux reprises, il y a environ 10 ans, je crois, d'obtenir un siège au Conseil de sécurité des Nations unies, et nous avons échoué à chaque fois au profit de pays beaucoup plus petits, relativement parlant: l'Irlande, je crois, et la Norvège, si je me souviens bien, qui ont tous deux une présence plus importante sur la scène internationale et des liens beaucoup plus profonds avec l'hémisphère Sud et qui, sur le terrain, agissent en fonction des valeurs auxquelles s'attend la communauté internationale au XXIe siècle.
    Nous avons échoué deux fois plutôt qu'une, et c'est parce que nous avons laissé tomber nos valeurs et nous ne les avons pas respectées.
(1230)
    Merci.
    Il vous reste 10 secondes, monsieur Alghabra.
    Monsieur Robertson a peut-être quelque chose à ajouter à ce sujet.
    Je pense que nos valeurs orientent nos intérêts, et que nous établissons parfois une fausse dichotomie entre les deux, alors je ne comprends pas… Je pense que nous tournons en rond. Au bout du compte, nos valeurs devraient guider nos intérêts.
    Merci.
    La parole est maintenant à M. Bergeron.
    Vous disposez de cinq minutes, monsieur.

[Français]

     Merci, monsieur le président.
    Monsieur Robertson, vous avez assisté à l'échange que nous avons eu, il y a quelques instants, avec les représentants de la Société nationale de l'Acadie.
    Dans un article publié dans le magazine Policy en mai 2022, vous écriviez que le gouvernement devait mettre pleinement en œuvre les recommandations du rapport du Sénat intitulé « La diplomatie culturelle à l'avant-scène de la politique étrangère au Canada », particulièrement celle qui concerne la création d'une stratégie globale de diplomatie culturelle qui serait dotée de ressources et mesurée par la suite.
    Pourriez-vous nous en dire davantage?

[Traduction]

    Eh bien, je pense que le rapport du Sénat était excellent. Tout au long de ma carrière, la diplomatie culturelle, la diplomatie publique, a été un élément important de notre travail.
    Il faut toutefois que le financement soit adéquat. Comme nous l'avons entendu encore une fois aujourd'hui, le financement de ces programmes a été réduit à néant, même s'ils sont extrêmement précieux.
    J'ai été affecté à Los Angeles. Nous avons mené une grande campagne pour essayer de remporter un Oscar pour l'un de nos grands films québécois, un film de Denys Arcand. Nous avons réussi en travaillant en étroite collaboration avec le bureau du Québec là‑bas et avec les artistes canadiens.
    Cela nous a donné de la visibilité, ce qui m'a permis de parler d'autres choses, comme le commerce et l'investissement dans les secteurs de la viande et des pommes de terre. Si nous excellons sur le plan culturel, alors on pense que notre pays a quelque chose à offrir. Notre pays a une culture superbe.
    J'appuie ce rapport du Sénat, mais il a malheureusement été mis de côté. J'espère que cela n'arrivera pas à l'autre rapport du Sénat, qui vient d'être publié.

[Français]

     Vous avez parlé des relations avec la délégation du Québec à Los Angeles.
    Dans ce même article, vous disiez qu'il fallait plus mettre l'accent sur les partenariats avec les représentants provinciaux, plus particulièrement ceux du Québec, qui disposent d'un service extérieur extrêmement développé.
    Pourriez-vous en dire davantage sur cette autre recommandation?
    Bien sûr.
    J'ai passé la plus grande partie de ma carrière outre-mer et, à chacune de mes affectations, il y avait une délégation du Québec. Selon mon expérience, nous avons bien travaillé ensemble. C'était la meilleure façon de procéder, car la délégation du Québec pouvait faire des choses que je ne pouvais pas faire. Ensemble, nous formions une grande force. Nous avons bien travaillé ensemble dans tous les domaines, que ce soit en matière de commerce ou d'environnement. Franchement, cela se passe beaucoup mieux outre-mer qu'à Ottawa, parce que, au bout du compte, nous avons les mêmes objectifs et les mêmes cibles.
    Comme je l'ai dit à plusieurs reprises, la complicité entre les délégations du Québec et celles des autres provinces, sans oublier celles du fédéral, est très importante, parce qu'il s'agit d'ouvrir des portes pour promouvoir nos industries, nos intérêts et nos valeurs.
    Ensemble, nous sommes une force.
    On peut également le faire avec un certain nombre de représentants de la société civile, comme la Société nationale de l'Acadie, comme on l'a évoqué plus tôt.
    En terminant, monsieur Robertson, dans ce même article, vous évoquiez également le fait qu'il fallait réduire les nominations partisanes.
    Avez-vous le sentiment que les nominations partisanes au sein du service extérieur sont une tendance qui va en s'accroissant et qui mine non seulement la crédibilité du service, mais peut-être également l'enthousiasme et la motivation des troupes au pays?
(1235)
    Oui.
    Au début, je trouvais que nous travaillions ensemble pour promouvoir les intérêts nationaux du Canada. Avec le temps, j'ai constaté que la politique intervenait de temps en temps, ce qui est naturel, car c'est une réalité. Cependant, je veux souligner qu'il est très important que vous, les parlementaires, et votre comité travailliez ensemble aussi.
    Si tous les parlementaires appuyaient le projet visant à améliorer notre service extérieur, cela nous aiderait beaucoup. Le gouvernement doit entendre cela.
    Cependant, avez-vous le sentiment que les nominations partisanes prennent de l'ampleur?

[Traduction]

    Votre temps est écoulé, monsieur.
    Madame McPherson, vous disposez de cinq minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Je vous remercie tous les trois pour votre témoignage aujourd'hui. C'est très instructif.
    Monsieur Imseis, je vais vous poser quelques questions.
    Vous avez dit que tout est dans la crédibilité. Vous avez parlé des valeurs canadiennes et du fait que notre politique étrangère doit être fondée sur ces valeurs. Je me demande si vous pourriez parler du cas du Yémen, de la coalition dirigée par l'Arabie saoudite et de l'approche du Canada à l'égard de ce conflit.
    Au cours de la guerre, le Canada a publié de nombreuses déclarations condamnant les Houthis, mais il a omis de nommer la coalition saoudienne, malgré les nombreux rapports faisant état d'attentats à la bombe contre des écoles, des hôpitaux et des marchés.
    Le Canada a, bien sûr, exporté des armes destinées à la coalition pendant ce conflit. Quelles sont vos préoccupations à ce sujet?
    Comme les membres du Comité le savent, j'ai eu le grand plaisir d'être nommé par le Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l'homme à la commission d'enquête des Nations unies sur le Yémen. J'ai occupé ce poste pendant deux ans, entre 2019 et 2021, et j'ai été aux premières loges de la position du Canada. J'ai été très heureux de constater — et c'est tout à l'honneur de la mission du Canada à Genève en particulier — le grand soutien que les Canadiens à Genève ont apporté à notre travail à la commission d'enquête. En principe, ils étaient là pour se battre bec et ongles pour notre mission, pour le renouvellement de notre mandat, avec d'autres États aux vues similaires. À mes yeux, cela a démontré que notre politique étrangère allait dans la bonne direction, du moins en ce qui concerne nos valeurs en matière de reddition de comptes.
    D'un autre côté, et c'est un peu contre-intuitif, le gouvernement canadien fournissait des armes à la coalition menée par l'Arabie saoudite, et la commission d'enquête dont je faisais partie faisait rapport chaque année au sujet de cette coalition. C'était du domaine public, alors nous nous sommes sentis obligés d'en parler. Le Canada n'est certainement pas le plus important fournisseur d'armes aux parties du conflit au Yémen, c'est‑à‑dire à la coalition dirigée par l'Arabie saoudite, mais il est parmi les plus importants, alors il y a une incongruité. D'une part, le Canada demandait des comptes par l'entremise de la commission d'enquête des Nations unies, dont j'ai fait partie, et pour cause. D'autre part, il fournissait des armes à l'une des parties au conflit, alors que nous avions des motifs raisonnables de croire que cette partie bombardait sans discernement la population civile partout au pays, comme nous l'avions constaté dans le cadre de nos rapports et de nos enquêtes.
    Cet exemple met en lumière ma préoccupation au sujet de la congruence entre ce en quoi le Canada dit croire, d'une part, et ce qu'il fait, d'autre part. Je suis de tout cœur avec les gens de notre mission à Genève et je les félicite. Il ne peut pas être facile pour un diplomate d'expliquer cela au reste du monde. En tant qu'universitaire indépendant, en tant que membre de la commission d'enquête et en tant que fier Canadien, je sais qu'il m'était impossible, en toute conscience, de faire ce travail autrement. La crédibilité du travail de la commission d'enquête aurait autrement été remise en question si je n'avais pas parlé du commerce des armes au Canada. C'est un problème.
    Selon moi, l'un des grands problèmes, c'est que le reste du monde voit que le Canada choisit la façon dont il applique le droit international et dont il appuie la Cour pénale internationale et la Cour internationale de justice. C'est extrêmement problématique. Comme vous l'avez mentionné, nous avons perdu un siège au Conseil de sécurité. Il y a de nombreuses économies émergentes qui… Les pays du Sud examinent les décisions prises par le Canada, et ils ne nous considèrent plus comme un acteur légitime et éthique. Nous sommes en train de perdre l'avantage que notre réputation nous procurait en tant que pays.
    Vous avez beaucoup parlé de ce qui se passe, des atrocités horribles qui se produisent actuellement à Gaza. J'aimerais que vous nous parliez un peu de la question de la reconnaissance de l'État palestinien. Notre comité devrait‑il pousser le gouvernement canadien à reconnaître l'État palestinien? Cela aiderait‑il à faire avancer les processus politiques et judiciaires?
(1240)
    En un mot, la réponse est oui. Je n'ai aucun doute à ce sujet. Je vous explique.
    Le gouvernement du Canada affirme qu'il appuie la solution à deux États. Un de ces États est reconnu par le Canada, et ce depuis longtemps, depuis 1949. D'ailleurs, nous avons joué un rôle dans le partage de la Palestine. Vous êtes tous au fait du rôle qu'a joué le juge Ivan Rand, qui a siégé à la Commission spéciale des Nations unies pour la Palestine.
    Parallèlement, l'autre partie, qui est sous occupation militaire étrangère depuis maintenant 56 ans, est un État au regard du droit international, et est reconnue par 139 États membres des Nations unies. Le Canada fait figure d'exception. Je ne vois pas pourquoi il ne pourrait pas reconnaître le territoire de la Palestine, qui est un territoire occupé, et ce pour une raison: Israël, en tant que puissance occupante, n'est pas souverain et ne peut l'être sur ce territoire. Pourquoi ne pas le reconnaître en espérant que les deux États, qui auraient tous deux des responsabilités et des obligations en vertu du droit international, nouent le dialogue et cheminent vers la paix?
    Merci beaucoup.
    Merci.
    Nous passons maintenant à M. Chong.
    Monsieur Chong, vous avez trois minutes.
    Merci, monsieur le président.
    J'ai lu le rapport du Sénat la semaine dernière, et la recommandation 8 est celle qui m'a le plus étonné: « Le gouvernement du Canada devrait s'assurer que les hauts fonctionnaires d'Affaires mondiales Canada, y compris les sous-ministres, possèdent une connaissance et une expérience approfondies des affaires internationales. » J'ai été surpris qu'il ait fallu formuler cette recommandation dans le rapport du Sénat.
    Toutefois, je veux me concentrer sur l'objet de cette réunion: l'appareil gouvernemental et la gestion de notre diplomatie à Affaires mondiales Canada. Ma première question porte sur deux recommandations. L'une propose de confirmer qu'Affaires mondiales Canada est un organisme central, et l'autre propose de demander le statut d'organisme distinct pour Affaires mondiales Canada. Je me demande si M. Burton et M. Robertson pourraient nous en dire plus à ce sujet.
    J'aimerais beaucoup qu'Affaires mondiales Canada s'éloigne davantage des jeux politiques de l'heure. Si ces dispositions le permettent, c'est une bonne idée.
    Au bout du compte, nous avons besoin de ressources supplémentaires et d'un déploiement plus efficace des ressources.
    Avons-nous besoin de plus de ressources ou devons-nous les réaffecter? Le rapport du Sénat contient deux recommandations relatives à la réaffectation des ressources. La première propose de réduire le nombre de cadres supérieurs — sous-ministres adjoints, sous-ministres et directeurs généraux — au sein du ministère afin de réaffecter les économies réalisées ailleurs. La seconde suggère de donner un plus grand pouvoir décisionnel aux fonctionnaires de niveau intermédiaire afin de débloquer les goulets d'étranglement actuels causés par la concentration du processus décisionnel au sein de la haute gestion.
    Je suis tout à fait d'accord avec ces recommandations, car nous devons tirer le meilleur parti des ressources dont nous disposons. J'ai écrit quelques articles à ce sujet. Je pense que nous devrions nous concentrer davantage sur le Nord. Nous devons le faire sérieusement et non pour la forme. D'autres régions devront être mises de côté. Nous ne pouvons pas être partout tout le temps.
    Je suis tout à fait d'accord avec vous en ce qui concerne la réduction du nombre de fonctionnaires au sein de la haute gestion. Dans le domaine des affaires étrangères, tout le monde veut devenir directeur général ou ambassadeur, et je pense qu'au fil des ans, on a répondu à ces aspirations professionnelles en augmentant le nombre de cadres supérieurs. Cela ne sert pas les intérêts du Canada.
    Qu'en pensez-vous, monsieur Robertson?
    Je dirai simplement qu'il s'agit d'un excellent rapport, en grande partie parce que sa rédaction a été chapeautée, comme vous le savez, par le président et le vice-président du comité sénatorial, qui sont tous deux d'anciens sous-ministres aux Affaires étrangères. Ils ont mis leur siècle d'expérience au service de ce rapport.
    C'est pourquoi ce rapport est si important. Les recommandations sont d'une subtilité qui ne peut provenir que de ceux qui ont accumulé une longue expérience dans un poste supérieur et qui ont fait face à tous les problèmes.
    J'aimerais poser une question très brève.
    Le rapport recommande qu'Affaires mondiales Canada remplace l'examen d'entrée à la fonction publique...
(1245)
    Je suis désolé, mais votre temps est écoulé, monsieur Chong. Vous avez largement dépassé les trois minutes qui vous étaient imparties.
    Monsieur Oliphant, c'est à vous. Vous avez trois minutes.
    Je vous remercie de votre participation aujourd'hui.
    Je me sens quelque peu poussé à être sur la défensive. J'essaie de ne pas l'être, mais pour reprendre les mots de Mark Twain, la nouvelle de notre mort, je pense, est grandement exagérée. Je voudrais dire deux ou trois choses à ce propos.
    En ce moment, l'opinion du Canada sur la situation en Guyane et la menace que fait peser le Venezuela est largement sollicitée au sein du Commonwealth. On nous demande sans cesse de faire preuve de leadership à ce sujet. Vous ne le savez peut-être pas, mais la position du Canada est encore très solide dans bon nombre de grandes organisations desquelles nous faisons partie, comme la Francophonie et le Commonwealth.
    J'aimerais également ajouter que, lorsque les dirigeants de l'initiative des États du Golfe et des États arabes et musulmans se sont adressés aux cinq membres permanents du Conseil de sécurité des Nations unies et à la présidence de l'Union européenne, assurée par l'Espagne, ils se sont aussi tournés vers le Canada. Dans leur mission autour du monde, ils se sont tournés vers les cinq grandes puissances qui sont membres permanents du Conseil de sécurité, ainsi que vers le Canada et l'Espagne, qui assure la présidence de l'Union européenne.
    Nous devons faire preuve d'honnêteté envers les gens qui nous écoutent aujourd'hui, et reconnaître que le leadership du Canada n'est peut-être pas aussi fort qu'il devrait l'être, mais nous exerçons encore un leadership. Nous tiendrons compte de ces recommandations.
    Monsieur le président, j'aimerais saisir cette occasion, malheureusement — je n'aime pas faire cela, mais il se peut que la Chambre s'ajourne bientôt —, pour présenter une motion que j'ai inscrite au Feuilleton, et dont j'ai donné avis. Il s'agit de la motion relative à l'Afrique.
    Elle se lit comme suite:
Que, conformément à l'article 108(2) du Règlement, et à la suite de l'établissement d'une mission spécialisée et d'un observateur permanent auprès de l'Union africaine, reconnaissant les intérêts communs et la coopération du Canada avec les pays du continent africain au sein d'organisations multilatérales comme la Francophonie, le Commonwealth et les Nations Unies, ainsi que de solides liens interpersonnels entre les Africains et les Canadiens, et en vue de continuer à renforcer les efforts du Canada pour collaborer avec les partenaires africains sur des priorités communes;
a) le Comité entreprend une étude sur l'approche du Canada à l'égard de l'Afrique;
b) que cette étude examine:
i) l'engagement diplomatique et géopolitique du Canada auprès des pays du continent africain, y compris la façon dont cet engagement est coordonné avec le Programme d'aide internationale du Canada et les travaux du Canada sur la Stratégie de coopération économique Canada-Afrique,
ii)  la situation politique et sécuritaire au Sahel, y compris les répercussions sur les Canadiens et les intérêts canadiens, et
iii) l'aide humanitaire et au développement du Canada en Afrique subsaharienne;
c) que l'étude comprenne un minimum de six rencontres;
d) que le Comité fasse rapport de ses conclusions à la Chambre;
e) que, conformément à l'article 109 du Règlement, le Comité demande une réponse complète du gouvernement.
    J'ai des exemplaires de cette motion. La motion a été envoyée jeudi, je crois, et j'aimerais en parler pendant quelques instants.
    Non, je ne veux pas que nous en parlions. Nous voulons continuer à poser des questions aux témoins.
    Oui, mais conformément au Règlement, je peux présenter une motion.
    Monsieur le président, je propose l'ajournement du débat.
    Cette motion ne peut faire l'objet d'un débat.
    Nous allons passer au vote.
    (La motion est adoptée par 6 voix contre 5. [Voir le Procès-verbal])
    Le président: Merci.
    Nous poursuivons la réunion. Nous passons à M. Bergeron pour une minute et demie.
(1250)

[Français]

     Monsieur le président, avant cette séance, nous avons tenté de discuter avec nos collègues du gouvernement et, puisque le gouvernement a présenté sa motion, je présente la motion suivante:
Que, conformément à l'article 108(2) du Règlement, le Comité étudie les relations diplomatiques entre l'Inde et le Canada, qu'il consacre un minimum de quatre réunions pour entendre des témoins et que le Comité fasse rapport de ses observations et recommandations à la Chambre.
    Nous déposons également une copie de cette motion dans les deux langues officielles.
    Monsieur le président, puisque c'est le vœu du Comité, je vais revenir à nos témoins.
    Selon le récent rapport du Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international du Sénat, d’anciens membres de la Direction générale des affaires juridiques d'Affaires mondiales Canada ont exprimé des craintes quant à la perte d’expertise juridique au ministère. Nous avons pu le constater la semaine dernière lorsque nous avons posé des questions sur ce qui se passe en Israël et en Palestine. Les représentants du gouvernement étaient incapables de nous dire si, selon eux, ce qui s'y passe constitue une violation du droit international humanitaire.
    Monsieur Imseis, selon vous, y a-t-il lieu de s'inquiéter d'une perte de compétence en matière juridique au ministère des Affaires étrangères?

[Traduction]

    En toute franchise, rien d'autre ne peut l'expliquer. Les principes juridiques en jeu en Palestine occupée sont on ne peut plus clairs et bien connus, du moins de l'organe exécutif de ce pays, car on en parle avec lyrisme lorsqu'il s'agit de l'Ukraine. Il s'agit, entre autres, de l'inadmissibilité de l'acquisition de territoires par la force et du droit des peuples à l'autodétermination.
    Soit les employés d'Affaires mondiales Canada ou du bureau du premier ministre ne connaissent pas le droit, ce même droit, qui s'applique à la Palestine occupée, soit ils jouent à quelque chose de tout à fait différent, c'est‑à‑dire qu'ils choisissent d'appliquer le droit international lorsque cela sert nos objectifs — selon notre gouvernement —, même s'ils prétendent que nous nous y conformons de manière générale.
    Je vous remercie, monsieur Imseis.
    Nous passons à Mme McPherson.
    J'invoque le Règlement. J'ai proposé une motion pendant la dernière série de questions, et j'ai le droit d'en parler. J'ai demandé de vive voix si je pouvais parler de ma motion et M. Chong m'a interrompu alors que je la présentais.
    Aux fins du compte rendu, j'aimerais dire que j'ai le droit de parler d'une motion que je propose, et ce, peu importe à quel moment de la réunion je décide de le faire. Si j'ai la parole, je peux proposer une motion et je peux en parler. J'ai dit que je voulais me prévaloir de mon droit en la matière. Je n'ai pas pu le faire avant que l'on m'interrompe et que l'on donne la parole à M. Chong. Je veux que cela figure au compte rendu.
    J'invoque le Règlement. Je ne suis pas d'accord. Je pense que le président a fait un travail formidable en me donnant la parole, ce qui m'a permis de proposer l'ajournement du débat. Monsieur le président, j'appuie votre décision de m'avoir donné la parole. J'ai ensuite proposé une motion pour ajourner le débat pour que nous puissions entendre les témoins que nous avons appelés à témoigner au sujet de l'avenir de la diplomatie.
    Monsieur le président, j'appuie votre décision de m'avoir donné la parole. Cela m'a permis de proposer l'ajournement du débat. Je vous en remercie, monsieur le président.
    J'invoque le Règlement, monsieur le président. Je ne contestais pas votre décision. Je la respecte. Cependant, je ne pense pas qu'elle était juste ni qu'elle était conforme à la procédure que nous suivons à ce comité.
    C'est ce que je voulais dire. Je voulais que cela figure au compte rendu. J'espère qu'à l'avenir... Cela arrive lorsqu'un député propose une motion. Lorsqu'un député a la parole, il peut présenter une motion à n'importe quel moment. Nous arrêtons alors le chronomètre. Nous devons en effet interrompre les témoins, et je m'en excuse, mais la fin de la session approche et je me suis dit que les analystes pourraient peut-être travailler sur une nouvelle étude pendant les vacances.
    Nous voulons lancer une étude sur l'Afrique depuis un certain temps déjà. Nous disons que nous ne parlons pas assez de l'aide au développement, des conflits au Sahel et...
(1255)
    Monsieur le président, j'invoque le Règlement. Nous n'avons vraiment pas besoin de tenir ce débat en ce moment. Notre comité a déjà décidé qu'il mènerait une étude sur les questions relatives à Israël, la Palestine et l'Iran. J'ai proposé deux motions à ce propos. De toute façon, nous allons seulement nous pencher sur cette question à notre retour.
    Je ne vois vraiment pas pourquoi M. Oliphant aborde ce sujet maintenant. Il serait préférable qu'il le fasse pendant une réunion où nous traitons des travaux du Comité, car j'aimerais pouvoir entendre les témoins que nous avons invités aujourd'hui au sujet de dossiers très importants.
    À vrai dire, M. Oliphant ne fait qu'interrompre le dernier intervenant, et c'est moi. Je préférerais qu'il laisse...
    Le président: Non, il y aura une autre série de questions après votre tour.
    Mme Heather McPherson: J'avais mal compris, mais je préférerais que nous nous penchions sur cette question. L'étude sur l'Afrique...
    Le président: Pendant les travaux du Comité...
    Mme Heather McPherson:... est très importante, mais je pense que nous devrions en parler en février, à notre retour de la pause parlementaire.
    À propos de ce rappel au Règlement, j'inviterais M. Chong à faire part de son indignation à ses collègues conservateurs qui siègent au comité de l'environnement. Les députés conservateurs y proposent des motions, et cela nous empêche de poser des questions aux témoins. C'est un problème récurrent. Je vous inviterais à leur faire part de votre indignation.
    C'est une question de débat, madame Chatel.
    Merci.
    Nous passons maintenant à Mme McPherson.
    Vous avez une minute et demie.
    Je vous remercie, monsieur le président.
    Je remercie tous les témoins de leur présence. On a toujours recours à des tactiques de procédure pendant les réunions de comités, alors je vous remercie de votre patience.
    Monsieur Imseis, vous avez parlé de la Cour pénale internationale et de la Cour internationale de justice. Nous savons qu'il s'agit des deux seuls recours dont disposent les Palestiniens pour régler les différends de façon non violente ou pacifique. Le recours à ces mécanismes — la CPI et la CIJ — et le soutien du Canada à cet égard ne seraient-ils pas dans l'intérêt de tous? Vous pourriez peut-être nous en parler. Qu'arrive‑t‑il lorsque nous soutenons les demandes à cet effet en Ukraine et que nous ne le faisons pas dans d'autres régions, comme en Palestine?
    Vous avez tout à fait raison. Il y a deux poids, deux mesures, et cela sape notre crédibilité.
    Ces deux cours sont, comme vous l'avez dit, deux des seuls mécanismes qui peuvent être utilisés pour obtenir justice en Palestine, non seulement pour les victimes palestiniennes, mais aussi pour les victimes israéliennes. Il me semble incroyable que le gouvernement du Canada utilise ces mécanismes, la CPI — de fait, le Canada a été au cœur de la création de la CPI — et la CIJ, maintenant, pour des affaires qui concernent l'Iran et la Syrie, alors qu'il empêche le peuple de Palestine et d'autres victimes, y compris les Israéliens, d'y recourir. Cela revient à dire que ces gens ne peuvent pas résoudre ce conflit de façon pacifique, et que s'ils sont Palestiniens, ils ne peuvent pas recourir à la violence pour mettre fin à l'occupation de leur territoire, qui dure depuis 56 ans. L'occupation devait être temporaire. Elle dure depuis des générations.
    Si vous ne pouvez employer la violence ou d'autres recours juridiques non violents, que vous reste‑t‑il d'autre?
    Cette question a une incidence sur la crédibilité du Canada sur la scène internationale.
    Je vous remercie, monsieur Imseis.
    Nous passons aux conservateurs...
    Oui.

[Français]

    J'invoque le Règlement, monsieur le président.
    Il est maintenant 13 heures. Je dois partir.

[Traduction]

    D'accord, il y avait une autre... Il nous reste deux minutes.
    Monsieur le président, je propose que nous levions la séance.
    Et ils se demandent pourquoi notre diplomatie...
    Puisque les conservateurs nous ont forcés à ne rien faire d'utile pendant 30 heures, nous sommes un peu fatigués et irritables. Nous devons nous en remettre.
    D'accord, nous allons lever la séance. Avant de le faire...
    Un député: Non, vous devez lever la séance. Nous sommes saisis d'une motion d'ajournement, et nous devons donc lever la séance.
    Le président: Oui, vous avez raison.
    La séance est levée.
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